lundi 27 décembre 2010

La poudrière du Caucase

Cet article du professeur Lugan a été publié il y’a quatre ans dans un grand hebdomadaire.
Il a conservé toute son actualité, annonçant des événements qui se déroulent aujourd’hui sous nos yeux. C’est la démonstration qu’une bonne culture historique et surtout une solide formation maurrasso-bainvillienne permettent souvent d’y voir plus clair que certains observateurs de ces régions.
Et cela méritait une réédition. Serge de Beketch
Au nord de la Turquie et au sud de la fédération de Russie, la barrière du Caucase abrite un incroyable enchevêtrement de peuples musulmans traditionnellement hostiles au pouvoir russe. La fin de l’empire soviétique y a créé une situation totalement anarchique. À chaque instant, la poudrière caucasienne risque d’exploser. On ne défie pas impunément les lois de l’histoire. Les peuples du Nord-Caucase sont actuellement regroupés en plusieurs républiques autonomes : la RA d’Abkhazie sur la mer Noire, la RA des Tcherkesses, la RA des Kabardino-Balkars, l’Ossétie du Nord, la RA des Tchétchéno-Ingouches, ou Tchétchénie, et la RA du Daghestan.
Le Nord-Caucase a longtemps été influencé par les Scythes et plus particulièrement par l’un de leurs peuples, celui des Alains, des Indo-Européens.
Au sud de la barrière du Caucase, les composantes ethniques ont largement été orientalisées par les Perses, ce qui les distingue nettement de leurs “cousins” du nord. D’ouest en est les peuples de Transcaucasie sont répartis en plusieurs républiques : celles d’Adjarie, de Géorgie, d’Ossétie du Sud, d’Azerbaïdjan et d’Arménie.
Pour compliquer encore cette mosaïque ethnique, raciale et linguistique, d’incessantes vagues d’invasion ont implanté dans le Caucase des populations nouvelles, comme celles se rattachant à la famille turco-mongole, à tel point que, pour qualifier cette multitude, les géographes arabes médiévaux donnèrent au Caucase le nom de “Montagne des langues”.
Parmi tous les peuples autochtones du Nord-Caucase, le plus connu est celui des Tcherkesses, les Kassogues des géographes de l’Antiquité. C’est à tort et à travers que leur nom a été utilisé pour désigner la totalité des populations nord ou cis-caucasiennes.
Or, ne sont tcherkesses que les groupes caucasiques du nord-ouest : Tcherkessk, Adyghès, Kabardes et, à l’extrême rigueur, Abkazes du nord-ouest de la Géorgie ; c’est ainsi que le célèbre chef Chamil, présenté comme le héros de l’épopée tcherkesse, était en réalité originaire du Daghestan et n’était donc pas ethno-linguistiquement parlant tcherkesse. Comme tous les peuples du nord du Caucase, les Tcherkesses avaient une longue tradition de mercenariat. Ils formaient des unités de cavalerie légère destinées à harceler l’ennemi. Ils servirent l’Empire mongol, le Khânat de Crimée, les royaumes de Pologne et de Lituanie ou même le tsar de toutes les Russies. C’est cependant au service de la Turquie qu’ils s’illustrèrent le plus car, et le fait est peu connu en Europe, ils constituèrent avec les représentants d’autres peuples du Caucase, l’essentiel de la milice des Mamelouks.
En 1250, les Mamelouks s’emparèrent de la Syrie et de l’Égypte où des souverains tcherkesses régnèrent de 1382 à 1517, date de la conquête ottomane. Puis le sultan ottoman leur laissa l’administration de l’Égypte qu’ils perdirent à la suite de la campagne que Bonaparte y mena. C’est à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe que la poussée slave atteignit véritablement la région du Caucase après s’être imposée au terme de longs siècles de combats qui opposèrent l’Empire russe à la Turquie et à la Perse. En 1801, les Russes annexèrent la Géorgie puis les régions situées au sud du Caucase ; les populations du Nord-Caucase étaient donc prises à revers et, durant un demi-siècle, elles opposèrent une résistance désespérée à l’armée russe. C’est à cette occasion que s’illustra le célèbre Chamil, chef des montagnards du Daghestan qui ne sera capturé par les Russes qu’en 1859. La grande guerre du Caucase fut très dure et très meurtrière. Les Tcherkesses furent les derniers à résister, puis des dizaines de milliers d’entre eux, cédant sous la poussée numériquement supérieure des Cosaques, choisirent l’émigration et allèrent se placer sous protection ottomane. Les véritables conquérants du Nord-Caucase furent les Cosaques. Les premiers d’entre eux étaient originaires de la région du Don, puis ils furent renforcés par les Cosaques du Terek qui s’étaient primitivement installés dans le pays tchétchène. À partir de la fin du XVIIIe siècle, les Zaporogues d’Ukraine furent rebaptisés Cosaques de la mer Noire et encouragés à s’installer sur le Kouban, c’est-à-dire en pays tcherkesse. Dans la première moitié du XIXe siècle, cent mille paysans ukrainiens vinrent les y rejoindre. Placé au carrefour de la steppe ukraino-russe et des mondes turc et persan, le Caucase est à nouveau entré dans une période de turbulences, renouant avec une tradition historique séculaire en raison du vide politique laissé par l’effondrement de l’Empire soviétique.
par Bernard Lugan Le Libre Journal de la France Courtoise - n°55 du 30 décembre 1994

samedi 25 décembre 2010

Actualité de la subversion soviétique

Comme je l'ai annoncé sur le groupe et la page Facebook de Criticus, j'ai réalisé la « playlist » ci-dessous à partir de vidéos trouvées chez Franck Boizard. Il s'agit d'une conférence donnée en 1983 à Los Angeles par Yuri Bezmenov, alias Tomas Schuman, un ancien propagandiste du KGB en Inde passé à l'Ouest dans les années 1970.Il y explique le processus de subversion mené par l'URSS durant la Guerre froide pour démoraliser, puis déstabiliser les Occidentaux.

