jeudi 18 septembre 2008

21 août 1941 : l'arme terroriste

En ce 21 août 1941, il fait très beau à Paris. Un officier allemand, de haute taille, attend le prochain métro à la station Barbès-Rochechouart, l'aspirant Moser, de la Kriegsmarine, savoure la perspective d'une journée d'été dans ce Paris dont il rêvait depuis des années.
Le métro arrive dans un bruit de ferraille et s'arrête en couinant. Les portes s'ouvrent. Deux coups de feu claquent. Touché dans le dos, l'aspirant Moser s'effondre. Un homme quitte en courant le quai de la station. Il vient d'entrer dans l'histoire en réalisant ce qui sera présenté comme la première opération terroriste visant un soldat allemand en uniforme (en fait, quelques jours plus tôt, le 13 août, deux jeunes communistes ont tué un Allemand à coups de baïonnette, près de la porte d'Orléans). Le terroriste s'appelle Pierre Georges. Il sera plus connu, à la fin de la guerre, sous le nom de colonel Fabien. Membre de la direction des jeunesses communistes ; il a réuni en juillet et août 1941 des militants décidés, parmi lesquels Gilbert Brustlein, Simon Lichtenstein, Liliane Lévy, Isidore Grinberg, Ascher Semhaya, Madeleine Pefferkorn. Les consignes qu'il leur donne sont claires : « On sabote et on descend des officiers allemands (...) Nous devons tuer des Allemands. Sans cela rien n'est possible. »
La stratégie est celle, classique, du terrorisme : en réalisant des attentats contre l'occupant on va pousser celui-ci à une répression forcément plus ou moins aveugle, susciter ainsi contre lui l'hostilité de la population, qu'on pourra du coup entraîner dans la résistance ... Henri Amouroux résume le calcul : « En frappant un grand coup, les communistes espèrent faire basculer la France dans la guerre totale (...) Il s'agit, pour eux, de provoquer l'irréparable. »
Le problème, pour les communistes, c'est que ce schéma ne correspond pas à la réalité, en tout cas en 1941 : la population n'approuve en rien l'assassinat des officiers allemands. C'est pourquoi les journaux et tracts communistes, fabriqués dans la clandestinité, ne revendiquent pas des attentats trop impopulaires.
Il faut dire que le parti communiste paye encore, en 1941, un cheminement politique pour le moins ondoyant depuis 1939. En pointe de la propagande cocardière, dans les dernières années de l'avant-guerre, il a dû effectuer un virage aussi rapide que spectaculaire en août 1939, à l'annonce du pacte germano-soviétique, pour s'aligner sur les choix de Moscou. Staline levant son verre à la santé d'Hitler, le 23 août... Cette image a perturbé plus d'un communiste, habitué à entendre et à répandre le discours habituel sur l'hydre fasciste. Le parti a du coup enregistré de nombreux départs, y compris au plus haut niveau (vingt-deux parlementaires sur soixante-quatorze). Ebranlé par ces abandons, condamné à la clandestinité par Daladier, le parti communiste a cependant vaille que vaille appliqué les consignes de démoralisation des troupes et de sabotage des armements.
Quand arrive la défaite de la France, les communiste demandent aux autorités allemandes le droit de faire reparaître L'Humanité dès le 20 juin 1940, six jours après l'entrée de la Wehrmacht à Paris ...
Bien plus, la presse communiste se félicite à trois reprises, au cours de juillet 1940, des bons rapports existant entre l'armée allemande et la population française.
Tout change, évidemment, avec l'entrée des troupes allemandes en URSS le 22 juin 1941. Du jour au lendemain, les communistes entrent en résistance (bien entendu, leur version officielle de l'Histoire, depuis 1945, soutient qu'ils ont été résistants avant tout le monde, dès juin 1940). C'est pourquoi l'action terroriste de "Fabien" sera suivie de beaucoup d'autres. Ce qui finira par déclencher l'engrenage sanglant que voulaient les communistes.
Pierre VIAL National Hebdo du 21 au 27 août 1997

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