Avec Constantinople 1453, Sylvain Gouguenheim nous fait revivre les cinquante-cinq jours qui précipitèrent la chute de Constantinople. Entre stratégie militaire, luttes de pouvoir et héritage impérial, l’ouvrage restitue les enjeux et les affrontements spectaculaires d’un siège qui fit vaciller l’Europe.
Quand Jean Lopez a souhaité ajouter à la jeune et déjà riche collection « Champs de bataille » qu’il dirige chez Perrin, en coédition avec le ministère des Armées, un volume sur le siège et la chute de Constantinople, c’est à Sylvain Gouguenheim, professeur à l’ENS de Lyon, qu’il a confié la tâche.
Si le médiéviste prévient modestement le lecteur qu’il ne se considère pas lui-même comme un spécialiste du sujet, on rappellera néanmoins qu’outre la direction d’un ouvrage consacré aux Empires médiévaux (Perrin, 2019), Sylvain Gouguenheim a déjà consacré plusieurs travaux à Byzance (sous l’angle de la transmission culturelle vers l’Europe occidentale, dans La gloire des Grecs, Cerf, 2017) ou à une histoire militaire certes plus septentrionale (Tannenberg 15 juillet 1410, Tallandier, 2012). Cela conduit son dernier ouvrage à être davantage que la « synthèse de travaux de spécialistes » annoncée en avertissement, et qui aurait certes déjà pu satisfaire le lecteur. Outre une riche bibliographie secondaire à laquelle il ajoute sa propre finesse d’analyse, l’auteur s’est en effet efforcé de s’appuyer sur les sources primaires, commentées en avant-propos ; si les récits latins l’emportent sur les témoignages grecs ou ottomans, il ne faut pas y voir un biais de l’historien occidental plus à l’aise avec l’italien qu’avec le turc, mais surtout constater la moindre richesse des sources orientales ou, ce qui peut expliquer celle-ci, le retentissement particulier qu’eut l’évènement en Occident.
L’ouvrage est structuré en trois parties de taille et d’intérêt assez comparables : une mise en contexte sur le temps long (« La mort lente d’un empire »), le récit de l’évènement lui-même (« Les cinquante-cinq jours de Constantinople ») et enfin la portée de celui-ci (« Un drame inoubliable : interprétations et mémoires »). Si ce type de prolongement est devenu un classique aussi bien chez les biographes que chez les historiens du fait militaire qui veulent dépasser le récit trop conventionnel ou l’« histoire -bataille » traditionnelle, sa taille ici (près d’une centaine de pages) suffirait à montrer l’importance de la chute de Constantinople dans l’histoire universelle (cf. les réflexions d’Hervé Inglebert sur cette dernière notion). On mesure sa réception plus ou moins apocalyptique en Europe ou dans le monde islamique à l’aube des temps modernes, mais aussi la place qu’occupe le drame dans le renouveau nationaliste grec à l’époque contemporaine, autour en particulier de la « Grande Idée » courant de Kolletis à Vénizélos voire au-delà.
Mais l’importance de l’évènement n’est pas pour autant réductible à sa dimension de mythe, ni à son utilisation comme repère académique pour marquer le passage du Moyen Âge à l’époque moderne (en concurrence avec l’expédition de Colomb, qui n’est d’ailleurs pas sans lien avec le traumatisme du Bosphore). L’auteur montre dans sa première partie sur « la mort lente d’un empire », sans excès de téléologie (il s’était lui-même permis une variation uchronique dans un hors-série de Guerres & Histoire), les nombreux facteurs qui conduisirent à la chute de Constantinople, aussi bien du côté de la « marche turque » que du côté de sa cible, affaiblie depuis des décennies et même des siècles. La chute, « inimaginable, impensable » (Marie-Hélène Blanchet), était en même temps prévisible, et même prévue. Les Latins, qui allaient parfois ressentir si vivement le choc de 1453 (« Maintenant, nous sommes frappés chez nous, dans notre patrie, l’Europe », écrivit alors l’humaniste Enea Silvio Piccolomini, futur pape Pie II), jouèrent un rôle ambigu dans la préparation du drame, du sac de 1204 et du jeu trouble des républiques maritimes italiennes jusqu’aux ultimes croisades bourguignonnes (cf. les travaux de Jacques Paviot), de la « mortelle déconfiture » de Nicopolis face à Bayezid jusqu’au tardif et inabouti « Vœu du faisan » prononcé par Philippe le Bon et sa cour à Lille en février 1454. Le tout sur un fond séculaire : l’impossibilité de surmonter le schisme entre catholiques et orthodoxes, malgré l’union des Églises à laquelle consentit Jean VIII Paléologue au concile de Florence.
Au cœur de cette histoire tissée sur des siècles, entre racines profondes et mémoire prolongée, le nœud de l’évènement lui-même : le siège de cinquante-cinq jours, jusqu’au 29 mai 1453 (« un mardi, le jour de Mars… », souligne l’auteur en commentant une formule de l’humaniste Chalkokondylès). La narration de Sylvain Gouguenheim est particulièrement enlevée, malgré les incertitudes laissées parfois par les récits contemporains dont il fournit de nombreux extraits au lecteur. Des préparatifs de la puissante armée du jeune sultan Mehmed II jusqu’aux horreurs attestées, meurtres, viols et pillages, qui suivirent la mort du dernier Constantin sur la muraille écroulée, on suit le déroulement du siège, des différents assauts qui le ponctuent et des opérations spectaculaires qui l’accompagnent, tel le transfert terrestre de dizaines de navires ottomans vers la Corne d’Or fermée par la chaîne de Galata. Au-delà de l’histoire précise et rigoureuse faite ici, le lecteur sent qu’il assiste aussi à une tragédie, nourrie d’héroïsme et de trahison.
L’auteur insiste à juste titre sur la puissance décisive de l’artillerie ottomane, au-delà de la monstrueuse et emblématique bombarde conçue par l’ingénieur Orban, dont le désargenté Constantin XI avait dû refuser les services avant qu’il n’aille les vendre à son ennemi turc… La défaite de Byzance est aussi le résultat d’un manque de moyens, qui n’avait cessé de s’aggraver à mesure que les territoires de l’empire étaient pillés ou conquis ; il n’est pas inutile de rappeler à cet égard que quelques semaines plus tard à Castillon, la France de Charles VII remportait de son côté sur les Anglais une victoire décisive qui était aussi celle de l’armée permanente et de l’impôt qui rendait celle-ci possible. Force est en tout cas de constater que, si l’art de la guerre ottoman est d’abord né dans la steppe, le dispositif déployé par Mehmed II participe bien de cette « révolution militaire » dont les historiens débattent depuis plusieurs décennies. Cette modernité des canons turcs n’empêche certes pas l’évènement de résonner d’accents antiques ou archaïques : avant Gibbon, qui prolongeait jusque 1453 sa fameuse Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain, nombreux furent les contemporains qui, au prix de bien des contradictions, lurent la victoire turque comme une vengeance des Troyens anéantis jadis par les Grecs…
Sylvain Gouguenheim livre donc avec cet ouvrage passionnant non seulement le récit précis et enlevé d’un évènement majeur, tournant de l’histoire européenne et mondiale, mais montre également qu’on peut construire sur l’histoire-bataille, comme on le sait depuis Duby et son Dimanche de Bouvines, une véritable histoire totale, embrassant un vaste champ allant de l’histoire des techniques jusqu’à celle des mentalités.
Fabien Niezgoda 17/04/2025
Sylvain Gouguenheim, Constantinople 1453, « La Ville est tombée ! », Paris, Perrin, « Champs de bataille », 2024, 372 p.
C'est la petite musique habituelle, celle qui ne s'arrête jamais. La « rente mémorielle », comme l'appellent certains, bat son plein. Alger exige, encore et toujours, des excuses, des réparations, une génuflexion perpétuelle de la France pour les 130 années de présence sur l'autre rive de la Méditerranée.
Mais dans ce grand bal de l'auto-flagellation nationale, une tribune courageuse publiée récemment dans Le Figaro Histoire par l'universitaire Marie-Claude Mosimann-Barbier vient mettre un grand coup de pied dans la fourmilière de la bien-pensance. Et si, pour une fois, on regardait l'Histoire avec les deux yeux ouverts ? Et si c'était à Alger de nous verser des réparations pour les siècles de razzias et d'esclavage subis par nos ancêtres ?
Le mythe de l'innocence brisé
Il faut avoir le cœur bien accroché pour lire la réalité historique que nos manuels scolaires s'évertuent à gommer. On nous vend une Algérie victime éternelle. Or, comme le rappelle Mme Mosimann-Barbier, avant 1830, la région n'était pas une nation, mais une province sous férule étrangère constante : romaine, arabe, puis ottomane dès 1526.
Mais le plus tabou, c'est l'économie même de cette Régence d'Alger : la piraterie et la traite des êtres humains.
Pour la plupart de nos contemporains, formatés par la repentance d'État, l'esclavage est exclusivement transatlantique et le fait de méchants Européens. C'est un mensonge par omission colossal. La tribune nous rappelle une vérité cinglante : la traite a commencé bien avant, en Afrique, sous l'impulsion des conquêtes arabes. Dès le VIIe siècle, le général Abdallah ben Sayd imposait déjà le bakht aux chrétiens de Nubie : un tribut humain de 360 esclaves par an !
Un million d'Européens aux fers : des chiffres qui dérangent
En creusant un peu le sujet, les chiffres donnent le vertige. Des historiens sérieux, comme Robert C. Davis de l'Université d'État de l'Ohio, estiment qu'entre le XVIe et le XIXe siècle, plus d'un million d'Européens ont été réduits en esclavage sur la côte des Barbaresques (Tunis, Tripoli, et surtout Alger).
Qui étaient-ils ? Des marins, certes, mais aussi des paysans, des femmes et des enfants, enlevés lors de razzias sur les côtes de Provence, de Corse, d'Italie, et même jusqu'en Bretagne ou en Islande !
Prenons quelques exemples concrets qui glacent le sang :
1631 : le sac de Baltimore, en Irlande. Des corsaires algérois débarquent de nuit et enlèvent 107 habitants, hommes, femmes, enfants. Le village est déserté pour des décennies. Ces Irlandais catholiques finiront leurs jours enchaînés à Alger, jamais rachetés.
1544 : l'île d'Ischia, au large de Naples. Le pirate Barberousse (Khayr ad-Din), amiral de la flotte ottomane et basé à Alger, razzie l'île entière : 4 000 personnes sont emmenées en esclavage. Les femmes jeunes finissent dans les harems, les hommes aux galères.
1798 : les côtes de Sardaigne et de Sicile sont encore régulièrement dévastées. Les tours de guet qui parsèment aujourd'hui le littoral méditerranéen ne sont pas décoratives : elles ont été construites pour prévenir les raids barbaresques qui terrorisaient les populations pendant trois siècles.
À Alger, ces "chiens de chrétiens" étaient vendus sur les marchés aux esclaves (le bedesten), traînés dans les rues sous les huées, enchaînés dans des bagnes insalubres, forcés de ramer sur les galères jusqu'à la mort ou de construire les palais des Deys.
« Alger, qui ne cesse de demander réparation [...], semble avoir oublié son active participation à la traite et à l'esclavage. »
C'est là que l'hypocrisie atteint son comble. Alger a bâti sa puissance d'alors sur le vol des cargaisons et la rançon des hommes. En France, des ordres religieux entiers (les Trinitaires, les Mercédaires) passaient leur temps à quêter dans nos villages pour réunir l'argent nécessaire au rachat des captifs. Combien de familles françaises ruinées pour sauver un fils ou un père des griffes du Dey d'Alger ?
Les témoins gênants qu'on préfère oublier
L'image est symbolique : Miguel de Cervantès, l'auteur de Don Quichotte, capturé en 1575 après la bataille de Lépante, présenté enchaîné à Hassan Pacha, le roi d'Alger. Lui-même a passé cinq longues années de captivité à Alger. S'il a survécu pour raconter, combien d'anonymes ont péri sous le fouet ?
Mais il n'est pas le seul. Vincent de Paul, le futur saint patron des œuvres de charité, fut lui aussi capturé en 1605 et vendu comme esclave à Tunis avant d'être transféré vers Alger. Deux ans d'enfer avant qu'il ne parvienne à s'évader.
Emanuel d'Aranda, un Flamand capturé en 1640, a laissé un récit glaçant de ses années d'esclavage à Alger. Il décrit les marchés, les tortures, les conversions forcées, le désespoir absolu de ces milliers de chrétiens oubliés d'Europe.
Et que dire du Père Dan, rédempteur trinitaire, qui négocia le rachat de centaines d'esclaves et qui écrivit en 1637 son Histoire de Barbarie et de ses corsaires ? Un témoignage accablant sur l'ampleur du système esclavagiste algérois.
Ces voix, aujourd'hui étouffées par le politiquement correct, méritent d'être entendues. Elles rappellent une réalité brutale : pendant que l'Europe commençait timidement à abolir la traite atlantique, Alger continuait tranquillement son commerce d'esclaves blancs.
1830 : la France libératrice, version censurée
La colonisation française de 1830 ne s'est pas faite par hasard ou par pure avidité territoriale. À l'origine, l'expédition visait à détruire ce nid de pirates qui terrorisait la Méditerranée depuis trois siècles et à mettre fin à cet esclavage blanc que l'Europe ne supportait plus.
Rappelons les faits : en 1816, une escadre anglo-néerlandaise bombarde Alger pour obtenir la libération des esclaves chrétiens. Le Dey promet, puis recommence. En 1830, la France intervient militairement. C'est la France qui a mis fin à la traite à Alger, pas l'inverse !
Quand les troupes françaises entrent dans la ville, elles libèrent les derniers esclaves chrétiens des bagnes. Ce détail historique, pourtant majeur, est soigneusement évacué des récits officiels. Il ne cadre pas avec le narratif imposé.
L'heure des comptes a sonné : la réciprocité ou rien !
Alors, soyons clairs. Si l'on doit ouvrir les livres de comptes de l'Histoire, ouvrons-les en grand. Pas de repentance à sens unique. Pas de mémoire sélective.
Ce que la France a apporté (qu'on le veuille ou non)
Pendant 130 ans de présence française, l'Algérie a connu :
La fin de l'esclavage et de la piraterie
La construction de milliers de kilomètres de routes, de voies ferrées
L'édification d'hôpitaux, d'écoles, d'universités (l'Université d'Alger date de 1879)
L'assèchement des marais, l'irrigation, la mise en valeur de terres arides
La vaccination de masse, l'éradication d'épidémies séculaires
Une population multipliée par cinq entre 1830 et 1960
Oui, la colonisation a comporté des injustices, des violences, des erreurs tragiques. Personne ne le nie. Mais réduire 130 ans d'histoire à un crime contre l'humanité relève de la falsification pure et simple.
Ce que l'Algérie doit reconnaître (et payer ?)
Si la France doit payer des réparations, alors l'Algérie, héritière de la Régence barbaresque, doit payer pour :
1. Les milliers de Français et d'Européens razziés et réduits en servitude pendant trois siècles. Chaque famille concernée mérite reconnaissance et compensation.