On apprend d'abord que 10 à 15 % seulement des activités du KGB correspondaient à des activités d'espionnage proprement dit. Le reste, la grande majorité donc, concernait la propagande soviétique destinée à subvertir les démocraties libérales occidentales.
Dans le cadre de la Guerre froide, le Bloc soviétique, pour Bezmenov, n'était pas assez fort pour attaquer de manière frontale le camp occidental. Appliquant les principes de plusieurs arts martiaux, il s'agissait ainsi pour le KGB d'accompagner les démocraties dans leur mouvement, en encourageant les individus ou les groupes capables de subvertir la société. La première tâche du KGB consistait donc à cibler, dans chaque pays, les personnes capables d'influencer la société dans un sens défavorable.
On pense par exemple à Catherine Ashton, aujourd'hui Haut représentant de l'Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité‎, et qui était trésorière dans les années 1970 du Mouvement pour le désarmement nucléaire, financé par l'URSS, qui voyait là le moyen d'affaiblir militairement le Bloc de l'Ouest.
Cette première phase d'instrumentalisation de personnalités influentes est la phase de la démoralisation. Durant selon Bezmenov de 15 à 20 ans, c'est-à-dire le temps nécessaire à l'endoctrinement d'une génération, elle vise à faire douter l'adversaire du bien-fondé de ses valeurs, et donc de la nécessité qu'il y aurait à les défendre.
Qui, lisant ces lignes, ne pensera pas à l'un ou même à plusieurs de ses professeurs d'histoire du secondaire, présentant systématiquement l'histoire de l'Occident de manière négative, qu'il s'agisse de l'esclavage, de la colonisation, de la Shoah ?
Une fois la population de l'adversaire démoralisée, Bezmenov affirme que le processus de subversion passe à la déstabilisation, qui doit durer entre 2 et 5 ans.
L'URSS est disparue avant que cette phase n'arrive à son terme. Néanmoins, comment ne pas penser à Action Directe en France, aux Brigate Rosse en Italie, ou à la Rotte Armee Fraktion en Allemagne de l'Ouest comme signes manifestes de cette tentative de déstabilisation ?
La suite logique de cette déstabilisation est la crise. Durant de deux à six mois, elle voit le pouvoir légitime vaciller, et devenir vulnérable aux groupes d'individus capables d'imposer un gouvernement insurrectionnel de type marxiste.
Alors qu'aux stades précédents du processus de subversion, la réponse était surtout culturelle (répondre au dénigrement de l'Occident par une réaffirmation de son identité et de ses valeurs), elle devient militaire au stade de la crise. C'est ce qui s'est produit au Chili, et de manière heureuse, en 1973 : un coup d'État militaire rétablissant d'abord l'ordre, puis, de manière graduelle, les libertés publiques.
Si, toutefois, la phase de crise s'est déroulée dans un sens favorable aux menées soviétiques, on passe alors à la phase terminale, celle de la « normalisation ».
Il s'agit de la mise en place d'une « démocratie populaire », imposée par les armes.
Bezmenov évoque le cas de l'intervention américaine à Grenade, la même année que la conférence, pour éviter que cette île caribéenne ne tombe dans l'escarcelle soviétique.
L'ironie, à ce stade, est que les « idiots utiles », ceux qui ont activement participé à la démoralisation et la déstabilisation de la démocratie libérale, sont les premiers exécutés. Dressés à la rébellion, ils deviennent en effet dangereux pour le nouveau pouvoir. Les marins anarchistes de Cronstadt en ont fait la cruelle expérience en 1921.
On songe alors : pourquoi ne pas alerter, en amont, ces « idiots utiles » du péril qui les guette ? Réponse de Bezmenov : c'est inutile, car le réel est impuissant contre l'idéologie. Même en fournissant des exemples de ce qui attend les « idiots utiles » du communisme, ces derniers sont incapables de voir, donc d'accepter la réalité.
Bezmenov va même plus loin. Dans la septième vidéo, il se saisit d'une craie pour écrire au tableau : 2 x 2 = 4. C'est assurément vrai, mais personne ne mourra jamais pour défendre cette vérité. Seule une religion ou, dans le cas du communisme, un millénarisme de substitution, peut conduire des hommes à se sacrifier pour elle.
Ainsi est résumée l'aporie du scientisme occidental, incapable de maintenir chez les individus l'instinct de survie nécessaire à la perpétuation de la civilisation.
Ainsi, également, apparaît la brûlante actualité de cette conférence. Comme l'a noté Franck Boizard, les islamistes récoltent aujourd'hui les fruits de la subversion des sociétés occidentales opérée par les communistes.
D'abord parce que les « idiots utiles » de l'islamisation, dont beaucoup sont de gauche ou d'extrême-gauche, sont incapables de voir la réalité du danger islamique.
Ensuite parce que, dans l'essentiel de la population occidentale, a été brisé le ressort de la religion, qui aurait pu immuniser les individus contre ce fléau. À l'inverse, les islamistes, parce qu'ils croient en une transcendance, progressent.
Ne croyant pas que le peuple d'Israël soit le « peuple élu », ni même que l'un de ses ressortissants ait pu être le fils de Dieu, je ne peux qu'être embarrassé par cette observation. Néanmoins, je sais, pour l'avoir déjà écrit, que seul le Christ, ou tout du moins la foi en Lui, sauvera l'Occident de la barbarie islamique. Alors, bien qu'oscillant depuis toujours entre l'agnosticisme et le déisme, je me suis résolu à attendre la Grâce.
Roman Bernard http://criticusleblog.blogspot.com

vendredi 24 décembre 2010

Rue d’Isly, 26 mars 1962 : il faudra mille ans...

Combien sont-ils à se souvenir de cet après-midi de mars ? En ce lieu. c’est coutume : ciel bleu et lumière vive. Douceur de l’air. Parfums de jasmin descendus des collines. Et ces teintes orangées qui donnent à Alger des éclats de peinture flamande.
Qui se soudent vraiment de cet après-midi de mars ?
Le 26 mars de l’année 1962. Ce n’était pas chose exceptionnelle qu’une foule jeune et bruyante, poussant devant elle huit années de colères et de souffrances nées de mille trahisons, s’étirât dans le labyrinthe pavé dont elle connaissait bien les méandres, laissant libre cours à l’expression de ses fureurs.
Alger, pendant huit ans, ne fut qu’une gigantesque soupape. Alternativement ouverte ou fermée par les salauds parisiens manipulant la douleur des hommes au gré de leurs calculs. La journaleuserie charognarde y construisit sa fortune. Tous ceux qui aujourd’hui pontifient et moralisent du haut de leurs sinécures médiatiques y firent leurs classes. Planqués par dizaines à Radio Alger, privilégiés du bled, micro-rapetissés dans leur trou de souris de l’AFP et hôtels avoisinants d’où ils inondaient la France - « De notre envoyé spécial » - de grands reportages aussi mâââles que bombastiques. Lorsque Lartéguy et de Sédouy rapportaient à Paris-Presse l’expression la plus bravache de leurs expériences aventureuses au pays des fermes brûlées et des petits colons barricadés au fond du bled, entre Cherchell et Ténès, ils omettaient un détail : un escadron de gendarmes mobiles assurait à leur équipée une sécurité sans surprise.
Et la France bâillonnée, chloroformée, déjà étouffée par la mafia politico-médiatique aujourd’hui à l’apogée de sa malfaisance, apprenait, inconsciemment, les prémices orwelliens de la société totalitaire qui allait définitivement emporter « le peuple le plus intelligent de la terre ». Se mettaient en ordre de marche les éléments constitutifs de la terrifiante entreprise télévisuelle d’investissement des cerveaux.
S’organisait autour de l’imposture démocratique l’euthanasie de la sagesse et du bon sens.
On préparait pour trente ans les estomacs au sacrifice de l’esprit.
Et le serpent de chair glissait vers la Grande Poste d’Alger où il avait rendez-vous avec la lâcheté républicaine.
Une lâcheté au demeurant déjà bien aiguisée. Depuis trois jours, en effet, l’armée française affamait le quartier de Bab el Oued. Depuis trois jours, les mercenaires du Pouvoir, ivres de haine et d’alcool, pillaient et cassaient méthodiquement, appartement après appartement, tout ce qui restait de pauvres trésors et d’honneur au petit peuple martyr d’Alger. Depuis trois jours, les criminels de guerre de la glorieuse aviation gaulliste mitraillaient balcons et fenêtres, au nom de la République en danger. Et dans le sang des enfants pieds-noirs se forgeaient les alibis des zintellectuels-de-gôche qui ont depuis longtemps tracé une ligne sanguinolente entre bonnes et méchantes victimes.
Lorsque l’immense foule arrivée des quartiers sud et est, tentant de rejoindre Bab el Oued pour lui porter sa fièvre solidaire, s’enfila dans le goulet d’étranglement de la rue d’Isly, certains, plus lucides, comprirent que le piège se refermait sur eux.
Trop tard.
Les hommes en armes qui bouchaient toutes les issues étaient des Arabes. Ils brandissaient nerveusement leurs mitraillettes et, le regard fixe, le teint cireux, à l’évidence, n’attendaient qu’un signal.
Il vint des terrasses des immeubles alentour. Quelques coups de feu tirés par des barbouzes asiatiques, avant-gardes des futures hordes de boat-people qui, quinze ans plus tard, allaient sur ordre bolchevique coloniser l’Occident.
Et la fusillade crépita dans un vacarme de fin du monde.
En quatre minutes la guerre d’Algérie prit fin. Cent trente années d’histoire dynamitées. Un million de destinées en agonie.
Quatre-vingts morts. Deux cents blessés. Mais la plus grande déchirure fut morale. La France venait d’en faire la preuve : elle était prête aux plus grands crimes pour en finir avec les pieds-noirs. D’un seul coup, les nerfs de tout un peuple allaient craquer.
Sous les lambris des ministères parisiens, les gaulcheviques respiraient enfin. On rendait grâces à la fermeté de Debré et de Frey, au courage de Messmer, à l’astuce de ce Charles Pasqua, maître-d’oeuvre de l’opération. (Tchalien ?)
De Gaulle était enfin débarrassé de la chienlit nationaliste : il allait pouvoir livrer la France aux employeurs de son futur premier ministre. Georges Pompidou.
Sans doute l’affaire n’était-elle pas entièrement achevée.
Restait encore l’effort conjugué de l’armée française et du FLN afin de mater les maquis de l’Ouarsenis. Et la livraison par la France au FLN des maquisards pieds-noirs dont pas un ne survécut.
Restaient les milliers de garçons et de filles, saignés à blanc, chaulés ou jetés dans les bordels de l’Armée nationale populaire.
Restait le martyre des harkis abandonnés à la barbarie arabe.
Restaient les massacrés d’Oran, le 5 juillet, sous l’oeil impavide des troupes du brav’ général Katz.
Restait l’assassinat de Roger Degueldre, de Bobby Dovacar, de Claude Piegts, fusillés par une "justice" de gangsters.
Restait ce petit matin de Thiais - 11 mars 1963 : un tumulus à peine refermé sur le corps de Jean-Marie Bastien-Thiry auprès duquel se recueillaient trois hommes au bord des larmes : Claude Joubert, Pierre Durand, Jean-Marie Le Pen.
Mais enfin, grâce au monstrueux massacre de la rue d’Isly, la République voyait le bout du tunnel.
Le gaullo-bolchevisme, le socialisme, les zintellectuels-de-gôche retrouvaient leur arrogance d’antan. Avant que la menace d’un nationalisme retrouvé ne fasse chanceler leur monde d’impostures, de rapines et de crimes.
Ils allaient vite tourner la page. Laver aux grands jets de l’Histoire truquée la marée sanglante qui rougissait les marches de la Grande Poste. Et retourner à leurs petits soucis. Leurs petits Biafrais, Bengalis, Sahéliens, Hutus, Tutsis. Ils avaient les mains libres pour s’attaquer aux Rhodésiens, aux Afrikaners, aux colonels grecs, aux généraux argentins. En somme aux derniers Blancs encore debout...
26 mars 1962. C’est le jour où ils ont assassiné mon peuple.
Je garde au fond de moi l’image du docteur Jean Massonat, encore agenouillé sur un blessé et qu’une balle figera en plein sacerdoce. Je garde aussi présent le regard interrompu de notre Jacqueline Cazayous, l’athlète enjouée, la fille fierté de notre adolescence, avec cet incroyable patronyme qui rappelait Bruat et les faubourgs impertinents de la grande ville. Et Fiflaous et Double-Tchatche.
Je garde pour l’éternité l’insupportable vision de cet entassement de corps de ma race secoués par la mitraille.
Il faudra mille ans pour que notre mémoire éponge sa haine.
Il faudra mille ans pour que cette haine des gaulcheviques puisse enfin se transformer en mépris.
par Gilbert Montchanin Le Libre Journal de la France Courtoise - du 29 mars 1997

