mardi 30 novembre 2021

La Petite Histoire : Talleyrand, le diable boiteux – Les grands traîtres

 Il a servi tous les régimes et les a tous trahi lorsque ses intérêts étaient mis en cause. Noble devenu républicain, évêque passé au service de la Révolution, Charles Maurice de Talleyrand Périgord est indéniablement un diplomate de talent. Avec cynisme et machiavélisme, il a servi le roi comme la République, l’Empire comme la Restauration, la France comme les coalisés… Sa plus grande trahison restera celle qu’il mettra en œuvre pour faire tomber Napoléon, pour la plus grande joie du tsar Alexandre auquel il louera chèrement ses services. Si certains de ses accomplissements sont reconnus, Talleyrand n’aura jamais vraiment servi personne d’autre que lui-même, ce qui fait de lui l’une des girouettes les plus célèbres de l’Histoire de France. Retour sur le parcours sinueux de celui que l’on surnomme « le diable boiteux », et que l’Empereur qualifiera de « merde en bas de soie »…


https://www.tvlibertes.com/la-petite-histoire-talleyrand-le-diable-boiteux-les-grands-traitres

La révolte de Maritz et De Wet en 1914, annonce la revanche des Boers sur l'Angleterre 1/2

Francesco Lamendola

Ex: https://www.centrostudilaruna.it/rivolta-di-maritz-e-de-wet-sudafrica.html

La République d'Afrique du Sud, comme on l'appelle, avait quitté le Commonwealth britannique en 1949 et n'a été réadmise qu'en 1994, après la disparition de l'objet du litige avec le Royaume-Uni, c'est-à-dire après le démantèlement de la législation sur l'apartheid.

C'est la composante boer de la communauté européenne, installée au Cap de Bonne Espérance au 17ème siècle qui, pendant les guerres napoléoniennes (1797), fut repoussée à l'intérieur des terres par les Britanniques et qui a créé au 19ème siècle les deux fières républiques indépendantes du Transvaal et de l'Orange.

La grande migration des Boers au-delà du fleuve Orange, ou Great Trek, comme on l'appelle dans les livres d'histoire sud-africains, a eu lieu à peu près en même temps que l'arrivée des tribus bantoues du nord qui, originaires de la région des lacs d'Afrique orientale, repoussaient à leur tour les Bushmen et les Hottentots. Les Boers, et les Sud-Africains blancs en général, ont toujours nié la validité de l'affirmation selon laquelle une minorité blanche dans leur pays s'était imposée à une majorité noire, arguant au contraire qu'ils avaient atteint et colonisé les régions intérieures avant les Bantous, et non après.

Quoi qu'il en soit, les Boers ont mené deux guerres contre l'impérialisme britannique: une victorieuse en 1880-81, et une beaucoup plus dure en 1899-1902, qui s'est terminée par la défaite complète de la courageuse résistance boer, dirigée par le légendaire président Krüger. Le conflit avait été rendu inévitable non seulement par les projets expansionnistes grandioses de l'impérialisme britannique, incarné en Afrique par des hommes comme le financier Cecil Rhodes et par son célèbre slogan "du Caire au Cap" (de Bonne-Espérance), mais aussi et surtout par la découverte de riches gisements d'or et de mines de diamants sur le territoire des deux républiques boers.

Cette dernière n'était pas une victoire dont l'immense Empire britannique pouvait être fier: il n'a réussi à vaincre la résistance de ces petits paysans tenaces qu'après avoir déployé toutes les ressources humaines, matérielles et financières dont il disposait sur les cinq continents et qu'après que ses commandants aient eu recours à la tactique de la terre brûlée, en détruisant les fermes et les cultures, et surtout en transférant et en internant la population boer dans des camps de concentration, où des milliers de personnes sont mortes de privations et de maladies.

Il est vrai que la paix, signée à Pretoria le 31 mai 1902, et le traité ultérieur de Veereniging, qui sanctionne la souveraineté britannique sur les deux républiques, accordent des conditions relativement douces, voire généreuses, aux vaincus. Le gouvernement britannique a notamment pris en charge la dette de guerre du gouvernement du président Krüger, qui s'élevait à l'époque à 3 millions de livres, et a accordé un statut juridique spécial à la langue néerlandaise, ne reconnaissant pas encore la spécificité de la langue afrikaans.

Il convient de noter que le traité stipulait explicitement que les Noirs ne se verraient pas accorder le droit de vote, à l'exception de ceux résidant dans la colonie du Cap, où les colons britanniques constituaient la majorité blanche; car, dans l'Orange et le Transvaal, les Boers n'auraient jamais accepté une telle éventualité, même à moyen ou long terme.

L'intention du gouvernement britannique était d'intégrer progressivement les Boers dans leur propre culture, en commençant par l'éducation et la langue; mais le projet d'anglicisation des Boers par la scolarisation s'est avéré infructueux et en 1906, avec l'arrivée du parti libéral au gouvernement à Londres, il a été abandonné. De plus, les autorités britanniques ont dû reconnaître l'afrikaans comme une langue distincte du néerlandais, ce qui a constitué un premier pas vers le renversement du rapport de force au sein de la communauté blanche sud-africaine entre les colons d'origine britannique et ceux d'origine boer.

Une autre étape est la naissance, le 31 mai 1910, de l'Union sud-africaine, grâce à l'union des quatre colonies du Cap, du Natal, d'Orange et du Transvaal : Huit ans seulement après la conclusion d'une guerre extraordinairement sanglante et cruelle, caractérisée par des pratiques inhumaines typiquement "modernes", telles que la destruction des cultures, le déplacement forcé de populations entières et leur internement dans de véritables camps, l'Afrique du Sud devient un Dominion autonome au sein de l'Empire britannique, à majorité afrikaner; un processus qui culminera en 1931 avec la conquête de la pleine indépendance, votée par le Parlement de Londres avec le "Statut de Westminster".

Manie Maritz (1876-1940)

Un épisode peu connu du public occidental est celui de la révolte anti-britannique qui a éclaté dans l'Union sud-africaine en 1914, sous la direction des généraux boers Manie Maritz (tableau, ci-dssous) et De Wet, coïncidant avec le début de la Première Guerre mondiale, à laquelle l'Union elle-même a participé aux côtés de la Grande-Bretagne, notamment pour le fort soutien apporté à la cause britannique par des hommes prestigieux de la communauté afrikaner tels que Louis Botha et Jan Smuts.

En effet, toutes les blessures du dernier conflit n'avaient pas été cicatrisées et une partie de la population afrikaner, animée par de forts sentiments nationalistes, n'ignorant pas la sympathie (bien que seulement verbale) manifestée par le Kaiser Wilhelm II Hohenzollern pour la cause boer, pensait que l'heure de la rédemption avait sonné et se désolidarisait du gouvernement de Pretoria, appelant, en effet, à la lutte ouverte contre les Britanniques aux côtés de l'Allemagne.

De l'autre côté du cours inférieur de l'Orange, depuis 1884, la colonie allemande du Sud-Ouest africain (aujourd'hui la Namibie) était établie et les chefs insurgés afrikaners espéraient que de là - ou, plus probablement, d'une victoire rapide des armées allemandes en Europe - viendrait l'aide nécessaire pour vaincre les forces britanniques et hisser le drapeau de l'indépendance boer sur les terres de l'Orange et du Transvaal.

C'est ainsi que l'historien français Bernard Lugan, "Maître de Conférences" à l'Université de Lyon III, spécialiste de l'histoire africaine et professeur pendant dix ans à l'Université du Rwanda, a rappelé cet événement dans son livre Histoire de l'Afrique du Sud de l'Antiquité à nos jours (Paris, Librairie Académique Perrin, 1986 ; traduction italienne par L. A. Martinelli, Milan, Garzanti, 1989, pp. 195-99) :

"Lorsque la guerre éclate le 4 août 1914, l'Union sud-africaine se trouve automatiquement engagée, en tant que dominion britannique, du côté des Britanniques, c'est-à-dire dans le camp de l'Entente. La cohésion entre les deux composantes blanches de la population a été immédiatement affectée. Les anglophones acceptent l'entrée en guerre comme un devoir envers la mère patrie, tandis que les Afrikaners se divisent en deux groupes: le premier, suivant les vues de Botha et Smuts, proclame sa solidarité avec la Grande-Bretagne, le second, mené par Hertzog, propose que l'Union reste neutre jusqu'à une attaque directe. Le fondateur du parti nationaliste a rejeté toute obligation directe, et a affirmé le droit de l'Afrique du Sud à décider librement dans des situations dramatiques comme celle d'aujourd'hui. Lorsque, en septembre 1914, le Parlement du Cap accède à la demande de Londres d'enrôler un corps militaire dans l'Union pour l'occupation du Sud-Ouest africain allemand, une grande partie de l'opinion publique afrikaner réagit violemment. Une insurrection, menée par les anciens généraux boers Manie Maritz et De Wet, se propage rapidement parmi les officiers supérieurs de l'armée sud-africaine : douze mille hommes, principalement originaires d'Orange, prennent les armes contre leur gouvernement. Une guerre civile entre Afrikaners semblait imminente, et le risque était grand car les rebelles avaient proclamé la République sud-africaine :

    "PROCLAMATION DE LA RESTAURATION DE LA RÉPUBLIQUE D'AFRIQUE DU SUD

    Au peuple d'Afrique du Sud :

    Le jour de la libération est arrivé. Le peuple Boer d'Afrique du Sud s'est déjà soulevé et a commencé la guerre contre...

     LA DOMINATION BRITANNIQUE détestée et imposée.

