mercredi 28 septembre 2011

1564 : Le tour de France de Charles IX

Catherine de Médicis entraîne le jeune monarque dans un vaste périple. Entreprise téméraire par les temps qui couraient, mais ô combien appréciée par le peuple des régions traversées !
Cette année-là, la quatrième de son règne, Charles IX, quatorze ans, mais déjà majeur, apprenait encore son métier de roi sous la direction de sa mère, Catherine de Médicis, veuve d'Henri II (1519-1559), femme courageuse, parfois trop sûre d'elle mais dont la tâche était effroyable puisqu'il fallait garder dans l'unité un royaume déchiré entre catholiques et protestants, ou plutôt entre le farouche parti des Guise et celui, non moins farouche, des Bourbons. Le jeune Charles ne devait de régner qu'à la mort à seize ans, après dix-sept mois de règne, de son aîné François II (1560-1561), le pâle mari de la tragique Marie Stuart.
Cette année 1564, donc, alors que depuis un an le fragile traité d'Amboise assurait dans le pays une relative accalmie, Catherine décida de faire voyager le jeune roi et son petit frère AlexandreÉdouard, duc d'Orléans (futur Henri III), treize ans. Entreprise téméraire par les temps qui couraient, épuisante pour les voyageurs (mais Catherine était infatigable !), éprouvante pour les finances, mais ô combien appréciée par le peuple des régions traversées ! On partit de Fontainebleau le 13 mars. Le chatoyant cortège de plus de 2 000 personnes, dont la garde royale et les cavaliers, et de plus de 10 000 chevaux, tirant carrosses, litières, coches et chariots portant meubles et malles, regroupait les princes, les dignitaires, les panetiers, les échansons, les écuyers, etc. et des nuées de laquais. Des cardinaux faisaient route avec toute leur cour de clercs . Le chancelier Michel de L'Hospital, partisan de la tolérance à tout prix, était aussi du voyage.
Le Jour de l'An
On ne s'attarda pas à Sens, où avaient été exterminés trop de huguenots. À Troyes, le jeune roi édifia les bourgeois par sa piété en lavant le Jeudi saint les pieds de treize petits pauvres. De Châlons, on partit pour Bar-le-Duc saluer Claude, duchesse de Lorraine, fille de Catherine, et son fils premier né dont Charles fut le parrain. Ensuite, par Chaumont et Langres, on entra dans Dijon, tout acquise aux Guise. À Mâcon, vint se joindre au voyage Jeanne d'Albret, reine de Navarre, protestante enragée, avec son fils Henri de Bourbon (futur Henri IV), onze ans. Le 13 juin, à Lyon, l'accueil fut digne mais Catherine et le chancelier de L'Hospital s'évertuèrent à éviter les incidents.
En juillet, on aborda le Dauphiné et toute la Cour s'installa à Roussillon, aux confins du Vivarais dans un des châteaux du cardinal de Tournon, où le roi signa le 16 juillet l'édit royal fixant le commencement de l'année au 1er janvier, au lieu du 25 mars ou de Pâques auparavant selon les lieux.
Et ce fut Romans puis Valence. Or, le roi tomba malade : indigestion de cavalcades, d'entrées solennelles, de discours, de bals et de repas… L'on arriva quand même à Montélimar le 15 septembre avant d'entrer le 21 en terre provençale par Suze-la-Rousse, puis Avignon, où Charles, complimenté par le vice-légat du pape. aurait bien aimé séjourner. Mais Catherine, très superstitieuse, voulut rencontrer à Salon le mage Nostradamus… Ce que femme veut…
Vers le sud
L'on fut le 20 octobre à Aix très catholique, où le chancelier eut du mal à calmer la fièvre des parlementaires. À la Sainte-Baume on pria sainte Madeleine. Brignoles avait appelé les filles du pays à venir danser en tenue provençale ; le roi tout émoustillé déjeuna avec elles… La Toussaint se passa à Hyères où Charles vit pour la première fois la Méditerranée. Du fort de Brégançon à Toulon, il s'initia avec passion aux détails de la navigation, avant la plus radieuse des entrées dans Marseille le 6 novembre : toute la ville portait des banderoles avec des croix… On ne put accoster au château d'If mais on dîna dans une galère sur une mer démontée… Juste après, l'on resta prisonnier d'Arles par une crue du Rhône : Charles put contempler à loisir les Aliscamps jusqu'au 7 décembre où l'on ne fit que passer à Beaucaire, trop protestante, avant d'entrer dans Nîmes où l'accueil fut assez froid mais où le jeune roi impressionna tout le monde par sa fermeté face aux récriminations. Noël fut célébré à Montpellier, où catholiques et protestants ne se parlaient plus…
Laissons pour aujourd'hui cet extraordinaire cortège surmonter tant bien que mal entre Agde et Narbonne les rigueurs d'un hiver terrible ; nous le retrouverons l'année suivante sur le chemin du retour. À noter d'ores et déjà qu'au fur et à mesure que le cortège passait, les plus grands seigneurs venaient escorter leur jeune roi, tandis que dans les villes, si les autorités partisanes cachaient mal leur mauvaise humeur, le petit peuple, lui, se portait au devant de Charles, beau garçon élégant et aimable, toujours porté à se pencher vers les plus humbles et les plus petits. Comme l'écrit le duc de Levis-Mirepoix, « la monarchie et le pays ont pris une fois de plus conscience de l'entraide profonde qu'ils pouvaient s'accorder. Et quand vont refluer sur eux les épreuves il en restera comme une lueur d'espoir vacillante mais jamais éteinte. »
MICHEL FROMENTOUX L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 1er au 14 janvier 2009

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