vendredi 30 septembre 2022

Des lettres mortes aux lettres vivantes de la littérature (1/4)

 

La littérature exprime l’âme d’un peuple. Facétieuse avec Rabelais, grande avec Flaubert, pure avec Péguy, la nôtre est si foisonnante qu’il est vain d’essayer de la circonscrire. Elle embrasse tous les hommes et toutes les époques. Elle semble pourtant avoir perdu en écrivains au bénéfice d’écrivaillons. Aujourd’hui gangrenée par l’idéologie dominante, les médias de masse, la doxa, le conformisme, l’acceptable, l’âme française est en péril. Comment la sauver ? Une série de Sylvie Paillat, docteur en philosophie, auteur de la "Métaphysique du rire" (L’Harmattan, 2014).

Dans son discours prononcé en 1985 à l’occasion du prix littéraire de Jérusalem, Milan Kundera s’exprime en ces termes à propos de la littérature et plus particulièrement du travail du romancier : « Non seulement le romancier n’est le porte-parole de personne, mais j’irais jusqu’à dire qu’il n’est même pas le porte-parole de ses propres idées.1 » Si Milan Kundera justifie que la littérature – expression artistique de la beauté libre et non adhérente, pour reprendre des termes kantiens, qui consiste à écrire des œuvres poétiques, théâtrales ou romanesques – ne doit être le porte-parole de personne, c’est parce qu’il observe à quel point la littérature française du xxe siècle et contemporaine s’est enfermée dans cette sorte d’engagement social, culturel, politique, idéologique. Lui-même en a été en partie victime lorsqu’au tout début de son exil en France en 1975, médias, intellectuels et artistes ont proposé, sous couvert d’humanisme, une lecture idéologique de son œuvre à partir de son exclusion du parti communiste tchèque. Il justifie à ce propos qu’il représente « le destin dangereusement attractif pour les médias d’un écrivain mis à l’index dans son pays d’origine ».

Il s’agit donc pour lui de prendre des distances avec la figure politiquement exploitée du dissident, c’est-à-dire la figure du dissident révolutionnaire et engagé à gauche dont Jean-Paul Sartre se faisait le porte-parole, notamment dans un article politique intitulé « Le socialisme qui venait du froid2 ». Kundera y voit l’illustration à la fois stéréotypée et d’autant plus conformiste qu’elle est érigée en symbole, institutionnalisée depuis la Révolution française, réactivée depuis Mai 68, de la figure du dissident contestataire, laquelle est interprétée non à partir du critère individuel, solitaire, anticonformiste et peu confortable de la révolte – dont l’esprit critique est la manifestation –, mais à partir du critère du révolutionnaire qui se bat au nom d’un peuple ou d’une collectivité. Or, tout art engagé est, selon ses propres termes, « un abêtissement général », « un conformisme de la pire espèce », ce qu’il nomme encore le kitsch. Il n’est plus de l’art et devient en quelque sorte lettre morte à plus d’un titre lorsqu’il perd en premier lieu ce qui fait sa nature et sa valeur propre, à savoir solitude, autonomie et liberté. Bien au contraire, dans ce vaste champ expérimental de la littérature, dans ce champ de tous les possibles qui, à bien des égards, précède l’existence, en ce sens qu’il révèle ce qui est en germe dans les sociétés, le romancier doit pouvoir faire ce qui lui plaît. Il peut ainsi laisser de côté les grandes valeurs morales ou grandes idées liées à son époque. Il laisse de côté toute intention préfabriquée qui caractérise en propre l’engagement idéologique contribuant à réduire la littérature à néant, c’est-à-dire à en faire une littérature de propagande, une littérature peu coutumière de l’imprévisible, de l’aventure et du voyage que représentent les méandres de l’écritureTombant dans les stéréotypes, elle se résume en fait à délivrer des messages sociaux, politiques, culturels.

Ce que n’est pas la littérature

Il nous faut par conséquent examiner pourquoi et en quoi cette littérature engagée est lettre morte, c’est-à-direnon pas inutile et sans valeurs d’application comme le suggère l’expression juridique originelle, mais dérisoire et finalement risible par le dogmatisme et la prétention au sérieux dont elle témoigne. Le drame de la littérature n’est-il pas justement d’être devenue utile ? N’est-il pas de la mettre au service de grandes idées ou valeurs ? Ce que fait Jean-Paul Sartre selon Milan Kundera, qui lui reproche de réduire le romancier à l’écrivain engagé. Dans Qu’est-ce que la littérature ?3, Sartre précise, notamment en distinguant et en mettant à part la poésie, que la prose se sert des mots et que la poésie sert les mots. Pourtant, comme tout art, la littérature ne devrait servir aucune autre fin qu’elle-même, si l’on s’en tient à l’esthétique kantienne. On peut par conséquent considérer qu’elle peut être lettre morte du point de vue du fond comme de la forme. Encore faut-il qu’elle ait un style car, pour reprendre les termes de Céline, si les « écrivaillons » ne manquent pas, en revanche des vrais écrivains, des poètes et romanciers de talent, voire de génie se font rares. Qui sont-ils qui pourraient redonner leurs lettres de noblesse à une littérature non plus morte mais vivante, une littérature non plus artificielle mais vraie ? Quelle est-elle ?

La littérature reste lettre morte lorsqu’elle devient discours et qu’elle tombe dans le piège du dire du dire. Elle sort du récit. Elle sort du réel, ne dit plus le monde ni ne l’invente. Tel est pourtant le propre du roman selon Philippe Muray qui « parle du monde. Et l’invente. Et le combat. Et s’en moque. Et le questionne. Et le montre. Et l’interprète. Et (aujourd’hui plus que jamais), interprète un monde toujours déjà surinterprété, détruit, arraisonné, recréé de toutes pièces4 ». En devenant notamment discours social, littérature écologique ou bien porte-parole des opprimés, victimes, discriminés, immigrés, femmes, homosexuels… elle rétrécit le champ expérimental du récit, délivre des messages convenus, uniformes, à consonance sociale et politique, qu’elle dissémine un peu partout. Les relais sont tout trouvés. D’une part, les maisons d’édition rentrent dans ce grand consensus « des romans attendus » pour faire marcher l’industrie littéraire, qui devient culture de masse et divertissement. Ainsi, Philippe Muray relève-t-il cette phrase d’une sommité éditoriale à propos des inquiétudes liées à la crise de l’édition : « Si l’édition va mal […], c’est qu’on publie encore trop de livres non attendus. Phrase curieuse, reniement exemplaire du métier d’éditeur (un grand livre n’est jamais attendu, il est aussi imprévisible que ce qu’il contient), proposition témoignant d’une confiance dans des études de marché ou dans les sondages (supposés déterminer ce que le public attend), comparables à celle des hommes politiques qui confondent les électeurs et leur représentation en pourcentages d’intentions de vote […]5 ». D’autre part, les médias amplifient son discours en mettant l’écrivain, son narcissisme et ses engagements sur les devants de la scène dont son œuvre doit témoigner. L’œuvre n’est donc plus à elle-même sa propre fin. Elle est prise entre deux étaux, narcissique et social. Elle sert deux maîtres à la fois : une écriture nombriliste rejoignant paradoxalement par certains côtés le discours social.

Le faux « récit » médiatique

Ce qui intéresse aujourd’hui la littérature est cette identification actuelle à la figure de la victime pour laquelle il faut chercher un coupable, un bouc-émissaire, qu’il soit un coupable familial (le père mais jamais la mère) ou un coupable social et culturel (l’homme blanc mais jamais celui de couleur)6. L’œuvre est ainsi au service d’une fin extérieure à elle-même qui la dénature, lui fait perdre sa valeur intrinsèque, celle d’une œuvre critique, autonome et libre de toute dépendance à l’égard d’une cause extérieure qui dès lors la justifierait. Elle devient secondaire et s’efface derrière l’écrivain narcissique et son discours social que flattent les mass média. À cet égard, il faut rappeler cet extrait du discours de Kundera à Jérusalem : « Le romancier est celui qui, selon Flaubert, veut disparaître derrière son œuvre. Disparaître derrière son œuvre, cela veut dire renoncer au rôle de personnalité publique. Ce n’est pas facile aujourd’hui, où tout ce qui est tant soit peu important doit passer par la scène insupportablement éclairée des mass media, qui, contrairement à l’intention de Flaubert, font disparaître l’œuvre derrière l’image de son auteur. Dans cette situation, à laquelle personne ne peut entièrement échapper, l’observation de Flaubert m’apparaît presque comme une mise en garde : en se prêtant au rôle de personnalité publique, le romancier met en danger son œuvre, qui risque d’être considérée comme un simple appendice de ses gestes, de ses déclarations, de ses prises de position.7 » On peut dire que de nos jours, ils se font rares les écrivains, poètes, romanciers et consorts qui ne font pas allégeance à quelque grande cause humaniste propre à notre époque, quand ce n’est pas à un style moderne convenu, quasiment journalistique. Il faut en effet observer l’engouement pour les faits d’actualité dont est censé s’inspirer le romancier, qui verse parfois dans un pseudo réalisme descriptif digne de l’écriture journalistique, laquelle est le plus souvent détournement du réel et reconstruction événementielle idéologiquement orientée, c’est-à-dire propagandiste : « La propagande quasi naturelle et spontanée de l’information passe elle aussi par le récit, par une certaine forme de roman qu’il conviendrait de dégager, dont il conviendrait de voir comment elle s’en sert, à propos de n’importe quel événement […] Les médias se sont admirablement organisés de façon à n’avoir pas besoin de roman puisque c’est eux qui le font.8 » La littérature devient donc lettre morte quand elle-même se confond dans le discours médiatique, qui finalement finit par la supplanter dans l’art du récit.

1. M. Kundera, « Le rire de Dieu, dans Discours pour le prix de littérature internationale à Jérusalem en 1985 », paru dans Le Nouvel Observateur, 10 mai 1985.

2. Préface écrite en 1969 pour le livre d’Antonin Liehm, Trois générations, sur le printemps de Prague et sa répression ; ce texte marque la rupture de J.-P. Sartre avec le socialisme soviétique, après l’avoir amplement défendu et encensé. Il sera publié dans Le Monde le 10 janvier 1970.

3. J.-P.  Sartre, Qu’est-ce que la littérature ?, Paris, Gallimard, 1948.

4. P.  Muray, Désaccord parfait, Paris, Gallimard, « coll. tel », 2000, p. 25.

5. Ibid., p. 35.

6. On se reportera à ce sujet au dernier livre de Pascal Bruckner, Un coupable presque parfait (Grasset2020), et au roman de Patrice Jean, L’homme surnuméraire (Éditions rue Fromentin, 2017), sur lequel on reviendra dans notre analyse. L’un, par l’argumentation, l’autre par l’art du roman, prennent du recul face aux idéologies dites progressistes et déconstructionnistes de notre civilisation gréco-romaine et judéo-chrétienne.

7. M. Kundera, « Discours de Jérusalem », ibid.

8. Ibid., p. 25.

https://www.revue-elements.com/des-lettres-mortes-aux-lettres-vivantes-de-la-litterature-1-4/

Hommage au Colonel Jean-Marie Bastien-Thiry

 

Bastien-Thiry
Rendons un hommage tout particulier au Colonel Jean-Marie BASTIEN-THIRY, héros et martyr de la Patrie, fusillé il y a aujourd’hui 53 années, le 11 Mars 1963.

Jean-Marie BASTIEN-THIRY était Lorrain, Polytechnicien, Lieutenant-colonel dans l’Armée de l’air et l’inventeur de deux missiles antichars, les SS-10 et SS-11. Il avait 36 ans et laissait une veuve et trois petites orphelines.

Organisateur de l’opération du Petit-Clamart, le Colonel Jean-Marie BASTIEN-THIRY aura tout sacrifié, sa famille et sa vie, pour que vive la France. Il nous a laissé, en versant son sang, un message, un exemple à méditer, à admirer et à suivre.

Alors que les tireurs du Petit-Clamart seront graciés par De Gaulle, celui-ci refusera d’accorder sa grâce au Colonel BASTIEN-THIRY.

Jean-Marie BASTIEN-THIRY est l’exemple parfait du dévouement, du courage, de l’abnégation, du don de soi et du sacrifice de sa vie envers la Patrie. Il est l’honneur de l’Armée Française.

Homme de Foi, grand Catholique, il mourra comme un saint, marchant vers le peloton d’exécution son chapelet à la main, après avoir entendu la Messe. Refusant d’avoir les yeux bandés, il regardera la mort droit dans les yeux avant de pouvoir contempler ensuite la Vie Eternelle. Il sera le dernier condamné à mort à avoir été fusillé en France.

Assassiné sur ordre de celui qui aura trahi l’Algérie Française et livré des dizaines de milliers de Harkis et Pieds-noirs aux tortures les plus innommables des bouchers fellouzes du FLN, le Colonel Jean-Marie BASTIEN-THIRY demeure un Français modèle, un héroïque soldat dont le nom restera pour toujours inscrit sur le Martyrologe de notre pays.

Que Jean-Marie BASTIEN-THIRY repose en paix, aux côtés de tous les Morts pour la France, dans le Paradis des Héros, des Martyrs et des Soldats.

https://www.medias-presse.info/hommage-au-colonel-jean-marie-bastien-thiry/50819/

La nation une ressource d'avenir par Bernard Bourdin

jeudi 29 septembre 2022

Abbé Raffray et Sylvain Durain : "La Fin du Sacré ou le retour du sacrif...

Héroïnes de Dieu : l’épopée des religieuses missionnaires au XIXème siècle (Agnès Brot et Guillemette de la Borie)

 

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La légende des missionnaires, casques coloniaux et soutanes blanches, explorations lointaines et baptêmes en nombre, est souvent parvenue jusqu’à nous. Mais celle des religieuses missionnaires, qui furent sur le terrain jusqu’à dix fois plus nombreuses qu’eux, est restée plus méconnue. Et pourtant, elles ont accompli des exploits, créé des orphelinats, des écoles, des dispensaires et hôpitaux,…

C’est une aventure unique, « sans aucun équivalent dans l’histoire du monde, ni dans celle d’aucune religion« , remarque l’historien René Rémond. Et aussi une spécialité française : au milieu du siècle, point culminant des départs, plus de la moitié des religieuses missionnaires dans le monde étaient originaires de France. Elles ont entrepris les plus périlleux voyages, abordé aux contrées les plus inhospitalières, pour y montrer aux yeux étonnés des indigènes toutes les merveilles de la charité chrétienne et les évangéliser.

Cet ouvrage qui leur est consacré n’est pas un travail de chercheurs; il s’appuie sur les trésors des lettres, journaux, souvenirs conservés dans les archives des congrégations missionnaires, sur les récits publiés dans les bulletins catholiques de l’époque. Nous suivons huit de ces religieuses missionnaires sur les océans, les fleuves, les chemins de brousse ou de jungle.

Héroïnes de Dieu, Agnès Brot et Guillemette de la Borie, éditions Artège, collection poche, 316 pages, 9,50 euros

https://www.medias-presse.info/heroines-de-dieu-lepopee-des-religieuses-missionnaires-au-xixeme-siecle-agnes-brot-et-guillemette-de-la-borie/50939/

La Babylonie, province impériale de l’Empire perse, avec Philippe Clanci...

mercredi 28 septembre 2022

L'objectif de la guerre en Ukraine, selon le journal RAND: affaiblir l'Allemagne pour renforcer les Etats-Unis

 

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Alfredo Jalife Rahme

Source: https://noticiasholisticas.com.ar/guerra-en-ucrania-debilitar-a-alemania-para-fortalecer-a-eeuu-segun-documento-de-rand-por-alfredo-jalife-rahme/

La défaite du "centre-gauche" en Suède et la montée de son centre-droit ont amené la démission du premier ministre Andersson, une vulgaire soubrette de l'OTAN. La tendance des élections en Europe est au populisme, selon le livre National Populism : the rebellion against liberal democracy, oeuvre de deux universitaires britanniques, Roger Eatwell et Matthew Goodwin (https://amzn.to/3dyGw5h). Dans ce contexte, le portail scandinave New Dagbladet expose un "document choquant": "Comment les États-Unis ont planifié la guerre et la crise énergétique en Europe (https://bit.ly/3xzEM2H)", selon un prétendu "document confidentiel" divulgué par l'influent groupe de réflexion militariste, auteur régulier de scénarios de guerre, Rand : "Affaiblir l'Allemagne, renforcer les États-Unis" (25/1/22), un mois avant l'opération militaire spéciale de la Russie (Poutine dixit) en Ukraine.

Rand affirme que "l'état actuel de l'économie américaine ne suggère pas qu'elle puisse fonctionner sans le soutien financier et matériel de sources extérieures (https://bit.ly/3qRXZIX)". Elle juge qu'"il y a un besoin urgent de ressources à injecter dans l'économie nationale (américaine), en particulier à partir du système bancaire" et que "seuls les pays européens liés par des engagements envers l'OTAN et envers l'Union européenne (UE) seront en mesure de les fournir", alors que "leur plus grand obstacle est l'indépendance croissante de l'Allemagne" : "on peut s'attendre à un flux croissant de ressources de l'Europe vers les États-Unis, si l'Allemagne commence à connaître une crise économique contrôlée", de sorte que "couper l'approvisionnement en énergie bon marché de la Russie pourrait bien créer une crise systémique qui serait dévastatrice pour l'économie allemande et indirectement pour l'ensemble de l'UE".

Selon Rand, "la condition préalable pour que l'Allemagne succombe à ce piège est le rôle croissant des partis verts et de leur idéologie en Europe", qui sont susceptibles "d'ignorer les arguments économiques" en raison de leur dogmatisme congénital (https://bit.ly/3dBRR4y). Il souligne le "manque de professionnalisme de leurs chefs fanatiques Annalena Baerbock et Robert Habeck", alors que la "réduction des approvisionnements énergétiques russes conduirait à un épilogue désastreux pour l'industrie allemande" avec "des pertes estimées à 300 milliards d'euros, qui feraient s'effondrer toute l'économie de l'UE", avec l'effondrement de l'euro, dont les Etats-Unis bénéficieraient avec une "réorientation logistique des flux allant jusqu'à 9000 milliards de dollars".

Neuf mois après le "document confidentiel" de Rand, la plupart de ses prévisions se vérifient à la lettre.

Le New Dagbladet résume la "crise énergétique en Europe qui a été planifiée par les États-Unis" et souligne que le document "reconnaît que la politique étrangère agressive en Ukraine fera pression sur la Russie pour qu'elle intervienne militairement", car "il a l'intention d'introduire un paquet de sanctions préparé de longue date". Parallèlement au flux redirigé de 9000 milliards de dollars de capitaux vers les États-Unis, "les jeunes Européens hautement qualifiés seront contraints d'émigrer". Où aller? Aux États-Unis? Qui implosent entre démocrates et trumpiens ?

Le New Dagbladet résume la pensée stratégique de Rand, dont "l'objectif principal est de diviser l'Europe - en particulier l'Allemagne et la Russie - et de détruire l'économie européenne en amenant les idiots utiles politiques (sic) à arrêter les approvisionnements énergétiques russes sur le continent". Actualisation de l'axiome de Mackinder de 1904 !

Ni Rand ni le New Dagbladet ne commentent le fait que l'UE sera obligée d'acheter du gaz liquéfié (GNL) aux États-Unis, issu de la fracturation du schiste, qui est 40 % plus cher que le gaz naturel russe fourni jusqu'il y a peu de temps par des contrats à long terme. Quant au cours du GNL sur les marchés européens d'Allemagne/Pays-Bas/Grande-Bretagne/Autriche, le cours de ses actions a augmenté jusqu'à 1000 %, selon William Engdahl, politologue allemand de l'université de Princeton, qui déplore le "suicide allemand et européen" (https://bit.ly/3xGqxsN)".

On peut maintenant comprendre pourquoi l'Iran et la Chine affirment que les États-Unis sont les grands gagnants de la guerre en Ukraine.

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CEDH: La Face cachée

 

CEDH: La Face cachée

Cet article est une tribune libre, non rédigée par la rédaction du Salon beige. Si vous souhaitez, vous aussi, publier une tribune libre, vous pouvez le faire en cliquant sur « Proposer un article » en haut de la page.

Nous ne sommes plus maîtres chez nous ! La condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme, pour « ne pas avoir rapatrié des filles et petits enfants détenus dans des camps en Syrie » car « nul ne peut être privé du droit d’entrer sur le territoire dont il est ressortissant » pose deux affirmations, d’abord celle de notre souveraineté perdue par une soumission à des règles contraires à l’intérêt de nos compatriotes, ensuite par rapport au retour de ces femmes djihadistes, fanatiques et barbares, traîtres à la France, qui en rejoignant l’ennemi ont renié et lutté contre notre pays.