Benoit Hamon et l’extrême-droite

Après les propos de Marine Le Pen sur « l'occupation » de la rue par les musulmans faisant leur prière, on a entendu l'ancien ministre de l'intérieur Daniel Vaillant reconnaître lâchement qu'en tant que maire du XVIIIème arrondissement, ces blocages de rue le gênaient, lui le laïcard, mais il ne faisait rien pour les empêcher dans le but de ne pas créer de troubles supplémentaires. On a d'ailleurs un véritable chantage aux mosquées car les musulmans continueront ainsi jusqu'à ce qu'il y ait un million de mosquées en France. Le plus choquant furent les déclarations de Benoit Hamon sur l'extrême-droite française. Selon lui, l'extrême-droite française avait collaboré avec l'occupant pendant la guerre et était mal placée pour parler ainsi. Trouvant cela insuffisant, il continua pour déclarer que les Arabes vivant en France étaient les descendants des « libérateurs » de Marseille.
Pourtant, de très nombreux Français catalogués d'extrême-droite ont rejoint le Général de Gaulle à Londres ou rejoint le camp de la Résistance même si bien sûr quelques uns, pour des raisons idéologiques, ont fait un choix différent. Le Colonel de la Roque, ancien chef des Croix de Feu a été déporté en Allemagne.
Ce qui est plus certain, de nombreuses personnalités de gauche (des listes interminables selon Éric Zemmour) ont choisi le camp de la collaboration. On pourrait épiloguer à l'infini sur la Francisque de François Mitterrand ou sur l'ex-socialiste Marcel Déat et l'ex-communiste Jacques Doriot, les deux derniers étant devenus des collabos fanatiques. La réalité historique n'est jamais blanche ou noire mais on a le plus souvent affaire à du gris clair, parfois du gris foncé.
Il ne faut pas non plus avoir une vision monolithique de ce qu'on catalogue d'extrême-droite. Elle est composée de royalistes, conservateurs catholiques traditionalistes ou non, nationalistes… la composante pro-nazie collaboratrice a été une petite partie.
Si l'on examine les jeunes entrés dans la milice, on avait affaire à des « gamins » désœuvrés aux idées politiques mal définies. C'est d'ailleurs le thème du film « Lacombe Lucien » ; certes ce n'est qu'un film mais il correspond bien à l'esprit de l'époque. Quant aux libérateurs de Marseille, il y avait aussi dans l'Armée d'Afrique beaucoup de pieds-noirs, c'est-à-dire des européens vivant en Afrique du nord. L'Histoire montre aussi qu'il faut se méfier du mot « libérateur ». Les soviétiques qui ont « libéré » l'Europe de l'Est ont été les futurs occupants. Le « libérateur » devient très vite « occupant ».
De plus, il serait intéressant de compter les arabes vivant en France ayant eu un ancêtre dans l'armée française durant la seconde guerre mondiale. Cela ne doit pas peser lourd comparé à la population présente. Beaucoup de combattants arabes sont rentrés dans leur pays comme Ben Bella pour faire la guerre ensuite à la France. Pour n'oublier personne citons les Arabes-musulmans engagés dans la Waffen-SS au côté de l'Allemagne ainsi que les supplétifs arabes du Gestapiste Henri Lafont qui ont combattu très durement la résistance.
Benoit Hamon trouvait sans doute que c'était son boulot de taper sur l'extrême-droite sans trop tenir compte des faits historiques. Mais de la part de quelqu'un ayant une licence d'Histoire même si c'est le seul diplôme d'un fils d'ingénieur, on aurait pu attendre plus de finesse et de discernement et ne pas considérer systématiquement les Français comme des imbéciles à qui l'on peut dire n'importe quoi. Ce n'étaient donc que des propos haineux venant d'un homme au visage plutôt haineux.
En dehors de la forme, les propos de Marine Le Pen posent le problème de la présence musulmane en France qui s'accroît sans cesse et veut imposer son mode de vie. La France depuis trente ans n'est plus tout à fait la France. Cette question ne peut être évacuée d'un revers de main ou en hurlant au racisme et à l'islamophobie à chaque fois qu'on aborde la question.
Patrice GROS-SUAUDEAU

jeudi 23 décembre 2010

25 décembre 1792

La nuit de Noël 1792, au deuxième étage de la tour du Temple de Paris. Dans une pauvre chambre verrouillée, Louis XVI, roi de France et de Navarre, rédige son testament à la faible lueur d’une bougie. La première audience du procès qu’ont osé lui intenter les gueux de la Convention a eu lieu le 11 décembre, la seconde - l’Assemblée factieuse n’en a point prévu trois - commencera et s’achèvera le 26. L’auguste captif ne conserve nulle illusion quant à l’épilogue de la mascarade judiciaire…

Le prince de la Fleur de Lys écrit : « Au nom de la Très Sainte Trinité, du Père et du Fils et du Saint Esprit. Aujourd’hui vingt-cinquième jour de décembre mille sept cent quatre-vingt-douze, moi, Louis XVI du nom, roi de France, étant depuis quatre mois enfermé dans la tour du Temple de Paris (…), n’ayant que Dieu pour témoin de mes pensées, (…) je déclare ici, en sa présence, mes dernières volontés et mes sentiments (…). Je pardonne de tout mon coeur à ceux qui se sont faits mes ennemis sans que je leur en aie donné aucun sujet ; et je prie Dieu de leur pardonner (…). Je prie ma femme de me pardonner tous les maux qu’elle souffre pour moi et les chagrins que je pourrais lui avoir donnés dans le cour de notre union, comme elle peut être sûre que je ne garde rien contre elle, si elle croyait avoir quelque chose à se reprocher (…). Je commande à mon fils, s’il avait le malheur de devenir roi, de songer qu’il se doit tout entier au bonheur de ses citoyens ; qu’il doit oublier toute haine et tout ressentiment, et nommément en ce qui a rapport aux malheurs et aux chagrins que j’éprouve (…). Je finis déclarant devant Dieu, et prêt à paraître devant Lui, que je ne me reproche aucun des crimes qui sont avancés contre moi. Fait en double, à la tour du Temple, le 25 décembre 1792. »

Après midi, ses avocats, MM. de Malesherbes, Desèze et Tronchet, visitèrent le monarque. Ils le trouvèrent superbement équanime. Desèze lut sa plaidoirie. L’Oint de Reims exigea qu’elle fût rendue moins émouvante - « Je ne veux pas les attendrir » - et, le trio reparti, il rouvrit Tacite, imperturbable. Louis XVI, fils de Saint Louis…

Jean Silve de Ventavon Le Libre Journal de la France Courtoise - n° 54 du 20 décembre 1994

lundi 20 décembre 2010

17 mai 2010 : La Crise européenne

L'Histoire s'est accélérée, ces dernières semaines, de la crise grecque aux plans de rigueur qui se succèdent dans les pays les plus fragiles de l'Union européenne…
Ballottés par les flots, les dirigeants européens naviguent à vue. Un jour, ils nous parlent de plans de relance, le lendemain, de rigueur à tous les étages !… On peut enchaîner les commentaires à chaud sur ces péripéties, comme les journalistes savent le faire ; on peut aussi, comme c'est la vocation des historiens, faire abstraction de l'écume des événements et sonder les courants qui nous emportent.
Essayons-nous à cet exercice. La conclusion est sévère. Puisse-t-elle ne pas nous valoir d'être lapidé, tel Cassandre ou les porteurs de mauvaises nouvelles. Nous acceptons les critiques et serions trop heureux d'être dans l'erreur.
Flambeaux éteints de l'Europe…
La première observation, occultée par les médias et la classe politique, est le caractère strictement européen de la crise actuelle.
Il y a deux à trois ans, a éclaté aux États-Unis la crise financière dite «crise des subprimes», hautement prévisible et annoncée par quelques grands économistes (Joseph Stiglitz…) mais souverainement ignorée par les dirigeants occidentaux, leurs experts et leurs conseillers, tout entier voués à chanter les mérites de la «mondialisation heureuse», sur les ruines de l'État-Providence (*).
Nous avons écrit ici même que cette crise, de quelque manière qu'elle se résorbe, «accélèrerait la recomposition des équilibres planétaires au profit de la Chine et au détriment de l'Europe et des États-Unis». C'est ce qui se passe aujourd'hui avec une ampleur et une rapidité que nous ne soupçonnions pas.
L'Union européenne est en léthargie depuis sa naissance il y a deux décennies (traité de Maastricht), avec une croissance moyenne qui n'a jamais dépassé les 2% par an, moins qu'aux États-Unis et évidemment bien moins que dans les pays émergents d'Asie. Il n'y a que le Japon qui ait fait moins bien. Les écarts de croissance se sont encore accrus depuis la «crise des subprimes».
L'Union européenne plafonne en 2010 à 1% de croissance annuelle et risque fort de rechuter en 2011 quand se feront sentir à plein les effets des plans de rigueur (baisse autoritaire des salaires, comme aujourd'hui en Grèce, en Espagne, au Portugal, en Irlande…), avec risque de récession, voire de «déflation» (baisse des prix).
Pendant ce temps, les États-Unis, d'où est venue la crise, ont déjà digéré celle-ci et affichent un taux de croissance de 3% l'an. Quant à l'Inde et surtout la Chine, elles ne l'ont pour ainsi dire pas vu passer et poursuivent plus vite qu'avant leur croissance économique avec des taux annuels qui frôlent ou dépassent les 10%.
On peut se rassurer en notant que l'Europe occidentale constitue encore la région du monde la plus prospère et que sa richesse globale (PIB, produit intérieur brut) est trois fois supérieure à celle de la Chine. Mais au rythme où vont les choses, il est plausible que d'ici vingt à trente ans, les 300 millions de Chinois des régions côtières (les plus développées) vivront au moins aussi bien que les 300 millions d'Européens de l'Ouest. Quant au milliard de Chinois restant, il ne vivra guère plus mal que le milliard d'hommes qui entourent l'Europe de l'Ouest (Europe orientale, bassin méditerranéen, Afrique sahélienne).
Tant mieux pour l'Asie mais l'Europe a motif de s'inquiéter d'une stagnation mortifère…
Son décrochage est sans précédent dans l'Histoire par sa rapidité et son ampleur, si l'on se rappelle qu'il y a 50 ans à peine, le condominium Europe-États-Unis dominait le monde. En 1970, le président Pompidou engageait les Français dans le rattrapage industriel de l'Allemagne et promettait de faire de son pays une «Suède avec le soleil en plus». L'agronome écologiste René Dumont prédisait de son côté une famine majeure dans la Chine décrépite de Mao Zedong.
C'était avant le coup de froid de 1974. La population européenne était jeune et faisait plus que simplement se renouveler. On ne comptait d'immigrés ultra-Européens que dans quelques usines et chantiers… Que nous promettent aujourd'hui les dirigeants européens ? Quels horizons ouvrent-ils à notre jeunesse, hormis les «apéros Facebook» et les «rave-parties» ?
La trahison des élites
Si pleine de belles promesses, l'Europe a perdu le cap au tournant des années 1990 avec l'Acte Unique européen (1986) et le traité de Maastricht (1992), deux documents célébrés en leur temps avec des tombereaux de louanges et qui reflètent une double trahison des dirigeants et des «clercs» (médias et intellectuels) : trahison envers les «Pères fondateurs de l'Europe» (1950), trahison envers les libéraux des «Lumières» (XVIIIe siècle).
Autour de Jean Monnet, les promoteurs de l'idée européenne avaient pratiqué la politique des petits pas, dans toutes les directions : économie, institutions, culture, éducation etc.
Mais en 1986, Jacques Delors et ses suiveurs décident d'accomplir un grand pas dans la seule direction de l'économie, avec la conviction que ce grand pas entraînera mécaniquement l'Europe vers une plus grande intégration économique et aussi politique. C'est l'instauration du Marché Unique en 1993 et de la monnaie unique, l'euro, en 1999.
Cette conviction leur vient d'une nouvelle idéologie que l'on appelle faute de mieux «néolibéralisme» et qui a aussi peu à voir avec le libéralisme classique d'Adam Smith que le socialisme soviétique avec le socialisme scandinave ! Tandis qu'Adam Smith et les autres penseurs des «Lumières» soulignaient les bienfaits de la libre entreprise dans un État de droit, encadré par des règles strictes et équitables («la liberté opprime, la loi protège»), les «néolibéraux» plaident pour la suppression de toute contrainte et remettent en cause l'État lui-même, sous le prétexte - fondé - qu'il s'occupe trop souvent de choses qui sont hors de son ressort comme de diriger des entreprises industrielles.
Depuis 1993, première année de récession économique en Europe depuis la Libération, ce parti-pris idéologique des dirigeants européens de droite comme de gauche n'a cessé d'être mis en avant pour justifier de nouvelles avancées néolibérales. Années 1990 : les économies européennes sont asphyxiées par la rigueur financière imposée par la préparation de la monnaie unique ; c'est donc qu'il faut accélérer la mise en place de celle-ci ! C'est chose faite en 1999.
La création d'un grand marché unique étant perçue comme l'alpha et l'oméga de la prospérité, on se dépêche de faire entrer dans l'Union européenne les pays d'Europe centrale, à peine remis de la mainmise soviétique, et l'on déclare recevable la candidature de la Turquie. Mais il faut dare-dare adapter les institutions : c'est le traité de Nice (2001). On s'aperçoit alors que celui-ci conduit à l'impasse. On met donc en chantier un traité constitutionnel européen qui sacralise le dogme néolibéral. Il n'est plus question de «subsidiarité» comme dans l'article 3 du traité de Maastricht : les bureaux de Bruxelles sont habilités à intervenir dans tous les domaines de l'action politique, par-dessus les États.
La «préférence communautaire» chère aux Pères fondateurs est passée par pertes et profits (on y renonce dès 1974). Il n'est plus question de faire obstacle aux importations chinoises à bas coût au nom de la sacro-sainte «concurrence libre et non faussée». Tant pis pour les ouvriers et ingénieurs européens, tant pis pour les industriels du Vieux Continent. L'important est que les multinationales européennes puissent réaliser de substantiels profits en revendant à des prix européens ce qu'elles achètent à des prix chinois. En conséquence de quoi, c'est désormais vers la finance et non plus vers l'industrie et la recherche que se dirigent les jeunes cerveaux européens.
Malheureusement, la démocratie est venue enrayer cette savante mécanique. La France et les Pays-Bas ont organisé un référendum sur le traité constitutionnel en 2005 et leurs citoyens l'ont massivement rejeté pour de bonnes et de moins bonnes raisons. Mais les dirigeants, avec le soutien des médias, ont très vite repris la main et resservi le traité, rebaptisé traité de Lisbonne et improprement qualifié de «mini-traité». Cette fois devait être la bonne, promettaient-ils : avec un président du Conseil européen coopté par ses pairs pour 2 ans et demi, avec un(e) délégué(e) aux Affaires étrangères… l'Union allait pouvoir enfin donner toute sa mesure ! La crise grecque montre ce qu'il en est.
La faute aux Grecs ?
Que n'a-t-on dit sur la légèreté des Grecs et de leurs dirigeants dans la crise qu'ils traversent aujourd'hui ! Dépenses publiques exagérées, laxisme et corruption expliqueraient tous leurs malheurs.
Retour en arrière. En 1981, la France, avec Giscard d'Estaing, obtient que la Grèce, en dépit de son retard social et économique, entre dans la Communauté européenne («On ne repousse pas Platon»). Le pays, aussitôt, est submergé de crédits par Bruxelles. Comme tous les gouvernements qui, en Afrique ou au Moyen-Orient, bénéficient d'argent «gratuit» (aide ou redevances pétrolières), le gouvernement d'Athènes dilapide celui-ci en construisant à tire-larigot des routes et des autoroutes, sans retombées sur la production nationale mais pour le plus grand profit des entreprises européennes de BTP et des intermédiaires véreux.
Là-dessus, en 2001, la France, avec Chirac et Jospin, obtient que la Grèce entre dans la zone euro. Prisonnière du carcan monétaire, l'économie grecque, qui repose sur le tourisme et l'agriculture, est dès lors en position de faiblesse par rapport à ses concurrents qui, comme la Turquie, jouent à plein de l'arme monétaire.
Tandis qu'un maximum de Grecs se réfugient dans la fonction publique, ceux qui persistent dans les activités de production se rabattent, comme dans toute l'Europe méditerranéenne, sur la main-d'œuvre bon marché procurée par l'immigration clandestine. Malgré cela, le secteur agricole s'effondre. Le tourisme ne va guère mieux malgré des atouts exceptionnels. Les prix prennent l'ascenseur. Et, suprême humiliation, la Grèce en arrive à être talonnée par la Turquie, sa soeur ennemie, en terme de PIB/habitant.
Les déficits publics mis à nu et dénoncés par les boursicoteurs de Wall Street sont la conséquence inévitable de ces déséquilibres structurels liés à une union douanière et une monnaie unique non maîtrisées.
Erreur de diagnostic
Les historiens du futur considéreront peut-être que l'Europe est morte le jour de son 60e anniversaire, le dimanche 9 mai 2010, un peu jeune pour mourir.
Ce jour-là, les dirigeants européens ainsi que le gouverneur de la BCE (Banque Centrale Européenne) et le FMI (Fonds monétaire international) garantissaient à hauteur de 750 milliards d'euros les pays membres de l'Union contre tout risque de banqueroute. Cette décision, contraire à tous les principes précédemment affichés par les mêmes, était prise sous la pression des marchés et du président Obama, celui-ci craignant en effet que la dégringolade de l'euro ne menace les exportations américaines et la reprise économique dans son pays.
Dans le même temps, la Grèce mais aussi l'Espagne, le Portugal et l'Irlande, pays les plus fragiles de la zone euro, annonçaient des plans d'extrême rigueur pour résorber leurs déficits publics.
Les uns et les autres se disposent à sabrer dans les dépenses publiques et même à réduire les salaires nominaux des fonctionnaires. Cette politique, qui consiste à baisser par voie d'autorité les salaires et les prix dans l'espoir de relancer les exportations et la consommation, évoque un spectre qui remonte aux années 1920 : «déflation» (baisse des prix).
On en connaît les très graves inconvénients macroéconomiques. Ils ont été rappelés par l'historien Jacques Marseille et sont attestés par toutes les expériences du passé : 1925-1926 : réévaluation de la livre et baisse autoritaire des salaires des mineurs par Churchill ; 1935 : déflation Laval. Il n'empêche que l'on y revient comme l'actualité le montre. Pourquoi ? Parce que l'on est prisonnier, en Europe en 2010, comme en Grande-Bretagne en 1925 et en France en 1935, d'enjeux idéologiques.
Les néolibéraux, au pouvoir à Bruxelles comme dans toutes les grandes capitales européennes, ont fait de «l'euro fort» - comme précédemment de la livre ou du franc - un dogme destiné à protéger l'épargne contre l'inflation, le mal absolu, du point de vue des possédants. L'inflation, on ne le dit pas assez, lèse les rentiers mais pas les salariés : quand les prix augmentent un peu trop vite, les salaires peuvent toujours être réajustés à la hausse mais pas les taux d'intérêt qui rémunèrent les placements des épargnants !
Au nom de ce dogme, les Européens ont interdit à la Banque Centrale Européenne (BCE) de prêter de l'argent aux différents États membres, afin de les inciter à la rigueur. Du coup, les États les plus laxistes ont emprunté sur les places financières du monde entier, lesquelles exigent maintenant des comptes. Rien de tel aux États-Unis ou en Asie, où les gouvernements, peu soucieux d'idéologie, ne se gênent pas pour dicter leur conduite aux banquiers centraux.
Impasse
Aujourd'hui dans l'impasse, les gouvernements européens sont contraints de lâcher du lest et d'autoriser enfin la BCE à intervenir. Ils se disposent également à réformer le traité de Lisbonne dont ils nous promettaient monts et merveilles. Tout cela pour tenter de prévenir l'éclatement de la zone euro, qui mettrait à nu leur impéritie et la monstruosité néolibérale.
Piégés par leur erreur de diagnostic, ils en sont réduits à gérer l'économie par voie d'autorité, à la façon soviétique, en fixant arbitrairement des baisses de salaires, en établissant de nouvelles taxes etc.
Dans un premier temps, cette politique va avoir l'effet de relancer l'économie. Pour une raison paradoxale déjà observée entre les deux guerres mondiales : la Bourse et les épargnants, saisis d'un doute légitime sur le succès de la rigueur, vendent leurs euros et leurs actifs européens ; il s'ensuit une dégringolade de la monnaie (exactement ce que voulaient éviter les décideurs du 9 mai 2010 !).
Grâce à quoi, les industriels européens retrouvent de l'oxygène et voient leurs exportations progresser à nouveau. Ce semblant de reprise fait illusion pendant quelques mois, le temps que se révèle l'effet dépressif des plans de rigueur : quand les fonctionnaires et les salariés verront leurs revenus diminuer et leurs impôts augmenter, il s'ensuivra une forte chute de la consommation intérieure et des investissements, qui annulera et de loin les gains à l'exportation.
Cette chute de la consommation entraînera par voie de conséquence une chute de la production et donc des recettes fiscales, aggravant du même coup les déficits que la politique de rigueur était supposée réduire.
La crise reprenant alors de plus belle, les dirigeants européens n'auront plus d'autre ressource que 1) soit d'encourager l'inflation qu'ils voulaient à tout prix éviter (en augmentant par exemple la TVA ou en surtaxant les importations de pétrole), 2) soit de dévaluer leur monnaie. Cette dernière solution fut adoptée en Grande-Bretagne en 1931 et en France en 1936, avec à chaque fois un léger mieux dans l'immédiat, vite dissipé faute de réformes structurelles. Faut-il le rappeler ? Il a fallu rien moins qu'un conflit mondial pour qu'enfin soient mises en oeuvre les réformes structurelles indispensables pour sortir le Vieux Continent de sa léthargie.
Fin de l'Histoire
L'Europe conserve quoi qu'il en soit de belles ressources, bien qu'obérées par la médiocrité de ses dirigeants, la lâcheté de ses élites (médias et élus) et l'apathie de ses citoyens qui, sans doute trop vieux et «lassés de tout même de l'espérance», se sont laissés voler leur bulletin de vote en 2005, lors du référendum sur le traité constitutionnel.
On peut espérer que ces citoyens se réveillent un jour et reprennent leurs affaires en main.
Comment pourraient-ils tolérer, par exemple, qu'une Commission européenne dont le président et les membres ont été cooptés par leurs pairs en fonction non de leur compétence mais de leur insignifiance (il ne s'agit pas qu'ils leur fassent de l'ombre !), prétende valider les budgets des États avant qu'ils ne soient votés?
L'Histoire est un cimetière de prédictions non accomplies et je souhaite de tout cœur que l'on puisse rire, dans deux ans ou dans dix ans, des sombres prédictions de cet article-ci et de son auteur.
Joseph Savès http://www.herodote.net/

dimanche 19 décembre 2010

CETTE ANNÉE-LÀ, 1284 : Le royaume s’agrandit

Philippe III le Hardi, le successeur de saint Louis, s'applique à étendre le territoire capétien. Il force la main en douceur aux évêques de Viviers, illustrant l'astuce, la souplesse et la patience de sa dynastie.

Cette année-là, la quatorzième de son règne, Philippe III, dit le Hardi, trente-neuf ans, s'appliquait à étendre le territoire capétien. Il avait dû succéder en 1270 à son père le saint roi Louis dans des circonstances dramatiques ; il lui avait fallu conclure la paix avec le roi de Tunis (qui promit de protéger les chrétiens), puis organiser le retour en France. Quel sinistre convoi autour de la dépouille du roi défunt et du jeune Jean-Tristan ! En cours de route étaient aussi décédés le frère du roi défunt Alphonse, comte de Poitiers, puis l'épouse de celui-ci, Jeanne, héritière du comté de Toulouse. Puis aussi la propre épouse du nouveau roi, Isabelle d'Aragon !

Héritages

Dès son sacre à Reims en août 1271 Philippe s'était montré pieux et conscient de ses devoirs. Tous admiraient sa haute taille, son allure imposante, son visage agréable. Gouverner un royaume que son père laissait en paix après y avoir fait briller une si belle lumière surnaturelle était, bien sûr, une lourde responsabilité. Parfaitement imprégné des traditions chevaleresques, très tôt dégagé de la tutelle de la reine mère Marguerite de Provence (qui allait vivre jusqu'en 1295), Philippe, remarié en 1275 avec Marie de Brabant, avait aussitôt entrepris de visiter ses domaines et d'affermir partout l'influence capétienne.

Il venait de recueillir la succession du comté de Toulouse, qui comprenait aussi le Poitou et une partie de l'Auvergne et que Louis VIII son grand-père avait déjà préparé à entrer dans l'allégeance à la couronne. Philippe s'efforça toujours d'apaiser les restes de cicatrices en respectant soigneusement les us et coutumes des terres languedociennes si éprises d'élégance et de “gai savoir”. Tous les vassaux ne l'entendaient pas de cette oreille et il avait fallu batailler avec le roi d'Aragon qui soutenait les rebelles. Il avait fallu aussi négocier avec le roi d'Angleterre Édouard 1er Plantagenêt qui réclamait l'Agenais et le Sud de la Saintonge en échange de son hommage en tant que vassal du roi de France pour ce qui lui restait du duché d'Aquitaine. Philippe avait aussi recueilli de son frère Pierre mort sans enfant le Perche et le comté d'Alençon, puis acquis par achat les comtés de Chartres et de Nemours.

Par ailleurs Philippe avait accueilli en 1274 le pape Grégoire X lors de l'important concile de Lyon où l'union entre les Églises d'Occident et d'Orient fut très près de se réaliser (le grand saint Thomas d'Aquin était mort en s'y rendant). La même année Philippe avait offert au pape le Comtat Venaissin, pays d'Avignon.

Vers le Midi

Son désir d'arrondir le domaine de ses pères le poussait en cette année 1284 à s'intéresser aux terres situées au bord du Rhône à l'extrême est du Languedoc, et dépendant nominalement du Saint-Empire germanique. Déjà depuis des générations, comte de Toulouse ou empereur, les évêques de Viviers restaient farouchement jaloux de leur indépendance. Sous Louis VIII, l'évêque Bernon avait traité avec Simon de Montfort pour arracher les mines de Largentière aux convoitises du comte de Toulouse, mais l'arrogance épiscopale agaçait le roi voyant en cette terre ardente du Vivarais une porte utile vers le midi provençal… Déjà les seigneurs de Tournon et d'Aubenas rendaient hommage au roi quand se présenta l'occasion de forcer la main en douceur aux évêques de Viviers. Falcon, abbé du monastère cistercien de Mazan, dans la montagne vivaroise, se plaignait de voir ses biens dans la grange de Berg pillés par les habitants des environs. Philippe accorda aux moines sa protection. Ainsi fut fondée par un accord de paréage(1) entre le père abbé et le roi la bastide de Villeneuve-de-Berg, dans le Vivarais méridional.

Un exemple

L'événement en lui-même n'est pas de très grande portée. Mais nous avons choisi de le signaler comme exemple de l'astuce, de la souplesse, de la patience et de l'empirisme organisateur de nos rois capétiens faisant la France. Le Vivarais n'allait en fait être réuni à la couronne que sous le règne du fils de Philippe, Philippe IV le Bel, en 1306, après que celui-ci eut créé (1291) une cour royale de justice à Boucieu-le-Roi dans le nord du pays et quand l'évêque Aldebert de Peyre, après d'âpres discussions, eut consenti à se soumettre à la juridiction du parlement de Paris. Vingt et un ans après, l'accord de 1284 portait ses fruits…

Philippe III devait décéder le 5 octobre 1285 à Perpignan, atteint du paludisme au retour d'une expédition malheureuse contre Pierre III, roi d'Aragon, lequel avait trois ans plus tôt massacré (les célèbres Vêpres siciliennes) les Français venus au secours de Charles 1er d'Anjou, roi de Sicile, dernier frère encore vivant de saint Louis. Ainsi s'achevait dans la douleur le règne du Hardi, trop souvent ignoré des historiens.

MICHEL FROMENTOUX L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 17 décembre 2009 au 6 janvier 2010

(1) Le paréage est un contrat de droit féodal d'association entre deux ou plusieurs seigneurs, leur assurant une égalité de droits et une possession en indivision sur une même terre. Le mot paréage est dérivé de « pair » et du latin pariagium. Cette association est avant tout économique ou commerciale et se fait entre deux égaux (pairs), parents ou étrangers, dans le but d'administrer et d'exploiter des biens (Wikipedia)

