mardi 11 novembre 2025

1914-1918 : comprendre la Première Guerre mondiale, la guerre qui a bouleversé le monde (et suicidé l’Europe)

 

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Source Breizh Info cliquez ici

Il y a plus d’un siècle, l’Europe plongeait, à cause de la querelle d’une grande famille d’aristocrates européens, dans une guerre que personne ne croyait possible : un conflit mondial, industriel, et d’une violence sans précédent. Entre 1914 et 1918, plus de 70 millions d’hommes furent mobilisés, dont près de 8 millions de Français. À la fin, le monde ancien — celui des empires, des rois et des certitudes — avait disparu.

Mais que s’est-il vraiment passé ? Pourquoi cette guerre ? Et pourquoi, encore aujourd’hui, le 11 novembre reste-t-il une date de mémoire nationale ?

Les causes : l’Europe d’avant 1914, un baril de poudre

À la veille de la guerre, l’Europe est à la fois riche, fière et inquiète.
Trois grandes puissances dominent le continent :

  • La France (République), meurtrie par la perte de l’Alsace et de la Moselle depuis 1871, veut un jour récupérer ces provinces annexées par l’Allemagne.
  • L’Allemagne, jeune empire fondé en 1871 sous la direction de Bismarck, est devenue une puissance industrielle et militaire redoutée.
  • L’Empire britannique, à la tête du plus vaste empire colonial du monde, surveille avec méfiance la montée de son rival allemand.

À ces tensions s’ajoutent deux autres grands empires :

  • L’Autriche-Hongrie, affaiblie par ses nombreux peuples (Tchèques, Slovaques, Croates, Serbes…) qui réclament leur indépendance.
  • La Russie, puissance immense mais fragile, qui soutient les peuples slaves des Balkans.

L’Europe est alors divisée en deux blocs :

  • La Triple Entente (France, Royaume-Uni, Russie) ;
  • La Triple Alliance (Allemagne, Autriche-Hongrie, Italie – qui changera de camp en 1915).

C’est un équilibre instable, où chacun arme et espionne l’autre. L’étincelle viendra des Balkans.

Juin 1914 : Sarajevo, le coup de feu qui embrase le monde

Le 28 juin 1914, à Sarajevo (capitale de la Bosnie-Herzégovine), l’archiduc François-Ferdinand, héritier du trône austro-hongrois, est assassiné par Gavrilo Princip, un jeune nationaliste serbe.

L’attentat choque l’Europe, mais personne n’imagine encore une guerre mondiale.

Pourtant, en un mois, un enchaînement d’alliances, de menaces et de malentendus va tout précipiter :

  • L’Autriche-Hongrie accuse la Serbie d’être responsable de l’attentat et lui déclare la guerre (28 juillet 1914).
  • La Russie soutient la Serbie.
  • L’Allemagne soutient l’Autriche-Hongrie.
  • La France soutient la Russie.
  • L’Allemagne envahit la Belgique pour attaquer la France : le Royaume-Uni entre en guerre.

En quelques jours, l’Europe entière s’embrase. La “Grande Guerre” commence.

1914 : l’illusion de la guerre courte

L’été 1914 est marqué par un élan d’enthousiasme patriotique. On croit partir “pour quelques mois”, et être rentré “avant Noël”.

Les soldats français, en pantalon rouge, partent au front la fleur au fusil, persuadés de défendre la patrie contre “l’envahisseur”.

Mais très vite, la réalité s’impose : les offensives meurtrières échouent.

L’armée allemande fonce vers Paris (plan Schlieffen), mais elle est stoppée in extremis lors de la bataille de la Marne (6-12 septembre 1914).

Les deux armées s’enterrent alors dans un système de tranchées qui s’étend de la mer du Nord à la Suisse.

C’est le début d’une guerre nouvelle : la guerre de position, où chaque mètre de terrain se paie au prix du sang.

1915-1916 : la guerre industrielle et la guerre d’usure

Les armées creusent, s’enterrent, se bombardent. Les conditions sont inhumaines : boue, rats, froid, peur, gaz asphyxiants, cadavres omniprésents.

La guerre devient industrielle : canons géants, mitrailleuses, obus à fragmentation, mines, gaz de chlore.

Les civils participent eux aussi à l’effort de guerre : usines, rationnement, impôts, deuils.

1915 :

  • L’Italie rejoint les Alliés.
  • Les premiers gaz sont utilisés à Ypres.
  • Sur le front d’Orient, les Alliés échouent à Gallipoli (Turquie).

1916 :

Année terrible. Deux batailles symbolisent la folie de cette guerre :

  • Verdun (février-décembre 1916) : 300 000 morts pour quelques kilomètres. Les soldats français, “les Poilus”, y gagnent une gloire tragique.
  • La Somme (juillet-novembre 1916) : plus d’un million de morts ou blessés.

C’est à Verdun que le général Philippe Pétain devient un héros national : il tient bon, coûte que coûte, au cri de “Ils ne passeront pas !”.

1917 : l’année des ruptures

L’année 1917 marque un tournant.

D’un côté, les armées sont épuisées. En France, des mutineries éclatent : les soldats refusent de mourir inutilement. Le général Pétain, devenu commandant en chef, rétablit l’ordre en combinant fermeté et amélioration des conditions de vie.

En Russie, la guerre provoque l’effondrement du régime tsariste. La Révolution d’Octobre porte Lénine au pouvoir : il retire la Russie du conflit.

L’Allemagne peut alors concentrer ses forces sur le front Ouest.

Mais un nouvel acteur entre en scène : les États-Unis, dirigés par le président Woodrow Wilson, déclarent la guerre à l’Allemagne en avril 1917.

Les raisons : les sous-marins allemands qui coulent les navires civils, et la volonté américaine de “défendre la démocratie”.

La guerre devient vraiment mondiale.

1918 : la fin d’un monde

Au printemps 1918, l’Allemagne tente une offensive massive avant l’arrivée en force des troupes américaines.

Mais les Alliés résistent. L’armée française, épaulée par les Britanniques et les Américains, reprend l’initiative sous le commandement unique du général Ferdinand Foch.

Les troupes allemandes, épuisées, affamées, et minées par les révoltes, reculent sur tout le front.

À l’intérieur du pays, la révolution éclate : l’empereur Guillaume II abdique.

Le 11 novembre 1918, à 11 heures du matin, l’armistice est signé à Rethondes, dans la forêt de Compiègne.

Les canons se taisent.
Mais la paix reste à construire.

Le bilan humain : un continent décimé

La guerre de 1914-1918 fut l’une des plus meurtrières de l’histoire.

  • Environ 10 millions de soldats tués, dont 1,4 million de Français.
  • 6 millions de civils morts, victimes des famines, bombardements, maladies.
  • Des millions de mutilés, de veuves et d’orphelins.

L’Europe sort brisée : des villages rasés, des champs minés, des cicatrices dans les corps et les esprits. On parle désormais de “génération perdue”.

1919 : la paix ou l’illusion de la paix ?

Le Traité de Versailles (28 juin 1919) met officiellement fin à la guerre.
L’Allemagne est désarmée, amputée de territoires (Alsace-Moselle, Pologne, colonies) et condamnée à de lourdes réparations.

Mais beaucoup dénoncent un traité humiliant qui prépare les rancunes futures.

Le maréchal Foch résume d’ailleurs l’inquiétude de l’époque : « Ce n’est pas une paix, c’est un armistice de vingt ans. »

En effet, vingt ans plus tard, l’Europe replongera dans la guerre.