En jetant leurs passeports lors de leur migration djihadiste, certaines d’entre-elles, se sont positionnées en combattantes et contre le pays dans lequel elles souhaitent l’accueil ou le retour aujourd’hui. Refusons de leur trouver des excuses en mettant en doute leur faculté de discernement par l’embrigadement fanatique islamique. Elles doivent assumer leur choix de renier la France… Quant à leur progéniture, surtout ne les confions pas aux grands parents qui par le départ de leurs enfants en Syrie, prouvent concrètement leur incapacité à éduquer dans l’amour de nos valeurs, de la France et des Français.

Sortons de ces tribunaux internationaux qui nous contraignent contre l’intérêt de nos compatriotes (et nous coûtent cher surtout en période de crise). Être maître chez soi, souverain en son pays ne saurait souffrir aucune exception. La justice française ne connaît pas l’arbitraire, même si les haineux de la France veulent nous le faire croire. Attaquer la police ou la justice y compris verbalement, en mettant en doute leurs intégrités respectives, mériterait une action en justice contre ces tenants de l’islamo-collaborationnisme, fanatiques, intolérants et sectaires.

Les sanctions encourues devraient prononcer une peine d’inéligibilité en plus d’une contrainte de privation de liberté. En aucun cas il ne s’agit de privation du droit d’expression, mais du respect de ceux qui parfois risquent leur vie pour assurer la sécurité des Français. En ce qui concerne les élus, il ne saurait être question de leur conserver une quelconque immunité prenant l’apparence d’une impunité pour privilégiés. Dans ce cas particulier, procéder à de nouvelles élections pour représenter nos compatriotes ne saurait nuire à la démocratie.
Le bon sens le plus élémentaire pose simplement une question : quel est l’intérêt général ? Certainement pas de rapatrier les femmes volontaires pour rejoindre l’Etat islamique dont les barbares criminels ont commis des attentats hyper meurtriers sur notre sol, en particulier à Paris et à Nice… Femmes qui ont enfantées délibérément afin de grossir une population de fanatiques meurtriers et haineux.
La raison d’Etat, dans ce cas particulier, d’un fait se déroulant à l’étranger, ne saurait faire l’objet d’un recours devant une juridiction internationale même si les tribunaux français sont incompétents pour traiter des choix politiques ou intéressant la sécurité de la France. Le gouvernement des juges étrangers et leur ingérence dans les choix souverains de la France ne sauraient être tolérés.

Sortons des contraintes extérieures illégitimes en ne reconnaissant plus les tribunaux internationaux et leurs décisions iniques. Comment admettre que l’on nous impose une vision politique et militante inappropriée des droits de l’Homme alors que nous sommes à l’origine du concept ? Nous n’avons pas de leçon à recevoir de ces organismes… que nous finançons pour nous sanctionner ! La justice Française possède notre entière confiance pour son domaine de compétence. Notre souveraineté ne peut être bafouée plus longtemps.

Charles-Emmanuel de Bourbon-Parme

https://www.lesalonbeige.fr/cedh-la-face-cachee/

Marie-Antoinette et le complot maçonnique (Louis Dasté)

 

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Louis Dasté est l’auteur de plusieurs ouvrages dénonçant l’action des sociétés secrètes.

Lors de l’avènement de Louis XVI et de Marie-Antoinette, le peuple de France idolâtrait ses jeunes souverains. La Reine surtout avait touché son cœur.

Vingt ans après, ce n’est plus d’amour mais de haine que la France est enivrée. Ce livre démontre que les auteurs de ce renversement se trouvent dans les forces occultes.

Au commencement du XVIIIème siècle, la France était encore attachée avec ferveur à ses traditions religieuses et politiques. A la fin du même siècle, elle rompt – ou plutôt une influence cachée la fait rompre – avec toutes ses traditions à la fois. Quelle est cette influence ? Toujours celle de la Maçonnerie. Or, dès 1791, un admirable prêtre, l’abbé Le Franc, osa l’écrire. Un an plus tard, le 2 septembre 1792, à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, il paya de son sang le courage d’avoir dénoncé la Maçonnerie comme la mère de la Révolution, alors déjà toute souillée de crimes.

La franc-maçonnerie était, dès le commencement, l’ennemie mortelle de la Foi chrétienne, de l’ordre chrétien, de la civilisation chrétienne toute entière.

A partir du milieu du XVIIIème siècle, dans la plupart des villes françaises s’ouvrirent des Sociétés dites de Lecture. Ainsi que les sociétés actuelles de Libre-Pensée, elles étaient conduites par des francs-maçons. Ces Sociétés de Lecture, comme leur nom l’indique, avaient pour but de faire lire aux Français qu’on y enrôlait toute une gamme de livres et brochures imprégnés de venin maçonnique et savamment gradués, depuis le respect hypocrite des traditions françaises jusqu’à la haine la plus atroce contre ces mêmes traditions. Ces Sociétés de Lecture, conjointement avec les Loges, changèrent des catholiques tièdes en incroyants et des incroyants en fanatiques antichrétiens.

Marie-Antoinette, fille des Césars catholiques d’Autriche et femme du Roi Très-Chrétien de France, devint une cible des mensonges et calomnies propagées par les sociétés secrètes.

Le 17 août 1790, la Reine Marie-Antoinette écrivait à son frère le Roi Léopold II : « Prenez bien garde à toute association de Francs-Maçons !… C’est par cette voie que tous les monstres d’ici comptent d’arriver dans tous les pays au même but…« 

Marie-Antoinette et le complot maçonnique, Louis Dasté, éditions Omnia Veritas, 335 pages, 23 euros

A commander en ligne sur le site de l’éditeur

https://www.medias-presse.info/marie-antoinette-et-le-complot-maconnique-louis-daste/51021/

mardi 27 septembre 2022

Passé-Présent n°331 - Taïwan/Afrique : l'impérialisme chinois en marche

 Philippe Conrad conduit un entretien avec Antoine de Lacoste à propos des points de tension actuels dans le monde. Après le conflit russo-ukrainien, l'historien et le géopoliticien abordent les enjeux autour de Taïwan, entre la montée en puissance d'une Chine parvenue au 2ème rang de l'économie mondiale et les Etats-Unis résolus à mettre un frein notamment à l'expansion maritime de leur principal rival. Là comme ailleurs, incapables de comprendre que le modèle de la démocratie occidentale ne s'exporte pas, les étatsuniens se heurtent aux conséquences qui en découlent. Les échanges s'orientent ensuite vers le continent africain qui vit un important basculement géopolitique, les Chinois devenant le 1er partenaire commercial d'un grand nombre de pays, au détriment d'une France désormais en retrait et de la quasi absence des Etats-Unis.


https://tvl.fr/passe-present-n0331-taiwan-afrique-l-imperialisme-chinois-en-marche

Histoire générale de la chouannerie (Anne Bernet)

 

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Anne Bernet, historienne et critique littéraire, est l’auteur de nombreux ouvrages de grande qualité.

Il y a beaucoup d’ouvrages généraux sur la guerre de Vendée, parce que celle-ci présente une certaine unité et connaît une durée relativement courte et précise : elle commence en mars 1793 et s’achève en mars 1796 avec l’exécution de Charrette. En revanche, la chouannerie est une mosaïque d’insurrections peu coordonnées, discontinues dans le temps et dans l’espace. Ce livre comble une lacune : rassembler en un seul volume l’histoire des chouanneries mainiotte, bretonne et normande, du début à la fin.

Les chouanneries, faute de se rebeller ensemble et en même temps, faute donc de pouvoir constituer, comme la Vendée militaire, une armée catholique et royale, se livrèrent à une guerre de coups de main, de buissons, une guerre de chemins creux et d’embuscades nocturnes, avec la complicité d’une population qui, si elle n’avait pas massivement pris les armes, n’en sympathisait pas moins avec les rebelles. Les chouans ne pouvaient pas être vaincus par les méthodes habituelles, dans de grands affrontements décisifs.

L’insurrection qui, après avoir couvé près de deux ans, éclata à l’été 1792, embrasant le Maine, la Bretagne et la Basse-Normandie, ne prit fin qu’en 1804, avec l’exécution de Cadoudal pour se réveiller pendant les Cent-Jours. Ainsi pendant douze ans, dix départements de l’Ouest menèrent contre la République, puis contre le Consulat, une guérilla obstinée.

Il existait une masse de documents républicains hostiles et souvent mensongers, sans compter les idées reçues bicentenaires, fruits d’une propagande magistralement menée par la police de Fouché, et qui ont fait du mot chouan un synonyme de terroriste, de brigand.

Ce livre réhabilite les chouanneries et raconte avec beaucoup de talent cette épopée faite de héros paysans. Ils se sont battus pour l’honneur et la grandeur de Dieu. Sans eux, sans leur sainte colère et leurs fusils, il n’y aurait peut-être plus jamais eu place en France pour la foi catholique. Sans les chouans dressés devant lui, Bonaparte n’aurait sans doute pas négocié le concordat.

Histoire générale de la chouannerie, Anne Bernet, éditions Perrin, 688 pages, 27 euros

Achat en ligne sur le site de l’éditeur

https://www.medias-presse.info/histoire-generale-de-la-chouannerie-anne-bernet/51106/

La VÉRITÉ sur GIORGIA MELONI 👩🏼, la nouvelle première ministre italienne 🇮🇹

lundi 26 septembre 2022

« 1984 » d'Orwell et la schizophrénie

 

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Lorsque pour la première fois j'ai lu 1984 de George Orwell, j'ai été frappé par une saisissante ressemblance entre le monde de 1984 et celui de la schizophrénie. J'ai d'abord pensé que cette ressemblance devait être involon­taire, étant donné que je ne pensais pas qu'Orwell connût la schizophrénie soit par expériences personnelles soit par des lectures. Mais, quand plus tard je lus sa biographie par Bernard Chrick, j'appris qu'Orwell lui-même avait eu cons­cience de cette ressemblance, puisqu'il écrivit dans un de ses essais daté de 1946 intitulé The Prevention of Litera­ture (Les préventions contre la littérature) :

« Une société totalitaire qui est arrivée à se perpétuer instaurerait proba­blement un système de pensée schizophrénique, dans lequel les lois du sens commun seraient valables dans la vie de tous les jours et dans certaines sciences exactes, mais pour­raient être négligées par le politicien, l'historien et le socio­logue. Il y a déjà d'innombrables personnes qui penseraient qu'il est scandaleux de falsifier un manuel scientifique, mais qui ne verraient aucun inconvénient à la falsification d'un événement historique. C'est à l'endroit où littérature et poli­tique se croisent que le totalitarisme exerce sa plus grande pression sur l'intellectuel ».

