lundi 31 juillet 2023

La révolution arabe : espoir ou illusion ? : 1798-2014, de Zakya Daoud

Les éditions Perrin ont publié un livre intitulé « La révolution arabe : espoir ou illusion ? » de la journaliste Zakya Daoud, une française naturalisée marocaine. Avant son mariage avec un marocain dans les années 60, elle s’appellait Jacqueline Loghlam.

Réformer en profondeur et durablement le monde arabo-musulman souffrant d’un retard face aux menaces européennes. Tel est le pari relevé par Atatürk, Nasser et Bourguiba. Mustafa Kemal sauve la Turquie de la dislocation ; Nasser hisse l’Egypte au rang de leader du Tiers monde, et Bourguiba apporte à la Tunisie un renouveau majeur. Mais qu’en reste-t-il ? Pourquoi le monde musulman, fort de ses 1,2 milliard d’habitants, de ses matières premières et de son potentiel économique, n’a-t-il pas réussi son aggiornamento ?

Si les réformateurs musulmans se sont inspirés de l’Europe des Lumières tout en restituant la pureté doctrinale de l’islam originel, une nouvelle configuration internationale s’est progressivement mise en place, mal appréhendée par les Arabes. Malgré les espoirs récents soulevés par les Printemps arabes, force est de constater la succession ininterrompue de drames, notamment depuis 1945 : les blocages sociaux, l’enjeu pétrolier, la présence obsédante d’Israël, le sort de la Palestine, le poids des bureaucraties, les pouvoirs corrompus, l’autoritarisme féroce, enfin les échecs militaires, surtout en 1967.

L’auteur, proche témoin de ces bouleversements, tente d’apporter différentes explications qui se conjuguent plus qu’elles ne s’imposent  afin de répondre à la question cruciale : quel avenir pour les sociétés arabes ?
Bien que Zakya Daoud soit témoin direct de l’évolution de la société arabe depuis qu’elle a fait le choix d’habiter au Maroc, elle semble avoir beaucoup de mal à s’élever au dessus de la vision occidentale post colonisation, une vision qui a amené à l’idéalisation de certaines révolutions, au point de ne pas voir monter l’islamisme, au détriment des régimes forts, mais laïcs.

revolution arabe

La révolution arabe, espoir ou illusion ? 1798-2014 – Zakya Dahoud – Perrin – 24€

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[cc] Breizh-info.com, 2015, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.

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Irlande libre. A la découverte des rebelles exécutés lors de l’insurrection de Pâques 1916 : Edward Daly

 

Nous vous proposons dans cette série estivale de découvrir les portraits des 16 leaders rebelles irlandais exécutés lors de l’insurrection de Pâques 1916 et suite à la prise de la Poste de Dublin, sous les yeux d’une foule qui ne comprenait pas réellement ce que voulaient ces nationalistes irlandais courageux, impétueux, mais encore très minoritaires à l’époque dans la population.

Après Éamonn Ceannt, et Thomas James Clarke, James Connolly, après Seán MacDiarmada , Thomas MacDonaghPatrick PearseJoseph Mary Plunkett qui signèrent la proclamation de l’indépendance, voici une nouvelle série de 11 autres chefs rebelles, non signataires, mais acteurs de l’insurrection et exécutés pour cela.

Parmi ceux là, nous avions vu Roger CasementCon Colbert, aujourd’hui Edward Daly.

Qui était Edward Daly ?

Edward (ou Ned) Daly est né à Limerick en 1891, seul fils des dix enfants d’Edward Daly et de Catherine O’Mara. Le père de Daly, décédé à l’âge de 41 ans, était un Fenian, tout comme son oncle John Daly.

John Daly était très impliqué dans la Fraternité de la république irlandaise. Daly se rendit à Glasgow pour faire un apprentissage dans une boulangerie, mais revint à Limerick. Il n’y reste que peu de temps car les possibilités d’emploi y sont très limitées. Il s’installe à Dublin chez sa sœur Kathleen et son mari Thomas Clarke. Clarke a passé du temps en prison en Angleterre avec John Daly, l’oncle de Ned, et était également membre de l’IRB.

Avec une telle histoire familiale politique, il n’est pas surprenant que Daly ait rejoint les Volontaires irlandais en 1913. Il a atteint le grade de capitaine et a participé au débarquement des armes des volontaires irlandais sur le yacht d’Erskine Childers, l’Asgard. En 1915, il est promu au rang de commandant du 1er bataillon.

Pendant l’insurrection, Daly était responsable d’une vaste zone d’importance stratégique.

L’intention initiale était de tenir une ligne allant des Four Courts à Cabra et de faire la jonction avec le 5e bataillon du commandant Tom Ashe dans le nord du comté de Dublin. Pendant la semaine de Pâques, sa principale tâche consiste à parcourir sa zone de commandement, qui est soumise à un feu nourri, et à inspecter chaque position tenue par les rebelles. L’une de ses plus grandes réussites est la prise des baraquements de Linen Hall, qui surplombent les avant-postes des volontaires. Comme seule une fraction des Volontaires s’était présentée en raison de l’avis de MacNeill annulant les manœuvres des Volontaires, Daly n’avait pas assez d’hommes pour défendre le bâtiment, qui fut donc incendié.

Le lundi matin, “Commandant. Daly fit placer un baril de sable au centre du carrefour entre King St. et Church St., y fixa un poteau et y plaça un drapeau tricolore d’environ 1,80 m sur 1,80 m2“. Plusieurs échanges ont lieu entre les rebelles et les forces britanniques.

” Ce jour-là également, nous avons fait prisonnier un facteur, saisi le courrier qu’il avait collecté, et envoyé à la Poste de Dublin. Daly, faisant remarquer qu’il s’agissait de la première livraison de courrier sous la République irlandaise”.

Le mardi, “Au cours de la journée, nous avons capturé un homme “G” qui faisait le tour de nos postes habillé en femme, espionnant nos positions et obtenant des informations sur les effectifs et les positions réelles de nos forces. Nous l’avons envoyé sous escorte au Birdwell où il a été détenu”.

Le jeudi et le vendredi, les forces britanniques lancent de lourdes attaques. La position tenue par Daly et ses hommes était proche de la Grande Poste. mais se trouvait dans un dédale de petites rues abritant de nombreux immeubles. Les forces britanniques avaient beaucoup de mal à avancer et le vendredi 28 avril, l’une des pires atrocités de la rébellion a eu lieu. Dès le jeudi matin, les Britanniques tentent d’éviter les tirs directs en creusant des tunnels à travers les murs des taudis. Le major Sheppard ordonne alors une attaque frontale qui entraîne de lourdes pertes pour les forces britanniques.

Daly écrit :  « Les forces britanniques étaient maintenant bien avancées dans North King Street et ont dû percer sept ou huit maisons pour atteindre North Brunswick Street. Les rebelles se déplaçaient de maison en maison, les forces britanniques étant incapables de déterminer d’où venaient les tirs et devenant de plus en plus frustrées et exaspérées. Les troupes tirent sur 13 civils ou les tuent à la baïonnette dans North King Street et sur un civil dans la Little Britain Street adjacente, tandis que trois autres sont tués dans Coleraine Street. Deux des civils tués, William Hickey et son fils Tommy, sont évoqués dans la déclaration de Michael O’Donoghue, qui affirme que leur assassinat et celui d’autres civils ont changé l’attitude de sa famille et d’autres personnes à l’égard de la rébellion. La tragédie brutale du massacre des deux Hickey dans leur propre maison de Dublin, la mère survivant seule pour pleurer sa terrible perte. Cette atrocité brutale m’a rempli d’une sorte de perte personnelle et a éveillé en moi une haine féroce pour la soldatesque anglaise »

Le samedi, Elizabeth O’Farrell apporta la nouvelle de la reddition de Pearse. Daly passe en cour martiale à la caserne de Richmond. Daly plaide non coupable car il n’a pas eu de relations avec les Allemands et n’a pas eu connaissance de l’insurrection avant qu’elle ne commence. Il est reconnu coupable en raison de son rang de commandant et est condamné à mort. Il fut conduit à la prison de Kilmainham pour rendre visite à Thomas Clarke, qui souhaitait le voir avant son exécution, mais lorsqu’il arriva, Clarke était déjà mort.

