mardi 28 février 2023

Les raisons cachées du désordre mondial, tome II (Valérie Bugault, préface du Professeur Perronne)

 

Valérie Bugault, docteur en droit, se consacre depuis quelques années à l’analyse des problématiques de géopolitique économique. Son deuxième tome des Raisons cachées du désordre mondial paru aux éditions Sigest mérite une lecture attentive. Et le simple fait que le Professeur Christian Perronne ait accepté d’en signer la préface témoigne de la qualité du travail de Valérie Bugault, bien connue de tous ceux qui résistent au Nouvel Ordre Mondial.

Dans ce livre, Valérie Bugault propose des arguments étayés permettant d’établir un lien entre crise sanitaire « gonflée » et intérêts financiers. Son raisonnement est que nous sommes parvenus aux antipodes de la démocratie suite à la prise de pouvoir progressive des grands banquiers et autres financiers internationaux qui sont devenus les vrais maîtres de nos Etats.

Présenté sous la forme d’un recueil d’articles et d’entretiens, cet ouvrage permet à Valérie Bugault de démontrer l’évolution d’un cycle historique dont elle estime le départ à l’année 1531, lorsque le roi d’Angleterre, Henry VIII, pour assouvir son désir d’épouser sa maîtresse Anne Boleyn, devant le refus du Pape d’annuler son mariage avec Catherine d’Aragon, rompt l’équilibre séculaire des pouvoirs de l’Europe médiévale. Le monarque décide de subordonner l’Eglise d’Angleterre à son autorité et introduit un schisme dans l’Eglise, conduisant son pays vers une évolution où le spirituel étant désormais soumis au temporel, le droit s’est mis au service des puissants, ces puissants devenant par la suite les financiers et les banquiers. A la faveur de prétextes sanitaires, le pouvoir financier mondial entend aujourd’hui accélérer son processus de domination sur les Etats et sur les individus, comme en attestent les recommandations du Forum économique mondial de Davos.

Cette société préconisée par les hommes de Davos étant une utopie, Valérie Bugault reste persuadée qu’après un chaos généralisé viendra le temps de réinstaller des contre-pouvoirs pour s’affranchir de la tyrannie financière. Elle propose des pistes pour y arriver.

Les raisons cachées du désordre mondial – tome II, Valérie Bugault, préface de Christian Perronne, postface d’Olivier Frot, éditions Sigest, 254 pages, 22,90 euros

A commander en ligne sur le site de l’éditeur

https://www.medias-presse.info/les-raisons-cachees-du-desordre-mondial-tome-ii-valerie-bugault-preface-du-professeur-perronne/156423/

lundi 27 février 2023

Le MOYEN ÂGE fut-il une époque de TÉNÈBRES et de SERVITUDE ? [Sortie Édi...

Mémoires d’Empire : chroniques de l’Empire colonial français présentées par Robert Saucourt

 

Durant pratiquement deux décennies, l’Association pour la Mémoire de l’Empire français, par le biais de sa revue Mémoires d’Empire,  sous la conduite de Robert Saucourt, a raconté l’histoire de l’Empire colonial français, histoire qui depuis longtemps n’est plus apprise aux élèves des lycées et collèges de France. Cette revue a cessé de paraître fin 2018.

A partir des articles parus dans la revue, Robert Saucourt a mis en forme un ouvrage relatant cette magnifique aventure que fut la colonisation, à l’époque où la France rayonnait de par le monde. Ce livre – paru aux éditions des Cimes – remet les choses à l’endroit et rend l’hommage qui leur est dû aux pionniers aujourd’hui oubliés. Parmi les rédacteurs sélectionnés par Robert Saucourt, citons le Colonel Jacques Allaire, ancien de Diên Biên Phu, l’historien José Castano, le Colonel Michel Castillon, l’ancien magistrat Philippe Chiaverini, le Général Henri Martin ou encore les journalistes Jean-Pierre Chesneau et Alain Sanders.

Ce remarquable ouvrage fera voyager ses lecteurs à travers les continents et le temps, nous emmenant à Chypre à l’époque franque, aux Canaries françaises au début du XVème siècle, en Amérique française qui, au XVIIIème siècle, s’étendait sur quasiment les deux tiers de l’actuelle Amérique du Nord, aux Indes, avec cinq comptoirs français vestiges d’une épopée tricentenaire, en Afrique équatoriale dès la Restauration, puis bien sûr à Madagascar, en Tunisie, au Maroc, à Shangaï, en Indochine et en Algérie.

A lire et à offrir aux jeunes générations pour transmettre la mémoire.

Mémoires d’Empire, ouvrage collectif présenté par Robert Saucourt, éditions des Cimes, 490 pages, 29 euros

A commander en ligne sur le site de l’éditeur

https://www.medias-presse.info/memoires-dempire-chroniques-de-lempire-colonial-francais-presentees-par-robert-saucourt/156617/

dimanche 26 février 2023

Est-ce que vous avez oublié comment les États-Unis ont trouvé un prétexte pour la guerre du Vietnam ?

 

Je crois que le plus insupportable chez nos politiciens qui in fine nous vendent les bonnes œuvres de l’OTAN c’est le caractère répétitif et un tantinet stupide du scénario du mal qui est fabriqué à cette occasion. Il y a eu avant le méchant Poutine affligé de toutes les maladies possibles, – Staline et le tsar confondus – les bébés en couveuse de Saddam Hussein, mais il y a eu aussi et toujours avec les mêmes glorieux résultats le « terrorisme du Viet Minh » et la nécessité de protéger les Vietnamiens contre des attentats fomentés en fait par la CIA pour justifier l’intervention. Il suffit de suivre la manière dont les dirigeants américains, les démocrates en particulier, ont menti au peuple américain et au reste du monde pour justifier leur entrée en guerre au Vietnam pour s’y croire, l’analogie avec l’Irak et maintenant l’Ukraine est frappante. Vous aviez oublié, vous l’ignoriez ? On doit reconnaitre qu’en France, la gauche et le PCF et l’Humanité ont beaucoup fait pour promouvoir l’idée que les démocrates américains étaient de gauche et que l’on pouvait attendre de leur part de la bonne foi en matière de paix et ils ne relâchent pas leurs efforts. Une aussi noble tâche était certes difficile à plus d’un titre : non seulement les prétextes d’intervention des Etats-Unis depuis la deuxième guerre mondiale se sont avérés des bidonnages, l’intervention elle-même totalement destructrice de ceux qu’elle prétendait libérer, mais en général la première puissance du monde a pris une raclée maison. Il n’y a pas d’exception à ce triple fiasco. Cela ne fait rien on continue vaillamment en faisant de Poutine la seule cause de ce qui se passe en Ukraine, ce qui fait de nous les thuriféraires habituels de l’OTAN et des USA et les soutiens de ce gredin sénile qu’est Biden, on exclut la Chine communiste des pourparlers et on baptise cette pitrerie proposition de paix du PCF.

Danielle Bleitrach

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Le prétexte terroriste oublié de la guerre du Vietnam

par James Bovard

Après les attentats du 9/11, le terrorisme est devenu le programme de référence pour l’élite politique américaine. Qu’il s’agisse d’espionner illégalement des Américains ou de réduire en miettes des dissidents somaliens, il suffisait désormais d’invoquer le terrorisme pour justifier toute attaque préconisée par les décideurs politiques de Washington. Pourtant les résultats désastreux de l’octroi d’un chèque en blanc aux politiciens auraient dû être indéniables bien avant, il y a près de 60 ans.

Dans les années 1960, le terrorisme était ce que les communistes faisaient. La ferveur morale antiterroriste et les œillères idéologiques ont alors propulsé les États-Unis vers leur plus grande erreur de politique étrangère depuis la Seconde Guerre mondiale.

Alors que la Légion étrangère française luttait pour reconquérir le Vietnam au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement américain a constamment embelli le scénario de ce qui se passait dans ce pays dans le seul but de diaboliser l’opposition communiste. Un agent de la CIA a fourni des matériaux pour l’explosion d’une bombe qui a déchiré une place principale de Saigon en 1952. Un photographe du magazine Life attendait sur les lieux, et son cliché est paru avec une légende blâmant le carnage attribué aux communistes Viet Minh. Le New York Times a titré son reportage : « Les bombes à retardement des Reds déchirent le centre de Saigon ». L’attentat a été présenté comme « l’un des incidents les plus spectaculaires et les plus destructeurs de la longue histoire du terrorisme révolutionnaire » commis par « des agents ici du Vietminh ». La couverture médiatique a déterminé le soutien du public à l’aide du gouvernement américain à l’armée française combattant les communistes. Un seigneur de guerre vietnamien nommé le général Trinh Minh Thé, un collaborateur de la CIA, a revendiqué la bombe, mais les médias américains ont volontairement ignoré sa déclaration.

