vendredi 26 mai 2023

Le rôle décisif de la Russie et non pas de l’Amérique pendant les deux dernières guerres mondiales, par Marc Rousset

 

L’Europe  aime les Russes, mais pas la Russie, en raison de la propagande américaine, des médias et de deux grands mensonges historiques. Ce n’est pas l’Amérique, mais la Russie qui a joué le rôle décisif pendant les deux dernières guerres mondiales contre l’Allemagne impériale et le nazisme ;  Natalia Narotchnitskaïa l’a rappelé opportunément  dans son  ouvrage (1).  La Russie est une partie intégrante, souffrante, sacrificielle, disait même Pouchkine de la civilisation européenne.

« Les Américains, disait Godard, ont toujours attendu que l’Europe s’entre-tue pour intervenir ; ils sont venus quand tout le monde était fatigué, jamais au début, ni en 1914, ni en 1940. Tout ce qu’ils veulent, c’est envahir ; ils veulent envahir parce qu’ils n’ont pas d’histoire ; ils ont besoin d’envahir les gens qui en ont ».

La seconde guerre mondiale a été gagnée par la Russie dont les sacrifices humains  avant, pendant et après Stalingrad ont permis de vaincre l’Allemagne nazie qui avait lancé le 22 juin 1941 à quatre heures du matin l’opération Barbarossa.  C’est à vingt kilomètres de Moscou que des divisions venues de Sibérie soutenues par le « général hiver » avec une température de -30°C  arrêtèrent  pour la première fois  le 5 décembre 1941 l’offensive de la Wehrmacht. A Stalingrad s’affrontèrent dans une bataille acharnée, de juillet 1942 jusqu’à la capitulation du général Friedrich von Paulus, le 2 février 1943, deux armées de plus d’un million d’hommes, avec une violence qui dépassa toutes celles de la première guerre mondiale pour chaque maison, chaque château d’eau, chaque cave, chaque morceau de ruine. Mais c’est l’offensive allemande  manquée  de Koursk , le 4 juillet 1943, « la plus grande bataille de chars de l’histoire »  avec trois corps blindés, soit  2000 chars et deux corps d’armée d’infanterie sur soixante kilomètres du côté allemand et 20 000 pièces d’artillerie, trois cent pièces d’artillerie par kilomètre de front, des champs de mines d’une densité de 2500 appareils au kilomètre carré, du côté soviétique , qui va permettre à l’Armée rouge dès le 12 Juillet 1943 de s’engager  à fond dans l’offensive jusqu’à la défaite de l’Allemagne.  La Russie a versé un tribut de 23 200 000  morts civils et militaires  sur l’autel de la guerre totale  contre Hitler. La seule URSS a perdu la moitié des victimes de l’ensemble du conflit de 1939-1945.

Le débarquement de Normandie, en juin 1944, n’est intervenu que tardivement, alors que les troupes russes avaient déjà atteint la frontière orientale de l’Allemagne. Le débarquement allié a eu pour seul et principal  effet d’éviter que l’Europe entière devienne soviétique. Il y avait 26 divisions allemandes sur le front occidental contre 170 divisions sur le front de l’Est. Les pertes de l’Amérique en Europe  ont été de 182 070  tués pour l’ensemble des campagnes de 1941 à 1945, alors que pour la seule prise de la ville de Berlin, l’Amérique ayant préféré laisser faire et agir seule l’armée soviétique, les Russes ont perdu  300 000 hommes du 25 avril au 3 mai 1945. La Russie a donc eu, pour la prise de Berlin, plus de tués que les pertes militaires  américaines totales (292 000) des fronts européen et  japonais de décembre 1941 à août 1945 (2). Que ce soit au Japon avec le lancement de la bombe atomique en 1945 à Nagasaki et Hiroshima, à Dresde et à Hambourg avec le lancement de bombes au phosphore sur les réfugiés  pendant la deuxième guerre mondiale, au Vietnam, ou  plus récemment en Irak et en  Europe  avec les Serbes défendant leur territoire national , les Anglo-Saxons  excellent  toujours à engager l’aviation et à bombarder les populations civiles pour  diminuer le nombre de leurs propres pertes militaires en hommes.