    Les troupes de la Nouvelle République d'Afrique du Sud ont déjà commencé à se battre contre les troupes du gouvernement britannique.

    Le gouvernement de la République d'Afrique du Sud est provisoirement représenté par MM. Général MARITZ, Major DE VILLIERS, Major JAN DE WAAL-CALVINIA

    Le gouvernement rendra au peuple d'Afrique du Sud l'indépendance que l'Angleterre lui a volée il y a douze ans.

    Citoyens, compatriotes, vous tous qui souhaitez voir l'Afrique du Sud libre,

    NE MANQUEZ PAS DE FAIRE VOTRE DEVOIR ENVERS LE BIEN-AIMÉ

    ET BEAU DRAPEAU de quatre couleurs (le "Vierkleur") !

    Unissez-vous jusqu'au dernier homme pour restaurer votre liberté et votre droit !

    LE GOUVERNEMENT ALLEMAND, DONT LA VICTOIRE EST DÉJÀ ASSURÉE, A RECONNU LE DROIT D'EXISTENCE DE LA RÉPUBLIQUE SUD-AFRICAINE, et a ainsi montré qu'il n'a pas l'intention d'entreprendre la conquête de l'Afrique du Sud comme MM. Botha et Smuts l'ont prétendu au Parlement de l'Union.

    Kakamas, République d'Afrique du Sud, octobre 1914.

    LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE D'AFRIQUE DU SUD

    (Signé) MARITZ, DE VILLIERS, JAN DE WAAL".

À suivre

Paul Janin, un artiste dans la Grande Guerre

 

Paul Janin (1890-1973) est un très talentueux artiste lyonnais auquel les éditions du Signe rendent un bel hommage en publiant ce magnifique album composé de ses carnets de guerre et d’une grande partie de ses œuvres réalisées au cœur de la Première Guerre mondiale durant laquelle il fit son devoir d’homme et de Français au sein d’un régiment d’élite, le 152e régiment d’infanterie.

On lit avec émotion le témoignage de cet homme au sujet de ses quatre années passées sur le front qui le hanteront jusqu’à la fin de sa vie. Surtout, on s’arrête attentivement sur chacun de ses dessins et aquarelles ainsi que de quelques sculptures. Au-delà des croquis panoramiques et des études d’équipement et d’armement utiles à l’état-major, il y a surtout ces scènes de vie et ces portraits qui captent notre regard et nous plongent dans le quotidien terrible de ces soldats dont nous comptons tous quelques membres parmi nos ancêtres.

Champs de ruines, combats, douleur, mort et moments de détente dans les tranchées alternent au gré des pages avec un réalisme impressionnant.

En ce centenaire de la Grande Guerre de 1914-1918, ce livre passionnera à la fois amateurs d’art et d’histoire.

Paul Janin, Un artiste dans la Grande Guerre, préface du Colonel François-Régis Dabas, éditions du Signe, 306 pages, 35 euros

A commander en ligne sur le site de l’éditeur

https://www.medias-presse.info/paul-janin-un-artiste-dans-la-grande-guerre/84201/

La guerre de Staline Une nouvelle vision de la guerre à l'Est

  

On a dit que Staline avait été le grand vainqueur de la Seconde Guerre mondiale. Cette évidence et la façon dont Staline a contribué à provoquer cette guerre, en appliquant la stratégie du long terme, préalablement définie par Lénine, tel est le contenu d'un livre qui a suscité beaucoup d'attention Outre-Rhin, celui du Professeur de sociologie de Graz (Autriche), le Dr. Ernst Topitsch : Stalins Krieg : Die sowjetische Langzeitstrategie gegen den Westen als rationale Machtpolitik (Günter Olzog Verlag, Munich, 1985 = La guerre de Staline : La stratégie soviétique du long terme contre l'Ouest en tant que politique rationnelle de puissance). Par son livre, le Dr. Topitsch jette un regard complètement nouveau sur l'histoire de la dernière guerre et nous force à émettre des jugements très différents de ceux que l'on a eu l'habitude de poser depuis 1945. Le Dr. Karl Otto Braun nous donne, dans le texte qui suit, son opinion sur cet ouvrage fondamental qui oblige à une révision complète de l'histoire des rapports germano-soviétiques de ces 50 dernières années.

Si nous devions faire jouer l'histoire du monde sur une scène de théâtre, l'acte qui narrerait la Seconde Guerre mondiale aurait 4 personnages principaux : Roosevelt, Staline, Churchill et Hitler. Les projecteurs, dont le faisceau lumineux serait dirigé par les vainqueurs et les “juges” de Nuremberg, éclairerait uniquement Adolf Hitler, ses SS et ses camps de concentration. Les actes criminels perpétrés par ses adversaires, eux, en revanche, resteraient dans l'ombre, surtout les massacres collectifs de Staline, ceux qu'il a commis contre ses concitoyens koulaks, contre les Ukrainiens, les Polonais, les juifs sionistes et d'autres. Rappelons que l'on a interdit aux Allemands de procéder à des comparaisons historiques. Toute comparaison, dit-on, fausserait le calcul.

Les historiens qui osent faire dévier le faisceau lumineux de ces projecteurs, on les appelle des “révisionnistes”. Les Allemands, échaudés, tremblants de peur, blêmes de frousse, n'osent pas toucher aux projecteurs. C'est pourquoi, ironie de l'histoire, les historiens américains ont été les premiers à bousculer les tabous et à braquer les projecteurs sur les crimes des Américains ou plutôt sur les crimes de leur Président, qu'ils ont élu 4 fois de suite, Franklin Delano Roosevelt. Plus on libère les documents secrets, plus on s'aperçoit que le peuple américain a choisi comme Président un adepte fanatique du dieu Mars. « Il nous a menti pendant la guerre », disait une publiciste américaine réputée. « He was the greatest liar who ever sat in the White House » (Il a été le plus grand menteur qui ait jamais siégé à la Maison Blanche), me disait en 1983 l'adversaire le plus acharné de Roosevelt sur la scène de la politique intérieure américaine, Hamilton Fish (dont les mémoires sont parues en allemand en 1982 : H.F., Der Zerbrochene Mythos, F. D. Roosevelts Kriegspolitik 1933-1945, Grabert Verlag, Tübingen, 1982 ; = Le mythe brisé : La politique de guerre de F.D. Roosevelt entre 1933 et 1945). Donc les Allemands n'ont pas été les seuls à avoir un “Führer” qui vénérait un peu trop le dieu Mars.

Mis à part quelques prédécesseurs malchanceux, condamnés par la conspiration du silence, comme par ex. Sündermann et von Richthofen, quelques historiens allemands osent enfin, après une sorte de commotion qui dure depuis plus de 40 ans, modifier la position des projecteurs. Parmi eux, Dirk Bavendamm, à qui on doit un ouvrage magistral, [édité à très gros tirages, disponible en livre de poche, ndt] : Roosevelts Weg zum Krieg (Herbig, Munich, 1983 ; = Le chemin de Roosevelt vers la guerre). Son éclairage met en exergue Roosevelt en tant que fauteur de guerre, et confirme les thèses de plusieurs historiens américains comme Beard, Barnes, Chamberlin, Tansill, Hoggan, Martin et quelques autres.

Ernst Topitsch, quant à lui, braque le faisceau du projecteur sur Staline. Il écrit : « Ainsi, nous observons d'importantes mutations de perspective. Hitler et l'Allemagne nationale-socialiste perdent en quelque sorte leur centralité et déchoient pratiquement au rang d'un phénomène épisodique, de pièces dans ce jeu d'échecs qu'était la stratégie à long terme inaugurée par Lénine pour soumettre le monde capitaliste ». Staline, le “Géorgien démoniaque”, est rigoureusement resté fidèle à la conception de Lénine et a hissé la Russie au rang de superpuissance. Topitsch écrit : « Au fur et à mesure que le temps passe, nous nous apercevons de plus en plus clairement que Staline n'est pas seulement un géant de l'histoire russe comme Ivan le Terrible ou Pierre le Grand, mais aussi un géant de l'histoire mondiale » (p. 7).

Hitler, dans sa juste lutte contre les implications du Traité de Versailles, mène des négociations avec les Soviétiques, en concurrence avec les Anglais et les Français qui négocient de leur côté, et gagne cette première manche, surtout parce que ses vues sur la question polonaise plaisent mieux aux Russes, signe ensuite le Pacte Ribbentrop/Molotov et permet ainsi aux Soviétiques d'amorcer leur grande marche vers l'Ouest en conquérant les Pays Baltes et la Bessarabie. Le tribut que Hitler a payé à Staline à modelé le destin du monde à venir. Mais Staline n'était pas prêt à se contenter de ces gains territoriaux, pourtant très importants. Il s'est d'abord attaqué à la Finlande, alors que ce pays du Nord ne l'avait nullement provoqué. Ensuite, il a obligé son ministre des affaires étrangères Molotov à formuler à Berlin en novembre 1940 des exigences que l'Allemagne ne pouvait satisfaire et devait immanquablement rejeter, si elle ne voulait pas capituler sans broncher devant Staline. « Tout autre homme d'État allemand que Hitler, dans une telle situation, aurait réfléchi à la manière d'échapper à temps à cet étranglement » (p. 97).