À la suite de la défaite française en 1954, les conseillers militaires américains ont afflué au Vietnam. En 1961, le président John F. Kennedy a déclaré : « Maintenant, nous avons un problème pour rendre notre pouvoir crédible, et le Vietnam est l’endroit idéal ». L’administration Kennedy a cherché la crédibilité en trompant totalement le peuple américain et le Congrès sur sa politique vietnamienne. JFK a violé les limites du nombre de conseillers militaires américains qui avaient été établis dans le traité de paix de Genève de 1954 entre les Français et les communistes vietnamiens. Il a également trompé le public américain en qualifiant à tort le contingent américain de plus en plus pléthorique au Sud-Vietnam de « conseillers » à un moment où ils étaient activement engagés dans les combats.

Le gouvernement américain considérait le gouvernement sud-vietnamien dirigé par Ngo Dinh Diem comme corrompu, oppressif et inepte. Les Pentagon Papers ont décrit une débâcle du 8 mai 1963 dans la ville de Hué, au Sud-Vietnam : « Les troupes gouvernementales tirent sur une manifestation de protestation bouddhiste, tuant neuf personnes et en blessant quatorze. L’incident déclenche une protestation bouddhiste nationale et une crise de confiance populaire pour le régime Diem. [Le gouvernement du Sud-Vietnam] maintient que l’incident était un acte de terrorisme [Viet Cong]. »

Le gouvernement Diem était outré que les bouddhistes exigent l’égalité juridique avec les catholiques et le droit de hisser le drapeau bouddhiste. En août 1963, les forces spéciales sud-vietnamiennes « ont mené des raids nocturnes contre les pagodes bouddhistes dans tout le pays. Plus de 1400 personnes, principalement des moines, ont été arrêtées et beaucoup d’entre elles ont été battues », selon les Pentagon Papers. La CIA finançait ces forces spéciales, qui étaient censées être utilisées pour des opérations secrètes contre le Viet Cong ou le Nord-Vietnam, et non pour la répression religieuse. La terreur utilisée contre les bouddhistes par Diem a incité les États-Unis à soutenir un coup d’État qui a conduit à l’assassinat de Diem leur protégé quelques mois plus tard.

L’administration Johnson a exploité l’étiquette terroriste pour influencer les Américains afin qu’ils soutiennent la politique des États-Unis dans son implication croissante au Vietnam. Dans un message spécial au Congrès le 18 mai 1964 demandant des fonds supplémentaires pour le Vietnam, LBJ [Lyndon Baines Johnson] a déclaré : « Les guérilleros Viet Cong, sous les ordres de leurs maîtres communistes dans le Nord, ont intensifié les actions terroristes contre le peuple pacifique du Sud-Vietnam. Cette recrudescence du terrorisme exige une réponse accrue ». Johnson a méprisé une proposition du président français Charles de Gaulle plaidant pour une conférence à Genève sur l’escalade du conflit au Vietnam parce que LBJ a déclaré que la conférence « ratifierait le terrorisme ». Lors d’une conférence de presse le 23 juin 1964, LBJ a déclaré que « notre but est la paix. Notre peuple au Sud Viet-Nam aide à protéger les gens contre le terrorisme. »

Les décideurs américains étaient avides d’un prétexte pour déclencher des bombardements. Le 15 mai 1964, l’ambassadeur américain Henry Cabot Lodge a recommandé de planifier une intervention de l’armée de l’air sud-vietnamienne pour frapper « une cible spécifique au Nord-Vietnam », le tout soigneusement prévu pour apparaître comme la réponse à un « acte terroriste d’ampleur par les Nord-Vietnamiens », ont révélé les documents du Pentagone.

À cette époque, les États-Unis menaient déjà une série de raids « éclair non attribuables » contre le Nord-Vietnam, y compris « des enlèvements de citoyens nord-vietnamiens pour obtenir des informations de renseignement, des équipes de sabotage et de guerre psychologique parachutées dans le nord, des raids de commandos depuis la mer pour faire sauter des ponts ferroviaires et routiers, et le bombardement d’installations côtières nord-vietnamiennes par des PT boats », selon les Pentagon Papers. Des pilotes thaïlandais aux commandes d’avions américains ont bombardé et mitraillé des villages nord-vietnamiens. Mais l’administration Johnson a nié que les États-Unis commettaient des provocations.

Johnson avait déjà décidé d’attaquer le Nord-Vietnam pour booster sa campagne électorale. Le 2 août 1964, le destroyer U.S.S. Maddox a tiré sur des navires nord-vietnamiens près de la côte nord-vietnamienne. Deux jours plus tard, le Maddox a signalé qu’il était attaqué par des PT boats nord-vietnamiens. En quelques heures, le commandant du navire a télégraphié à Washington que les rapports d’une attaque contre son navire avaient peut-être été largement exagérés : « Toute l’action laisse beaucoup de doutes ». Mais le rapport initial de Maddox était tout ce dont LBJ avait besoin pour aller à la télévision nationale et annoncer qu’il avait ordonné des frappes aériennes immédiates de « représailles » contre le Nord-Vietnam. Johnson fit adopter une résolution par le Congrès lui accordant l’autorité illimitée d’attaquer le Nord-Vietnam. La résolution avait été rédigée des mois plus tôt et l’administration attendait le bon moment pour la dévoiler.

Le Viet Cong et le gouvernement sud-vietnamien terrorisaient les gens au moment où l’implication américaine s’est rapidement étendue en 1965. Mais le gouvernement américain n’a regardé que le terrorisme du Viet Cong pour justifier le lancement de sa propre campagne de bombardement qui a tué beaucoup plus de civils que le Viet Cong ou l’armée nord-vietnamienne avant la fin de la guerre.

Les médias américains ont sans cesse récité le scénario terroriste que le gouvernement américain avait créé pour justifier l’intensification de la guerre du Vietnam. Daniel Hallin, professeur à l’Université de Californie, a observé : « Le thème du terrorisme dirigé contre les civils était au cœur de l’image de l’ennemi à la télévision… La couverture télévisée était (…) concentrée sur la terreur à l’exclusion presque totale de la politique ». Les médias américains ont également presque complètement ignoré les attaques contre les civils vietnamiens par l’armée américaine.

Le racket politique qui a engendré la guerre du Vietnam aurait dû rendre les Américains toujours méfiants à l’égard de toute mission de sauvetage défendue par Washington. Le gouvernement américain prétend constamment être un spectateur innocent après que ses interventions secrètes aient fait des ravages à l’étranger. Il ne manque pas de gouvernements maléfiques et de factions maléfiques qui massacrent des innocents. Mais les atrocités étrangères, réelles ou imaginaires, ne rendent pas les présidents et leurs sbires dignes de confiance.

source : Histoire et Société

https://reseauinternational.net/est-ce-que-vous-avez-oublie-comment-les-etats-unis-ont-trouve-un-pretexte-pour-la-guerre-du-vietnam/

Qui est l’économiste Schumpeter?

Algérie, la conquête : comment tout a commencé (Thierry Nélias)

 

Thierry Nélias est l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés à des moments de l’Histoire de France. Il signe aux éditions Vuibert un nouvel ouvrage intitulé Algérie, la conquête.