Il existe 2 autres références à la schizophrénie dans d'autres essais de 1946, l'une dans In Front of Your Nose (Devant votre nez), l'autre dans Politics and the English Language (La politique et la langue anglaise). Donnant en exemple le fait de soutenir 2 idées contradictoires en même temps, il déclare dans le premier essai : « En termes de médecine, je crois, cette manière de penser est appelée schizophrénie ; dans tous les cas, c'est le pouvoir de tenir simultanément à 2 croyances qui s'annulent mutuelle­ment ». Dans le second, il affirme : « Tout résultat est résul­tat politique, et la politique elle-même est une accumula­tion de mensonges, de faux-fuyants, de folie, de haine et de schizophrénie ». J'ignore où Orwell a pris l'idée d'associer la schizophrénie au monde contemporain. Peut-être l'idée était-elle dans l'air depuis quelque temps, car déjà en 1925 Karl Jaspers avait exprimé une opinion du même ordre dans son traité sur Strindberg et Van Gogh. Il est cependant peu probable qu'Orwell se familiarisa avec les méandres de la psychologie schizophrénique en lisant des livres spécialisés sur le sujet. Alors la saisissante ressemblance entre le monde de 1984 et la schizophrénie est pour le moins très éton­nante. Je vais la décrire en détail en considérant ses impli­cations ultérieures.

La première similitude est que,  dans l'univers de 1984, fout le monde est observé nuit et jour par des écrans et des microphones dissimulés. Ainsi même les pensées intimes de chacun ne peuvent passer inaperçues. À savoir que dans ce monde prévaut une complète perte d'intimité, ce qui est exactement ce dont font l'expérience les schizophrènes, lors­qu'ils sentent que leur esprit est lu et vu contre leur gré. Être contrôlé par une instance secrète constitue une manie typi­quement schizophrénique.

La deuxième similitude est ce qu'Orwell appelle le « pen­ser double » (double think). Cela est défini comme suit :

« Savoir et ne pas savoir, avoir conscience de sa propre bonne foi tout en énonçant des mensonges soigneusement construits, avoir simultanément 2 opinions qui s'annulent mutuellement, les savoir contradictoires et croire en tous les 2 à la fois ; utiliser la logique contre la logique, renier la moralité tout en la réclamant, croire que la démo­cratie était impossible et que le parti était le gardien de la démocratie ; oublier tout ce qu'il était nécessaire d'oublier, puis le faire revenir en mémoire au moment voulu, et ensuite l'oublier promptement de nouveau ; et, par-dessus tout, appliquer la même méthode à la méthode elle-même. C'était la, subtilité finale ; provoquer l'inconscience consciemment, et ensuite, une fois de plus, devenir inconscient de l'acte d'hypnose que vous avez à peine accompli. Même compren­dre le mot “penser double” impliquait l'usage du “penser double” ».

Je pense qu'il est clair que le penser double correspond à ce qu'on appelle techniquement la double orientation ou la double comptabilité dans les cas de schizophrénie.

La troisième similitude est l'appauvrissement de la vie émotionnelle, spécialement la dissolution de la sensibilité délicate dans le monde de 1984. Il est dit qu'« il y avait de la peur, de la haine et de la douleur mais pas de dignité d'émotion, mais pas de chagrins profonds ou complexes ». « Camarades », oui, mais « amis », non. Même l'amour parents-enfants ou le plaisir sexuel sont découragés. Vers la fin de 1984, l'état d'esprit de Winston Smith après qu'il a été soigné de sa « pensée criminelle » est décrit ainsi : « Quelque chose avait été tué dans votre poitrine : brûlé, cautérisé ». Cela ressemble, de façon frappante, à la fin de l'état de schizophrénie.

La quatrième similitude est la transformation du senti­ment du temps, car dans le monde de 1984 « le passé était mort, le futur inimaginable ». Ce qui existe, c'est un présent infini, comme le Parti qui contrôle le présent, le passé et le futur : « Rien n'est arrivé que vous n'ayez pas prévu ». Ainsi, quand Winston Smith a été pris pour son crime de pensée, il s'est entendu dire : « Vous savez cela, Winston. Ne vous abusez pas vous-même. Vous le saviez — vous l'avez tou­jours su ». Étant donné qu'il n'y a pas de sens d'un futur inconnu, il ne peut y avoir d'angoisse non plus, dans le vrai sens du mot. Terreur, oui, mais angoisse, non. Le senti­ment de la nostalgie envers le passé est également interdit. N'est-ce donc pas semblable à l'expérience des schizophrè­nes ? Leur monde aussi est prédéterminé et ils ne peuvent rien y faire.

Je compterai comme cinquième similitude la destruction des mots, mais je ne me répandrai pas en détails. Je pense que la ressemblance entre le monde de 1984 et la schizo­phrénie, tout bien considéré, est extrêmement révélatrice et éclairante, car Orwell ne pourrait pas avoir écrit 1984 un manuel de psychiatrie à la main. En d'autres termes, cela met l'accent sur la réelle identité entre les 2, produit du Zeitgeist, dû à des facteurs historiques et socioculturels. Donc je mentionnerai comme trait le plus frappant du Zeit­geist actuel, qui s'origine dans le XIXe siècle et coïncide avec l'apparition de la schizophrénie dans la littérature aussi bien technique que littéraire, le refus de l'inconnu et du fortuit, c'est-à-dire l'esprit du déterminisme qui équivaut à un refus plus radical de la liberté humaine. Je pense que c'est cela qui mène d'un côté à la technocratie et au totalitarisme, et de l'autre à la schizophrénie, quoique cette complexe causa­lité ne puisse guère être établie. Si mon hypothèse est accep­tée, j'exhorterai dans l'intérêt à la fois de la liberté humaine et du traitement de la schizophrénie au courage d'admettre notre plus profonde ignorance par rapport à la réalité. Cela ne sert à rien de mener des recherches pour savoir ce qui rend malade les schizophrènes, ce qui par ailleurs est assez ironique, étant donné qu'ils sont convaincus de “le” savoir. Plutôt les affronter simplement avec notre manque de com­préhension, et pouvoir éventuellement leur faire convenir que, peut-être, eux non plus, ils ne savent pas ce qui leur arrive.

Takeo Doi, in : La sexualité : D'où vient l'Orient ? Où va l'Occident ?, (dir. A. Verdiglione), Belfond, 1984.

http://www.archiveseroe.eu/lettres-c18386849/38

La Russie face à l'Europe, géopolitique et panslavisme (Nicolas Danilevski)

La Guerre par ceux qui la font : réflexion stratégique sous la direction du général Benoît Durieux)

 

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Cet ouvrage collectif rassemble des contributions rédigées par des officiers du Centre des hautes études militaires avec pour objectif de stimuler le débat des idées sur les questions de défense. Il combine leur expérience d’officier supérieur de haut niveau, leur réflexion personnelle et des échanges qu’ils ont eu avec des personnalités de premier plan.

Les auteurs de cet ouvrage tentent de saisir toutes les implications de l’évolution du phénomène de la guerre. Si, au regard de l’Histoire, il y a lieu de constater la diminution du nombre et de l’ampleur des conflits classiques entre Etats, l’évidence est pourtant celle de la déstabilisation de nombreuses régions gagnées par la violence. Aujourd’hui, la guerre porte la trace de la mondialisation et oppose des communautés aux références culturelles fort éloignées, un facteur de montée aux extrêmes encore plus puissant lorsqu’il intègre des oppositions religieuses. D’autre part, les possibilités offertes par la technologie, avec des moyens de plus en plus sophistiqués de frappe à distance, ont modifié la façon de faire la guerre. La montée en puissance des modes d’action de type terroriste est un autre facteur qui bouleverse la vision de la guerre.

Au regard de cet environnement instable, dans lequel nos repères deviennent moins nets, le discours stratégique prend une importance accrue. Le général Werner Albi illustre notamment toute la pertinence de la stratégie classique, et en particulier des théories de Carl von Clausewitz pour penser les nouveaux conflits.

La Guerre par ceux qui la font, ouvrage collectif sous la direction du général Benoît Durieux, éditions du Rocher, 366 pages, 22 euros

A commander en ligne via le site de l’éditeur

https://www.medias-presse.info/la-guerre-par-ceux-qui-la-font-reflexion-strategique-sous-la-direction-du-general-benoit-durieux/51178/

dimanche 25 septembre 2022

L'activisme écologiste et utopique comme adversaire de la civilisation européenne

 

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L'environnementalisme agit comme un adversaire révolutionnaire de la civilisation européenne

Source: https://www.tradicionviva.es/2022/09/03/el-activismo-ecologista-utopico-como-adversario-de-la-civilizacion-europea/

Dans Die Welt, la philosophe Bérénice Levet accuse le militantisme environnemental, qui repose sur des idéologies utopiques, d'agir comme un adversaire révolutionnaire de la civilisation européenne. Cet activisme doit être opposé à l'idée traditionnelle de la protection de l'environnement, qui recherche "la stabilité, la durée et la continuité". Une "écologie cohérente et consistante" préserve la nature "sans sacrifier les hommes" et, surtout, préserve leur culture.

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Les militants écologistes utopiques ont agi dans le contexte d'un mouvement plus large, celui de la gauche radicale, partageant sa position révolutionnaire et son désir ardent de "déconstruction". Pour eux, la protection de l'environnement n'est qu'un "alibi" et, en fait, ils veulent détruire la culture européenne. Ils se caractérisent par un "dégoût pour le mode de vie français" et rejettent également la civilisation européenne "dans laquelle ils ne voient que domination et surexploitation" et une "immense entreprise de production de victimes". De plus, ils "se moquent de la loyauté et de la solidarité des peuples avec leurs coutumes, leurs traditions et leurs paysages".

Le "nihilisme absolu" s'exprime dans des cas récents, où l'on a vu des activistes endommageant des œuvres d'art. On ne peut pas "prétendre se soucier de la nature et en même temps piétiner l'héritage des siècles". Par ce comportement, les militants soulignent leur refus de la "responsabilité de la civilisation historiquement constituée".

Ces militants partageaient également la vision de la gauche radicale, celle d'incarner les "bâtisseurs d'une nouvelle humanité" qui pouvait être créée par les "mesures de coercition les plus fortes". Pour elle, les gens ne sont "que du matériel" qui "doit être moulé" au sens de l'idéologie. La personne à laquelle ils aspirent "n'est liée à aucune communauté historiquement constituée". Cela devrait passer, par exemple, par une refonte du système éducatif, qui devrait se passer de "l'enseignement du savoir, du passé et des grandes œuvres de l'esprit" et former à la place d'autres militants qui s'opposent à la civilisation européenne en raison de "l'oppression des femmes, des minorités sexuelles et ethniques". Pour les militants écologistes utopistes, l'homme "n'a pas d'âme", mais seulement une identité de victime. Leur vision du monde est donc "juste une branche du wokisme".

Ils voulaient effacer les positions opposées par la "culture de l'annulation" (cancel culture). Ils ont de plus en plus de succès. En France, il existe désormais "une peur énorme d'être étiqueté comme un champion de l'identité française", et les élites politiques du pays, confrontées aux intimidations des militants, refusent également de "reconnaître la légitimité de ce que la philosophe Simone Weil appelle le besoin fondamental de l'âme humaine: l'attachement à un mode de vie familier". Avec leurs "exigences idéologiques et moralisatrices", ils ont également "détourné les hommes politiques des décisions rationnelles, par exemple sur la question de l'utilisation de l'énergie nucléaire".

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Le philosophe Bertrand de Jouvenel a parlé d'un "pacte millénaire" que "l'homme occidental a conclu avec la terre". Cela doit être renouvelé. La condition préalable à cela est que les citoyens européens développent une "conscience claire de la fragilité, de la vulnérabilité et de la beauté de ce qui nous est confié" (1).

Levet a approfondi sa critique de l'activisme environnemental utopique dans son ouvrage L'écologie ou l'ivresse de la table rase. Nous traiterons, dans la brève suite de cet article, des tendances de la gauche radicale dans le mouvement environnemental en Allemagne.

Nous présentons ici en détail les impulsions conservatrices traditionnelles en matière d'écologie et de questions environnementales.

Les questions d'écologie et de durabilité sont d'une importance fondamentale pour l'existence à long terme d'une communauté. En utilisant l'exemple d'un certain nombre de cultures disparues, le géographe Jared Diamond a montré que la surexploitation des ressources ou un changement rapide des conditions environnementales dépassant la capacité d'adaptation de ces cultures était un facteur décisif de leur effondrement. Ces questions jouent un rôle de plus en plus important dans le débat public des sociétés occidentales. Cette situation est sous-tendue par une prise de conscience croissante du fait que ces sociétés vivent de plus en plus de leur substance, consommant des matériaux et d'autres ressources qu'elles ne peuvent plus entretenir et renouveler dans une mesure suffisante.

La vision traditionnelle du monde européen perçoit les gens comme porteurs d'un héritage à transmettre intact aux générations futures et est orientée vers la durabilité. Elle considère également les gens comme les gardiens et les conservateurs des fondements naturels et culturels de la vie communautaire. Cette vision du monde repose donc sur une compréhension holistique de l'écologie, qui vise la protection globale de tous les fondements de la vie des individus et des communautés, y compris les fondements spirituels et culturels de la vie. Cette vision du monde peut contribuer de manière décisive à surmonter les défis existentiels auxquels ne sont pas seulement confrontées les sociétés occidentales.

Du point de vue de l'enseignement social chrétien, Joseph Ratzinger (Benoît XVI) a accueilli en principe le débat sur l'écologie parce que toute recherche quant à la durabilité ou la résilience d'une communauté et la gestion attentive des biens matériels, intellectuels et culturels sur lesquels elle repose sont une partie fondamentale de la recherche du bien commun, que l'enseignement social chrétien considère comme la tâche centrale de l'action politique (2).

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Selon Peter Hersche (photo), il y a depuis longtemps un manque d'acteurs politico-idéologiques en Allemagne qui se rattachent à la tradition chrétienne-conservatrice de la pensée écologique. Ce mode de pensée est issu de cette tradition, depuis longtemps reléguée au second plan, qui a reconnu, il y a environ 200 ans, les défis écologiques qui deviennent particulièrement évidents aujourd'hui (3).

Dans ce contexte, Roger Scruton a trouvé choquant que les partis conservateurs en particulier "n'aient pas reconnu la cause de la protection de l'environnement [...] comme étant la leur. Empoisonné par la montée de la pensée économique chez les politiciens modernes, car ils considèrent que "former des alliances avec des personnes qui pensent que les efforts pour préserver les choses sont futiles et dépassés" (4).

Cet article a été initialement publié en allemand sur https://renovatio.org/.

Notes:

    (1) Ute Cohen : "'C'est du nihilisme'", Die Welt , 26 août 2022, p. 14.

    (2) Joseph Ratzinger (Benoît XVI) : Le sel de la terre. Le christianisme et l'Église catholique au XXIe siècle, Munich 1996, p. 40.

    (3) Peter Hersche : " Le long chemin vers 'Laudato si' ", Herder-Korrespondenz , n° 2/2016, p. 35-38, ici : p. 38.

    (4) Roger Scruton : L'idée d'être conservateur. Un guide pour le présent et l'avenir, Munich 2019, p. 153.

La guerre totale est-elle évitable? avec Erwan Castel | Brochu en direct

samedi 24 septembre 2022

Général Giraud, « Le libérateur oublié », par son petit-fils l’amiral Giraud – Vidéo

 Giraud

Larges extraits d’une conférence donnée par l’amiral Giraud, petit-fils du Général, au Cercle Algérianiste de Narbonne le dimanche 12 mars 2016, pour rappeler le rôle central que son grand-père a tenu pour la libération de la France durant la guerre de 1939 à 1945.
Auparavant l’amiral explique les exploits de son grand-père durant la première guerre mondiale, ses blessures, son évasion. Évasion qu’il réitèrera deux fois, de façon héroïque et avec de nombreuses complicités durant la Seconde guerre mondiale, avant d’arriver en Algérie où il rassemblera les troupes françaises. A la tête de ces troupes il libérera la Tunisie, puis la Corse et tracera un plan d’attaque contre l’Allemagne à travers l’Italie en remontant sur Berlin. Plan adopté dans un premier temps. C’est alors que se situe la querelle stratégique Giraud-de Gaulle, tous les deux à la tête de la Résistance. De Gaulle finira par éliminer Giraud du gouvernement provisoire avant de supprimer le haut-commandement français qui reviendra alors aux Américains. Le général Giraud sera alors mis à l’écart de toutes actions politiques et stratégiques. Plus tard il survivra à une tentative d’assassinat, qui le laissera très gravement blessé….

La querelle Giraud-de Gaulle marque un tournant dans la politique française dont l’influence s’étend jusqu’à nos jours.

Il semble que l’oubli du général Giraud après-guerre ait été délibérément organisé…. Pas une rue ne porte son nom en France. En Corse une avenue avait été spontanément baptisée à son nom, mais quelques mois plus tard elle a été débaptisée. (Source)

Le général Henri Giraud, 1879-1949, a été promu général d’armée en 1936, ses actions durant la Première guerre mondiale puis sur différents autres théâtres d’opérations lui ont valu une grande aura auprès de la population française. Durant la guerre de 39-45, prisonnier au cœur de l’Allemagne, il s’échappe, ce qui contrarie tout particulièrement les autorités allemandes qui mettront sa tête à prix. La grande autorité dont il jouissait lui conférait une grande influence. Son action était redoutée du commandement allemand, surtout lorsqu’il réussit à gagner l’Afrique du Nord, qui alors faisait partie de la France libre.

Le putsch du 8 novembre 1942.

400 résistants Français occupèrent, dans la nuit du 7 au 8 novembre, les points stratégiques d’Alger, et arrêtèrent les plus hauts dirigeants civils et militaires vichystes, tels que le général Juin et l’amiral Darlan. L’un de ces résistants lança de Radio-Alger un appel au nom du général Giraud incitant à la rentrée en guerre et se terminant par la phrase «Un seul but la Victoire». Celle-ci devint la devise de Giraud jusqu’à la Libération, et servit de titre à ses Mémoires.

À la suite de quoi, les régiments vichystes perdirent leur temps à reconquérir Alger contre les résistants Français, au lieu d’attaquer les forces de débarquement alliées sur les plages. Ainsi ces dernières purent-elles débarquer paisiblement, encercler Alger presque sans opposition, et obtenir la reddition de la garnison vichyste à 17h30, le même jour. (Source)

Dans un premier temps les deux généraux de deux Résistances que tout opposaient (de Gaulle et Giroud), furent coprésidents du Comité français de Libération nationale (CFLN), qui était en fait le gouvernement provisoire de la France libre, mais les deux hommes s’opposeront sur la stratégie à adopter pour la libération de la métropole…
 
En préface de son livre intitulé: « un seul but la victoire », est publié une recommandation du général à sa famille:
« Pour éviter toute polémique nuisible à la France, j’ai décidé que ceci ne paraîtrait qu’après ma mort.
Je me réserve cependant le droit de publier ces souvenirs, dans le cas où des attaques touchant mon honneur et celui de mes enfants se renouvelleraient comme en 1944.
Ma femme et mes enfants ont le devoir de publier, immédiatement après ma mort, ces pages, qui sont l’expression de la stricte vérité. »
H. Giraud
C’est, semble-t-il, cette tache que son petit-fils, l’amiral Hervé Giroud, poursuit à travers cette conférence:
E.D.
 

emiliedefresne@medias-presse.info

https://www.medias-presse.info/general-giraud-le-liberateur-oublie-par-son-petit-fils-lamiral-giraud-video/51233/

vendredi 23 septembre 2022

La Fronde, un précédent plein de représentations

 

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Par Gastón Pardo

(Mexique)

Nous sommes habitués, depuis l'école, à considérer la Fronde comme un épisode romanesque et même galant en raison des belles dames qui, selon plusieurs auteurs, ont participé à son éclosion. Mais la Fronde est vraiment l'effervescence révolutionnaire par excellence du 17ème siècle. Il est bien connu que ce siècle a connu la grandeur parce qu'il a traversé des événements désordonnés. 

