jeudi 28 janvier 2021

Les derniers paysans

 Un historien raconte la trajectoire, sur quatre ou cinq générations, de familles qui incarnent d’authentiques dynasties paysannes.

     Vers 1950, la France était encore une nation rurale dont les paysans formaient le tiers de la population. Aujourd’hui, plus de huit Français sur dix vivent en ville, tandis que les agriculteurs ne représentent plus que 1 % de la population active.

Dès 1967, le sociologue Henri Mendras publiait un livre dont le diagnostic tenait dans le titre : La Fin des paysans. L’auteur y défendait une thèse qui avait fait scandale à l’époque. La disparition de la civilisation paysanne, selon lui, ne laisserait dans les campagnes françaises que des agriculteurs-producteurs obéissant aux règles du marché, de la division du travail et de la technique.
Mendras avait été prophète en analysant les conséquences de la fin de la paysannerie, catégorie sociale qui a profondément marqué notre histoire, notre culture et notre imaginaire. François Mitterrand, avec sa célèbre affiche de 1981 le campant devant un village surplombé par son église, savait sur quelle corde nostalgique il jouait dans l’opinion.
     Chaque année nous apporte son lot de documentaires télévisés ou de beaux livres illustrés sur les derniers paysans. La fin du village ou l’apparition des « rurbains », ces citadins qui se sont fixés à la campagne mais qui finissent par être rattrapés par l’urbanisation, ont suscité, de même, de nombreuses publications savantes. Tout autre est la perspective suivie par Jean-Marc Moriceau, professeur à l’université de Caen, spécialiste d’histoire rurale, dans Secrets de campagnes. Dans cet ouvrage, l’historien raconte la trajectoire, sur quatre ou cinq générations, de cinq familles incarnant d’authentiques dynasties paysannes, mais dont les héritiers actuels ont su se maintenir sur leurs terres et s’adapter aux exigences de l’agriculture du XXIe siècle. De la Bourgogne à l’Angoumois et de la Normandie à l’Auvergne, les contextes diffèrent, et nul éleveur ou cultivateur n’est semblable à un autre. Mais un trait commun caractérise ces hommes : ils font un métier où rien n’est jamais acquis et où tout est un combat permanent. D’où un effet de contraste entre un ancrage ancestral et une certaine fragilité qui pend comme une épée de Damoclès au-dessus de ces paysans à la fois si modernes et si peu modernes.

Jean Sévillia 

Secrets de campagnes. Figures et familles paysannes au XXe siècle, de Jean-Marc Moriceau, Perrin, 238 p., 19,50 €.

https://www.jeansevillia.com/2015/04/11/les-derniers-paysans/

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