Ned Daly a été exécuté à la prison de Kilmainham le 4 mai 1916. Il avait 25 ans et était célibataire. Edward était le plus jeune de ceux qui ont été exécutés, avec deux ou trois semaines de moins que Seán Houston.

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Le Nouveau Passé-Présent - Ces états grands comme un mouchoir de poche

 

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À l’heure de la mondialisation dévorante, des états empires que sont les États-Unis, la Russie, l’Inde ou la Chine, face auxquels nos petits états nations européens font pâle figure, il est une autre sorte d’État qui pourrait nous paraître totalement obsolète, État dont l’existence remonte non pas à la nuit des temps mais au plus haut moyen âge parfois ou bien reliquats de nos Empires disparus ou encore confettis perdus dans l’immensité des océans. Parfois ces états ne recouvrent qu'une centaine de kilomètres carrés et sont très faiblement peuplés. Pour évoquer ces tout petits états Guillaume Fiquet reçoit Jean-Claude Rolinat auteur de " Ces états grands comme un mouchoir de poche" paru aux éditions Dualpha.


La Revue d'Histoire européenne : bit.ly/42tCcbT

https://tvl.fr/le-nouveau-passe-present-ces-etats-grands-comme-un-mouchoir-de-poche

Patrick Gofman décompose l'extrême gauche sur TV Libertés (video)

 

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Initialement édité (en 2013) par nos soins, le livre de Patrick Gofman Le trotskisme dégénéré vient de ressortir chez nos amis de Dualpha. cliquez ici


Par ailleurs, Patrick Gofman a contribué au livre de Pierre Cassen et de Bernard Germain, Transgression, voyage du camp du bien vers le camp du mal... que nous avons publié au mois de juin. cliquez là

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Smolensk, la cité du malheur russe

 

François Malye, grand reporter au Point, est aussi historien et dirige la collection “Mémoires de Guerre” aux Belles Lettres. Il signe chez Perrin un ouvrage surprenant dédié à la ville de Smolensk. Surprenant quant à la forme, puisque ce livre est quasiment un carnet de voyage qui, à travers de multiples flashbacks, nous retrace avec moult détails les principales invasions subies par la ville de Smolensk à travers son histoire. Surprenant aussi précisément par toutes les anecdotes fournies par l’auteur au sujet de ces invasions.

Si François Malye s’est rendu pour la première fois à Smolensk en mai 2019, c’est pour y faire un reportage consacré à la guerre livrée par les Russes contre Napoléon en 1812. La raison de ce reportage est l’envoi en Russie d’une équipe d’archéologues français chargés de travailler avec des homologues russes à découvrir la tombe du général Gudin, héros de l’Empire, mort et enterré à Smolensk. A partir de là, c’est l’histoire des malheurs de la ville de Smolensk qui défile.

La Grande Armée de Napoléon comptait 650.000 hommes, dont 350.000 Français, au départ de l’expédition de ce qui a été surnommé l’armée des vingt nations. Mais cette armée se dégarnit au fur et à mesure de son avancée. Ils ne sont plus que 423.000 à passer le fleuve Niémen et seulement 235.000 à arriver à Vitebsk. Des pertes invraisemblables sans même encore s’être battu ! Durant son voyage, Napoléon lit l’Histoire de Charles XII, roi de Suède écrite par Voltaire qui retrace notamment les campagnes de ce roi conquérant en Pologne et en Russie. L’échec de Charles XII en Russie chiffonne Napoléon. Mais l’Empereur est persuadé de pouvoir réussir là où son prédécesseur a échoué. Hitler étudiera ensuite l’odyssée de Napoléon, se persuadant à son tour qu’il y parviendrait, lui. Pour prendre Moscou, il faut d’abord s’emparer de Smolensk. C’est “le boulevard de l’Empire russe” sur lequel vont s’engouffrer les troupes impériales et cent trente années plus tard l’armée allemande. Au milieu de la multitude d’anecdotes qu’il raconte, l’auteur rappelle que l’écrivain Stendhal a passé quatre mois dans l’enfer russe avec l’armée impériale.

En 1941, ce sont trois millions de soldats allemands qui déferlent sur la Russie, flanqués de 700.000 alliés. L’une des cibles prioritaires des troupes de l’Axe afin de prendre Moscou sera, bien sûr, la vieille cité de Smolensk. Le succès initial des Allemands réside en grande partie dans l’effet de surprise et l’avancée éclair, la fameuse Blitzkrieg. Il faut aussi préciser que l’armée rouge est mal en point en 1941, encore sous les effets des grandes purges staliniennes menées de 1937 à 1938, au cours desquelles 506 officiers généraux soviétiques ont trouvé la mort sous la torture ou sous les balles du NKVD. Le jour même de la prise de Smolensk par l’armée allemande, Yakov Djougachvili, 34 ans, fils de Staline, est capturé parmi des milliers d’autres soldats soviétiques. L’armée allemande tentera plus tard de l’échanger contre le Maréchal von Paulus capturé par les Soviétiques à Stalingrad, ce que Staline refusera.

Tant devant l’avancée sur le sol russe de l’armée de Napoléon que devant celle d’Hitler, la Russie appliquera la terre brûlée. En butant sur la résistance acharnée de la ville de Smolensk et de sa région, l’offensive allemande n’a pas atteint son but premier, qui était de détruire l’Armée rouge à l’ouest du Dniepr. Exactement comme Napoléon voulait le faire avec l’armée du Tsar. La victoire sanglante de Smolensk signifie ainsi l’échec de l’opération Barbarossa. La Blitzkrieg s’est épuisée et Moscou ne sera pas prise, les Soviétiques ayant eu le temps d’organiser sa défense.

On notera également que c’est à vingt kilomètres de Smolensk que se situe le forêt de Katyn où 4.404 officiers polonais furent assassinés par le NKVD au printemps 1940. Soixante-dix ans plus tard, le 10 avril 2010, c’est à quelques kilomètres de là, aux abords des pistes de l’aéroport militaire de Smolensk, que s’écrasera l’avion transportant Lech Kaczynski, président de Pologne, ainsi que 87 membres de son gouvernement et de l’élite du pays.

Aujourd’hui encore, les Smoléniens conservent en mémoire trois principaux ennemis : les Polonais, les Français et les Allemands. Il faut s’en souvenir dans le contexte de la guerre qui se joue en Ukraine et à laquelle se mêlent ces trois nations que les Russes perçoivent avec la mémoire des conflits précédents.

Smolensk, François Malye, éditions Perrin, 315 pages, 22 euros

A commander en ligne sur le site de l’éditeur

https://www.medias-presse.info/smolensk-la-cite-du-malheur-russe/170479/

Trois livres sur les relations germano-soviétiques de 1918 à 1944 2/5

  

Ci-dessus : Deux personnages importants de la République de Weimar : von Papen et Kurt von Schleicher, ici en 1932, respectivement alors Reichskanzler et Reichswehminister, lors d’une commémoration militaire à Berlin. Von Schleicher constatera que son armée ne pouvait contenir les éléments communistes et nazis si ceux-ci unissaient leurs forces. Son objectif : maintenir le statu quo (réparations incluses) en demandant aux Alliés de pouvoir disposer de 300.000 hommes. Cette éventualité inquiétait les Soviétiques, car elle aurait pu déboucher sur une alliance franco-germano-polonaise. Le conflit entre von Schleicher voulant temporiser la situation socio-politique et l’ultraconservateur von Papen décrétant la loi martiale ne fera que rendre plus instable le gouvernement de Hindenburg.

La Reichswehr aurait été incapable de mater un putsch conjoint des nazis et des communistes

Aux élections du 6 novembre 1932, malgré le recul des nationaux-socialistes, l’ambassadeur soviétique Khintchouk réitère les ordres de Moscou aux communistes allemands car « Hitler ouvre la voie à une Allemagne soviétisée ». Communistes et Nationaux-Socialistes organisent de concert une grève des transports en commun à Berlin, qui connaît un franc succès. Schleicher est inquiet : il met les circonscriptions militaires en alerte et simule des manœuvres pour savoir si la Reichswehr serait capable de briser un putsch perpétré de concert par les communistes et les nazis.

Le rapport final qui lui est transmis le 2 décembre 1932 est alarmant : l’armée serait incapable de faire face à un putsch unissant les deux partis “extrémistes”. Ne disposant que de 100.000 hommes, elle est en infériorité numérique devant les 130.000 militants du Kampfbund [Ligue de combat] communiste, renforcés par les 30.000 adolescents de l’organisation de jeunesse, et des 400.000 SA et HJ de la NSDAP. De plus, la réussite du mouvement de grève conjoint dans les transports publics berlinois a démontré que les putschistes éventuels pourraient paralyser les chemins de fer, empêchant tout mouvement de troupes vers les centres insurrectionnels. Schleicher est dès lors obligé, pour sauver la République de Weimar aux abois, de faire des concessions aux Alliés pour que ceux-ci permettent à la Reichswehr de disposer de 300.000 hommes lors de la Conférence de Genève prévue pour 1933.

Poussé dans le dos par le Komintern, la KPD entonne des refrains aussi patriotiques que les nationaux. Le Komintern proclame le 10 janvier 1933 :

« Il faut combattre sans merci les oppresseurs de la nation ! Il faut lutter contre l’occupation de la Sarre, l’oppression des Alsaciens et des Lorrains, contrer la politique rapace de l’impérialisme polonais à Dantzig, lutter contre l’oppression des Allemands en Haute-Silésie, en Pomérélie et au Tyrol du Sud, contre la mise en esclavage des peuples et des minorités ethniques en Tchécoslovaquie, contre la perte de ses droits par le peuple autrichien ».

Mais Moscou continue à faire davantage confiance à la NSDAP.

Le 22 janvier 1933, les hitlériens projettent une manifestation provocatrice devant le quartier général communiste de Berlin. Les Soviétiques donnent l’ordre à leurs coreligionnaires berlinois de ne pas s'y opposer. Après la prise du pouvoir par Hitler, l’immeuble sera perquisitionné et la police y trouvera des “preuves” d’un projet de putsch communiste. Le Reichstag brûle le 27 février, apparemment par l’action d’un communiste hollandais, Marinus van der Lubbe. La KPD est interdite. À Moscou, les milieux gouvernementaux restent calmes et choisissent l’attentisme : il faut sauver les relations privilégiées entre l’URSS et l’Allemagne et ne pas les gâcher par une propagande anti-nazie irréfléchie.

Litvinov, Hitler et Rosenberg

Les Soviétiques refuseront de tenir compte des déclamations anti-communistes des dirigeants nazis. Litvinov avertit cependant Dirksen, ambassadeur du Reich à Moscou, que cette bienveillance cessera si l’Allemagne tente un rapprochement avec la France, comme l’avaient fait les sociaux-démocrates de Stresemann et vraisemblablement le Général Schleicher. Litvinov déclare que le gouvernement soviétique n'a pas l’intention de changer sa politique à l’égard de l’Allemagne mais fera tout pour empêcher une alliance germano-française. En échange, Litvinov promet de ne pas s'allier avec la France et de ne pas réitérer la politique d’encerclement de l’Entente avant 1914, l’URSS n'ayant pas intérêt à reconnaître les clauses du Traité de Versailles et l’existence de l’État polonais. Le 29 avril 1933, Hitler reçoit Khintchouk en présence du Baron Konstantin von Neurath, et promet de ne pas s'occuper des affaires intérieures russes à la condition expresse que les Soviétiques n'interviennent pas dans les affaires intérieures allemandes (en clair : cessent de soutenir les communistes allemands).

Pendant les premières années du régime hitlérien, les relations germano-russes sont donc restées positives avec toutefois une seule petite ombre au tableau : les activités d’Alfred Rosenberg, chef du bureau des Affaires étrangères de la NSDAP et rédacteur-en-chef de son organe de presse, le Völkischer Beobachter. Né dans les pays baltes, ayant étudié à Moscou, Rosenberg haïssait le communisme soviétique. Il rêvait d’une balkanisation de l’URSS et notamment d’une Ukraine indépendante. Hitler ne le nomma pas Ministre des Affaires étrangères du Reich, ce qui soulagea les Soviétiques. Des envoyés spéciaux laissaient sous-entendre régulièrement que si Rosenberg devenait Ministre des Affaires étrangères, les Soviétiques pourraient être amenés à reconduire leur alliance avec la France. La tragédie de la “Nuit des longs couteaux”, au cours de laquelle Schleicher est éliminé, satisfait Staline qui voyaient dans les victimes des instruments d’une politique d’alliance avec la France (donc avec la Pologne).

Démontant le système de Versailles pièce par pièce, Hitler rapatrie les usines d’armement disséminées en Russie. Les installations de Kama et de Tomka, où furent élaborés les premiers chars allemands et la tactique offensive de l’arme blindée, sont démantelées et reconstruites en Allemagne. Ensuite, c'est au tour du centre aérien de Vivoupal, matrice de la future Luftwaffe. Les usines avaient bien servi le Reich et l’URSS ; les deux puissances avaient pu moderniser leurs armées à outrance. Dans l’Armée Rouge et la nouvelle Wehrmacht, on retrouvera les mêmes armes modernes, supérieures à celles de tous leurs adversaires.

L’élimination de Toukhatchevski

Hitler, en annulant les effets de l’article 198 du Traité de Versailles, se rendait parfaitement compte que la Reichswehr avait créé l’Armée Rouge de Staline. Comment ôter aux Soviétiques l’atout que les relations privilégiées entre les deux armées leur avaient octroyés ? Gordon Lang décrit le rôle de Heydrich : celui-ci avait pu observer les purges contre les trotskistes et constater avec quelle rage paranoïaque Staline poursuivait et éliminait ses adversaires. Soupçonneux à l’extrême, le dictateur géorgien prenait assez aisément pour argent comptant les bruits de complot, vrais ou imaginaires. Heydrich en conclut qu'il suffisait de faire courir la rumeur que le Maréchal Toukhatchevski complotait contre Staline. Or une vieille haine couvait entre les deux hommes.

Lors de l’offensive soviétique contre la Pologne en 1920, Toukhatchevski marcha victorieusement sur Varsovie et donna l’ordre au deuxième corps d’armée soviétique, commandé par Vorochilov et Boudienny, de faire mouvement vers la capitale polonaise et de prendre en tenaille leur adversaire. Vorochilov et Boudienny, sous l’impulsion de Staline, alors commissaire politique aux armées, refusèrent de suivre cet ordre et marchèrent sur Lemberg, capitale de la Galicie. Weygand, commandant en chef des troupes polonaises, s'engouffra dans la brèche et battit tour à tour les armées de Toukhatchevski et de Vorochilov, Boudienny et Staline. Toukhatchevski n'avait jamais raté l’occasion de rappeler cette gaffe monumentale de Staline. En fabriquant de faux documents accablants pour le Maréchal, Heydrich savait que Staline sauterait sur l’occasion pour éliminer ce témoin gênant de sa faute politique majeure. L’élimination de l’état-major soviétique réduisit l’Armée Rouge à l’impuissance pendant plusieurs années. Parmi les rescapés des purges : Vorochilov et Boudienny…

Si Staline était indubitablement germanophile, Toukhatchevski, contrairement à la plupart des trotskistes épurés ou dissidents, l’était aussi. Lang reproduit un document intéressant de 1935 : les notes prises lors de l’entrée en fonction du nouvel attaché militaire allemand en URSS, le Général Ernst-August Köstring. Ces notes révèlent la volonté de Toukhatchevski de s'en tenir aux principes de von Seeckt. En 1936, Toukhatchevski conseille au Ministre des Affaires étrangères roumain, Nikolae Titulescu de ne pas lier le destin de la Roumanie à la France et à la Grande-Bretagne, États vieux et usés, mais à l’Allemagne, État jeune et dynamique. Pourquoi Heydrich a-t-il contribué à liquider un militaire compétent, ami de son pays ? Parce que la germanophilie de Toukhatchevski n'était pas inconditionnelle, vu le pacte Anti-Komintern : le Maréchal avait organisé des manœuvres et des Kriegspiele, dans lesquels l’Allemagne envahissait l’URSS et l’Armée Rouge organisait la défense du territoire. Ce fait dément les accusations d’espionnage au profit de l’Allemagne. Est-ce l’encouragement aux Roumains à s'aligner avec l’Allemagne qui a servi d’alibi aux épurateurs staliniens ? En effet, une Roumanie sans garantie allemande aurait été une proie facile pour l’URSS qui voulait récupérer la Bessarabie…

Le premier volume du livre de Gordon Lang s'arrête sur l’épisode de l’élimination de Toukhatchevski. Un autre historien, Karl Höffkes, dans

 Deutsch-sowjetische Geheimverbindungen : Unveröffentliche diplomatische Depeschen zwischen Berlin und Moskau im Vorfeld des Zweiten Weltkriegs,

[Veröffentlichungen des Instituts für deutsche Nachkriegsgeschichte : Band 15, Grabert Verlag, Tübingen, 1988, 298 p.] présente tous les documents relatifs au pacte germano-soviétique [dit Traité Ribbentrop-Molotov], signé le 23 août 1939.

Höffkes classe les documents par ordre chronologique, ce qui permet de suivre l’évolution des événements qui ont conduit au partage de la Pologne en septembre 1939. Il signale aussi que, vu la participation militaire active des Soviétiques au démembrement de la Pologne, à l’occupation des Pays Baltes et de la Bessarabie/Bukovine entre le 17 septembre 1939 et le 22 juin 1941, la culpabilité allemande dans le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale ne saurait être exclusive, indépendamment des raisons qui ont poussé les deux puissances à agir. Officiellement, les Soviétiques prétendent être rentrés en Pologne parce que l’État polonais avait cessé d’exister et que leur devoir était de protéger les populations ukrainiennes et biélorusses de Volhynie et de Galicie. Les Alliés avaient déclaré la guerre à l’Allemagne le 3 septembre 1939 mais ne feront pas de même pour la Russie après le 17 septembre. Dans la Pravda du 29 novembre 1939, Staline lui-même justifie ses positions :

À suivre

A la découverte des rebelles irlandais exécutés lors de l’insurrection de Pâques 1916 : Seán MacDiarmada

 

Nous vous proposons dans cette série estivale de découvrir les portraits des 16 leaders rebelles irlandais exécutés lors de l’insurrection de Pâques 1916 et suite à la prise de la Poste de Dublin, sous les yeux d’une foule qui ne comprenait pas réellement ce que voulaient ces nationalistes irlandais courageux, impétueux, mais encore très minoritaires à l’époque dans la population.

Après Éamonn Ceannt, et Thomas James Clarke, James Connolly, voici Seán MacDiarmada lui aussi  parmi les 7 signataires exécutés de la déclaration d’indépendance.

Qui était Seán MacDiarmada ?

Seán Mac Diarmada est né en 1884 à Leitrim. Il fut l’un des sept signataires de la Proclamation de la République irlandaise et l’un des principaux organisateurs de l’IRB. Ses convictions républicaines ont été nourries par son instituteur principal, Master P. McGauran, qui lui a fourni des livres sur l’histoire irlandaise. Il a été membre de nombreux groupes culturels tels que la Gaelic League et le Sinn Féin, avant de rejoindre des organisations plus radicales telles que les Irish Volunteers et l’Irish Republican Brotherhood.

En 1905, il s’installe à Belfast et trouve un emploi de conducteur de tramway. Mac Diarmada rejoint les Dungannon Clubs, qui promeuvent les idées nationalistes, et c’est là qu’il prête serment à l’IRB. En 1907, il retourne dans le Comté de Leitrim pour se présenter à une élection locale partielle. Bien qu’il soit battu, l’élection lui permet de se faire connaître dans les cercles nationalistes. En 1908, Mac Diarmada se rend à Dublin où il rencontre Thomas Clarke.

À Dublin, il dirige le journal de l’IRB “Irish Freedom” à partir de 1910. En 1911, il est atteint de la poliomyélite, qui affecte gravement sa jambe droite et le fait boiter. En 1913, il est nommé membre du comité provisoire des volontaires irlandais et est ensuite incorporé au comité militaire de l’IRB en 1915. Clarke est trésorier de l’organisation, tandis que Mac Diarmada en est le secrétaire et le bras droit de Thomas Clark. Clarke et Mac Diarmada furent les principaux instigateurs et planificateurs de l’insurrection.

Bien que limité par une claudication de la jambe droite due à la poliomyélite, Mac Diarmada a fait partie de ceux qui ont envahi la Poste de Dublin et il y est resté en tant que membre du gouvernement républicain provisoire pendant toute la durée de l’insurrection. Un témoignage d’Ignatius Callener, qui l’a rencontré sur le moment, indique que “Seán McDermott était l’un des hommes les plus aimables que j’ai jamais connus et, en le regardant ce jour-là, je me suis dit “Voilà un homme heureux”, car il incarnait réellement l’image même du bonheur, là, entouré de braves gars qui se battaient contre l’ennemi commun de notre pays“.

Mac Diarmada, avec Clarke, prit la direction des opérations lorsque Connolly fut gravement blessé et il ordonna l’évacuation du bâtiment lorsqu’un incendie s’y déclara. Les rebelles coururent jusqu’à Moore Street, s’abritant dans diverses maisons le long du chemin. Un témoin de l’époque raconte : “…Presque toutes les pièces des maisons que nous avons traversées étaient occupées par nos forces armées. J’ai eu beaucoup de peine pour les gens qui vivaient dans ces maisons. En entrant dans ces maisons, nous apportions la mort et la destruction aux habitants »

Le 18th Royal Irish, un régiment d’Irlandais de l’armée britannique, tirait sur tout ce qui bougeait dans la rue, et à si courte distance, leurs tirs étaient mortels. Pour éviter de nouvelles effusions de sang et de nouvelles destructions, Mac Diarmada était favorable à la reddition.

Après la reddition, un capitaine de l’armée britannique, Percival Lea-Wilson, emmena Thomas Clarke, Seán Mac Diarmada et Ned Daly à l’écart pour les fouiller. Il obligea les trois hommes à se déshabiller devant leurs camarades, dont trois infirmières. Lea-Wilson confisque la canne de Seán Mac Diarmada, l’obligeant à suivre le rythme des autres volontaires dans leur marche vers la prison de Richmond Barracks. Pour ce traitement des prisonniers, noté par un jeune capitaine, Michael Collins, Lea-Wilson fut plus tard assassiné pendant la guerre d’indépendance en 1921 par l’IRA à Gorey, dans le comté de Wexford.

Seán Mac Diarmada passe en cour martiale le 9 mai. Il était amoureux d’une certaine Min Ryan. Elle a été autorisée à lui rendre visite en prison, mais bien qu’elle y soit restée un certain temps, elle n’a pas su quoi lui dire.

Il a été exécuté le 12 mai 1916.

La rue Seán MacDermott à Dublin et la gare de Sligo ont été nommées en son honneur.

Les cinq sœurs de Seán Mac Diarmada obtinrent chacune une pension de 100 livres sterling par an. La loi de 1934 sur les pensions du service militaire (Military Service Pensions Act) a permis de verser des pensions aux familles des signataires de la Proclamation de 1916. Maggie est la seule sœur à être restée en Irlande, les autres ayant émigré en Amérique.

Son histoire en vidéo et en anglais ici

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dimanche 30 juillet 2023

A la découverte des rebelles irlandais exécutés lors de l’insurrection de Pâques 1916 : James Connolly

Nous vous proposons dans cette série estivale de découvrir les principaux leaders rebelles irlandais, exécutés lors de l’insurrection de Pâques 1916 et suite à la prise de la Poste de Dublin, sous les yeux d’une foule qui ne comprenait pas réellement ce que voulaient ces nationalistes irlandais courageux, impétueux, mais encore très minoritaires à l’époque dans la population.

Après Éamonn Ceannt, et Thomas James Clarke voici James Connolly

Qui était James Connolly ?

James Connolly est né à Cowgate, à Édimbourg, en 1868, d’une famille d’émigrants irlandais. Sa famille était extrêmement pauvre. James Connolly avait un frère aîné, John, qui jouait un rôle important dans la politique locale à Édimbourg. On s’attendait à ce que John réussisse dans la politique, mais il s’est engagé dans l’armée britannique dans sa jeunesse et est mort vers juin 1916, durant la Première guerre mondiale.

