mercredi 11 juin 2008

ALGÉRIE, GUERRE SANGLANTE

Terreur à Alger Bien vite pourtant, la population musulmane est lasse de la guerre et, dès 1956, les services de renseignements français savent que l'état-major du FLN a d'énormes difficultés. Les villageois algériens signalent de plus en plus souvent les «bandes armées» aux autorités françaises, ils refusent de donner du ravitaillement aux rebelles, ne suivent pas leurs consignes; et ceux-ci ne se maintiennent que par la terreur. Nez, lèvres coupés par représailles ne se comptent plus.
Le 16 octobre 1956, le bateau Athos, avec soixante-dix tonnes d'armes et de munitions dans les cales, est arraisonné par la marine française. Il vient d'Alexandrie; les armes destinées aux rebelles ont été payées par Nasser. Peu de temps après des «chalutiers soviétiques» croisent au large de l'Algérie... Ils croiseront, ceux-là ou d'autres, durant toute la guerre.
Le mois d'octobre est bénéfique pour ceux qui combattent le FLN, comme ils en ont reçu mission du gouvernement légal de la France. Le 22 en effet, les services de renseignements apprennent que les chefs de l'insurrection, dont Ben Bella, vont survoler le territoire algérien ou passer au large, en route vers Tunis, venant du Maroc.
C'est le colonel Ducourneau, ancien de la France libre et directeur de cabinet du ministre résident Robert Lacoste qui a, le premier, l'idée de détourner l'avion et de capturer les dirigeants rebelles.
Robert Lacoste, prévenu, trouve que «c'est une affaire du tonnerre de Dieu!». Quand ce coup d'audace est réussi et que Ben Bella est arrêté par les gendarmes sur l'aéroport même d'Alger il a, lui, le réflexe normal d'un homme en guerre; il déclare: «C'est du bon travail, je ne croyais plus les Français capables de cela!».
Le rôle du PC
Mais Paris ne comprend rien et ne comprendra d'ailleurs jamais rien à cette guerre civile... Le président Coty (au rôle pourtant bien terne, vu les attributions d'un président de la République à l'époque) demande des sanctions pour les «coupables» et la libération immédiate de Ben Bella et de ses acolytes ...
Mais le parti communiste de France, cette fois-ci se lance à fond dans la dénonciation de cette nouvelle «sale guerre», oubliant de préciser qu'elle n'est «sale» que par les méthodes de terreur employées par le FLN à qui il apporte maintenant son soutien total. Poussé par cette propagande, on verra l'aspirant Maillot déserter, alors qu'il était chargé de transporter un lot d'armes, environ deux cent cinquante. Le but de cette désertion et de ce vol était la constitution d'un maquis communiste. Ce maquis formé sera d'ailleurs livré par le FLN lui-même à l'armée française et ce sont les harkis du Bachaga Boualem qui l'anéantiront et tueront Maillot.
A la tribune de la Chambre des députés, Arthur Ramette déclarait un peu plus tard: «Nous, communistes, estimons que Maillot a fait son devoir de patriote.»
Présentes en Algérie, lors de ces évènements, des personnalités gaullistes en «mission»- dont M. Sanguinetti - iront sur place, dans le bled, saluer, «au nom de la vraie France», les soldats du Bachaga... Pendant que le colonel Bourgoin, ancien, lui aussi, de la France libre, prononcera à Alger, au nom de tous les anciens combattants français, le serment de garder l'Algérie dans la France et de s'opposer par tous les moyens à toutes mesures qui menaceraient l'unité nationale.
Une anecdote maintenant, qui éclairera d'un jour singulier les menées de Charles De Gaulle et de ses «missi dominici» pour revenir au pouvoir.
Au temps où la rébellion peut faire penser qu'un réel danger menace nos départements d'Afrique du Nord, le Front national des combattants pour l'Algérie française se dépense, à Paris, sans compter. Mais, comme dans toute entreprise de ce genre, forte de sa seule foi, l'argent manque, même le minimum vital. Jean-Marie Le Pen, un des dirigeants du Front, évoquant la situation inquiétante de son mouvement, devant Roger Delpey, celui-ci lui dit : «Du temps du RPF [Rassemblement du peuple français, fondé pour préparer déjà le retour au pouvoir de Charles De Gaulle], il y avait un monsieur Y qui donnait de grosses sommes d'argent. Il faudrait peut-être aller le voir.» Jean-Marie Le Pen rencontre donc monsieur Y et lui explique toutes les raisons de son combat pour garder l'Algérie et le Sahara à la France. Que répond monsieur Y dans son jargon: «Je donne argent beaucoup argent... mais vous faire propagande pour retour général De Gaulle...»
Espions du KGB
Rappelons qu'à cette époque personne, hors les gaullistes... optimistes, qui travaillaient dans l'ombre, ne pensait à un retour possible de l'homme de Colombey.