Lors de l'entrevue de Berlin en novembre 1940, Molotov a une nouvelle fois insisté pour que les exigences soviétiques sur la Finlande soient satisfaites, a rappelé les intérêts russes en Bulgarie, en Roumanie, en Hongrie, en Yougoslavie et en Grèce. Mais il ne s'est pas contenté de réitérer ces vieilles revendications du panslavisme : il a soulevé les problèmes de la neutralité suédoise et du droit de passage dans le Sund, jusqu'au Kattegat et au Skarregak (p. 95). Ensuite, il a demandé à ses interlocuteurs allemands s'ils étaient d'accord pour prendre des mesures diplomatiques et militaires communes avec l'URSS et l'Italie au cas où la Turquie s'opposerait aux projets russes (p. 96). Toutes ces exigences dépassaient de loin les revendications russes traditionnelles, formulées de Pierre le Grand à Alexandre Isvolsky (p. 98). Topitsch estime néanmoins que les revendications de Molotov relèvent d'une « logique implacable ». Molotov voulait provoquer les Allemands, cherchait à faire endosser à Hitler l’opprobre de l'agresseur, de façon à ce que les intentions belliqueuses et conquérantes de Staline passent pour une “guerre patriotique et défensive”.

La stratégie à long terme de Moscou, après l'élimination de la France en 1940, de détruire définitivement le Reich, en tant que dernier bastion contre la domination absolue du bolchévisme en Europe. La réélection de Roosevelt le 5 octobre 1940 donnait le feu vert à Staline. Il pouvait désormais laisser libre cours à sa politique anti-allemande. Mais, but ultime de sa stratégie inspirée de Lénine, il avait également l'intention de jeter les Américains hors d'Europe.

En signant un pacte de neutralité avec le Japon le 13 avril 1941, Staline poursuivait une politique analogue : il voulait impliquer l'Empire du Soleil Levant dans un conflit de longue durée avec les États-Unis, tout comme il avait incité les Allemands à en découdre avec la Pologne (pp. 105-106). Tant les Polonais que Roosevelt adoptèrent aussitôt une attitude provocante. Le Kremlin renforça ses positions en Sibérie et face à la Chine. Il préparait cette dernière à une prise du pouvoir par les communistes, bien qu'officiellement il soutenait Tchang Kai-Tchek. Dans cette volte-face audacieuse, ce coup de poker, Staline a bénéficié non seulement de la « myopie américaine », comme le souligne Topitsch, mais aussi du travail des agents soviétiques influents introduits dans les rouages du pouvoir à Washington, surtout dans le célèbre Institute of Pacific Relations, où ils étaient très nombreux. Parmi les thèmes principaux du livre de Topitsch : le long combat occulte de Staline contre son allié anglo-saxon.

En été 1941, l'attaque allemande a d'abord paru réussir et les plans de grande envergure et les préparatifs militaires de Staline semblaient se solder par un cuisant échec. Le dictateur soviétique avait massé ses divisions offensives trop loin à l'Ouest parce qu'il leur imputait une puissance défensive qu'elles n'avaient en fait pas. Quand la guerre a éclaté, les capacités défensives de l'Armée Rouge se sont révélées nulles. « Les hommes politiques anglo-saxons qui étaient au pouvoir ne se sont pas aperçu qu'ils se trouvaient dans la situation où Staline avait toujours voulu qu'ils soient… Pour cela, il n'y a pas eu besoin d'un “changement d'alliance”, mais seulement d'un dosage adéquat des aides à l'Union Soviétique et des opérations contre l'Allemagne » (p. 134). Topitsch écrit avec raison que c'est ainsi que l'Amérique et l'Angleterre ont gâché le rôle d'arbitres du monde qui leur était tombé entre les mains. En jouant sur les 2 tableaux, ils auraient évité la soviétisation de l'Europe centrale et orientale.

À l'avant-dernière page de son livre, Topitsch évoque « Roosevelt empêtré dans l'internationalisme maçonnique ». En écrivant cette phrase, il fait allusion aux conspirations qui se trament dans les coulisses de l'histoire. Mais il faudrait encore écrire un livre entier sur ces conspirations qui mènent le monde : il serait capital pour tous ceux qui veulent appréhender la vérité historique dans toute sa lumière ; pour l'écrire, il nous faudrait évidemment des historiens capables d'étayer leurs preuves.

Terminons par une remarque critique : nous nous sommes préoccupé à plusieurs reprises des “conversations avec Hitler” de Hermann Rauschning. Cet ouvrage, si largement diffusé, considéré comme un “classique”, est décortiqué aujourd'hui par un historien suisse, membre du Centre de Recherches historiques d'Ingolstadt (Zeitgeschichtliche Forschungsstelle Ingolstadt). Conclusion de ses recherches : ce best-seller est une compilation de récits falsifiés.   

Dr. Karl Otto Braun.

http://www.archiveseroe.eu/histoire-c18369981/53

Les premiers évangélisateurs de la Gaule, avec Francine Bay

lundi 29 novembre 2021

Identité civique, identité ethnique : entretien avec Henri Levavasseur

  

Identité civique, identité ethnique : entretien avec Henri Levavasseur

Henri Levavasseur est docteur en histoire, auteur de L’identité, socle de la Cité, livre paru aux éditions de La Nouvelle Librairie. Entretien accordé à la revue mensuelle Le Bien Commun (n°30, juin 2021).

Jean-Yves Le Gallou évoque, dans l’Avant-Propos de votre livre L’identité, socle de la Cité, le « retour de balancier » qui viendrait contrecarrer la domination, fastidieuse et arrogante, des épigones de la démocratie libérale et mondialiste. Vous prônez l’organisation d’une avant-garde. Le stade de l’avant-garde n’est pas celui du retour de balancier : il y travaille, le prépare, sans avoir encore les moyens de restaurer l’équilibre. À quel moment nous trouvons-nous de la prise de conscience de la mutilation de nos identités, et par conséquent de notre vie sociale ?

Nous vivons une crise sans précédent, caractérisée par l’ébranlement des fondements anthropologiques de notre civilisation. L’histoire semble s’accélérer de manière vertigineuse, atteignant le point névralgique où se produit la « fin d’un monde », pour reprendre le titre du dernier livre de Patrick Buisson.

L’effondrement de la « maison commune » paraît imminent – phénomène qui surprend naturellement ceux qui persistent à s’aveugler sur le degré de solidité du vieil édifice. Pour les adeptes de la religion du progrès comme pour le « déclinistes », cette évolution s’inscrit dans le sens de l’histoire. Elle mène à l’instauration d’un nouveau monde qui ressemblera, pour le meilleur ou pour le pire, à celui qu’imaginent les sages de Davos. Telle n’est pas ma vision. Rien n’est écrit : ce nouveau monde sera ce que nous en ferons. C’est là qu’intervient la notion d’avant-garde, capable d’amorcer ce retour de balancier évoqué par Jean-Yves Le Gallou. Osons le dire : la question n’est plus celle des moyens nécessaires pour éviter une catastrophe dont le mécanisme se trouve déjà enclenché. Il s’agit en vérité de savoir comment nous traverserons cette épreuve, afin d’en sortir plus forts.

« L’âme d’une nation ne se conserve pas sans un collège chargé de la garder », nous dit Renan. Tel est le rôle de l’avant-garde que nous devons former, en nous engageant dans la voie d’une véritable « révolution conservatrice ». Le mot de révolution ne renvoie pas ici à une entreprise de destruction. D’autres, hélas, se sont chargés de cette sinistre besogne. J’emploie le terme révolution au sens premier, pour désigner le mouvement de retour à l’origine qui se produit nécessairement à la fin d’un cycle, avant toute renaissance. Cet élan est conservateur, dans la mesure où il préserve le principe même de notre civilisation. Celui-ci ne réside pas dans des formes figées et périmées, mais dans la force vitale, dans le feu sacré qui brûle encore dans nos âmes. Pour entretenir cette flamme, il importe de procéder à ce que Renan appelait une « réforme intellectuelle et morale ».

Le premier courage est celui de la lucidité. Sachons dresser un constat réaliste de l’état de la Cité. Le lien entre identité civique et identité ethnique est aujourd’hui rompu. Cette rupture s’est d’abord produite sur le plan symbolique et institutionnel, lors de la Révolution française, sans altérer d’emblée l’identité ethnoculturelle de la population. Un changement beaucoup plus radical s’est produit au cours de ces quarante dernières années, avec les vagues migratoires massives qui sont venu bouleverser nos équilibres démographiques plurimillénaires. Dans une certaine mesure, la première étape a préparé la seconde et l’a rendu possible. En coupant le lien qui unissait les institutions à la patrie charnelle, en instaurant une définition purement idéologique et contractuelle de la citoyenneté, le système républicain a directement contribué à briser nos défenses immunitaires. Il a créé une fragilité que nous avons longtemps pu ignorer, mais qui prend les proportions d’une faille béante lorsque survient le choc des grandes vagues migratoires. Confrontés à cette situation inédite, certains poursuivent désormais une sorte de fuite en avant. Ils continuent de chanter les louanges de la « diversité », ou de proclamer l’impérieuse nécessité du « vivre ensemble ». D’autres placent leur espoir dans l’hypothétique recours à une politique d’assimilation, sans doute possible au niveau individuel, mais parfaitement inopérante à l’échelle des millions d’êtres humains qui ont pénétré dans notre espace civilisationnel en l’espace de quelques décennies. Ces postures sont intenables, car elles conduisent à entériner une modification radicale de la substance des peuples européens, voués au déracinement sur leur propre terre.

Ne nous y trompons pas : cette situation n’est que la conséquence de notre déclin civilisationnel, elle n’en est pas la cause. Jamais l’Europe n’eut été submergée par de telles vagues migratoires, si le traumatisme des deux Guerres mondiales n’avait auparavant plongé les Européens dans un état de complète sidération et d’oubli d’eux-mêmes. Le triomphe du modèle occidental libéral, matérialiste et universaliste, a effacé la « longue mémoire » de nos peuples au profit d’une mémoire sélective, orientée vers ce qui les nie et détruit leur âme.