2. Les sommes astronomiques versées en rançons par la France, l'Espagne, l'Italie pendant des siècles. Qu'on en fasse le calcul actualisé, avec intérêts composés. Le résultat sera vertigineux.
3. Le traumatisme séculaire des populations côtières méditerranéennes, contraintes de vivre dans la terreur permanente des razzias. Combien de villages vidés, de vies brisées, de destins anéantis ?
4. La piraterie systématique qui a ruiné le commerce méditerranéen pendant des siècles, appauvrissant des régions entières.
5. Les conversions forcées à l'islam, les humiliations publiques, les tortures infligées aux captifs chrétiens qui refusaient d'abjurer leur foi.
Comme l'écrit si justement l'universitaire Marie-Claude Mosimann-Barbier, la région a "oublié son active participation". Il est temps de lui rafraîchir la mémoire.
Le piège de la repentance unilatérale
La machine à repentance tourne à plein régime. Emmanuel Macron multiplie les déclarations sur les "crimes" français en Algérie. Mais où est la réciprocité ? Où sont les excuses d'Alger pour les siècles d'esclavage infligés aux Européens ?
Cette asymétrie est insupportable et dangereuse. Elle installe dans l'esprit public une vision manichéenne : l'Occident coupable, le reste du monde innocent. C'est historiquement faux et moralement inacceptable.
La vraie réconciliation ne peut se construire que sur la vérité complète, pas sur le mensonge ou l'oubli sélectif.
Si Alger veut sincèrement tourner la page, qu'Alger commence par reconnaître ses propres crimes. Qu'on érige des monuments aux esclaves blancs. Qu'on enseigne dans les écoles algériennes l'histoire complète de la Régence. Qu'on présente des excuses officielles aux descendants des victimes.
Pas de repentance sans réciprocité. C'est la seule voie vers une vraie paix mémorielle.
Conclusion : pour une histoire décolonisée... des deux côtés
Le débat mémoriel franco-algérien est verrouillé par une idéologie qui refuse d'admettre que l'histoire est complexe, que les victimes d'hier furent parfois les bourreaux d'avant-hier, et que la repentance à géométrie variable n'est qu'une nouvelle forme de domination intellectuelle.
Les Français n'ont pas à ramper éternellement devant un pays qui refuse d'assumer son propre passé esclavagiste. L'histoire de la Méditerranée est une histoire de conflits, de dominations croisées, d'atrocités réciproques. Assumons-la entièrement, ou taisons-nous définitivement.
Mais surtout, cessons cette hypocrisie insupportable qui fait de la France le seul coupable d'une histoire millénaire où les rôles de victimes et de bourreaux se sont constamment inversés.
Ilustration : Esclaves chrétiens, Maîtres musulmans : L'esclavage blanc en Méditerranée (1500-1800) Poche – 7 septembre 2007 de Robert C. Davis (Auteur), Manuel Tricoteaux (Traduction)
Un petit texte écrit il y a quelques années, mais c’est intemporel…
Alors que le monde politico-médiatique bourgeois occidental célèbre aujourd’hui en grandes pompes le 70ème anniversaire du débarquement américain en Normandie, il n’est pas superflu de rappeler que cette offensive ne fût pas la bataille la plus décisive de cette époque, et surtout de souligner ce qui se cachait réellement derrière ce déploiement de forces de dernière minute. Pour comprendre tout cela, il est nécessaire de remonter quelques années en arrière.
Au lendemain même du déclenchement de la guerre d’extermination menée par l’impérialisme allemand contre l’Union Soviétique, un sénateur américain influent prénommé Harry S. Truman, qui allait accéder à la présidence américaine à la mort de Roosevelt en 1945, déclara sans ambages :
« Si nous voyons l’Allemagne gagner, nous devrions aider la Russie et, si la Russie est en train de gagner, nous devrions aider l’Allemagne, pour que le plus grand nombre possible périsse des deux côtés ».1
Une ligne réaffirmée à la veille de l’attaque japonaise de Pearl Harbour, au début du mois de décembre 1941, par le Chicago Tribune qui estimait que le scénario idéal pour la civilisation (américaine) serait de voir les deux belligérants « se détruire l’un l’autre ». Après avoir soumis une grande partie de l’Europe occidentale, l’impérialisme allemand représentait en effet le concurrent le plus dangereux. Quant-à l’URSS, phare du socialisme et de la révolution mondiale, patrie des exploités du monde entier, elle représentait la promesse de l’extinction du capitalisme et donc une menace mortelle pour l’ensemble des pays bourgeois.
Au sein de la grande bourgeoisie américaine, ces paroles n’étaient pas une simple vue de l’esprit : l’impérialisme américain rêvait de tirer les marrons du feu de la lutte à mort que se livraient le fascisme et le socialisme sur le Front de l’Est. Peu importe qui gagnerait, il s’agirait de les aider à s’épuiser mutuellement au maximum, suffisamment en tout cas pour que l’impérialisme américain puisse ensuite se soumettre (ou liquider) le « vainqueur »… Mais en attendant, la guerre en Europe représentait déjà une juteuse affaire qui avait sorti du marasme économique l’impérialisme américain et résorbé son chômage infiniment plus efficacement que le New Deal…
C’est ainsi que l’impérialisme américain aida à sa manière chacun des deux belligérants, recueillant au passage des profits sonnants et trébuchants. A l’instar de l’impérialisme britannique, quoique dans des proportions qui n’excédèrent jamais 5 % de sa production de guerre, l’URSS bénéficia de la loi prêt-bail. Cette aide matérielle américaine ne devint significative qu’en 1942, c’est-à-dire après que l’URSS ait eu à affronter et seule le choc de l’invasion allemande et à la stopper nette aux portes de Moscou et de Léningrad. Même à partir de 1942, cette aide matérielle américaine (essentiellement logistique) fût une bien maigre compensation à l’ouverture d’un second Front en Europe de l’Ouest, que demandait avec insistance l’Union Soviétique pour ne plus avoir à affronter seule l’impérialisme allemand. Pourtant promise par Roosevelt avant la fin de l’année 1942, l’ouverture de ce second Front sera reporté deux ans durant… et permit effectivement d’épuiser au maximum les deux belligérants principaux pendant que l’impérialisme américain préféraient chasser les quelques troupes italo-allemandes d’Afrique du Nord (novembre 1942) pour prendre le contrôle de cette région riche en pétrole, puis en Sicile (juillet 1943) pour éviter que la chute imminente du Duce ne laisse à terme le champ libre aux communistes…
Jusqu’en 1943, l’impérialisme allemand concentra ainsi habituellement autour de 260 divisions sur le Front de l’Est, contre au maximum une petite vingtaine sur les Fronts secondaires ouverts par les troupes anglo-américaines…
Quant à l’impérialisme allemand, outre le fait qu’il pût concentrer l’essentiel de ses forces sur le Front de l’Est, il bénéficia très tôt des exportations américaines de produits pétroliers (transitant notamment via l’Espagne franquiste), ainsi que de la production de guerre des filiales allemandes d’IBM, ITT, Ford et General Motors, même après la déclaration de guerre de l’Allemagne nazie à l’égard des USA. Ainsi, la part américaine dans les importations allemandes d’huile à moteurs passa de 44 à 94 % entre juillet et septembre 1941. Comme le soulignent les historiens consciencieux :
« Les chars allemands n’auraient jamais pu atteindre la banlieue de Moscou sans les produits pétroliers fournis par les trusts américains. En fait, selon Tobias Jersak, un historien allemand expert dans la question des livraisons américaines de pétrole à l’Allemagne nazie, ni l’attaque allemande contre l’Union soviétique ni les autres grandes opérations militaires de l’Allemagne en 1940 et 1941 n’auraient été possibles sans les produits pétroliers provenant des États-Unis ».2
En dépit de la politique de double-jeu et des calculs intéressés permanents de l’impérialisme américain, l’Union Soviétique tînt bon. Ses peuples surmontèrent avec abnégation les innombrables sacrifices et souffrances imposées par l’occupation fasciste. Dans ces épreuves, on doit noter deux tournants majeurs dont témoignent les cartes ci-après.3
Le premier tournant est constitué par la bataille de Moscou (décembre 1941). Au cours de cette première vaste contre-offensive soviétique, l’ennemi fût rejeté loin de la Capitale. A l’Etat-major allemand, certains comprirent déjà que la guerre ne pourrait plus être gagnée. Cette première grande victoire de l’Armée Rouge démontra que l’impérialisme allemand n’avait non seulement rien d’invincible, mais n’avait également plus la force de poursuivre l’offensive sur toute la longueur du Front.