Nous retrouvons dans la Fronde les éléments ordinaires qui se sont reproduits depuis l'époque de Louis XII jusqu'à nos jours, tous les agents du chaos qui ont fait que les élites sociales et financières ont perdu prise sur les choses et qui ont rendu invisible la possibilité pour les sociétés modernes d'avoir une avant-garde historique.

Le poids et la fatigue dus à la guerre de Trente Ans sont entrés dans la Fronde par une porte. Richelieu avait trop demandé à la nation et tout ce qui avait été retenu par sa main de fer a été libéré sous Mazarin. Une alliance s'est formée entre les grands, qui avaient été contraints à la discipline nationale, et les bourgeois qui avaient souffert dans leurs intérêts financiers. En outre, le jansénisme, qui a eu la gloire d'être une réforme sans schisme et qui est donc appelé la Fronde religieuse, a rejoint la diversité des acteurs impliqués.

Les libelles contre Mazarin et les polémiques avec les Jésuites abondent. Un admirateur de la Fronde l'a appelée "la guerre des honnêtes gens contre les vauriens". Si elle s'était "bien passée", elle aurait sans doute été reconnue comme ayant les caractéristiques intellectuelles et morales d'une véritable révolution.

Lorsque des troubles éclatent au début de l'année 1648, année du traité de Westphalie, le gouvernement est en conflit avec le parlement, qui déclare illégaux les nouveaux impôts. Mais la raison profonde de cette agitation était toujours la guerre et ses effets. 

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Le trésor était vide et la résistance du parlement révélait un mouvement politique. On réclame des réformes, on parle de liberté, mais surtout on attaque l'administration laissée par Richelieu. Les magistrats recevaient des faveurs de toutes parts, et comme l'écrit Jacques Bainville, tout cela se mêlait aux rancœurs des protestants et à l'impatience face à la discipline administrative que Richelieu avait imposée.

Il y avait de l'agitation partout, et tous les groupes sociaux avaient des raisons de se plaindre.  Cependant, cette diversité de protestations a introduit la discorde dans les groupes, qui ont finalement négocié une trêve. En 1652, le roi est arrêté à Paris et les provinces se révoltent dans son dos.  Pendant ce temps, la bourgeoisie voit le désordre comme nuisible à ses affaires. En fin de compte, grâce à l'armée, les provinces en rébellion sont soumises, et il ne fait aucun doute, dans les jours qui suivent la Fronde, que la loyauté des militaires a sauvé la France.

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2022/09/23/la-fronde-un-precedent-plein-de-representations.html

L'Italie fascinée par l'Égypte : à la découverte du Musée égyptologique ...

Qu’est-ce qu’une tablette cunéiforme ? avec Philippe Clancier [1/3]

La Garde de fer (Corneliu Zelea Codreanu)

 

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Corneliu Zelea Codreanu (1899-1938) est un homme politique chrétien nationaliste roumain, fondateur charismatique de la Légion de l’Archange Micheldont émane la Garde de fer. Elu député en 1931 dans un contexte d’instabilité politique, son mouvement fut interdit en 1933, en même temps que le Premier ministre annulait les élections. En décembre 1937, Codreanu s’allie avec le président du parti national-paysan et leur coalition emporte les nouvelles élections sans obtenir une majorité parlementaire. Les élections sont annulées et les pleins pouvoirs sont confiés au ministre de l’Intérieur, Armand Calinescu, qui fait arrêter Codreanu en mai 1938 et le fait condamner à dix ans de travaux forcés. Les partisans de Codreanu réagissent avec force et la Roumanie plonge dans un climat de guerre civile. Dans la nuit du 29 au 30 novembre 1938, le pouvoir fait fusiller Codreanu.

Les frères Jérôme et Jean Tharaud, autrefois célèbres écrivains français, rendirent hommage à Codreanu dans un livre intitulé L’envoyé de l’Archange paru chez Plon en 1939 et aujourd’hui introuvable.

Quant au livre La Garde de fer écrit par Codreanu et dédié à ses Légionnaires, il fallut attendre 1972 pour en trouver pour la première fois une traduction française publiée chez un éditeur disparu. Réédité en 2005, il était épuisé. Mais le voilà à nouveau disponible depuis quelques jours.

Ce livre retrace à partir de 1919, la vie militante de Codreanu, sa prise de conscience des enjeux politiques, son opposition farouche au bolchévisme et aux forces occultes, sa volonté de redresser la Roumanie par une politique à la fois chrétienne et nationaliste, la naissance et le développement de la Légion de l’Archange Michel et de la Garde de fer, leur participation aux élections jusqu’à la réaction dictatoriale du Pouvoir et aux persécutions.

Outre ce témoignage de Codreanu, le livre contient des annexes qui viennent efficacement compléter cette lecture.

La Garde de fer, Corneliu Zelea Codreanu, éditions Samizdat, 458 pages, 30 euros

A commander en ligne via le site des Editions Synthèse Nationale

https://www.medias-presse.info/la-garde-de-fer-corneliu-zelea-codreanu/51245/

Faut-il se sentir coupable de notre histoire ? avec Maroun Eddé

jeudi 22 septembre 2022

Contester sous l'Ancien Régime, avec Michelle Bubenicek

8 mai 1944 : VOUS AVEZ DIT " LIBERATION " ?

 Dans la petite ville de Bruz, près de Rennes, régnait une atmosphère joyeuse, en ce beau jour de printemps où l'on célébrait la communion solennelle de petits Bretons entourés de leur famille attendrie. On ne prêta tout d'abord pas attention à un bruit de moteurs venus de l'horizon. Mais très vite le grondement se rapprocha et l'on vit se dessiner dans le ciel la silhouette d'une cinquantaine de bombardiers. Ils se dirigeaient sans doute vers la grande ville toute proche... À Bruz, on était tranquille : il n'y avait pas un seul soldat allemand et la guerre allait donc survoler, sans plus, les paroissiens réunis dans l'église.

Quand les bombes lâchées par les avions américains eurent apporté la mort, 183 cadavres gisaient au milieu des gravats, dont ceux de 70 enfants. C'est ce qu'on appelle aujourd'hui, pudiquement, une "bavure" on des « dégâts collatéraux »... pour éviter de parler d'assassinats, ce qui ferait désordre et risquerait de vexer nos "libérateurs" américains, dont certains masochistes soi-disant «de droite» continuent de célébrer les mérites.

Les sacrifiés de Bruz sont venus allonger la longue liste des Français tués par les bombardements anglo-américains : près de 70 000 hommes, femmes et enfants, entre 1940 et 1945, d'après les estimations les plus sérieuses des historiens honnêtes (il y en a ... ) A titre de comparaison, les victimes britanniques, civiles et militaires, de tous les bombardements allemands, toujours mentionnés comme ayant été terrifiants, sont de l'ordre de 51 000. Jean-Claude Valla, dans une étude exemplaire de rigueur méthodologique, rappela que la France a reçu « 600 000 tonnes de bombes, soit 22 % de toutes celles larguées sur l'Europe par l'aviation alliée pendant toute la durée de la guerre » (La France sous les bombes américaines 1942-1945, n° 7 des Cahiers Libres d'Histoire, Editions de la Librairie Nationale, 2001).

Ce mortel matraquage correspond à un choix délibéré de ne tenir aucun compte des risques de massacre de civils français en cas d'imprécision des largages de bombes effectués par les avions anglo-américains, théoriquement destinés à des objectifs militaires ou d'intérêt stratégique mais réalisés à si hante altitude, selon la technique du tapis de bombes, que la notion de « frappe chirurgicale », aujourd'hui à la mode, était alors impensable. Les dirigeants anglo-américains étaient-ils conscients des massacres d'innocents qu'ils provoquaient ? Evidemment oui. Roosevelt, le 11 avril 1944, envoyait à Churchill une note dénuée de toute ambiguïté : « Quelque regrettables que soient les pertes en vies civiles qu'il nous faut attendre, je ne suis pas prêt à imposer, d'ici où je me trouve, quelque restriction d'action militaire que ce soit ». Il écrivait cela alors qu'il y avait belle lurette que les aviateurs anglo-américains déversaient sans états d'âme leurs funestes cargaisons sur les villes et villages français.

Ainsi, le 16 septembre 1943, Nantes subit-elle l'un des plus meurtriers bombardements que la France ait connus au Cours de l'Occupation. Ce fut un exploit de cent trente B-17 (les « Flying fortress » ayant une charge de 2720 kilos de bombes) de la 8th Us Army Air Force. Ils laissèrent derrière eux 1100 morts (d'après Eddy Florentin, Quand les Alliés bombardaient la France 1940-1945, Perrin, 1997, rééd. 2008), dont trente-cinq infirmiers et religieuses écrasés sous les débris de l'Hôtel-Dieu. Dans des cercueils improvisés, les garçons et filles des Equipes Nationales (volontaires de 12 à 25 ans, portant comme insigne la Croix Celtique) déposent les cadavres - ou ce qu'il en reste. Sur chaque cercueil, une inscription terriblement éloquente : « Corps entièrement calciné » ; « Un pied paraissant appartenir à Mme Lescure » ; « Deux pieds avec chaussettes reprisées laine bleue » ; « Un pied pouvant appartenir à M. Echaud, une main droite d'homme » ; « Un pied présumé de Mme Vve Théophile Tillaut, avenue d'Arsonval » ; « Trois jambes, débris informes dans un paquet » ; « Débris de corps humain venant de St Jacques » ; « Crâne avec cheveux bruns » ; « Crâne avec débris humains » ; « Ossements d'enfants ». Arrêtons là cette macabre litanie.

La liste des villes françaises martyrisées est longue. Celle des villes allemandes encore plus. Comme le disait Pierre-Antoine Cousteau, « l'histoire des Etats-Unis n'est qu'une succession d'actes de brigandages ».

Pierre VIAL. RIVAROL 28 mai 2010

LES DRAGONS - Mythologie et Symbolisme ésotérique

Cioran : un hurlement lucide

 

cioran

S'il s'avère difficile d'écrire un article pour défendre Cioran (Cioran a-t-il besoin d'être défendu ?), les problèmes s’accroissent encore si l'on tente le contraire, si l'on veut l'attaquer, soumettre sa pensée aux feux de la critique : il faut s'armer de courage pour s'en prendre à celui qui, sans nul doute, est à la mode depuis plus de dix ans. Lui présenter des « objections », c'est aller à contre-courant. Mais les reproches qu'on lui a adressés, reproches qui ont servi à mythifier à outrance cet « hétérodoxe de l'hétérodoxie » n'allaient-ils pas, eux, à contre-courant.