À l’instar de Renan, il ne faut pas se satisfaire du constat, mais proposer des remèdes. La seule issue possible est celle de la réaffirmation de notre identité. Ceci passe par une réflexion fondamentale sur « ce que nous sommes », réflexion que j’ai esquissée dans ce livre.

Ernest Renan et son incontournable conférence de 1882, « Qu’est qu’une Nation », ne pouvaient être absents de votre ouvrage. Vous rappelez la volonté française, après l’humiliante défaite de 1870, de contester la conception allemande de la Nation, telle que Fichte la développa au début xixe siècle. Dans son ouvrage « De la France d’abord à la France seule ; l’Action Française face au national-socialisme et au troisième Reich », Michel Grunewald écrit ( p52) : « Jacques Bainville soulignait que le nationalisme d’outre-Rhin se distingue de tous les autres du fait d’une particularité qui le rendait dangereux pour le reste de l’Univers : il déborde ses frontières parce qu’il ne les connait pas” ». Illimitation des prétentions universelles dans la conception française de la nation (quoique vous montriez que le discours de Renan est à la fois plus profond et plus subtil que cela), illimitation de l’expansion territoriale permise par la conception de la nation allemande héritée de Fichte, certes ici hâtivement résumée : n’est-ce-pas l’hybris, qui constitue le trait commun à ces deux approches, que l’on se plait si souvent à opposer ?

Il faut tout d’abord se garder des caricatures et des anachronismes. Il suffit de relire la « Réforme intellectuelle et morale » de Renan, ouvrage auquel je faisais précédemment allusion, pour saisir toute la dette intellectuelle de l’auteur à l’égard de la pensée allemande dont il était familier. Fichte, pour sa part, fut d’abord un admirateur de la Révolution française avant d’écrire son célèbre « Discours à la nation allemande ». Nietzsche admirait les moralistes français du Grand siècle, tout comme Carl Schmitt fut influencé par la lecture de Maurras, avant d’inspirer les constitutionalistes de la ve république.

Rappelons que Bainville et Maurras n’étaient nullement des monarchistes de tradition et de cœur, mais seulement de raison : c’est le sentiment de la faiblesse française face à la puissance de l’Empire allemand qui les a convertis à l’idée monarchique. Cette attitude est bien différente de celle des hommes qui se sont battus pour Dieu et le roi sous la Révolution. Parce qu’ils identifiaient la nation au souverain et concevait la patrie comme la « terre des pères », les chouans ou les soldats de Condé ne pouvaient reconnaitre aucune légitimité à la patrie idéologique des révolutionnaires. Ils ont donc logiquement préféré la marine anglaise et les canons prussiens au délire sanglant des sans-culottes. C’est une vision bien différente de celle qui légitime l’Union sacrée prônée par l’Action Française en 1914, comme l’a bien montré Jean de Viguerie dans son livre : « Les deux patries ». Sans doute le contexte de la première moitié du xxe siècle justifiait-il le « nationalisme intégral » de l’Action française. Mais peut-on encore se réclamer de la « France seule », devant le cataclysme qui menace aujourd’hui d’emporter toute notre civilisation ?

Soixante-seize ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, cent-cinquante ans après la proclamation de l’Empire Allemand dans la galerie des glaces de Versailles, il est sans doute temps de dépasser certains antagonismes, et de percevoir ce qui unit les peuples d’Europe face aux mêmes périls existentiels, plutôt que ce qui peut continuer à les opposer pour le plus grand bonheur de leurs ennemis communs.

Il convient de dénoncer l’imposture intellectuelle que constitue la récupération de la conférence de Renan par les tenants d’une construction nationale principalement idéologique, fondée sur l’adhésion à des « valeurs universelles ». Le texte de Renan est pourtant sans ambiguïté : « On aime la maison qu’on a bâtie et qu’on transmet. Le chant spartiate : “Nous sommes ce que vous fûtes ; nous serons ce que vous êtes” est dans sa simplicité l’hymne abrégé de toute patrie. » Nul doute que le Breton Renan, s’il revenait à nos côtés, se sentirait davantage d’affinités avec un Bavarois catholique, solidement enraciné dans sa terre et fidèle à ses traditions, qu’avec certaines militantes « indigénistes » françaises.

Comprendre cela, ce n’est pas vouloir abolir nos différences et nos spécificités nationales, pour nous fondre dans un « grand tout » européiste et néo-jacobin, aussi universaliste et destructeur de nos patries charnelles que la construction « républicaine ». Celle-ci n’a d’ailleurs plus grand-chose à voir avec la notion de république au sens où l’entend encore Jean Bodin au xvie siècle, c’est-à-dire avec l’exercice de la souveraineté en vue du bien commun de la Cité.

Le siècle qui vient de s’écouler a surtout révélé les conséquences néfastes d’une forme hypertrophiée de nationalisme qui prend sa source dans l’hybris du patriotisme révolutionnaire, hérité de certains penseurs des Lumières. Dans cette perspective, l’histoire de l’occidentalisation du monde se confond, comme l’a bien vu Martin Heidegger, avec le déploiement d’une véritable « métaphysique de l’illimité ». La démesure propre au mythe du progrès linéaire et infini constitue le ressort ultime de la modernité. Face aux prétentions totalitaires de ce discours universaliste, c’est évidemment le retour à l’enracinement local qui permettra de ressouder le lien nécessaire entre la polis et l’ethnos.

Vous distinguez les notions de polis et d’ethnos sans les opposer, mais en montrant les réalités qu’elles recouvrent, ainsi que le nécessaire ordonnancement des critères qui les fondent et des conditions qui garantissent leur pérennité. Elles sont aujourd’hui en désordre, au point précisément d’animer un lancinant débat sur la priorité à établir entre promotion de la souveraineté et promotion de l’identité, ou sur la recherche du Bien Commun, par exemple chez Guilhem Golfin. En quoi le rappel des différences et des complémentarités entre les notions de polis et d’ethnos peut-il utilement contribuer à ce débat ?

Pour saisir le caractère fondamental de l’articulation entre ces deux notions, il faut revenir à une anthropologie réaliste, débarrassée de la vision libérale fondée sur une vision abstraite de la nature humaine. L’homme n’est pas un individu doté de droits universels protégés par un contrat social. Aristote nous rappelle que l’homme est un animal politique : il n’est pas citoyen du monde, mais membre d’une Cité, d’un espace politique clairement délimité. Par ailleurs, l’homme est un « être de culture par nature », comme l’a montré Arnold Gehlen. Cela signifie que la disparition des limites et des frontières mène à la disparition de toute forme de culture enracinée, c’est-à-dire à une dénaturation profonde de l’existence humaine. Car l’émergence d’une culture authentique suppose l’alliance d’un certain type d’homme et d’un territoire. La culture ne se réduit pas à un simple savoir, c’est-à-dire une donnée échangeable. Elle est un phénomène vivant, plongé dans le fleuve de l’histoire, et suppose l’existence d’une communauté humaine qui l’incarne. Elle s’exprime à travers un ethos spécifique, qui traduit le génie propre à un ethnos (les deux mots étant d’ailleurs étymologiquement apparentés).

Fonder la Cité sur une démarche purement contractuelle, la transformer en un conglomérat d’individus sans passé commun, c’est ignorer à la fois les conditions de son existence et sa vocation ultime, qui est de permettre l’épanouissement d’un type humain et d’une culture.

La notion d’éthique renvoie, dans le sens premier du mot grec, à une « position dans le monde » : elle suppose un enracinement, la combinaison d’une hérédité et d’un milieu, l’attachement à un lieu, à un topos à partir duquel l’existence humaine se déploie. Tel des arbres majestueux, les hautes cultures peuvent couvrir de leur ramure un espace d’autant plus vaste que leurs racines sont profondes : elles possèdent à ce titre une dimension universelle, dans la mesure où elles enrichissent la polyphonie de la diversité humaine. Ce phénomène n’a rien à voir avec l’idéologie « universaliste », qui prétend regrouper l’humanité dans une catégorie unique. Fonder la Cité sur une démarche purement contractuelle, la transformer en un conglomérat d’individus sans passé commun, c’est ignorer à la fois les conditions de son existence et sa vocation ultime, qui est de permettre l’épanouissement d’un type humain et d’une culture.

Résolument détaché du réel, l’idéalisme des Lumières aboutit à deux excès contradictoires : réduire l’homme à une entité abstraite, ou à une « machine biologique ». Or, les hommes et les peuples sont porteurs d’un double héritage, culturel et génétique. Ces deux dimensions ne se confondent pas, mais ne sont pas non plus entièrement dissociables. Incapables de penser ensemble ces deux aspects de l’identité, nos contemporains souffrent aujourd’hui d’une véritable hémiplégie intellectuelle, qui provoque des débats stériles et sans fin sur le sexe des anges. Au lieu d’opposer l’identité civique et l’identité ethnique, il convient d’en saisir le nécessaire ordonnancement, fruit d’une très longue histoire. La rupture de cet équilibre rend illusoire l’exercice d’une souveraineté orientée vers la défense du bien commun, puisqu’elle entraine précisément la disparition de la notion même de « communauté ». Ce dernier terme n’est plus guère employé qu’en mauvaise part aujourd’hui, alors qu’il désigne la matrice de la philia, de l’affectio societatis qui constitue le socle de tout édifice politique.