Quelques années plus tard, la CIA et les services secrets occidentaux, ayant en main la liste des agents du KGB en Europe, y trouvaient le nom de ce bon monsieur Y, l'une des plus importantes «antennes») des services d'espionnage et d'intoxication soviétiques et qui avait bien œuvré pour le retour du «général».
En attendant, à Alger les premières bombes, terriblement meurtrières, éclatent. Ces attentats sont l'œuvre de communistes européens travaillant pour le FLN qui n'a pas encore la technique. Le communiste français Yveton, surpris en train de poser une bombe, est arrêté... Il sera guillotiné.
Sans ces hommes, jamais l'Algérie n'aurait connu une telle terreur. Partout, dans Alger surtout, la mort aveugle frappe! Placées là où elles ont le plus de chance de tuer le maximum de civils innocents, des charges éventrent, décapitent, mutilent des femmes et des enfants. Spectacles horribles dont nul, en Métropole, ne semble se soucier.
Sur ordre du gouvernement Guy Mollet, les parachutistes de la 10e Division aéroportée doivent tout mettre en œuvre pour faire cesser la terreur dans Alger.
Tout a été dit sur cette «bataille d'Alger» où des hommes qui n'étaient pas dans l'armée pour cela ont dû faire un travail de police. Et consentir sur l'ordre du gouvernement à accomplir des tâches sans grandeur. Servitude militaire...
Ce que l'on a moins dit et écrit, en revanche, c'est qu'il n'était pas du tout certain que les paras réussiraient. Leur succès fut, pour beaucoup, une amère surprise. Il aurait été tellement plus facile de dire: «Vous voyez, même les« paras», même les unités d'élite n'ont pas réussi ... alors !»
Des tueurs soutenus
Mais l'armée a mené à bien la mission qu'elle avait reçue d'un gouvernement... socialiste. Elle a aussi prouvé que des notables européens et musulmans étaient en contact direct avec les assassins et les tueurs, leur apportant aide et soutien, et que des protections officielles, et non occultes comme on l'a dit, permettaient à ces hommes de trahir en toute impunité.
Dès lors, tous les coups bas qu'échangeront, à Paris, le gouvernement et l'Assemblée nationale laisseront l'armée seule et insultée, face à une guerre qu'elle ne veut pas perdre en abandonnant les populations fidèles, comme elle l'a fait en Indochine. Cette guerre la France peut la gagner ! Sur le terrain, les combats sont rudes, mais le courage ne manque pas ; seule la volonté politique, une fois de plus, fait défaut.
Déjà d'ailleurs, les batailles aux frontières tunisienne et marocaine sont sévères pour le FLN. Les barrages mis en place, et dont il est de bon ton de rire à Paris et dans une certaine presse, sont d'une efficacité redoutable ... Le nombre d'hommes politiques et de journalistes qui auront écrit que ces barrages «ne servaient à rien» est étonnamment suspect...
Car la vérité est que plus jamais des unités rebelles ne passeront les frontières sans être détectées, poursuivies et presque toujours complètement anéanties. Ce qui va à l'encontre des idées reçues à Paris.
La plus belle preuve en sera donnée par le fait que les unités extérieures de la rébellion (commandées par le seul chef FLN à ne s'être jamais battu, Boumedienne) seront obligées de rester hors de l'Algérie durant toute la guerre !
A l'intérieur de l'Algérie, les rebelles perdent le plus gros de leurs effectifs. En juillet 1957 une Katiba complète dépose les armes tandis que, par dizaines de milliers, des Français musulmans demandent à servir dans notre armée.
La situation est assez grave pour que l'Union soviétique accélère les choses et prenne la relève des soutiens extérieurs. Syrie, Egypte; étant jugés un peu trop «bricoleurs» l'Union soviétique demande aux «pays frères» du bloc socialiste d'assurer la relève. L'ampleur de l'aide extérieure sera prouvée lors de l'arraisonnement du navire yougoslave Slovenja, avec 148 tonnes d'armes et de munitions à bord !
Sans appuis extérieurs, dès cette époque, la guerre pouvait être gagnée. La plus grande division régnait parmi les chefs politiques de la rébellion et une haine parfois mortelle séparait certains «politiques» de certains «militaires». La confiance était plus que limitée entre la plupart des «chefs historiques» et ceux qui se battaient réellement.
D'un autre côté, l'argent n'entrait plus, des sommes énormes disparaissaient en chemin. Pourtant, les donateurs étrangers étaient généreux, le racket des travailleurs algériens en France était fructueux et les sommes «récoltées» par les prostituées françaises sous la coupe de «maquereaux» FLN assuraient de fructueuses fins de mois aux collecteurs de fonds. Ce qui pour moi est la honte suprême.
Roger Holeindre : National Hebdo du 20 au 26 janvier 2000

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