lundi 28 décembre 2020

Il a bien choisi le jour et l'heure : c'est au moment précis où le gouvernement de son pays se félicite, à tort ou à raison, d'avoir retrouvé sa pleine souveraineté, que le Britannique George Blake est allé rejoindre l'enfer des traîtres et des agents soviétiques de la guerre froide.

Âgé de 98 ans, ce fonctionnaire du Foreign Office avait été condamné en 1961 à 42 années de prison pour espionnage au profit de l'URSS. Son cas, certes, n'était pas isolé : on se souvient, par exemple, des Cinq de Cambridge, un réseau de renseignement au profit de l'Est dont on a pu soupçonner que les ramifications se soient étendues au-delà, peut-être jusqu'à 17 affidés. Tous recrutés sur la base de leur appartenance au parti communiste. L'un d'entre eux, par exemple, le célèbre Kim Philby géra pendant des années les actions britanniques dans les Balkans, au proche orient, et à Chypre, attisant et envenimant [1] dans l'île un conflit qui déchire encore deux alliés de l'OTAN...

Le cas Blake était tellement pendable qu'il écopa de 3 fois la peine maximale prévue par la loi britannique, 14 ans.

S'il n'a pas rendu publique la confession de Blake, l'attorney général a tout de même cité les paroles de l'accusé : "Il n'y a pas un document officiel d'importance auquel j'avais accès qui n'ait été transmis à mon contact soviétique."

Ce triste sire a avoué avoir espionné continuellement pour l'URSS. au cours des 9 années précédentes. Lord Parker considérait que les informations ainsi livrées étaient d'une grande importance et qu'elles avaient "rendu complètement inutile une grande partie de l'effort de défense de notre pays"...

En octobre 1966, il était parvenu à s'évader, à l’aide d’une échelle en corde, et à déjouer toutes les polices. Il réussit à traverser le rideau de fer via l'Allemagne de l'Est et passe pour toujours de l'autre côté. Ayant rejoint Moscou, il y est resté jusqu'à la fin de ses jours, y compris après la chute du communisme. Serge Ivanov, porte-parole des services de renseignements extérieurs russes et même Vladimir Poutine rendent, aujourd'hui, hommage aux services qu'il a rendus à la "parité"militaire entre l'Est et l'Ouest.

Un bienfaiteur de l'humanité et de la paix en quelque sorte.

Au KGB, outre la révélation du tunnel qui permettait de passer sous le mur de Berlin, il a fourni les noms de centaines d’agents occidentaux. On ignore ce que les malheureux intéressés sont devenus.

Mais ceux qui auraient pu douter du caractère quasi-religieux du communisme évoqué dans notre précédente chronique[2] gagneront à découvrir la manière dont Blake lui-même définissait encore, au gré d'une conférence de presse de janvier 1991 son engagement d'alors :

"Pour moi, le communisme consistait à essayer de créer le Royaume de Dieu sur terre. Les communistes essayaient concrètement de faire ce que l’Église avait essayé d’obtenir par la prière (...) J’en ai conclu que je ne me battais pas du bon côté".

Ah le brave homme ! Quelque peu surpris, il découvrit sur place, sans remettre en cause son action, que le paradis soviétique n'en était pas un : "L’une des choses m’ayant le plus déçu, c’est que je pensais qu’un nouvel homme était né ici. J’ai vite compris que ce n’était pas le cas. Ce sont juste des gens normaux. Comme tout le monde, leur vie est dirigée par les mêmes passions humaines, la même cupidité et les mêmes ambitions".

Décevant n'est-ce pas ?

Et que dire de la misère pour le plus grand nombre et de l'oppression pour tous dans ce prétendu paradis  ?

JG Malliarakis  

[1] Dans cette affaire, les services anglais manipulés avaient inventé le problème de la minorité turque habitant dans l'île et monté de toutes pièces, sans qu'on ait jamais su dans quel but,  un réseau terroriste turc appelé TNT.

[2] cf. L'Insolent du 25 décembre "Des idées chrétiennes devenues folles"

https://www.insolent.fr/2020/12/mort-dun-vieux-traitre.html

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