Vous incitez dans votre ouvrage les Européens à reprendre conscience de leur longue mémoire, dans laquelle vous discernez précisément l’origine d’un destin commun (p. 51) : « À défaut d’unité politique, l’espace géographique de l’Europe coïncide de toute évidence avec l’existence d’un ensemble de peuples étroitement apparentés par l’origine, la culture et les mœurs. » Le constat est sans appel. Mais cette coïncidence des origines ne présage pas de la capacité des peuples européens à accomplir de grandes choses ensemble, du moins volontairement. Beaucoup des sommets du « génie européen » relevèrent davantage de la prédation (concrète ou symbolique), que de la circulation harmonieuse. Les peuples qui composent la France mirent quasiment un millénaire à se fondre dans l’espace national, jusqu’aux sinistres exacerbations républicaines. Alors que la France et l’Europe seraient en « dormition », quelle cause pourrait convaincre des peuples européens différents à conjuguer leur génie ? Cette conjugaison du génie de peuples différents a-t-elle la moindre chance d’exister mue par des volontés libres, et non par un pouvoir autoritaire ?

La prise de conscience d’un destin commun n’implique pas nécessairement la constitution immédiate d’une unité politique. En tant que civilisation, l’Europe n’existe qu’à travers le développement polyphonique d’identités spécifiques, dont les voix concordent parce qu’elles sont issues d’une matrice commune. À l’échelle du continent, le peuplement de l’Europe n’a connu aucun bouleversement majeur depuis l’arrivée des conquérants indo-européens issus des steppes pontiques, au quatrième millénaire avant notre ère. Ces derniers nous ont légué leur langue, qui se trouve à l’origine de la quasi-totalité des langues européennes connues, anciennes et modernes. L’héritage de leur vision du monde transparaît encore à travers l’aube grecque de la pensée et l’essor du génie politique romain. Le même héritage a également joué un rôle déterminant dans l’élaboration des cultures celtiques, germaniques et slaves. Combiné à l’apport nouveau du christianisme, l’imperium romain, dont le leg fut bientôt revendiqué par les royaumes barbares qui en avaient précipité la chute, a imprimé sa marque de manière plus ou moins directe sur l’ensemble continent, en particulier dans le domaine du droit et des institutions politiques.

Si la nostalgie de l’unité romaine a pu inspirer différentes tentatives de renovatio imperii depuis le Moyen Age, force et de constater que ces tentatives n’ont jamais abouti qu’à des constructions éphémères, en dehors du Saint Empire Romain germanique (dont les frontières n’ont cependant jamais coïncidé avec celle de l’Europe dans son ensemble). À plusieurs reprises pourtant, les nations chrétiennes ont su manifester leur solidarité face à un péril commun : ce fut notamment le cas sous les murs de Vienne, en 1683, face aux Ottomans.

On peut donc espérer que l’Europe sera capable une fois encore de se ressaisir au bord du gouffre, pour paraphraser Nietzche. La situation présente est cependant bien différente de celle du dernier siège de Vienne : il ne s’agit plus de repousser les assauts d’une puissance étrangère installée sur une partie de l’Europe centrale et balkanique à la suite d’une conquête militaire, mais de sauver ce qui subsiste de nos vieilles patries, menacées dans leur être même par un véritable changement de substance ethnique, combiné à la destruction systématique des repères éthiques et anthropologiques fondamentaux. Ce péril est infiniment plus grand que le précédent. Il ne pourra être contré sans que les peuples européens, confrontés aux mêmes dangers mortels, n’unissent leurs efforts. Cette réaction ne passera pas nécessairement par un processus d’unification politique, mais plus surement par le rejet des institutions européennes actuelles, dont la vocation semble être de désarmer nos nations plus que de les défendre.

Société ouverte, dictature des droits individuels, empire accablant de l’état de droit sur le destin des Nations : bien des maux abiment jusqu’à l’âme des hommes qui habitent les Nations européennes. S’ils sont évidemment les héritiers d’un temps long, ils sont aussi les débiteurs, malheureux et involontaires, des inhumanités de la vie contemporaine. La flamme de la longue mémoire peut-elle brûler encore chez suffisamment d’entre eux, pour que votre appel à « fuir le laisser-aller et refuser l’abandon de soi-même » (p. 73) trouve un écho ?

Dans son livre La fin d’un monde, que j’évoquais au début de cet entretien, Patrick Buisson définit l’époque contemporaine comme une vertigineuse « montée du vide ». En d’autres termes, la société actuelle se caractérise par une longue éclipse du sacré, auquel se substitue la domination sans partage du matérialisme le plus trivial. Or, le poète allemand Hölderlin nous le rappelle : « Au cœur du danger, croît ce qui sauve ». Le désarroi dans lequel nous abandonnent les faux prophètes de l’heure nous force précisément à trouver en nous-même les ressources nécessaires pour faire face à la montée des périls. Cette situation nous contraint à l’excellence. Comme nous y invitait Dominique Venner dans Un samouraï d’Occident (pp. 296-297), il nous faut cultiver « chaque jour, comme une invocation inaugurale, une foi indestructible dans la permanence de la tradition européenne ». Le discours de nos adversaires, ou de tous ceux qui rabâchent les vielles antiennes « humanistes », apparait de moins en moins légitime. Il devient même tout simplement inaudible, parce qu’il se heurte au mur d’une réalité de plus en plus insupportable.

ethos et ethnos vont de pair. Nos ennemis ne s’y trompent pas : derrière le ridicule des postures, « l’intersectionnalité des luttes » présente une réelle cohérence révolutionnaire, que les défenseurs de la « morale traditionnelle » n’ont pas toujours perçue.

Face à cette situation, les « déclinologues » de talent ne manquent pas : ils savent parfaitement analyser les symptômes de notre déclin, mais plus rarement imaginer des remèdes nouveaux, à la hauteur du mal qui nous étreint. C’est pourquoi je demeure intimement persuadé de la venue du kairos, du moment propice et décisif, où notre voix entrera en résonnance avec l’histoire. D’où la nécessité impérieuse de réveiller par tous les moyens la conscience de l’ethos européen au sein d’une véritable avant-garde : car il suffira comme toujours d’une minorité consciente et agissante pour saisir le destin à bras le corps, et emporter la décision à l’instant opportun. Il faudra d’ici-là faire preuve de courage et d’endurance, en s’appuyant sur les communautés naturelles, sociales et politiques, notamment à l’échelon local, où l’esprit du bien commun peut encore s’épanouir. Car les périls montent.

À cet égard, deux « remplacements » s’opèrent, qui saccagent profondément les mœurs des sociétés européennes : le premier par l’importation massive de populations aux racines absolument étrangères aux cultures européennes, l’autre au sein même de l’Europe, avec la promotion d’une série de constructions d’identités loufoques, fondées sur la souffrance identitaire post-coloniale et le plus petit commun dénominateur des inclinations sexuelles : au nom de « l’intersectionnalité des luttes », la famille traditionnelle semble vouée à la destruction, et toute piété devant le legs des Anciens devient proscrite. Ces deux remplacements, l’un altérant la culture du peuple français, l’autre le « divisant de l’intérieur », comme vous le soulignez, sont-ils à vos yeux d’une importance égale, ou hiérarchisez-vous leur dangerosité ?

Comment hiérarchiser deux périls mortels, qui procèdent l’un et l’autre d’une même vision « fluide » de l’identité, destinée à rompre tous les obstacles qui viennent encore freiner l’accélération frénétique du « doux commerce » mondial : familles, communautés enracinées et peuples ? À cet égard, l’instauration du « mariage pour tous » apparait comme l’une des étapes les plus subversives dans le processus de transgression et de déconstruction en cours depuis 1968 : sous le prétexte de garantir l’accès de « tous » à certains droits, elle vise en réalité à modifier la nature même de l’institution du mariage pour s’attaquer au modèle de la famille en tant que cellule sociale fondée sur la transmission héréditaire. Il s’agit d’un acte éminemment « politique », qui va de pair avec l’ouverture des frontières à tous les vents du grand remplacement démographique. Il n’est donc pas possible de défendre une certaine éthique sans défendre avec le même opiniâtreté notre identité dans toutes ses composantes ethnoculturelles. L’inverse est également vrai : ethos et ethnos vont de pair. Nos ennemis ne s’y trompent pas : derrière le ridicule des postures, « l’intersectionnalité des luttes » présente une réelle cohérence révolutionnaire, que les défenseurs de la « morale traditionnelle » n’ont pas toujours perçue.

Il est donc grand temps de refonder la Cité sur une compréhension authentique de « ce que nous sommes ». Pour le dire avec Julien Langella, il nous faut « refaire un peuple ».

Ce réveil d’une conception de la Nation réinvestie par des critères de sociabilité naturelle (proximités ethniques, linguistiques, religieuses) charmera nombre de nos lecteurs. Nous connaissons cependant la panique de nos contemporains, provoquée à grands coups de diabolisations historiques, devant toute remise en cause de la « nationalité républicaine ». Est-il encore possible de leur proposer une conception de la nationalité émancipée d’un pur idéalisme contractualiste ?

L’aveuglement idéologique et la crispation autoritaire du système sur des positions intenables évoquent la fin du monde soviétique : pour les peuples vivant à l’Est du rideau de fer, il ne semblait y avoir d’autres univers possibles que celui du collectivisme marxiste, jusqu’au moment où le régime s’est effondré comme un château de cartes. Du jour au lendemain, ce qui paraissait relever d’un dogme intouchable devint un objet de ridicule et de rejet. Il s’agit d’un précédent historique à méditer.