Il faut dire qu’à la fin de l’année 1941, la baisse de la production industrielle soviétique induite par l’évacuation des usines plus à l’est avait pris fin et la réorganisation de la production avançait rapidement. Les usines soviétiques qui avaient produit moins de 280 chars moyens et lourds en octobre 1941 (contre 480 en juillet 1941), en produisirent ainsi 520 en décembre 1941 et plus de 1 300 en mai 1942 ! Alors qu’en 1941, l’URSS produisit un peu moins de 4 900 chars (dont 58 % de chars moyens et lourds), elle en produisit 24 500 en 1942 (dont 62 % de chars moyens et lourds), et 19 800 en 1943 (dont 83 % de chars moyens et lourds).
Le deuxième tournant majeur du conflit fût la bataille de Stalingrad. Au cours de l’été 1942, l’impérialisme allemand concentra ses forces sur le Caucase et Stalingrad, l’objectif était autant un choc psychologique et symbolique (la prise de la puissante ville industrielle qui portait le nom honni du dirigeant de l’URSS), que militaire (conquérir les champs pétrolifères de la région de Grozny, vitaux pour assurer sur le long terme l’approvisionnement de la Wehrmacht).
Au cours de cette bataille acharnée de Stalingrad qui dura six mois, la Wehrmacht et l’Armée Rouge mobilisèrent chacune plus d’un million d’hommes. Alors que la Wehrmacht avait pénétré profondément dans la ville, son encerclement par l’Armée Rouge (en novembre 1942) se solda par 300 000 soldats allemands pris dans un piège dont ils ne parviendront pas à se libérer.
A ce moment là, il était devenu évident pour les milieux impérialistes américains que c’est l’URSS qui l’emporterait. La Wehrmacht ne parvint jamais à se remettre de ces pertes, échouant à mener de nouvelles offensives. Bien équipée et aguerrie au combat, l’Armée Rouge conserva l’avantage tout le reste du conflit. Ceci détermina sans aucun doute l’impérialisme américain à en faire le moins possible sur le théâtre européen, conformément à la doctrine énoncée par Truman. La contribution soviétique dans l’écrasement des troupes nazies était alors publiquement reconnue et saluée comme décisive par les plus hauts représentants des nations impérialistes « alliées ».
« … l’ampleur et la grandeur de l’effort (russe) s’inscrivent comme les plus grands faits militaires de toute l’Histoire »4, déclarait ainsi lucidement le général américain Douglas MacArthur à un moment où l’Armée Rouge n’avait pourtant encore fait que mettre un coup d’arrêt aux vastes offensives de la Wehrmacht.
Comme on le voit, la contre-offensive soviétique de Koursk (été 1943), suivie immédiatement de la seconde bataille de Smolensk et de la bataille du Dniepr, forcèrent la Wehrmacht à reculer en profondeur et à battre en retraite sur un large front, une tendance inexorable qui se confirma au début de l’année 1944.
Ci-contre : Production de chars T-34 (76) dans l’usine de char « Kirov » de Tcheliabinsk (1943).
Située à plus d’un millier de kilomètres à l’est de Moscou, cette ville était l’un des nouveaux grands centres industriels qui avaient surgi au cours de l’industrialisation socialiste. Elle vit sa population quadrupler durant la période 1926-1939, date à laquelle elle approchait 300 000 habitants. Souvent surnommée « tankograd » par les Soviétiques, ses usines livrèrent à l’Armée Rouge plus de 7 200 chars lourds KV et JS ainsi que plus de 5 000 chars moyens T-34 (76), sans oublier de grandes quantités d’autres armements.
A titre de comparaison, l’impérialisme allemand ne produisit qu’à peine plus de 1 800 chars Tigre I et II de 1942 à 1945 et 6 000 chars moyens Panthers (à partir de 1943), le seul surclassant le T-34 en termes d’armement et de blindage. Conçu en 1940, le T-34 (76) surclassait les chars moyens allemands (Panzer III et IV) en termes de blindage, de vitesse, d’armement et de qualités tout-terrain. Le T-34 fût produit à plus de 50 000 exemplaires au cours du conflit dans ses différentes variantes. Ses qualités lui valurent le qualificatif de « meilleur char du monde » par le général allemand Ewald Von Kleist.
Ainsi, de toute évidence, l’impérialisme américain profita de conditions (très) favorables pour le déclenchement de l’opération Overlord. Incapable de résister à la pression des offensives soviétiques, la Wehrmacht voyait régulièrement ses effectifs être saignés à blanc. Alors que durant les années 1941-1943 ses effectifs oscillaient autour de 3,9 millions d’hommes, ils n’étaient plus que de 3,4 millions d’hommes en juin 1944 et de 2,3 millions d’hommes en janvier 1945.
Surtout, même après le débarquement en Normandie, l’impérialisme allemand conservait l’essentiel de ses effectifs militaires sur le Front de l’Est (60 % en janvier 1945) qui resta donc le Front décisif sur lequel l’Allemagne nazie enregistrait ses plus lourdes pertes, comme en témoigne l’infographie ci-contre.
C’est ainsi dans les combats contre l’Armée Rouge que l’Allemagne enregistra plus des trois quarts de ses soldats tués au combat en 1945. Sur l’ensemble de la Guerre, ce sont pas moins de 88 % des 4,9 millions de soldats allemands tués au cours des combats qui le furent sur le Front de l’Est.
Même si l’on considère exclusivement le milieu de l’année 1944, il est impossible de considérer sérieusement l’opération Overlord comme la plus grande opération militaire de cette période. Le 22 juin 1944, l’Armée Rouge commémora à sa manière le troisième anniversaire de l’opération Barbarossa avortée en déclenchant l’opération Bagration qui visait à libérer les territoires de Biélorussie et des Etats Baltes.
Une vaste offensive soviétique était alors attendue par l’Etat-major allemand, mais plus au sud via la Pologne, afin de marcher au plus vite vers Berlin. Du côté soviétique, le transfert des troupes et du matériel qui précéda le lancement de cette opération s’opéra dans la plus grande discrétion (de nuit, à couvert, et tous feux éteints). Au cours de cette bataille décisive, l’URSS mobilisa plus de 2,3 millions d’hommes, 24 000 canons, ainsi que plus de 4 000 blindés et 6 000 avions. L’Armée Rouge surclassait alors de manière écrasante les forces allemandes qui disposaient de près de trois fois moins d’hommes et d’artillerie ainsi que de huit fois moins de blindés et d’aviation. Le résultat fût sans appel : près de 300 000 soldats allemands tués et 150 000 autres capturés, 3 groupes d’armées de la Wehrmacht complètement anéantis. En moins de deux mois, l’Armée Rouge avança jusqu’à plus de 400 km de profondeur sur un front large d’un millier de kilomètres. Au cours de la même période, l’offensive anglo-américaine en Normandie mobilisa au maximum 2 millions d’hommes. Ceux-ci faisaient face à moins de 400 000 soldats allemands dont seuls 50 000 furent tués et 200 000 autres furent faits prisonniers.
Aujourd’hui, la bourgeoisie internationale célèbre en grandes pompes son D-Day. Pour elle, le débarquement anglo-américain fût l’ultime chance de sauver les apparences et de ne pas perdre la face, en apportant une (bien modeste) contribution à l’effondrement final de l’impérialisme allemand. Si pour la bourgeoisie, c’est une « victoire », il ne peut s’agir que d’une victoire contre « l’allié » soviétique qui avait supporté les plus durs combats et affronté les troupes les plus aguerries et les mieux équipées de la Wehrmacht. Pour l’impérialisme américain, il était essentiel de sauver l’Europe de l’Ouest du péril rouge menaçant, de soutenir les cliques bourgeoises collaboratrices dont la légitimité avait été durement éprouvée alors même que les communistes avaient la plupart du temps joué un rôle moteur, voir dirigeant, dans la résistance armée contre l’occupant fasciste. Malgré une situation militaire très favorable pour les troupes anglo-américaines, ce fût l’Armée Rouge qui fit tomber Berlin et scella le sort de l’impérialisme allemand.
Le 17 juillet 1944, 57 000 soldats et officiers allemands faits prisonniers au cours de l’opération Bagration alors en cours défilent dans les rues de Moscou. Après leur passage, la voirie sera copieusement aspergée d’eau pour être « nettoyée »… Contrairement aux bruits répandus en occident, les prisonniers de guerre allemands furent plutôt bien traités au regard des crimes qu’ils avaient commis. Seuls 11 % de ces 3,3 millions d’hommes moururent au cours de leur détention. Le sort réservé aux prisonniers de guerre soviétiques ne fut pas le même : 69 % des 5,2 millions des soldats soviétiques capturés moururent dans les bagnes capitalistes allemands et ne revirent jamais le sol de leur patrie libérée…
Les travailleurs et les opprimés du monde entier, eux, n’ont pas à célébrer l’opération Overlord comme une « victoire ».
Les seules victoires qu’ils puissent célébrer, ce sont celles arrachées de haute lutte par les combattant héroïques de l’Union Soviétique, par ses troupes régulières comme par ses partisans qui versèrent sang et larmes, et dont le sacrifice et les souffrances sont en grande partie imputables aux grandes démocraties « occidentales » d’Amérique, de France et d’Angleterre qui firent tout leur possible dans les années 1935-1939 pour lancer la bête fasciste contre l’Union Soviétique.
Ce sont bien les peuples de l’Union Soviétique avec le PCUS(b) à leur tête qui infligèrent à la Wehrmacht les coups décisifs alors que les armées bourgeoises anglo-américaines attendaient patiemment que l’un des deux colosses vacille avant d’intervenir.
le sniper Roza Shanina (1944). Elle fût l’une des 400 000 femmes soviétiques à prendre les armes pour en découdre avec l’occupant fasciste.
Voilà les faits que la bourgeoisie cherche sans cesse à rayer de l’Histoire et c’est dans cette démarche que s’inscrivent les traditionnelles célébrations du débarquement américain en Normandie. Pourtant, même en célébrant la farouche résistance opposée au cours des sièges des grandes villes soviétiques comme Léningrad (assiégée deux ans et demi durant), au cours des offensives et des contre-offensives de Moscou, Stalingrad, Koursk ou de l’opération Bagration et de la bataille de Berlin, il est essentiel de ne pas oublier les lourds tributs ─ directs ou indirects ─, qu’eurent à payer les peuples de l’Union Soviétique.
C’est d’abord le sacrifice des vies de 10 millions de militaires (dont 7 millions morts au combat), de près d’un demi-million de partisans et d’une quinzaine de millions de civils, morts pour la plupart des suites des terribles conditions de vie que leur imposèrent l’invasion nazie (bombardements, famines, maladies). Ce sont ensuite des destructions matérielles sans précédent : plus de 1 700 villes et 70 000 villages et hameaux détruits partiellement ou en totalité par l’occupant, avec à la clef 25 millions de sans-abris ; des dizaines de milliers d’écoles et d’hôpitaux détruits, des dizaines de milliers de kolkhozes et d’établissements industriels ayant subi le même sort, des dizaines de millions de têtes de bétail perdues. Voilà quelques-uns des lourds tributs directs payés. Quant aux tributs indirects ─ encore plus lourds ─, on peut les résumer comme suit : plus d’une décennie davantage occupée à préparer, mener et panser les plaies d’une guerre d’extermination au lieu de poursuivre la marche en avant de la société socialiste, facteur décisif de la révolution socialiste mondiale ; la perte d’un capital humain irremplaçable : la vie de millions de soviétiques parmi les plus dévoués à la cause du communisme ; la mise en sommeil des mécanismes de contrôle populaire et de la vie normale du PCUS(b), c’est-à-dire autant d’éléments capitaux qui rendirent possible le triomphe de la contre-révolution bourgeoise-révisionniste au cours de la première décennie d’après-guerre. Quant aux répercussions mondiales de cette contre-révolution, il est superflu de s’étendre longuement dessus tant elles se font encore sentir aujourd’hui par la complète dégénérescence du mouvement communiste international et le non moins complet désarmement du prolétariat international et sa totale soumission au démocratisme et au réformisme bourgeois.
Aujourd’hui, les communistes ne peuvent célébrer qu’une chose : l’esprit combatif qui animait les valeureux défenseurs de l’Union Soviétique, et prendre exemple sur lui dans les luttes contemporaines pour la renaissance du mouvement communiste international, préalable nécessaire à l’abolition de l’esclavage salarié.
Vincent Gouysse, pour l’OCF, le 06/06/2014
Notes :
1 Jacques R. Pauwels, Le mythe de la bonne guerre – Les Etats-Unis et la Deuxième Guerre mondiale, Editions Aden (2005), p. 77 ─ La vidéo d’une conférence de présentation de ce livre remarquable se trouve sur notre site internet www.marxisme.fr •
2 Ibidem, p. 79 •
3 L’ensemble des cartes ainsi que l’infographie relative aux pertes militaires proviennent du très documenté dossier Eastern Front (World War II)– Source : en.wikipedia.org •
4 Why we fight – The battle of Russia, USA (1943) – Ce film documentaire américain d’époque est disponible sur notre site internet en téléchargement.
Suite à l’arrivée massive de migrants d’Afrique et à l’engouement universitaire pour le racialisme woke, l’idée française de race s’invite sur la scène idéologique. Aussi, pour penser clair, rembobinons son film. Sans déborder sur celui de l’antisémitisme ni celui de l’esclavagisme.
Sous l’Ancien Régime, la race c’est la famille, la lignée héréditaire et son lignage. Maurras la fera volontiers sienne. En 1730, émerge l’idée des « deux races » d’Henri de Boulainvilliers, selon laquelle la noblesse serait d’origine germanique, par opposition au peuple gallo-romain. Ce racisme de classe, inversé par Sieyès (Qu’est-ce que le Tiers-État),forme la base idéologique de la Révolution. L’idée des deux races est réfutée par Fustel de Coulanges car on ne trouve, durant dix siècles, rien qui ressemble à une hostilité des races. Maurras reprendra Fustel.
En 1855, paraît la troisième idée française de race, du romantique Arthur de Gobineau, pour qui le métissage est le moteur de l’Histoire. Sa mixophobie pessimiste teintée d’aryanisme constitue la première contribution au racisme biologique. Maurras dénoncera le gobinisme comme une variante dangereuse du germanisme.
Entre 1860 et 1900, l’anthropologie raciale devient la science officielle des races. Derrière Paul Broca, des raciologues très liés aux républicains colonialistes, distinguent la race blanche supérieure des races noire et jaune. Ce racisme suprémaciste sert à justifier la colonisation républicaine. L’assimilation des « races inférieures » se fera après leur régénération par les Lumières. Rétif à la colonisation poussée par Bismarck, Maurras se tiendra à distance de l’anthropologie raciale, contrairement à Drumont. En 1890, le socialiste Georges Vacher de Lapouge substitue la lutte des races à celle des classes. Il invente le racisme eugénique au service d’un surhomme de la race supérieure régénérée par la sélection des procréateurs. Maurras déconseillera les rêveries zoologiques de Vacher de Lapouge à Bainville.
« Racisme » entre dans le Larousse en 1932 et, à partir de 1938, l’ancien communiste Georges Montandon oriente l’idée française de race vers un racisme scientifique, capable de reconnaître les Juifs à leur physique. Lorsque Maurras affirmera que le racisme est inapplicable en France, Montandon lui reprochera de ne pas parler d’ethnisme.
À la guerre d’Algérie, naît l’antiracisme comme double du racisme. L’anticolonialiste antillais Frantz Fanon, affirme que, « pour le colonisé, la vie peut uniquement surgir du cadavre en décomposition du colon ». C’est l’antiracisme evictioniste car « la décolonisation est très simplement le remplacement d’une ‘espèce’ d’hommes par une autre ‘espèce’ d’hommes. Sans transition, il y a substitution totale, complète, absolue ». Georges Calzant et Pierre Debray lutteront contre cette mixophobie exterminatrice.
Avec l’État socialiste de 1981, l’antiracisme différentialiste et multiculturel d’Harlem Désir devient doctrine officielle, célébrant en même temps le respect hétérophile des appartenances communautaires et le devoir mixophile de métissage. Compatible de la notion douteuse de « droits des peuples à disposer d’eux-mêmes et à la différence », le maurrassien Nicolas Portier lui opposera la nation.
Aujourd’hui, l’islamo-gauchiste Jean-Luc Mélenchon prône l’antiracisme créolisteur pour régénérer par transformation culturelle la « race blanche » que seul des apports extérieurs peuvent revivifier. Cette créolisation revendique une manière de « faire peuple ». L’antiracisme créolisteur veut conclure le racisme antiraciste, le racisme anti-blanc qui essentialise les Blancs comme racistes, tout en affirmant que les non-Blancs ne peuvent être racistes puisqu’ils sont ontologiquement dominés et « racisés ».
Nous, nationalistes, comme Maurras, restons fidèles à l’idée française de la race d’Ancien-Régime.
Par Bernhard Walter — Yad Vashem: "Jews undergoing selection on the ramp. Visible in the background is the famous entrance to the camp. Some veteran inmates are helping the new comers.", Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=39226962
La béatification, ce samedi 13 décembre 2025, de cinquante Français victimes du nazisme constitue un événement historique, pour l’Église catholique comme pour la France. Prêtres, religieux, séminaristes ou laïcs, jeunes ou plus âgés, tous ont été reconnus martyrs après de longues années d’instruction par le dicastère des Causes des Saints. Enfin, en juin 2025, le pape Léon XIV signait le décret déclarant que tous étaient tombés en haine de la foi sous le régime nazi, entre 1944 et 1945, des sacrifices qui continuent aujourd’hui de nous éclairer et de nous avertir.
Un vingtième texte de notre rubrique « Souvenez-vous de nos doctrines » est à retrouver aujourd’hui, de Pierre Boutang, extrait de Reprendre le pouvoir, paru en 1978.
[Avant de parler de pouvoir, il faut parler de souveraineté, car] le pouvoir est dérivé à tous égards, en expérience et dans le langage (…) Ce qui naît, c’est un enfant pas un homme (…) La déclaration des droits, elle, faisait naître des hommes au présent éternel ; on sait comment ses dévots traitèrent ceux qu’ils avaient sous la main (et les traitent encore).
L’enfant naît, dépend, reçoit. Le verbe pouvoir, quand il s’essaie à l’employer, ce n’est pas pour mesurer ou démesurer ses forces, c’est pour questionner sur un droit, obtenir une permission, sur ce qu’il peut, en fait, hors du regard, il n’interroge pas, il veut, exécute. Souvent, en retour, « tiens, je pourrais ». Et, plus tard, rebelle, « je peux bien » (avec parfois « tout de même »), ce qui prépare le « je suis bien libre, après tout » de l’adolescence en franche révolte. Le phénomène premier, c’est qu’il y a quelqu’un, une souveraineté que j’interroge, afin de pouvoir ou pour savoir si je peux (…).
Ces adultes pourtant, en leur « gloire » imitable et participable, l’enfant ne les nomme pas des maîtres, apprend pour eux des noms plus tendres ; pas des « puissants » non plus (…) Voilà décrit, selon une dimension et un regard d’enfant, le phénomène de la souveraineté ; le regard de l’enfant est tourné vers une hauteur « souveraine », le passage de l’imitation au recours et la découverte d’un autre « en dessus » sont les données premières de l’expérience politique.
Je reste fidèle à l’intuition qui domine la Politique (publiée en 1947), celle de la naissance, c’est-à-dire le paradoxe d’une liaison absolue à la contingence même, comme fondement de la société humaine. Et, par ailleurs, l’ordre des propositions presque axiomatiques énuméré dans mon Court traité d’il y a 20 ans ne me semble pas modifiable, si la formulation est différente et si leur illustration empirique, c’est-à-dire dans l’actualité politique s’est, évidemment, déplacée.
Voici donc cet ordre : 1. que la souveraineté existe. 2. qu’elle est au centre d’une lutte, vulgairement dite « lutte pour le pouvoir », mais n’est pas l’enjeu de cette lutte, dont la nature commande le déroulement. 3. elle est nécessaire, d’un type de nécessité d’essence, non comme effet de volonté ni de hasard, mais comme égale à la part de nature humaine qui instaure et délimité le politique. 4. elle est naturellement limitée : par cette nature politique et par le monde dans quoi elle se projette. 5. elle est extérieure, ou « transcendante » à la société (ne coïncidant jamais avec elle, et, dans le temps, à la fois en retard et en avance sur elle). 6. elle est légitime, quand elle existe, et là où elle n’est pas légitime, elle ruine sa propre essence et il n’y a plus ni souverain ni sujet. 7. elle est un projet temporel autant que la propriété d’un domaine et qu’une figure dans l’espace, et précisément le projet d’unité et de continuité de ce domaine en toute sa durée.
Lorsque la Maison Blanche a publié, le 5 décembre 2025, son nouveau document National Security Strategy, peu de commentateurs ont réellement mesuré l’ampleur de ce qu’ils avaient sous les yeux. Techniquement, il s’agit d’un texte officiel fixant pour plusieurs années les principes conducteurs de la politique extérieure et de sécurité des États-Unis. Politiquement, c’est tout autre chose : c’est le premier exposé doctrinal cohérent, complet, assumé, de ce que l’on peut appeler le trumpisme.
Jusqu’ici, le personnage de Donald Trump laissait perplexes ceux qui tentaient de classer son orientation profonde : centrisme pragmatique, puisque, par exemple, il finança Hillary Clinton dans les années 2000 ; tentation néo-conservatrice, puisqu’il gouverna sous son premier mandat avec des faucons comme John Bolton ; élan libertarien avec Elon Musk, héritier d’une Amérique farouchement individualiste ; réflexes paléo-conservateurs hérités de Pat Buchanan. On flottait dans l’incertitude.
Avec ce nouveau NSS, la première nouvelle, c’est que l’ambiguïté disparaît. La Maison Blanche parle enfin d’une seule voix. Et cette voix n’a plus rien à voir avec l’ordre globalisé que Washington entendait maintenir depuis 1945.
C’est un document historique, au sens littéral puisque ce NSS n’est pas un énième rapport technocratique. C’est un basculement. Pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, un président des États-Unis annonce que l’architecture du monde occidental ne repose plus – et ne reposera plus – sur le modèle atlantiste, supranational, universaliste, qui dominait sans partage depuis près de quatre-vingts ans.
Ce texte marque la fin d’une époque. Et, paradoxe délicieux, ce sont les États-Unis eux-mêmes qui enterrent l’ordre mondial qu’ils avaient imposé. On chercherait en vain, dans les grandes démocraties occidentales, un dirigeant qui oserait renouer avec les mots qui furent ceux de Charles Maurras : primauté de la civilisation ; centralité des nations charnelles ; rejet des constructions abstraites et supranationales ; droit naturel des peuples à persévérer dans leur être. Or, voilà que cette doctrine – honnie sur le vieux continent – ressurgit… à Washington.
Il est question de civilisation, souveraineté, nations ; l’ossature du texte est maurrassienne : le chapitre introductif du NSS suffirait déjà à provoquer un scandale permanent dans les capitales européennes. On y lit que l’État-nation est l’unité fondamentale du monde et que chaque peuple doit reconnaître sa souveraineté, la défendre, en refuser la dilution.
La Maison Blanche affirme désormais que les organisations transnationales ne doivent pas pouvoir restreindre l’autorité d’un État sur son territoire, sa culture et son avenir. Pour tout lecteur familier de la pensée maurrassienne, la convergence saute aux yeux : les nations sont organiques ; les constructions supranationales sont mécaniques. Les premières survivent ; les secondes s’effondrent. Cette philosophie était bannie d’Occident depuis 1945. Elle revient aujourd’hui par la porte principale.
Ici l’Europe rappelée à l’ordre – et à ses mensonges. Il fallait bien que les Européistes hurlent à « l’ingérence ». Ils ne s’en privèrent pas. Mais où étaient leurs cris lorsque Barack Obama imposait ses vues sur les gouvernements européens ? Lorsque la NSA écoutait les conversations des dirigeants européens ? Où étaient-ils lorsque Joe Biden conditionnait l’aide militaire, la politique énergétique et même les régulations numériques des pays de l’Union ? L’indignation est sélective : elle n’apparaît que lorsque Washington cesse d’être globaliste. Les Européistes défendront leur religion jusqu’à son dernier souffle.
Car l’analyse que fait ce texte « NSS » sur l’Europe est d’une sévérité inédite, mais d’une lucidité parfaite. Il décrit un continent : désarmé psychologiquement, ravagé par l’immigration de masse, bâillonné par une idéologie normative, incapable de maintenir ses taux de natalité, en voie d’effacement civilisationnel. Et, encore une fois, l’écho maurrassien est clair : sans continuité historique, sans identité durable, il n’existe pas de nation vivante. Trump ne dit pas autre chose. On est très surpris que ça vienne d’une personnalité comme la sienne, mais c’est ainsi (encore que son vice-président JD Vance semble avoir un discours réactionnaire un peu plus construit qui pourrait avoir influencé l’homme à la casquette rouge).
C’est la fin de la globalisation, le retour du monde multipolaire. En effet, un autre point est essentiel : le document acte la fin du rôle américain de « gendarme du monde ». L’administration Trump ne veut plus soutenir l’ordre planétaire tel qu’il avait été pensé en 1945 ; elle souhaite que les États-Unis défendent avant tout leur propre civilisation, sans se sacrifier pour maintenir des illusions universalistes, confirmant ainsi le slogan de Trump : « America First ».
Cette acceptation du multi-polarisme constitue évidemment une excellente nouvelle. Elle reconnaît que chaque civilisation possède une logique qui lui est propre, une forme, une tradition, une langue politique.
S’agissant de la Russie et l’Ukraine, c’est une lecture fondée sur la force et la faiblesse qui est faite.Le document affirme que l’Europe est agressive envers la Russie parce qu’elle est faible et pas de taille à lui faire face. L’idée est claire : les nations solides négocient ; les nations faibles gesticulent. Quant à l’Ukraine, l’objectif américain semble évident : Trump souhaite la paix, Zelensky la refuse (actuellement il refuse de céder le moindre territoire), La guerre va donc continuer. En conclusion, on peut penser que l’aide américaine diminuera probablement. Non par sympathie pour Moscou, mais parce que l’Amérique ne veut plus soutenir indéfiniment des conflits qui n’appartiennent pas à sa priorité civilisationnelle.
Pour ce qui concerne le soutien aux mouvements souverainistes européens, c’est un séisme politique.Au-delà de l’analyse, le NSS affirme clairement que Washington souhaite soutenir les mouvements patriotiques européens, ceux qui défendent l’héritage civilisationnel du continent.
Là encore, les Européens globalistes crient à l’ingérence. Pourtant, ce soutien correspond simplement à un principe, que l’Actionfrançaise défend depuis un siècle : les nations ont le droit et le devoir de s’organiser.
Si l’Europe s’effondre, dit en substance la Maison Blanche, c’est toute la civilisation occidentale qui se décompose. Et les États-Unis n’ont aucun intérêt à voir disparaître leur sœur civilisationnelle. « Si les tendances actuelles se poursuivent, le continent sera méconnaissable d’ici 20 ans, voire moins. Dans ces conditions, il est loin d’être certain que certains pays européens disposeront d’économies et d’armées suffisamment fortes pour rester des alliés fiables. Nombre de ces nations persistent actuellement dans cette voie. Nous souhaitons que l’Europe reste européenne, qu’elle retrouve sa confiance en elle sur le plan civilisationnel et qu’elle abandonne son approche inefficace de réglementation excessive. Ce manque de confiance en soi est particulièrement manifeste dans la relation de l’Europe avec la Russie. (…) »
Un renversement des lignes idéologiques est possible… Le diagnostic posé dans le récent ouvrage de Mathieu Bock-Côté, Les Deux Occidents, trouve ici une résonance nouvelle. Oui, écrit-il, l’Occident est aujourd’hui divisé : une Amérique conservatrice, une Europe post-nationale, progressiste, idéologiquement épuisée. Mais qu’en sera-t-il dans un an, avec les élections de mi-mandat aux États-Unis ? Les Américains sont-ils vraiment tous devenus maurrassiens vendredi dernier ? Ça reste à confirmer !!!!! Si maintenant on regarde l’Europe, a contrario les partis conservateurs (et/ou populistes) semblent progresser partout. Malheureusement, sans cette dimension civilisationnelle et souverainiste conseillée par Trump.
En conclusion, souhaitons que l’Europe se ressaisisse – enfin. L’histoire retiendra peut-être ce NSS comme l’un des textes fondateurs du XXIᵉ siècle. Un document qui rompt avec l’illusion mondialiste et propose un retour au réel : la civilisation, les frontières, la souveraineté, les nations. Espérons que les peuples européens sauront entendre l’avertissement venu d’outre-Atlantique. Espérons que leurs dirigeants sauront s’inspirer de cette réhabilitation du politique, du réel, de l’héritage et de la continuité historique. Et espérons, surtout, que la majorité du peuple américain confirmera cette orientation, permettant au monde occidental de renouer avec son génie propre : une civilisation consciente de sa valeur et fidèle à ses nations.
Une précision est, bien sûr, nécessaire : si ce texte est fondamental et inspirant, ça ne valide néanmoins pas la totalité de la politique trumpiste.
Ancien dirigeant d’entreprise, Guy Barbey est le président de l’association Climat et Vérité, qui publie chaque semaine sur internet une revue de presse gratuite en vue de « favoriser un débat ouvert et pluraliste sur la science climatique et sur la transition énergétique ». Dans un livre très documenté, Les dissidents du climat — Les thèses du GIEC en question (Éditions Bookelis, 286 pages, 18 euros), préfacé par le professeur Paul Deheuvels, membre de l’Académie des sciences, et par le polytechnicien Michel Vieillefosse, vice-président de l’association des anciens du Centre national d’études spatiales, l’auteur démontre comment l’ONU, via le GIEC, poursuit des objectifs politiques en imposant « la culpabilisation du CO2 anthropique à la communauté internationale ».
Le GIEC est un organisme politique
L’Intergovernmental panel on climate change (IPCC) a été créé en 1988 par l’ONU, suite à une initiative du G7 impulsée par Ronald Reagan et Margaret Thatcher qui souhaitaient notamment réduire l’influence des syndicats de mineurs dans leurs pays respectifs.
La traduction en français, Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), laisse à penser que ses participants possèdent un statut d’expert alors qu’ils ne sont que des représentants désignés par les États membres.
La mission de cet organisme consiste à s’intéresser à l’influence humaine sur le climat, et non à étudier les causes naturelles pouvant l’affecter telles que les rôles du soleil et de l’océan, les changements d’orbite de la terre, etc.
« Comment le GIEC peut-il prétendre procéder à des analyses neutres alors que sa maison-mère, l’ONU, a décrété et fait approuver en 1992, dans la Convention cadre des Nations-Unies sur le changement climatique, la condamnation du CO2 anthropique par anticipation ? »
Son premier objectif a consisté à « étouffer toute velléité des scientifiques indépendants de contester la thèse du rôle central du CO2 anthropique dans le réchauffement climatique ».
Aujourd’hui encore, « de nombreux scientifiques n’osent plus s’exprimer car ils craignent des représailles », tandis qu’« une douzaine de pétitions internationales comportant parfois des milliers de signatures de scientifiques sont restées sans réponse ».
Une scientificité douteuse
Guy Barbey a initialement adhéré aux conclusions formulées par le GIEC, dont la crédibilité scientifique lui paraissait établie, avant de lire les critiques argumentées de scientifiques renommés qui subissaient une véritable omerta.
L’auteur ne conteste pas le réchauffement climatique en cours mais s’efforce d’en comprendre les causes : « C’est le rôle central accordé aux gaz à effet de serre et en particulier au CO2 anthropique dans le réchauffement climatique ainsi que l’objectif de neutralité carbone en 2050 qui sont en question. »
Depuis l’origine, « le GIEC a multiplié les prédictions apocalyptiques sur l’évolution du climat, qui se sont révélées largement fausses chaque fois qu’il a été possible de les vérifier ».
Sur la base de modèles mathématiques très simplifiés et en désaccord avec les mesures de la température de l’atmosphère, des rapports, régulièrement publiés, concluent à la culpabilité du CO2, tandis que les thèses critiques sont passées sous silence.
Contrairement au principe de la démarche scientifique qui consiste à émettre des hypothèses puis à comparer les théories à la réalité, ces rapports partent des conclusions voulues par les rédacteurs finaux, tout en utilisant un artifice qui consiste à apposer les noms de tous les contributeurs pour suggérer que chacun d’eux valide lesdites conclusions.
Des falsifications graves sont avérées, comme dans le rapport de 1995 où les conclusions de scientifiques n’ayant pas attribué les changements climatiques à l’augmentation des gaz à effet de serre ont été modifiées dans la rédaction finale.
Par ailleurs, malgré le haut degré de confiance qui leur est attribué, « les prévisions ou projections faites à partir des modèles ne sont pas fiables », d’autant plus que la complexité du sujet étudié est accentuée par l’existence d’une trentaine de climats différents et non d’un seul, selon la classification retenue par les géographes.
Une manipulation d’envergure est apparue lorsque l’évolution des températures admise par les scientifiques depuis le Moyen Âge a été contestée par un certain Michael E. Mann en 1998. L’histoire du climat démontre que des périodes de fort réchauffement ont alterné avec des périodes de fort refroidissement, sans que ces variations puissent être attribuées à l’activité humaine du fait de l’existence d’un optimum médiéval plus chaud que la période actuelle, suivi d’un petit âge glaciaire et d’une remontée des températures vers 1850. Les conclusions de ce « jeune climatologue fraîchement diplômé », effaçant à la fois cet optimum et ce petit âge glaciaire tout en mettant en évidence « une accélération très marquée de la température de la planète depuis le début du XXe siècle », ont été retenues par le GIEC qui leur a donné une publicité considérable, malgré le fait que la courbe des températures présentée par l’intéressé ait fait l’objet de solides critiques scientifiques et déclarées fausses par une commission sénatoriale américaine en 2006.
En 2011, le GIEC a également « annoncé en grande pompe » que « 77 % des besoins énergétiques de la planète pourraient être fournis par les énergies renouvelables en 2050 », alors que l’Agence internationale de l’énergie estimait leur potentiel à 10 %. Cette information erronée a servi de référence aux travaux préparatoires des Accords de Paris en 2015.
L’Occident doit payer et s’appauvrir
Les énergies fossiles (pétrole, charbon et gaz naturel) fournissent près de 80 % de l’énergie primaire dans le monde. Selon l’Agence internationale de l’énergie, ce pourcentage ne pourra faiblir que lentement car tous les pays en ont grandement besoin, soit pour sortir de la pauvreté, soit pour défendre leur niveau de vie.
L’objectif de la « neutralité carbone », fixé à l’horizon 2050, entraînerait de fait les nations occidentales vers la décroissance économique et l’appauvrissement, pendant que d’autres puissances ne se restreindraient nullement.
Les thèses avancées par le GIEC conduisent en réalité à un « grand marchandage financier planétaire » dans lequel les pays industrialisés sont déclarés responsables du réchauffement climatique et sommés de « payer des sommes substantielles au reste du monde pour l’aider à faire face à cette situation nouvelle ».
Un haut dirigeant du GIEC, Ottmar Edenhofer, a ainsi déclaré : « Il faut dire clairement que nous redistribuons en fait la richesse du monde par la voie de la politique climatique. »
L’exigence d’un débat scientifique
À l’inverse de ce qui est couramment avancé, de nombreux scientifiques (dont des prix Nobel), universitaires et experts n’adhèrent pas au dogme du réchauffement climatique anthropique lié à la combustion des énergies fossiles.
L’auteur consacre de longues pages à recenser en détail « les voix des Dissidents du climat, étouffées par l’omerta » (dont l’association de scientifiques belges Science, climat et énergie, qui propose sur son site internet une excellente recension du livre de Guy Barbey).
Au moment où cette contestation scientifique ne peut plus être ignorée, le risque est réel que, sous prétexte de sauver la planète, ces dissidents climatiques soient l’objet de mesures liberticides : « On pourrait très bien entrer en France dans une nouvelle phase où la censure sera officialisée et les contrevenants sanctionnés. »
Il est pourtant indispensable d’exiger une confrontation honnête et publique entre les tenants des thèses opposées : « La France s’honorerait à prendre la tête d’une telle initiative visant à faire revivre le pluralisme scientifique écrasé par trente ans d’hégémonie onusienne. »