Un brillant anti-système

Toute personne qui éprouve de la difficulté à se prononcer en toute sincérité contre Cioran n'a qu'une solution : tenter d'imiter ces hérétiques qui, soumis à la torture, ne persistaient dans leur hérésie que par bon goût. Et se répandre en louanges à l'endroit de Cioran pourrait sembler d'un mauvais goût comparable à celui qui tenterait d'ordonner en un système cohérent les écrits et les interjections mentales de celui qui a affirmé que « la pire forme de despotisme est le système, en philosophie et en tout ». L'avantage de l'anti-système est sa maigre vulnérabilité à toute attaque consistant en objections organisées systématiquement. On ne pourrait réfuter Cioran que de manière a-systématique et toujours dans l'hypothèse douteuse que cette réfutation dépasse le discours du Roumain sur le point précis grâce auquel il arrive justement à séduire : « l'éclat ».

On peut être brillant au départ de la « lucidité » et également au départ de la « foi », et même des deux à la fois (à la condition que cette cohabitation soit possible), du moment que l'on soit suffisamment subjectif. L'objectivité est rarement brillante et ne parvient jamais à être géniale. Installé dans la lucidité, Cioran a le privilège de devoir être subjectif par la force. La lucidité et la subjectivité déployées par Cioran lui donner la force suffisante pour faire face à ce qui se trouve devant lui, sans aucune aide ou échappatoire possible. Avec une sincérité qui épouvante, Cioran paraît même jouir de cette manière tourmentée par laquelle il s'inflige l'atroce nécessité de remâcher sans cesse ses interrogations — et même ses obsessions — essentielles : l'histoire, Dieu, la barbarie, le suicide, le scepticisme et autres labyrinthes. Ceux-ci sont brillamment exposés comme les dépouilles tirées d'un immense dépeçage où l'on aurait séparé les ordures philosophiques pour laisser, dénudé, ce que personne n'aurait imaginé être essentiel.

Volonté de style

« Mystère. Parole que nous utilisons pour tromper les autres, pour leur faire croire que nous sommes plus profonds qu'eux » (Syllogismes de l’amertume, 1952). Les grands négociateurs professionnels se distinguent avant tout par leur immense clarté dans la façon d'exposer leurs hypothèses, à l'écart de la complexité de ce qu'ils pensent ou de ce qu'ils prétendent. Idem avec le style concis et simple de Cioran. Il ne perd pas son temps dans les arcades du langage et dans un discours prétendument « profond », et il va droit au but avec une précision de scalpel, dont on ne peut que faire l'éloge. Ayant perdu la foi dans la grammaire (« Nous continuons à croire en Dieu parce que nous croyons encore en la Grammaire »), le Roumain connait bien les limites du langage auquel il doit forcément recourir. Aussi le domine-t-il. Le français n'est pas sa langue maternelle et cependant peu d'écrivains vivants le manient avec tant d'efficacité. La proposition de Wittgenstein — « tout ce que l'on peut exprimer, il est possible de l'exprimer clairement » — voilà ce qu'auraient dû méditer avec une plus grande attention ceux qui prétendent snober le style “superficiel” de Cioran.

Indépendance

Avec une sincérité totale, Cioran accepte le défi d'être inclassable. Un poids plus lourd qu'on ne pourrait l'imaginer : il n'est pas facile d'être apatride et, à la longue, rares sont ceux qui survivent « sans profession ou métier connu ». “Lunatique”, “hétérodoxe” : voilà, entre autres, les qualificatifs qui ont été appliqués à Cioran. par ceux qui sont parvenus, tant bien que mal, à le “classifier”. Ce sont également les étiquettes qu'acceptent bon gré mal gré ces rares personnages de la vie réelle qui, tirant orgueil de leur extrême lucidité, doivent maintenir coûte que coûte leur acharnement rester digne d'éloges précisément parce qu'ils sont acharnés plus que de raison, demeurer indépendants, ne pas s'imposer ou ne pas accepter de se voir imposer une limite quelle qu'elle soit. Pendant la Renaissance, on appelait “humaniste” l'homme non unidirectionnel. Cioran rejetterait sans aucun doute cette désignation avec véhémence ; de la même façon, il se moquerait très probablement de tout qui tenterait de le classer comme “réactionnaire”, ou comme “sceptique”, comme “païen” ou lui attribuerait d'autres étiquettes simplificatrices du même genre.

L'indépendance, comprise comme élimination progressive de tous points de référence, est un exercice douloureux, dont les douleurs ne disparaissent jamais. Difficile, par ailleurs, d'évaluer jusqu'à quel point le résultat obtenu compense le prix payé. De tous les génies du XIXe siècle, seul Wagner et Goethe se sont « bien débrouillés ». Nietzsche, Hölderlin, Rilke et d'autres, nombreux, ont produit des écrits que l'on peut qualifier d'enviables. Et bien qu'ils puissent tous affirmer, avec Cioran, que « naître, vivre et mourir trompés, c'est ce que font les hommes », aucun d'entre eux, à l'évidence, n'a atteint l'indépendance à laquelle ils prétendaient parvenir ; peut-être s'en sont-ils approchés, certains plus que d'autres, mais il ne s'y sont jamais installés, n'ont pas eu les pleins pouvoirs de l'homme réellement indépendant.

Par rapport au XIXe siècle, le XXe siècle offre peut-être l'avantage d'être réellement plus indépendant (bien que cela soit également difficile). Mais les hommes moyens continuent encore à exiger de tout un chacun des “étiquettes”, des “professions” ou des “métiers”. Ces hommes moyens font montre d'une attitude proche de celle de ces États qui aspirent à tout contrôler dans la société. Ils ne se sentent à l'aise, face à une personne ou à une phénomène que s'ils peuvent le classer, lui donner un titre ou une étiquette, le conceptualiser. Titre, étiquette ou concept qui déterminera, par déduction, le type de relation qu'il faut avoir, au nom des conventions, avec l’étiqueté, le titré, le conceptualisé. « Les hommes ont besoin de points d'appui, ils veulent la certitude, quoi qu'il en coûte, même aux dépens de la vérité ».

Le médiocre de notre temps tente d'ôter de sa vue, de ses pensées, tout ce qu'il ne comprend pas. Tout ce qu'il est incapable de comprendre. “Je suis comptable”, “je suis avocat”, “je suis vendeur” (parfois, plus souvent que nous ne l'imaginons, on recourt à l'euphémisme pour rendre digne un métier dont on perçoit bien les misères). Voilà donc les déclarations officielles à faire obligatoirement de nos jours en société. Que des hérétiques comme Cioran ne confient pas au Saint Office Collectif leur titre de dépendance ou leurs numéros d'identification sociale, voilà que les soumettra irrémédiablement à la réprobation générale et même à l'isolement. Ils ne réveilleront que la curiosité du petit nombre, ou la sympathie de personnalités plus rares encore, mais ils devront constater et accepter d'être toujours observés (et même jugés) avec la même colère critique que l'on appliquait jadis aux pires des hérétiques. L'indépendance coûte cher.

Cioran, l'Anti-Faust

On a parlé de Cioran comme du porte-drapeau de la philosophie du renoncement, de la “non-action” et du désistement. Ceux qui décrivent Cioran de la sorte prétendant rapprocher notre exilé roumain de son maître Bouddha et n'oublient généralement pas de mentionner son célèbre adage : « Plus on est, moins on veut ». Ou de nous rappeler, en guise de plaisanterie, sa description fort crue de l'acte d'amour : il s'agirait « d'un échange entre deux êtres de ce qui n'est rien d'autre qu'une variété de morve ». Le rapport qui existe entre Cioran et l'idée d'action (ou si l'on préfère, le désir) est un rapport de conflit. Personne ne niera que le principe faustien de la souveraineté de l'action soit radicalement opposé au scepticisme féroce de celui qui élève l'inaction au rang de catégorie divine. Et même si l'action et le goût pour l'action sont compatibles avec la lecture de Cioran, nous nous trouvons néanmoins en présence de deux extrêmes irréconciliables. Un livre de Cioran est inimaginable sur la table d'un broker de New York. Et personne n'aura l'idée saugrenue d'emmener des livres de Cioran lors d'une régate de voiliers, d'une expédition dans l'Himalaya ou d'une escapade avec une belle femme dont on vient de faire la connaissance. Cependant, les fanatiques de l'action les plus intransigeants pourront se lancer dans une activité exceptionnelle, où ne détonneraient absolument pas certains pages de Cioran : traverser un désert.

Le poignard et les passions

Il n'y a pas de meilleure recette que le « désintérêt » pour « triompher » dans notre civilisation. Après avoir abjuré l'ambition de triompher, Cioran fonce avec autant de passion contre les créatures pétries d'illusions et contre les sous-produits du désintérêt. Le prix à payer, terrible, c'est « l'échec » sur le terrain des valeurs vitales. Et Cioran exhibe cet échec avec une ostentation impudique, au point d'insister sur le fait — sans nous convaincre, ceci dit pour faire son éloge — qu'il n'y a rien, pas même la publication et le succès de ses œuvres, qui compense son échec. Alors qu'il est parvenu à dire que « l'élégance morale authentique consiste en l'art de déguiser les victoires en déroutes ». Le verbe de Cioran distille la passion tous azimuts et même une véhémence manifeste. « Dans la colère, on se sent vivre », nous fait-il remarquer : mais c'est plus un conseil qu'une menace, car « si devant l'affront qui nous a été fait, en réfléchissant aux représailles, nous avons hésité entre la gifle et le pardon, cette hésitation, nous faisant perdre un temps précieux, aura consacré notre lâcheté. Il s'agit d'une hésitation aux conséquences graves, d'un maque qui nous écrase, alors qu'une explosion, même si elle se termine en quelque chose de grotesque, nous aurait soulagés. Aussi pénible que nécessaire, la colère nous empêche d'être prisonnier d'obsessions et nous épargne le risque de complications sérieuses : c'est une crise de démence qui nous préserve de la démence ».

Un Cioran passionné est l'unique contre-poids qu'il a lui même inventé, dans la mesure où quelques-unes de ses propositions (voire la plupart d'entre elles) peuvent paraître inhumaines. Mais, qui plus est, sa passion est prétexte à justifier son comportement ; ainsi, l'écrivain garde toute sa souveraineté, ce qui le rend plus accessible : « Il est déshonorant, il est ignoble de juger les autres ; cependant, c'est ce que tout le monde fait et s'en abstenir revient à se trouver en dehors de l'humanité ». Cioran, passionné, qui connaît les forces que produit toute passion, cite le roi Ménandre quand il demande à l'ascète Nâgasena [cf. Milindapañha] ce qui distingue l'homme sans passion de l'homme passionné : « L'homme passionné, ô roi, quand il mange, aime la saveur et a la passion de la saveur ; et l'homme sans passion goûte la saveur mais ne se passionne pas pour la saveur. Tout le secret de la vie et de l'art, tout ce qui est ici bas réside dans cette « passion de la saveur ». Pour la même raison, Cioran s'ingénie à rechercher des forces chez l'ennemi, celui dont il prendra soin et essaiera de ne pas perdre, celui qu'il — une fois et essaiera de ne pas perdre, celui qu'il — une fois de plus, tout comme Nietzsche — situera au même niveau qualitatif que l'ami, seul l'ennemi est digne de notre haine, cette haine précieuse « qui n'est pas un sentiment, mais une force, un facteur de diversité qui fait progresser les êtres aux dépends de l'être ».

Nietzsche et Cioran

Après avoir bu jusqu'à satiété aux sources de la philosophie, Cioran lui tourne le dos mais sans l'abjurer complètement : « je ne suis pas philosophe », essaie-t-il de nous dire, en ajoutant encore que les sources de tout écrivain « sont ses hontes » (peut-être parce qu'il est conscient qu'on peut facilement le coincer : le renoncement, il le doit à Bouddha, aux gnostiques, à la mystique et surtout à Nietzsche, philosophe qu'il tente difficilement de renier).

La parenté de Cioran avec Nietzsche relève de ces choses que l'on cache sans pourtant cesser d'en être fier. Tous deux enfants de prédicateurs, confrontés à la mort contre la Croix. Tous deux s'auto-proclamant “non-philosophes” : Nietzsche préférait qu'on l'appelle « psychologue [des profondeurs] », Cioran préfère qu'on ne lui donne pas de nom. Leurs itinéraires vitaux (séparés dans le temps par un peu plus d'un demi-siècle) sont tous deux presque aussi pénibles. Bien que nous nous imaginions Nietzsche en train de concevoir ses écrits lors de longues promenades dans les lumineuses Alpes italiennes (« n'ont de valeur que les pensées faites en chemin ») et bien que nous sachions que Cioran accède à la lucidité au fond de son obscure retraite parisienne, aucun des deux ne peut échapper à la malédiction paternelle : condamnés qu'ils sont à être, malgré eux, des « écrivains religieux ». Perdus de manière irrémissible par un excès de sincérité, seul le rire les rachète tous deux, bien que de façon différente chez chacun d'eux. Nietzsche, en Allemand, nous parle sur un ton sérieux pour invoquer le rire (« nous devons considérer comme suspecte toute pensée qui ne nous ait pas fait rire ») et accéder aux hautes sphères de la pensée. Cioran, dont la sourire se trouve dans le texte, se précipite de temps en temps dans les abîmes du doute et du scepticisme sans vouloir gagner ni hauteur ni monde : « Gagner le monde, perdre l'âme ! J'ai atteint quelque chose de mieux : j'ai perdu les deux ».

Rire souverain

« Pourquoi ne me suis-je pas tué ? Si je savais exactement ce qui m'en empêche, je n'aurais plus de questions à me poser puisque j'aurais répondu à toutes » (Le Mauvais Démiurge). Il ne manque pas de raisons à ceux qui évitent Cioran de “le voir tout en noir”. Il est certain que Cioran est un râleur, qu'il est tout sauf optimiste. Mais ce n'est pas une raison pour le considérer comme un écrivain “négatif”. Parce que Cioran affirme. Il affirme de manière répétée et accablante, bien que ce soit ex negatione, bien que ce soit en reniant. Cioran est le type du parfait pleurnicheur, bien sûr, mais à regarder de plus près, le rire n'est-il pas par hasard la musique de fond de tout son discours ? Celui qui parvient à affirmer que « renier rajeunit », ou qui loue le « supplément d'anxiété » qui enrichit toute négation, ne cesse cependant pas de se délecter de temps en temps de l'ironie intentionnellement amère, au départ de laquelle il nous parle.

« À peine adolescent, la perspective de la mort me jetait dans ses transes ; pour y échapper, je me précipitais au bordel où j'invoquais les anges. Mais, avec l'âge, on se fait à ses propres terreurs, on n'entreprend plus rien pour s'en dégager, on s'embourgeoise dans l'Abîme. Et s'il fut un temps où je jalousais ces moines d'Égypte qui creusaient leurs tombes pour y verser des larmes, je creuserais maintenant la mienne que je n'y laisserais tomber que des mégots » (Syllogismes de l'amertume).

Le sens de l'humeur est évident dans ce paragraphe comme dans beaucoup d'autres. Mais le rire de Cioran est également présent dans presque tout le reste de ses textes ; il est audible des profondeurs pour le lecteur à l'oreille fine, capable de ressentir, avec Cioran, la souveraineté indiscutable du rire sur tout autre état de pensée.

Le païen, le réactionnaire

Évidemment, la différence fondamentale existant entre ce qu'écrit Cioran et ce que l'on écrit sur Cioran est que sa pensée est originale. Alors, que dire du paganisme de Cioran ? Et quel objet aurait une réflexion portant sur les éléments “réactionnaires” de son discours ? Ces deux facettes du sceptique, apparemment contradictoires, sont l'envers et le revers d'une même pièce de monnaie avec laquelle Cioran joue à pile ou face en énonçant ses propositions. Cioran joue, avant tout ; qui est, au fait que sa méthodologie soit fondamentalement ludique, il faut ajouter que son attitude face à ce jeu est la plus positive que l'on puisse imaginer (qui accusait Cioran être négatif/ négativiste ?). En effet, c'est là l'attitude de celui qui ne cache nullement son propre jeu. Pour cette raison même, faire l'apologie de ce que Cioran apporte à la sensibilité païenne (spécialement dans son Mauvais Démiurge) ou à la pensée réactionnaire (surtout dans son Essai sur la pensée réactionnaire et ses réflexions sur Joseph de Maistre), ou s'en prendre à ce double apport, sera toujours une tâche nettement moins digne que celle de transcrire, sans plus, quelques-unes de ses réflexions les plus éloquentes.

Voici donc deux commentaires sommaires. Le premier présente de l'intérêt pour le lecteur espagnol (en Espagne, croyants ou non, nous sommes tous catholiques) et désire souligner de quelle manière Cioran met en évidence les éléments salutaires du paganisme qui ont perduré dans le catholicisme orthodoxe. Il n'attaque pas les protestants avec la même virulence que Nietzsche mais l'on ressent très bien sa répulsion face au plus monothéiste des monothéismes, au moins méditerranéen des christianismes. On pourrait esquisser un autre commentaire réservé, cette fois, aux sympathisants de la “nouvelle droite” ou de la “nouvelle culture” (qui peuvent être des Espagnols ou d'autres Européens) en affirment que, en matière de paganisme, Cioran ré-ouvre à nos investigations des galeries entières de la pensée qui ne s'étaient jamais fréquentées, étaient restées hermétiquement fermées les unes aux autres, du moins au niveau de l'écrit. Ces lieux de la pensée, laissés en jachère et redécouverts par Cioran, bénéficient de la publicité faite par ses partisans, notamment ceux des “nouvelles droites” ; du coup, ils n'ont pas tardé à recevoir la visite de nombreux “touristes intellectuels”, originaires de diverses “nouvelles” idéologies. Bon nombre des apports doctrinaux dus aux autres auteurs de la “nouvelle droite” ou “nouvelle culture” doivent reconnaître leur filiation par rapport aux œuvres de Cioran. Filiation partagée notamment par un païen comme Pessoa.

Des paroles de plus…

En toute vraisemblance, Cioran parviendra à exercer, qu'il le veuille ou non, une influence croissante sur les « cultures de la nouvelle barbarie » qui paraissent désormais s'établir en Europe. Parallèlement — bien que de manière asymétrique — à Nietzsche qui annonçait avec fracas le “surhomme” aristocratique. Cioran ne se contente pas de prophétiser une nouvelle barbarie, également anti-messianique et de vocation païenne, mais, dirait-on, semble vouloir lui donner de l'essor. Il limite en cela une technique de prophète, ressemblant tellement à celle du conseiller en bourse qui raconte que telle ou telle action va monter, conscient que son pronostic poussera à acheter la valeur dont la cotation monte. Dans le dernier tiers du XXe siècle, la cote de valeurs comme « la nouvelle barbarité » ou « le nouveau nomadisme » commence à augmenter et pourrait bientôt s'emballer. Mais peu de gens savent déjà où obtenir des informations à leur sujet, quels signes les définissent et quels événements les précèdent. Cioran est un de ceux, très rares, qui ont interprété certaines notes relatives à ces nouvelles valeurs.

Interpréter : voilà ce que fait Cioran. Et le fait en utilisant le code du scepticisme. Scepticisme pour partie double. Scepticisme qui n'est plus seulement un exercice de dé-fascination mais en plus, en toute conscience, un jeu. Mais comme tout jeu, celui de Cioran manque d'une finalité qui ne soit pas celle de son propre jeu. Pour cette raison, en annonçant la « nouvelle barbarie », Cioran ne prophétise pas. Il propose. Il existe une phrase de Cioran, annonçant cette nouvelle barbarie. Une phrase qui synthétise en une ligne tous les textes sensés et toutes les réflexions ennuyeuses des aspirants à la philosophie, qu'ils soient bien ou mal intentionnés. C'est une phrase inquiétante… Un éclair de lucidité que Cioran parvient à articuler en mots, en un torrent de sincérité démultipliée. On ne doit pas épargner au lecteur la citation de cette phrase, qui met un point final de manière catégorique et immédiate à cet article sur l'écrivain, le penseur, le mystique, qui a affirmé que : « toute parole est une parole de plus ».

 Luis Fraga, Orientations n°13, 1991.

(texte paru dans Punto y Coma n°10, 1988 ; tr. fr. : Nicole Bruhwyler)

[Habillage musical : Napissunu Mutumma - Herbst9, 2011]

http://www.archiveseroe.eu/lettres-c18386849/37