James Connolly quitte l’école très tôt et s’engage dans l’armée britannique. Il a été stationné à Dublin pendant sept ans. Il rencontre Lillie Reynolds et se marie en Écosse en 1890. Il s’implique dans les organisations socialistes écossaises, mais avec une jeune famille, il doit gagner sa vie. Le Dublin Socialist Club cherche un secrétaire et il déménage avec sa famille à Dublin. C’est là que Connolly fonde le Parti républicain socialiste irlandais (Irish Socialist Republican Party)

La classe ouvrière constitue la grande majorité de la population de Dublin, mais le taux de chômage est élevé. Les salaires sont bas et une grande partie de la population vit dans des tenements (des baraquements) où les conditions sont très mauvaises. Connolly estime que “nous avons le droit de vivre, et le droit d’être nourris si nous ne pouvons pas travailler”. Connolly estimait que la lutte pour la liberté de l’Irlande comportait deux aspects, national et social.  Avec sa famille, ils vivaient dans un immeuble et dans une extrême pauvreté. C’est ce qui l’a poussé à partir pour l’Amérique en 1903 afin d’assurer une vie meilleure à sa famille.

En Amérique, il s’est impliqué dans des groupes socialistes et a également publié “Labour in Irish History” (Le travail dans l’histoire irlandaise). Sa famille est restée sur place jusqu’à ce qu’il trouve un emploi. Lorsqu’il eut un logement et un emploi, il envoya les billets de voyage à sa famille en Irlande. Tragiquement, sa fille aînée Mona mourut (son tablier ayant pris feu) un jour avant que la famille ne s’embarque pour l’Amérique. Connolly a appris cette nouvelle pour la première fois lorsqu’il est allé chercher sa famille à Ellis Island.

Il a travaillé dans le domaine de l’assurance pour les usines de vêtements en Amérique, mais cette activité a connu un ralentissement et il a alors trouvé un emploi chez les fabricants de machines à coudre Singer pendant un certain temps, avant de déménager dans le Bronx pour travailler pour les Industrial Workers of the World. Pendant son séjour en Amérique, Connolly a correspondu avec William O’Brien, un syndicaliste de Dublin, pour se tenir au courant de ce qui se passait en Irlande. O’Brien réussit à réunir suffisamment de fonds pour permettre à la famille de rentrer en Irlande en 1910.

En Irlande, il devient le bras droit de son collègue socialiste James Larkin, qui faisait campagne pour les droits des travailleurs. Il travaille alors à Belfast pour l’Irish Transport and General workers’ Union. Comme il n’avait pas les moyens d’entretenir deux foyers avec son salaire de syndicaliste, il dut faire venir sa famille dans le Nord. Bien qu’il soit basé à Belfast, il participe à des conflits sociaux dans toute l’Irlande. Il a notamment obtenu de meilleures conditions de travail pour les dockers lors de la grève de 1911. Ses deux filles aînées, Nora et Ina, trouvent un emploi, ce qui aide la famille sur le plan financier. À cette époque, James rencontre Winnie Carney à Belfast, qui milite au sein du syndicat des travailleurs du textile irlandais et devient par la suite la secrétaire personnelle de James Connolly, qu’elle assiste lors de l’insurrection de Pâques.

Connolly se rend à Dublin pour aider Larkin lors de la grève générale de 1913. Il est arrêté et envoyé à la prison de Mountjoy. Il y adopte les méthodes des suffragettes et entame une grève de la faim pour défendre ses droits et sa liberté d’expression, ce qu’il est le premier à faire en Irlande. Il a été convenu qu’il séjournerait dans la maison de la comtesse Markievicz à Rathmines à sa libération, afin qu’elle puisse le soigner.

James Connolly a contribué à la création de l’Armée citoyenne irlandaise (ICA) qui a été mise sur pied pour permettre aux hommes de se défendre en cas d’affrontements avec la police et pour lutter contre les effets démoralisants du chômage en leur apportant une certaine cohésion et un sentiment d’utilité. Connolly était également un féministe convaincu et l’Armée citoyenne irlandaise admettait les femmes qui avaient le potentiel nécessaire au même rang et aux mêmes fonctions que les hommes. Ce mouvement était à la fois politique, social et militaire.

En 1916, les dirigeants de la Fraternité républicaine irlandaise, dont Thomas Clarke et Pádraig Pearse, rencontrèrent James Connolly et un accord fut conclu pour lancer une rébellion à Pâques 1916. James Connolly est coopté au sein du conseil militaire de l’IRB. Lors de l’insurrection de Pâques, le 24 avril 1916, Connolly est commandant de la brigade de Dublin et dirige les opérations militaires. Il contribue au contenu de la Proclamation rédigée par Pearse, en particulier aux idéaux socialistes, féministes et égalitaires.

La famille de James Connolly vivait dans le Nord à cette époque, mais à l’approche de la rébellion, sa femme Lille vendit tout ce qu’elle possédait et la famille s’installa pour un temps dans la Surrey House de la comtesse Markievicz, à Rathmines. Le dimanche de Pâques, une réunion a lieu à Liberty Hall. Pádraig Pearse approcha les filles de Connolly avec des copies de la Proclamation. Elles sont les premières femmes à la lire. Il voulait qu’elles l’apprennent par cœur, afin qu’elles puissent dire aux volontaires irlandais dans le Nord ce qu’elle contenait et qu’elle serait lue à l’extérieur de la Grande Poste ce jour-là à 12 heures. Il n’a pas voulu leur donner de copie écrite, car cela aurait été trop dangereux. Les filles de Connolly, Nora et Ina, sont alors envoyées dans le Nord. Elles devaient aider à mobiliser les volontaires, le lundi et le mardi de Pâques étant des jours fériés dans cette région.

Pendant l’insurrection, Connolly était basé dans la Poste de Dublin. Bien que le poste de Pearse soit celui de commandant en chef, c’est Connolly qui donne les ordres aux rebelles, Pearse étant avant tout un orateur et un propagandiste : “Je me souviens que le commandant Connolly est venu ce jour-là pour inspecter nos positions. Il nous a inspiré une grande confiance par l’attitude calme et froide qu’il a adoptée face aux tirs de l’ennemi. C’était un grand personnage qui faisait tout ce qu’il pouvait pour le confort de ses hommes“.

Connolly a été gravement blessé au cours des combats et, au moment de la reddition, il savait ce qui l’attendait. “Il n’y a aucun espoir pour moi ; tous ceux qui ont signé la proclamation seront fusillés”.

Après la reddition, il est jugé par une cour martiale et condamné à mort par un peloton d’exécution. Ses dernières paroles furent : “Je dirai une prière pour tous les hommes courageux qui ont fait leur devoir selon leurs destinées“. Le 12 mai 1916, il est emmené sur une civière dans la cour de la prison de Kilmainham, attaché à une chaise et exécuté.

Le cimetière militaire d’Arbour Hill est la dernière demeure de quatorze des dirigeants exécutés lors de l’insurrection de 1916, dont James Connolly. Une statue de James Connolly se trouve à l’extérieur du Liberty Hall à Dublin, siège du syndicat SIPTU. La gare Connolly est nommée en son honneur.

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Ainsi était Saint Louis (par Jean-Noël Toubon)

 

Jean-Noël Toubon, ancien directeur de la télé web castelbriantaise Pulcéo, est un passionné d’histoire. A tel point qu’il a d’abord lancé la chaîne YouTube Gallia consacrée à l’histoire de France de Clovis à Louis XVI, à la suite de quoi il a fondé la maison d’éditions Voxgallia et s’est mis à écrire lui-même. Nous avons déjà présenté ici son ouvrage consacré au péril cathare. Cette fois, attardons-nous sur sa biographie de Saint Louis.

Le règne de Saint Louis est le témoignage vivant de l’étendue des vertus que doit posséder un chef. Et ce livre réussit à résumer ce règne éblouissant. C’est le 25 avril 1214 que naquit Louis, fils de Blanche de Castille et de Louis VIII. Le futur saint Louis héritera d’un royaume riche, puissant et influent, en un XIIIe siècle qui restera pour la postérité l’âge d’or médiéval appelé aussi le “siècle français “. Louis allait être un roi eschatologique, passant sa vie, sans relâche, à préparer son âme et celles de son peuple à la rencontre divine. La personnalité du jeune Louis fut forgée par trois figures tutélaires. En premier, son grand-père Philippe Auguste, le vainqueur de Bouvines, ensuite son père Louis VIII dit le Lion, qui impressionnait par son courage de chevalier, enfin sa mère Blanche de Castille, pieuse, autoritaire et mère protectrice jusqu’à l’excès. Durant son enfance, au contact de moines dominicains et franciscains, il put développer très tôt le sens de l’humilité et de la charité.

Devenu roi à l’âge de 12 ans, Louis allait très vite découvrir les jeux du pouvoir et subir les trahisons de ses vassaux. Il fallait la poigne d’une Blanche de Castille pour maintenir l’unité du royaume de France. Le règne de Louis IX fut marqué par la question des juifs. Il leur était reproché la pratique de l’usure et les insultes proférées à l’encontre de la Sainte Vierge et du Christ dans le Talmud, soit deux crimes aux yeux du roi et de la société de l’époque. Louis IX leur interdit les blasphèmes, les signes graphiques mystérieux, les sortilèges, les alphabets secrets, etc. Et pour leur permettre une activité professionnelle sans pratiquer l’usure, il facilita aux juifs l’accès aux métiers productifs et au travail de leurs mains. En juin 1240 débuta le procès du Talmud. avec la possibilité pour des rabbins de débattre face à des prélats catholiques. Après deux ans de disputation, le procès se conclut par la crémation de vingt-quatre charretées du Talmud en place de Grève à Paris. On notera également que le règne de Louis IX fut marqué par sa capacité à éviter les déchirements inutiles entre princes chrétiens.

Le 25 août 1248, accompagné de toute sa famille hormis sa mère et ses jeunes enfants, il embarque pour sa première croisade. A bord des trente-huit grands vaisseaux et des centaines d’embarcations plus modestes, quelque 2.500 chevaliers, 10.000 fantassins, 5.000 arbalétriers et 8.000 chevaux prirent le large en direction de l’Egypte. En ce début de l’an 1250, le roi est malade et épuisé. Le 9 février, il fut fait prisonnier. Il fut libéré le 6 mai avec de nombreux captifs chrétiens contre rançon. Au printemps 1253, une ambassade vint lui annoncer la mort de sa mère. Le 10 juillet 1254, il retrouva le sol de France. Le roi, meurtri, cherchait les causes de l’échec de la croisade et se lança dans une entreprise de moralisation de son royaume. Il prit des mesures destinées à combattre les abus de pouvoir et la corruption. C’est lui aussi qui imposa un principe fondateur de la justice contemporaine : la présomption d’innocence. Il pratiquait également avec humilité la justice royale, accessible à tous, au bois de Vincennes ou au Palais royal. Charitable, il était aussi un roi pénitent, s’infligeant toutes sortes de privations. Et chaque jour il faisait manger des pauvres à sa table. Il fit bâtir, souvent sur ses propres deniers, des abbayes à l’intérieur desquelles les plus pauvres pouvaient manger, des hospices où les aveugles pouvaient trouver un peu de réconfort, ou encore des Hôtels-Dieu pour y accueillir des femmes veuves ou miséreuses, des malades et des indigents. En père des pauvres et des malheureux, Louis allait souvent visiter ces lieux et s’attardait à nourrir lui-même les infirmes les plus repoussants.

Vint le moment de la seconde croisade. Le 1er juillet 1270, le roi Louis IX monta sur sa nef et emmena avec lui ses trois fils aînés ainsi que sa fille aînée. A Carthage, près de Tunis, la maladie se propagea à nouveau. L’hécatombe débuta le 3 août 1270. Jean-Tristan, fils du roi mourut ce jour-là de la dysenterie. Succombèrent ensuite le comte de Nevers; le légat du pape, l’archevêque de Reims, le comte de Vendôme, le maréchal de France, le garde du sceau royal, etc. Le 25 août 1270, Louis IX s’éteignit à son tour. Pour supporter le voyage, les os et les chairs furent séparés. Les chairs et les entrailles du pieux roi furent transportées et conservées par son frère Charles d’Anjou à l’abbaye de Monreale en Sicile. Le 21 mai 1271, le convoi du roi de France fit son entrée dans Paris devant une foule immense venue se recueillir dans la tristesse. Sur le long trajet du retour, les restes du saint roi faisaient déjà des miracles. Soixante-quatre miracles seront attestés, dans de nombreuses villes traversées et sur son tombeau de Saint-Denis à Paris. Le 11 août 1297, le pape Boniface VIII prononça la canonisation du roi sous le nom de saint Louis de France.

Jean-Noël Toubon se révèle un remarquable narrateur de ce règne exceptionnel et son livre mérite vraiment d’être recommandé.

Ainsi était Saint Louis, Jean-Noël Toubon, éditions Voxgallia, 187 pages, 17 euros

A commander en ligne sur le site de l’éditeur

https://www.medias-presse.info/ainsi-etait-saint-louis-par-jean-noel-toubon/170780/

A la découverte des rebelles irlandais exécutés lors de l’insurrection de Pâques 1916 : Thomas James Clarke

 

Nous vous proposons dans cette série estivale de découvrir les portraits des 16 leaders rebelles irlandais exécutés lors de l’insurrection de Pâques 1916 et suite à la prise de la Poste de Dublin, sous les yeux d’une foule qui ne comprenait pas réellement ce que voulaient ces nationalistes irlandais courageux, impétueux, mais encore très minoritaires à l’époque dans la population.

Après Éamonn Ceannt, voici Thomas James Clarke lui aussi  parmi les 7 signataires exécutés de la déclaration d’indépendance.

Qui était Thomas James Clarke ?

Thomas Clarke est né sur l’île de Wight en 1858. Son père était un soldat de l’armée britannique qui avait participé à la guerre de Crimée. La famille s’est ensuite installée en Afrique du Sud, où elle a vécu dans diverses villes de garnison britanniques. Lorsque Thomas a sept ans, sa famille déménage dans le comté de Tyrone, où il rencontre John Daly, l’oncle de sa future épouse Kathleen et responsable de la Fraternité républicaine irlandaise (IRB) dans laquelle il s’engage rapidement.

En 1882, à l’âge de 24 ans, il émigre en Amérique et rejoint le Clann Na nGael. L’année suivante, il est envoyé à Londres dans le cadre d’une campagne de violences. Il est arrêté et passe quinze ans en prison. Sa santé a souffert des conditions de détention et Maud Gonne et l’Amnesty Association ont plaidé en faveur de sa libération. John Daly était également emprisonné pour des motifs similaires. À sa libération, ce dernier rencontra Kathleen Daly à Limerick et correspondit avec elle lorsqu’il s’installa à nouveau en Amérique en 1898. En 1901, elle l’a suivi en Amérique et ils se sont mariés. Le témoin de mariage était John MacBride.

La famille retourne en Irlande où elle ouvre un magasin de journaux à Dublin. Il occupe le poste de trésorier de l’IRB et est membre du Conseil suprême à partir de 1915. Avec Sean Mac Diarmada, ils comptèrent parmi les principaux organisateurs de l’Insurrection. Lorsque Jeremiah O’Donovan Rossa, membre fondateur des Fenians, mourut en 1915, Clarke organisa d’immenses funérailles en signe de soutien à l’indépendance irlandaise. Clarke choisit Pádraig Pearse pour prononcer l’oraison funèbre et, en présence de milliers de volontaires, le ton de l’oraison laissait clairement entendre qu’il s’agirait rapidement d’établir une République irlandaise par la force des armes.

Thomas J. Clarke est choisi comme premier signataire de la Proclamation d’indépendance en raison de son ancienneté et de sa contribution à la cause. En tant que membre du gouvernement provincial, il faisait partie de ceux qui occupaient la Grande poste de Dublin en 1916. Après six jours de combats acharnés à l’intérieur, Pearse donna l’ordre de se rendre. Bien que Clarke s’y soit opposé, il s’est retrouvé minoritaire.

Après la reddition, un capitaine britannique, Percival Lea-Wilson, emmena Thomas Clarke, Sean MacDiarmada et Ned Daly à l’écart pour les fouiller. Clarke avait une ancienne blessure par balle qui ne s’était pas cicatrisée correctement. Lea-Wilson eut du mal à enlever le manteau de Clarke à cause de sa raideur et lui redressa de force le bras, ce qui rouvrit la plaie et provoqua une terrible douleur. Il obligea également les trois hommes à se déshabiller devant leurs camarades. Lea-Wilson confisqua la canne de Sean MacDiarmada et l’oblige à suivre le rythme des autres volontaires durant leur marche vers la prison. Ce traitement des prisonniers n’a pas été oublié par un jeune capitaine, Michael Collins, si bien que Lea-Wilson a ensuite été assassiné pendant la guerre d’indépendance en 1921 par l’IRA à Gorey, dans le comté de Wexford, où il servait dans la Royal Irish Constabulary.