Tout commence donc avec l’expédition militaire de juin 1830. Officiellement, il s’agit pour Charles X de laver l’affront commis trois ans plus tôt par le dey d’Alger, lorsque celui-ci a frappé plusieurs fois de son chasse-mouches le Consul de France. 65.000 marins et hommes de troupe, 80 pièces de siège, le tout à bord de 460 navires, font route avec mission de châtier l’arrogance de Hussein-Pacha et d’anéantir la piraterie dans la Méditerranée. Le 14 juin à l’aube, les conquérants s’élancent et en très peu de temps hissent le drapeau du roi au sommet de la tour de défense de Sidi-Ferruch, dont la presqu’île est rapidement transformée en comptoir français. Le 19 juin, les forces arabes et turques lancent un assaut d’envergure. 40.000 mahométans passent à l’attaque mais l’organisation tactique française est victorieuse. C’est le début de la conquête de l’Algérie. Quantité de grands noms de l’armée française vont s’illustrer sur cette terre algérienne. Citons par exemple le duc d’Aumale qui s’empare en 1843 de la fameuse Smala, l’immense base nomade d’Abd-el-Kader. C’est aussi cette colonisation algérienne qui va façonner la Légion étrangère ainsi que les spahis. Durant ces décennies qui s’étendent jusqu’en 1870, les Français ne s’imposent pas que par la force militaire. Ils se révèlent aussi bâtisseurs. Le roi Louis-Philippe ayant décrété « l’occupation générale », de grandes plumes comme Louis Veuillot ou Alexis de Tocqueville décident de venir étudier de près l’aventure de la colonisation de l’Algérie. Les Français vont aussi s’occuper de la cruciale question de l’eau et grâce à cela œuvrer au développement agricole. Les géographes français vont dresser la cartographie du pays. Des villes et des villages naissent là où jadis il n’y avait que déserts. Autant d’aspects aujourd’hui trop oubliés.

Ce livre est le récit d’une épopée fabuleuse et se lit comme un formidable roman d’aventures dont tous les personnages appartiennent bien à l’Histoire de France.

Algérie, la conquête, Thierry Nélias, éditions Vuibert, 272 pages, 19,90 euros

A commander en ligne sur le site de l’éditeur

https://www.medias-presse.info/algerie-la-conquete-comment-tout-a-commence-thierry-nelias/156724/

vendredi 24 février 2023

Rome et Jérusalem : Flavius Josèphe, le juif de Rome [2/3], avec Mireill...

L'armée allemande face au débarquement du 6 juin 1944, avec Jean-Luc Leleu

[Livre] La vérité sur la transition énergétique : un livre éclairant de Philippe Charlez

 

C’est un auteur précieux, un expert, un vrai. Bien connu des lecteurs de Boulevard Voltaire, Philippe Charlez sort un livre qui lui ressemble : sérieux, appuyé, scientifique mais aussi facétieux, raisonnable et provocateur, jamais exactement où on l’attend. Un livre libre.

Les 10 commandements de la transition énergétique (VA Éditions, 177 pages) sera le livre de chevet de qui veut aborder avec honnêteté les perspectives affolantes dessinées par les Verts. C’est un outil pour y voir clair et droit, quitte à abandonner quelques convictions que l’on croyait fondées. Quitte aussi, pourquoi pas, à contester le maître.

Mais il ne vous facilitera pas le travail car Philippe Charlez ne s’est pas improvisé climatologue en taguant des slogans faciles sur les murs des centrales nucléaires dans les années 1970. Non, pendant que les chevelus pressés de retourner à l’âge des cavernes se donnaient des frissons, Charlez bossait et passait des diplômes. Ce Belge est ainsi ingénieur de la Faculté polytechnique de Mons, docteur en physique, expert en énergie et auteur de nombreux livres. Il est professeur à l’université parisienne Dauphine, à l’INSEAD ou aux Mines Paris Tech, excusez du peu.

Sa liberté sur ces sujets délicats n’est donc pas celle du fou mais celle du savant. Il a le courage d’en user en conscience dans un domaine (un de plus) dans lequel le moindre écart, la moindre erreur, la moindre divergence vous vaut aussitôt l’enfer médiatique. « La tyrannie de la pensée dominante est difficile, voire impossible à contester, écrit Philippe Charlez dans sa préface. Oser la challenger conduit à la marginalisation, voire à la diabolisation. » Lui se veut scientifique au sens noble du terme, sans égard pour la chape de plomb : « Parfois empreinte d’une certaine poésie, l’affirmation idéologique l’emporte souvent à court terme sur un discours scientifique, lequel exige rigueur, modestie et ouverture », note-t-il. Il n’est pas dupe, Philippe Charlez : le militantisme vert ne s’embarrasse pas de science. « Soucieux de défendre un agenda souvent déconnecté du climat, l’écologie politique a transformé le problème scientifique en dogme religieux. Comme les Gardes rouges durant la révolution culturelle chinoise, les ONG fondamentalistes forment aujourd’hui "l’ignorance" de leurs militants. »

Le premier commandement selon Philippe Charlez est ainsi clair : « Le climato-scepticisme tu déconstruiras. » Place aux faits. La Terre se réchauffe-t-elle, demande-t-il ? Chiffres en mains, appuyé sur de nombreuses notes de bas de page, il répond clairement. Le CO2 dans l’atmosphère augmente-t-il et à quel rythme ? Quelle est l’influence de l’effet de serre ? Les questions sont claires et les réponses transparentes. Elles s’accordent parfois au « vent dominant », parfois non. Mais elles sont toujours argumentées. À son rythme, l’auteur attaque les faux monuments chéris de nos écolos-dingos. Commandement second : « Le décroissantisme tu combattras », lance-t-il, désossant un par un les arguments déraisonnables de ceux qui rêvent de revenir à l’araire. « Le monde de Greta se délecte à surestimer les faibles probabilités », écrit-il. Toujours équilibré, il appelle plutôt à améliorer l’existant. On peut mieux faire sur la consommation d’énergie, les comportements, le choix des équipements nécessaires pour décarboner. C’est un sage qui invite à renoncer très vite à une énergie dépendante à 100 % du renouvelable, à s’appuyer sur le nucléaire, à se méfier de l’excès de biomasse dans notre mix énergétique, à accepter « un reliquat d’énergies fossiles ».

Les dix commandements de Charlez ne sont pas seulement techniques, ils sont aussi politiques. Ce tableau très pragmatique dans un univers si passionné, contesté, menacé de rêves destructeurs et funestes, verrouillé par une gauche écolo qui a souvent perdu le contact avec la réalité, semble déboucher sur une ode induite à la nation. C’est ainsi qu’on peut lire le dernier chapitre et dernier commandement : « La coopération internationale tu soutiendras. » Les intérêts et les réflexes des différentes nations et chefs d’État sont très éloignés, explique l’auteur, documents en main. « Même si le réchauffement climatique n’a pas de frontières, la transition énergétique pourra difficilement être mondiale », dit-il. Mais il ne croit pas à cet horizon d'une partie de la droite, au « localisme, qui s’accommode parfaitement des idées décroissantistes des climatogauchistes », même si les deux camps ne partagent pas la même vision d’avenir. Une pierre au débat. On en sort lucide et documenté.

Malheureusement, Philippe Charlez fait le constat, dans les dernières pages, de l’insuffisance française face aux grands blocs dans le monde, Chine et États-Unis en tête. Il semble plaider pour une politique commune basée sur notre socle culturel judéo-chrétien européen. Il appelle à de grands projets européens structurants capables de « relancer une Europe en panne ». Air entendu. C’est oublier que l'Europe n'est pas la solution au mal, c'est sa cause. Nous avons déjà tenté l’expérience dans le charbon, l’acier, l’industrie, l’agriculture… Avec un résultat identique catastrophique. Lâcher le volant et le levier de vitesses de la voiture France en plein virage, en espérant que l’Europe la conduira mieux que nous Français, nous a conduit dans le décor. Hors de l’Union européenne, le , quoi qu’on en dise, la Suisse, l’Islande, avec leurs particularités, ne s’en sortent pas si mal. La France ne retrouvera le chemin de sa grandeur que souveraine. La transition énergétique doit s'accompagner d'une transition souveraine. La nation ou le chaos.

Marc Baudriller

Le XVIIe siècle, de Malherbe à la naissance de l’Académie française (3/3)

 

Le XVIIe siècle, de Malherbe à la naissance de l’Académie française (3/3)

La Renaissance aura enseigné à la France le culte de la beauté plastique et, en faisant de l’imitation le principe fondamental de toute œuvre littéraire, elle aura ainsi rendu possible l’éclosion de la pensée classique, subtil équilibre entre la sagesse humaine et chrétienne. Elle aura aussi détourné l’écrivain du peuple, lui donnant une pensée trop universaliste au détriment des préoccupations nationales. Richelieu, avec la création de l’Académie Française, tâchera d’y remédier.

La Renaissance s’ouvre sur une révolution technologique dans le monde littéraire : le développement des maisons d’imprimerie. On connait bien évidemment Gutenberg, mais, dès le XVIe siècle, les imprimeurs sont légion dans les grandes villes européennes : d’abord présents sur les terres du Saint-Empire romain germanique, ils essaiment en Italie, appelés par le pape pour éditer les textes de Cicéron. Vient ensuite la France où l’imprimerie s’installe directement dans un lieu symbolique : la Sorbonne, puis ce sera la Hollande et la péninsule Ibérique. Le développement européen de ces ateliers d’imprimerie répond à un besoin de plus en plus pressant : les copistes ne parviennent plus à répondre à la demande toujours plus croissante d’ouvrages, qui tendent à se diversifier, exigés par un monde de lettrés de plus en plus important. Cette technologie nouvelle ouvre dès lors une réflexion sur la langue et sur l’orthographe : la copie uniforme d’un même texte ne nécessitera plus le travail de plusieurs correcteurs et l’on s’attachera à fixer une bonne fois pour toutes l’orthographe des mots.

Enfin Malherbe vint, et, le premier en France

Ainsi le XVIIe siècle voit le jour sur des besoins nouveaux : de discipline, d’ordre social, de raison et d’un sentiment religieux et national. La première partie du siècle voit la formation d’un idéal classique qui s’exprimera pleinement dès 1660.

Mais elle était du monde, où les plus belles choses
Ont le pire destin ;
Et rose elle a vécu ce que vivent les roses,
L’espace d’un matin.

Qui ne connaît ces vers de Malherbe dont la légende raconte que, dans la première version, le poète avait écrit « Rosette a vécu… », et l’imprimeur de lire trop vite et d’imprimer « Rose, elle a vécu… » ? L’auteur aurait été frappé par l’harmonie nouvelle du vers, créée par cette erreur. Peu nous importe ici de démêler la légende de la réalité historique, l’anecdote ayant marqué des générations d’élèves depuis lors. Si Malherbe est connu pour ces vers tirés de la Consolation à Monsieur du Périer, il ne faut pas oublier qu’il fut avant tout un réformateur clairvoyant et rigoureux de la langue française, qui poursuivit, en l’élaguant, l’œuvre entamée par les poètes de la Pléiade. L’œuvre de Malherbe n’est pas, à proprement parler, remarquable. Poète peu inspiré, l’on juge ses vers secs et froids. Mais la critique est aisée, tant il s’éloigne de la pédanterie de ses prédécesseurs. L’apparente simplicité de sa poésie est la marque d’un homme qui voit la poésie comme un véritable ouvrage, à l’image de Boileau qui dira plus tard dans une stance devenue célèbre :

« Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage
Travaillez-le sans cesse et le retravaillez »

Le culte du mot juste

Loin de l’image du poète-vate proposé par Ronsard, Malherbe se voit comme un artisan du verbe qui doit agir avec les mots à la manière d’un orfèvre. Toute son œuvre est ainsi caractérisée par un souci d’harmonie qui fera de lui un précurseur du mouvement classique. Pour Malherbe, la poésie est œuvre de raison. Elle rencontre chez lui l’éloquence et se doit de rendre l’idée abstraite saisissante, en la réalisant sous la forme d’un tableau concret. Il a ainsi le culte du mot juste qui nous manque tant aujourd’hui.

Dès lors, s’il accepte le principe rendu fondamental par Ronsard de l’imitation des Anciens, Malherbe n’hésite pas à s’opposer au poète sur la question de la langue. Ronsard, rappelons-le, souhaitait faire de la langue française une langue nationale composite, où tous les dialectes régionaux seraient admis. Malherbe affirme la préséance de la « langue de Paris », celle que le peuple de Paris, les crocheteurs du Port-au-foin, pourrait comprendre. En matière de versification, Malherbe s’impose encore, réglant les lois de la césure et de la rime, contribuant, dans la continuité des auteurs de la Pléiade, à forger un art poétique à la française. Il apparaît comme un écrivain vraiment français par sa clarté, le parfait équilibre de ses vers et la solidité de sa langue. Déniant d’avance toute critique, il rendit sa réforme absolue et Boileau la résumera ainsi :

« Il réduisit la Muse aux règles du devoir »

Le bon usage

Parlant de la langue française et de son évolution, l’on ne peut faire l’impasse sur un homme dont l’œuvre influencera toute la pensée du XVIIe siècle. Baron de Pérouges, Claude Favre de Vaugelas publie en 1647 ses Remarques sur la langue française, dictionnaire du bon usage pour parler et écrire en français. C’est à lui, après Marot, que les écoliers doivent quelques sueurs froides lorsqu’ils abordent l’épineuse question de l’accord des participes passés… L’influence de Vaugelas sera immense : on dit à l’envi à cette époque que pour parler français, il faut parler Vaugelas. Grâce à son dictionnaire, la langue, jusqu’alors flottante, est fixée par des lois précises fondée sur un principe simple : celui du bon usage. Il l’exprime dans sa préface en ces termes :

« Voici donc comme on définit le bon Usage : c’est la façon de parler de la plus saine partie de la Cour, conformément à la façon d’écrire de la plus saine partie des Auteurs du temps. »

Ainsi la langue parlée doit se soumettre à la langue écrite et trouve son origine à la cour, c’est-à-dire au plus près du prince qui dirige le pays. Il s’agit de viser toujours la pureté de la langue, en évitant, selon les mots de l’auteur, un trop long séjour dans les provinces qui risquerait de contaminer le langage parlé, et partant écrit. Vaugelas a conscience que la défense d’une langue ne peut passer que par une prise de conscience : il faut en tout viser l’excellence, au risque de tomber dans la vulgarité. Cette préséance de la langue écrite sur la langue parlée déterminera la grammaire française, et il faudra attendre des grammairiens comme Jacques Derrida pour inverser le principe, participant de ce fait à la déconstruction de la langue et de la civilisation française.

L’Académie, écrin du français

Pour parfaire le tableau de la langue française du XVIIe siècle, il nous faut désormais évoquer la création de l’Académie française et Valentin Conrart. Ce calviniste, issu d’une famille de négociants, accueille dans son salon des hommes de lettres, pour y parler librement des ouvrages nouveaux et lire leurs propres productions. C’est François de Boisrobert, ami de Conrart mais aussi de Richelieu, qui informe ce dernier de ce salon atypique et si riche. Le cardinal, passionné d’organisation, propose alors à ces écrivains de devenir un corps régulier, officiel, soutenu par le pouvoir royal. D’abord hésitants, les auteurs finissent par accepter et l’Académie française naît en 1633 autour de quarante « immortels ». Poursuivant les travaux de Vaugelas, l’Académie tient pour premier but celui de composer un dictionnaire, une grammaire, une rhétorique et une poétique de la langue française que l’on aura bien évidemment nettoyée de ses imperfections. Il faudra attendre 1694 pour que paraisse son premier Dictionnaire qui se veut être un dictionnaire des mots et non des choses, informant de la nature grammaticale du mot, de son orthographe, de ses significations et acceptions. L’enjeu est important, voire primordial : la langue française devient un outil du pouvoir royal, cherchant à unifier le pays autour d’un socle commun. Ce n’est pas par hasard si le cardinal de Richelieu lui-même est nommé « chef et protecteur » de cette toute jeune académie dont le rôle est de donner à la France :

« Une des plus glorieuses marques de la félicité d’un État […] : les sciences et les arts y fleurissent  […] , les lettres y fussent en honneur aussi bien que les armes. »

Civilisation de la langue, langue de la civilisation

Les Académiciens se veulent des phares dans la tempête de l’évolution linguistique. Ils ont à cœur, dès leurs premiers travaux, de maintenir leur double attachement à l’usage et à la norme. Le 15 octobre 1998, Hector Bianciotti résuma le but de l’Académie française, lors de son discours prononcé à l’occasion de la visite de Carlos Menem, président argentin de l’époque :

« Monsieur le Président, ici, nous sommes au sein de l’Académie fondée par le Cardinal de Richelieu ; dans cette enceinte, nous avons tous le même âge : trois cent soixante-trois ans.
Paul Valéry, notre confrère, observait que, quoique pourvue d’une charte qui lui assigne le devoir d’examiner et de noter les états successifs de la langue, l’Académie ne se réduit pas à une société qui renouvelle le dictionnaire ; et que “la singularité de l’Académie est d’être indéfinissable”.
Mais c’est bien dans cette salle que nous nous réunissons le jeudi, pour travailler à l’œuvre commune du dictionnaire.
C’est notre métier, notre mission : veiller aux nuances que l’usage introduit dans les mots ; accueillir ceux que la science, la technique, les découvertes… ont rendus indispensables ; écarter les mots et les tournures que l’on devine éphémères…
Cette vigilance méticuleuse, qui peut paraître infime en regard des affaires du monde et de leur urgence, est le fruit de notre foi dans le pouvoir des mots, ces mots qui ont forgé une grande littérature, une grande culture. C’est cette foi qui nous pousse à préserver la langue… pour sauver la civilisation : c’est toujours la langue qui rend le passé au présent et relie celui-ci à l’avenir. »

Faire langue, c’est faire peuple

Encore aujourd’hui, les mots de ces immortels résonnent dans nos cœurs. L’actualité des derniers mois en atteste bien. Comment oublier les dires des médias à propos des déclarations de l’Académie sur le genre de la Covid-19 ? Il est intéressant de noter qu’à l’image de la grande réforme de l’orthographe de 1990, la position de l’Académie française reste toujours peu ou prou la même en ces affaires : les sages ne sont pas là pour forcer les règles et imposer de nouvelles normes, mais doivent faire état d’un usage (pour reprendre le principe de Vaugelas) bon ou mauvais des mots, sans servir des intérêts particuliers mais bien ceux du pays.

En janvier 2020, une commission de six académiciens publie ainsi un rapport s’inquiétant de l’évolution de la langue française abreuvée à plus soif par des anglicismes toujours plus présents. Les sages constatent ainsi une « évolution sensible et préoccupante de la langue française que l’on constate dans l’ensemble de la communication institutionnelle ». Forts de leur conscience que la langue est le ferment d’un peuple, ils pointent un écueil important auquel nous sommes confrontés : lorsqu’un peuple ne parvient plus à utiliser sa propre langue au sein de ses institutions, un sentiment d’appartenance nationale est-il possible ?

Marion du Faouët – Promotion Dante

Illustration : Frontispice du dictionnaire de l’Académie française, édition de 1694. Gravure de Jean Mariette (détail).

https://institut-iliade.com/le-xviie-siecle-de-malherbe-a-la-naissance-de-lacademie-francaise-3-3/

Les sites sacrés - L’architecture symbolique et mystique des Temples

Louis-Gaston de Sonis, Soldat du Christ (Clotilde Jannin)

 

Clotilde Jannin, ingénieur de formation et mère de famille, fait partager sa passion de l’Histoire en écrivant de courtes biographies qui enthousiasmeront les jeunes gens. Louis-Gaston de Sonis, Soldat du Christ est le quatrième ouvrage qu’elle publie chez les Editions Edilys. Clotilde Jannin nous raconte la vie d’un officier exceptionnel et d’un héros catholique dans un contexte tendu : coup d’Etat de Napoléon III, guerre de 1870, persécutions anti-catholiques de la IIIème République à partir de 1880 qui pousseront le général de Sonis (1825-1887) à la démission (son fils Henry sera confronté au même dilemme en 1905, lors des Inventaires).

Tout au long de ces pages apparaissent les qualités et vertus de ce « centurion ». Héros sur les champs de bataille, apprécié tant par ses pairs que ses subordonnés, il s’impose l’obligation d’accomplir le plus parfaitement possible son métier d’officier dans l’exercice de toutes ses responsabilités. Affecté en Algérie, il apprend aussitôt l’arabe afin de pouvoir s’adresser aux indigènes, les écouter et mieux connaître leurs us et coutumes. Il reste aussi un modèle d’époux et de père (il a eu douze enfants !). Et dans tous les domaines de l’existence, il a fait sienne la devise de sainte Jeanne d’Arc « Messire Dieu premier servi ».

L’ouvrage est écrit de façon très vivante et accessible à partir de 14 ans, ce qui n’empêche que bien des adultes trouveront également plaisir à la lire.

Un cahier iconographique réhausse ce livre édifiant. Outre de rares photographies, le lecteur sera fasciné par la reproduction du splendide tableau d’Horace Vernet représentant la première messe en Kabylie le 14 juin 1853, l’autel entouré de l’armée française à genoux. L’ouvrage bénéficie également d’une très belle préface du général Gilles de Moncuit, président d’honneur de l’Association des Amis de Sonis-Loigny, et dont deux ancêtres ont fait partie des Zouaves pontificaux.

Louis-Gaston de Sonis, Soldat du Christ, Clotilde Jannin, préface du Général Gilles de Moncuit, éditions Edilys, 216 pages, 17 euros

A commander en ligne sur le site de l’éditeur

https://www.medias-presse.info/louis-gaston-de-sonis-soldat-du-christ-clotilde-jannin/156839/

jeudi 23 février 2023

L’Ordre Mondial – Nos dirigeants secrets : une étude sur l’hégémonie du parasitisme (Eustace Mullins)

 

Eustace Mullins (1923 — 2010), essayiste américain, fut un disciple du poète Ezra Pound au sujet  duquel il a écrit une biographie. En 1950, Mullins fut embauché comme chercheur à la bibliothèque du Congrès. Il aida le sénateur Joseph McCarthy à constituer des dossiers sur les sources de financement du Parti communiste américain. Il fut ensuite rédacteur auprès de plusieurs journaux et revues puis publiciste. Ezra Pound lui demanda d’enquêter sur la Réserve Fédérale américaine (FED), ce qui donna lieu à la publication de son ouvrage le plus connu, les Secrets de la Réserve fédérale, dont l’objet est de démontrer que, depuis 1913, des banques privées et des actionnaires privés (Banque Lazard, Kuhn, Loeb & co, J.P. Morgan & Co., Goldman Sachs, Lehman Brothers, NM Rothschild & Sons, Israel Sieff, Paul Warburg, et la famille Rockefeller) ont pris le contrôle de la Réserve Fédérale américaine (FED), et à travers cela de la vie politique et économique des États-Unis.

Son livre L’Ordre Mondial vise à démasquer les dirigeants secrets du monde et vient apporter des informations complémentaires à ses Secrets de la Réserve fédérale. Il consacre un important chapitre à la famille Rothschild, à l’histoire et au rôle de celle-ci depuis le XVIIIème siècle. L’ancien chercheur à la bibliothèque du Congrès enchaîne citations et extraits d’articles de presse stupéfiants sur le rôle des Rothschild. A titre d’exemple, cet extrait de L’Encyclopédie juive de 1909 : « En 1848, la maison parisienne de Rothschild valait 600 millions de francs contre 352 millions de francs détenus par tous les autres banquiers parisiens réunis. » Plus significatif encore, cet extrait du New York Times du 4 juin 1879 à l’occasion du décès du baron Lionel N. Rothschild : « Son père en est venu à la conclusion que pour perpétuer leur renommée et leur pouvoir qui étaient déjà importants sur le plan international, il était nécessaire que la famille soit unie et dévouée à la cause commune. Pour ce faire, il a proposé qu’ils se marient entre eux et qu’ils ne forment pas d’union conjugale en dehors de la famille.« 

Le reste est à l’avenant !

L’Ordre Mondial, Eustace Mullins, éditions Kontre Kulture, 438 pages, 24,50 euros

A commander en ligne sur le site de l’éditeur

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mercredi 22 février 2023

La géopolitique : débats sémantiques 3/3

  

C’est dans ce contexte mondial que la géo-économie, définie comme forme nouvelle de rivalité entre États et groupe d’États, s’impose : « Dans cette géo-économie, les capitaux investis ou drainés par l’État sont l’équivalent de la puissance de feu ; les subventions au développement des produits correspondent aux progrès de l’armement ; la pénétration des marchés avec l’aide de l’État remplace les bases et les garnisons militaires déployées à l’étranger, ainsi que “l’influence diplomatique”. Ces diverses activités (…) sont également le lot quotidien des entreprises privées qui les exercent pour des motifs purement commerciaux. Mais quand l’État intervient, lorsqu’il encourage, assiste ou dirige ces mêmes activités, ce n’est plus de l’économie “pur sucre”, mais de la géo-économie » (p. 34). Cette discipline est donc plus qu’une simple géographie économique du XXIe siècle. Elle étudie les formes économiques et commerciales prise par les logiques conflictuelles inter-étatiques et le même terme désigne les mesures prises dans le cadre du combat planétaire pour la suprématie technico-économique. On distinguera donc la géo-économie-méthode de la géo-économie-pratique ou utilisation diplomatico-stratégique de l’économie.

Géo-économie : un retour du mercantilisme ?

L’utilisation diplomatico-stratégique de l’économie à l’encontre d’États concurrents et adverses n’est pas sans rappeler le mercantilisme des XVIe et XVIIe siècles. Les politiques économiques préconisées par Jean Bodin et Antoine de Montchrétien en France, Thomas Mun et William Petty en Angleterre, ne dissociaient pas économie, diplomatie et stratégie. Pour paraphraser Clausewitz, ces auteurs considéraient le commerce comme étant la continuation de la guerre par l’introduction d’autres moyens, tout comme le nationalisme économique de l’Américain Alexander Hamilton et de l’Allemand Friedrich List au XIXe siècle. E. Luttwak s’emploie pourtant à amplifier les différences objectives existant entre la géo-économie des démocraties modernes et le mercantilisme des monarchies d’ancien régime. Les rois absolus, explique-t-il, poursuivaient des objectifs politiques — sécurité militaire, grandeur de l’État, gloire du roi — alors que les buts de la géo-économie sont économiques : drainage des capitaux, maximisation de l’emploi, et suprématie technico-industrielle. Mais ce sont-là des objectifs intermédiaires, le but final étant d’obtenir la position la plus haute dans la hiérarchie internationale du pouvoir, afin de garantir la sécurité globale de l’État. Les moyens peuvent varier mais la fin poursuivie est éminemment politique.

Assurément, la géo-économie contemporaine n’est pas un retour pur et simple au mercantilisme des Temps Modernes : le point de vue mercantiliste était celui du Prince ; la géo-économie est l’expression de toute la nation. Entre démocraties de marché, l’économie est un instrument de pouvoir plus usité que la guerre, devenue à tort ou à raison impensable ; les monarchies d’ancien régime n’hésitaient pas à passer du commerce à la guerre. La géo-économie est donc un néo-mercantilisme.

Pour une géopolitique appuyée par des images satellitales

Les rapports entre signifiants-signifiés précisés, la connexité de ces champs disciplinaires n’en est pas moins frappante et c’est par des échanges entre les uns et les autres que la géopolitique se renouvelle. On sait cette discipline traditionnellement centrée sur les rapports interétatiques — le Monde est appréhendé comme collection d’États souverains —, sur les grandes masses — l’échelle planétaire est indûment privilégiée —, et attachée à une définition en termes diplomatico-stratégiques de la puissance. La géo-économie met par contre en évidence la diversité des acteurs du système-Monde et le renouvellement des bases de la puissance. Pour sa part, la géographie privilégie une approche fine, multi-scalaire et systémique des réalités terrestres naturelles (topographie, géologie, climatologie, hydrographie, biogéographie) et artificielles (les établissements humains), qui fait défaut à une géopolitique parfois trop classique, olympienne et génératrice de vastes synthèses souvent hâtives. La géostratégie a pour elle une approche rigoureuse des données spatiales fondée sur le recours aux techniques de pointe — télédétection et analyse des images satellitaires notamment — indispensable à la maîtrise cognitive des territoires.

On remarquera à ce propos la rareté des atlas géopolitiques-géostratégiques comportant des images satellitales. C’est en se mettant à l’école de ces disciplines voisines que la géopolitique reformulera ses problématiques, ses thématiques, ses concepts et ses méthodes.

Louis Sorel, Vouloir n°137-141, 1997.

Bibliographie complémentaire :

- Jean-Paul CHARNAY, Stratégie générative : De l’anthropologie à la géopolitique, PUF, 1992.

- Marie-Françoise DURAND, Jacques LÉVY, Denis RETAILLÉ, Le monde : Espace et systèmes, Fondation nationale des sciences politiques-Dalloz, 1992.

- Michel FOUCHER, Fronts et frontières : Un tour du monde géopolitique, Fayard, 1988.

Notes :

1. La révolution balistico-nucléaire, c’est à dire la possibilité de projeter une violence hyperbolique à des vitesses hypersoniques, a en effet contracté l’espace-temps stratégique. Bien vite, on s’est cependant aperçu que l’on ne pouvait réduire la stratégie au calcul des trajectoires balistiques. La dissuasion nucléaire n’étant crédible que pour les conflits existentiels — seule une menace absolue peut justifier l’emploi d’une arme absolue — son champ de validité se limite à la défense du territoire et des intérêts vitaux des puissances nucléaires. Énoncée par les concepteurs de la stratégie nucléaire française (Lucien Poirier et Pierre-Marie Gallois notamment), cette thèse que les États-Unis ont longtemps réfutée — ils prétendaient couvrir l’Europe occidentale de leur parapluie nucléaire — est aujourd’hui démontrée. Dans un conflit de haute intensité comme l’a été la guerre du Golfe en 1991, les États-Unis ont exclu l’emploi de l’arme nucléaire. Hors des sanctuaires donc, la servitude millénaire du nombre et les impératifs géographiques demeurent.

Sur la thèse de la géopolitique complice, via K. Haushofer, de l’hitlérisme, on se reportera à la préface de Jean Klein ainsi qu’à l’introduction de Hans-Adolf Jacobsen in : Karl Haushofer, De la géopolitique, Fayard, 1986. Voir aussi Michel Korinman, Quand l’Allemagne pensait le monde, Fayard, 1990. N’en déplaise à Claude Ralfestin (Géopolitique et Histoire, Payot 1995), cette thèse est aujourd’hui réfutée.

2. La définition donnée par Pascal Lorot est extraite de son Histoire de la géopolitique, Economica, 1995, p.71 . La terminologie qui suit est empruntée à Michel Foucher, Fronts et frontières, Fayard, 1988, p. 438-442.

3. Cf. Yves Lacoste, « Chorématique et géopolitique », in : Hérodote n°69-70, 2° et 3° trimestre 1993, ainsi que le n°76 de cette même revue (1er trimestre 1995), intégralement consacré à cette question.

4. Cf. Paul Claval, Géopolitique et géostratégie, Nathan, 1994, p. 3-4.

5. Cf. le préambule d’Yves Lacoste au Dictionnaire de géopolitique, Flammarion, 1993.

6. Cf. Stratégique n°2/1991, FEDN.

7. Cf. Paul Claval, Géopolitique et géostratégie, op. cit., p. 5-6.

8. Cf. André Vigarié, La mer et la géostratégie des nations, Economica / Institut de stratégie comparée, 1995, p. 7.

9. Philippe Moreau Delarges, Introduction à la géopolitique, Points/Seuil, 1994, p. 155.

10. J. Lévy résume ces thèses dans « Vers un village planétaire », in « Les nouveaux nouveaux mondes », Sciences Humaines hors-série n°1, février 1993.

11. Cf. P. Moreau Defarges, Introduction à la géopolitique, op. cit., p. 178.

12. Edward N. Luttwak, Le rêve américain en danger, Odile Jacob, 1995.

http://www.archiveseroe.eu/recent/24

La LOURDE QUESTION des HARKIS. Alain Juillet et Claude Medori reçoivent ...

Cao Bang 1950, premier désastre français en Indochine (Ivan Cadeau)

 

Ivan Cadeau, officier supérieur et docteur en histoire, est chef du bureau Terre au Service historique de la Défense. Spécialiste des guerres de Corée et d’Indochine, il est l’auteur de nombreux articles et ouvrages sur la sujet. Il publie chez Perrin, en collaboration avec le Ministère des Armées, le récit de Cao Bang.

Cet ouvrage met en lumière des combats oubliés qui se concluent, au mois d’octobre 1950, par un désastre pour le corps expéditionnaire français d’Extrême-Orient, catastrophe sans précédent dans l’histoire coloniale de la France. Afin de replacer ces combats dans un plus vaste ensemble, l’auteur commence la narration dès l’époque de la conquête coloniale, à la fin du XIXème siècle, qui voit les troupes françaises s’implanter dans la zone frontière du nord-est. Pour des raisons géographiques (milieu naturel difficile d’accès, proximité de la Chine), cette région constitue très tôt un foyer d’hostilité à la présence française, avant de devenir le sanctuaire révolutionnaire à partir duquel le Viêt-Minh se lance à la conquête du pouvoir au mois d’août 1945. Le retour de la France au Tonkin, en mars 1946, et le déclenchement de la guerre, quelques mois plus tard, obligent le commandement français, contraint par la pénurie des effectifs du corps expéditionnaire, à tenter de reprendre pied dans ces zones où les infrastructures routières restent très réduites, mais qui leur permettent toutefois de bénéficier d’une certaine mobilité. Dans cette perspective, la route coloniale n°4 (RC 4) représente bien une artère vitale pour « garder » la frontière et garantir la souveraineté française. Comme pour l’ensemble des axes importants en Indochine, un chapelet de postes est implanté pour assurer la sécurisation des points sensibles le long de l’itinéraire. Dès lors, attaques de postes et embuscades sur les routes deviennent des objectifs évidents pour l’adversaire, qui profite de ces actions limitées pour aguerrir ses troupes, en attendant l’occasion de remporter une grande victoire. Cette occasion, le commandement français la lui fournit au mois d’octobre 1950 en décidant d’évacuer la garnison de Cao Bang. Le Viêt-Minh ne va pas la laisser passer. Ce sera une boucherie. En l’espace de quinze jours, cette route sera le tombeau d’environ 4.000 combattants, légionnaires, parachutistes, soldats marocains de l’armée coloniale et supplétifs vietnamiens. Le 1er Bataillon Etranger Parachutiste est anéanti. Ce livre rend hommage à ces milliers d’hommes sacrifiés.

