mardi 18 août 2020

Notre oncle de Néandertal

 Cela faisait des décennies que tes chercheurs se demandaient si l'homme de Néandertal, apparu il y a 400 000 ans et disparu il y a environ 30 000 ans dans des conditions qui ne sont toujours pas éclaircies, s'était ou non croisé avec l’Homo sapiens sapiens, c'est-à-dire l'homme (anatomiquement) moderne, avec lequel il a coexisté pendant une dizaine de milliers d'années. Cette fois-ci, le doute semble ne plus être permis. L'examen de l'ADN de 1983 individus provenant de 99 populations différentes du monde, et sa comparaison avec celui de l'homme de Néandertal (4 milliards de nucléotides provenant de trois spécimens), qui est maintenant entièrement décrypté, permettent d'affirmer que des espèces humaines aujourd'hui disparues, comme l’Homo neanderthalensis et l’Homo heidelbergensis, se sont mélangées avec nos ancêtres directs à deux reprises au moins - la première fois au Levant ou dans l'actuelle Arabie séoudite il y a environ 60 000 ans, à la fin du pléistocène, la seconde en Asie orientale il y a environ 45 000 ans - et que leur part dans l’ADN de l'homme actuel avoisine 4 %, ce qui est loin d'être négligeable.

Les conclusions de cette étude, réalisée par un groupe de généticiens de l'Université du Nouveau Mexique dirigé par Jeffrey Long, ont été présentées le 17 avril 2010 à Albuquerque, lors de la rencontre annuelle de l'American Association of Physical Anthropologists, où elles ont fait sensation. La méthode utilisée a consisté à analyser les positions de 614 micro-satellites du génome humain (des sections du génome pouvant être utilisées comme des empreintes digitales), et à créer un arbre évolutionnaire permettant d'expliquer et de dater les variations génétiques que l'on y a trouvées. « Il y a un peu de Néandertal qui subsiste chez presque tous les humains d'aujourd'hui », a déclaré Jeffrey Long. Chez presque tous, mais pas chez tous. Un point particulièrement intéressant est en effet que les populations africaines subsahariennes ne possèdent pas cet héritage néandertalien que l’on retrouve chez les Européens et les Asiatiques jusqu'en Papouasie et en Nouvelle-Guinée. C'est même précisément le fait que le génome néandertalien soit plus proche de celui des Asiatiques et des Européens que de celui des Africains qui a permis de vérifier et de dater les anciens croisements dont on a maintenant la preuve (si les Néandertaliens n'avaient contribué en aucune façon au génome humain, la même distance entre les deux génomes se retrouverait partout).

Ces résultats posent une question subsidiaire : étant donné que la définition classique de l'espèce biologique implique qu'un croisement entre espèces différentes soit infertile, l'homme de Néandertal, considéré jusqu'ici comme une espèce séparée au sein du genre Homo, doit-il cesser d'être considéré comme tel ?

Sources : Nature Online, 20 avril 2010; Nature, 7 mai 2010; BBC News, 8 mai 2010.

éléments N°136 juillet-septembre 2010

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