Les grandes conséquences du conflit

  1. Fin des empires
    Quatre grands empires disparaissent : allemand, austro-hongrois, ottoman et russe. De nouveaux États naissent ou renaissent : la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie, la Finlande…
  2. Changements sociaux et économiques
    Les femmes ont travaillé en masse dans les usines, les hôpitaux, les transports : une révolution silencieuse.
    L’économie, ruinée, reste marquée par la dette et l’inflation.
  3. Une Europe affaiblie
    Les États-Unis deviennent la première puissance mondiale. L’Europe, épuisée, perd son hégémonie. Les idéologies nouvelles (communisme, fascisme, nationalisme) s’enracinent dans les ruines.
  4. Une mémoire durable
    Partout, les monuments aux morts s’élèvent dans les villes et villages.
    Le 11 novembre, devenu jour de commémoration, rappelle chaque année le prix payé pour la paix.

Une guerre bretonne aussi

La Bretagne, comme toutes les régions de France, a payé un tribut immense. Environ 130 000 des mobilisés ne revinrent jamais. Des monuments, de Ploërmel à Carhaix, de Dinan à Quimper, portent encore aujourd’hui leurs noms.

Les campagnes bretonnes, vidées de leurs jeunes hommes, connurent un deuil collectif qui marqua durablement les familles et les paroisses.

La Grande Guerre a été le premier conflit total : une guerre où tout un peuple — soldats, ouvriers, femmes, enfants — fut mobilisé.  Elle a aussi vu l’apparition des tanks, de l’aviation militaire, de la guerre chimique et des propagandes de masse.

Mais elle fut aussi le creuset d’un immense courage collectif, d’une fraternité du feu entre soldats de toutes origines.

Aujourd’hui encore, comprendre 1914-1918, c’est comprendre d’où vient notre monde : les frontières modernes, la peur de la guerre, l’idée européenne, mais aussi la conviction que la paix n’est jamais acquise.

La Première Guerre mondiale ne fut pas seulement un drame ou un suicide européen, elle fut un avertissement. Elle a montré ce que deviennent les nations lorsqu’elles oublient la prudence, la diplomatie et le sens du tragique. Et ce qu’il advient des peuples lorsqu’ils laissent des petites castes dirigeantes les mener à la boucherie.

À l’heure où l’Europe connaît à nouveau des tensions, où les mémoires s’effacent, se souvenir de 1914-1918 n’est pas un exercice d’histoire, mais un acte de lucidité.

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dimanche 9 novembre 2025

La science explique l’hécatombe de l’armée de Napoléon en Russie en 1812

 

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La retraite de Russie en 1812 demeure l’un des épisodes les plus tragiques et déterminants de l’épopée napoléonienne. Au-delà du froid et de la faim qui ont brisé les corps et les esprits de tant de valeureux soldats, une menace invisible a également aggravé le terrible calvaire de milliers d’âmes. En effet, des maladies meurtrières se sont propagées au sein des rangs de la Grande Armée, laissant sur les plaines gelées des centaines de milliers de victimes, et précipitant sans le savoir la chute de l’Empire.

La campagne de Russie

Lorsque Napoléon envahit la Russie durant l’été 1812, il commande près de 600.000 hommes, une armée immense composée de soldats venus de toute l’Europe conquise. Il espérait alors forcer le tsar Alexandre à maintenir le blocus continental contre l’Angleterre afin d’asphyxier économiquement le banquier des coalitions européennes. Cependant, les Russes, rusés et prévoyants, pratiquèrent une stratégie de terre brûlée, incendiant villes et récoltes avant de se replier toujours plus loin vers l’est pour ne laisser aucune ressource, aucune nourriture, aucun foyer pouvant servir la France. Malgré cela, la victoire sanglante de la Moskova permit à Napoléon d’entrer dans Moscou, mais la ville, désertée et en flammes, ne lui offrit aucun répit. L’armée, privée d’abris, d’approvisionnements et déjà affaiblie par la maladie, perdit rapidement sa capacité d’organisation. L’hiver approchant et devant un ennemi insaisissable, la retraite devint inévitable et fut à l'origine d'une tragédie sans nom.

Une épidémie meurtrière

La souffrance des grognards marchant avec peine dans les paysages gelés de Russie ne se limita pas alors aux rigueurs du climat et au manque de vivres. En analysant des fragments de dents récupérées sur les dépouilles de soldats français enterrés en Lituanie, des chercheurs de l’Institut Pasteur ont mis en évidence, dans une étude parue ce 24 octobre, la présence de plusieurs agents infectieux. Rémi Barbieri, chercheur spécialisé en paléogénomique, déclare ainsi, avec ses confrères, avoir « découvert deux nouveaux pathogènes totalement insoupçonnés : la fièvre paratyphoïde et la fièvre récurrente. La première est transmise par la contamination d'eau ou de nourriture par des excréments de personnes infectées, la deuxième est transmise par les poux de corps. »

Cette combinaison de maladies, à laquelle s’ajoutent également le typhus et la dysenterie, aggravée par l’épuisement et l’insalubrité de la marche, fit s’effondrer la Grande Armée. On estime que près de 300.000 braves soldats périrent, sans même compter ceux qui désertèrent, furent faits prisonniers ou achevés par l’ennemi lorsqu’ils n’avaient plus la force de marcher. Les conquérants des vertes plaines de France devinrent des morts-vivants. Nombres de cadavres se sont ainsi amoncelés sur le chemin, figés dans la neige sans sépulture, tandis qu’une poignée, seulement, parvinrent à retrouver leur foyer après avoir traversé un enfer de glace et de peine.

La fin de l’Empire

Le désastre de la campagne de Russie ne fut pas seulement humain mais aussi politique. L’Europe des monarchies, témoin de l’affaiblissement militaire français, se réveilla. En effet, l’aura d’invincibilité de Napoléon ayant disparu avec les morts laissés dans les congères russes ouvra la voie à une nouvelle coalition. Une guerre s’ensuivit, débouchant sur la défaite de Leipzig en 1813 puis sur l’invasion du territoire français, jusqu’à l’abdication de l’Empereur, en 1814.

La retraite de Russie marqua l’effondrement d’un rêve de puissance. L’empire que Napoléon avait bâti par la force des batailles avec le sang de ses armées fut fragilisé et finalement renversé par des virus ennemis et invisibles, aussi minuscules que meurtriers.

Eric de Mascureau

jeudi 6 novembre 2025

Algérie : les archives s’ouvrent, exigeons la vérité sur les crimes du FLN

 

Puisque les archives d’une certaine période de la guerre d’Algérie s’ouvrent actuellement aux « spécialistes », mais sur une certaine période seulement (1954/1957), celle concernant plus particulièrement « La bataille d’Alger », dans l’objectif, bien entendu, de signaler uniquement les « tortures » et les « exécutions » subies par les valeureux combattants du FLN et les traîtres français qui leur ont prêté aide et assistance, physique et financière, par les « paras » du général Massu, sur ordre du gouvernement de l’époque, et que les soi-disant historiens, à l’exemple d’un Benjamin Stora, puisse poursuivre leur désinformation en toute liberté, nous exigeons que toutes les archives soient, enfin, portées à la connaissance de toute la population française afin qu’elle prenne conscience de la lâcheté et du déshonneur d’un chef de l’État, d’un gouvernement et d’une armée qui n’était plus française, puisqu’aux ordres d’un gouvernement et non plus de la République.

Nous exigeons toute la vérité sur les près de 3 000 disparus, civils et militaires, entre le 18 mars et fin 1962, en Algérie. (Nous tenons la longue liste nominative à votre disposition.)

Nous exigeons toute la vérité sur le massacre des harkis, dont il est impossible d’établir un compte exact, entre 60 000 et plus de 100 000, véritable « crime contre l’humanité », dont les coupables n’ont jamais été jugés et condamnés.

Nous exigeons de l’Algérie une repentance et des excuses pour ses crimes contre l’humanité.

Les accords secrets passés entre Louis Joxe et les envoyés du FLN concernant le sort des harkis, lors des accords d’Évian, le 18 mars 1962, sont volontairement passés sous silence par les gouvernements français et surtout par les Algériens qui ont commis ce crime contre l’humanité.

Pour confirmation de ces accords secrets, les télégrammes adressés par Pierre Messmer et Louis Joxe à tous les officiers français de désarmer les harkis et « surtout » de ne participer en aucune sorte à leur rapatriement.

Les rares officiers qui ont désobéi ont été sanctionnés.

Des dizaines de milliers de harkis, leurs enfants et leurs femmes, volontairement abandonnés, ont été livrés totalement désarmés, dans l’impossibilité de défendre leur vie et celle des leurs, aux assassins de l’ALN et du FLN.

Crime contre l’humanité !

Si ce qualificatif veut bien dire quelque chose d’horrible, c’est bien contre le gouvernement algérien et contre de Gaulle, et son gouvernement, qu’il doit être appliqué.

Comme nous venons de le lire, lors des accords d’Évian, des accords secrets avaient été passés afin de livrer les supplétifs de l’armée française totalement désarmés à la fureur bestiale des vainqueurs.

(Plus de détails dans mon livre J’accuse de Gaulle : Édition 2016*)

Dès le 25 janvier 1962, alors que le flux de rapatriés européens grossit, de Gaulle donne ses instructions au Conseil des ministres :

« On ne peut pas accepter de recevoir tous les musulmans qui viendraient à déclarer qu’ils ne s’entendront pas avec leur gouvernement ! Le terme de rapatriés ne s’applique évidemment pas aux musulmans ; ils ne retournent pas dans la terre de leurs pères ! »

Le 3 avril 1962, il lance à cette même table du Conseil : « Les harkis… ce magma qui n’a servi à rien et dont il faut se débarrasser sans délai. »

« Le magma », ce mot terrible prononcé devant les ministres au garde-à-vous – on ne plaisante pas sous de Gaulle – vaudra consigne. Ils ont non seulement laissé faire mais donné des ordres pour que cela se fasse.

Dès les premiers massacres de harkis de mars et avril 1962, les ministres français furent tenus informés.

Pierre Messmer n’hésite pas à rejeter toute la responsabilité du drame des harkis sur le FLN, bien sûr, et… sur Louis Joxe.

Son télégramme du 12 mai 1962 :

« Il me revient que plusieurs groupes d’anciens harkis seraient récemment arrivés en métropole. Je vous communiquerai dès qu’ils seront en ma possession les renseignements précis sur l’importance et l’origine de ces groupes ainsi que, si possible, sur responsables de leur mise en route. Dès maintenant toutefois je vous prie : primo d’effectuer sans délai enquête en vue déterminer conditions départ d’Algérie de ces groupes incontrôlés et sanctionner officiers qui pourraient en être à l’origine. »

Télégramme du 16 mai 1962 de Louis Joxe :

« Ministre d’État demande à Haut-commissaire de rappeler que toutes les initiatives individuelles tendant à installer métropole français musulmans sont strictement interdites. En aviser d’urgence tous chefs de SAS et commandants d’unités. »

Toujours de Louis Joxe le 15 juillet 1962 :

« Vous voudrez bien faire rechercher tant dans l’armée que dans l’administration les promoteurs et les complices de ces entreprises de rapatriements et faire prendre les sanctions appropriées. Les supplétifs débarqués en métropole en dehors du plan général (totalement inexistant) seront renvoyés en Algérie. Je n’ignore pas que ce renvoi peut être interprété par les propagandistes de l’OAS comme un refus d’assurer l’avenir de ceux qui nous sont restés fidèles. Il conviendra donc d’éviter de donner la moindre publicité à cette mesure. »

Les harkis du Commando Georges ont été bouillis vivants dans des marmites.

D’autres, sous les ordres de M. Soisson, député-maire de Sens, ont subi un sort analogue.

Pierre Messmer, totalement responsable des ordres de renvoi en Algérie des harkis arrivés en métropole, avouera sur Le Figaro du 23 mai 1962 : « Je les ai renvoyés dans leur pays car leurs papiers n’étaient pas en règle ».

Tous ces harkis ont été assassinés par le FLN, dès leur arrivée à destination, sur les quais d’Alger et d’Oran, « dans leur pays ».

Voici quelques déclarations de personnalités dont on ne peut contester l’objectivité :

Maurice Allais : « Une des plus grandes ignominies, une des plus grandes hontes de toute l’Histoire de France. »

Raymond Aron : « Les harkis pour la plupart livrés à la vengeance des vainqueurs sur l’ordre du général de Gaulle lui-même qui, par le verbe, transfigura la défaite et camoufla les horreurs ».

Georges-Marc Benamou : « La France a jeté les harkis dans les basses fosses de l’histoire. Il y a eu plus de 80 000 morts. Paris a systématiquement entravé leur sauvetage. De Gaulle est bel et bien complice d’un crime contre l’humanité. » Paris-Match le 30.10.2003.

Jean Daniel : « De Gaulle a abandonné les harkis : c’est son crime, et le nôtre ». Nouvel Observateur le 15.09.2009.

10 septembre 2001, dans le quotidien « Libération », Michel Tubiana, président de la Ligue des Droits de l’homme, écrivait :

« La République a commis en 1962, en Algérie, UN CRIME D’ÉTAT. En laissant les supplétifs algériens qu’il avait employés, le gouvernement français les a sciemment exposés aux massacres qui ont été commis. Harkis, mokhaznis, membres des groupes d’autodéfense ou des groupes mobiles de sécurité, notables musulmans, sont massacrés dans des conditions effroyables, aux portes mêmes des casernes où l’armée française reste l’arme au pied. Conformément à certaines clauses contenues dans les « accords d’Évian », la plupart d’entre eux ont été désarmés, par ordre du gouvernement, comme les 150 harkis d’Edgar Quinet ou ceux de Bou-Hamama, assassinés à Kenchela avec leurs femmes et leurs enfants. Les familles, en effet, n’échappent pas à la vindicte : les bourreaux du FLN valent ceux du FIS aujourd’hui. Des villages entiers subissent aussi la loi du vainqueur ».

Et l’aveu même du Président du gouvernement Algérien, M. Bouteflika, sur le journal La Croix du 17 juin 2000 : « Nous ne ferons pas les mêmes erreurs qu’en 1962 où, pour un harki, on a éliminé des familles et parfois des villages entiers ».

À part les quelques milliers qui ont pu être sauvés, avec leurs familles, par des officiers ou des administrateurs enfreignant les ordres du gouvernement, les quelques dizaines de milliers (comme toujours le chiffre exact est impossible à déterminer, il se situe entre 60 000 et plus de 100 000) de supplétifs, militaires ou appelés FSNA, élus, fonctionnaires, engagés, appelés, anciens combattants, et parfois leurs familles, ont été l’objet de massacres, de mutilations, d’exactions et d’emprisonnements.

Les archives militaires françaises notent des massacres jusqu’à la fin de l’année 1964.

Personne ne sera condamné pour ces crimes contre l’humanité.

Manuel Gomez

https://ripostelaique.com/algerie-les-archives-souvrent-exigeons-la-verite-sur-les-crimes-du-fln.html

mercredi 5 novembre 2025

Une découverte archéologique révèle la naissance de l’art chez les Néandertaliens, il y a 70 000 ans.

 

Un crayon ocre néandertalien de Crimée révèle les premières formes d’art symbolique

Les crayons de forme irrégulière et réutilisés, les motifs gravés et les marques d’outils suggèrent que certains matériaux ocre ont été intentionnellement utilisés pour des activités symboliques.

Seize fragments d’ocre découverts sur des sites du Paléolithique moyen en Crimée et en Ukraine continentale témoignent de l’utilisation des pigments par les Néandertaliens sur une période d’environ 70 000 ans, selon une étude publiée dans Science Advances. Une équipe internationale dirigée par Francesco d’Errico, de l’Université de Bordeaux, a examiné ces artefacts au microscope électronique à balayage et par fluorescence X portable afin de déterminer comment ils étaient façonnés, conservés et réutilisés.

Chaque fragment présentait des traces de modification intentionnelle : meulage, grattage, incision ou écaillage. Trois objets se distinguaient : un crayon d’ocre jaune intact, la moitié cassée d’un autre crayon jaune et un morceau d’ocre rouge provenant d’un objet plus grand ressemblant à un crayon. Le crayon intact mesurait environ cinq à six centimètres et sa pointe était encore acérée après plus de 40 000 ans ; l’examen microscopique a révélé des marques de ciseau indiquant un affûtage répété.

Les chercheurs ont conclu que la nature soigneusement sélectionnée des fragments d’ocre, leur façonnage délibéré et la préservation des marques d’outils indiquaient leur rôle dans la communication, l’expression de l’identité et la transmission des connaissances.

Jpost

Les Néandertaliens ont créé les plus anciens exemples d’art rupestre au monde

Les Néandertaliens n’ont pas seulement survécu aux paysages glaciaires de l’Europe ; ils se sont aventurés dans des grottes profondes et y ont créé de l’art. Ce qu’ils ont laissé n’est pas figuratif comme les scènes animalières plus tardives d’Homo sapiens.

Il s’agit plutôt d’un répertoire de pochoirs dessinés à la main, de signes géométriques, de lignes tracées au doigt, et même de structures construites. Ce type de création artistique témoigne d’une intention créative et d’un comportement symbolique bien antérieurs à l’apparition de notre espèce.

Malgré les preuves que les Néandertaliens utilisaient des pigments et fabriquaient des bijoux, certains chercheurs ont résisté à l’idée qu’ils exploraient des réseaux de grottes profondes pour créer des images durables.

De nouvelles datations réalisées par des chercheurs de l’Université de Bordeaux ont bouleversé cette vision. Dans trois grottes espagnoles – La Pasiega (Cantabrie), Maltravieso (Estrémadure) et Ardales (Malaga) – les chercheurs ont mis au jour des signes linéaires, des formes géométriques, des pochoirs et des empreintes de mains réalisées avec des pigments. (…)

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https://www.fdesouche.com/2025/11/04/une-decouverte-archeologique-revele-la-naissance-de-lart-chez-les-neandertaliens-il-y-a-70-000-ans/

dimanche 2 novembre 2025

La France décérébrée

 

Un quatorzième texte de notre rubrique « Souvenez-vous de nos doctrines » est à retrouver aujourd’hui, de Maurice Barrès… dans lequel il montre les terribles ravages produits dans les intelligences par une tragique situation : la division et la dissociation des forces naturelles de la nation

De cette situation, les bureaux sont responsables. Le bureau de l’enseignement public les a dégoûtés de leur petite patrie, les a dressés par l’émulation et sans leur inculquer une idée religieuse – religion révélée ou idéal scientifique – qui leur fournirait un lien social. Le systèmes des « humanités » ne rend pas l’homme apte à la culture, au commerce, à l’industrie,  mais, au contraire, l’en détourne. L’administration les a préparés seulement pour elle et pour qu’ils deviennent des fonctionnaires. Ils s’y sont refusés… Ce n’est dons pas assez que les corps sociaux soient dissociés : il y a des déserteurs. Ce n’est pas assez qu’il y ait dans ce pays de nombreux ressorts d’action antagonistes : voilà des jeunes gens, et d’une espèce fréquente, qui, dans le vaste et puissant atelier qu’est une patrie, ne sont mis en mouvement que par leur ressort individuel et ne travaillent que pour eux-mêmes. Ils sont mal servis et ils servent mal.

En vérité, il ne faut pas craindre d’y insister. C’est en maintenant le plus longtemps possible notre regard sur ces Lorrains que nous comprendrons l’ensemble de la situation. Et, déjà, nous entrevoyons ceci : dans le massif national, entre les blocs descellés, il se trouve une nombreuse poussière d’individus. C’est un gaspillage de forces. Quand même ce déchet serait formé de déments, d’incapables, d’hommes de mauvaise volonté, il serait regrettable, car dangereux : dans une ville mal balayée, où le service de voierie pèche, le moindre orage détermine des boues insalubres.

Cet émiettement se retrouve jusque dans les consciences. Un homme, en effet, n’appartient pas à une seule œuvre, à un seul intérêt ; il peut être, au même moment, engagé dans des groupements distincts. Que ceux-ci, grâce à l’état général de notre pays, soient antagonistes, voilà un homme en contradiction intérieure et par là diminué, sinon annulé.

En conséquence, ce qui fait question c’est la substance française.

Mais si la substance nationale est atteinte, vraiment il devient fort secondaire de savoir qui sera vainqueur aux élections. Il devient secondaire de savoir si la France, par ses troupes, par sa diplomatie, par ses finances mènera à bien tel ou tel projet. Il devient secondaire de savoir si les théories révolutionnaires d’une minorité, évidemment faible, qui excitent au vol et au pillage par protestation contre la propriété et la misère sont dangereuses et significatives d’un temps nouveau…

Quand de telles questions sont considérées comme essentielles par ceux qui discutent les affaires de ce pays et par ceux qui les mènent, on penche vraiment à conclure que la France est décérébrée, car le grave problème et, pour tout dire, le seul, est de refaire la substance nationale entamée, c’est-à-dire de restaurer les blocs du pays ou, si vous répugnez à la méthode rétrospective, d’organiser cette anarchie…

Des parties importantes du pays ne reçoivent plus d’impulsion, un cerveau leur manque qui remplisse près d’elles son rôle de protection, qui leur permettra d’éviter un obstacle, d’écarter un danger. Il y a en France une non-coordination des efforts. Chez les individus, c’est à de tels signes qu’on diagnostique les prodromes de la paralysie générale.

https://www.actionfrancaise.net/2025/11/01/la-france-decerebree/

La conquête de l’Algérie, pourquoi ?

 

« Le pays occupé par les Français sera, à l’avenir, désigné sous le nom d’Algérie. Les dénominations d’ancienne régence d’Alger et de possessions françaises dans le nord de l’Afrique cesseront d’être employées dans le cadre des correspondances officielles… »
(Circulaire du ministère de la Guerre, 14 octobre 1839)

Tous les ans, dès qu’arrive le mois de mars, j’ai une pensée pour les funestes accords d’Évian, signés – unilatéralement – le 18 mars 1962 pour application le lendemain. Ces accords signifiaient l’abandon pur et simple de notre belle Algérie française aux égorgeurs du FLN (1).

vendredi 31 octobre 2025

17 octobre 1893 : mort du président Mac-Mahon, dernier espoir du retour du roi

 

Par Pierre Petit — Jeffdelonge Mairie de Vantoux-et-Longevelle (France), Domaine public.
Par Pierre Petit — Jeffdelonge Mairie de Vantoux-et-Longevelle (France), Domaine public.
Le 17 octobre 1893, dans la quiétude du château de Montcresson, mourait Patrice de Mac-Mahon, duc de Magenta, maréchal de France, dernier grand témoin d’une période où la France hésitait encore entre la monarchie et la république. Avec sa disparition se clôt une longue histoire militaire et politique, marquée par la gloire des champs de bataille, les soubresauts de la guerre franco-prussienne et les hésitations institutionnelles des débuts de la IIIe République. Sa mort laisse derrière elle le souvenir d’un homme profondément attaché aux principes légitimistes, mais rattrapé par les mutations politiques d’une France entrée dans une nouvelle ère.

Le retour du roi ?

Patrice de Mac-Mahon n’était pas seulement un maréchal. Né en 1808 dans une famille aristocratique d’origine irlandaise, il fait une carrière militaire brillante. Officier sous la monarchie de Juillet, il s’illustre en Algérie, participe à la guerre de Crimée et se couvre de gloire à la bataille de Magenta en 1859, pendant la campagne d’Italie. Cette victoire lui vaut son titre de duc. Fait maréchal de France sous Napoléon III, il devient l’un des officiers les plus respectés de son temps.

En 1870, après la défaite de Sedan, Mac-Mahon, blessé au combat, se charge de réprimer la Commune de Paris et de restaurer l’ordre. Fort de cet acte, c’est à lui qu’une Assemblée nationale dominée par des monarchistes et des conservateurs confie, en mai 1873, la présidence de la République après la chute d’Adolphe Thiers. Pour ces députés, le maréchal incarne une solution d’attente : un président loyal aux monarchistes, censé préparer le retour du roi.

Mais des événements viennent contrarier ces plans. Les profondes divisions entre légitimistes et orléanistes, la fermeté du comte de Chambord sur le refus de reconnaître le drapeau tricolore, symbole de 1789, et la montée en puissance d’un bloc républicain de plus en plus structuré rendent impossible toute troisième Restauration. Mac-Mahon, loyal à la légitimité monarchique mais conscient des équilibres politiques, reste alors à la tête d’un régime dont l’Assemblée est toujours majoritairement monarchiste mais dans un pays de plus en plus républicain.

Nouvelle république

La présidence de Mac-Mahon porte l’empreinte de cet entre-deux. En novembre 1873, l’Assemblée nationale, toujours majoritairement monarchiste, vote la promulgation du septennat en faveur du mandat de Mac-Mahon, afin de gagner le temps nécessaire à l'hypothétique retour d’un autre roi que le comte de Chambord. Ce compromis institutionnel visait à maintenir ouverte la possibilité d’une Restauration et offrait presque le rôle de régent au Président.

Cependant, ce délai profite surtout aux républicains. Ils réussissent à consolider leurs positions et préparent la fondation d’un régime stable. Ainsi, les lois constitutionnelles de 1875 fixent l’organisation des pouvoirs publics et instaurent un régime parlementaire où le président de la République est élu par les deux chambres réunies en Assemblée nationale, les représentants de cette dernière étant élus au suffrage universel.

Mac-Mahon, homme d’ordre et monarchiste fidèle, n’avait pas la fibre politique des républicains parlementaires. Il cherche à gouverner avec des ministères conservateurs, persuadé que la majorité rurale du pays soutiendra une orientation traditionnelle. Mais cette stratégie se heurte frontalement à la dynamique électorale républicaine.

Coup de force raté

La crise majeure de son mandat éclate le 16 mai 1877. Refusant de collaborer avec une Chambre des députés désormais majoritairement républicaine, Mac-Mahon remercie le président du Conseil, Jules Simon, et le remplace par le duc de Broglie, monarchiste convaincu. Ce geste, perçu comme un acte de défiance envers le Parlement, provoque une confrontation directe entre l’exécutif et le législatif.

S’appuyant sur ses prérogatives constitutionnelles, Mac-Mahon dissout alors la Chambre des députés et convoque de nouvelles élections, espérant renverser la majorité républicaine. Mais son calcul se révèle erroné : les électeurs votent en faveur des républicains. Leur leader, Gambetta, déclare : « Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, il faudra se soumettre ou se démettre. »

Face à ce désaveu, Mac-Mahon tente encore de gouverner avec des ministères conservateurs, mais l’absence de soutien parlementaire rend sa situation intenable. Constatant qu’il n’a plus la confiance des élus et du peuple ni la possibilité d’imposer une orientation monarchiste à la France, il présente sa démission le 30 janvier 1879. Son départ marque la fin des espoirs de restauration monarchique.

Après sa démission, Mac-Mahon décide de se retirer de la vie politique. Il demeure une figure respectée mais s’éloigne volontairement des affaires. Il partage ainsi ses dernières années entre Paris et son château à Montcresson, consacrant son temps à sa famille et à l’écriture de ses mémoires. Après son décès, le 17 octobre 1893, ses obsèques sont célébrées avec les honneurs militaires dans la cathédrale Saint-Louis des Invalides où il fut inhumé, rejoignant ainsi les grandes figures militaires de la nation. Celles qui, comme lui, ont marqué l’histoire et le destin de la France.

Eric de Mascureau

jeudi 30 octobre 2025

Bien avant Halloween : ces monstres bien de chez nous

 

Par Mont Sudbury
Par Mont Sudbury
Lorsque vient la fin du mois d’octobre, alors que les citrouilles d’Halloween venues d’Amérique envahissent nos magasins et nos rues, il est bon de se souvenir que la France possède elle aussi son propre bestiaire de créatures effrayantes lié à un folklore local. En effet, ces bêtes et ces monstres ne sont pas des importations d’outre-Atlantique mais bien issues d’une mémoire ancienne, surgies de récits transmis de bouche à oreille bien avant que la fête moderne d’Halloween ne s’impose dans notre pays. Elles sont nées lors de veillées au coin du feu où se transmettait l’identité des régions. Cependant, ces histoires de monstres ne cherchent pas à effrayer seulement mais peuvent également transmettre une morale ou un avertissement. Elles témoignent aussi parfois, sans chercher à dénigrer ni à choquer, du profond ancrage de notre histoire chrétienne dans l’imaginaire populaire.

La Ganipote, la bête change-forme de l’Ouest

Parmi le bestiaire fantastique de l’imaginaire français, il est une bête qui aime parcourir dans les chemins sombres du Poitou, de la Saintonge et de la Gironde. Les anciens racontaient ainsi qu’il suffisait d’un moment d’inattention pour voir surgir la Ganipote, lourde et silencieuse, avant qu’elle bondisse sur le dos d’un voyageur solitaire. La bête est rusée, capable de se faire mouton docile, chien errant ou pourceau égaré, avant de révéler sa véritable nature dans un grognement bestial, celle d’un grand loup ou d’un chien féroce. Plus qu’un simple monstre, la Ganipote est souvent présentée comme un cousin du loup-garou. En effet, certains récits l’associent à la sorcellerie, d’autres à une malédiction qui condamne un homme à perdre sa forme humaine à la nuit tombée pour succomber à des instincts bestiaux et incontrôlables. Le mythe apparaît toutes fois dans la littérature régionale au XIXᵉ siècle, notamment dans le Dictionnaire du patois saintongeais de Pierre Jônain en 1869 où la Ganipote est définie comme « La malebête […] Ce sont, dit-on, des sorciers qui se changent, la nuit, en chien blanc (cani-pote patte de chien) et courent le pays pour faire peur et pour faire mal ». Jônain critique néanmoins l’existence de cette bête en précisant que « depuis que le vin et les goûts d'ordre et d'économie sont devenus communs, les ivrognes et les ganipotes sont à la fois devenus rares ».

La Grand’Goule, le dragon redouté du Poitou

Encore une fois dans le Poitou, la Grand’Goule incarne une menace plus ancienne et plus monumentale. Les traditions locales la décrivent alors comme une créature reptilienne à la langue de vipère, aux ailes de chauve-souris, armée de serres d'aigle et dotée d’une queue de scorpion. Elle vivrait également sur les rives du Clain pour troubler la cité de Poitiers. Elle s’aventurerait même dans les souterrains de la ville, remonterait dans les caves de l’abbaye Sainte-Croix et emporterait les pauvres religieuses qui auraient le malheur de croiser son chemin. Apprenant cela, Radegonde, ancienne reine des Francs et fondatrice du monastère, armée de son seul courage et de sa foi, serait partie affronter la bête. Cette dernière, sentant la puissance et la détermination de son adversaire, chercha alors à fuir en s’envolant. La sainte, d’une prière et d’un signe de la croix, réussit alors à abattre le dragon qui mourut dans d’atroces souffrances.

Malgré son trépas, le mythe de la Grand’Goule subsista dans les mémoires. Ainsi, au XVe siècle, une sculpture en bois, aujourd’hui conservé au Musée Sainte-Croix de Poitier, représentant la Grand’Goule, fut même réalisé afin de rappeler à tous la victoire de Radegonde, devenue sainte patronne de la ville, sur le Mal et Satan incarnés dans le dragon.

Les lavandières de la mort, les dames de la nuit bretonne

Aventurons-nous maintenant en Bretagne afin de découvrir une autre de ces légendes locales. Ainsi, lorsque l’on longe les rivières et les routes du pays breton, une brume légère peut devenir synonyme de malheur. En effet, dans le brouillard, peut ainsi apparaitre aux yeux des voyageurs égarées des spectres lugubres, les âmes de pauvres femmes errantes dans les campagnes pour expier leur crime. Selon Georges Sand dans ses Légendes rustiques publié en 1858, elles sont « condamnés à revenir sur terre pour laver le linge de l’enfant qu’elles ont tué ». Si vous refusez de les aidez, elles peuvent alors vous casser le bras voire vous entrainer dans les eaux profondes et froides pour mieux vous noyer.

Ces créatures, Ganipote, Grand’Goule et lavandières, ne sont qu’un fragment d’un large bestiaire enraciné dans les paysages et l’imaginaire de la France rurale. Leur persistance dans la mémoire régionale témoigne de traditions qui ne doivent rien aux influences venues d’ailleurs, mais qui sont nées des veillées hivernales, des peurs de la nuit et du cadre religieux qui a longtemps façonné notre société. Il faut donc peut-être préférer aux monstres américains et aux figures démoniaques, ces créatures étranges et parfois effrayantes qui rappelle notre identité mais aussi nous invite nous méfier du mal sous toutes ces formes plutôt que le célébrer.

Eric de Mascureau

Chocs du monde avec Rémi Bernier - Forces spéciales : la vraie histoire du 1er RPIMa

 

Chocs du monde avec Rémi Bernier - Forces spéciales : la vraie histoire du 1er RPIMa

Pour ce nouvel épisode de "Chocs du monde", le magazine des crises et de la prospective internationales de TVL, Edouard Chanot reçoit le lieutenant-colonel Rémi Bernier.

Le focus du jour : le 1er RPIMa qui est désormais l'outil létal de la France face aux crises. Or, ce régiment d'élite est né à travers celles-ci : cette unité de forces spéciales, ne s'est pas faite en un jour et surtout elle s'est constituée loin des regards. Elle a survécu à trois menaces de dissolution, a été utilisée pour des missions secrètes et s'est adaptée, menant ses opérations commando de l'Afrique au Moyen-Orient en passant par les Balkans. Des opérations que Rémi Bernier accepte aujourd'hui d'évoquer.


Rémi Bernier a servi pendant plus de vingt ans dans les forces spéciales. Il a vécu l'essor de leur modernisation, des années 90 à la décennie 2010. Il vient de publier "Histoire du 1er RPIMa - Le régiment d'exception des forces spéciales", aux éditions Mareuil. Un livre qui permet de comprendre comment un régiment est devenu une unité d'élite.

https://tvl.fr/chocs-du-monde-avec-remi-bernier-forces-speciales-la-vraie-histoire-du-1er-rpima

mercredi 29 octobre 2025

Le massacre des Arméniens par les Turcs à Adana, en 1909

 

Le massacre des Arméniens par les Turcs à Adana (1909)

Des malheureux par milliers étaient traqués à coups de fusils, de haches, de bâtons, si bien que dans certaines rues, il y avait des murailles de corps entassés et des fleuves de sang, écrit dans une lettre d’Adana, en date du 8 nov., M. Léopold Favre, le philanthrope genevois qui a visité le théâtre du sinistre pour y faire une enquête et distribuer aux survivants les secours du comité philarmène helvétique.

Le Journal de Genève, 20 décembre 1909

Un Jésuite, qui eut le courage de sortir pendant l’émeute, me montre un ruisseau où littéralement le sang coulait «comme l’eau après une pluie d’orage».

Au pays des massacres, par Jean d’Annezay, Blond & Cie, éditeurs, Paris.

Beaucoup de témoins racontent que des Arméniens furent attachés par les deux jambes, la tête en bas, et fendus à coups de hache, comme bêtes de boucherie. D’autres furent liés avec des cordes et étendus sur un lit de bois auquel on mit le feu ; d’autres encore furent cloués vivants sur les planchers, sur des portes, sur des tables.

Il y a aussi des jeux atroces, des farces sinistres. On prend des Arméniens, on les ligote, et sur leurs genoux immobilisés on découpe en tranches ou on scie leurs enfants. Le Père Benoît, de la mission française, rapporte un autre trait :

Les bourreaux jonglaient avec des têtes fraîchement coupées et même, sous les yeux des parents, ils lançaient en l’air des petits enfants qu’ils recevaient à la pointe de leurs coutelas.

Les supplices sont tour à tour grossiers ou savamment raffinés. On soumet certaines victimes à une série de tortures appliquées avec un art consommé, de manière à prolonger la vie dans la chair du martyr afin de faire durer la fête : on les mutile lentement, méthodiquement, en leur arrachant les ongles, en leur écrasant les doigts, en leur tatouant le corps au moyen de fers incandescents, puis on leur scalpe le crâne, enfin on les réduit en bouillie que l’on jette en pâture aux chiens.

À d’autres, on brise petit à petit les os, on les crucifie ou on les fait flamber comme des torches. Tout autour des patients, des groupes se forment qui se récréent à ces spectacles et applaudissent chaque geste des tortionnaires.

Parfois ce sont des abominations infernales, des orgies sadiques. On découpe à un Arménien les extrémités du corps, puis on l’oblige à mâcher ces morceaux de sa propre chair. On étouffe des mères en leur bourrant la bouche de la chair de leur propre enfant. À d’autres, on ouvre le ventre et, dans la plaie béante, on enfonce, après l’avoir écartelé, le petit que tout à l’heure elles portaient dans leurs bras.

En 1895 des supplices analogues furent infligés aux Arméniens. C’est ainsi qu’à Malatia et ailleurs, on a détaillé sur la place publique de la chair d’Arménien en découpant le patient encore vivant. Les tortionnaires d’Adana ont cependant surpassé ceux des précédents massacres.

M. Antonio Scarfoglio, envoyé spécial du Matin à Adana, a publié dans ce journal (numéro du 5 juin 1909 et numéro du 7 juin 1909) deux récits détaillés des horreurs qui y ont été perpétrées. Voici un extrait du récit en question. « … On passait aux femmes après les hommes, après les maris. On les déshabillait, on leur coupait les pointes des seins qu’on obligeait les enfants à mâcher. Des fois, ils leur promettaient la vie sauve pourvu qu’elles baisassent le canon du fusil, et alors ils leur déchargeaient l’arme dans la bouche ; d’autres fois encore, ils les violaient seulement, puis les chassaient nues à travers les rues à coups de crosse.

Dans une ferme, ils avaient surpris toute la famille Burdikian composée du mari, de la femme, de deux enfants mâles et d’une fillette de six ans. La femme, âgée de vingt-huit ans, s’était jetée à leurs pieds en criant pitié. Ils avaient souri et lui avait répondu : « Nous aurons pitié, nous aurons pitié, tu vas voir. » Eux, ils dansaient et chantaient, autour du bûcher humain, des hymnes chrétiens.

Puis, ayant lié le mari au pied du lit, ils avaient pris la femme, l’avaient mise complètement nue et, avec trois gros clous, l’avaient clouée au mur, un clou pour chaque main, un pour les pieds.

Avec la pointe d’un yatagan ils avaient tatoué sur son ventre un des symboles chrétiens ; puis tandis que, folle d’épouvante, elle se taisait et regardait de ses yeux écarquillés, ils avaient conduit le mari devant elle au milieu de la chambre, l’avait déshabillé, l’avaient enduit de pétrole et l’avaient allumé comme une torche.

Le corps avait pris feu gaiement en grésillant, les cheveux avaient fait une flambée, la chair était calcinée et détachée avant qu’il ne mourût… Eux, ils dansaient et chantaient, autour du bûcher humain, des hymnes chrétiens. Les enfants pleuraient dans un coin, la femme regardait du haut de son mur, les bras ouverts, tout son jeune corps offert, avec son ventre sanglant, devenu tabernacle. Puis on lui avait coupé les seins et forcé les enfants à sucer cette chair saignante, on lui arracha les ongles, on lui coupa les doigts, lui trancha le nez, lui brûla les cheveux. Enfin, sous ses yeux d’agonisante, on scia la tête aux enfants mâles, on violenta la fillette, puis on leur enleva le foie et le cœur, que l’on mit dans la bouche de la mère en criant : «Sainte Vierge Marie, sauve-les ! Viens, descends. Ne vois-tu pas qu’ils meurent ? C’est le cœur, tu sais, que tu manges, le cœur de tes fils, tes fils chers, que tu aimais tant, de tes fils, si jolis, si blonds ! …»

On l’acheva à coups de hache.

Et encore et encore.

Adossidès A., Arméniens et Jeunes Turcs, P.V. Stock Editeur, Paris, 1910

https://www.imprescriptible.fr/aram/armeniens-et-jeunes-turcs

Le Petit Journal, supplément illustré du 2 mai 1909

PS : Aujourd’hui encore, le gouvernement turc nie les faits et a fait récemment assassiner en 2007 Hrant Dink, un journaliste turc qui exigeait une repentance de son pays à propos de ces abominations.

À Istanbul et Ankara, des rues portent encore le nom des politiciens et militaires Turcs qui ont ordonné le génocide. Imaginez une rue Adolf Eichmann à Berlin ou à Francfort…

Propos recueillis par Elise Wack.

lundi 27 octobre 2025

L’impôt du sang sous l’Ancien Régime

 

Un treizième texte de notre rubrique « Souvenez-vous de nos doctrines » est à retrouver aujourd’hui, d’Hypolute Taine…

Reste un dernier impôt, celui par lequel l’État prend non plus de l’argent, mais la personne elle-même ; l’homme entier, âme et corps, et pendant les meilleures années de sa vie, je veux dire le service militaire. C’est la Révolution qui l’a rendu si lourd ; auparavant il était léger, car, en principe, il était volontaire. Seule la milice était levée de force et, en général, parmi les petites gens de la campagne : les paysans la fournissaient par le tirage au sort.

Mais elle n’était qu’un appoint de l’armée active, une réserve territoriale et provinciale, une troupe de renfort et de seconde ligne, distincte, sédentaire qui, hors le cas de guerre, ne marchait pas ; elle ne s’assemblait que neuf jours par an ; depuis 1778, on ne l’assemblait plus. En 1789, elle comprenait en tout 75 260 hommes et leurs noms, inscrits sur les registres, étaient, depuis onze ans, leur seul acte de présence au corps. Point d’autres conscrits sous la monarchie ; en ceci, ses exigences étaient petites, dix fois moindres que celles de la république et de l’empire, puisqu’eux deux, appliquant la même contrainte, allaient lever, avec des rigueurs égales ou pires, dix fois plus de réquisitionnaires ou conscrits.

À côté de cette milice, toute l’armée proprement dite, toutes les troupes « réglées » étaient, sous l’Ancien Régime, recrutées par l’engagement libre.

Même avec des abus, l’institution avait deux grands avantages. En premier lieu, l’armée était un exutoire : par elle, le corps social se purgeait de ses humeurs malignes, de son mauvais sang trop chaud ou vicié… Cela indique l’espèce et la qualité des recrues ; de fait, on n’en trouvait guère que parmi les hommes plus ou moins impropres à la vie civile et domestique, incapables de discipline spontanée et de travail suivi, aventuriers et déclassés, demi-barbares ou demi-chenapans, les uns, fils de famille, jetés dans l’armée par un coup de tête, d’autres, apprentis renvoyés ou domestiques sans place, d’autres encore, anciens vagabonds et ramassés dans les dépôts de mendicité, la plupart ouvriers nomades, traîneurs de rue, « rebut des grandes villes », presque tous « gens sans aveu » ; bref, « ce qu’il y avait de plus débauché, de plus ardent, de plus turbulent ». De cette façon, on utilisait, au profit de la société, la classe antisociale…

En second lieu, par cette institution, le sujet gardait la première et la plus précieuse de ses libertés, la pleine possession et la disposition indéfinie de lui-même, la complète propriété de son corps et de sa vie physique ; elle lui était assurée, mieux garantie que par les constitutions les plus savantes ; car l’institution était une coutume imprimée dans les âmes ; en d’autres termes, une convention tacite, immémoriale, acceptée par le sujet et par l’État, proclamait que, si l’État avait droit sur les bourses, il n’avait pas droit sur les personnes. Au fond, et en fait, le roi, dans son office principal, n’était qu’un entrepreneur comme un autre ; il se chargeait de la défense nationale et de la sécurité publique, comme d’autres se chargent du nettoyage des rues ou de l’entretien d’une digue ; à lui d’embaucher ses ouvriers militaires, comme ils embauchent leurs ouvriers civils, de gré à gré, à prix débattu, au taux courant du marché.

https://www.actionfrancaise.net/2025/10/25/limpot-du-sang-sous-lancien-regime/

La part mafieuse de l’État profond

 

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol 

Commissaire général de la Police nationale, diplômé de Sciences – Po Paris, de criminologie et en droit, Jean-François Gayraud a déjà signé plusieurs ouvrages dont Le Monde des mafias : géopolitique du crime organisé (Odile Jacob, 2005) et L’art de la guerre financière (Odile Jacob, 2016). Le plus récent, paru en octobre 2023, concerne La Mafia et la Maison Blanche. Un secret si bien gardé de Roosevelt à nos jours (Plon, 574 p., 24,90 €).

En s’appuyant sur une riche bibliographie de vingt pages, il étudie ce qu’il qualifie de « part d’ombre de la démocratie américaine », à savoir le rôle du crime organisé auprès des présidents des États-Unis d’Amérique à partir de Franklin Delano Roosevelt (1933 – 1945). Ainsi s’intéresse-t-il aux présidences de Roosevelt, de Truman, de Kennedy, de Johnson, de Nixon, de Reagan, de Clinton, d’Obama, du premier Trump et de Biden. « En revanche, avertit-il, nous n’aborderons pas 5 d’entre elles (Eisenhower, Ford, Carter, Bush père puis fils). Ce silence sur ces périodes n’est pas le fait d’un choix ou d’un oubli, mais s’explique par l’absence de sources crédibles. En effet, au fil des années, nos recherches n’ont jamais fait apparaître de traces suffisamment pertinentes. Au demeurant, ce vide doit être interprété avec prudence, puisque l’absence de preuve n’est pas toujours la preuve de l’absence ». Il souligne plus loin que      « la dynastie Bush a suscité des interrogations quant à certains aspects de ses intérêts dans le monde du pétrole, de la finance ou de l’armement, aux États-Unis et à l’étranger. Cependant, rien qui ne concerne directement la Mafia ».

Jean-François Gayraud estime que « la haute criminalité est une dimension oubliée de la grande histoire ». Son « livre propose donc d’éclairer l’histoire politique visible par l’apport d’une histoire invisible et de l’invisible, cachée, au profit d’une histoire épaisse et profonde ». Son travail, très fouillé, s’accompagne en fin de volume d’un appareil critique de notes de soixante-trois pages.

Il observe que la « criminalisation aurait provoqué l’émergence d’un sixième pouvoir – après le législatif, le judiciaire, l’exécutif, la presse (quatrième) et le militaire/renseignement (cinquième) – capable d’influencer en profondeur le gouvernement, le droit, l’économie, les valeurs, les goûts, les mœurs : le crime organisé, jouant le rôle d’un “ gouvernement d’appoint ”, indépendant des autres pouvoirs ». Son expertise l’amène à analyser sa structure interne. La Mafia n’est pas un ensemble monolithique. C’est plutôt une société secrète criminelle dont l’unité de base repose sur la « Famille ». « Il ne s’agit pas d’une réalité biologique, précise-t-il, mais d’une construction par un processus d’initiation. Une Famille n’est donc pas constituée par des individus ayant tous un lien familial biologique (père, fils, cousin, oncle, neveu, etc.), mais par des hommes de sexe masculin [sic !], catholique et d’ascendance italienne, ayant été choisis pour intégrer cette nouvelle entité qui forme désormais leur nouvelle “ Famille ”. » Les groupes mafieux nord-américains se coordonnent plus ou moins avec de nombreuses nuances suivant les périodes, les objectifs visés et la personnalité de leurs chefs respectifs. Mais la figure du « Parrain » représente surtout une belle diversion. Par exemple, « la direction de la Famille de Chicago est traditionnellement collégiale. Al Capone puis Frank Nitti ne sont que des boss en titre. Le vrai pouvoir s’exerce de manière plus collective en coulisse. Ce leurre permet aux vrais chefs d’œuvrer à moindre risque. Ces boss de l’ombre sont alors Paul Ricca, Tony Accardo et Murray Humphreys ».

On croit souvent que le berceau de la Mafia italo-américaine se trouve à New York ou à Chicago. Erreur ! Les lecteurs férus des polars étatsuniens savent que son foyer originel se situe à La Nouvelle-Orléans. En raison de cette ancienneté, la Famille de cette ville dispose d’une autonomie certaine et couvre autant la Louisiane que le Texas.

Dans un long chapitre, Jean-François Gayraud revient sur l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy en 1963 à Dallas. Pour lui, l’acte est commandité par la Mafia avec l’aide technique d’agents recrutés par la CIA pour des opérations clandestines anti-castristes à Cuba. À la fin de la décennie 1950, Mafia et CIA collaborent de manière ponctuelle sous la supervision lointaine du vice-président Richard Nixon. L’auteur revient en outre sur le rôle effacé du FBI dans la lutte anti-Mafia en raison des consignes de modération ordonnées par son tout-puissant directeur de 1924 à 1972, John Edgar Hoover. Ce dernier façonne le FBI en police politique et non pas en une force destinée à combattre les malfrats. La Mafia le tenait-elle grâce à des dossiers compromettants sur ce parieur frénétique des courses hippiques et sa vie privée ?

L’action du FBI en tant que police politique répressive s’efface grâce au cinéma qui l’enjolive en institution probe et courageuse. Il faut néanmoins savoir que la Mafia contrôle l’industrie cinématographique et le divertissement de masse. Le futur 40e président des États-Unis, acteur de profession à l’origine, Ronald Reagan, fut longtemps le président du principal syndicat des acteurs, la Screen Actors Guild (SAG), noyauté par les mafieux bien qu’« en Californie, la Famille présente à Los Angeles est faible en nombre et en organisation, et elle fonctionne sous la domination de celle de Chicago. La Californie, à l’image du Nevada, a toujours été un territoire plus ou moins ouvert à toutes les Familles; là, la Mafia emploie un plus grand nombre d’avocats, de banquiers et d’investisseurs, une technique lui permettant ainsi une présence plus diffuse et surtout très intégrée aux élites économiques. Elle est en fait souvent indissociable du big business ».

Bien que modelé par le milieu, le 7e art ose parfois évoquer certains sujets connexes tels le film de Doug Liman Barry Seal. American Traffic (2017). Pilote talentueux, Barry Seal transporte des tonnes de cocaïne aux États-Unis au profit du cartel colombien de Medellin et en liaison avec la CIA. Il fuit vite la Louisiane et s’installe en Arkansas qui « sert alors de base arrière pour les transferts d’armes orchestrés par la CIA au profit des Contras au Nicaragua, ainsi que leur entraînement militaire ». On est à l’origine du fameux scandale de l’Irangate. Jean-François Gayraud signale qu’« à partir des années 1980, l’Arkansas devient “ une petite Colombie ”, un épicentre du trafic international de cocaïne. L’État est miné de l’intérieur par une narco-corruption endémique, protégée aux plus hauts niveaux de responsabilité. L’expression de “ narco-État ” n’est pas exagérée, tant la corruption née du trafic de la drogue y est répandue (p. 395) ». Bill Clinton, futur 42e président étatsunien (1993 - 2001), y exerce d’abord la fonction de procureur général (ministre de la Justice) de 1977 à 1979, avant d’en devenir le gouverneur à cinq reprises (1979 – 1981 et 1983 - 1992).

On peut toutefois regretter que l’auteur ne mentionne pas les relations étroites entre la Mafia, par l’intermédiaire du cinéma, et d’une part du « cinquième pouvoir », à savoir le complexe militaro-médiatique, grand instigateur du « cinéma de sécurité nationale » (Jean-Michel Valantin). Jean-François Gayraud n’hésite pas pourtant à citer les travaux de Peter Dale Scott sur l’« État profond ». Craint-il de s’éparpiller ou de s’aventurer sur des terrains glissants et obscurs ? D’éclairer les coulisses de l’histoire apparente ?

Il évoque cependant un roman de politique-fiction paru à Chicago en 2000. On relève des similitudes troublantes avec l’ascension de Barack Obama, élu de l’Illinois et donc de… Chicago. On oublie qu’Obama fut le sénateur local de 1997 à 2004. L’auteur d’America’s First (Research Association School Times PublicationsFrontline Distribution International, 351 p., Chicago)), Charles D. Edwards a alors 31 ans. Ce Noir a grandi au Queens à New York. Il déménage et travaille à la mairie de… Chicago. Ce roman raconte l’arrivée au pouvoir à 46 ans de Calvin Smart. Bon orateur et juriste noir brillant, marié à Audrey, elle-même juriste, il atteint la fonction de président pro tempore du Sénat, soit le 4e personnage de l’État. Le président des États-Unis meurt d’une attaque cardiaque. Puis son vice-président devient le 44e président. Mais il meurt aux côtés du speaker de la Chambre des représentants (le 3e personnage de l’État) dans un attentat à Londres. Calvin Smart arrive à la Maison Blanche. Depuis toujours, le nouveau président fréquente la féroce Famille Giovinci et reçoit de fortes pressions de la Mafia afin de ne pas légaliser les drogues.

Entrepreneur immobilier à New York, Donald Trump doit rencontrer pour ses affaires des membres du milieu. Il y est contraint parce que « durant trois décennies (1970 – 1990), les cinq Familles de New York disposent d’une mainmise quasi absolue sur le marché du bâtiment et de la construction (BTP) à New York. […] La Mafia contrôle tous les métiers liés au secteur : le béton évidemment, mais aussi la maçonnerie, la plomberie, les fenêtres, la peinture, la menuiserie, etc. » Père spirituel de Trump, l’avocat Roy Cohn, démocrate, juif et homosexuel, « représente un lien unique vers la Mafia et les syndicats sans qui ses projets immobiliers ne peuvent prospérer sans heurt. Il est l’homme des contacts sensibles et des pots-de-vin, celui qui achète la paix et forge les alliances politiques et mafieuses ». Faute de preuves solides, Jean-François Gayraud ne fait qu’effleurer la présence insistante de quelques membres de la pègre russophone dans la proximité de l’homme d’affaire.

La Mafia et la Maison Blanche raconte plus d’un demi-siècle d’histoire souterraine passionnante. Il confirme le caractère ploutocratique des États-Unis d’Amérique. L’auteur explique bien en note que « le système démocratique américain est devenu malade en raison du pouvoir des lobbys et de l’argent – deux phénomènes liés – qu’une décision de la Cour suprême de 2010 (Citizen United vs Federal Election Commission) a conforté. Désormais, les entreprises privées et les syndicats peuvent participer au financement des campagnes sans limitation de versements. La corruption politique a été ainsi en partie légalisée ». Du fait de sa dépendance intrinsèque aux puissances financières, les États-Unis d’Amérique, par-delà la dimension mafieuse de l’État profond, sont très certainement – et de loin ! – le principal État-voyou de la planète.    

Salutations flibustières !

• « Vigie d’un monde en ébullition », n°171, mise en ligne le 23 octobre

http://synthesenationale.hautetfort.com/archive/2025/10/24/la-part-mafieuse-de-l-etat-profond-6567774.html