mercredi 20 août 2008

Le vrai visage de Blum

LÉON BLUM, qui a été une figure marquante de la IIIe République dans l'entre-deux-guerres, est un personnage apparemment complexe. Mais dont la complexité serait le fruit d'une recherche d'équilibre en matière de positionnement. Ainsi, si l'on en croit l'auteur (non identifiable) de la notice consacrée à Blum dans le Dictionnaire d'histoire de France dirigé par Alain Decaux et André Castelot (Perrin, 1981), sa pensée politique, résumée dans son ouvrage A l'échelle humaine (1945), « marque un profond effort de conciliation entre les thèses fondamentales du marxisme et les exigences traditionnelles du libéralisme et de l'humanisme occidental ». Blum serait en somme le père spirituel de ceux qui affirment aujourd'hui qu'après tout, entre socialisme et libéralisme, il y a bien des possibilités de convergence doctrinale (c'est ce que certains, pour justifier leurs reniements, appellent "l'ouverture").
La vérité est toute différente. En fait, Blum était animé d'un état d'esprit parfaitement sectaire, même s'il était capable d'adapter son discours aux contraintes des situations avec une souplesse dialectique toute talmudique. Quand il se croyait en position suffisamment forte pour exprimer ses convictions, il se laissait aller à lever un pan du voile. En témoigne ce qu'il écrit le 12 février 1936 dans Le Populaire, le journal de la SFIO dont il signait, en tant que directeur politique, les éditoriaux: « Aussitôt que nous posséderons le pouvoir, nous détruirons et remplacerons par les nôtres les cadres de l'armée, de la magistrature, de la police et nous procèderons à l'armement du prolétariat. Nous pourrons alors construire la société collectiviste ou communiste. Tout le reste n'est que littérature. » Propos d'intellectuel loin des réalités ? Moins de quatre mois après avoir écrit ces lignes, Blum présidait le premier ministère de Front populaire.
Son parcours fut-il celui, comme l'écrivait en 1950 Emmanuel Beau de Loménie, « d'un intellectuel malheureusement égaré dans la politique » ?
Il est vrai que le début de sa carrière, penche plus vers la littérature que vers la politique, encore qu'il ait milité, jeune homme, pour Dreyfus. Mais n' était-ce pas naturel pour ce garçon né dans une famille israélite venue d'Alsace et se consacrant au commerce des tissus rue du Sentier ? Elève brillant, il entre à l'Ecole Normale Supérieure mais n 'y reste pas car, à en croire Henry Coston (Dictionnaire de la politique française, 1967), « un incident fâcheux, au cours d'un examen, l'amena à obliquer vers le Conseil d'Etat ».
Auteur d'articles de critique littéraire dans divers journaux, Blum publie en 1907 un essai, Du mariage, dont on lui ressortira certains passages quand il sera devenu un homme politique. Par exemple « Je n'ai jamais discerné ce que l'inceste a de proprement repoussant » ou encore « Non seulement la plupart des filles sont parfaitement aptes dès quinze ans à goûter l'amour, mais il n'y a guère de période où elles soient mieux disposées à en jouir ». Il est vrai qu'aujourd 'hui ce genre de déclarations paraîtrait quasiment conventionnel ...
Après avoir passé la guerre de 1914-1918 au Conseil d'Etat, Blum est élu député en 1919. Il s'impose vite comme un des meneurs des socialistes et un habile manœuvrier, poussant ses amis à s'unir aux radicaux (« Cartel des gauches ») pour soutenir la combinaison ministérielle Herriot en 1924. Il s'oppose violemment aux députés de droite, à qui il lance un jour à la Chambre: « Je vous hais ! » Parallèlement à sa carrière politique, il est un actif avocat d'affaires, ayant pour clients des grands magasins, des banquiers, des firmes industrielles. Ce qui lui vaut de s'entendre dire par Daladier: « Sachez que, moi, je n'ai ni capitaux, ni capitalistes à défendre. »
En politique internationale, certaines de ses analyses sont restées célèbres. Il écrit ainsi, en novembre 1932 : « Hitler est désormais exclu du pouvoir: il est même exclu, si je puis dire, de l'espérance du pouvoir. » Deux mois après, Hitler était au pouvoir.
Devenu chef du gouvernement de Front populaire, il applique des principes dont il donnera tranquillement la recette en 1939 dans Paris-Soir : « Pour attirer à soi les masses, il faut les exalter, il faut les convaincre, il faut au moins se donner la peine de les duper. » Travaux pratiques : en juin 1936, il fait dire à son ministre des Finances: « La dévaluation est une solution désespérée et immorale, profitable aux seuls spéculateurs et débiteurs malhonnêtes. » Trois mois après, le gouvernement Blum dévalue (et récidive en juin 1937).
A l'époque, la presse nationaliste accusa Blum d'avoir installé dans son ministère une cinquantaine de ses coreligionnaires, soit comme ministres ou sous-secrétaires d'Etat, soit comme directeurs ou attachés de cabinet. Ce que lui reprocha aussi le consistoire israélite, l'accusant d'avoir ainsi suscité en France un sentiment d'hostilité à l'égard de la communauté juive.
Pierre VIAL. RIVAROL 29 février 2008

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