Cao Bang 1950, Ivan Cadeau, éditions Perrin, 400 pages, 23 euros

A commander en ligne sur le site de l’éditeur

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mardi 21 février 2023

La géopolitique : débats sémantiques 2/3

  

Quant à la géopolitique, elle raisonne en termes de zone d’influence, la zone d’influence étant « un moyen d’assurer à la métropole des ressources et des débouchés commerciaux, un certain poids dans les décisions concernant un ensemble régional, un rayonnement idéologique et culturel ». Intervenant sur le même thème dans un numéro ultérieur, P. Claval est parvenu aux conclusions qui suivent. La géostratégie traite de la dimension spatiale des rapports de force militaires et de la logique des armes. Schématisé par le regard du stratège, l’espace considéré devient alors théâtre d’opérations. Privilégiant distances et cheminements, le stratège ne retient de son hétérogénéité que les aspects favorisant ou gênant mouvements logistiques et manœuvres militaires : topographie, climat, répartition des populations, état des voies de communication.

Le champ d’étude est donc plus étroit que celui de la géopolitique, celle-ci prenant en compte l’ensemble des facteurs différenciant un espace donné pour peu qu’ils influent, en temps de paix comme en temps de guerre, sur les motivations (rêves, fantasmes et calculs) des acteurs. La géopolitique englobe la géostratégie qui, elle, fait le joint avec la géographie militaire, celle-ci prenant en charge les facteurs géographiques s’exerçant à l’échelon tactique (7). Une définition de la géostratégie comme savoir orienté vers l’agir militaire semble donc faire l’unanimité ; elle se retrouve sous la plume de Michel Foucher et celle de Jean-Paul Charnay.

Certains stratégistes, et non des moindres, se refusent pourtant à distinguer géostratégie et stratégie. C’est le cas de Lucien Poirier — « l’espace est l’une des catégories usuelles de la pensée stratégique, laquelle s’inscrit dans la dimension “géo”. Dire géostratégie est tautologique » — ou encore d’André Vigarié : « (la) géostratégie est l’ensemble des comportements de défense aux plus vastes dimensions et avec la plus grande variété des moyens d’action ». Conformément à une évolution amorcée avec la guerre froide, la stratégie s’évade ici du champ de bataille et intègre des moyens non-militaires. Il s’agit donc d’une stratégie dite “totale” (André Beaufre) ou “intégrale” (L. Poirier), élargie à l’ensemble de la planète, mondialisation oblige (8). Le débat, on le voit, n’est pas clos ; du moins a-t-il permis de préciser les choses.

Géopolitique et géo-économie

Les années qui ont suivi la fin du conflit Est-Ouest ont vu émerger la géo-économie ainsi définie par P. Moreau Defarges : « Cette démarche — comme son nom l’indique — examine les interactions entre l’homo economicus et l’espace : poids des facteurs spatiaux dans les productions, les échanges humains ; utilisation de l’espace par l’homme pour le déploiement de ses activités économiques» (9). À s’en tenir à cette définition, on pourrait voir en la géo-économie un néologisme pédant pour désigner la géographie économique d’antan. L’analyse qu’en fait P. Moreau Defarges montre qu’il n’en est rien. La vogue de la géo-économie s’explique, selon lui, par la conjonction de trois facteurs.

• Premier facteur : la mondialisation. Réseaux et flux dessinent une géographie économique fluide et évolutive.

• Second facteur : la fin du conflit Est-Ouest. L’affrontement entre les États-Unis et l’URSS subordonnait les questions économiques, notamment les différends commerciaux entre les trois pôles de la Triade (États-Unis, Union Européenne, Japon), aux logiques idéologiques, géopolitiques et stratégiques. Le naufrage du communisme a changé la donne. Dans un monde unifié par l’économie et la technique, le capitalisme est redevenu conquérant et le partage de la planète en trois mondes — monde libre, monde communiste et tiers-monde — est aujourd’hui caduc. Deux milliards d’hommes ont ainsi intégré ces dernières années les circuits économiques et financiers internationaux et les questions économiques et commerciales occupent une place croissante dans la politique extérieure des États. L’Administration Clinton par exemple pratique une véritable diplomatie de marché.

• Troisième facteur : le poids des acteurs économiques du système-Monde, qu’il s’agisse de firmes transnationales, de holdings financiers, de sociétés de commerce, ou encore de fonds de pension et autres opérateurs des marchés financiers. Il est aujourd’hui avéré que les avis et les sautes d’humeur d’environ deux cents gérants des plus importants fonds d’investissement, anglo-saxons et japonais pour la plupart, exercent une influence majeure sur les politiques économiques des États. Aussi les analystes des banques de marché qui donnent le ton aux mouvements de capitaux — le Crédit Suisse, First Boston, Goldman-Sachs, Lehman Brothers, Merril Lynch, Morgan Stanley, Salomon Brothers — sont-ils accueillis dans les pays demandeurs de capitaux comme ne le sont pas toujours les ambassadeurs de grandes puissances. Les États ne sont plus les seuls maîtres du jeu mondial.

La géo-économie cherche à déchiffrer cet espace économique mondial complexe, agité et chaotique, un espace dont le “fonctionnement” ne saurait être expliqué à partir de la seule répartition d’éléments massifs comme les bassins miniers, énergétiques et industriels. Appréhendée sous cet angle, la géo-économie est en quelque sorte la géographie économique du XXIe siècle.

La géo-économie se substituera-t-elle à la géopolitique ? Kenichi Ohmae et les “régions-États”

À partir du fait indéniable que géographie économique et géographie politique ont partie liée, d’aucuns en déduisent que la géo-économie est appelée à se substituer à la géopolitique. C’est la thèse des géographes de Science Po — M.F. Durand, J. Lévy, O. Retaillé — selon lesquels “l’économie-monde” planétaire serait le support d’une “société-monde” naissante au sein de laquelle “l’administration des choses” finirait par l’emporter sur “le gouvernement des hommes” pour reprendre les termes mêmes de Saint-Simon (10). Autre adepte de l’économisme, le Japonais Kenichi Ohmae. Dans un article publié au printemps 1993 dans Foreign Affairs, il explique que les États nationaux céderont à terme la place à des “régions-États”. Celles-ci ne seraient pas de nouvelles entités politiques souveraines mais des “zones économiques naturelles” dont les limites seraient tracées “par la main adroite et invisible du marché” (11). P. Moreau Defarges a montré le caractère réducteur de ces thèses. Émancipées de la tutelle des États nationaux, ces “zones économiques naturelles” devraient bien faire face aux besoins collectifs de leurs populations et donc se doteraient des structures politiques adéquates.

Si on ne peut par ailleurs nier l’agilité et le dynamisme des petites entités qui inspirent K. Ohmae, comme Singapour et Hong-Kong entre autres exemples, ces plaques-tournantes du capitalisme mondial n’en sont pas moins incomplètes. La puissance est un tout et activer des réseaux ne peut éternellement suffire à pallier à la faiblesse diplomatique et stratégique. Leur vulnérabilité n’est pas sans rappeler celle des Cités-États d’antan — Gênes, Venise, Anvers — finalement subjuguées par les États territoriaux entre le XVIIe et le XIXe siècles. Méditons la proche intégration de Hong-Kong, le 1er juillet 1997, à la Chine populaire. Bref, la géo-économie, comme tout phénomène humain, finit par rencontrer le politique ; enjeux et pratiques géo-économiques sont une des dimensions de la géopolitique.

