Sous couvert d’« aide aux Soviétiques », les bombardiers anglo-américains s’employaient à forger un nouvel ordre mondial. Hier nous avons à partir d’un article de COMAGUER sur l’usage du nucléaire, et des réflexions de Günther Anders souligné le lien entre Hiroshima, Nagasaki, la Shoah et le bombardement de Dresde par les États-Unis, aujourd’hui grâce à cet article traduit du russe par Marianne, nous mesurons à quel point les Russes du temps soviétique mais aussi aujourd’hui ne se sont pas fait d’illusions sur l’ordre du monde que les États-Unis prétendaient instaurer sous prétexte de lutte contre le nazisme, un simple relais de ce dernier dans sa lutte contre le socialisme et nous sommes simplement dans un nouveau round impérialiste, dans une nouvelle configuration.
Danielle Bleitrach
par Alexandre Shirokorad
Il y a 78 ans, l’aviation anglo-américaine a pratiquement détruit l’ancienne ville allemande de Dresde en trois jours, du 13 au 15 février 1945. Bien que sa taille soit comparable à celle d’autres grandes villes allemandes, elle ne comptait pas, à la différence, par exemple, d’Essen, de Hambourg et d’autres villes soumises à un bombardement total, d’entreprises industrielles lourdes. Mais elle était de plein droit considérée comme l’une des capitales culturelles de l’Allemagne, célèbre pour ses monuments architecturaux, ses musées et ses théâtres.
Les Alliés n’avaient jamais bombardé Dresde auparavant, à l’exception d’un raid le 7 octobre 1944, lorsqu’une trentaine de forteresses volantes américaines ont attaqué la zone industrielle de la ville, considérée comme une cible de substitution lors de l’attaque d’une usine à Ruhland. À cette époque, 435 personnes ont été tuées, pour la plupart des ouvriers, notamment des Français et des Belges employés dans les petites usines Zeidel-Naumann et Hartwig-Vogel. Il y a également eu de lourdes pertes parmi les équipes de prisonniers de guerre des armées alliées qui travaillaient dans la gare de triage.
Au début de la Seconde Guerre mondiale, de nombreuses batteries antiaériennes lourdes ont été installées dans la capitale saxonne, mais comme la ville n’était pas bombardée, la grande majorité des canons ont été déplacés vers la Ruhr et le front oriental. D’ailleurs, il s’agissait souvent de canons antiaériens soviétiques de 85 mm de modèle 1939, dont les canons avaient été percés pour s’adapter au calibre allemand de 88 mm. À la mi-janvier 1945, de tous les canons antiaériens de Dresde ne restaient plus que les plateformes en béton. L’absence totale de défense de la métropole était un argument important dans le choix de la cible à bombarder.
Le 2 février 1945, Hitler donne l’ordre d’utiliser les chasseurs DCA du Reich uniquement contre des cibles terrestres sur le front oriental, où des unités de l’Armée rouge s’étaient emparées de têtes de pont sur la rive occidentale de l’Oder, ou contre des concentrations de troupes ennemies sur sa rive orientale.
Les commandants britanniques et américains avaient prévu à l’avance d’attaquer Dresde – opération Coup de Tonnerre – en massacrant des civils. Il a été décidé d’infliger à la ville le « traitement de Hambourg ». C’est-à-dire la traiter comme à Hambourg en 1943 : d’abord, on fait sauter les toits et les fenêtres avec des bombes explosives, puis on lance des bombes incendiaires sur les pâtés de maisons, mettant le feu aux maisons et provoquant des tourbillons de flammes étincelantes et brûlantes à travers les toits et les fenêtres brisés pour engloutir les chevrons, les meubles, les sols, les tapis, les rideaux. Puis, de nouveau, utiliser des bombes à haute explosivité pour élargir la zone d’incendie et effrayer les pompiers.
Ce plan machiavélique a été réalisé à Dresde dans son intégralité.
