dimanche 28 août 2011

Le procès fait à Pie XII : c'est un montage anti-pape


La prétendue culpabilité de Pie XII face aux Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale était l'une des bombes envoyées contre le Saint-Siège, dont il s'agit de détruire l'influence spirituelle mondiale, et même tout simplement la légitimité par tous les moyens.
Monseigneur Dominique Le Tourneau est membre de l'Opus Dei, il est à la fois un juriste de premier rang et un poète, un mystique. C'est dire la largeur de son domaine d'intervention ! Il vient de publier dans une collection canadienne un livre qui expose une perspective encore peu explorée sur les droits et les devoirs des fidèles laïcs dans l'Église. Mais le petit livre qui retient notre attention aujourd'hui concerne justement l'attitude de Pie XII durant la Seconde Guerre mondiale. C'est à lui seul un événement. Je crois que l'ayant lu, personne ne peut plus apporter le moindre crédit à la thèse du silence volontaire de Pie XII sur la Shoah…
Monseigneur, vous êtes l'un des spécialistes français du droit canonique et vous abordez dans le petit livre que vous venez de publier chez Téqui la question terrible des rapports entre Pie XII et la Shoah. Pourquoi affrontez-vous ce sujet ? Par quel biais en êtes-vous arrivé à vous intéresser particulièrement à cette question ?
Je me suis intéressé à la question des rapports entre Pie XII et les Juifs à l'occasion d'un colloque organisé par l'Association « Écouter avec l'Église », fondée par le Père Michel Viot, et dont je suis le vice-président. La qualité exceptionnelle des interventions et leur apport à la connaissance de la vérité m'ont incité à publier les Actes de ce colloque et à y rajouter des éléments qui permettent de mieux comprendre le rôle que le Serviteur de Dieu Pie XII a joué à une époque aussi cruciale et difficile que la Deuxième Guerre mondiale.
C'est ainsi que je propose dans cet ouvrage une biographie très détaillée du pontife et toute une série de témoignages de personnalités juives qui, pendant le cours de la guerre et au moment du rappel à Dieu du pape, en 1958, ont salué unanimement son action en faveur des Juifs.
Je dois ajouter que, comme le sujet est particulièrement sensible et reste d'actualité, cela m'a conduit à poursuivre ce travail et j'envisage la publication prochaine d'un ouvrage qui retrace brièvement l'ensemble de la vie de ce grand Pontife.
Je n'irai pas par quatre chemins avec vous. II y a eu beaucoup de livres sur Pie XII et les Juifs, que ce soit en attaque ou en défense. Qu'est-ce que vous apportez de neuf ? Quels étaient les spécificités du Colloque qui se trouve repris ici en volume ?
Notre ouvrage porte comme sous-titre : « Le silence de Pie XII ? » Le point d'interrogation est évidemment essentiel. C'est à cette interrogation que répond l'ouvrage. Les interventions de l'historien Philippe Chenaux, spécialiste de l'histoire contemporaine, de Me Serge Klarsfeld, bien connu pour sa chasse des nazis, et de Gary Krupp président-fondateur de Pave the Way Fundation et, au départ, farouche adversaire de Pie XII, démontent le mécanisme du soi-disant « silence de Pie XII ».
L'on sait de nos jours que toute l'affaire a été montée par le KGB, les services secrets de la Russie soviétique, furieux de la condamnation par l'Église, et par le pape Pie XII, du communisme athée. Les premières attaques intervinrent d'ailleurs, dès 1945, sur les ondes de Radio-Moscou. Il est intéressant de noter que le poison ainsi distillé subtilement grâce à la pièce Le Vicaire et réadministré par le film Amen de Costa Gavras, a fait les délices du monde anglo-saxon qui a relayé complaisamment les attaques contre Pie XII, tandis que les Juifs s'en tenaient, dans un premier temps du moins, à l'estime qu'ils éprouvaient pour le Pontife. Des voix ne s'étaient-elles pas élevées en Israël à la mort de Pie XII pour demander que l'on plantât une forêt de 860 000 arbres correspondant au nombre de Juifs qu'il avait contribué à sauver pendant le cataclysme mondial ? J'aime demander combien Churchill, De Gaulle, Roosevelt et Staline en ont sauvés. Et nul ne leur fait grief de leur attitude à cet égard ! C'est quand même curieux.
400 Juifs s'enrôlèrent dans la Garde pontificale
Ceci étant, le pape Pie XII ne s'est pas contenté de parler autant qu'il le pouvait, sa marge de manœuvre étant étroite, car un mot de trop risquait d'entraîner des représailles massives de la part des nazis, comme ce fut le cas aux Pays-Bas quand les évêques condamnèrent leurs exactions en chaire.
Pie XII a également agi en organisant des réseaux d'évasion de Juifs hors d'Italie, par exemple en obtenant du président de la République Dominicaine 1600 visas par an. Il a aussi demandé aux institutions catholiques d'ouvrir généreusement leurs portes pour accueillir des Juifs, comme lui-même en fit admettre des centaines au Vatican, dont 400 s'enrôlèrent dans la Garde pontificale.
J'ajouterai que l'ambassadeur d'Israël près le Saint-Siège, M. Mordechai Levy, a déclaré, le 23 mai dernier, lors de la cérémonie de remise des insignes de « Juste parmi les nations » au P. Piccinini, que « la volonté vaticane de sauver des Juifs est un fait ». Il a ajouté que « le Saint-Siège a agi. Il n'a pas pu empêcher le départ du train pour Auschwitz le 18 octobre 1943, trois jours après la rafle du ghetto. Certes, les Juifs de Rome s'attendaient à la protection du pape à ce moment-là. Mais c'est un fait que ce 18 octobre, c 'est le seul convoi qui soit parti pour Auschwitz ».
En outre, il faut préciser que les interventions énergiques et directes de Pie XII auprès du Lieutenant Général Stahel, gouverneur militaire nazi de Rome, ont permis de sauver 7000 des 8 200 Juifs restant dans la Ville Eternelle.
Pouvez-vous insister sur les travaux de la fondation Pave the Way, avec Gary Krupp ?
La Pave the Way Fundation, créée par Gary Krupp et sa femme, est une organisation laïque qui œuvre pour construire la paix en comblant les fractures au niveau de la compréhension et de la coexistence entre les religions en menant des actions culturelles, intellectuelles et techniques. Elle désire éliminer le recours à la religion comme instrument pour des fins partisanes pouvant donner lieu à des conflits armés. Elle vise donc à préparer le chemin, « pave the way », pour une compréhension mutuelle et universelle qui commence par l'éducation au quotidien.
Outre l'acquisition du papyrus Bodmer, contenant les fragments parmi les plus anciens des Évangiles selon saint Luc et saint Jean, qu'elle a offert récemment à la Bibliothèque vaticane, outre l'organisation de la plus grande réunion de responsables Juifs dans l'histoire pour remercier le bienheureux Jean Paul II de ses efforts pour améliorer les relations entre Chrétiens et Juifs, outre l'appui à des conférences internationales visant à promouvoir les relations interreligieuses, la fondation est actuellement engagée dans la publication des archives de Pie XII sur Internet.
Comme je l'ai dit, pour Gary Krupp, au départ, Pie XII était le « pape d'Hitler », ce qui n'a, en revanche, jamais été le cas pour Serge Klarsfeld. Krupp a commencé à changer d'avis quand il a découvert l'existence d'un plan secret des nazis pour assassiner le pape. De fil en aiguille, interrogeant des témoins, en particulier sœur Pasqualina, la gouvernante de Pie XII, il dut se rendre à l'évidence : il faisait fausse route en voyant en Pie XII le pape de Hitler. Sa grande honnêteté intellectuelle lui a permis de comprendre que tout ce qu'il croyait savoir sur Pie XII était faux.
Pouvez-vous faire un bilan de l'évolution de cette délicate question historiographique du « silence » de Pie XII ? Comment voyez-vous l'évolution de la situation actuellement ?
Des travaux comme ceux du président Krupp sont tout à fait fondamentaux pour faire évoluer les mentalités au sujet du prétendu « silence de Pie XII ». Encore faut-il être intellectuellement prêt à examiner les faits en face. M. Krupp a invité à un symposium à Rome au cours duquel il présentait des documents et vidéos, plus de quatre-vingts dirigeants et chercheurs juifs et tous les critiques et institutions reconnues afin qu'ils puissent confronter leurs objections aux experts du Vatican dans ce domaine. Peu sont venus. Mais de ceux qui étaient présents, 90 % sont repartis avec une opinion favorable sur Pie XII.
La publication de Pie XII et la Shoah contribue aussi à faire la lumière. J'estime qu'après l'avoir lu, toute personne de bonne volonté ne colportera plus les ragots infâmes dont une certaine presse se délecte.
Mais il faut attendre encore trois ou quatre ans pour que l'ensemble des « archives Pie XII » soit accessible aux chercheurs. Il ne fait pas l'ombre d'un doute qu'il ne faut pas en attendre des découvertes sensationnelles. Moins encore des éléments à charge contre Pie XII, qui permettraient de conforter les attaques lancées contre ce pape, nous avons vu comment et dans quel esprit (c'est-à-dire dans un esprit de pure propagande, et donc sans fondement), et que certains prennent pour argent comptant sans faire l'effort intellectuel de se remettre dans le contexte de l'époque, ce qui est pourtant élémentaire et absolument indispensable pour comprendre un événement.
Quelle est l'attitude de Benoît XVI dans cette affaire ?
L'attitude de Benoît XVI dans cette affaire ne peut être dictée que par le souci de la vérité et du bien commun. L'Eglise n'agit pas à la légère quand elle entreprend un procès de béatification. N'oublions pas qu'il ne s'agit pas uniquement d'une procédure juridique, extrêmement méticuleuse et exigeante, mais que vient s'ajouter le sceau divin d'un miracle, qui doit être médicalement prouvé, mais qui n'est pas moins une marque de Dieu visant à authentifier la sainteté du Serviteur ou de la Servante de Dieu concerné. Face à cela, les humeurs des uns et des autres n'ont guère de poids.
Propos recueillis par l'abbé Guilaume de Tanoûarn monde & vie. 16 juillet 2011
Pie XII et la Shoah, Des historiens et des juifs témoignent,éd.Téqui 2011,10 euros.

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