Les dangers du turbocapitalisme selon Edward Luttwak

La lecture du récent ouvrage d’Edward LuttwakLe rêve américain en danger, permet de compléter la définition de la géo-économie donnée par P. Moreau Defarges (12). L’auteur nomme “turbocapitalisme” cette économie de marché globale et conquérante qui nous submerge. Généré par l’ultralibéralisme des années 80, l’informatisation et la rationalisation du secteur tertiaire, et la mondialisation — « l’unification des étangs, des lacs et des mers que forment les économies locales, provinciales, régionales et nationales en un seul et même océan économique global » —, le turbocapitalisme se révèle destructeur. Décrivant la réalité sociologique des États-Unis, E. Luttwak montre combien il ravage familles, villages et villes. L’insécurité matérielle et morale, et la destruction de toute socialité qui en découle menace la stabilité politique des démocraties de marché.

Aux États-Unis, les succès d’un Pat Buchanan lors des primaires de 1996 en témoignent et de ce côté-ci de l’Atlantique, E. Luttwak envisage l’arrivée au pouvoir d’« un parti fasciste modernisé qui proposerait la sécurité matérielle aux masses de travailleurs du tertiaire et aux fonctionnaires menacés par la recherche de l’efficacité maximale et par le chômage » (p. XV-XVI). Pour employer un langage politique plus adéquat, l’avenir appartiendrait au national-populisme.

À suivre

La géopolitique : débats sémantiques 1/3

  

Inventé par Rudolf Kjellén (1864-1922) en 1897 et abondamment usité jusqu’au milieu du XXe siècle, le substantif de “géopolitique” a ensuite été disqualifié pour des raisons morales — la géopolitique aurait été complice de l’hitlérisme —, et des raisons techniques, révolution balistico-nucléaire oblige. On a depuis fait justice de ces allégations hâtives (1). Au milieu des années 70, le terme a pourtant refait surface, ce qui s’explique par la déroute des idéologies dominantes et leur incapacité à “dire” les mondes nouveaux, une meilleure appréhension du fait nucléaire, et surtout l’acuité des conflits territoriaux. Il est à noter qu’avec la crise écologique globale, ce type de conflit ne peut que s’aggraver. Un temps dévalué par la révolution industrielle et la chute de la rente foncière, l’espace terrestre se révèle aujourd’hui fini, rare et pollué. Source de vie, il redevient valeur suprême.

L’entrée de la géopolitique dans les mœurs a donné lieu à de multiples débat sur ce que recouvre ce terme et si, d’un géopolitologue à l’autre, les définitions diffèrent quelque peu, celle donnée par Pascal Lorot est suffisamment large et précise pour faire l’unanimité : « La géopolitique est une méthode particulière qui repère, identifie et analyse les phénomènes conflictuels, les stratégies offensives ou défensives centrées sur la possession d’un territoire, sous le triple regard des influences du milieu géographique, pris au sens physique comme humain, des arguments politiques des protagonistes du conflit, et des tendances lourdes et continuités de l’histoire ». Les objets d’étude de la géopolitique sont donc, outre les territoires dans toutes leurs dimensions, les “géopolitiques-pratiques” et les “géopolitiques-discours” / “géopolitiques-images” qui les fondent et les accompagnent (2). Ces dernières années, les débats ont porté sur les rapports de la géopolitique à d’autres signifiants-signifiés : la géographie, la géostratégie, la géoéconomie.

Géopolitique et géographie

Bien que la géopolitique soit à nouveau d’actualité, certaines écoles géographiques persistent à la réduire à ses expressions les plus caricaturales et prédatrices pour lui dénier toute légitimité. Ainsi le Groupement d’intérêt public “RECLUS” (Réseau d’étude des changements dans les localisations et unités spatiales), animé par Roger Brunet, ramène-t-il la géopolitique à un pur discours oscillant entre propagande militariste et géomancie. Quant aux géographes officiant à “Sciences Po” — Marie-Françoise Durand, Jacques Lévy et Denis Retaillé — ils affirment que, depuis 1989, “le monde se dégéopolitise”, la globalisation submergeant les espaces politiques. Arguant des créations de nouveaux États, des nombreux problèmes nationalitaires et litiges frontaliers, et des manœuvres diplomatico-stratégiques autour des territoires-ressources (bassins miniers et énergétiques, bassins fluviaux) qui marquent l’après-Guerre-Froide, Yves Lacoste a réfuté ces thèses (3). Les géographes susnommés ne nient pas pour autant que la géographie ait une dimension politique et la politique une dimension géographique ; mais ce sont là, estiment-ils, les domaines d’étude de la géographie politique et non pas ceux de la géopolitique. Il nous faut donc envisager les rapports respectifs de ces deux disciplines.

Karl Haushofer faisait la distinction suivante : « La géographie politique voit l’État du point de vue de l’espace. La géopolitique voit l’espace du point de vue de l’État ». Cette définition fait de la géographie politique une discipline cantonnée à la description statique des États, la géopolitique cherchant, à partir des données précédemment inventoriées, à maximiser ressources, capacités et puissance de l’État qu’elle sert. Autrement dit, la géographie politique décrit, la géopolitique prescrit. Peu ou prou, et avec quelques aménagements, Paul Claval a repris cette distinction : « le terme de géographie politique, écrit-il, (…) s’applique aux études qui décrivent les forces à l’œuvre dans le champ du politique et précisent la manière dont elles contribuent à façonner le monde ». La géopolitique est plus pratique : « Elle fuit les perspectives comparatives, qui permettent d’isoler un facteur et de mesurer son impact sur une série de cas par ailleurs dissemblables. Elle est volontiers monographique (…). Elle apprend à celui qui s’insère dans une évolution politique complexe les intérêts, les ambitions et les représentations en jeu » (4).

Pour sa part, Yves Lacoste s’est d’abord refusé à une telle distinction. La géopolitique, affirmait-il, n’est jamais qu’une géographie consciente du caractère éminemment politique et stratégique de son savoir. Estimant aujourd’hui que la géopolitique en tant que phénomène intellectuel et médiatique apparaît dans l’Allemagne de l’après-1918 et ce, en rupture avec la géographie politique de Friedrich Ratzel, on peut considérer qu’Yves Lacoste marche lui aussi dans les pas de K. Haushofer. Au lendemain du 11 novembre 1918, explique-t-il, l’œuvre de F. Ratzel, centrée sur la mise à jour des lois de la géographie, n’est d’aucune utilité face aux prétentions des Alliés. C’est pour rompre avec cette géographie politique, théorique et académique, qu’un certain nombre de professeurs et de géographes en marge de l’Université se réunissent autour de K. Haushofer et de la Zeitschrift für Geopolitik, et tentent d’influer sur le cours des choses. La géopolitique est née (5).

Géopolitique et géostratégie

En 1991, la revue Stratégique a lancé un autre débat portant sur le rapport de la géostratégie à la géopolitique, les deux termes étant parfois indifféremment employés (6 ). Dans sa contribution, Yves Lacoste propose de « réserver le terme de géopolitique aux discussions et controverses entre citoyens d’une même nation (ou habitants d’un même pays) et le terme de géostratégie aux rivalités et antagonismes entre des États ou des forces politiques qui se considèrent comme absolument adverses ». Ceci n’a pas été sans susciter les objections d’Hervé Coutau-Bégarie, rédacteur en chef de Stratégique et initiateur du débat : « Ainsi entendue, la géopolitique deviendrait une sorte d’étage noble réservé aux pays démocratiques », ce qui, estime-t-il, est doublement réducteur. D’une part, le politique — activité humaine originaire ayant pour tâche d’assurer la concorde intérieure et la sécurité extérieure, le geste politique essentiel est la désignation de l’ennemi — est réduit à la délibération publique. D’autre part, les relations internationales seraient exclusivement de nature stratégique. « Pensée, conception et conduite de l’action collective en milieu conflictuel » (Lucien Poirier), la stratégie perd alors ses caractéristiques spécifiques pour devenir simple plan d’action.

Un raisonnement en termes de glacis

Dans le même numéro, le Groupe de stratégie théorique de la FEDN propose une distinction plus opératoire, à partir des finalités propres à la géostratégie. Celle-ci a pour objet l’organisation de l’espace-temps du stratège, l’espace étant utilisé pour gagner du temps et collecter de l’information. Aussi raisonne-t-elle en terme de glacis : « Sur le glacis se teste la détermination de l’adversaire, d’escarmouches d’avant-postes en manœuvres de grande ampleur (…). Un glacis géostratégique est tout le contraire d’un vide où l’on attend de voir paraître l’ennemi à l’horizon : c’est un système d’information échelonné où la détermination de l’adversaire rencontre des obstacles de plus en plus puissants ».

À suivre