samedi 26 mars 2011

Budapest, octobre-novembre 1956, Une révolution anti-marchande et anti-étatique pour un communisme authentique

- Mémoire ouvrière radicale- Budapest,  octobre 1956… Ce n’était qu’un combat, continuons ce début…

    Organisée spontanément par  un petit groupe d’étudiants et d’ouvriers hongrois, une  banale manifestation de solidarité avec les ouvriers polonais mit soudainement le feu aux poudres sociales en cette fin du mois d’octobre. Mais qui étaient  donc - en l’âme de leur colère profonde -  ces insurgés progressivement incontrôlables? A écouter l’imbécillité de la droite du capital, il se serait agi d’adeptes de la libre entreprise du calcul, simplement soucieux d’instaurer  la démocratie  de la marchandise  à l’occidentale, assoiffés de capitalisme libéral, développé et diffus. A entendre les idioties de la gauche du capital et plus particulièrement  les souteneurs du capitalisme étatique, concentré  et vétuste qui d’ailleurs n’alléguaient pas vraiment le contraire, les inspirateurs de la Commune de Budapest devaient être regardés comme de simples émeutiers ultra-réactionnaires  et para-fascistes.
    En réalité, il convient  avant tout de dissiper le brouillard pathogène de la propagande marchande dont la crétinerie démocratique du libre échange de l’avoir et du paraître  se sert de tous les côtés pour dissimuler la réalité radicale  et explosive de la révolution hongroise. Il s’agit  de montrer les exactes tendances communistes vraies  de cette révolution humaine contre le capitalisme d’État bolchévico-stalinien travaillant justement, dans les larmes, le sang et la fabulation sous faux-drapeau communiste.
    La révolution des conseils ouvriers qui prend forme à Budapest après celle de Berlin en 1953, vient pleinement confirmer la pertinence historique d’un projet révolutionnaire, à la fois radical et total,  voulant renouer avec le fil du temps millénaire de la communauté de l’être et aspirant à éradiquer toutes les impostures politistes de la société de la possession, de la frustration et de l’angoisse…Les événements de Budapest, modèles vivants de déclenchement d’une révolution anti-marchande et anti-étatique, constituèrent la première  révolution sociale d’après guerre en désignant de manière vivante la perspective du communisme authentique  opposé à toutes les idéologies léninistes et social-démocrates, toutes variantes passées, présentes et futures comprises.
    Comme dans toutes les Communes antérieures, Paris, Kronstadt ou Barcelone, l’insurrection hongroise opère spontanément en tant qu’auto-mouvement subversif des masses asservies cherchant justement à ne plus l’être. Le pouvoir capitaliste monolithique du parti-État se défait là en quelques jours devant un ensemble séditieux de mouvements sauvages, autonomes, centrifuges, tumultueux et anti-hiérarchiques.
Cette révolution communiste  à multiples foyers de base  se développe en refus de toute avant-garde et contre l’idée même d’une discipline et d’un assujettissement  à d’hypothétiques « professionnels » de la révolution. De la sorte, la Commune de Budapest  réhabilite les formes anti-domesticatoires de toute lutte radicale effective pour la communauté du vivre humain. Celles de la grève générale maximaliste et illimitée telle qu’elle implique la création de conseils révolutionnaires autonomes opérant sur la base d’une centralisation fédéraliste et d’une auto-organisation directe et permanente destinée à balayer les lois de l’argent et du marché. La Commune de Budapest met également en pièces le mythe du soi-disant parti révolutionnaire défendu par toutes les sectes de la socialisation marchande qui, de l’extrême droite à l’extrême gauche du capital,  rêvent pour dissimuler les angoisses d’impuissance de leur pathologie cheffiste, d’une organisation autoritariste  et concentrée qui destine les décisions à une élite savante et limitée à laquelle bien entendu chaque abruti orgueilleux de l’anti-pensée et de l’anti-jouir s’imagine prédestiné.

    L’insurrection du prolétariat hongrois  illustre exactement  la dialectique d’auto-mouvement des mouvements révolutionnaires en démontrant parfaitement toute l’importance de l’analyse si chère à Marx d’auto-émancipation radicale du prolétariat. Et c’est ici que se situe le cœur du projet communiste. N’en déplaise à tous les falsificateurs marxistes qui ont conduit Marx à déclarer précisément et si pertinemment qu’il n’était pas marxiste, la conscience révolutionnaire du prolétariat qui se nie comme prolétariat, loin d’émerger à partir d’un savoir particulier réservé à un gratin de paumés narcissiques spécifiques, est d’abord  le produit matériel et tangible d’une expérience vibrante et communautaire  de combat pour l’abolition de l’ordre établi du salariat et de l’Etat.
    À  partir du 25 octobre 1956,  les conseils ouvriers se multiplient et emplissent la vie de la Hongrie, le pouvoir de leur progressive hégémonie anti-étatique devient le seul pouvoir réel en dehors de l’armée rouge du capitalisme étatique. En substance, l’activité spontanée et radicale des insurgés illustre la force de leur créativité anti-politique et débouche sur l’émergence d’une puissance sociale radicalement nouvelle qui tend partout  à substituer sa logique humaine à celle de l’économie politique de l’in-humain.
    Qui dit communisme dit jaillissement de conseils insurrectionnels  tel que cela témoigne à la fois du contrôle de tout mandatement et de la claire  volonté d’empêcher toute tendance aliénatoire à l’autonomisation du pouvoir. L’adoption du mandat impératif  constitue là un des piliers vivants des conseils communistes pour l’émancipation humaine. Il s’efforce de prévenir la disjonction entre une minorité dirigeante et une majorité exécutante. A l’opposé du mandat représentatif de la collectivité marchande et étatique, il instaure la révocabilité permanente de tout mandataire. Ainsi,  le représentant est tenu d’appliquer les consignes de ceux qui l’ont élu pendant que le mandat représentatif confère une indépendance totale à celui-ci, qui, une fois élu, devient une simple voix dans le délire commercial de la nation trafiquante et non plus celle de ses mandants.
    Le 28 octobre, le conseil ouvrier de Szeged adoptait la revendication d’auto-organisation ouvrière. De nombreux conseils ouvriers suivirent le même cheminement. Le 2 novembre, la Fédération de la jeunesse annonçait : « Nous ne rendrons jamais la terre aux gros propriétaires fonciers ni les usines aux capitalistes. ». Sans nul doute,  la révolution hongroise s’est indubitablement montré  comme un anticapitalisme réel pour retrouver la réalité du communisme authentique  qui s’attaque aux rapports de production de la marchandise en tant que telle, en sachant que l’étatisation des moyens de production de l’exploitation n’est pas autre chose que de la servitude étatique. Le régime capitaliste lenino-trotsko-staliniste  avait là au moins permis de faire comprendre une chose essentielle aux prolétaires  hongrois. L’exploitation ne vient pas de la propriété privé du capital, mais plus généralement de la marchandisation de l’humain. L’étatisation des moyens de production – ou leur nationalisation – ne saurait en aucun cas conférer un caractère socialiste à la production. Une telle mystification avait seulement abouti à masquer la réalité d’un système capitaliste d’exploitation monumental qu’en 1956 les insurgés hongrois entreprirent alors de réduire en cendres…
    Évidemment, la cogestion yaltaiste de l’économie monde de la marchandise par le Kremlin et Wall-street, à l’heure des complicités géo-politiques de la cinématographie de la crise de Suez, allait conduire à l’écrasement sanglant de la Commune de Budapest…Mais par delà ses limites, ses faiblesses et ses contradictions qui n’étaient finalement que celles d’une époque où le devenir de l’histoire était encore marqué par le développement industriel encore possible de la production commerciale de la vie fausse, la colère ouvrière des barricadiers de Budapest a su signaler la direction du sens qui pose que l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes…Ce qu’énonce bien en tous ses contrastes et paradoxes, l’Appel du Conseil central ouvrier de Budapest du 27 novembre qui nous rappelle ici que l’essentiel consiste d’abord à balayer tous ceux qui n’entendent qu’améliorer et humaniser la pourriture du marché de l’oubli de l’être…
    Ce qui est déterminant dans un mouvement, ce n’est pas tant ce qui le plombe momentanément que ce qui par delà et du sein même de ce qui le bloque et l’aveugle, tend à simultanément mettre en mouvement son arrachement et son échappement vers l’au-delà des illusions de l’empire de la soumission en l’internement au travail, à l’argent et à l’État…

L’Internationale, Octobre-novembre 2010…
Appel du Conseil central ouvrier de Budapest
Camarades ouvriers

    Le Conseil Central Ouvrier des usines et des arrondissements du Grand-Budapest désigné directement par la base vous adresse un appel et des informations dans le but de resserrer encore nos rangs et de les rendre plus unis et plus forts.
On sait que le Conseil Central Ouvrier du Grand-Budapest a été créé sur l’initiative des grandes entreprises, le 14 novembre dernier, afin de coordonner le mouvement des conseils ouvriers des usines et de se faire le porte-parole commun de leurs aspirations. Depuis sa création, le conseil central a, contre tout  opportunisme, présenté aux instances les plus diverses les souhaits des ouvriers du Grand-Budapest et, bien que les résultats ne soient pas suffisants, loin de là, nous pouvons néanmoins affirmer qu’au cours de ces discussions nous n’avons à aucun moment abandonné les objectifs essentiels au niveau national de notre retentissante révolution du 23 octobre.

    Ainsi que nous l’avons toujours fait, nous affirmons une fois de plus que nous avons reçu notre mandat de la classe ouvrière. Fidèles à cette mission, nous défendons, fût-ce au prix de notre vie, nos usines et notre patrie contre toute tentative de manoeuvre capitaliste. Nous proclamons en même temps notre volonté d’édifier un ordre social et économique nouveau dans une Hongrie indépendante et à la manière hongroise. Nous n’abandonnerons aucune des exigences de la révolution. Nous considérons que la production est la base de la société. Nous sommes des ouvriers et nous voulons produire ce qui est nécessaire. Voilà pourquoi nous avons convié au Palais des Sports de Budapest, pour le 21 novembre dernier, les représentants de la province, des départements, afin que, à la réunion d’un conseil ouvrier national, nous discutions des questions les plus importantes qui nous préoccupent et notamment de la possibilité d’une reprise de la production.
    Quoique nous ayons fait part à l’avance de nos intentions au gouvernement et que nous ayons même invité celui-ci à envoyer un représentant, le gouvernements a interdit notre réunion. Cette mesure inattendue a envenimé la situation. Dès que l’interdiction a été connue, les ouvriers des usines de Budapest ainsi que les travailleurs des Transports ont cessé le travail et ont commencé une grève de protestation massive, sans avoir reçu aucune directive du conseil central.

    Malgré tout, nous avons établi des rapports avec les délégués de province. Nous avons voté une résolution stipulant qu’en dépit de la grève de protestation de 48 heures, nous étions prêts à reprendre la production dans tout le pays sans pour autant renoncer à notre combat de gréviste, à la condition expresse que le gouvernement reconnaisse le conseil ouvrier national comme seul organisme représentatif de la classe ouvrière et qu’il accepte sans délai de reconnaître  nos exigences. Celles-ci ont été définies par nous, le 14 novembre, conformément aux objectifs essentiels de la révolution.
    Un comité ouvrier représentant notre Conseil et complété par un membre de la délégation des mineurs de Pécskomio a eu un entretien à ce sujet avec János Kádár, président du Conseil des Ministres, dans la nuit du 22 au 23 novembre.
    Le 23 novembre au matin, József Balaázs, l’un des membres de notre délégation, a annoncé personnellement à la radio le résultat de ces entretiens. Le président du Conseil des Ministres avait été contraint de reconnaître le Conseil Central Ouvrier du Grand-Budapest comme représentatif pour poursuivre les pourparlers et avait promis de soumettre au Conseil des Ministres les prétentions qui lui étaient présentées. Il avait enfin assuré que le conseil ouvrier aurait la possibilité de donner des informations sur les résultats obtenus au cours des conversations entre le Conseil et le gouvernement. Force nous est de proclamer que toutes ces promesses ne constituent pas grand chose. Néanmoins, nous avons décidé de reprendre la production, car nous n’avions en vue que les seuls intérêts réels de la population.

Nous ne nous laisserons pas berner


    Nous sommes persuadés du succès final de notre combat et nous essayons de prendre des mesures qui ne se retournent pas contre nous.
Le 23 novembre, une information a été publiée selon laquelle Imre Nagy et autres personnalités politiques qui se trouvaient à l’ambassade de Yougoslavie auraient quitté les bâtiments de l’ambassade, après l’accord avec le gouvernement hongrois qui leur aurait fourni des garanties suffisantes. Le même jour, la radio de Budapest a annoncé qu’Imre Nagy et les personnalités qui se trouvaient à l’ambassade de Yougoslavie avaient demandé le droit d’asile à la République Populaire de Roumanie. Etant donné que cette nouvelle a provoqué une grande inquiétude parmi les ouvriers, le Conseil Central Ouvrier du Grand-Budapest a nommé une commission ayant pour mission de demander au gouvernement hongrois, et au Haut Commandement des forces soviétiques stationnées en Hongrie, ainsi qu’à l’ambassade de Roumanie l’endroit précis où se trouvait Imre Nagy. Une fois cet endroit connu, la commission aurait à demander la possibilité de négocier personnellement avec Imre Nagy.
Il ne fait pas de doute que cet événement important n’a fait qu’augmenter la méfiance vis-à-vis du gouvernement. Toutefois, ainsi que nous l’avons déjà dit, uniquement dans l’intérêt du peuple hongrois nous prenons position en faveur de la continuation de la production. En même temps, nous adressons un appel à toutes les usines du pays pour les inviter à faire de même après examen approfondi de la situation.
    Les usines se trouvent entre nos mains, entre les mains des conseils ouvriers.

    Afin d’augmenter encore nos forces nous pensons que, en vue de mesures et actions unies, la réalisation des tâches suivantes s’impose :

    1) Dans tout arrondissement et dans tout département où un conseil ouvrier d’arrondissement ou de département n’a pas encore été constitué, ces organismes sont à former d’urgence au moyen de désignations directement organisées à la base. Les usines importantes et d’abord celles qui se trouvent dans les villes centrales des départements devront prendre l’initiative de constituer des conseils centraux.
    2) Tout conseil central d’arrondissement et de département doit se mettre immédiatement en rapport avec le Conseil Central Ouvrier du Grand-Budapest (15-17, rue Akacfa, téléphone 422-130). Le responsable du conseil central ouvrier est Sándor Rácz, responsable du conseil ouvrier de l’usine Standard (Beloiannis) ; son adjoint est György Kalocsai, délégué du conseil ouvrier des Huileries Végétables de Csepel ; son secrétaire est István Babai, responsable du conseil ouvrier de la Compagnie des Tramways de Budapest.
    3) L’une des tâches les plus importantes des membres des conseils ouvriers d’usines consiste à s’occuper, non seulement de l’organisation de la production, mais aussi à  organiser d’urgence les conseils ouvriers définitifs. En composant nos délégations, nous devons montrer la même énergie pour combattre l’agitation de la dictature rákosiste que celle de la rénovation capitaliste. Les conseils doivent être composés d’ouvriers exemplaires au passé irréprochable. Au sein des conseils, les ouvriers conscients devront s’employer  à toujours posséder une influence déterminante.

    En ce qui concerne les attributions des conseils ouvriers, nous ne saurions être d’accord avec les ordonnances du Conseil du Présidium Suprême promulguées à ce sujet. Nous maintenons que des conseils ouvriers doivent être formés dans toutes les compagnies de transports (chemins de fer, tramways municipaux, compagnies d’autobus), ainsi que dans toutes les entreprises où l’ensemble des travailleurs l’exige. Lors de l’entretien du 26 de ce mois, le président du Conseil des Ministres a promis de soumettre notre position au Conseil des Ministres. En attendant, nous invitons les conseils ouvriers créés dans de telles compagnies à poursuivre inlassablement leur activité. Par ailleurs, nous ne saurions être davantage d’accord avec le décret du Conseil du Présidium Suprême qui définit la compétence des Conseils Révolutionnaires créés dans les ministères et les grandes administrations.
    Nous voulons, en effet, un renforcement considérable et continu de l’autorité de ces conseils. Pour ce qui est de la personne des responsables, nous pensons que ces derniers doivent être désignés par les conseils eux-mêmes après déclaration de candidature. L’entrée en fonction d’un responsable ne devrait pas être subordonnée à l’accord du ministre ou du ministère. Nous invitions les conseils ouvriers à mettre tout en œuvre pour la réalisation de notre position ; à ne pas accepter des dirigeants imposés aux usines, qui dans le passé ont fait la preuve de leur incompétence et de leur éloignement de la classe ouvrière. Il faudra se méfier des arrivistes au passé douteux.
    4) Par la suite, il est très important que la désignation des nouveaux comités d’usine soit assurée par les conseils ouvriers représentant la volonté authentique de la classe ouvrière. Les « syndicats libres » dont le nombre augmente sans cesse actuellement, tentent de s’assurer une popularité en formulant des revendications de salaires excentriques. Il convient de préciser que les dirigeants de ces « syndicats libres » n’ont pas été choisis par les ouvriers, mais désignés à l’époque rákosiste, époque à laquelle ils se sont sans cesse compromis.
    Les syndicats essaient actuellement de présenter les conseils ouvriers, comme s’ils avaient été constitués grâce à la lutte des syndicats. Il est bien sûr superflu de préciser que c’est là une affirmation gratuite. Seuls les ouvriers ont combattu pour la création des conseils ouvriers et la lutte de ces conseils a été la plupart du temps entravée par les syndicats qui se sont bien gardés de les aider.

    Nous pensons que les ouvriers ont besoin d’organisations qui défendent leurs intérêts, de coordinations et de comités d’usine. Mais uniquement de celles dont les directions  sont désignés par la base avec des méthodes d’auto-organisation claires, de façon que leurs délégués soient des représentants consciencieux de la classe ouvrière. Voilà pourquoi il importe que les comités d’usine soient désignés de la façon la plus directe et transparente possible, une fois les conseils ouvriers définitivement constitués, afin que la composition personnelle de ces comités fournisse toutes les garanties pour la réalisation des objectifs de la révolution.

    Nous sommes hostiles au maintien des permanents syndicaux rétribués. En effet, l’activité aussi bien au sein d’un comité d’usine qu’au sein d’un conseil ouvrier doit être une contribution sociale bénévole.
Nous ne voulons pas vivre de la révolution et nous ne tolérerons pas que qui ce soit essaie d’en vivre.

    Nous estimons que l’adhésion aux syndicats doit être libre d’autant plus qu’on ne saurait préserver d’une autre manière les syndicats du danger de la bureaucratisation et de la distance avec le peuple.
    Nous protestons contre la thèse des « syndicats libres » récemment constitués d’après laquelle les conseils ouvriers devraient être uniquement des organisations économiques. Nous pouvons affirmer que les véritables intérêts de la classe ouvrière sont représentés en Hongrie par les conseils ouvriers et que, d’autre part, il n’existe pas actuellement un pouvoir de réalité plus sérieux et plus puissant que le leur. Nous devrons œuvrer de toutes nos forces au constant renforcement du pouvoir ouvrier.
    5) Les conseils ouvriers d’arrondissement et de département devront rentrer immédiatement en contact avec l’organisme distributeur compétent de la Croix-Rouge. Ils devront envoyer leurs délégués à son siège central afin d’assurer une répartition équitable des denrées et des médicaments. Il est important que des hommes expérimentés figurent parmi les délégués.
    6) Dans le but d’empêcher tout accaparement, les conseils d’arrondissement et de département devront organiser le contrôle solidaire de la distribution et des halles centrales, afin que les travailleurs empêchent la spéculation. Ces observateurs devront se présenter régulièrement dans les lieux de stockage des produits, clouer au pilori les auteurs de malversation et, en outre, signaler publiquement tout abus.
    7) Les conseils d’arrondissement et de département devront faire tout leur possible pour informer l’ensemble de la population. Toutes les fois que la chose sera faisable, ils demanderont que leur soit réservée une place dans la presse locale. Par ailleurs, ils devront fournir constamment des informations objectives aux travailleurs des usines et des entreprises. Pour cette raison, les conseils centraux des grandes usines doivent faire le nécessaire pour que cet appel soit distribué dans tous les ateliers. Ces revendications ayant été formulées à plusieurs reprises, le président du Conseil des Ministres s’est engagé à soumettre, le 27 courant, au Conseil des Ministres, notre réclamation au sujet de la création d’un quotidien. Cette demande une fois aboutie, le problème de l’information serait résolu.

Pour conclure,

    Nous dirons qu’aujourd’hui il est nécessaire que les conseils ouvriers, avec une unité et une intransigeance complètes servent – même avec la reprise de la production – la cause de la révolution sociale du 23 octobre. Nous avons fait le premier pas …Désormais, le gouvernement va devoir répondre. Tout cela peut durer plusieurs mois. Il nous faudra veiller avec vigilance, pendant tout ce temps-là, car la clique compromise de Rákosi et Géró essaie de pêcher en eaux troubles et de restaurer son régime. Nos rangs se renforcent de jour en jour. Nous avons derrière nous des écrivains lucides qui ont joué un rôle important dans la préparation de la révolution, des artistes, desa musiciens et le Conseil Révolutionnaire des Intellectuels Hongrois qui groupe toutes les organisations d’intellectuels. Une unité révolutionnaire  nationale, encore jamais vue, qui rassemble tous les Hongrois solidaires, se constitue actuellement à la suite de nos combats. Regroupons-nous encore davantage, resserrons encore nos contacts entre conseils ouvriers et continuons à combattre avec une vigilance révolutionnaire pour notre objectif intangible, une Hongrie vraiment socialiste, indépendante et auto-organisée, édifiée selon l’histoire de nos caractéristiques nationales.

Budapest, le 27 novembre 1956

Pour une étude détaillée des événements de l'automne 1956, on consultera avec profit :
Henri-Christian Giraud, Le Printemps en octobre. Une histoire de la révolution hongroise, Éditions du Rocher, 814 p., 24 euros.  Gustave Lefrançais  http://www.esprit-europeen.fr

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