Le concept du « Rimland » selon l’universitaire américain Nicholas Spykman (1893-1943)
Nicholas Spykman a développé le concept du « Rimland » (pays côtiers), c’est-à-dire les pays qui entourent directement le « Heartland » de Mackinder, d’où la nécessité pour l’Amérique de mettre en place le protectorat militaire de l’OTAN sur l’Europe, de contrôler le Moyen-Orient et l’Extrême-Orient (Japon), afin de contenir la Russie et la Chine.
Selon Nicholas Spykman « qui contrôle le Rimland gouverne l’Eurasie, qui gouverne l’Eurasie contrôle le destin du monde ». Le contrôle actuel du Rimland, Europe et UE, par le biais de l’OTAN et de la « Soft Power » empêche l’union des forces militaires, économiques, technologiques, démographiques de l’Europe avec la Russie.
Kiel et Tanger (1910) – Gabriel Hanotaux (1853-1944) – Théophile Delcassé (1852-1923)
« Kiel et Tanger », ouvrage publié par Charles Maurras en 1910, puise son origine dans deux évènements : la revue navale de Kiel le 18 juin 1895 où la marine militaire française participe aux côtés de navires allemands et russes à une démonstration anti-britannique et la crise de Tanger du 31 mars 1905, déclenchée par l’empereur allemand Guillaume II s’opposant à la création d’un protectorat français sur le Maroc. « Kiel et Tanger » est une critique de la politique étrangère française entre 1895 et 1905, période pendant laquelle le ministère des Affaires étrangères explore deux voies : « l’alliance continentale avec l’Allemagne et la Russie contre une Angleterre qui contrariait les ambitions coloniales de Paris, puis l’alliance avec l’Angleterre, puissance maritime, contre une Allemagne à laquelle l’opinion française n’avait pas pardonné l’annexion de l’Alsace-Lorraine.
Gabriel Hanotaux (1853-1944) fut le ministre français des Affaires étrangères de 1894 à 1898. Méfiant à l’égard de l’Angleterre, il s’efforça de créer un bloc continental européen rivalisant avec l’Angleterre. Il mit en place une alliance solide entre la France, l’Allemagne et la Russie et combattit la volonté de revanche contre l’Allemagne. Il s’attacha à resserrer les liens entre la France et la Russie, accompagna le Président Félix Faure en visite officielle à Saint- Pétersbourg. L’incident de Fachoda, avec une menace de guerre, en juillet 1898 fut directement lié à sa politique africaine et à sa défiance envers l’Angleterre.
Théophile Delcassé (1852-1923) fut ministre des Affaires étrangères de 1898 à 1905 et mena au contraire une politique de rapprochement avec l’Angleterre, puissance maritime, qui aboutit à la signature de l’Entente cordiale, le 8 avril 1904. Il transforma la reculade sans gloire de la France à Fachoda en succès diplomatique. L’Angleterre gardait la totalité du bassin du Nil, mais renonçait en échange à ses ambitions marocaines. Ce traité bouleversa l’équilibre européen élaboré par Bismarck au détriment de l’Allemagne. De plus, en avril 1899, la IIIe République conclut une alliance diplomatique avec la Russie du tsar Nicolas II. Delcassé dut cependant démissionner le 6 juin 1905 pour éviter un conflit armé avec l’Allemagne sans aucune chance de victoire, après le débarquement à Tanger de l’empereur Guillaume II. Ministre de la Marine en 1911, Delcassé, après l’incident de la canonnière allemande Panther le 1er juillet à Agadir, dut céder une part importante du Congo à l’Allemagne pour garder les mains libres en Afrique du nord et éviter de nouveau une très sérieuse menace de guerre.
Les leçons de Thucydide sur la guerre du Péloponnèse (-431 à -404)
La guerre du Péloponnèse est le conflit qui opposa la ligue de Délos, menée par Athènes, puissance maritime, et la ligue du Péloponnèse, sous l’hégémonie de Sparte, puissance terrestre. La guerre est principalement causée par la crainte de l’impérialisme athénien chez les alliés de Sparte. En 431, Athènes possède la flotte la plus puissante du monde grec, soit environ 300 trières avec des équipages très entraînés, quand Sparte n’en possède quasiment aucune, mais ses alliés, Corinthe en particulier, en disposent d’un peu plus d’une centaine. Athènes possède aussi des ressources financières infiniment supérieures à celles de son adversaire. De son côté, Sparte, du fait de l’éducation spartiate très stricte et de l’entraînement de ses soldats, est considérée comme disposant de la meilleure armée terrestre. Au début du conflit, Sparte aligne 40 000 hoplites contre 13 000 pour la ligue de Délos, avec 12 000 Athéniens mobilisables. La dernière partie de la guerre a lieu essentiellement avec des combats de trières.
La reddition d’Athènes en -404, qui semblait improbable au début du conflit, s’explique selon Thucydide pour quatre raisons : l’épidémie ayant frappé Athènes, l’expédition maritime catastrophique d’Athènes en Sicile, la création du fort de Décélie par les Spartiates pour organiser le blocus terrestre d’Athènes, et enfin la construction d’une flotte par les Spartiates grâce à l’or fourni par les Perses.
La guerre du Péloponnèse est riche d’enseignements pour l’affrontement actuel entre l’Amérique, puissance financière et maritime, avec ses alliés d’une part, et la Russie, la Chine, puissances terrestres d’autre part.
La France est une nation terrienne par son histoire
Depuis “labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France”, la poule au pot et le souvenir de toutes les grandes batailles terrestres qui ont truffé l’Est de forts, de tranchées et de nécropoles militaires, la France est une nation terrienne. La mer n’a jamais préoccupé les Français alors que les Anglais lui accordaient une importance primordiale. Derrière chaque marin britannique, il y avait toute l’Angleterre ; derrière les grands navigateurs de Normandie ou de Bretagne, il n’y avait personne. Napoléon voyait sous ses yeux s’accomplir par les mers l’œuvre impériale anglaise ; il voulut la combattre par la terre.
Les premières tentatives françaises au XVIe siècle, celle des frères Parmentier en 1529-1530, ou celle de Jehan Ango, puissant armateur dieppois, prouvent que les Normands savaient naviguer en vertu d’une tradition probablement héritée des Vikings. La France avait les meilleurs pilotes de l’Europe du nord et des marchands intrépides, mais tout a pris fin pratiquement à la mort de François 1er.
Au siècle suivant la flotte fut encore souvent supérieure sur le plan de la conception des navires, voire sur le plan tactique. Sous l’amiral Tourville, elle atteignit même de nouveaux sommets de compétence. La politique inepte et les instructions insensées de Louis XIV la précipitèrent dans la bataille de la Rade de la Hougue (1692), où elle se battit brillamment contre un ennemi deux fois supérieur en nombre (45 contre 88 navires en ligne). Lorsque, au cours de l’inévitable retraite, Tourville perdit un certain nombre de vaisseaux, cela suffit pour que l’intérêt du roi se détache. Apparemment, quelques arpents de terre à la frontière orientale de la France le préoccupaient davantage. La doctrine Vauban fut celle d’un repli continental derrière des côtes hérissées de forteresses.
Louis XV se désintéressait de la marine. Avec de bons ministres comme Choiseul et Castres, Louis XVI reconstruisit une marine qui se trouva au mieux de sa forme au moment de la guerre d’Amérique. Pour preuves, les succès de Suffren en mer des Indes et la bataille de la Chesapeake par laquelle l’amiral de Grasse mit fin à la guerre d’indépendance des États-Unis, le 5 septembre 1781.
À la veille de la Révolution, la marine était forte et bien dans sa peau, ouverte aux idées nouvelles. Les lendemains de 1789 l’ont fait vite déchanter : le Comité de salut public imposa des officiers d’infanterie à la tête des navires de la flotte. Les combats de Prairial en rade de Brest coûtèrent 2700 tués et 7 vaisseaux. À Groix, l’escadre Atlantique recula en désordre devant les Anglais. Ensuite il y eut Aboukir et Trafalgar. Les escadres françaises allèrent au carnage avec beaucoup de courage. Napoléon eut le tort de faire servir la Marine, alors qu’elle n’était pas prête. Plus qu’une victoire anglaise, Trafalgar fut surtout une défaite française, la fin d’un cycle de désintégration qui avait commencé en 1790. (à suivre)
Marc Rousset – Auteur de « Notre Faux Ami l’Amérique/Pour une Alliance avec la Russie » -Préface de Piotr Tolstoï – 370 p – Librinova – 2024
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire