mardi 28 mars 2023

De la théologie politique américaine 2/4

  

Kenneth M. Coleman cite Sal­va­dor de Ma­da­riaga qui décrivit la nature de la doctrine Monroe dans les termes suivants : « Je sais seulement deux choses à propos de la doc­trine Monroe : l’une est qu’aucun Américain que j’ai rencontré ne sait ce que c’est ; l’au­tre est qu’aucun Américain que j’ai rencontré ne consentirait à ce que l’on tergiverse à son pro­pos… J’en conclus que la doctrine Monroe n’est pas une doctrine mais un dogme… pas un seul dogme, mais, à bien y regarder, deux, à savoir : le dogme de l’in­faillibilité du Pré­sident américain et le dog­me de l’immaculée con­ception de la politique étrangère américaine » (11).

Les intérêts des États-Unis sont les intérêts de l’humanité toute entière

La croyance selon laquelle les Américains sont un peuple choisi par Dieu pour amorcer une expansion sans fin était in­hérente tant à la doctrine de la Des­ti­née Manifeste qu’à la doctrine Monroe. « L'expression qui exprimait ce sens de certitude morale de l’expansion géo­graphique — la “Destinée Ma­ni­fes­te” — trahissait la certitude calviniste assurée que Dieu révélera au monde ceux qui assureront Sa grâ­ce en les rendant prospères ». Si les États-Unis re­pré­sentent la Terre Promise du Peuple Élu, alors « il est presque impossible de concevoir une si­tua­tion dans laquelle les in­té­rêts du genre humain ne sont pas hautement similaires à ceux des États-Unis. En faisant mon­tre d’une telle présomption, l’oppo­si­tion à la Destinée Manifeste (des États-Unis) n’était pas une simple opposition politique — elle ne re­pré­sentait pas même une quelconque différence d’o­pinion —, elle se posait plutôt comme une hé­ré­sie contre le peuple élu par Dieu lui-même… Si les autorités des États-Unis — les autorités choisies par le peuple favorisé par Dieu lui-même — étaient en faveur d’u­ne politi­que donnée, alors critiquer la justice ou la mo­­ra­lité de cette politique s’avérait moralement im­possible » (12).

À cet égard on peut rappeler la conclusion  de Werner Sombart pour qui « le calvi­nis­me est la victoire du judaïsme sur la chrétienté » et « l’Amérique est la quin­tessence du judaïsme ». L’immoralité politique de la doctrine de la « Destinée Manifeste », l’ex­pansionnisme géopolitique derrière la doctrine Monroe conquérante de territoires et l’impérialisme économique, tel qu’il se manifeste sous la for­me de la politique des « portes ouvertes » (Open Doors Po­licy), deux options qui ont été par la suite combinées sous la dénomination de “wil­so­nisme” (Doctrine Wilson), sont en fait des traductions historiquement mal­ignes de la vieil­le immoralité talmudique, re­pérable dans l’his­toire.

C. Schmitt a fait ressortir que la transformation de la doctrine Monroe, à partir d’un Grand espace (Großraum) concret en un principe universel, autrement dit la « théologisation » d’un im­périalisme américain spécifique et particu­lier en un Monde universel et à forte puissance capitalistique, servant prétendument les intérêts du genre humain, est aussi le com­men­cement de la “théo­lo­gisation” des objectifs de la politique étrangère améri­caine (13). Ce pro­ces­sus de “théologisation” débu­ta au cours de la présidence de Théodore Roosevelt, mais le Président Woodrow Wilson fut le premier à élever la doctrine Monroe au rang d’un prin­cipe mon­dial (Weltprinzip), à véritablement “mondialiser” une doctrine qui, auparavant, était censée se li­miter au seul hé­misphère occidental, pana­mé­ricain. Dans la moralité calviniste, talmudi­que et axée sur la Prédestination de Woodrow Wilson, l’idée-projet de règne mondial (Weltherrschaft) de l’Amérique devient la substance même de son plaidoyer pour une doctrine Monroe à ap­pliquer au monde entier.

L’immoralité foncière de Wilson le “moraliste”

Un cas d'école est le slogan américain de la “De­s­tinée Manifeste” servant à accroître l’ai­re d’ap­pli­cation de la Doctrine Monroe par le biais du prin­cipe de l’autodétermination des peuples. C'est ce dernier dont usa le Président Wilson lors de la Conférence de paix de Paris (Versailles), pour étendre de fait — et sub­tilement — les sphè­res d’influence anglo-saxonne et pour créer un Cordon Sanitaire en Europe, composé d’États-tampons, autour de l’Alle­ma­gne et de la Russie Soviétique. Évi­demment, le Président Wilson, dans son em­pressement à faire va­loir en Europe le droit à l’autodétermination, n’a jamais dénoncé la doc­trine Monroe qui incarnait, à son épo­que, dans l’hémisphère américain, la né­ga­tion absolue de ce droit qu’il proclamait au bénéfice des petits peuples des anciens môles impé­riaux d’Eu­­rope centrale et orientale. En fait, ce qu’il entendait par droit à l’auto­dé­termination était déjà clairement apparu en 1914, lorsque les États-Unis, corrompant le gou­vernement élu du Mexique, bombardèrent la cité portuaire mexicaine de Vera Cruz, tuant ain­si des cen­taines de civils. Après le bombardement, qui conduisit finalement à la chute du gou­ver­ne­ment mexicain et à l’installation d’un pantin à la solde des États-Unis, le Président Wil­son, soulignant avec emphase l'iden­tité entre politique américaine et jus­tice universelle, assura au mon­de que « les États-Unis se rendirent au Mexique [renverser le gouvernement] pour rendre service à l’humanité » (14) (sic !). Le Président Wilson croyait sincèrement au rô­­le assigné aux États-U­nis par la Providence pour diriger le monde.

Aujourd’hui, si l’on regarde la situation de la You­go­slavie, on peut constater qu’une fois en­co­re le prin­cipe pseudo-universel du droit à l’au­todétermination a été utilisé comme un mo­yen idéologique pour ren­verser un statu quo existant, via un règlement fron­talier en Europe, alors que les frontières euro­péennes a­vaient été définitivement reconnues et ac­ceptées comme telles par les Accords d’Hel­sin­ki. De même, ce fameux droit à l’autodéter­mi­nation, in­ven­té jadis par Wilson, a servi à lé­gi­timer les atrocités musulmanes lors de la guer­re en Bosnie d’abord, puis celles, innom­ma­bles, des bandes armées des Albanais du Ko­sovo, en fait un équivalent européen des “Contras” du Ni­cara­gua, armés, entraînés et financés par les États-U­nis. L’Europe est désormais traitée de la même ma­nière que les anciennes ré­pu­bliques latino-amé­ri­cai­nes. [ndt : Pire, dans le cas de la Bosnie et du Ko­sovo, les dirigeants des principales puissances euro­péennes ont ap­plaudi et participé à ces horreurs, en po­sant, via les relais médiatiques, les assassins bos­niaques et albanais comme des héros de la li­berté ou des défenseurs des droits de l'hom­me]

Quand l’Allemagne hitlérienne reprenait à son compte les concepts forgés par Wilson

Ironie historique : l’Allemagne nazie em­prun­ta, en son temps, de nombreux concepts idéo­logiques venus d’Amérique. Ainsi elle fonda en un premier temps ses requêtes pour réviser le statu quo du Traité de Versailles sur le principe d’égalité que le Traité de Versailles avait violé. Comprenant que le droit international en place n’était rien d’autre que l’universalisation de l’hé­gémonie anglo-saxonne ainsi que la “théo­lo­gi­sation” d'un intérêt national par­ticulier, les juristes allemands se sont donc mis à parler d’un nouveau droit interna­tio­nal qui servirait l’intérêt national allemand, comme le droit en place servait les intérêts na­tio­naux américains. Ils usèrent égale­ment du concept d’un « Nouvel Ordre mondial juste » destiné à justifier l’expansionnisme ger­ma­nique et à préparer le renversement du sta­tu quo international, qui s’était établi après la guerre de 14-18.

Délégitimer les intérêts nationaux des autres pays

Les principes de bases de la théologie politique a­mé­ricaine peuvent se résumer comme suit :

◊ a) L’intérêt national des États-Unis est univer­sa­lisé jusqu'à devenir l’intérêt universel du genre humain ou de la communauté inter­na­tio­nale. Par conséquent, l’expansionnisme im­périaliste américain est alors considéré comme un avancement de la race hu­maine, une promo­tion de la démocratie, une lutte con­tre le totalita­ris­me, etc. Les intérêts américains, le droit in­ter­national, et la moralité internationale de­vien­nent équivalents. Ce qui sert les intérêts a­mé­ri­cains est posé, avec morgue, com­me faisant progresser la morale et le droit — dans tous les cas de figure (15).

À suivre

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