« Lorsque nous sommes arrivés dans la zone cible à la fin du raid, il était évident que la ville était condamnée », se souvient le pilote de Lancaster du groupe aérien 3, qui avait été endommagé par des tirs anti-aériens au-dessus de Chemnitz et avait été retardé. Il était censé approcher de Dresde cinq minutes avant la fin de l’attaque, mais il avait maintenant dix minutes de retard. C’était probablement le dernier bombardier à apparaître au-dessus de la capitale saxonne.
« Selon ce que j’ai pu voir, une mer de feu couvrait une zone d’environ 40 miles carrés. De cette fournaise s’élevait une chaleur que l’on pouvait sentir dans le cockpit de mon avion. Le ciel scintillait de nuances de rouge vif et de blanc, et la lumière à l’intérieur de l’avion était celle d’un sombre coucher de soleil d’automne. Nous étions tellement horrifiés à la vue de ces flammes monstrueuses que nous avons volé seuls au-dessus de la ville pendant un long moment par la suite. Complètement dépassés, imaginant ce qui se passait en dessous, nous avons fait demi-tour. La lumière aveuglante de cet holocauste était visible à 30 miles de distance ».
Au total, 1477,7 tonnes de bombes explosives, dont 529 « blockbusters » de 1800 kg et un « blockbuster » de 3600 kg, 1 181,6 tonnes de bombes incendiaires ont été larguées sur Dresde. Lors de raids de diversion, 109 chasseurs-bombardiers Mosquito attaquent Magdeburg, Bonn, Dortmund, Miesburg et Nuremberg sans perte.
Le matin du 14 février, Dresde est attaquée par plus de 1300 bombardiers américains B-17 Flying Fortress et B-24 Liberator. Curieusement, plusieurs dizaines de Forteresses Volantes se sont perdues et ont touché Prague par erreur.
Plus de 40 000 civils ont été tués à Dresde, dont 28 736 ont été enterrés dans le cimetière de Heidelfriedhof.
À Dresde, des monuments architecturaux inestimables ont été détruits. Parmi eux, trois palais, l’ancien hôtel de ville, le Zwinger construit par Semper, la nouvelle galerie d’art, quatre musées et la maison-église. La galerie d’art Green Vaults, mondialement connue, le chef-d’œuvre architectural de Schinkel, l’Albertinum avec sa collection inestimable de sculptures et l’Académie des arts – ont également brûlé.
Les Alliés avaient également un argument de poids pour bombarder Dresde.
Le 15 février, les dirigeants militaires et politiques des alliés occidentaux de l’URSS ont reçu de Moscou l’important message suivant : « Trois compagnies de chars du maréchal Konev ont effectué une profonde percée en direction de Dresde et ont repoussé devant eux 10 à 16 divisions allemandes vaincues. Le nombre de prisonniers augmente d’heure en heure, car les formations allemandes, du fait de leur épuisement, ne sont plus en mesure de se replier et, d’autre part, le manque de carburant paralyse les colonnes de transport. Cet après-midi, nos colonnes de chars étaient à 80 kilomètres de Dresde ».
Les chars soviétiques pouvaient entrer dans Dresde au cours des prochaines heures.
Les Britanniques prétendront plus tard que Staline leur avait demandé, lors de la conférence de Yalta, de bombarder Dresde.
Cependant, ni le commandant en chef soviétique ni aucun autre commandant majeur des forces armées soviétiques n’ont fait une telle demande aux Alliés.
Les Américains, à leur tour, ont tenté d’expliquer qu’ils voulaient aider l’offensive de l’Armée rouge en détruisant le nœud ferroviaire de Dresde. Mais les voies ferrées et les gares de la ville n’ont pratiquement pas été endommagées.
Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les politiciens américains et britanniques ont tenté à plusieurs reprises de rejeter la responsabilité de la destruction barbare de Dresde sur… l’Union soviétique. Par exemple, le 11 février 1953, le département d’État américain a fait une déclaration disant que « le bombardement dévastateur de Dresde a été effectué en réponse à une demande des Soviétiques pour un soutien aérien renforcé et avait été préalablement convenu avec les dirigeants soviétiques ».
Et en février 1955, à l’occasion du dixième anniversaire du bombardement de Dresde, le journal britannique Manchester Guardian a rappelé que ces raids étaient une opération « menée par des avions britanniques et américains à la suite d’une demande urgente des Soviétiques d’attaquer cet important centre de communication ».
Malheureusement, la propagande soviétique, si zélée pour dénoncer les « impérialistes » britanniques et américains à toutes occasions, a été honteusement silencieuse cette fois-ci.
En fait, le Premier ministre britannique Winston Churchill avait proposé l’opération Coup de Tonnerre à l’armée de l’air lors de la conférence de Crimée, qui s’est tenue du 4 au 11 février 1945. Le chef du gouvernement de sa majesté voulait intimider Staline en détruisant une grande ville allemande. Hélas, le mauvais temps a desservi le dirigeant britannique, et la destruction de Dresde a eu lieu après la fin du sommet de Yalta.
Il convient de noter que les alliés occidentaux ont tenté d’expliquer d’autres bombardements barbares de villes allemandes par l’aide apportée aux soldats russes. Ainsi, le 3 février 1945, Berlin subit le plus lourd raid aérien de la guerre. Ce jour-là, 937 bombardiers américains B-17 et B-24, escortés par 613 chasseurs, apparaissent dans le ciel densément couvert au-dessus de la capitale du Troisième Reich. Pendant 53 minutes, ils ont largué 2 267 tonnes de bombes sur les quartiers de Tempelhof, Schöneberg et Kreuzberg. Au cours de cette opération, 36 bombardiers et 9 chasseurs ont été abattus.
Il s’agit du premier raid terroriste américain de jour sur des zones résidentielles de Berlin, dans l’esprit des raids nocturnes britanniques. Quatre kilomètres carrés de la zone ont été complètement détruits, et quelque 23 000 personnes ont été tuées, selon les chiffres américains.
De plus, les commandants américains ont annoncé à leurs pilotes avant le vol que le 3 février, la 6e armée panzer SS passait par Berlin sur son chemin des Ardennes au front oriental et que l’armée de l’air américaine aidait ainsi les Russes. En fait, c’était un mensonge flagrant. La 6e armée de Panzer des Ardennes s’était déplacée vers le lac Balaton en Hongrie et n’était même pas à 100 km de Berlin. Néanmoins, ce mensonge a été répété à travers l’océan même après la guerre.
En revanche, lorsque les commandants soviétiques ont demandé de bombarder les navires et les ports allemands sur les côtes de la Baltique et de la Prusse orientale, Londres et Washington ont refusé.
Les bombardements de Dresde, de Berlin et de quelques autres villes d’Allemagne n’avaient aucune signification militaire sérieuse et ne pouvaient pas briser l’esprit du peuple allemand comme l’espéraient les stratèges britanniques et américains. Les données des interrogatoires par les officiers américains et britanniques des militaires capturés de la Wehrmacht au printemps 1945 en témoignent éloquemment.
En réalité, les raids sur Dresde et d’autres villes allemandes étaient destinés à faire chanter le gouvernement et le peuple soviétiques. En outre, les États-Unis prévoyaient de faire de l’Allemagne, de la France et de l’Italie leurs clients après la guerre par le biais d’un bombardement total de l’Europe.
À l’été 1945, les communistes sont devenus la principale force politique en France et en Italie. Ils contrôlaient des centaines d’unités de partisans avec des dizaines de milliers de combattants expérimentés et armés de trophées de première classe.
Sans l’intervention américaine en Europe, la France et l’Italie auraient eu des gouvernements de « gauche » dans lesquels au moins la moitié des ministres auraient été communistes. Je ne vais pas faire de la politique fiction, mais la probabilité d’une guerre froide avec l’URSS dans une telle variante aurait été proche de zéro.
Les États-Unis avaient pris le contrôle de l’Europe occidentale en utilisant la carotte et le bâton. D’une part, en détruisant des centaines de villes en Allemagne, en France, en Italie, en Autriche, en Yougoslavie et dans d’autres pays, et d’autre part, en promettant 13 milliards de dollars (130 milliards au taux de 2022) dans le cadre du soi-disant « plan Marshall ».
source : SV Pressa
traduction de Marianne Dunlop pour Histoire et Société
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