Mais ce qui est beaucoup moins connu, c’est la vérité historique sur le triste record des pertes de la Russie de Nicolas II et de la Russie républicaine qui lui a succédé en 1917. Qu’on en juge : sur les 15 378 000 hommes mobilisés pendant la période 1914-1917, 6 400 000 furent tués ou blessés dont 2 700 000 pour la seule année 1916 au cours de laquelle des offensives de grande envergure furent entreprises par l’armée russe pour soulager l’armée française engagée à Verdun, l’armée italienne en déroute dans la région du Trentin en mai 1916, et l’armée roumaine battue en plusieurs endroits en août -septembre 1916. C’est à juste titre que le maréchal Foch pouvait dire : « Si nous avons pu tenir de la Marne à Arras et finalement à l’Yser, c’est que la Russie de son côté retenait une notable partie des forces allemandes ». En ce qui concerne le  chiffre exact du nombre de tués, la Russie avec 1700 000 tués eut même davantage de tués que la France saignée à blanc (1500 000) et légèrement moins que l’Allemagne (1 800 000)  contre à peine 100 000 pour les Etats-Unis ! Les pertes énormes de l’armée russe s’expliquent par le retard de l’industrie de l’armement et sa capacité de production tout à fait insuffisante, tous facteurs conduisant à une pénurie dramatique en armes et en munitions, laissant les troupes désarmées devant l’artillerie allemande. (3)

Lorsque les Etats-Unis entrèrent en guerre en 1917, l’armée allemande était dans un état de crise lui laissant peu d’illusions sur l’issue finale de la guerre. C’est là l’une des raisons qui ont poussé l’état major allemand à permettre la traversée de l’Allemagne du « wagon plombé » contenant Lénine et ses bolcheviques qui prirent le pouvoir, à la suite d’un putsch à Petrograd le 6 novembre 1917, et mirent fin à la guerre, en ce qui concerne la Russie.

Les Etats-Unis ont fait la guerre pour que l’Europe ne soit ni soviétique ni allemande  et non pas pour défendre la liberté des Européens.

Les naïfs croient  et les médias répètent  continuellement que les Etats-Unis sont venus libérer les Européens en 1944, de la même façon que  Lafayette avait défendu l’indépendance des Etats-Unis à la fin du XVIIIe siècle. Tout cela est aussi faux que la propagande  médiatique américaine du plan Marshall qui a été élaboré, selon les dires mêmes  du  professeur Lodge à Harvard, non pas pour aider généreusement les Européens dans leurs efforts de reconstruction, mais tout simplement pour éviter que l’Europe devienne communiste et soviétique. George Marshall raisonnait moins en économiste qu’en diplomate et chef de guerre, soucieux avant tout de contenir l’Union soviétique ! Le mythe de Lafayette, combattant désintéressé pour la liberté, et son discours au Congrès en 1824, c’est également du folklore lyrique pour politiciens démagogues, oublieux des vérités historiques, de la géopolitique et de la « Realpolitik ».

« Nous ne sommes pas venus en Europe sauver les Français. Nous sommes venus parce que nous, les Américains, nous étions menacés par une puissance hostile, agressive et très dangereuse… ». C’est d’un  opuscule que l’armée américaine distribua à ses soldats à la Libération que Philippe de Gaulle tire cette citation, publiée dans son livre « De Gaulle, mon père ». «  Mon père le répétera, ajoute-t-il, les Américains qui sont morts en libérant la France sont morts pour les Etats-Unis d’Amérique et pour personne d’autre. De même que tous les Français qui sont morts sur un champ de bataille, y compris pour l’indépendance des Etats-Unis d’Amérique, sont morts pour la France et le roi qui la personnifiait ». La France de Louis XVI a aidé les Etats-Unis dans leur guerre d’indépendance non pas pour défendre leur liberté, mais par simple désir politique  de revanche du calamiteux  traité de Paris de 1763, afin de  mieux  contrer la puissance britannique.

Avec le temps, les Européens deviennent donc de moins en moins dupes et se demandent à juste titre pourquoi ils devraient remercier les Etats-Unis ; tout au plus, peuvent-ils les remercier pour n’être pas devenus communistes, ce qui est par contre parfaitement exact.

Marc Rousset. 

Marc Rousset est l’auteur de «  La Nouvelle Europe Paris-Berlin-Moscou » – Editions Godefroy de Bouillon-538p-2009

1) Natalia Narotchnitskaïa  –  Que reste-t-il de notre guerre ? – Editions des Syrtes,  Février 2008

2) Pieter Lagrou - La violence de guerre 1914-1945, p322 – Complexe – Bruxelles – 2002

3) Général (CR) Andolenko – Histoire de l’armée russe-  Flammarion/Histoire, 1967

Photo : Bundesarchiv Bild 183-R77767, Berlin, Rotarmisten Unter den Linden (cc) Wikipedia

https://www.breizh-info.com/2014/06/08/13202/role-decisif-russie-pas-lamerique-les-dernieres-guerres-mondiales-marc-rousset/

Aucun commentaire: