jeudi 27 janvier 2011

Ces 112 jours qui changèrent le monde...

Comment l'ayatollah Khomeyni a-t-il été “fabriqué” par les Occidentaux ? Houchang Nahavandi rend compte d'un drame ayant causé l'essor de l'islamisme radical, dont l'acte principal se joua aux portes de Paris. Mise à jour de l'une des plus grandes supercheries des temps modernes.
« Il faut mentir comme un diable, non pas timidement, non pas pour un temps, mais hardiment et toujours. » Voltaire appliquait cette satanique méthode à torturer la vérité. Les médias d'aujourd'hui sont passés maîtres dans l'art de fabriquer de toutes pièces de fausses réputations. Le cas le plus monstrueux est assurément celui du sanguinaire ayatollah Khomeyni. Pourquoi reparler de ce personnage après tant d'années ? N'allons pas croire que notre ami iranien Houchang Nahavandi, ancien recteur des universités de Shiraz et de Téhéran, membre correspondant de l'Institut, lauréat de l'Académie française, ancien ministre du shah, soit obnubilé par le fanatique terroriste qui a fait régresser la civilisation dans son pays. Il aime beaucoup mieux parler, comme dans plusieurs de ses précédents ouvrages, des gloires millénaires de sa patrie, ou du shah Abbas empereur de Perse, ou même du shah Mohammad Reza Palhavi qu'il a servi avec lucidité et loyauté, avant de se retrouver sur la même liste que lui de personnes condamnées à mort… par Khomeiny.
Le montage
Ce nouveau livre a surtout le mérite de montrer, faits intangibles à l'appui, pourquoi et comment la “fabrication” de cet homme par les clans politiques et par les médias fut la première cause de « l'essor de l'islamisme radical », pour reprendre une expression de Maurice Druon. Donc la première cause de la dangereuse instabilité du monde dans lequel nous vivons.
Le drame, pour nous Français, est de savoir que l'image du personnage a été confectionnée sur le sol français, à Neauphle-le-Château, non loin de Paris. Le 6 octobre 1978 ce religieux iranien exilé depuis quinze ans en Irak, à peine connu dans son pays, arrivait en France, où pratiquement personne n'avait entendu parler de lui. Le 1er février 1979, soit cent douze jours plus tard, écrit l'auteur, « le même personnage doté d'une stature de dimension internationale, baptisé “imam”, arrivait à Téhéran et prenait le pouvoir instaurant un régime totalitaire d'apparence théocratique qui perdure encore ». Il n'y eut toutefois pas de baguette magique. Tout avait été fort habilement préparé par des agents qui dans l'ombre tiraient les ficelles travaillant pour ceux qui avaient intérêt à ce montage pour renverser la monarchie iranienne.
L'individu n'avait par lui-même rien d'intéressant. M. Nahavandi nous présente la jeunesse de Rouhollah Khomeyni comme celle d'un mollah très ordinaire, né vers 1900, petit-fils et fils d'Indiens musulmans sans grand relief, très jeune orphelin de père. À cinquante ans encore, il n'avait rien accompli de remarquable, et tentait sans grand succès de sortir de l'ombre en s'opposant au régime qui voulait l'égalité des hommes et des femmes, tant et si bien qu'il se retrouva exilé à Nadjaf en Irak ; mais déjà, semble-t-il, certains services spéciaux étrangers s'intéressaient à lui. Les soviétiques, puis les occidentaux supportaient mal dans les années soixante-dix un Iran impérial brillant encore de tous ses feux et s'affranchissant de toute tutelle en matière d'énergie. Or les Américains voulaient déstabiliser ce pays pétrolier qui refusait de rester économiquement et politiquement faible ; les Russes, de leur côté, avaient tout intérêt à l'affaiblir pour y étendre leur influence. D'où l'utilité de Khomeyni. On jouerait sur le levier confessionnel pour entraver le shah dans son désir de réformes profondes et de modernisation de son pays.
Fanatique
Se mirent alors en place toutes les pièces de la tragédie. Tandis que la santé du shah s'altérait, tout fut entrepris pour démoraliser le pays, intimider le pouvoir, paralyser les ministres réformateurs, agiter le peuple. Les cassettes de l'exilé de Nadjaf commençaient leur effet, le terrorisme allait bientôt frapper : l'entourage de Khomeyni porte la responsabilité du premier attentat islamiste, celui contre le cinéma Rex d'Abadan, où 477 personnes, en majorité des femmes et des enfants périrent brûlées vives. Dès lors l'ayatollah avait révélé son visage de fanatique ambitieux ne faisant aucun cas de la vie des hommes pour parvenir à ses fins. Pendant ce temps la grande politique internationale se teintait de toujours plus de fourberie à l'égard du shah. Le président américain Jimmy Carter et le président français Valéry Giscard (que le shah n'appelait pas d'Estaing) mêlaient questions d'intérêt et questions d'inimitiés personnelles…
Le détournement du spirituel
Ainsi donc quand l'ayatollah arriva en France, la maison de Neauphle-le-Château était fin prête avec une installation informatique du dernier cri lui donnant les moyens de diffuser sa parole dans le monde entier. Ce qui n'est guère le lot d'un simple réfugié politique… La manière dont l'image du personnage fut transformée s'élève aux sommets du ridicule. On lui réécrivit sa biographie, car le « guide de la révolution » devait être d'illustre famille. On lui donna le titre d'imam, on le présenta comme un « philosophe », un « grand théologien » (lui qui n'avait commis que des écrits sur la façon d'uriner ou de déféquer), on exalta sa « pensée politique », on en fit même un « saint social-démocrate » !
Le pire est de voir comment les “bien-pensants” parisiens se dépêchèrent de l'ériger en idole. Le Monde et Le Nouvel Observateur multipliaient les articles dithyrambiques. Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Michel Foucault exaltaient le « souffle épique », la « dimension spirituelle » que le personnage apportait dans la politique mondiale. André Fontaine, dans Le Monde le compara au pape Jean-Paul II dans un article intitulé Le retour du divin, qui fut diffusé à Téhéran. Comme quoi le mysticisme, quand il est débridé, confine au délire et nourrit la révolution… Disons même au crime, car ces écrits exaltés, dans l'atmosphère tendue de l'époque, eurent des répercussions meurtrières peu après.
Nous laissons nos lecteurs assister au dénouement, le voyage triomphal de retour à Téhéran, peu après que le shah eut quitté son pays. Comme avant lui Louis XVI et Nicolas II, Mohammad Reza Pahlavi, croyant que son peuple ne l'aimait plus, n'avait pas défendu son trône…
Cet ouvrage, rédigé avec rigueur, élégance, et l'émotion que l'on devine chez l'auteur déchiré dans son patriotisme, met à jour une des plus grandes supercheries des temps modernes. Il fera date pour les historiens futurs.
MICHEL FROMENTOUX L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 3 au 16 décembre 2009

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