vendredi 28 novembre 2025

Seconde Guerre Mondiale – Les États-Unis continuent leurs efforts pour réécrire l’histoire d’un monde global

 

La déstabilisation générale des États et des rapports internationaux est une excellente période pour reprendre du terrain géopolitique, pendant que tous les regards sont forcés de se focaliser dans une seule direction, pendant que les pays tournent en rond au fond d’une impasse glauque. Cette année marque le 75e anniversaire de Victoire de la Seconde Guerre Mondiale, qui devait être l’occasion de cérémonies grandioses. Notamment à Moscou, puisque l’URSS est un pays-clé de la victoire contre le nazisme et le fascisme. « Par chance » pour le clan atlantiste, ces cérémonies n’auront pas lieu le 9 mai, ils ne seront pas obligés de venir et de devoir refuser de venir, ils purent applaudir avec soulagement la décision de report des cérémonies du 9 mai, qui ne seront donc pas des cérémonies du 9 mai, à Moscou. Le symbole ne leur sera pas imposé. Il n’y aura pas de symbole. Et pendant ce temps-là, les États-Unis travaillent. Ils ouvrent un programme de financement en Hongrie, permettant une individualisation de l’histoire et sa réécriture contre le rôle de l’URSS dans la Seconde Guerre Mondiale au profit des alliés américains. Bref, pendant que certains pays ont été mis à l’arrêt, la vie continue, le monde global renforce ses positions.

La réécriture de l’histoire de la Seconde Guerre Mondiale par les États-Unis n’est pas une nouveauté, c’est même un élément essentiel, depuis la chute de l’URSS, pour réduire son rôle en Europe et donc délégitimer la prétention de la Russie aujourd’hui à être un centre politique concurrent. Nous avons eu droit récemment à une tentative grossière d’attribuer à l’armée américaine la libération du camp d’extermination d’Auschwitz, libéré par l’armée soviétique, (voir notre texte à ce sujet ici). Nous avons régulièrement droit à l’opération de discrédit de l’URSS sur fond de laïus « Pacte Molotov-Ribbentrop », accompagné de la mise sous silence de tous les pactes conclus par les pays occidentaux, notamment la France et la Grande-Bretagne avec l’Allemagne nazie et du refus qu’ils ont opposé à l’URSS en 1939 pour une alliance militaire contre l’Allemagne nazie (voir notre texte ici).

Si l’attaque est répétée avec tant de constance, c’est justement parce que l’URSS a joué un rôle incontournable dans la Seconde Guerre Mondiale, qu’elle a libéré seule plus de 50% du territoire européen (sans compter sa partie européenne), ce qui fait la libération de plus de 120 millions de personnes sur 16 pays aujourd’hui indépendants. Pour la libération de 6 autres pays, l’armée rouge est intervenue en coopération avec les armées alliées. (voir notre texte à ce sujet).

C’est cette mémoire qu’il faut briser. C’est cette histoire qu’il faut réécrire. Afin que le monde soit enfin global, qu’il n’ait qu’une mémoire, faisant des États-Unis le héros incontesté et incontestable, justifiant leur rôle d’unique centre politique. Puisque la globalisation, par définition, ne permet qu’un centre.

Ainsi, le Département d’État américain ouvre le financement d’un programme en Hongrie de reconstruction de l’histoire basée sur la mise en avant d’histoires individuelles, s’appuyant sur des témoignages, afin de reconnaître, comme cela est annoncé, la « complexité de l’histoire ». Autrement dit, je cite, des actes d’humanité et de résistance, de cruauté et de collaboration au milieu de l’holocauste, de la Seconde Guerre mondiale et « sous la tyrannie de l’Union soviétique ».

Combattre l’histoire par l’individu, ce qui permet de sortir chaque élément de son contexte et, à terme, de réécrire ce contexte. Et surtout de mettre au même niveau le libérateur-soviétique et l’occupant-nazi, qui était, il est vrai, un allié. Mais cette complexité-là de l’histoire est beaucoup moins souhaitable.

L’ambassade de Russie aux États-Unis a protesté et demandé en substance aux États-Unis de ne pas financer de pseudo-programmes historiques, ne devant in fine que servir les intérêts des États-Unis et non pas de la recherche historique.

Elle a rappelé que la bataille de Budapest a coûté la vie à 80 000 soldats soviétiques et alliés roumains, faisant plus de 240 000 blessés dans leurs rangs. Environ, 50 000 soldats allemands et hongrois sont morts, 26 000 ont été blessés et 138 000 capturés. Dans cette bataille brutale, qui s’est menée maison par maison, les pertes civiles ont été autant réduites que possible – 76 000. Cette bataille a été décisive également sur le plan stratégique, car elle a privé Hitler d’un de ses derniers alliés en Europe.

C’est aussi de cette « histoire complexe » dont les globalistes ne veulent plus avoir à supporter l’ombre. Et cet étrange « combat global » contre un « virus global » ne doit pas nous faire détourner les yeux de l’essentiel : notre mémoire, c’est notre avenir, notre liberté, notre survie comme Nation. Elle ne peut être mise en quarantaine. En tout cas, sans que nous n’y succombions.

Karine Bechet-Golovko

source : http://russiepolitics.blogspot.com

https://reseauinternational.net/seconde-guerre-mondiale-les-etats-unis-continuent-leurs-efforts-pour-reecrire-lhistoire-dun-monde-global/

jeudi 27 novembre 2025

Esclavage, mémoire et vérité historique : ce que Libération ne veut pas regarder

 

Esclavage, mémoire et vérité historique : ce que Libération ne veut pas regarder

L’article que Libération consacre à un forum d’Afro-descendants organisé à Salvador de Bahia, en présence de Christiane Taubira, se présente comme une réflexion transatlantique sur les héritages de l’esclavage. Il n’est toutefois qu’un nouvel exemple de traitement mémoriel partiel et idéologisé, où l’histoire devient un matériau politique plutôt qu’un objet de connaissance. Ce texte, qui prétend éclairer, obscurcit. Il convoque des souffrances réelles, mais les enferme dans un récit volontairement amputé. Il présente l’esclavage comme une faute exclusivement européenne, et les Afro-descendants comme des victimes éternelles et « racisées », privées de responsabilité propre. Or les faits racontent tout autre chose.

Balbino Katz

La fabrique d’une identité victimaire : quand Libération invente les « populations racisées »

L’un des ressorts discursifs les plus marquants de l’article est la notion de « populations racisées ». Le terme, désormais courant dans certains milieux universitaires français, repose sur un glissement conceptuel majeur : il ne désigne plus une identité réelle, mais une identité attribuée. Selon cette logique, les Afro-descendants ne seraient plus des héritiers d’une histoire africaine, américaine ou caribéenne, mais des individus définis par le regard discriminant supposé d’autrui.

Ce renversement sémantique est fondamental : il fait passer l’individu de son propre héritage au regard de l’autre. L’identité devient un stigmate, non une continuité. L’individu ne se pense plus comme membre d’un peuple, d’une tradition ou d’une culture, mais comme le produit d’un système hostile. Cette manière de définir l’identité par la blessure et non par la transmission est au cœur des politiques mémorielles contemporaines. Elle déresponsabilise, désindividualise et installe durablement l’idée que l’identité profonde n’est pas ce que l’on est, mais ce dont on souffre.

Cette logique produit une vision binaire de l’histoire : d’un côté les dominés éternels, de l’autre les dominants permanents. Les Afro-descendants ne sont alors plus les héritiers d’empires africains, de résistances et de cultures, mais des victimes assignées à résidence morale. C’est ce que le sociologue américain Orlando Patterson appelait « la seconde servitude ». Cette identité diminuée, figée, tournée vers l’extérieur plutôt que vers soi, enferme les trajectoires individuelles dans une plainte infinie.

Pourtant, les Afro-descendants ont mille raisons d’assumer leur histoire avec fierté. Ils sont les héritiers de royaumes puissants tels que le Dahomey, le Kongo ou l’Ashanti, de penseurs remarquables comme Anton Wilhelm Amo ou Edward Blyden, et d’une créativité culturelle qui a traversé l’Atlantique en influençant le monde entier, de Haïti aux États-Unis, du Brésil aux Caraïbes. Réduire cette richesse à une identité de « racisés » revient à nier leur capacité d’agir et leur souveraineté mémorielle.

L’esclavage avant l’Europe : une pratique universelle que Libération efface

Le récit promu par l’article repose sur une culpabilité exclusivement européenne, comme si l’esclavage était une invention occidentale et la traite atlantique son seul théâtre. L’historiographie moderne contredit pourtant cette vision simpliste. Les travaux d’Olivier Pétré-Grenouilleau, Ralph Austen, Bernard Lewis, Paul Lovejoy ou Murray Gordon montrent que l’esclavage constitue un phénomène universel, ancien et multiforme. Trois grands systèmes esclavagistes, d’ampleur comparable, ont existé :
– la traite intra-africaine, enracinée dans les structures politiques traditionnelles ;
– la traite orientale ou arabo-musulmane, active du VIIᵉ au XXᵉ siècle ;
– la traite atlantique, plus récente.

La traite intra-africaine est la plus ancienne et plonge ses racines dans les mécanismes politiques de nombreux royaumes précoloniaux. La capture de prisonniers, leur mise en servitude et leur redistribution faisaient partie du fonctionnement ordinaire de ces systèmes. Quant à la traite orientale, elle fut la plus longue et l’une des plus brutales, avec castration systématique et absence de descendance. La servitude demeura un statut juridique légitime dans le droit islamique classique jusqu’au XXᵉ siècle.

La traite atlantique fut immense et tragique, mais ne fut pas inventée par les Européens : elle s’inscrivit dans des structures africaines déjà établies. Plus de 90 % des captifs étaient conquis et convoyés par des autorités africaines militarisées. Les Européens restaient sur les côtes ; les réseaux internes étaient africains. Cela n’efface pas la responsabilité européenne, mais rappelle qu’elle n’était ni exclusive ni originelle.

Le débat de Valladolid : quand l’Europe questionne sa propre domination

Le débat de Valladolid (1550-1551), organisé par Charles Quint, constitue un épisode unique de l’histoire intellectuelle mondiale. Pour la première fois, une puissance impériale interrogeait publiquement la légitimité morale de sa domination. Las Casas y défendit l’humanité pleine des Indiens ; Sepúlveda invoqua la « servitude naturelle » selon Aristote. Ce débat n’a eu aucun équivalent dans les autres civilisations. Il inaugura un mouvement d’autocritique qui conduisit, deux siècles plus tard, aux premières abolitions modernes.

Une Europe paradoxale : seule civilisation à abolir l’esclavage universellement

L’abolition fut le fruit de cette maturation intellectuelle. La Grande-Bretagne lança le premier mouvement abolitionniste structuré, puis interdit la traite en 1807 et l’esclavage en 1833. La Royal Navy consacra une partie de sa flotte à l’interception des navires négriers. La France suivit en 1848. À l’inverse, les abolitions dans le monde musulman furent tardives : jusqu’en 1981 en Mauritanie. Ces dates ne sont pas une question morale, mais un constat historique.

La loi Taubira : l’institutionnalisation d’une mémoire amputée

La loi Taubira (2001) reconnut la traite transatlantique comme « crime contre l’humanité », mais exclut totalement les traites africaines et orientales. Plusieurs historiens soulignèrent son caractère sélectif. Christiane Taubira expliqua qu’évoquer la traite arabo-musulmane risquait d’« offenser certains jeunes », avouant implicitement que l’objectif n’était pas la vérité historique globale, mais la réponse à une demande victimaire identitaire. Cette orientation transforma l’histoire en instrument politique et introduisit une mémoire officielle, partielle et donc fragile.

Pour une mémoire adulte, non infantilisante

L’esclavage exige une approche totale et non tronquée. Les Afro-descendants n’ont rien à gagner à une identité victimaire qui les prive de responsabilité et d’autonomie. Ils ont tout à revendiquer : la complexité de leurs parcours, la dignité de leurs ancêtres, la diversité de leurs héritages. La fierté libère ; la victimisation enferme. L’histoire ne progresse que par la franchise et l’absence d’angles morts. La vérité ne se divise pas : elle s’assume ou elle s’efface.

Balbino Katz 27/11/2025

https://www.polemia.com/esclavage-memoire-et-verite-historique-ce-que-liberation-ne-veut-pas-regarder/

mercredi 26 novembre 2025

La pravda américaine – Comprendre la Seconde Guerre Mondiale

 

À la fin 2006, Scott McConnell, rédacteur en chef de The American Conservative (TAC), m’a contacté pour me dire que, faute d’une importante injection financière, son petit magazine allait devoir fermer ses portes. J’étais en bons termes avec McConnell depuis environ 1999, et j’ai beaucoup apprécié le fait que lui et ses co-fondateurs du TAC aient été un point focal d’opposition à la politique étrangère calamiteuse de l’Amérique du début des années 2000.

Dans la foulée du 11 septembre 2001, les Néo-cons centrés sur Israël avaient plus ou moins réussi à prendre le contrôle de l’administration Bush tout en prenant le contrôle des principaux médias américains, purgeant ou intimidant la plupart de leurs critiques. Bien que Saddam Hussein n’ait manifestement aucun lien avec les attaques, son statut de rival régional possible d’Israël l’avait désigné comme leur principale cible, et ils ont rapidement commencé à battre les tambours de la guerre, les États-Unis lançant finalement leur invasion désastreuse en mars 2003.

Parmi les magazines imprimés, le TAC était presque seul à s’opposer avec force à ces politiques et avait attiré une attention considérable lorsque le rédacteur en chef fondateur Pat Buchanan avait publié « Whose War » , qui désignait directement les néoconservateurs juifs responsables, une vérité très largement reconnue dans les milieux politiques et médiatiques mais presque jamais publiquement exprimée. David Frum, l’un des principaux promoteurs de la guerre en Irak, avait presque simultanément publié un article de couverture de la National Review dénonçant comme « antipatriotique » – et peut-être « antisémite » – une très longue liste de critiques conservateurs, libéraux et libertaires de la guerre, avec Buchanan proche du sommet, et la controverse et les insultes ont perduré pendant quelque temps.

Compte tenu de cette histoire récente, je craignais que la disparition du TAC ne laisse un vide politique dangereux, et étant alors dans une situation financière relativement solide, j’ai accepté de sauver le magazine et d’en devenir le nouveau propriétaire. Bien que j’étais beaucoup trop préoccupé par mon propre travail sur les logiciels pour m’impliquer directement, McConnell m’a nommé éditeur, probablement dans l’espoir de me lier à la survie de son magazine et de s’assurer de futures injections financières. Mon titre était de pure forme et, au cours des années qui ont suivi, en plus de faire des chèques supplémentaires, ma seule participation se résumait habituellement à un appel téléphonique de cinq minutes chaque lundi matin pour voir comment les choses allaient.

Environ un an après que j’ai commencé à soutenir le magazine, McConnell m’a informé qu’une crise majeure se préparait. Bien que Pat Buchanan ait rompu ses liens directs avec la publication quelques années auparavant, il était de loin le personnage le plus connu associé au TAC, de sorte qu’il était encore largement connu, bien que par erreur, sous le nom de « magazine de Pat Buchanan ». Mais maintenant McConnell avait entendu dire que Buchanan avait l’intention de publier un nouveau livre censé glorifier Adolf Hitler et dénoncer la participation de l’Amérique à la guerre mondiale pour vaincre la menace nazie. La promotion de ces croyances bizarres condamnerait certainement la carrière de Buchanan, mais comme le TAC était déjà continuellement attaquée par des activistes juifs, la culpabilité « néonazie » qui en résulterait par association pourrait facilement couler le magazine aussi.

En désespoir de cause, McConnell avait décidé de protéger sa publication en sollicitant une critique très hostile de l’historien conservateur John Lukacs, qui protégerait ainsi le TAC de la catastrophe imminente. Étant donné à l’époque mon rôle de bailleur de fonds et d’éditeur du TAC, il m’a naturellement demandé mon approbation dans cette rupture brutale avec son propre mentor politique. Je lui ai dit que le livre de Buchanan avait certainement l’air plutôt ridicule et que sa propre stratégie défensive était plutôt raisonnable, et je suis rapidement revenu sur les problèmes auxquels j’avais été confronté dans mon propre projet de logiciel qui consommait tout mon temps.

J’avais été un peu ami avec Buchanan pendant une douzaine d’années et j’admirais beaucoup le courage dont il faisait preuve en s’opposant aux Néo-cons en politique étrangère, mais je n’étais pas trop surpris d’entendre qu’il publiait un livre promouvant des idées un peu étranges. Quelques années plus tôt, il avait sorti « The Death of the West » , qui était devenu un best-seller inattendu. Après que mes amis du TAC eurent fait l’éloge de ses qualités, j’ai décidé de le lire moi-même et j’ai été très déçu. Bien que Buchanan ait généreusement cité un extrait de mon propre article de couverture de Commentary intitulé « La Californie et la fin de l’Amérique blanche », j’ai eu l’impression qu’il avait interprété le sens de cet article totalement de travers, et le livre dans son ensemble semblait un traitement plutôt mal construit et aligné sur une rhétorique de droite sur les questions complexes d’immigration et de race, sujets sur lesquels je me suis beaucoup concentré depuis le début des années 1990. Dans ces circonstances, je n’ai donc pas été surpris que le même auteur soit en train de publier un livre tout aussi stupide sur la Seconde Guerre mondiale, causant peut-être de graves problèmes à ses anciens collègues du TAC.

Des mois plus tard, l’histoire de Buchanan et la révision hostile du TAC sont toutes deux apparues, et comme prévu, une tempête de controverse a éclaté. Les principales publications avaient largement ignoré le livre, mais il semblait recevoir d’énormes éloges de la part d’écrivains alternatifs, dont certains dénonçaient férocement le TAC pour l’avoir attaqué. En fait, la réponse a été si unilatérale que lorsque McConnell a découvert qu’un blogueur totalement obscur quelque part était d’accord avec sa propre évaluation négative, il a immédiatement fait circuler ces remarques dans une tentative désespérée de revendication. Des collaborateurs de longue date du TAC, dont j’ai beaucoup respecté les connaissances historiques, tels Eric Margolis et William Lind, avaient fait l’éloge du livre, alors ma curiosité a finalement pris le dessus et j’ai décidé de commander un exemplaire et de le lire pour moi-même.

J’ai été très surpris de découvrir une œuvre très différente de ce à quoi je m’attendais. Je n’avais jamais accordé beaucoup d’attention à l’histoire américaine du XXe siècle et ma connaissance de l’histoire européenne à la même époque n’était que légèrement meilleure, alors mes opinions étaient plutôt conventionnelles, ayant été façonnées par mes cours d’History 101 et ce que j’avais appris en lisant mes divers journaux et magazines pendant des décennies. Mais dans ce cadre, l’histoire de Buchanan semblait s’intégrer assez confortablement.

La première partie de son volume fournissait ce que j’avais toujours considéré comme une vue standard de la Première Guerre mondiale. Dans son récit des événements, Buchanan explique comment le réseau complexe d’alliances imbriquées a conduit à une gigantesque conflagration alors qu’aucun des dirigeants existants n’avait réellement recherché ce résultat : un énorme baril de poudre européen avait été allumé par l’étincelle d’un meurtre à Sarajevo.

Mais bien que son récit soit ce à quoi je m’attendais, il m’a fourni une foule de détails intéressants que je ne connaissais pas auparavant. Entre autres choses, il fait valoir de façon convaincante que la culpabilité de guerre allemande était quelque peu inférieure à celle de la plupart des autres participants, notant également que malgré la propagande sans fin autour du « militarisme prussien », l’Allemagne n’avait mené aucune guerre majeure depuis 43 ans, un record ininterrompu de paix bien meilleur que celui de la plupart de ses adversaires. De plus, un accord militaire secret entre la Grande-Bretagne et la France avait été un facteur crucial dans l’escalade involontaire, et même ainsi, près de la moitié du Cabinet britannique avait failli démissionner face à la déclaration de guerre contre l’Allemagne, une possibilité qui aurait probablement conduit à un conflit court et limité, confiné au continent. J’avais aussi rarement vu insister sur le fait que le Japon avait été un allié britannique crucial et que les Allemands auraient probablement gagné la guerre si le Japon avait combattu de l’autre côté.

Cependant, la majeure partie du livre porte sur les événements qui manèrent à la Seconde Guerre mondiale, et c’est cette partie qui inspira tant d’horreur à McConnell et à ses collègues. Buchanan décrit les dispositions scandaleuses du Traité de Versailles imposées à une Allemagne prostrée, et la détermination de tous les dirigeants allemands subséquents à y remédier. Mais alors que ses prédécesseurs démocratiques de Weimar avaient échoué, Hitler avait réussi, en grande partie grâce au bluff, tout en annexant l’Autriche allemande et les Sudètes allemands de Tchécoslovaquie, dans les deux cas avec le soutien massif de leurs populations.

Buchanan documente cette thèse controversée en s’inspirant largement de nombreuses déclarations de personnalités politiques contemporaines de premier plan, pour la plupart britanniques, ainsi que des conclusions de grands historiens très respectés. La dernière exigence d’Hitler, à savoir que Dantzig à 95% allemande soit restituée à l’Allemagne comme ses habitants le souhaitaient, était tout à fait raisonnable, et seule une terrible erreur diplomatique de la part des Britanniques avait conduit les Polonais à refuser cette demande, provoquant ainsi la guerre. L’affirmation répandue plus tard que Hitler cherchait à conquérir le monde était totalement absurde, et le dirigeant allemand avait en fait tous les efforts possibles pour éviter la guerre avec la Grande-Bretagne ou la France. En effet, il était généralement très amical envers les Polonais et espérait faire de la Pologne un allié allemand contre la menace de l’Union soviétique de Staline.

Bien que de nombreux Américains aient pu être choqués par ce récit des événements qui ont mené au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, le récit de Buchanan correspondait assez bien à ma propre impression de cette période. En tant qu’étudiant de première année à Harvard, j’avais suivi un cours d’introduction à l’histoire, et l’un des principaux textes obligatoires sur la Seconde Guerre mondiale avait été celui de A.J.P. Taylor, un historien renommé de l’Université d’Oxford. Son célèbre ouvrage de 1961, Origines de la Seconde Guerre mondiale, avait présenté de façon très convaincante une version très semblable à celle de Buchanan, et je n’avais jamais trouvé de raison de remettre en question le jugement de mes professeurs qui l’avaient confié. Donc, si Buchanan semblait simplement appuyer les opinions d’un grand donateur d’Oxford et de membres de la faculté d’histoire de Harvard, je ne comprenais pas pourquoi son nouveau livre serait considéré comme étant si inacceptable.

Certes, Buchanan y a également inclus une critique très sévère de Winston Churchill, énumérant une longue liste de ses politiques prétendument désastreuses et de ses revirements politiques, et lui attribuant une bonne part de la responsabilité de l’implication de la Grande-Bretagne dans les deux guerres mondiales, décisions fatidiques qui ont conduit à l’effondrement de l’Empire britannique. Mais même si ma connaissance de Churchill était beaucoup trop limitée pour rendre un verdict, les arguments qu’il avance en faveur de cette analyse semblent raisonnablement solides. Les Néo-cons détestaient déjà Buchanan et puisqu’ils vénéraient Churchill comme un super-héros de dessin animé, toute critique de la part de ces gens ne serait guère surprenante. Mais dans l’ensemble, le livre semblait une histoire très solide et intéressante, la meilleure œuvre de Buchanan que j’aie jamais lue, et j’ai gentiment donné un avis favorable à McConnell, qui était évidemment plutôt déçu. Peu de temps après, il décida d’abandonner son rôle de rédacteur en chef du TAC au profit de Kara Hopkins, son adjointe de longue date, et la vague de diffamation qu’il avait récemment subie de la part de plusieurs de ses anciens alliés pro-Buchanan a sans doute contribué à cette décision.

Bien que ma connaissance de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale ait été assez rudimentaire en 2008, au cours de la décennie qui a suivi, j’ai entrepris de nombreuses lectures de l’histoire de cette époque mémorable, et mon jugement préliminaire sur la justesse de la thèse de Buchanan a été fortement renforcé.

Le récent 70e anniversaire du début du conflit qui a consumé tant de dizaines de millions de vies a naturellement provoqué de nombreux articles historiques, et la discussion qui en a résulté m’a amené à sortir ma vieille copie du court volume de Taylor, que je relis pour la première fois en près de quarante ans. Je l’ai trouvé aussi magistral et persuasif qu’à l’époque où j’étais dans ma chambre de dortoir à l’université, et les brillants communiqués de presse de la couverture laissaient entrevoir certaines des acclamations que le travail avait immédiatement reçues. Le Washington Post a saluait l’auteur comme l’« le plus éminent historien britannique en vie »World Politics le qualifiait de « puissamment argumenté, brillamment écrit et toujours persuasif »The New Statesman, magazine britannique de gauche, le décrivait comme « un chef-d’œuvre : lucide, compatissant, magnifiquement écrit » et le Times Literary Supplement le caractérisait comme « simple, dévastateur, d’une grande clarté et profondément inquiétant ». En tant que best-seller international, il s’agit certainement du livre le plus célèbre de Taylor, et je peux facilement comprendre pourquoi il figurait encore sur ma liste de lectures obligatoires du collège près de deux décennies après sa publication originale.

Pourtant, en revisitant l’étude révolutionnaire de Taylor, j’ai fait une découverte remarquable. Malgré toutes les ventes internationales et les acclamations de la critique, les conclusions du livre ont vite suscité une grande hostilité dans certains milieux. Les conférences de Taylor à Oxford avaient été extrêmement populaires pendant un quart de siècle, mais comme résultat direct de cette controverse « l’historien vivant le plus éminent de Grande-Bretagne » fut sommairement purgé de la faculté peu de temps après. Au début de son premier chapitre, Taylor avait remarqué à quel point il trouvait étrange que plus de vingt ans après le début de la guerre la plus cataclysmique du monde, aucune histoire sérieuse n’ait été produite pour analyser attentivement ce déclenchement. Peut-être que les représailles qu’il a subies l’ont amené à mieux comprendre une partie de ce casse-tête.

Taylor n’était pas le seul à subir de telles représailles. En effet, comme je l’ai progressivement découvert au cours de la dernière décennie, son sort semble avoir été exceptionnellement doux, sa grande stature existante l’isolant partiellement des contrecoups de son analyse objective des faits historiques. Et ces conséquences professionnelles extrêmement graves étaient particulièrement fréquentes de notre côté de l’Atlantique, où de nombreuses victimes ont perdu leurs positions médiatiques ou académiques de longue date et ont disparu définitivement des yeux du public pendant les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale.

J’avais passé une grande partie des années 2000 à produire des archives numérisées massives contenant le contenu complet de centaines de périodiques américains les plus influents des deux derniers siècles, une collection totalisant plusieurs millions d’articles. Et au cours de ce processus, j’ai été surpris à maintes reprises de rencontrer des individus dont la présence massive les positionnait clairement comme les intellectuels grand public les plus importants de leur époque, mais qui avaient ensuite disparu si complètement que je n’avais presque jamais été au courant de leur existence. J’ai peu à peu commencé à reconnaître que notre propre histoire avait été marquée par une Grande Purge idéologique tout aussi importante, quoique moins sanguinaire, que son homologue soviétique. Les parallèles semblaient étranges :

« Je m’imaginais parfois un peu comme un jeune chercheur soviétique sérieux des années 1970 qui aurait commencé à fouiller dans les fichiers d’archives moisies du Kremlin, oubliées depuis longtemps, et fait des découvertes étonnantes. Trotski n’était apparemment pas le célèbre espion nazi ni le traître décrit dans tous les manuels, mais avait été le bras droit du saint Lénine lui-même pendant les jours glorieux de la grande révolution bolchevique, et était resté pendant quelques années dans les rangs les plus élevés de l’élite du parti. Et qui étaient ces autres personnages – Zinoviev, Kamenev, Boukharine, Rykov – qui étaient également passé ces premières années au sommet de la hiérarchie communiste ? Dans les cours d’histoire, ils étaient à peine mentionnés, en tant qu’agents capitalistes mineurs rapidement démasqués et ayant payé de leur vie leur traîtrise. Comment le grand Lénine, père de la Révolution, aurait-il pu être assez idiot pour s’entourer presque exclusivement de traîtres et d’espions ?

Sauf que contrairement à leurs analogues staliniens quelques années plus tôt, les victimes américaines disparues vers 1940 ne furent ni abattues ni envoyées au goulag, mais simplement exclues des principaux médias qui définissent notre réalité, les effaçant ainsi de notre mémoire, de sorte que les générations futures ont progressivement oublié qu’elles avaient jamais existé ».

Le journaliste John T. Flynn, probablement presque inconnu aujourd’hui, mais dont la stature était autrefois énorme, est un exemple éminent de ce type d’Américain « disparu ». Comme je l’ai écrit l’année dernière :

« Alors, imaginez ma surprise de découvrir que, tout au long des années 1930, il avait été l’une des voix libérales les plus influentes de la société américaine, un écrivain en économie et en politique dont le statut aurait pu être, à peu de choses prés, proche de celui de Paul Krugman, mais avec une forte tendance à chercher le scandale. Sa chronique hebdomadaire dans The New Republic lui permit de servir de locomotive pour les élites progressistes américaines, tandis que ses apparitions régulières dans Colliers, hebdomadaire illustré de grande diffusion, atteignant plusieurs millions d’Américains, lui fournissaient une plate-forme comparable à celle d’une personnalité de l’âge d’or des réseaux de télévision.

Dans une certaine mesure, l’importance de Flynn peut être objectivement quantifiée. Il y a quelques années, j’ai eu l’occasion de mentionner son nom devant une libérale cultivée et engagée née dans les années 1930. Sans surprise, elle a séché, mais s’est demandé s’il aurait pu être un peu comme Walter Lippmann, le très célèbre chroniqueur de cette époque. Lorsque j’ai vérifié, j’ai constaté que dans les centaines de périodiques de mon système d’archivage, on ne trouvait que 23 articles publiés par Lippmann dans les années 1930 contre 489 par Flynn ».

Un parallèle américain encore plus fort avec Taylor était celui de l’historien Harry Elmer Barnes, une figure presque inconnue pour moi, mais à son époque un universitaire de grande influence et d’envergure :

« Imaginez mon étonnement après avoir découvert que Barnes avait été l’un des premiers contributeurs du magazine Foreign Affairs, et le principal relecteur de cette vénérable publication depuis sa fondation en 1922, alors que son statut parmi les universitaire libéraux américains de premier plan se manifestait par ses nombreuses apparitions dans The Nation et The New Republic au cours des années 1920. En effet, on lui attribue un rôle central dans la « révision » de l’histoire de la Première Guerre mondiale, afin d’effacer l’image caricaturale de l’innommable méchanceté allemande, laissée en héritage de la malhonnête propagande de guerre produite par les gouvernements adversaires britannique et étasunien. Et sa stature professionnelle a été démontrée par ses trente-cinq livres ou plus, dont bon nombre d’ouvrages académiques influents, ainsi que par ses nombreux articles dans The American Historical ReviewPolitical Science Quarterly et d’autres revues de premier plan.

Il y a quelques années, j’ai parlé de Barnes à un éminent universitaire américain dont les activités en sciences politiques et en politique étrangère étaient très similaires, et pourtant le nom ne lui disait rien. À la fin des années 1930, Barnes était devenu un critique de premier plan des propositions de participation américaine à la Seconde Guerre mondiale. En conséquence, il avait définitivement « disparu », ignoré par tous les grands médias, alors qu’une importante chaîne de journaux était fortement incitée à mettre fin brutalement, en mai 1940, à sa rubrique nationale publiée de longue date ».

Beaucoup d’amis et d’alliés de Barnes tombèrent lors de la même purge idéologique, qu’il décrit dans ses propres écrits et qui se poursuivit après la fin de la guerre :

« Plus d’une douzaine d’années après sa disparition de notre paysage médiatique national, Barnes a réussi à publier Perpetual War for Perpetual Peace, un long recueil d’essais d’érudits et autres experts traitant des circonstances entourant l’entrée de l’Amérique dans la Seconde Guerre mondiale. Il a été édité et distribué par un petit imprimeur de l’Idaho. Sa propre contribution consistait en un essai de 30 000 mots intitulé « Le révisionnisme et le blackout historique », qui abordait les énormes obstacles rencontrés par les penseurs dissidents de cette période.

Le livre lui-même était dédié à la mémoire de son ami l’historien Charles A. Beard. Depuis le début du XXe siècle, Beard était une figure intellectuelle de haute stature et d’une très grande influence, cofondateur de The New School à New York et président de l’American Historical Association et de l’American Political Science Association. En tant que principal partisan de la politique économique du New Deal, il a été extrêmement loué pour ses opinions.

Pourtant, après qu’il se retourna contre la politique étrangère belliqueuse de Roosevelt, les éditeurs lui fermèrent leurs portes et seule son amitié personnelle avec le responsable de la presse de l’Université de Yale permit à son volume critique de 1948, Le président Roosevelt, et l’avènement de la guerre, 1941 de paraître. La réputation immense de Beard semble avoir commencé à décliner rapidement à partir de ce moment, de sorte que l’historien Richard Hofstadter pouvait écrire en 1968 : « La réputation de Beard se présente aujourd’hui comme une ruine imposante dans le paysage de l’historiographie américaine. Ce qui était autrefois la plus grande maison du pays est maintenant une survivance ravagée ». En fait, « l’interprétation économique de l’histoire », autrefois dominante, de Beard pourrait presque être considérée comme faisant la promotion de « dangereuses théories du complot », et je suppose que peu de non-historiens ont même entendu parler de lui.

Un autre contributeur majeur au volume de Barnes fut William Henry Chamberlin, qui pendant des décennies avait été classé parmi les principaux journalistes de politique étrangère des États-Unis, avec plus de quinze livres à son actif, la plupart d’entre eux ayant fait l’objet de nombreuses critiques favorables. Pourtant, America’s Second Crusade, son analyse critique, publiée en 1950, de l’entrée de l’Amérique dans la Seconde Guerre mondiale, n’a pas réussi à trouver un éditeur traditionnel et a été largement ignorée par les critiques. Avant sa publication, sa signature apparaissait régulièrement dans nos magazines nationaux les plus influents, tels que The Atlantic Monthly et Harpers. Mais par la suite, son activité s’est presque entièrement limitée à des lettres d’information et à des périodiques de faible tirage, appréciés par un public conservateur ou libertaire restreint.

Aujourd’hui, sur internet, chacun peut facilement créer un site Web pour publier son point de vue, le rendant immédiatement accessible à tout le monde. En quelques clics de souris, les médias sociaux tels que Facebook et Twitter peuvent attirer l’attention de millions de personnes sur des documents intéressants ou controversés, en se passant ainsi totalement du soutien des intermédiaires établis. Il est facile pour nous d’oublier à quel point la dissémination d’idées dissidentes était extrêmement ardue à l’époque des rotatives, du papier et de l’encre, et de reconnaître qu’une personne exclue de son média habituel aura peut-être besoin de nombreuses années pour retrouver toute sa place ».

lire la suite

source : American Pravda: Understanding World War II

Traduit par Hervé pour le Saker Francophone

via https://lesakerfrancophone.fr/la-pravda-americaine-comprendre-la-seconde-guerre-mondiale

https://reseauinternational.net/la-pravda-americaine-comprendre-la-seconde-guerre-mondiale/

lundi 24 novembre 2025

Little Big Horn, un désastre devenu légende

 

Custers Last Stand | Battle of little bighorn, American indian ...

Depuis l’indépendance des États-Unis, le 4 juillet 1776, jusqu’à la défaite du dernier chef apache Géronimo en 1886, les guerres indiennes restent la facette la plus controversée de la Conquête de l’Ouest.

Fabuleuse épopée pour les uns, génocide impardonnable pour d’autres, les guerres indiennes et le sort réservé aux tribus d’Amérique du Nord n’ont pas fini de faire débat.

Tantôt affreux sauvages capables des pires atrocités, tantôt malheureuses victimes dépouillées de leurs terres, les Indiens n’ont cessé d’alimenter la littérature américaine et de faire les délices des studios d’Hollywood.

Nul ne serait capable de compter tous les westerns tournés à ce jour.

Peintures Alfredo Rodriguez - Amérindiens & autres | Images ...

Mais parmi les épisodes sanglants de cette conquête, la bataille de Little Big Horn, qui vit l’anéantissement d’un détachement du 7e régiment de cavalerie des Etats-Unis, sous les ordres du général Custer, est incontestablement la tragédie qui a le plus marqué l’imaginaire collectif.

De traumatisme national, la défaite de Little Big Horn est devenue légende.

Et de nos jours, la controverse perdure, concernant George Armstrong Custer, l’officier le plus indiscipliné de l’armée des États-Unis.

A-t-il failli dans sa stratégie, a-t-il été trahi par ses officiers qui l’ont abandonné, a-t-il été le bouc émissaire idéal pour porter le chapeau dans la pitoyable gestion des Affaires indiennes ?

Le fait est que Custer  est de nos jours une légende américaine, un héros de la guerre de Sécession, mais aussi une fascinante figure de la conquête de l’Ouest.

Célébré comme héros intrépide et audacieux, ou décrié comme « tueur d’Indiens » sans pitié, suite au massacre de Washita en 1868, il a inspiré autant d’écrivains américains qu’Abraham Lincoln !

Diplômé de l’Académie militaire de West Point en 1861, où il se fait davantage remarquer par son insoumission que par son goût des études, il va se tailler une renommée de chef impétueux et ambitieux durant la guerre de Sécession de 1861 à 1865.

Il brille en menant d’étincelantes charges de cavalerie victorieuses, à Gettysburg, Woodstock et autres théâtres mythiques de la guerre civile.

C’est ainsi qu’il devient le plus jeune général de division de l’armée américaine. Démobilisé à la fin de la guerre, il réintègre l’armée un peu plus tard avec le grade de capitaine, pour mener la guerre aux tribus indiennes, qui s’opposent à l’inexorable avancée des colons.

En 1876, c’est avec le grade de lieutenant colonel que Custer mène la bataille de Little Big Horn, dans le Montana. Mais dans la mémoire collective, il reste un général.

Cette bataille mythique est l’aboutissement d’une désastreuse politique menée par Washington, concernant le sort des tribus indiennes.

En 1776, les États-Unis ne représentent qu’une quinzaine d’États situés à l’est du Mississippi.

En 1803, Napoléon, qui se fout éperdument de l’Amérique et ne jure que par l’Europe, vend la Louisiane au gouvernement américain pour une bouchée de pain.

Afficher l’image source

Mais la Louisiane française de l’époque, ce sont 13 États actuels des États-Unis, un immense territoire comprenant les grandes plaines du centre, où vivent les Sioux et les Cheyennes.

En 1824 est créé le Bureau des Affaires indiennes.

Si la tolérance et le dialogue prévalent les premières années, beaucoup jugent que les Indiens sont une race inférieure qui n’a aucun droit.

En 1833 commencent les déportations des tribus vers l’ouest du Mississippi. Déracinement et conflits avec les autres tribus annoncent des lendemains tragiques.

En 1840 commence la Conquête de l’Ouest, amplifiée en 1848 avec la ruée vers l’or en direction de la Californie.

Afficher l’image source

Aux massacres des troupeaux de bisons, animal vital pour les Indiens des plaines, répondent les massacres de colons par les tribus hostiles à l’envahisseur. Pas de quartier. Hommes, femmes et enfants y passent.

Aux raids indiens sur les colons succèdent les représailles de l’armée.

En 1851, un traité entre le gouvernement et les tribus est signé à Fort Laramie. C’est la naissance des réserves indiennes.

Après la guerre de Sécession, la conquête de l’Ouest s’amplifie avec l’arrivée du chemin de fer, le « cheval de feu » qui bouleverse un peu plus la vie des Indiens et accélère le massacre des bisons.

En 1868, un nouveau traité accorde aux Indiens des plaines un territoire autonome dans les Black Hills, une terre sacrée pour les Sioux et les Cheyennes.

Mais la découverte d’or dans la région va entraîner une nouvelle ruée d’aventuriers, incitant le gouvernement à racheter les terres aux Indiens… qui refusent.

Sitting Bull et Crazy Horse rassemblent alors les tribus sioux et cheyenne. Ce sont 1 800 guerriers qui se préparent à combattre les soldats bleus près de la rivière Little Big Horn, dans le Montana.

Du côté de la cavalerie, quatre détachements doivent se diriger vers le camp indien, dont l’un de 647 hommes, commandé par Custer.

Arrivé le premier sur les lieux, celui-ci décide d’attaquer sans attendre les renforts et divise son détachement en trois groupes, prenant la tête de 210 cavaliers. Une erreur qui lui sera fatale.

Le prix de l’orgueil et de la vanité. À l’officier qui lui demandait au matin de la bataille : « Où va le régiment ? », Custer avait répondu :

« En enfer… ou vers la gloire, c’est une question de point de vue. »

En moins d’une heure, Custer et ses soldats, encerclés, sont anéantis, succombant sous le nombre. Seul le cheval d’un officier survit au massacre.

Aucun des deux autres groupes ne viendra à leur secours, étant eux-mêmes en difficulté.

Les renforts arrivant peu après sur le champ de bataille dénombreront plus de 200 morts, tous mutilés et scalpés. Seul le corps de « Cheveux longs », entièrement dénudé, n’a pas subi de sévices.

Du côté indien, on compte une centaine de morts.

Le retentissement de cette défaite est immense. Effroi, colère et humiliation dominent à Washington.

La stratégie de Custer est mise en cause. Sa témérité dénoncée pour avoir sous-estimé les forces de la coalition indienne.

Mais l’Amérique ayant le culte des héros, elle ne tarde pas à faire de Custer une figure mythique de la Conquête de l’Ouest.

Mort à 36 ans, le héros de la guerre de Sécession aux 60 charges de cavalerie victorieuses, le « tueur d’Indiens sans pitié », entre dans la légende.

Dans un pays jeune, dont la courte histoire compte encore peu de figures emblématiques, Custer est assuré de garder sa place parmi les héros qui ont bâti l’Amérique.

Un an après l’éclatante victoire indienne de Little Big Horn, Crazy Horse se rend.

Sitting Bull, traqué lui aussi, s’enfuit au Canada.

La réserve des Black Hills est morcelée.

Et en 1886, c’est au tour d’un grand chef de guerre apache, Géronimo, de capituler au Nouveau Mexique, après des années de combat désespéré.

Les guerres indiennes se terminent. Une grande page de l’histoire de la Conquête de l’Ouest est tournée… pour mieux revivre aujourd’hui sur nos écrans par la magie du cinéma.

Sans doute cruelles, sauvages et impitoyables, ne faisant plus la distinction entre hommes, femmes, enfants et soldats, les guerres indiennes sont aujourd’hui le fardeau des adeptes de la repentance.

Mais il appartient aux historiens d’en juger.

Jacques Guillemain

https://ripostelaique.com/little-big-horn-un-desastre-devenu-legende.html

Américains, Anglais et Russes n’avaient pas pour objectif de libérer la France

 

Poutine s’est montré assez irrité de constater que les États-Unis de Donald Trump s’appropriaient tous les bénéfices de la victoire sur les « nazis », en 1945, lors des toutes récentes cérémonies commémoratives du 8 mai.

Il n’est pas question de minimiser le courage, la bravoure, l’abnégation des soldats de toutes les nationalités qui ont participé à la libération du territoire national et des dizaines de milliers qui sont tombés face à l’ennemi.

Il ne faut pas non plus passer sous silence que ce D-Day du 6 juin 1944 aurait sans doute connu une réussite bien plus difficile si, dès 1943, certaines actions ne s’étaient pas produites comme le débarquement en Sicile, en juillet et en septembre de cette même année, et le front russe, à l’est, qui occupait une grande partie de l’armée allemande à partir de Stalingrad.

Sans oublier non plus et également, en septembre 1943, la campagne d’Italie.

Enfin, que l’avance des troupes alliées aurait été moins rapide sans le débarquement en Provence des Corps francs de l’armée d’Afrique le 15 août 1944.

Rendons donc le vibrant et sincère hommage qui s’impose, et qui est dû, à tous ces soldats qui se sont battus et sont tombés pour libérer la France. Mais soyons conscients qu’ils ignoraient « tout » des objectifs supérieurs de ces politiciens stratèges qui les gouvernaient. Les États-Unis, l’URSS et l’Angleterre notre amie de toujours ! Quelle hypocrisie !

Je ne vais pas rappeler tout ce qui nous a opposés à cette nation depuis le Moyen Âge mais tout de même, faut-il oublier qu’au début de cette Seconde Guerre mondiale, Churchill a laissé 80 divisions françaises s’opposer pratiquement seules à l’armée allemande (il n’y avait que dix divisions anglaises sur le front et la presque totalité de ses régiments restaient cantonnés outre-Manche) dans le seul objectif qui était de préserver son île d’une probable invasion.

Souvenons-nous de Dunkerque !

Faut-il oublier aussi que les Américains ont laissé notre armée disparaître sous la poussée allemande sans intervenir et qu’il faudra attendre jusqu’en décembre 1941 (après l’agression japonaise de Pearl Harbor) pour voir apparaître les Yankees ! Avec une arrière-pensée financière et commerciale : celle de s’approprier l’Europe.

Rappelons-nous la conférence de Casablanca en janvier 1943 et les propositions de Roosevelt et Churchill à de Gaulle et Giraud concernant l’AMGOT : il s’agissait d’un organisme constitué par les USA pour former des administrateurs qui devaient diriger les pays européens, transformés dès leur libération en une fédération de plusieurs États, sous la responsabilité d’un gouverneur.

La libération de l’Europe était programmée dans cet objectif et seuls étaient au courant, d’un côté Churchill, partie prenante, et de l’autre Jean Monnet, notre représentant officiel auprès des autorités américaines. Celui qui a été baptisé « Le père de l’Europe ».

(Jean Monnet, né à Cognac et qui avait fait fortune justement en vendant des tonnes de cognac aux contrebandiers américains durant la prohibition, ce qui lui avait permis de créer la « Bancamérica » et, en même temps que l’Europe, de participer à la fondation de la SDN (Société des Nations).

Et, enfin, que les Russes sont restés les complices de l’Allemagne nazie jusqu’à l’automne 1941 où la folie des grandeurs d’Hitler l’a poussé à envahir l’URSS. Et, qu’ensuite, leur objectif était de parvenir les premiers jusqu’à Paris, avant les « alliés ».

Effectivement, les États-Unis et l’URSS avaient des raisons impérieuses et politiques d’envahir l’Europe, raisons qui n’avaient nullement pour objectif de libérer la France, ce dont ils se moquaient totalement.

Pour ces raisons, entre bien d’autres, l’armée française a été abandonnée et anéantie, ce qui a motivé la signature de l’armistice par le maréchal Philippe Pétain.

Quant à de Gaulle, à qui il a été souvent fait référence au cours de cette célébration, il n’a pu avoir qu’une participation psychologique à cette libération, derrière son micro londonien, car il a été considéré comme quantité négligeable par l’ensemble des alliés qui ne l’avaient même pas prévenu, ni de la date, ni du lieu de ce débarquement.

Rendons cependant l’hommage que mérite sa clairvoyance, dès la Libération, pour être le seul à s’être opposé au programme des États-Unis, sur leur mainmise programmée sur l’Europe.

Il a cependant eu une participation très active auprès des « Alliés » : Mers-el-Kebir, Dakar, la Syrie et, quelques années plus tard, l’Indochine puis, enfin, l’Algérie… mais ça, l’Histoire préfère l’oublier !

Ne l’a-t-il pas reconnu lors de ce dialogue avec Georges Pompidou, en mai 1968, alors qu’il hésitait, une nouvelle fois : « Mais, Pompidou, j’ai passé ma vie à faire tirer sur des Français ».

Manuel Gomez

(Plus de détails dans mon livre « J’accuse de Gaulle » – édition 2016)

https://ripostelaique.com/americains-anglais-et-russes-navaient-pas-pour-objectif-de-liberer-la-france.html

samedi 22 novembre 2025

Février 1945 – Tempête d’enfer et holocauste à Dresde

 

par Jonas E. Alexis.

« Pris au piège dans ce qui étaient de vrais fours, les gens rôtissaient lentement jusqu’à la mort ».

David Irving continue d’être justifié. Le Daily Mail a récemment publié un article disant que « 2.400 tonnes d’explosifs puissants et 1.500 tonnes de bombes incendiaires ont été larguées[1] » sur une ville qui était largement connue pour sa population exclusivement civile. « Un nombre inconnu de personnes, entre 22.700 et 25.000 personnesont été massacrées[2]».

Le carabinier britannique Victor Gregg a été un témoin oculaire lors de ces événements, et son récit est tout simplement dévastateur, en particulier pour ceux qui pensaient que David Irving n’avait absolument aucune contribution utile à ce puzzle historique. Gregg a raconté :

« Les vieilles maisons à pans de bois de Dresde ont succombé une à une en feu, et la plupart des tisons-épaves ont atterri au-dessus des caves que les gens utilisaient comme abris. Pris au piège dans ce qui était effectivement des fours, ils rôtirent lentement à mort ».

« Certains des autres prisonniers étaient également sortis des bâtiments. Nous étions tous sous le choc, certains criant de douleur de leurs blessures. Une douzaine seulement d’entre nous étaient suffisamment en forme pour marcher ».

La situation était si horrible qu’à un moment donné, « les hommes et les femmes étaient piégés dans de l’eau qui montait lentement jusqu’à ébullition. Nous avons trébuché le long des vestiges d’une large avenue, entourés d’incendies et de montagnes d’épaves chauffées au rouge. Ce qui m’a sauvé, ce sont les sabots qu’on m’avait donnés pour patauger dans la neige jusqu’à l’usine des savons. Les semelles étaient si épaisses que j’ai réussi à marcher indemne à travers des cendres chauffées au rouge et des gravats brûlants ».

À un autre moment, « toute la ville était devenue une gigantesque torche… le ciel était soudainement plein d’avions, leurs contours se reflétant dans la lueur des flammes. Les bombes qu’ils ont larguées cette fois étaient si grosses que nous pouvions les voir tomber dans les airs, puis démolir des blocs entiers de bâtiments en une seule explosion ».

Gregg sentit que lui et ses camarades marchaient vers un enfer :

« Tout ce qui pouvait brûler était allumé – même les routes brûlaient des rivières de goudron bouillonnant et sifflant. D’énormes fragments de matériel volaient dans les airs… Nous pouvions également entendre les cris agonisants des victimes alors qu’elles étaient grillées vivantes. En venant vers nous, un petit groupe de survivants a tenté de traverser ce qui avait été une route, pour se retrouver coincé dans du goudron fondu ».

« Un à un, ces malheureux se sont écroulés et sont morts dans un bûcher de fumée et de flammes. Même la voie ferrée était une masse d’acier tordu. Alors que de plus en plus de bâtiments s’effondraient, nous avons été enveloppés par une nouvelle et énorme explosion de chaleur, et l’air est devenu si chaud qu’il a été douloureux d’inspirer. La ville était maintenant une masse de flammes s’élevant dans la nuit ».

Dans son livre, Gregg écrit :

« Il n’y a aucune excuse pour les hommes qui ont ordonné la réalisation de ce terrible événement. À partir du moment où ils ont bombardé Hambourg, ils ont recueilli de nombreuses preuves quant à ce qui arriverait aux civils qui devaient supporter le plus gros des raids. Au moment du bombardement de Dresde, la formule du massacre de masse de civils était devenue un bel art ».

« Les commandants avaient développé une technique : tout d’abord les incendies sont allumés ; puis des canyons de bâtiments dévastés sont créés pour aspirer l’air pour nourrir l’enfer créant ainsi les vents et la tempête de feu ; viennent enfin les superproductions qui démolissent tout et piègent les victimes sans défense à l’intérieur d’abris qui se transforment en fours dont il n’y a pas d’échappatoire[3] ».

Ce que nous voyons ici, c’est que David Irving était plus proche de la vérité que des distracteurs comme Richard J. Evans de Cambridge, l’homme qui a été payé des milliers et des milliers de dollars par l’équipe de Deborah Lipstadt pour détruire Irving. Pendant le procès, Evans a écrit sans équivoque :

« Aucun des livres, discours ou articles [d’Irving], pas un paragraphe, pas une phrase dans aucun d’entre eux, ne peut être considéré comme une représentation fidèle de son sujet historique. Tous sont totalement sans valeur en tant qu’histoire, car on ne peut faire confiance à Irving nulle part, en aucun d’entre eux, pour donner un compte rendu fiable de ce dont il parle ou écrit. »

C’était et c’est toujours manifestement faux. La destruction de Dresde, si nous voulons être honnêtes sur le plan historique et intellectuel, a été un holocauste. Et si l’establishment de l’Holocauste ne peut pas l’admettre, alors pourquoi sont-ils en train de baiser les gens avec leur idéologie ?

[1] « Dans l’enfer : des familles bouillaient vives alors qu’elles se cachaient dans des réservoirs d’eau et des survivants piégés dans le tarmac en fusion… 75 ans plus tard, le récit le plus horriblement vivant que vous ayez jamais lu du bombardement allié de Dresde – par un Britannique PoW qui a tout vu », Daily Mail, 18 février 2020.

[2] Ibid.

[3] Victor Gregg, Dresden: A Survivor’s Story (New York: Bloomsbury, 2013), édition Kindle.

source : Hellstorm and Holocaust in Dresden, February 1945

via https://numidia-liberum.blogspot.com/2020/02/fevrier-1945-tempete-denfer-et.html

https://reseauinternational.net/fevrier-1945-tempete-denfer-et-holocauste-a-dresde/

Le mythe de l’égalité

 

Un dix-septième texte de notre rubrique « Souvenez-vous de nos doctrines » est à retrouver aujourd’hui de Frédéric Le Play une nouvelle fois…

La fausse notion de l’égalité porte plus directement les classes inférieures à l’antagonisme social. Elle suscite des ambitions qui ne peuvent être satisfaites que pour les individualités pourvues de facultés exceptionnelles. Quant à la masse qui sent son impuissance, elle est fatalement conduite à résoudre le faux problème de l’égalité par l’abaissement forcé et, par suite, par le découragement des supériorités sociales.

Sous le gouvernement des majorités, exagéré au-delà des bornes tracées par l’expérience et la raison, la doctrine de l’égalité absolue amènerait bientôt à une décadence que les peuples de l’Antiquité n’ont pu subir sous le régime de l’esclavage. Elle tendrait, en effet, à constituer une race où les hommes éminents, soumis aux caprices de masses imprévoyantes et dégradées, n’auraient aucun intérêt à s’imposer les efforts du travail, du talent et de la vertu.

C’est seulement de nos jours que le mot démocratie est devenu usuel en Europe. Il exprime habituellement un nouvel ordre de choses qui, en attribuant aux classes inférieures l’exercice de la souveraineté, développerait la prospérité des nations. Ce néologisme n’est justifié ni par l’expérience, ni par la raison, et, en troublant les esprits, il donne lieu déjà à de graves difficultés. Le mot démocratie a des sens fort divers dans l’esprit de ceux qui l’emploient.

Ce mot plaît tout d’abord à ceux qui voient dans l’égalité un principe absolu, et qui voudraient que ce principe fût sanctionné par un système de gouvernement. Selon leur fausse doctrine, tous les hommes auraient un droit égal à gouverner la société. Les individualités les moins recommandables devraient, en vertu de leur supériorité numérique, dominer les hommes éminents qui ne forment partout qu’une minorité. Le nivellement des conditions s’opèrerait alors par la répartition et l’emploi de l’impôt. L’incapacité et le vice ne profiteraient plus seulement de l’assistance que leur donne toute société chrétienne, ils jouiraient légalement de tous les avantages sociaux créés par le talent et la vertu. Une telle conception est à la fois chimérique et injuste. La première application qui en serait faite provoquerait de toutes parts l’émigration des hommes d’élite : elle décapiterait en quelque sorte la nation soumise à ce régime, et elle la ferait tomber au dernier degré de l’abaissement. Il importe donc que les Européens cessent d’encourager, par l’emploi d’un mot vague et inutile des erreurs aussi dangereuses.

La France a cruellement souffert des maux engendrés par la corruption des anciennes classes dirigeantes. Elle souffre plus encore de ceux qu’amène, depuis la Terreur, un abominable régime d’égalité forcée. Sous ce régime, en effet, les hommes enrichis par le travail et la vertu n’occupent point, dans la hiérarchie sociale, la place qui leur serait faite chez un peuple libre. Cette place est envahie par une bureaucratie ombrageuse, par les fauteurs de révolutions et par les flatteurs d’une démocratie haineuse.

La tyrannie de l’uniformité est une des formes redoutables de cet esprit d’intolérance qui s’aggrave chez nous sans relâche depuis deux siècles.

Aujourd’hui, la préoccupation principale du nouveau régime, le nivellement des conditions, n’a encore produit qu’un résultat très apparent, l’égalité dans le vice.

L’esprit d’égalité a fait passer sur toutes les classes le niveau du mal.

https://www.actionfrancaise.net/2025/11/22/le-mythe-de-legalite/

vendredi 21 novembre 2025

Angers rend hommage au « bon roi René »

 

Capture d'écran © Vidéo: Antoine Zarini / Ville d'Angers
Capture d'écran © Vidéo: Antoine Zarini / Ville d'Angers
Le samedi 8 novembre 2025, dans la matinée, la ville d’Angers a célébré le retour tant attendu de l’un de ses plus puissants symboles : la statue du roi René. Plus qu’une simple restauration d’œuvre d’art, cet événement incarne un dialogue entre passé et présent, entre l’âme historique d’Angers et son visage contemporain. En effet, le roi René, duc d’Anjou, comte de Provence et prince érudit du XVe siècle, demeure une figure profondément ancrée dans l’identité angevine. À travers sa statue, c’est tout un pan d’histoire locale et nationale qui revit.

L’événement et la mise en scène de l’inauguration

L’opération de remise en place de la statue, œuvre magistrale du sculpteur Pierre-Jean David, dit David d’Angers, inaugurée en 1846, s’inscrit dans le vaste projet de réaménagement de la place Kennedy, à deux pas du château d’Angers. Pendant près de 450 jours, la sculpture monumentale a été confiée aux ateliers de la fonderie de Coubertin, à Saint-Rémy-lès-Chevreuse, dans les Yvelines, où elle a subi une restauration minutieuse. Une fois cela fait, la statue a regagné sa ville d’origine, prête à retrouver le regard des Angevins.

Voir le tweet

Le maire Horizons Christophe Béchu, entouré de représentants municipaux et d’une foule nombreuse, a dévoilé l’œuvre vers 11 heures. Les discours officiels ont souligné la volonté municipale de marier modernité et mémoire, en redonnant à la place Kennedy une dimension piétonne, végétalisée. Ce nouvel écrin offre à la statue un emplacement plus central, à quelques mètres seulement de sa position d’origine, et permet désormais aux passants de l’admirer de plus près. En France, seuls deux monuments rendent hommage à René d’Anjou : celui d’Angers et celui d’Aix-en-Provence, où le roi avait également laissé une empreinte durable. Sous le socle, une capsule temporelle a été également déposée, scellant symboliquement l’alliance du patrimoine et du futur. Par ce geste, la ville a voulu laisser une trace de son époque aux générations à venir, témoignant de la place essentielle qu’occupe encore le « bon roi René » dans le cœur angevin.

Qui était René d’Anjou ?

René d’Anjou naît à Angers en 1409. Arrière-petit-fils du roi Jean II le Bon, fils du duc Louis II d’Anjou et de Yolande d’Aragon, il appartient à l’une des plus illustres lignées du royaume de France. Héritier d’une dynastie ambitieuse, il cumule ainsi les titres : comte de Provence, de Guise, duc de Bar, d’Anjou et de Lorraine, roi de Naples et de Sicile ainsi que souverain titulaire de Jérusalem.

Cependant, au-delà de cette accumulation de titres, c’est sa personnalité qui fascine. Homme de culture et de foi, il incarne l’idéal du prince de la Renaissance avant l’heure. Il entretient à travers ses domaines une cour raffinée, protège les lettrés, les musiciens et les artisans, et favorise le développement des arts partout où il règne. Souverain bâtisseur, il laisse son empreinte sur de nombreux édifices, notamment au château d’Angers, où il fait aménager la célèbre galerie du Roi René. Il est aussi un adepte de la botanique et tente d’acclimater de nombreuses espèces végétales en Anjou. Ces habitudes lui valurent ainsi le surnom affectueux de « roi jardinier » ou encore de « bon roi René ».

Sur le plan politique, il s’impose comme un fidèle soutien de son cousin, le futur Charles VII, durant la guerre de Cent Ans, contribuant à la consolidation du pouvoir royal. Cependant, ses ambitions personnelles en Italie, notamment à Naples et en Sicile, échouent, mais elles témoignent de l’ampleur de ses aspirations.

L’héritage du bon roi

Vers la fin de sa vie, René d’Anjou se retire progressivement des affaires du royaume. Après la disparition de sa seconde épouse, Jeanne de Laval, il passe son temps à Angers puis en Provence. Cependant, son héritage et l’étendue de ses possessions attisent les convoitises. Le roi d’Aragon, Alphonse V, lui dispute ses territoires italiens et ruine notre duc angevin dans de nombreuses guerres. Le roi René, dernier représentant d’une lignée puissante, voit ses domaines menacés par les ambitions de son neveu, le roi Louis XI. Les tensions entre les deux hommes s’exacerbent. Méfiant envers « l’universelle aragne », surnom donné à Louis XI pour sa diplomatie rusée, René va jusqu’à s’allier à son ennemi juré, le duc de Bourgogne Charles le Téméraire.

Cependant, le 10 juillet 1480, sans héritier direct, René meurt à Aix-en-Provence. Avant son trépas, il désigne son neveu Charles du Maine comme successeur. Ce choix contrarie profondément Louis XI mais le sort, toutefois, joue en faveur du roi de France. En effet, Charles du Maine, de santé fragile et sans héritier, meurt à son tour en 1481. Sa disparition permet alors au souverain français de réaliser son dessein et de faire de l’Anjou et de la Provence des terres de la Couronne. Avec cette captation, la monarchie française hérite également des prétentions angevines sur le trône de Naples et de Sicile, un fait qui servira de prétexte aux futures guerres d’Italie.

Ainsi, bien que presque oublié aujourd’hui en France sauf en Anjou, le roi René fut l’un des acteurs discrets mais décisifs du XVe siècle : son nom, ses alliances et son héritage se sont ainsi retrouvés au cœur des grandes manœuvres politiques qui allaient façonner les débuts de la Renaissance française.

Eric de Mascureau