Après la reddition, les Volontaires passèrent la nuit dans l’enceinte de l’hôpital Rotunda avant d’être transférés dans les casernes de Richmond.

Clarke fut jugé par la cour martiale et fut l’un des premiers à être exécuté le 3 mai 1916. Kathleen Clarke était enceinte au moment de l’insurrection, mais fît une fausse couche à cause du stress.

La gare de Dundalk a été baptisée du nom de Thomas Clarke en 1966, en commémoration du 50e anniversaire de l’insurrection4. Une plaque commémorative en l’honneur de Thomas Clarke se trouve à l’emplacement de son magasin de presse, aujourd’hui la supérette Griffins Landis, située à l’angle des rues O’Connell et Parnell.

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Trois livres sur les relations germano-soviétiques de 1918 à 1944 1/5

  

Ci-dessus : Deux personnages importants de la République de Weimar : von Papen et Kurt von Schleicher, ici en 1932, respectivement alors Reichskanzler et Reichswehminister, lors d’une commémoration militaire à Berlin. Von Schleicher constatera que son armée ne pouvait contenir les éléments communistes et nazis si ceux-ci unissaient leurs forces. Son objectif : maintenir le statu quo (réparations incluses) en demandant aux Alliés de pouvoir disposer de 300.000 hommes. Cette éventualité inquiétait les Soviétiques, car elle aurait pu déboucher sur une alliance franco-germano-polonaise. Le conflit entre von Schleicher voulant temporiser la situation socio-politique et l’ultraconservateur von Papen décrétant la loi martiale ne fera que rendre plus instable le gouvernement de Hindenburg.

La problématique complexe des relations germano-soviétiques revient sur le tapis en Allemagne Fédérale depuis quelque temps. Trois livres se sont penchés sur la question récemment, illustrant leurs propos de textes officiels ou émanant de personnalités politiques. Pour connaître l’arrière-plan de l’accord Ribbentrop-Molotov, l’historien britannique Gordon Lang, dans le premier volume de son ouvrage,

“… Die Polen verprügeln…” : Sowjetische Kriegstreibereien bei der deutschen Führung 1920 bis 1941

[1er vol. : 1914 bis 1937, Askania-Weißbuchreihe, Lindhorst, 1988, 176 p. ; cf. aussi vol. 2 : von 1936 bis 1945, 1989, 176 p.] retrace toute l’histoire des rapprochements entre l’Allemagne et l’URSS, isolée sur la scène diplomatique, contre les puissances bénéficiaires du Traité de Versailles et contre l’État polonais né en 1919 et hostile à tous ses voisins. L’enquête de Gordon Lang est minutieuse et, en tant que Britannique, il se réfère aux jugements sévères que portait David Lloyd George sur la création de l’État polonais. Lloyd George, en effet, écrivait :

« La proposition de la Commission polonaise, de placer 2.100.000 Allemands sous la domination d’un peuple qui, jamais dans l’histoire, n'avait démontré la capacité de se gouverner soi-même, doit nécessairement déboucher tôt ou tard sur une nouvelle guerre en Europe orientale ».

Le Premier ministre gallois n’a pas été écouté. John Maynard Keynes, qui quitta la table de négociation en guise de protestation, n'eut pas davantage l’oreille des Français qui voulaient à tout prix installer un État ami sur les rives de la Vistule. Notable exception, le Maréchal Foch dit avec sagesse : « Ce n'est pas une paix. C'est un armistice qui durera vingt ans ».

Ni les Soviétiques, exclus de Versailles et virtuellement en guerre avec le monde entier, ni les Allemands, punis avec la sévérité extrême que l’on sait, ne pouvaient accepter les conditions du Traité. Leurs intérêts devaient donc immanquablement se rencontrer. En Allemagne, les troupes gouvernementales et les Corps Francs matent les insurrections rouges, tandis que Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg sont assassinés. D’autres chefs rouges, en revanche, furent courtisés par le gouvernement anti-bolchévique, dont Radek, emprisonné à Berlin-Moabit puis transféré en résidence surveillée, et Viktor Kopp, venu de Moscou pour suggérer au Directeur du Département de l’Est du Ministère des Affaires étrangères allemand, le baron Adolf Georg Otto von Maltzan, de jeter les bases d’une coopération entre l’Armée Rouge et la Reichswehr pour lutter contre la Pologne.

Maltzan écrivit, immédiatement après l’entrevue, un mémorandum qui stipulait en substance que, vu l’échec des négociations à Copenhague entre Britanniques et Soviétiques, Lénine voulait éliminer la Pologne, pion des Occidentaux, afin de faire fléchir Londres. Pour réaliser cet objectif, il fallait combiner une entente entre Russes et Allemands. Maltzan explique que l’Allemagne ne marchera jamais avec les Français pour sauver la Pologne, que la Reichswehr, réduite à 100.000 hommes, suffisait à peine pour maintenir l’ordre intérieur, et que des relations avec l’URSS s’avéraient illusoires tant que la propagande bolchévique vitupérait contre le gouvernement de Berlin et créer des désordres dans la rue. Kopp promit de mettre en frein à cette propagande et suggéra les bases d’un accord commercial, mettant dans la balance l’or russe à échanger contre des locomotives et des machines-outils allemandes.

L’objectif soviétique : renforcer l’industrie allemande et faire vaciller l’Empire Britannique

Au cours des mois qui suivirent, il apparut clairement que l’objectif des Soviétiques était de renforcer l’industrie allemande, de façon à s'en servir comme “magasin” pour moderniser la Russie, dont l’objectif politique n'était pas, pour l’instant, de porter la révolution mondiale en Europe, mais de jeter son dévolu sur l’Asie, l’Asie Mineure, la Perse et l’Afghanistan et de susciter des troubles en Égypte et aux Indes, afin de faire vaciller l’Empire britannique. En juillet 1920, Kopp revient à la charge et fait savoir que l’URSS souhaite le retour à l’Allemagne du Corridor de Dantzig, afin de faciliter les communications commerciales entre le Reich et la Russie, via la Poméranie et la Prusse Orientale. L’aile gauche du parti socialiste polonais reçut l’ordre de Moscou de réclamer le retour aux frontières de 1914, réduisant la Pologne à la province russe qu'elle avait été de 1815 à 1918.

L’objectif des Allemands, surtout de l’état-major du Général von Seeckt, et des Soviétiques était de contourner tout éventuel blocus britannique et de briser la volonté française de balkaniser l’Europe centrale. L’élimination militaire de la Pologne et l’entente germano-russe pèseraient d’un tel poids que jamais les armées françaises exsangues n'oseraient entrer en Allemagne puisqu'un tel geste serait voué à un cuisant échec. Seeckt, avec son armée insignifiante, devait menacer habilement les Français tout en ne les provoquant pas trop, de façon à ce qu'ils ne déclenchent pas une guerre d’encerclement avant que les Russes ne puissent intervenir.

L’analyse était juste mais, sur le terrain, l’Armée Rouge est battue par les Polonais et par la stratégie de Weygand, dépêché dare-dare à Varsovie. Cet échec soviétique, assorti d’énormes compensations territoriales au bénéfice de la Pologne (Traité de Riga, 18 mars 1921), n'empêcha pas la collaboration secrète avec la Reichswehr : toutes les armes interdites à l’Allemagne par les clauses du Traité de Versailles, comme les avions, les bombes, les blindés de combat et de reconnaissance, l’artillerie lourde, les gaz de combat, les canons anti-aériens, etc. furent construites et testées en Russie dans des bases secrètes.

Gordon Lang consacre un très long chapitre sur la collaboration germano-russe partant de l’accord Rathenau-Tchitchérine (1922), avec pour toile de fond l’occupation de la Ruhr (1923) et l’affaire Schlageter, le Pacte de Locarno (1925), le refus de la part de la SPD de réviser les clauses de Versailles, l’éviction de Trotsky et l’avènement de Staline (1927), l’accession de Hindenburg à la Présidence du Reich (1927), la montée du national-socialisme.

Staline donne l’ordre au KPD de collaborer avec la NSDAP

La politique de Staline était de créer le socialisme dans un seul pays et de transformer l’URSS en un “croiseur cuirassé”, en lutte contre les impérialismes. Pour parvenir à cet objectif, il fallait industrialiser à outrance un pays essentiellement agricole. On sait à quelles tragédies cette volonté à conduit pour le paysannat slave et les koulaks. L’Allemagne, elle, s'est partiellement sauvée du marasme grâce à cette volonté politique : dès l’arrivée de Staline au pouvoir, les échanges économiques entre les deux pays quintuplent. Les machines quittent les usines allemandes pour la Russie nouvelle et, en échange, les Soviétiques, livrent du pétrole, des minerais et des céréales.

