dimanche 27 décembre 2020

Préface du traducteur à “Religiosité indo-européenne” de H. F. K. Günther 3/3

 Revenu à Fribourg pendant la guerre, il quitte une nouvelle fois sa ville natale quand son institut est détruit et se fixe à Weimar. Lorsque les Américains pénètrent dans la ville, le savant et son épouse sont réquisitionnés un jour par semaine pour travailler au déblaiement du camp de Buchenwald. Quand les troupes US abandonnent la région pour la céder aux Russes, Günther et sa famille retournent à Fribourg, où l'attendent et l'arrêtent des militaires français. L'anthropologue, oublié, restera 3 ans dans un camp d'internement.

Les officiers de la Sûreté le traitent avec amabilité, écrira-t-il, et la “chambre de dénazification” ne retient aucune charge contre lui, estimant qu'il s'est contenté de fréquenter les milieux scientifiques internationaux et n'a jamais fait profession d'antisémitisme. Polac, Billig et Souchon, eux, sont plus zélés que la chambre de dénazification… S'ils avaient été citoyens ouest-allemands, ils auraient dû répondre devant les tribunaux de leurs diffamations, sans objet puisque seule compte la décision de la chambre de dénazification — contrôlée par la France de surcroît puisque Fribourg est en zone d'occupation française — qui a statué en bonne et due forme sur la chose à juger et décidé qu'il y avait non-lieu.

Günther se remit aussitôt au travail et dès 1951, recommence à faire paraître articles et essais. En 1952, paraît chez Payot une traduction française de son ouvrage sur le mariage : Le Mariage, ses formes, son origine. En 1953, il devient membre correspondant de l'American Society of Human Genetics. En 1956 et 1957, paraissent 2 ouvrages particulièrement intéressants : Lebensgeschichte des Hellenischen Volkes et Lebensgeschichte des Römischen Volkes (Histoire biologique du peuple grec et Histoire biologique du peuple romain), tous 2 repris de travaux antérieurs, commencés en 1929.

En 1963, paraît la 6ème édition, revue et corrigée, de Frömmigkeit nordischer Artung. Cette 6ème édition, avec l'édition anglaise plus complète de 1967 (Religious attitudes of the Indo-Europeans, Clair Press, London, 1967), a servi de base à cette version française de Frömmigkeit nordischer Artung, dont le titre est dérivé de celui d'une édition italienne : Religiosita indoeuropea. Le texte de Frömmigkeit… est une exploration du mental indo-européen à la lumière des textes classiques de l'antiquité gréco-romaine ainsi que de certains passages de l'Edda et de poésies de l'ère romantique allemande. Avec les travaux d'un Benveniste ou d'un Dumézil, ce livre apparaîtra dépassé voire sommaire. Sa lecture demeure néanmoins indispensable, surtout pour les sources qu'il mentionne et parce qu'il est en quelque sorte un des modestes mais incontournables chaînons dans la longue quête intellectuelle, philologique, de l'indo-européanité, entreprise depuis les premières intuitions des humanistes de la Renaissance et les pionniers de la linguistique comparée.

Après la mort de sa femme en 1966, Günther vit encore plus retiré qu'auparavant. Pendant l'hiver 1967-1968, il met péniblement en ordre — ses forces physiques l'abandonnent — ses notes personnelles de l'époque nationale-socialiste. Il en sort un livre : Mein Eindruck von Adolf Hitler (L'impression que me fit Adolf Hitler). On perçoit dans ce recueil les raisons de la réticence de Günther à l'égard du régime nazi et on découvre aussi son tempérament peu sociable, hostile à tout militantisme et à tout collectivisme comportemental.

S'il fut, malgré lui, un anthropologue apprécié du régime, choyé par quelques personnalités comme Darré ou Rosenberg, Günther fut toujours incapable de s'enthousiasmer pour la politique et, secrètement, au fond de son cœur, rejetait toute forme de collectivisme. Pour ce romantique de la race nordique, les collectivismes communiste ou national-socialiste sont des “asiatismes”. L'option personnelle de Günther le rapproche davantage d'un Wittfogel, théoricien du “despotisme oriental” et inspirateur de Rudi Dutschke.

L'idéal social de Günther, c'est celui d'un paysannat libre, sans État, apolitique, centré sur le clan cimenté par les liens de consanguinité. En Scandinavie, dans certains villages de Westphalie et du Schleswig-Holstein, dans le Nord-Ouest des États-Unis où se sont fixés de nombreux paysans norvégiens et suédois, un tel paysannat existait et subsiste encore très timidement. Cet idéal n'a jamais pu être concrétisé sous le IIIe Reich.

Mein Eindruck von Adolf Hitler (4) est, en dernière instance, un réquisitoire terrible contre le régime, dressé par quelqu'un qui l'a vécu de très près. Ce document témoigne d'abord, rétrospectivement, de la malhonnêteté profonde des pseudo-historiens français qui font de Günther l'anthropologue officiel de la NSDAP et, ensuite, de la méchanceté gratuite et irresponsable des quelques larrons qui se produisent régulièrement sur les plateaux de télévision pour “criminaliser” les idéologies, les pensées, les travaux scientifiques qui ont l'heur de déplaire aux prêtres de l'ordre moral occidental…

Épuisé par l'âge et la maladie, Günther meurt le 25 septembre 1968 à Fribourg. La veille de sa mort, il écrivait à Tennyson qu'il souhaitait se retirer dans une maison de repos car il ne ressentait plus aucune joie et n'aspirait plus qu'au calme.

Robert Steuckers (Bruxelles, sept. 1987).

◘ Notes :

• (1) Michael Billig, L'internationale raciste : De la psychologie à la science des races, Maspero, 1981.
• (2) Hans-Jürgen Lutzhöft, Der Nordische Gedanke in Deutschland, 1920-1940, Ernst Klett Verlag, Stuttgart, 1971. La présente introduction tire la plupart de ses éléments de cet ouvrage universitaire sérieux.
• (3) Cf. Hans F. K. Günther, Die Nordische Rasse bei den Indogermanen Asiens, Verlag Hohe Warte, Pähl, 1982 (réédition).
• (4) Hans F. K. Günther, Mein Eindruck von Adolf Hitler, Franz v. Bebenburg, Pähl, 1969.

Bibliographie

Œuvres de Hans Günther en français

Études

http://www.archiveseroe.eu/gunther-a48739504

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