lundi 30 juillet 2018

Un entretien du Cercle Henri Lagrange avec Philippe Conrad

Disons d'abord que les entretiens du Cercle Henri Langrage sont en général d'une  grande qualité. Celui-ci n'échappe pas à la règle. Selon le formule habituelle, on n'est pas forcément d'accord sur tout. Mais il y a là de la part de Philippe Conrad une réflexion de fond sur le nationalisme - histoire, idéologie, avenir - qui nous intéresse au premier chef. A propos de plusieurs sujets, Philippe Conrad met en garde contre deux écueils pouvant affecter notre perception de l'histoire du nationalisme français : l'anachronisme et le manichéisme simplistes. Par paresse d'esprit ou information insuffisante. Ceux qui se donneront la peine d'écouter cet entretien très substantiel de près d'une heure et demie en tireront le plus grand bénéfice. Recommandé aux cadres du mouvement royaliste !  LFAR  
 Philippe Conrad est essayiste, historien et journaliste français, professeur d’histoire et directeur de séminaire au Collège interarmées de défense de 2003 à 2007, rédacteur en chef de La Nouvelle Revue d’histoire de 2013 à 2017, professeur d’histoire de l’Église au séminaire Saint-Philippe-Néri, président de l’Institut Iliade depuis 2014.
0:22     Définition du nationalisme
2:29     Nationalisme et révolution française
6:09     La Révolution française fut-elle nationaliste ?
9:07     Le nationalisme de gauche au XIXeme siècle
14:39    Le nationalisme français germanophobe
19:43    Le nationalisme français et le colonialisme
23:47    Le général Boulanger
27:56    L’affaire Dreyfus
32:32    Édouard Drumont
34:23    Déroulède et Barrès
38:39    Le nationalisme français et la question de la race
42:15    Charles Maurras
45:15    Le nationalisme français : une préfiguration du fascisme ?
49:24    Le colonel de La Rocque
52:37    La tentation fasciste
56:03    Le Parti populaire français
1:00:47  Marcel Déat
1:03:49  Gaullistes et pétainistes : une lutte pour la légitimité
1:08:46  Le discrédit du nationalisme après-guerre
1:10:45  le renouveau du nationalisme en France dans les années 60
1:13:52  Le Front National
1:18:43  La « Nouvelle Droite » et la voie européenne
1:23:18  Souverainisme et nationalisme
1:25:04  L’avenir du nationalisme

Comment arriva la Crise Agricole de 1920-1921

En 1914, le taux [d’escompte] de la FED était passé de 6% à 4%, puis tombé à 3% en 1916, où il resta à ce niveau jusqu’en 1920. Si les taux d’intérêt étaient si faibles, c’est parce qu’il fallait introduire en bourse les Liberty Loans, les « Emprunts de la liberté ». Au début de chaque campagne d’introduction, le Board plaçait cent millions de dollars sur le marché monétaire par l’intermédiaire de ses opérations sur le « marché ouvert », afin d’apporter un afflux de liquidités et faciliter l’introduction en bourse. Le rôle principal de ces obligations était d’éponger l’augmentation de la masse monétaire qui avait été provoquée par la grande quantité d’argent et de crédit émis durant la guerre. Les ouvriers agricoles touchaient des salaires élevés et les agriculteurs recevaient les meilleurs prix qu’on leur avait jamais versés pour leurs productions. Ces deux groupes sociaux accumulèrent des millions de dollars en liquide qu’ils ne placèrent pas dans les Obligations de la liberté. Cet argent échappait effectivement au groupe de Wall Street qui contrôlait la monnaie et le crédit des États-Unis. Ils voulaient le récupérer et c’est pourquoi les États-Unis ont eu la Crise Agricole de 1920-1921
     Une grande partie de cet argent était déposé dans les petites banques provinciales du Middle-Ouest et de l’Ouest, qui avaient catégoriquement refusé de prendre part au Système de la Réserve Fédérale, les agriculteurs et les éleveurs de ces régions ne voyant aucune bonne raison de remettre à un groupe de financiers internationaux sous le contrôle de leur argentLe boulot principal de la FED fut de casser ces petites banques provinciales et de récupérer l’argent qui avait été versé aux agriculteurs durant la guerre – en fait, de les ruiner. Et c’est ce qu’elle entreprit. Tout d’abord, un Conseil Fédéral aux Prêts Agricoles fut créé. Il encouragea les agriculteurs à investir dans des terres l’argent qu’ils avaient amassé – ce que les agriculteurs étaient désireux de faire – au moyen de prêts à long terme. Ensuite, on fit en sorte que l’inflation prenne son envol, en 1919 et en 1920, aux États-Unis et en Europe. L’objectif de l’inflation en Europe était d’effacer une grande partie de dettes de guerre que les Alliés devaient au peuple américain, et son objectif aux États-Unis était d’aspirer les sommes excessives qui avaient été distribuées aux travailleurs sous la forme de salaires élevés et de primes à la production. Au fur et à mesure que les prix montaient, l’argent des ouvriers perdait de sa valeur, infligeant aux classes laborieuses une hémorragie injuste, tandis que les classes possédantes s’enrichissaient par l’inflation grâce à l’augmentation très importante de la valeur des terres et des biens manufacturés. Les travailleurs furent ainsi efficacement appauvris, mais les agriculteurs, qui constituent une classe plus économe et qui étaient plus autosuffisants, devaient être pris en main plus durement. 
     G.W. Norris a déclaré dans le « Collier’s Magazine » du 20 mars 1920 : « Une rumeur court selon laquelle deux membres du Board ont eu une discussion directe, en décembre 1919, avec quelques-uns des banquiers et des financiers de New York. Immédiatement après les transactions à la bourse ont connu une chute notable et les créations d’entreprises se sont arrêtées. On pense qu’une action générale dans la même direction a déjà été prise pour d’autres secteurs du pays, comme le prouve l’encouragement apparemment abusif du Système de la Réserve Fédérale à spéculer sur les terres [agricoles] et sur les matières premières. » 
     En 1939, le Sénateur Robert L. Owen, Président de la Commission bancaire et monétaire du Sénat, qui apportait son témoignage aux Auditions Monétaires du Sénat, déclarait : 
     « Au début de l’année 1920, les agriculteurs étaient extrêmement prospères. Ils remboursaient leurs emprunts fonciers, achetaient beaucoup de nouvelles terres à la demande du gouvernement – ils avaient emprunté l’argent pour le faire – et ils ont ensuite été mis en faillite par une contraction brutale du crédit et de la monnaie au cours de cette même année. Ce qui s’est produit en 1920 était exactement l’inverse de ce qui aurait dû se produire. Au lieu de liquider sur plusieurs années les excès de crédits créés par la guerre, le Conseil des Gouverneurs de la Réserve Fédérale s’est réuni à huis clos. Ils sont réunis le 18 mai 1920, et c’était une réunion secrète. Leurs discussions ont duré toute la journée : les minutes de cette réunion ont été imprimées sur soixante pages et apparaissent dans le document sénatorial n°310 du 19 février 1923. Les directeurs de Classe A – les membres du Board – étaient présents, mais les directeurs de classe B, qui représentaient les entreprises, les commerces et les agriculteurs n’y figuraient pas. Les directeurs de Classe C, représentant le peuple des États-Unis, n’étaient pas présents et n’avaient pas été invités à se présenter. 
     Seuls les gros banquiers étaient là et leur travail ce jour-là eut pour conséquence une contraction du crédit, laquelle eut pour effet, l’année suivante, de réduire le revenu national de quinze milliards de dollars, jetant des millions de personnes au chômage et réduisant de vingt milliards de dollars la valeur des terres et des ranchs. » 
     Carter Glass, membre du Board depuis 1920 en tant que Secrétaire au Trésor, a écrit dans son autobiographie, publiée en 1928, « Adventure in Constructive Finance » : « Les journalistes n’étaient bien sûr pas présents, ainsi qu’ils ne devaient pas l’être et ainsi qu’ils ne le sont jamais dans aucune réunion de conseil d’administration dans le monde. » 
     Carter Glass avait protesté contre un amendement à la Loi de Réserve Fédérale de 1913 qui avait été suggéré par le Sénateur LaFollette. En effet, si cet amendement avait été voté, il aurait empêché tout membre du Board d’être également directeur, fonctionnaire ou actionnaire de quelque banque, société fiduciaire ou compagnie d’assurance que ce soit. Pour Carter Glass, un tel amendement aurait conduit, in fine, à ce que le Board soit constitué de mécaniciens et d’ouvriers agricoles. Les mécaniciens et les ouvriers agricoles n’auraient certainement pas pu causer plus de dégâts aux États-Unis que ne le firent Glass, Strauss et Warburg, lors de la réunion secrète du Conseil des Gouverneurs. 
     Le Sénateur Brookhart de l’Iowa attesta que lors d’une réunion secrète, Paul Warburg, également président du Comité Consultatif Fédéral, avait obtenu le vote d’une résolution afin d’envoyer un comité de cinq personnes à la Commission au Commerce Inter-Etats pour demander une augmentation des tarifs de chemin de fer. En tant que patron de Kuhn, Loeb & Co, qui possédait la plupart des voies ferrées aux Etats-Unis, il était déjà nostalgique des énormes profits que les Etats-Unis lui avaient versés durant la guerre et il voulait infliger de nouvelles augmentations de prix au peuple américain
Eustace Mullins, Les secrets de la Réserve Fédérale

Grand texte XXXIX : L'Avenir du nationalisme français

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Le tome II des Œuvres capitales de Charles Maurras, sous-titré Essais politiques, s’achève par un texte court au titre prometteur : L’Avenir du nationalisme français. En exergue, on y lit la mention suivante : Ces pages forment la conclusion  du mémorial publié sous le titre POUR UN JEUNE FRANÇAIS chez Amiot Dumont, Paris, 1949.
Maurras y démontre comment « le nationalisme français se reverra, par la force des choses…»  Force des choses qui, aujoud'hui, semble bien s'exercer sur la France avec intensité, avec caractère de gravité, de divers ordres, intérieurs et extérieurs. Et justifier la permanence ou le retour d'un nationalisme français, tel que Maurras l'illustre et le redéfinit ici. Par quoi ce très beau texte trouve toute son actualité.   Lafautearousseau 
Rien n'est fait aujourd'hui, tout sera fait demain. 1.
Il ne reste donc plus au Français conscient qu'à agir pour que sa volonté soit faite et non une autre : non celle de l'Oligarchie, non celle de l'Étranger. 2
Reste le rude effort d'action pratique et réelle, celui qui a voulu maintenir en fait une France, lui garder son bien, la sauver de son mal, résoudre au passage ses crises. C'est un service trop ancien et trop fier de lui-même pour que l'œuvre amorcée en soit interrompue ni ralentie. Ceux qui sont de l'âge où l'on meurt savent qu'elle dépend d'amis en qui l'on peut avoir confiance, car, depuis plus de quarante ans, ils répètent avec nous : par tous les moyens, même légaux. Ayant travaillé ainsi « pour 1950 », ils travailleront de même pour l'an 2000, car ils ont dit dès le début : pour que la France vive, vive le Roi !
L'espérance ne se soutiendrait pas si le sens national n'en était pas soutenu en première ligne. Mais là aussi je suis tranquille.
Il est beaucoup question d'abandonner en tout ou en partie la souveraineté nationale. Ce sont des mots. Laissons-les aux professeurs de Droit. Ces messieurs ont si bien fait respecter leur rubrique, intus et in cute3, ces dernières années, qu'on peut compter sur eux pour ajouter du nouveau à tous les plus glorieux gâchis de l'intelligence 4. Les trésors du réel et ses évidences sont plus forts qu'eux. Ce qu'ils déclarent périmé, ce qu'ils affectent de jeter par-dessus bord ne subira pas plutôt l'effleurement d'une égratignure ou d'une menace un peu concrète, vous verrez l'éclat de la réaction ! Preuve que rien ne vit comme le sens de la nation dans le monde présent. Ceux qui voudront en abandonner une part ne feront rien gagner à Cosmopolis : ils engraisseront de notre héritage des nationalités déjà monstrueuses. Les plus grands faits dont nous soyons contemporains sont des faits nationaux : la prodigieuse persévérance de l'Angleterre dans l'être anglais aux années 1940-1945, l'évolution panslaviste ou plutôt panrusse des Soviets, la résistance que la Russie rencontre chez les nations qu'elle a cru s'annexer sous un double vocable de race et de secte, l'éclosion de la vaste conscience américaine, le retour à la vie du nazisme allemand, sont tous des cas de nationalisme suraigu. Tous ne sont pas recommandables. Nous aurions été fous de les imiter ou de les désirer tous. Nous serions plus insensés de ne pas les voir, qui déposent de la tendance universelle. En France, le patriotisme en avait vu de toutes les couleurs après la victoire de Foch : que d'hostilité et que de disgrâces ! De grands partis caractérisés par leurs « masses profondes », étaient lassés ou dégoûtés du vocabulaire français, il n'y en avait plus que pour le charabia marxiste. À peine l'Allemand a-t-il été campé chez nous, toutes ses offres de bon constructeur d'Europe ont été repoussées et le Français, bourgeois, paysan, ouvrier ou noble n'a connu à très peu d'exemples près, que le sale boche ; l'esprit national s'est refait en un clin d'œil. La patrie a dû avaliser la souillure de beaucoup d'hypocrisies politiciennes. L'usage universel de ce noble déguisement est une preuve de plus de sa valeur et de sa nécessité, qui est flagrante : on va le voir.
Le nationalisme de mes amis et le mien confessent une passion et une doctrine. Une passion pieuse, une doctrine motivée par des nécessités humaines qui vont grandissant. La plupart de nos concitoyens y voient une vertu dont le culte est parfois pénible, toujours plein d'honneur. Mais, parmi les autres Français, surtout ceux du pays légal, distribués entre des partis, on est déjà et l'on sera de plus en plus acculé au nationalisme comme au plus indispensable des compromis. Plus leurs divisions intéressées se multiplient et s'approfondissent, plus il leur faut, de temps à autre, subir le rappel et l'ascendant plus qu'impérieux du seul moyen qu'ils aient de prolonger leur propre pouvoir. Ce moyen s'appelle la France.
Comment l'éviter quand tout le reste les sépare ? Sur quel argument, sur quel honnête commun dénominateur discuter hors de là ? Il n'y a plus de mesure entre l'économie bourgeoise et l'économie ouvrière. Ouvrier et bourgeois sont des noms de secte. Le nom du pays est français. C'est bien à celui-là qu'il faut se référer. Qu'est-ce qui est avantageux au pays ? Si l'on adopte ce critère du pays, outre qu'il est sous-entendu un certain degré d'abjuration des erreurs partisanes, son essentiel contient toute notre dialectique, celle qui pose, traite, résout les problèmes politiques pendants du point de vue de l'intérêt national : il faut choisir et rejeter ce que rejette et choisit cet arbitre ainsi avoué.
Il n'y a certes là qu'un impératif limité. Les partis en lutte feront toujours tout pour s'adjuger le maximum en toute propriété. Mais leur consortium n'est rien s'il ne feint tout au moins des références osant aller plus loin que la partialité collective. S'y refuse-t-il ? Son refus peut donner l'éveil au corps et à l'esprit de la nation réelle, et le point de vue électoral lui-même en peut souffrir. Si ces diviseurs nés font au contraire semblant de croire à l'unité du compromis nationaliste, tout spectateur de bonne foi et de moyenne intelligence en sera satisfait.
Donc, avec douceur, avec violence, avec lenteur ou rapidité, tous ces partis alimentaires, également ruineux, ou périront de leur excès, ou, comme partis, ils devront, dans une certaine mesure, céder à l'impératif ou tout au moins au constat du nationalisme. L'exercice le renforcera. La fonction, sans pouvoir créer l'organe, l'assouplira et le fortifiera. Les doctrines des partis se verront ramenées, peu à peu, plus ou moins, à leurs éléments de Nuées et de Fumées auxquelles leur insuccès infligera un ridicule croissant. Leur foi ne sera bientôt plus qu'un souvenir sans vertu d'efficacité, trace matérielle tendant à s'effacer, car on rira de plus en plus de ces antiquailles, aux faux principes qui voulaient se faire préférer aux colonies et aux métropoles et qui mènent leur propre deuil. 
Alors pourra être repris quelque chose de très intéressant : le grand espoir de la nation pour déclasser et fusionner ses partis.
Un mouvement de nationalisme français ne sera complet que par le retour du roi. En l'attendant, les partis se seront relâchés de leur primatie et, par l'effet de leurs abus, les mœurs auront repris tendance à devenir françaises, l'instinct et l'intérêt français auront reparu à leur rang.
Il ne faut pas se récrier à ce mot d'intérêt. Fût-il disgracieux, c'est le mot juste. Ce mot est plein de force pour nous épargner une grave erreur qui peut tout ruiner.
Si au lieu d'apaiser les oppositions et de les composer sur ce principe d'intérêt, on a honte, on hésite et qu'on se mette à rechercher des critères plus nobles, dans la sphère des principes moraux et sacrés propres aux Morales et aux Religions, il arrivera ceci : comme en matière sociale et politique les antagonismes réels de la conscience moderne sont nombreux et profonds, comme les faux dogmes individualistes sur l'essentiel, famille, mariage, association contredisent à angle droit les bonnes coutumes et les bonnes traditions des peuples prospères qui sont aussi les dogmes moraux du catholicisme, il deviendra particulièrement difficile, il sera impossible de faire de l'unité ou même de l'union dans cet ordre et sur ce plan-là. Ou si on l'entreprend, on essuiera une contradiction dans les termes dont l'expérience peut déjà témoigner.
Ces principes contraires peuvent adhérer, eux, à un arrangement, mais non le tirer de leur fond, non le faire, ni se changer, eux divisés, eux diviseurs, en principes d'arrangement.
Ces principes de conciliation ne sont pas nombreux. Je n'en connais même qu'un.
Quand, sur le divorce, la famille, l'association, vous aurez épuisé tous les arguments intrinsèques pour ou contre tirés de la raison et de la morale, sans avoir découvert l'ombre d'un accord, il vous restera un seul thème neutre à examiner, celui de savoir ce que vaut tout cela au point de vue pratique de l'intérêt public. Je ne dis pas que cet examen soit facile, limpide ou qu'il ne laisse aucune incertitude. Il pourra apporter un facteur de lumière et de paix. Mais si, venu à ce point-là, vous diffamez la notion d'intérêt public, si vous désavouez, humiliez, rejetez ce vulgaire compromis de salut public, vous perdez la précieuse union positive qui peut en naître et, vous vous en étant ainsi privés, vous vous retrouvez de nouveau en présence de toutes les aigreurs qui naîtront du retour aux violentes disputes que l'intérêt de la paix sociale aurait amorties.
On a beau accuser l'intérêt national et civique de tendre sournoisement à éliminer ce que l'on appelle, non sans hypocrisie, le Spirituel : ce n'est pas vrai. La vérité est autre. Nous avons appelé et salué au premier rang des Lois et des Idées protectrices toutes les formes de la Spiritualité, en particulier catholique, en leur ouvrant la Cité, en les priant de la pénétrer, de la purifier, de la pacifier, de l'exalter et de la bénir. En demandant ainsi les prières de chacune, en honorant et saluant leurs bienfaits, nous avons rendu grâces à tous les actes précieux d'émulation sociale et internationale que ces Esprits pouvaient provoquer. Si, en plus, nous ne leur avons pas demandé de nous donner eux-mêmes l'accord désirable et désiré, c'est qu'ils ne le possèdent pas, étant opposés entre eux : le Spirituel, à moins d'être réduit à un minimum verbal, est un article de discussion. Le dieu de Robespierre et de Jean-Jacques n'est pas le Dieu de Clotilde et de saint Rémy. Le moral et le social romains ne sont pas ceux de Londres et de Moscou. Vouloir les fondre, en masquant ce qu'ils ont de contraire, commence par les mutiler et finit par les supprimer. Dès que l'unité de conscience a disparu comme de chez nous, la seule façon de respecter le Spirituel est celle qui en accueille toutes les manifestations nobles, sous leurs noms vrais, leurs formes pures, dans leurs larges divergences, sans altérer le sens des mots, sans adopter de faux accords en paroles. Un Spirituel qui ne serait ni catholique ni protestant ni juif n'aurait ni saveur ni vertu. Mais il doit être l'un ou l'autre. Ainsi seront sauvés la fécondité des féconds et le bienfait des bons ; ainsi le vrai cœur des grandes choses humaines et surhumaines. Il existe une Religion et une Morale naturelles. C'est un fait. Mais c'est un autre fait que leurs principes cardinaux, tels qu'ils sont définis par le catholicisme, ne sont pas avoués par d'autres confessions. Je n'y puis rien. Je ne peux pas faire que la morale réformée ne soit pas individualiste ou que les calvinistes aient une idée juste de la congrégation religieuse. On peut bien refuser de voir ce qui est, mais ce qui est, dans l'ordre social, met en présence d'options tranchées que l'on n'évite pas.
De l'abondance, de la variété et de la contrariété des idées morales en présence, on peut tout attendre, excepté la production de leur contraire. Il ne sera donc pas possible à chacun, catholique, juif, huguenot, franc-maçon, d'imposer son mètre distinct pour mesure commune de la Cité. Ce mètre est distinct alors que la mesure doit être la même pour tous. Voilà les citoyens contraints de chercher pour cet office quelque chose d'autre, identique chez tous et capable de faire entre eux de l'union. Quelle chose ? L'on n'en voit toujours qu'une : celle qui les fait vivre en commun avec ses exigences, ses urgences, ses simples convenances.
En d'autres termes, il faudra, là encore, quitter la dispute du Vrai et du Beau pour la connaissance de l'humble Bien positif. Car ce Bien ne sera point l'absolu, mais celui du peuple français, sur ce degré de Politique où se traite ce que Platon appelle l'Art royal, abstraction faite de toute école, église ou secte, le divorce, par exemple, étant considéré non plus par rapport à tel droit ou telle obligation, à telle permission ou prohibition divine, mais relativement à l'intérêt civil de la famille et au bien de la Cité. Tant mieux pour eux si tels ou tels, comme les catholiques, sont d'avance d'accord avec ce bien-là. Ils seront sages de n'en point parler trop dédaigneusement. Car enfin nous n'offrons pas au travail de la pensée et de l'action une matière trop inférieure ou trop indigne d'eux quand nous rappelons que la paix est une belle chose ; la prospérité sociale d'une nation, l'intérêt matériel et moral de sa conservation touche et adhère aux sphères hautes d'une activité fière et belle. La « tranquillité de l'ordre » 5 est un bel objet. Qui l'étudie et la médite ne quitte pas un plan humain positif et néanmoins supérieur. Sortir de l'Éthique n'est pas déroger si l'on avance dans la Politique vraie. On ne se diminue pas lorsque, jeune conscrit de la vertu patriotique, on élève son cœur à la France éternelle ou, vieux légiste d'un royaume qu'un pape du VIe siècle mettait déjà au-dessus de tous les royaumes, on professe que le roi de France ne meurt pas. Tout cela est une partie de notre trésor, qui joint où elle doit les sommets élevés de l'Être.
La nouvelle génération peut se sentir un peu étrangère à ces chaudes maximes, parce qu'elle a été témoin de trop de glissements et de trop de culbutes. Elle a peine à se représenter ce qui tient ou ce qui revient ; c'est qu'on ne lui a pas fait voir sous la raison de ces constantes, le pourquoi de tant d'instabilités et de ruines. Il ne faudrait pas croire celles-ci plus définitives qu'elles ne sont. L'accident vient presque tout entier des érosions classiques d'un mal, fort bien connu depuis que les hommes raisonnent sur l'état de société, autrement dit depuis la grande expérience athénienne continuée d'âge en âge depuis plus de deux mille ans, soit quand les royaumes wisigoths de l'Espagne furent livrés aux Sarrasins ou les républiques italiennes à leurs convulsions, par le commun effet de leur anarchie. La vérification polonaise précéda de peu nos épreuves les plus cruelles, et nos cent cinquante dernières années parlent un langage instructif.
Le mal est grave, il peut guérir assez vite. On en vient d'autant mieux à bout qu'on a bien soin de ne point le parer d'autres noms que le sien. Si l'on dit : école dirigeante au lieu d'école révolutionnaire, on ne dit rien, car rien n'est désigné. Si l'on dit démagogie au lieu de démocratie, le coup tombe à côté. On prend pour abus ou excès ce qui est effet essentiel. C'est pourquoi nous nous sommes tant appliqués au vocabulaire le plus exact. Une saine politique ayant le caractère d'une langue bien faite peut seule se tirer de Babel. C'est ainsi que nous en sommes sortis, quant à nous. C'est ainsi que la France en sortira, et que le nationalisme français se reverra, par la force des choses. Rien n'est fini. Et si tout passe, tout revient 6.
En sus de l'espérance il existe, au surplus, des assurances et des confiances qui, sans tenir à la foi religieuse, y ressemblent sur le modeste plan de nos certitudes terrestres. Je ne cesserai pas de répéter que les Français ont deux devoirs naturels : compter sur le Patriotisme de leur pays, et se fier à son Intelligence. Ils seront sauvés par l'un et par l'autre, celle-ci étant pénétrée, de plus en plus, par celui-là : il sera beaucoup plus difficile à ces deux grandes choses françaises de se détruire que de durer ou de revivre. Leur disparition simultanée leur coûterait plus d'efforts que la plus âpre des persévérances dans l'être et que les plus pénibles maïeutiques du renouveau.
Charles Maurras
  1. André Chénier, Épîtres, II, Ami, chez nos Français…
    Les notes sont imputables aux éditeurs. [Retour]
  2. L'Avenir du nationalisme français est le titre du chapitre dix (sur douze) de l'ouvrage Pour un jeune Français, écrit par Maurras en 1949, en sa prison de Clairvaux. Un extrait en a été repris dans les Œuvres capitales en 1954 ; c'est le texte que nous publions ici. Il y a eu une réduction significative de taille entre le texte de 1949 et celui, posthume, de 1954. Les coupures portent sur des incidentes diverses concernant l'histoire de l'Action française, dont une longue explication sur l'antisémitisme, ainsi que sur tous les passages polémiques ou évoquant des polémiques passées. L'édition des Œuvres capitales ne mentionne pas l'existence de ces coupures et ne comporte que très peu d'ajouts destinés à en faciliter la lecture, ce qui rend parfois celle-ci malaisée, certains paragraphes encadrant les coupures se succédant sans transition évidente. Nous avons pour notre part choisi de signaler les emplacements des coupures par des […], mais sans donner davantage d'indications sur leur longueur ou leur contenu. Enfin, ce premier paragraphe de transition n'en est pas ; il est emprunté à la dernière page du chapitre neuf. [Retour]
  3. Littéralement, en dedans et dans la peau. Ces mots sont tirés d'un vers du poète latin Aulus Persius Flaccus (Satires, III, 30), « Te intus et in cute novi », que Félix Gaffiot traduit par « Je te connais profondément et intimement. » Ainsi les deux termes ne doivent-ils pas être vus comme des contraires (à l'intérieur et en surface) réunis pour la circonstance, mais comme deux caractères se renforçant. À laquelle de ces deux interprétations pensait Jean-Jacques Rousseau en plaçant ces quatre petits mots en épigraphe de ses Confessions ? Les explications de texte penchent généralement pour la première ; mais Maurras pensait sans doute ici à la seconde, la même que celle du Gaffiot. [Retour]
  4. Ce passage polémique vise sans doute et principalement François de Menthon, professeur de Droit et contempteur acharné de la souveraineté nationale, que Charles Maurras poursuivait d'une haine farouche. Mais comme la cible n'est pas nommée, la phrase a été conservée. [Retour]
  5. « D'après saint Augustin » : explication ajoutée par Maurras dans les Œuvres capitales, mais qui ne figure pas dans Pour un jeune Français. [Retour]
  6. C'est la seule phrase du texte des Œuvres capitales qui ait été refaite pour la circonstance. Elle résume les deux paragraphes suivants qui font partie du texte coupé :
    Elle se reverra par la force des choses. Notre façon de les combattre sera reprise, par le simple effet de la volonté intéressée de la France, de la nôtre, qui durera en elle et qui sera précisément ce qu'ils ne veulent pas.
    Nous avons failli leur ôter de la bouche leur sale gagne-pain, le sale butin qu'ils en tirent. Or, si tout passe, tout revient. Leurs précautions ont beau être serrées comme des chaînes. L'espérance est la reine de toute politique ; le désespoir y reste « la sottise absolue ».
http://maurras.net/textes

dimanche 29 juillet 2018

Livres • Un printemps éditorial maurrassien

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LE CENT-CINQUANTENAIRE DE CHARLES MAURRAS
Ses adversaires s'inquiètent. On ne saurait leur donner tort : leur principal atout était de voir Maurras condamné non seulement à la dégradation nationale, mais surtout à la mort éditoriale. Une peine de mort qu'on a oublié d'abolir ! Il y eut, certes, des tirages confidentiels, mais les grands éditeurs étaient peu soucieux de laisser ce nom honni compromettre leur image. Or les choses bougent...
C'est un modeste mais réel printemps éditorial maurrassien qui nous est offert aujourd'hui.
Une petite flottille d'ouvrages, sortie de l'enfer, a appareillé et vogue vers la haute mer. À vrai dire, seul le vaisseau amiral - l'anthologie publiée dans la collection « Bouquins » - répond directement à l'urgence d'une réédition des textes. Les autres, des navires d'accompagnement, relèvent surtout du commentaire, mais tous profitent du vent favorable suscité par l'affaire du « livre des commémorations ».
Avant d'entrer au gouvernement, Mme Nyssen dirigeait les éditions Actes Sud : commémorer l'enfant de Martigues, provençal de naissance et de coeur, était pour elle une exceptionnelle occasion d'agir pour le Sud... Elle y a réussi - malgré elle, dirait-on... - au-delà de toute espérance !
DIVINE SURPRISE : LA COLLECTION « BOUQUINS » CRÉE L'ÉVÉNEMENT
Mais saluons d'abord la sortie du livre-événement. Le travail effectué par l'universitaire Martin Motte pour réunir en un seul volume de 1200 pages l'essentiel de l'opus maurrassien force le respect. De même que la préface de plus de trente pages de Jean-Christophe Buisson, du Figaro magazine, sous le titre - certes un peu discutable - d'Un prophète du passé, constitue un essai complet sur le sujet, plein de vie et de richesses multiples. À ce double travail, accueilli chez Robert Laffont dans la collection Bouquins, ne manquent sans doute pas les critiques à faire. Elles le seront en temps utile. Mais il s'agit le plus souvent d'observations passionnantes et propres à susciter et enrichir le débat. Or rien n'a plus nui à Maurras depuis un demi-siècle que la conspiration du silence. On l'avait jeté au fond du puits, mais c'était « le puits et le pendule » d'Edgar Poe, les enfouisseurs le vouaient à une mort inexorable. La vérité, cependant, finit toujours par sortir du puits !
En feuilletant ce livre, en parcourant sa table des matières, en lisant les introductions proposées par Martin Motte avant chaque partie, en consultant les notes en bas de page, on devine déjà le colossal travail consenti pour choisir et ordonnancer les textes d'un homme qui a publié, sa vie durant, plus de pages que Voltaire. Sa vie s'est confondue avec son oeuvre, avec cette conséquence que ses livres pouvaient ne jamais être achevés. Les textes - souvent des articles commandés par l'actualité - se chevauchaient au fil des différentes éditions d'ouvrages, qui semblaient ne jamais le satisfaire. Quand, peu avant sa mort, il conçut ses Œuvres capitales, il pensa qu'elles constitueraient son « avenir total ».
Erreur : les choix de Martin Motte se révèlent assez largement divergents. Un seul exemple : Mes idées politiques, ouvrage paru en 1937, composé de morceaux choisis et d'une préface inédite (son célèbre texte sur la politique naturelle) n'était pas retenu par Maurras sous cette forme. En revanche, l'édition «Bouquins » a estimé que la popularité de ce livre et de son titre justifiait son maintien : un choix défendable... autant que discutable, comme le sont tous les choix.
Les lecteurs les plus attachés à Maurras regretteront les manques énormes - aussi inévitables que les regrets qu'ils suscitent -, et les grands livres dont ne figurent que des extraits : mais nombre de jeunes lecteurs, et même de moins jeunes, y trouveront sûrement un accès plus aisé. Il nous faudra revenir sur ce livre, notamment sur la préface de Jean-Christophe Buisson. Ce sera dans les années à venir un indispensable manuel pour découvrir et fréquenter l'oeuvre d'un homme qui, à l'orée du XXe siècle, eut un regard si pénétrant qu'il nous concerne tous encore aujourd'hui. Un dernier mot : le livre s'achève sur le procès de 1945, avec les textes du réquisitoire et de la plaidoirie. Ils sont précédés d'une présentation qui dit, avec une grande précision et une louable modération de ton, toute l'iniquité de ce qui n'a été qu'une parodie de justice.
AU TEMPS DE LA « REVUE GRISE »
Parmi les ouvrages qui font le mieux revivre les débuts remuants de l'Action française - comme ceux de Léon S. Roudiez et de Victor Nguyen - L'Âge d'or du maurrassisme de Jacques Paugam a pris toute sa place avec un singulier mélange de vive sévérité critique et de générosité du regard. En cet « entre-deux-siècles » si agité et si fécond des années 1900, la Revue d'Action française - bimestriel vite surnommé la Revue grise - apparaît comme un « think-tank », un laboratoire d'idées tout à fait innovant. Paugam a ce mot qui peut donner une idée du ton de son livre : « À travers cette lutte permanente, le véritable portrait de Charles Maurras se dessine, assez peu conforme à l'idée qu'on se fait généralement de lui : on est frappé par sa modestie. » La réédition de ce livre datant de près d'un demi-siècle, est bienvenue, d'autant plus qu'elle bénéficie d'une très remarquable préface, inédite, de Michel De Jaeghere, dont le long passage consacré à l'antisémitisme d'État maurrassien est exemplaire. Ce sujet qui, sur le fond, n'avait pas une telle importance pour Maurras, est devenu, pour nous, hypersensible. Porter un jugement vrai et pouvant être compris aujourd'hui apparaît toujours très difficile. Il n'est pas sûr que De Jaeghere y parvienne totalement, mais peu ont avancé aussi loin que lui sur ce terrain qui a été systématiquement miné.
MAURRAS CONDAMNÉ À ÉCHOUER ?
Un petit ouvrage pédagogique a connu un grand succès chez les jeunes militants depuis les années 70, Maurras et la pensée d'Action française, dû à un juriste universitaire, Maurice Torrelli. En cent pages, l'essentiel est dit sur la démocratie et les libertés, le nationalisme, la monarchie, et les mérites de l'empirisme organisateur. Devenu introuvable, le « Torrelli » vient d'être réédité par les toutes jeunes Éditions de Flore, dont c'est la première publication. En le faisant, lui aussi, bénéficier d'un remarquable avant-propos, dû cette fois à François Marcilhac.
Il ne faudra pas non plus laisser passer cette « année Maurras » sans avoir lu les douze textes d'hommage réunis par Marc-Laurent Turpin pour les éditions Apopsix. Axel Tisserand décrit la fidélité du Martégal à la Maison de France, Paul-Marie Coûteaux et Christian Vanneste analysent (chacun à sa manière) les influences maurrassiennes sur de Gaulle. D'autres - Anne Brassié, Philippe Prévost, Michel Fromentoux...- témoignent, ou évoquent Maurras, le Provençal, la question religieuse, l'homme... Hilaire de Crémiers, qui passe en premier, a cette phrase qui pourrait être de conclusion (provisoire...) : « Ne fallait-il pas sortir de l'échec répété ? Puisque, malgré le prestige de l'homme et le rayonnement de l'oeuvre, une sorte de fatalité les a condamnés à ne pas réussir. À jamais ? C'est une grave question à laquelle l'homme a répondu, mais à sa manière. Étonnante, mystérieuse ! »  
images7RTCAV2M.jpgL'AVENIR DE L'INTELLIGENCE ET AUTRES TEXTES, DE CHARLES MAURRAS
Édition établie par Martin Motte,
préface de Jean-Christophe Buisson
Éditions Robert Laffont,
coll. Bouquins, 2018,
1226 p. 32 €
510E3Cvcv0L._SX317_BO1,204,203,200_.jpgL'ÂGE D'OR DU MAURRASSISME,
de Jacques Paugam
Préfaces de Michel De Jaeghere et Jean-Jacques Chevallier Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2018,
402 p. 25 € 
maurras-et-la-pensee-d-action-francaise.jpgMAURRAS
ET LA PENSÉE D'ACTION FRANÇAISE,
de Maurice Torrelli
Avant-propos de François Marcilhac
Éditions de Flore, 2018,
104 p. 10€ 
91xOpqcU2bL._AC_UL320_SR206,320_.jpgREGARDS SUR MAURRAS
(12 auteurs)
Ouvrage collectif d'hommage
pour un cent-cinquantenaire
Éditions Apopsix, 2018,
284 p.  20 €

14 janvier 1918 : l’arrestation de Joseph Caillaux

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La quasi-totalité des journaux du 15 janvier fait état de l’arrestation, la veille, de l’ancien président du Conseil, Joseph Caillaux. Déjà surveillé depuis le printemps 1917, le député de la Sarthe est pris « la main dans le sac ». En effet, il est établi, à partir d’un document provenant du gouvernement des États-Unis, que l’ancien ministre des Finances et inventeur de l’impôt sur le revenu a des relations suivies « depuis l’année 1915 avec le gouvernement allemand par l’intermédiaire de M. de Luxbourg à l’époque ministre plénipotentiaire d’Allemagne en Argentine », indique L’Action française du 15 janvier. De plus, on découvre à Florence (Italie), dans un coffre-fort loué sous le nom de Renouard (nom de jeune fille de Mme Joseph Caillaux), des documents diplomatiques compromettants et une somme de plus de deux millions et demi de francs.
Les journaux relatent l’arrestation qui se déroule le 14 janvier au petit matin : « À neuf heures, les autos [s’arrêtent] devant le 22 de la rue Alphonse-de-Neuville. » Le commissaire Priolet, suivi de trois collaborateurs, frappe à la porte de l’appartement. Joseph Caillaux, « en tenue négligée », précise L’Excelsior, les reçoit et les fait entrer. « Vous venez m’arrêter ? dit M. Caillaux. Bien. Il y a beaucoup de personnes qui ne voulaient pas croire à mon arrestation ; moi, je m’y attendais. Avec ces gens-là, il faut s’attendre à tout », rapporte L’Excelsior. Joseph Caillaux est autorisé à emporter des couvertures et un oreiller. Il monte dans la voiture du commissaire. « Pâle et nerveux », il est conduit au Quai des Orfèvres pour un bref interrogatoire. Il est inculpé par le capitaine Bouchardon « d’intelligences (sic) avec l’ennemi et machination avec des puissances étrangères ». Puis, à 10 h 35, il est incarcéré à la prison de la Santé. La presse fait un compte rendu précis de cette mise sous écrou : la manière dont le prisonnier est contraint de se séparer de ses effets personnels, la manière dont il se dirige vers le « Rond-Point du Quartier-Haut » où l’on inscrit, sur sa feuille d’écrou, le numéro de cellule qui lui est attribué : le n° 17. Une cellule carrée et qui fait quatre mètres de côté sur trois mètres quatre-vingts de haut. L’Excelsior apprend même à ses lecteurs que l’ancien président du Conseil a déjeuné vers 11 h 30 « d’un consommé, de deux œufs et d’une demi-bouteille de bordeaux ».
Quelques semaines plus tard, il est transféré à la maison de santé de Neuilly. Georges Clemenceau refuse d’intervenir pendant que l’instruction judiciaire est en cours. Caillaux fait près de vingt-sept mois de préventive. Il est jugé en février 1920 et, finalement, condamné à trois ans d’emprisonnement, à la privation (pendant dix ans) de ses droits civiques pour le seul chef de « correspondance avec l’ennemi ». Clemenceau qualifie ces « rêves d’entente avec l’Allemagne […] de crime […] C’était un petit jeu auquel on pouvait s’amuser jusqu’au 2 août 1914. Passé le 2 août 1914, il fallait se taire. »

Henri Saint-Amand

vendredi 27 juillet 2018

Images d’archives – Défilé des Croix de Feu et Jeunesses Patriotes le 8 juillet 1934

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Archives – Images du défilé des Croix de Feu et Briscards, ainsi que des Jeunesses Patriotes. Nous sommes le 8 juillet 1934, soit quelques mois à peine après le 6 février 1934. Ces ligues rassemblent ce 8 juillet 1934 plus de 20.000 hommes qui marchent jusqu’à l’Arc de Triomphe.
Les Croix de Feu étaient dirigées par le Colonel François de La Rocque.
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Les Jeunesses Patriotes étaient dirigées par Pierre Taittinger.
Les deux organisations furent interdites et dissoutes par la république maçonnique.

mercredi 25 juillet 2018

Passe Présent n° 205 – Le monde rêvé de Marie-Antoinette

Ce soir dans “Passé-Présent”, une rediffusion sur l’histoire du service militaire puis Philippe Conrad reçoit Jean des Cars pour la présentation de son ouvrage “Le Hameau de la Reine – Le monde rêvé de Marie-Antoinette”.

LPH 106 – Leipzig, la première défaite de Napoléon

En 1812, Napoléon rentre de la terrible campagne de Russie qui a décimé son armée. À sa poursuite, les Russes et les Prussiens, bientôt rejoint par les Autrichiens, les Suédois, les princes allemands, l’Espagne, le Portugal… le tout soutenu et financé par l’or de l’Angleterre. Après une nouvelle levée de conscrits, très jeunes, l’Empereur affronte cette Europe coalisée en octobre 1813, à la bataille de Leipzig, où se concentrent quelques 500 000 hommes. Pour Napoléon, ce sera une première grande défaite et surtout, inexorablement, le début de la fin.

L'empire des hittites - Les Civilisations Perdues

vendredi 20 juillet 2018

Soljenitsyne, le Vendéen [5]

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25 septembre 1993, Les Lucs-sur-Boulogne 
par Dominique Souchet
Comment commémorer plus dignement qu'il n'a été fait à ce jour le centenaire du grand Soljenitsyne ? Et comment évoquer en même temps  l'écrasement de la Vendée par la fureur révolutionnaire autrement que par les indignations faciles et les formules toutes faites cent fois répétées ? Le superbe récit des relations entre Alexandre Soljenitsyne et la Vendée de Dominique Souchet que le dernier numéro de la Nouvelle Revue Universelle vient de publier répond à ce souci de façon passionnante. On a là un récit précis mais aussi une réflexion à l'altitude qui convient pour évoquer en les reliant Alexandre Soljenitsyne, la révolution russe et le massacre de la Vendée. L'horreur révolutionnaire en soi-même d'un siècle l'autre. Du XVIIIe au XXe. Nous avons entrepris dimanche dernier la publication de ce récit qui s'étendra aux jours suivants. En remerciant Dominique Souchet et la N.R.U. de nous l'avoir donné.  LFAR 
Le récit
« NOUS N'AVONS TROUVÉ PERSONNE... »
Moscou, monastère Donskoï, 6 août 2008. Il est 9 heures. Alexandre Soljenitsyne est mort il y a trois jours. Il a choisi d'être inhumé dans ce haut-lieu de l'histoire russe où les restes du général des armées blanches Anton Denikine et du philosophe Ivan Iline, expulsé d'Union Soviétique comme le fut Soljenitsyne, ont été trans­férés en 2005. Ce site porte les stigmates de l'impitoyable lutte antireligieuse menée par le régime bolchevik. Le dernier patriarche de la Russie impériale, Tikhon, y fut détenu jusqu'à sa mort. La splendide cathédrale a été érigée par le fils d'Ivan le Terrible pour remercier de ses protections la Vierge du Don, et pour honorer sa vé­nérable icône, de la main même de Théophane le Grec (XIVe siècle). Elle fut, un temps, subvertie en musée à la gloire de l'athéisme. Dans les années Brejnev, je l'ai visitée, dénaturée en musée d'architecture.
Elle a, depuis, retrouvé sa vocation et sa beauté. C'est elle qui accueille, en cette journée orageuse au cœur de l'été, la dépouille de l'auteur de L'archipel du Goulag. Dimitri Medvedev, alors président de la Fédération de Russie, a interrompu ses congés d'été pour être présent aux obsèques.
La famille, avec laquelle nous avions gardé des liens étroits depuis le voyage en Vendée, nous a invités, Philippe de Villiers et moi, à nous yrendre. Naturellement, nous prévenons notre ambas­sadeur à Moscou que nous serons auprès de lui pour cette cérémonie. Nous apprenons qu'il est en vacances et ne prévoit pas de rentrer. Nous interrogeons le jeune et sympathique chargé d'affaires, qui fera tout ce qu'il pourra. Mais quand nous lui demandons quelles person­nalités représenteront le gouvernement et les milieux culturels français, il répond : « Nous n'avons trouvé personne. — Comment cela... personne ? — Non, personne : il y a ceux qui ne veulent pas interrompre leurs vacances, et ceux qui font leurs bagages pour Pékin. — Pékin ? — Oui, pour parader au cœur de la Chine communiste, grande ordonnatrice des Jeux olympiques : il faut y être pour la grandiose cérémonie d'ouverture... C'est donc vous, les députés de la Vendée, qui représenterez la France, et je vous accompagnerai. »
Dans ses Mémoires, Le moment est venu de dire ce que j'ai vu, Philippe de Villiers a décrit avec précision cette séquence histo­rique. Il y voit une illustration topique de la futilité d'une élite occidentale amnésique, se voulant sans dette ni devoir, obsédée de loisirs et toujours prête à la connivence avec le pire.
Pour venir exprimer la reconnaissance infinie due à celui qui a délivré non seulement la Russie, mais le monde entier du vénéneux « charme d'Octobre »,nous n'avons trouvé personne.
Au pays qui sut accueillir les dissidents, et eut l'honneur de publier L'archipel du Goulag dans son édition originale russe, nous n'avons trouvé personne.
Dans les autres pays d'Europe non plus, ni aux États-Unis, qui eurent pourtant l'honneur d'accueillir chez eux pendant vingt ans, à Cavendish, le laboratoire de la vérité sur le totalitarisme, nous n'avons trouvé personne.
S'appliquait ainsi à son propre destin ce que Soljenitsyne, dans son discours de Harvard, avait dénoncé comme l'un des traits dominants de l'Occident actuel : la superficialité, la frivolité, la futilité.
À l'Académie des sciences, lors du repas de funérailles qui suivit l'enterrement, la veuve de Soljenitsyne demanda à Philippe de Villiers d'évoquer, au nom de la France et de la Vendée, la mémoire du Maître. Après tous les éloges prononcés en russe, on entendit alors le Vendéen exprimer en français, aussitôt traduit par Nikita Struve, la dette immense de notre pays envers celui qui avait, sans crainte, osé mettre à nu la genèse des totalitarismes. Il dit son espoir que l'on ferait lire Soljenitsyne aux jeunes élèves français, en parti­culier le discours d'Harvard. Il exprima le souhait que l'on donnât le nom d'Alexandre Soljenitsyne à de nombreuses rues, places ou écoles, comme la Vendée venait de le faire pour le plus moderne de ses collèges, inauguré par son fils Ignat Soljenitsyne. Il manifesta enfin la profonde gratitude de la Vendée envers celui qui avait révélé le lien entre la « Roue rouge », persécutrice de la Russie, et les colonnes infernales qui ont martyrisé la Vendée, et envers l'homme qui avait lancé, en ouvrant son discours des Lucs : « Jamais je n'aurais pu imaginer, fût-ce en rêve, que j'aurais l'honneur d'inaugurer le Mémorial de votre héroïque Vendée ! »
Alors, ce Mémorial des Lucs-sur-Boulogne, allez le voir, pour y méditer, pour y chercher l'inspiration !
Allez-y pour retrouver la présence, toujours palpable, de celui qui lui a conféré sa dimension universelle !
Allez-y pour retrouver la présence spirituelle de cet ami in­comparable de la Vendée, Alexandre Soljenitsyne ! ■[FIN] 
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La nouvelle revue universelle, 1 rue de Courcelles, 75008 PARIS - 4 numéros par an.  S'abonner

Zoom – Frédéric Le Moal : Les racines du fascism

Les Editions Perrin viennent de publier une importante “Histoire du fascisme” dont l’auteur Frédéric Le Moal est l’invité de TV Libertés.
Docteur en histoire et professeur au lycée militaire de Saint-Cyr, il est un spécialiste de l’histoire de l’Italie du XXème siècle.

jeudi 19 juillet 2018

Sparte, cité des arts, de la guerre et des lois

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Face à la lumineuse Athènes, baignant sous le soleil de l’Egée, communément représentée comme l’archétype de la cité grecque, il est de coutume d’opposer la sombre image de Sparte, austère et rude caserne aux mœurs barbares, retranchée derrière les montagnes du Péloponnèse, longtemps décrite comme le modèle des dictatures militaristes voire la matrice des régimes totalitaires.
Loin de ces préjugés, les éditions Perrin ont publié récemment un gros livre passionnant de Nicolas Richer, Sparte, cité des arts, de la guerre et des lois, qui fera date dans l’historiographie consacrée à l’antique Lacédémone. A travers une très complète synthèse richement documentée, son auteur remet les idées à l’endroit au bénéfice de la patrie de Lycurgue tout en retraçant l’histoire et le fonctionnement de Sparte depuis la Laconie homérique jusqu’à ses derniers feux, à l’aube de l’époque hellénistique.
« Une cité grecque de Grecs en Grèce »
Dès l’introduction, Nicolas Richer souligne que Sparte est d’abord « une cité grecque de Grecs en Grèce. En d’autres termes, la culture des hommes de Sparte dans l’Antiquité était très semblable à celle des autres Grecs, bien que leurs organisations et leurs priorités différaient ». Homère et Hésiode étaient lus et étudiés à Sparte, de même que les auteurs lacédémoniens, comme Tyrtée ou Alcman, étaient reconnus dans les autres cités grecques. La cité de Lycurgue ne fut pas toujours le fruste Etat rétif aux arts que l’on décrit, connaissant une intense activité artistique au VIe siècle av. J.C., notamment avec ses bronzes et céramiques exportés dans tout le bassin méditerranéen. En matière architecturale enfin, les bâtiments publics étaient semblables aux autres cités grecques. C’est seulement à la fin du VIe siècle av. J.-C. que l’austérité s’installe, fruit d’une volonté politique privilégiant la seule valeur civique et la force virile des citoyens lacédémoniens. Sparte en effet, c’est d’abord la cité des homoioi, c’est-à-dire des « semblables » plutôt que des « égaux ». Si les différences de fortune et d’origine sont présentes à Sparte, rappelle Nicolas Richer, il y règne, comme l’écrit Thucydide, une « égalité plus forte qu’ailleurs dans la façon de vivre » où chacun s’efface au service de la cité et de l’obéissance à ses lois.
La rude école
Cet égalitarisme s’exprime notamment à travers les syssities (repas pris en commun), le port d’une tenue identique pour tous et un système éducatif obligatoire. De sept à vingt ans, le jeune Spartiate est retiré à ses parents pour recevoir une éducation collective, la paiédéia, se déroulant par étapes, inculquant un grand sens du devoir et une forte maîtrise de soi à travers la règle des pathémata. Habitués aux coups et aux privations, soumis à une forte émulation, les meilleurs d’entre eux pratiquaient ensuite l’épreuve initiatique de la cryptie qui leur permettait d’intégrer le corps des hippeis, garde d’élite de l’armée spartiate. Au sein de cette rude école, Nicolas Richer rappelle que la formation intellectuelle n’était pas négligée, bien au contraire.
Les jeunes filles s’astreignent également à cette discipline des esprits et des corps. Les exercices gymniques et la pratique collective auxquels elles participent comme leurs frères visent à former des femmes robustes aptes à faire de beaux et solides enfants dans une perspective clairement eugéniste (qui n’est pas propre à Sparte). Le rôle des épouses et des mères dans l’exaltation des vertus guerrières est aussi primordial : elles devaient « tourner en dérision les médiocres et exalter les meilleurs », incitant leurs époux et leurs fils à la « belle mort » (khalos thanatos), toujours préférable à une vie honteuse.
C’est seulement après ses trente ans que l’homoioi n’est plus soumis aux règles d’existence commune ; « on pouvait alors estimer qu’il avait pleinement fait sienne les valeurs requises. » Le citoyen reste cependant mobilisable jusqu’à soixante ans et doit conserver sa condition physique et morale, notamment par la pratique de la chasse, considérée comme l’exercice le plus proche de la guerre.
Sous la menace d’un horizon de guerre
Cette dure discipline explique pourquoi les Spartiates étaient considérés « comme des guerriers sinon invincibles, du moins redoutablement efficaces ». Petite cité aux effectifs réduits, dépourvue de murailles protectrices au coeur d’un vaste territoire peuplé par les Hilotes, populations asservies mais hostiles, Sparte vivait constamment menacée. Cet « horizon de guerre » explique aussi pourquoi les vertus militaires représentaient la colonne vertébrale de la philosophie spartiate. Nicolas Richer rappelle toutefois que « Sparte ne peut être assimilé à une cité militariste, au sens où l’armée, constituée à part dans le système social, exercerait une influence prépondérante sur la vie collective. Ce sont les citoyens-soldats qui étaient mobilisables en fonction des décisions qu’ils prenaient eux-mêmes, lors des réunions de l’assemblée. »
La phalange où « chaque soldat aurait, de son bouclier (hoplon) tenu au bras gauche, protégé le flanc droit de son voisin de gauche » est à l’image de cette société où le singulier doit se sacrifier au Tout. Au-delà de la sublimation des valeurs guerrières érigée en règle de vie, « exaltant les vaillants et avilissant les défaillants », Nicolas Richer considère que la supériorité de Sparte dans l’art militaire reposait également sur le caractère systématique d’une organisation très hiérarchisée et soudée par un puissant esprit de corps, forgé au sein des syssition.
Cette vocation militaire permettra à Sparte de demeurer invaincue jusqu’ à la bataille de Leuctres, en 371 av. J.-C, malgré une forte oliganthropie qui réduira les effectifs spartiates de 10 000 à moins de 700 hommes en l’espace de quelques générations, et sur laquelle le livre apporte d’intéressants éclairages.
* * * *
Au contraire des vestiges orgueilleux de l’Acropole d’Athènes, rien ne laisse deviner aujourd’hui dans la plaine de Sparte la présence lointaine de la cité guerrière qui semble s’être évanouie au vent de l’Histoire. Le livre de Nicolas Richer fait justice de cet oubli. La vision d’une Sparte conservatrice et figée laisse place aux aspects novateurs et originaux de la cité des Lacédémoniens, offrant un modèle alternatif de gouvernement qui fascinera les Grecs. Il rappelle également que sans les phalanges spartiates, à l’origine de la révolution hoplitique, c’est la Grèce tout entière qui aurait été submergée par la Perse.
Dans son essai intitulé Sparte et les Sudistes, Maurice Bardèche écrivait que « rien ne doit nous faire oublier que Sparte, c’est avant tout une certaine idée du monde et une certaine idée de l’homme ». Il rejoignait en cela, à 2 300 ans de distance, les écrits de Xénophon affirmant que « Sparte l’emporte en vertu sur toutes les cités, car elle est la seule où se conduire vertueusement soit une obligation publique ». Loin des fantasmes et clichés, à nous autres Européens bien-nés, telle doit être la leçon à retenir, que Sparte continue de nous adresser par-delà les siècles.
Benoît Couëtoux du Tertre
Tribune reprise de institut-iliade.com