Quand le parti de Hitler prend de l’ampleur et obtient le soutien de la droite (de la Deutsch-Nationale Volkspartei, en abrégé DNVP), les communistes allemands visent la création d’un front commun avec la SPD, un parti modéré dont la ligne globale avait été d’accepter bon gré mal gré les réparations. L’ordre de Moscou, formulé par Staline lui-même, exigeait une politique diamétralement opposée : marcher avec la NSDAP contre les modérés qui acceptaient Versailles ! Dans l’optique de Staline, un pouvoir socialo-communiste dans le Reich aurait affaibli l’industrie allemande, réservoir de machines pour la Russie nouvelle, et aurait donc en conséquence diminuer la puissance montante de Moscou. Les communistes allemands reçurent l’ordre précis de ne rien entreprendre d’aventureux contre la droite, contre les nazis ou contre la Reichswehr, de façon à ce que la collaboration germano-russe puisse créer un front anti-occidental et anti-impérialiste.

Le 1er juin 1932, le nouveau gouvernement von Papen place le Général von Schleicher à la tête du Ministère de la Reichswehr en remplacement du Général Groener, fidèle exécutant de la doctrine de von Seeckt. Moscou ordonne aussitôt aux communistes allemands de combattre les sociaux-démocrates et de les présenter à leurs ouailles comme les ennemis principaux de la classe ouvrière. Pas question donc d’assigner ce rôle négatif aux nationaux-socialistes. Le chef du Komintern, Dimitri Manouilski, explique que, dialectiquement, la NSDAP est à l’avant-garde de la dictature du prolétariat tandis que les sociaux-démocrates trompent les masses en agitant l’épouvantail anti-fasciste. Pendant la campagne électorale, la KPD et la NSDAP militent pour une abrogation pure et simple de toutes les clauses de Versailles et rejettent toutes les formes de réparations. La SPD, elle, ne veut pas de révision du Traité et perd sa crédibilité auprès des millions de chômeurs allemands.

À suivre

A la découverte des rebelles irlandais exécutés lors de l’insurrection de Pâques 1916 : Éamonn Ceannt

 

Nous vous proposons dans cette série estivale de découvrir les principaux leaders rebelles irlandais, exécutés lors de l’insurrection de Pâques 1916 et suite à la prise de la Poste de Dublin, sous les yeux d’une foule qui ne comprenait pas réellement ce que voulaient ces nationalistes irlandais courageux, impétueux, mais encore très minoritaires à l’époque dans la population.

Nous commençons avec Éamonn Ceannt. Il fût l’un des 7 signataires de la déclaration d’indépendance qui fût exécuté par les Anglais.

Qui était Éamonn Ceannt ?

Éamonn Ceannt (ou Edward Thomas Kent) était un républicain irlandais. Il est né à Glennamaddy, dans le comté de Galway, le 21 septembre 1881, mais a été élevé et éduqué à Dublin. Il est le fils d’un officier de la Royal Irish Constabulary (RIC), la Police royale irlandaise qui a été créée par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande en 1822 pour maintenir l’ordre en Irlande. Elle comptait plus de 8 600 policiers en 1841.

Après avoir terminé ses études à l’University College de Dublin, Ceannt a travaillé au bureau du trésorier de la ville de Dublin. Il se passionne pour la langue, la musique et la danse irlandaises et rejoint en 1900 la Gaelic League (Ligue Gaélique), où il rencontre Pádraig Pearse et Eoin McNeill et s’intéresse au nationalisme irlandais. Il parle couramment l’irlandais, commence à l’enseigner et change de nom pour irlandiser le sien. Il était également un excellent musicien et joueur de cornemuse. Il a reçu la bénédiction du Pape pour sa performance alors qu’il se trouvait à Rome avec des membres de la Catholic Young Men’s Society, participant à une compétition d’athlétisme pour célébrer le jubilé du pape Pie X.

Il a épousé Frances May O’Brennan, plus connue sous le nom d’Áine, en 1905, membre des Fenians c’est à dire de l’Irish Republican Brotherhood (IRB). ; elle était également membre de la Ligue gaélique et de Cumann na mBan, organisation paramilitaire féminine du républicanisme irlandais formée à Dublin le 2 avril 1914, qui est devenue en 1916, une organisation auxiliaire des Irish Volunteers. .

Ceannt rejoint le Sinn Féin en 1907 et attire l’attention de Seán Mac Diarmada qui le recrute également au sein de l’IRB. En 1913, année de la formation de l’Irish Volunteer Force (IVF), Éamonn est nommé au comité provisoire de l’IVF et obtient le grade de capitaine. Plus tard, il est promu commandant du 4e bataillon et participe au Howth Gun Running (la livraison de 1 500 fusils Mauser aux Volontaires irlandais du port de Howth en Irlande le 26 juillet 1914) Il est également directeur des communications pour les volontaires irlandais dans les 32 comtés.

En 1915, Ceannt est coopté au Conseil militaire de l’IRB. Avec Pearse et Joseph Mary Plunkett, il planifie la rébellion. Thomas James Clarke et Seán Mac Diarmada les rejoignent par la suite.

Pendant l’Insurrection de Pâques, Ceannt était membre du gouvernement provincial et commandant du 4e bataillon des Volontaires irlandais, situé au South Dublin Union and surroundings (aujourd’hui St. James’s hospital), avec plus de 100 hommes sous son commandement. Parmi eux, le vice-commandant Cathal Brugha et le lieutenant William T. Cosgrave. Ceannt a fait preuve d’un leadership exceptionnel et a inspiré confiance aux volontaires qui ont combattu avec lui. Pendant le week-end de Pâques, sa famille fut envoyée chez la famille de Cathal Brugha pour plus de sécurité.

Le lundi de Pâques, il lit un exemplaire de la Déclaration d’indépendance à ses hommes. Son unité a connu des combats intenses et a parfois essuyé des tirs nourris de la part des forces britanniques, mais elle a réussi à repousser toutes les attaques. Cependant, il se rendit lorsque Thomas Mac Donagh apporta la nouvelle de l’ordre de reddition donné par Pearse.

Le matin du 7 mai, après une messe à la prison, James J. Burke a décrit dans un témoignage comment il a rencontré Éamonn Ceannt et lui a demandé comment il allait : “Il a répondu “Je vais bien”Je lui ai demandé s’ils allaient tous nous faire tomber et il m’a répondu : “Ils vont nous faire tomber, ils vont faire tomber les autres signataires et moi-même, mais je pense que tu vas t’en sortir. Je suis heureux de vous voir ici”.

Éamonn Ceannt est traduit en cour martiale et condamné à mort par peloton d’exécution. L’un des témoins convoqué par Ceannt était Thomas Mac Donagh, mais il avait déjà été exécuté. Ceannt est âgé de 34 ans lorsque la sentence est exécutée le 8 mai 1916 à la prison de Kilmainham.

Peu avant sa mort, voici ce qu’il écrivait :

« Je laisse ce conseil à d’autres révolutionnaires irlandais qui pourraient suivre le même chemin que moi : Ne jamais traiter avec l’ennemi, ne jamais se rendre à sa merci, mais se battre jusqu’au bout. Je ne vois rien de gagné, sinon un grave désastre causé par la capitulation, qui a marqué la fin de l’insurrection irlandaise de 1916… l’ennemi n’a pas eu une seule pensée généreuse pour ceux qui ont résisté à ses forces pendant une semaine glorieuse »

Et pour sa femme, voici ses derniers mots :

« Ma très chère épouse Áine… non pas épouse mais veuve avant que ces lignes ne vous parviennent. Je suis ici sans espoir de ce monde, sans peur, attendant calmement la fin. . . Que puis-je dire ? Je meurs noblement pour la liberté de l’Irlande. Hommes et femmes rivaliseront pour vous serrer la main. Soyez fier de moi comme je suis et que j’ai toujours été de vous. »

La Ceannt Station à Galway, la gare routière et ferroviaire, a été nommée en son honneur en 1966.

Son histoire, ci-dessous, en anglais

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