Rien ne garantit qu’il nous sera donné de vivre le moment où nos peuples retrouveront le chemin de la liberté et de la grandeur. Mais quoi qu’il advienne de nos destins personnels, puissions-nous n’avoir jamais à encourir de nos enfants le blâme qu’exprime la terrible phrase de Kipling : « Si l’on vous demande : pourquoi sommes-nous morts ? Répondez : parce que nos pères nous ont menti. »

Source : Le Bien Commun n°30, juin 2021
L’identité, socle de la Cité, La Nouvelle Librairie Éditions, coll. Cartouches, 82 pages (avril 2021). Commander en ligne.

https://institut-iliade.com/identite-civique-identite-ethnique-entretien-avec-henri-levavasseur/

Le légionnaire romain (Marc Landelle)

 

Marc Landelle, agrégé et docteur en histoire ancienne, a soutenu à l’Université Paris-Sorbonne une thèse sur les magistri militum, généraux romains de la fin de l’Antiquité romaine.

Voici son premier livre qui s’attache à décrire ce que fut la vie du légionnaire romain à l’époque de la chute de la République, quand le contrôle des armées devint un enjeu politique essentiel. L’ouvrage n’aborde que les guerres qui furent menées par les Romains contre des peuples extérieurs, en laissant de côté les guerres civiles qui ont opposé des troupes romaines entre elles.

Les Romains eurent de nombreuses occasions de faire la démonstration de leur savoir-faire militaire au cours du 1er siècle av. J.-C. : après avoir conquis aux siècles précédents l’Espagne et la Grèce, après avoir pris pied en Afrique du Nord, il leur revint de pacifier la Méditerranée, conquérir l’Asie, la Palestine et l’Egypte.

L’auteur prend soin de rappeler brièvement le contexte politique et diplomatique dans lequel ces opérations prirent place, avant de s’intéresser à la condition matérielle et sociale du légionnaire romain, à son recrutement et son armement longuement détaillé.

L’ouvrage réserve une part importante à l’analyse de la tactique en vigueur au sein des légions romaines.

Comme dans la plupart des ouvrages de la collection Illustoria consacrée à l’histoire militaire, un cahier illustré de seize pages permet grâce à des cartes et des dessins de mieux cerner les tenues, armements et tactiques décrites dans les pages de ce livre. Un lexique vient compléter l’ouvrage.

Le légionnaire romain, Marc Landelle, éditions Lemme, collection Illustoria, 104 pages, 17,90 euros

A commander en ligne sur le site de l’éditeur

https://www.medias-presse.info/le-legionnaire-romain-marc-landelle/84470/

dimanche 28 novembre 2021

Colbert, le héros de la lutte contre la mise en esclavage des Européens par les Barbaresques

  

Il y a deux ans, prenant l’exemple sur le déboulonnement d’une statue du général Lee aux États-Unis, des militants indigénistes et décoloniaux, soutenus par des personnalités et rejoints aujourd’hui par l’oubliée Rama Yade, s’en sont pris à Colbert. L’objet de leur courroux : le ministre de Louis XIV est accusé d’avoir été l’auteur du Code noir et l’initiateur de la traite négrière et, donc, de s’être rendu coupable de crime contre l’humanité. Ils appellent, depuis lors, au retrait des statues, des noms de rues ou de lycées honorant Colbert qui, selon eux et la ralliée au « wokisme » Rama Yade, constituent une micro-agression !

Colbert n’est pas l’inventeur du Code noir

Les historiens sérieux ont aussitôt rectifié les faits en rappelant que la traite négrière fut d’abord initiée par des acteurs privés et non par l’État, que le Code noir fut commandé par Louis XIV, élaboré à partir de divers règlements déjà existants dans les colonies et ne fut promulgué que deux ans après la mort de Colbert. Si celui-ci eut bien une responsabilité dans le processus, il n’en fut pas l’acteur unique et décisif.

Cependant, dans ce réquisitoire partiel et partial visant à faire de Colbert un grand criminel, une de ses grandes œuvres a été passée sous silence et mérite d’être réhabilitée : Colbert fut l’organisateur de la Marine royale française, inexistante à la fin du règne de Louis XIII. Entre 1661 et 1671, il fit construire cent six navires, ce qui permet à la flotte de quadrupler ses effectifs, la France devenant la première puissance navale européenne.

La première mission de cette nouvelle flotte fut édictée par Colbert lui-même : éradiquer la Méditerranée des pirates barbaresques qui y régnaient en maîtres et qui razziaient chaque année des milliers d’Européens pour les mettre en esclavage dans les régences de Tripoli, de Tunis, d’Alger ou de Salé.

Colbert chasse les esclavagistes barbaresques

En l’espace de quelques années, la Méditerranée fut nettoyée des raids barbaresques et la population des esclaves européens détenue dans les geôles d’Afrique du Nord tomba d’un niveau de 20 à 40.000 esclaves annuels, entre 1580 et 1680, à un niveau de 2 à 10.000, dans les années qui virent l’apogée de la présence de la marine française. Soit de cinq à dix fois moins ! De 850.000 pour le seul XVIIe siècle, le nombre d’esclaves blancs tomba à 150.000 au siècle suivant.

La reconstruction d’une marine de guerre puissante, décidée et organisée par Colbert, permit donc de sauver de la mise en esclavage plusieurs centaines de milliers d’Européens.

Entre 1500 et 1830, les Barbaresques des régences de Tripoli, de Tunis et d’Alger capturèrent et réduisirent en esclavage plus de 1.250.000 Européens. La fin de l’esclavage des Européens par les Barbaresques ne prit définitivement fin qu’avec la prise d’Alger par les troupes françaises, le 5 juillet 1830, libérant les 122 derniers esclaves blancs.

En 2001, la République française adoptait une loi reconnaissant la traite et l’esclavage comme crime contre l’humanité, obligeant à un devoir de mémoire envers cette tragédie de l’histoire de l’humanité.

Mais, comme s’il y avait une hiérarchie dans les horreurs passées, seule la traite et l’esclavage pratiqués par les Européens à l’encontre des Africains furent reconnus comme tragédie et crime contre l’humanité et, donc, dignes de devoir être enseignés et commémorés.

L’esclavage des Européens par les Barbaresques, le grand oublié de la mémoire.

Les traites arabo-musulmane et ses 17 millions de victimes africaines et celle pratiquée par les Barbaresques contre les Européens ne furent donc considérées ni comme des tragédies ni comme des crimes contre l’humanité et donc non dignes d’être enseignés ni commémorés.

Face à ce révisionnisme mémoriel, l’hommage à Colbert, héros de la lutte contre la mise en esclavage des Européens par les Barbaresques, mérite donc très largement d’être revendiqué. La présence des statues et noms d’espaces publics dédiés à Colbert participe donc à l’hommage que lui doivent les centaines de milliers d’Européens ayant échappé à l’esclavage à l’époque et leurs millions de descendants aujourd’hui.

N’en déplaise à la micro-agressée Rama Yade et sa micro-connaissance historique.

Philippe Pichot

https://www.bvoltaire.fr/colbert-le-heros-de-la-lutte-contre-la-mise-en-esclavage-des-europeens-par-les-barbaresques/

Mazarin ou l'art de gouverner.

Une histoire mondiale du communisme, tome 3 : les complices (Thierry Wolton)

 

Thierry Wolton était déjà connu pour une vingtaine d’ouvrages, la plupart consacrés à différents aspects du communisme. Avec cette Histoire mondiale du communisme, Thierry Wolton restera comme l’auteur d’une somme magistrale consacrée au totalitarisme le plus mortifère du XXème siècle.

Les deux premiers tomes (l’un traitant des bourreaux, l’autre des victimes) étaient parus en novembre 2015. Deux ans ont passé et Thierry Wolton achève cette trilogie avec un volume aussi épais que les précédents abordant cette fois les complices.

La liste des « belles âmes » qui se sont engagées, dans le monde entier, aux côtés des bourreaux communistes est longue, très longue. Intellectuels, écrivains, artistes, journalistes, d’Aragon à Sartre en passant par Picasso, ils furent nombreux à admirer Staline, Mao, Pol Pot et d’autres tyrans sanguinaires du même registre, leur apportant une abjecte caution morale.

Il a été question en France de « crime de bureau » pour qualifier ce qui fut reproché au haut fonctionnaire Maurice Papon. Crimes « de déclaration », « d’écriture », « de soutien », « d’éloge » pourraient convenir aux « compagnons de route », à tous ceux qui ont usé de leur notoriété, de leur ascendant pour couvrir les crimes de masse du communisme sous toutes les latitudes. Ce volumineux troisième tome examine comment les Ponce Pilate du stalinisme ont prétendu garder bonne conscience. L’auteur observe aussi les très opportuns trous de mémoire de certains complices du communisme, entre taches blanches et zones grises. Il ne fait pas non plus l’impasse sur la façon dont les socialistes furent sous influence communiste. Il est également question de la mode Mao et des ravages de la Révolution culturelle chinoise dans les esprits ainsi que de la séduction khmère rouge et des liens entre gauchisme et terrorisme.

Enfin, un chapitre entier rappelle que Lénine avait été sauvé par l’aide capitaliste et que Wall Street connut son histoire d’amour avec Moscou. Et un autre chapitre démontre comment capitalisme et communisme chinois tentèrent de faire bon ménage.

Au final, Thierry Wolton met également en évidence l’existence d’un négationnisme communiste totalement impuni, même en cas de négation des camions à gaz du NKVD. Deux poids deux mesures là aussi.

Une histoire mondiale du communisme, tome 3 : les complices, Thierry Wolton, éditions Grasset, 1171 pages, 33 euros

A commander en ligne sur le site de l’éditeur

https://www.medias-presse.info/une-histoire-mondiale-du-communisme-tome-3-les-complices-thierry-wolton/84523/

La géopolitique de Staline 4/4

 Ne disposant pas, pour réaliser sa politique nationale et étatique des forces suffisantes, Staline fut contraint d’accepter l’ultimatum de Lénine et la création de l’URSS. Il se réservait néanmoins le droit de s’attaquer ultérieurement au modèle d’organisation nationale encombrant et incohérent, inventé par Lénine pour la Russie. Staline, par exemple, prédit que l’existence à Moscou de deux instances législatives suprêmes, le VTsIK et le TsIK de l’URSS « ne donnera rien, hors des conflits » et qu’il faudra procéder à l’avenir à « une utile refonte en profondeur ». Malheureusement, l’actuelle débâcle de l’URSS a, à bien des égards, confirmé les craintes de Staline.

Staline et le “smenovekhovstvo”

Les aspirations staliniennes à la reconstitution d’une Russie unifiée au début des années 20 coïncidaient avec l’adoption par un certain nombre de communistes des idées d’un nouveau courant intellectuel né dans l’émigration russe, le smenovekhovstvo (Les eurasiens russes nommaient “nationaux-bolcheviks” les fondateurs de ce courant, auteurs d’un recueil Smena vekh. c’est-à-dire “Nouveaux Jalons”, paru à Prague en juillet 1921). Par la bouche de leur principal idéologue N. Oustrialov, les smenovekhovtsy déclaraient que « la Russie pouvait rester une grande puissance [si] le pouvoir soviétique travaillait par tous les moyens au rattachement de la périphérie au centre, au nom d’une Russie grande et unique. En dépit de l’infinie divergence des idéologies, il n’existe qu’une seule voie possible ».

Qui plus est, Oustrialov soulignait que c’était précisément le pouvoir soviétique qui pouvait prétendre au rôle de « facteur national de la vie russe contemporaine » et non « notre nationalisme », dans le mesure où « le mouvement anti-bolchevik s’était par trop lié à des éléments étrangers et, partant, avait permis au bolchevisme de s’auréoler d’une relative aura nationale, étrangère au fond à sa nature ». Il est intéressant de noter que même les représentants survivants de la dynastie des Romanov formulaient de semblables opinions “nationales-bolcheviques”. C’est ainsi que l’oncle de Nicolas II, le Grand-Prince Alexandre Mikhailovitch, reconnut dans ses Mémoires que les chefs du mouvement Blanc, en « faisant mine de ne pas remarquer les intrigues de leurs alliés », contribuèrent eux-mêmes à ce qu’à « la garde des intérêts nationaux russes » fût paradoxalement dévolue à « Lénine qui, dans ses constants discours publics, ne ménageait pas ses forces pour protester contre la division de l’ancien Empire russe ».

En conséquence, les smenovekhovtsy se prononçaient pour une collaboration avec le pouvoir soviétique dans la cause du rétablissement d’une Russie une et indivisible. Qui, concrètement, les smenovekhovtsy voyaient-ils dans le rôle de rassembleur de la Russie ? M. Agourski, historien spécialiste reconnu du national-bolchevisme, considère qu’il devait s’agir de Staline dans la mesure où celui-ci, en 1921 encore, était jugé positivement par les smenovekhovtsy de gauche en tant que « russophile et garant de la future amitié et bonne entente des peuples de Russie ». Selon nous, deux circonstances au moins furent susceptibles d’attirer à Staline une telle sympathie.

La première est que Staline était celui qui se prononçait le plus âprement et de la manière la plus conséquente contre le séparatisme national-communiste ; souvenons-nous de sa thèse relative au « caractère contre-révolutionnaire de l’exigence de la sécession des confins par rapport au centre ». Voilà pourquoi, pour les smenovekhovtsy qui considéraient que le pouvoir soviétique viendrait à bout de la pression des forces centrifuges de l’intérieur, Staline apparaissait comme le candidat le plus apte au rôle d’unificateur de la Russie.

La seconde est que les smenovekhovtsy — et, par la suite, les eurasiens russes — considéraient la révolution comme une étape fatidique dans la lutte de la Russie-Eurasie contre l’Occident. C’est dans l’espoir d’une issue heureuse de ce combat que les smenovekhovtsy et les eurasiens soutinrent la lutte anti-coloniale et anti-atlantiste (anti-britanniques en l’occurrence, ndlr) des bolcheviks en Asie et en Afrique. Le smenovekhovets Y. Potekhine écrivait solennellement que « l’influence russe en Asie Mineure, en Perse et, en partie, en Inde, que les stations radio et les instructeurs militaires russes en Afghanistan représentent un succès historique considérable pour la Russie ». Ce furent les eurasiens qui, mieux que les autres, saisirent le sens du recentrage révolutionnaire de la Russie de l’Europe vers l’Asie. Examinant cette volte-face à travers le prisme de la lutte séculaire de l’Est et de l’Ouest, de l’esprit de la steppe et de l’esprit de la forêt, les eurasiens en vinrent à considérer la révolution russe comme « la conclusion d’une période de plus de 200 ans d’européanisation » (P. N. Savitski). C’est la raison pour laquelle les eurasiens, à la suite des smenovekhovtsy, se rallièrent aux bolcheviks dans le rejet des formes politiques et de la culture de “l’Occident romano-germanique” qui, au cours de cette période deux fois séculaire d’européanisation, furent implantées artificiellement au détriment de la Russie. Et c’est dans ce contexte que l’eurasianisme, comme l’écrivit Troubetskoï, se rangea derrière le bolchevisme « dans l’appel à la libération des peuples d’Asie et d’Afrique asservis par les puissances coloniales ».

Or, ce furent précisément Lénine et Staline qui, au sein de la direction du parti bolchevik, poussèrent le Komintern à des actes résolus contre la politique coloniale des puissances occidentales en Asie et en Afrique. Ainsi, en mars 1923, Lénine en vint à la conclusion que l’issue de la lutte contre le capitalisme dépendait « en fin de compte du fait que la Russie, l’Inde, la Chine, etc. constituent l’immense majorité de la population du globe. (…) De ce point de vue, la victoire définitive du socialisme est pleinement et absolument assurée ». Au cours de cette même année, au 12ème Congrès du Parti, Staline déclare en substance que les peuples orientaux de l’ancien Empire russe, « organiquement liés à la Chine et à l’Inde (…) sont d’une importance vitale pour la révolution ». Il entreprend alors de tracer la ligne géopolitique pro-asiatique du bolchevisme. Et il a conclu que si l’Union Soviétique suivait une telle orientation, il lui restait deux solutions : « ou nous secouons l’arrière-front de l’impérialisme — les pays orientaux coloniaux et semi-coloniaux —, (…) ou nous manquons notre but et renforçons par cela même l’impérialisme ».

Le cours ultérieur de l’histoire a prouvé la justesse des plans géopolitiques de Staline relatifs à l’Orient : au cours des années 20 et 30, la politique de l’URSS vis-à-vis de la Chine mena à un affaiblissement considérable de la position des atlantistes en Asie. En fin de compte, le grand triomphe de l’Eurasie, l’alliance de la Russie et de la Chine, entre la fin des années 40 et les début des années 50, plaça l’Occident face à l’horrible perspective de la perte totale de sa puissance géopolitique en Asie du Sud-Est.

Sergueï Constantinov, Vouloir n°137/141, 1997.

(texte issu d’Elementy, la revue d’Alexandre Douguine ; trad. fr. : Sepp Stalmans)

http://www.archiveseroe.eu/histoire-c18369981/53

Quand les nazis et les fascistes pensaient l'Europe...

Passé-Présent n°319 : Les guerres des années folles

 D’autre part, dans un nouveau et constructif dialogue avec Philippe Conrad, Olivier Dard présente une synthèse des travaux d’un colloque sur le rôle très peu étudié des correspondants de guerre entre 1918 et 1939, notamment pendant l’attaque italienne en Éthiopie ou la guerre civile espagnole (1936-1939).

Une réflexion sur le temps long de ce que nous apprennent photographies et écrits.

Les guerres des années folles 1919-1925 – Ouvrage coordonné par François Cochet – Ed. Passés/composés – 400 p. – 23 €.
Correspondants de guerre 1918-1939 Maroc-Ethiopie-Espagne – Presses universitaires Savoie-Mont Blanc – 321 p. – 25 €.

https://www.tvlibertes.com/passe-present-n319-les-guerres-des-annees-folles

La perle des Valois: Marguerite de Navarre

samedi 27 novembre 2021

Isabelle la Catholique (1451-1504)

 

Isabelle la Catholique (1451-1504)

Incroyablement précoce, esprit politique supérieur, la reine Isabelle fut avant tout la conductrice de l’Espagne moderne.

L’invasion arabe du VIIIe siècle a brisé l’unité politique de la péninsule Ibérique et l’a isolée du reste de l’Europe. Sept siècles durant, l’ancienne Hispania, divisée en plusieurs petits royaumes, allait devenir le champ de bataille de la Reconquista, ponctuée par la prise de Tolède, en 1085, ou encore la victoire de Las Navas de Tolosa, en 1212.

Au XVe siècle, alors que la lutte contre les musulmans a depuis longtemps marqué un temps d’arrêt, quatre couronnes se partagent encore la péninsule : la Navarre, le Portugal, l’Aragon et la Castille dont le dynamisme est depuis longtemps freiné par d’incessantes querelles intestines guère favorables à toute politique d’expansion. Au sud, l’émirat nasride de Grenade, seul vestige de la puissance passée de l’Islam andalou, profite des faiblesses de ses voisins. C’est dans ce contexte que va monter sur le trône de Castille une jeune femme qui, à force de volonté et d’ambition, ramènera l’ordre dans ses territoires et amorcera l’unité de l’Espagne en réunissant, par son mariage avec Ferdinand d’Aragon, deux des royaumes chrétiens sous une seule et même autorité. Celle que l’on appelle communément Isabelle la Catholique est donc un personnage marquant dans l’imaginaire espagnol. Mais elle reste aussi une figure controversée : son autoritarisme et surtout sa politique religieuse ont été fortement critiqués.

Fille de Jean II de Castille, Isabelle n’était pas destinée à régner. Seules sa force de caractère, son intelligence, mais aussi la faveur des circonstances lui ont permis de monter sur le trône. Son demi-frère Henri IV est un souverain méprisé et contesté. À la fin de son règne, les troubles prennent une telle ampleur qu’il doit déshériter sa fille, Jeanne. Il faut dire que l’on soupçonnait le favori de la reine, Bertrand de la Cueva, d’être son père. La couronne doit alors revenir au frère du roi, mais celui-ci meurt quelques mois plus tard. Isabelle, qui n’arrivait qu’en troisième position sur le testament de son père, fait alors irruption sur le devant de la scène politique. Avec une surprenante audace, cette jeune fille de 17 ans revendique ses droits à la succession. Elle est soutenue dans sa démarche par une faction nobiliaire qui espère introniser une souveraine qu’il sera facile de manipuler. Isabelle n’est pas dupe. Elle met toute son intelligence au service de son ambition lors du règlement de la question dynastique et à l’occasion de son futur mariage. Elle a la patience d’attendre son heure et de ne se prévaloir que du titre de « princesse des Asturies » qui lui a été officiellement reconnu. C’est ainsi que l’on désigne les héritiers de Castille. Elle sait qu’elle aura besoin d’appuis pour accéder au trône : ses projets de mariage n’ont pas d’autre objet que de les lui procurer. Tournant le dos à l’alliance portugaise, elle choisit ainsi d’épouser Ferdinand d’Aragon en 1469. Ce n’est pas un mariage d’amour et Ferdinand sera peu fidèle, sauf en politique. Peu à peu, l’intransigeance des deux jeunes princes face aux clans, leur prise de position en faveur du patrimoine royal leur rallient bon nombre de nobles, exaspérés par le caractère velléitaire d’Henri IV.

La restauration de l’autorité royale

Lorsque le roi meurt le 12 décembre 1474, à Ségovie, Isabelle, forte du soutien de la noblesse, s’autoproclame reine de Castille. Mais il lui faudra tout de même quatre ans pour s’assurer définitivement du pouvoir, et cela au prix d’une guerre civile doublée d’une invasion étrangère. En effet, les partisans de Jeanne, l’héritière déchue, restent nombreux et bénéficient du soutien d’Alphonse V du Portugal à qui a été promise la main de la jeune fille. En 1479, les traités d’Alcaçovas mettent un terme au conflit, peu de temps après l’arrivée sur le trône d’Aragon de Ferdinand. Les deux couronnes sont réunies. Mais il ne s’agit encore que d’une union dynastique et personnelle : chaque royaume conserve son autonomie.

Les souverains se consacrent néanmoins pleinement à la restauration de l’autorité royale. Pour la première fois depuis bien longtemps, le début du règne n’est pas marqué par des distributions de terres prises sur le patrimoine royal, afin d’acheter la bienveillance des grandes familles. Bien au contraire, une commission est chargée de réviser toutes les libéralités précédemment accordées par Henri IV, permettant de supprimer la moitié des pensions et les abus les plus criants. Peu à peu, la noblesse revient sur ses prétentions politiques et rentre dans le rang. Dans chaque cité est nommé un représentant du pouvoir, le corregidor, chargé de surveiller les oligarchies municipales. Dans les campagnes, enfin, la Santa Hermandad, qui est à l’origine une sorte de gendarmerie rurale, permet de mettre un frein au développement des armées privées, tout en constituant une force militaire à la disposition du pouvoir.

L’ordre intérieur est ainsi rétabli, et les obstacles à l’expansion castillane disparaissent en quelques années. Est alors mise en œuvre l’entreprise majeure du règne des « rois catholiques » : l’achèvement de la Reconquista, par la prise du petit émirat de Grenade. Les grands, qu’ils soient castillans ou aragonais, s’investissent dans l’action commune, trouvant un champ de bataille à leur mesure. Toute la société espagnole, empreinte de l’idéologie de la Croisade, s’enthousiasme pour une cause très populaire : hisser la croix du Christ et la bannière de saint Jacques sur le palais de l’Alhambra.

L’initiative du conflit vient des musulmans qui se risquent à un coup de main sur Zahara en 1482, sans penser que les souverains allaient s’engager en retour dans une guerre qui devait durer dix ans. Au terme de cette longue lutte, le 2 janvier 1492, Boabdil, le maître des lieux, remet solennellement les clés de la cité aux souverains. Le retentissement de l’événement dans le monde chrétien est immense. Il apparaît comme une revanche sur la chute de Constantinople quarante ans plus tôt.

Reconquista et exaltation religieuse

Terminée sur le plan territorial, la Reconquista ne l’est pas totalement car Isabelle et Ferdinand entendent bien également achever celle des âmes, condition, dans l’esprit du temps, de l’unité du royaume. Ils sont encouragés dans ce sens par l’exaltation religieuse qu’a engendré leur victoire et poussés par le souci d’assurer l’unité spirituelle de leurs États. En 1480, l’Inquisition commence, en Castille comme en Aragon, à soumettre à la question les hérétiques présumés et les juifs convertis. Isabelle n’était pas favorable à la mise en place de cette institution. À l’image des prélats qui l’entouraient, elle préférait renforcer la politique d’évangélisation. Mais le tribunal n’arrive pas à enrayer le développement de ce que l’on a appelé le « cryptojudaïsme ». De nombreux juifs s’étaient convertis par nécessité au catholicisme, tout en continuant à pratiquer les rites de leur ancienne religion. Cette attitude qui nuisait à l’assimilation de l’ensemble de la société des conversos ne pouvait être tolérée plus longtemps. En 1492, après des siècles d’une coexistence relative, les juifs sont sommés de se convertir ou de quitter le royaume. On estime à environ cent mille le nombre de personnes concernées par cette mesure. Il y eut cependant quelques conversions spectaculaires, comme celle du chef de la communauté juive de Castille à Guadalupe, en présence du roi et de la reine, ses parrain et marraine.

L’ordre intérieur rétabli, la lutte contre l’Islam achevée, les souverains sont libres d’intervenir en Europe, où leur armée enlève Naples aux Français. Ils vont aussi soutenir les projets d’un marin génois, Christophe Colomb, convaincu de pouvoir atteindre la Chine et l’Inde par l’Ouest. Isabelle qui lui a accordé sa faveur n’engage finalement que peu d’argent dans une expédition dont les découvertes et les retombées sont bien connues. L’expansion espagnole au-delà des mers commence tandis que le partage du monde entre le Portugal et la Castille est consommé lors du traité de Tordesillas en 1494.

Un État centralisé et unifié

Doit-on tenir la souveraine pour responsable de la tournure qu’allaient prendre les événements et de l’entreprise systématique d’exploitation des Indiens qui devait faire la richesse du royaume ? Isabelle est morte trop tôt pour avoir pu cautionner les excès à venir. Il semble même qu’elle ait tenté de protéger les Indiens. Elle força Christophe Colomb à renvoyer chez eux ceux qu’il avait ramenés à la cour, et ne manquera pas d’évoquer leur sort dans son testament.

Lorsqu’elle meurt en 1504, Isabelle laisse un État centralisé et unifié, marqué par l’effacement de l’aristocratie, des villes et de l’institution qui les représente, les Cortes. L’Espagne conquérante dont elle a stimulé l’expansion a cessé d’être un pays en marge de la Chrétienté, et semble prête à occuper en Europe une position hégémonique. Mais sa politique devra attendre encore quelques années pour porter véritablement ses fruits. En effet, la mort de son fils Jean, l’héritier des deux couronnes, en 1497, met à mal l’achèvement de l’unité politique de la Castille et de l’Aragon. Sa fille, Jeanne la Folle, est écartée du trône. Le mari de celle-ci, Philippe le Beau, un Habsbourg, gouvernera à sa place. À la suite de Philippe le Beau, les Habsbourg, Charles Quint et Philippe II, seront en mesure de recueillir et d’exploiter toutes les possibilités de l’héritage d’Isabelle, à l’aube du « siècle d’or » de l’Espagne à l’éclosion duquel elle aura largement participé.

Emma Demeester

Bibliographie

  • Joseph Pérez, Isabelle la Catholique, un modèle de chrétienté ?, Payot, 2004.
  • Joseph Pérez, Isabelle et Ferdinand, rois catholiques d’Espagne, Fayard, 1995.

Chronologie

  • 1451 : Naissance d’Isabelle, fille de Jean II de Castille et d’Isabelle du Portugal.
  • 1468 : Pacte de Guisando, faisant d’Isabelle l’héritière de la couronne de Castille.
  • 1469 : Mariage d’Isabelle et de Ferdinand d’Aragon.
  • 1474 : Mort d’Henri IV. Isabelle s’autoproclame reine.
  • 1479 : Traité d’Alcaçovas avec le Portugal mettant fin à la guerre.
  • 1492 : Prise de Grenade ; expulsion des juifs ; premier voyage de Colomb.
  • 1496 : La bulle Si convenit fait d’Isabelle et de Ferdinand les « Rois catholiques ».
  • 1497 : Mort du prince héritier Jean.
  • 1504 : Mort d’Isabelle.

Illustration : La capitulation de Grenade, huile sur toile de Francisco Pradilla Ortiz (1882), détail. Domaine public.

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