vendredi 17 décembre 2010

Décembre 1920 : la scission du congrès de Tours

En décembre 1920, la gauche française vit un événement fondamental de son histoire, à travers la scission de la SFIO lors de son 18e congrès à Tours : la tendance « majoritaire » du parti créera la SFIC, ou Parti communiste français, et celle des « minoritaires », refusant les 21 conditions de Lénine, maintiendra la « vieille maison » socialiste.
La Première Guerre mondiale, qui s’achève par l’armistice entre la France et l’Allemagne en novembre 1918, a bouleversé la classe politique française, notamment les partis issus du mouvement ouvrier : la SFIO, après l’assassinat de Jaurès le 31 juillet 1914, a choisi de rejoindre « l’Union sacrée » (ainsi définie par le président Poincaré dans son discours à la Chambre le 4 août 1914), et a participé aux gouvernements durant le conflit : Jules Guesde, Marcel Sembat et Albert Thomas sont ministres.
Mais l’unité de la SFIO va progressivement se décomposer, face à ce conflit qui n’en finit pas et qui entraîne d’incommensurables pertes humaines, mais aussi face à la révolution bolchevique de 1917 en Russie, emmenée par Lénine, qui balaye l’empire et instaure un nouveau régime, le communisme. Le Parti socialiste, issu de l’union en avril 1905 des multiples formations socialistes qui existaient depuis la fin du XIXe siècle, va, à partir des élections législatives de 1919, se diviser inéluctablement en tendances radicalement opposées, qui vont violemment s’affronter lors du 18e congrès de la SFIO à Tours du 25 au 30 décembre 1920 :
  • la tendance dite des « majoritaires », emmenée par Marcel Cachin (élu député en 1914, il a été envoyé en mission en Russie en 1917), Louis-Oscar Frossard et Charles Rappoport. Cachin et Frossard, qui reviennent en août 1920 d’un séjour à Moscou, où le précédent congrès de la SFIO, tenu au printemps 1920 à Strasbourg, souhaite l’adhésion du Parti socialiste français au Komintern, l’Internationale communiste fondée par Lénine en 1919 après la révolution bolchevique ; cette adhésion est soumise à 21 conditions énoncées par Lénine en juillet 1920 : Les 21 conditions d\'adhésion à la IIIe Internationale (pdf - 134,78 ko)
  • la tendance des « minoritaires », qui rejettent résolument l’adhésion aux 21 conditions du Komintern, et au nom desquels Léon Blum, ancien chef de cabinet de Marcel Sembat au ministère des Travaux publics, et élu député de la Seine en novembre 1919, prononce à la tribune de ce congrès un discours qui fait sensation parmi les délégués : « Pour la vieille maison ». : Congrès de Tours 1920-Discours Léon Blum 27 décembre après-midi (pdf - 257,11 ko) [fichier : Congrès de Tours 1920-Léon Blum 27 décembre matin.pdf]
L’affrontement entre les deux tendances durant tout le congrès est d’une telle intensité, et les débats si houleux (la sténographie rend largement compte des innombrables invectives entre les délégués durant les interventions à la tribune), que la motion présentée par Blum et ses compagnons minoritaires, intitulée « Motion du comité de résistance socialiste », est finalement retirée du vote, celui-ci ne laissant aucune autre issue que la scission : 3208 voix pour les « majoritaires » partisans de l’adhésion au mouvement bolchevique, et qui fondent dès lors la SFIC, futur Parti communiste, contre 1022 pour les socialistes de la « vieille maison », rassemblés autour de Léon Blum, Marcel Sembat, Jean Longuet et Paul Faure, qui devient le nouveau secrétaire général de la SFIO, amputée mais maintenue.
Après le congrès de Tours, le quotidien L’Humanité, fondé par Jean Jaurès en 1904 et qui était devenu l’organe de presse de la SFIO, passe du côté des majoritaires, et donc du PCF : Marcel Cachin, qui dirige le journal depuis 1918, en sera le directeur jusqu’à sa mort en 1958.
Le tout nouveau Parti communiste français ne vivra cependant pas ses premières années dans la sérénité : certains des fondateurs vont se heurter très vite à la « bolchevisation » du parti par une nouvelle génération de militants formés auprès du Komintern, et vont être les uns après les autres exclus du PCF, ou en démissionner d’eux-mêmes entre 1920 et 1923. Parmi eux, Boris Souvarine, et Louis-Oscar Frossard (1889-1946), qui va finalement retourner à la SFIO, dont il sera député en 1928.
André Le Troquer, avocat et militant socialiste opposé à Cachin, qui a lu le télégramme de Zinoviev à la tribune du congrès de Tours (en 1942 il défendra Blum lors de son procès à Riom), fait en 1958 l’éloge funèbre de Marcel Cachin, où il livre ses impressions lorsque ce dernier et Frossard sont revenus de Moscou à l’été 1920 : « Le parti m'avait confié la tâche d'assurer l'intérim du secrétariat général pendant l'absence de Frossard et, le 11 août 1920, j'étais à la gare du Nord pour accueillir les deux voyageurs à leur retour de Russie. Je trouvai Frossard encore un peu réticent mais Marcel Cachin était enthousiaste, résolument décidé... Dès les premiers propos de Marcel Cachin j'avais été frappé par l'extension inattendue, et qui me paraissait grosse de menaces, qu'il donnait à la formule de Karl Marx : « La force est la grande accoucheuse de l'Histoire ». Je lui opposai une autre phrase célèbre qui me venait à l'esprit, que je crois vraie, qui était celle d'un des chefs de notre Révolution française, c'est ″qu'on ne porte pas la liberté aux autres peuples à la pointe des baïonnettes″ ». http://www.jean-jaures.org

Archives

  • « Parti socialiste, 18e congrès national tenu à Tours, les 25, 26, 27, 28, 29 et 30 décembre 1920. Compte rendu sténographique » (intégral)

jeudi 16 décembre 2010

La leçon de Bihac

Historiquement - et il importe de le dire encore une fois - la Bosnie Herzégovine n’existe pas. En 1878, le traité de Berlin fit de cette possession turque un protectorat autrichien. En 1908, Vienne annexa purement et simplement cette région qui n’avait jamais eu d’existence nationale.
Ces éléments historiques mis en évidence, la question doit désormais être inscrite dans le contexte géostratégique européo-islamique qui sera déterminant dans la prochaine décennie.
Face à cette réalité, il n’est plus possible de continuer à réagir selon les réflexes dépassés hérités de la guerre froide. La leçon de l’Afghanistan n’a-t-elle pas été comprise ? Au nom de l’anticommunisme, nombreux furent ceux qui soutinrent alors les résistants afghans, faisant ainsi le lit du pire intégrisme musulman.
Dans l’ex-Yougoslavie, devons-nous suivre la même politique et combattre la Serbie nationaliste qui se trouve en première ligne contre l’islam balkanique longtemps assoupi mais qui aujourd’hui se réveille ?
Au nom de nos liens avec les Croates, pouvons-nous prendre le parti des musulmans contre les orthodoxes serbes ?
Revenons à l’histoire pour tenter d’y voir plus clair.
La présence islamique dans les Balkans résulte des conquêtes turques du XVe siècle. Elles ne se sont faites ni dans la fraternité ni dans l’amour du prochain. Constantinople fut prise en 1455 et la déferlante musulmane balaya toute l’Europe balkanique et centrale puisque la Hongrie fut occupée et Vienne assiégée.
Comme dans la Péninsule ibérique, la reconquête chrétienne fut longue et sanglante. En Espagne, elle s’acheva en 1492 avec la reprise de Grenade. Dans les Balkans, elle fut stoppée par les puissances européennes qui ne permirent pas aux chrétiens locaux de libérer la totalité des terres occupées par les Turcs et cela en dépit des victoires remportées durant les terribles guerres balkaniques de la fin du XIXe siècle et du début du XXe.
Les musulmans bosniaques sont des Croates et des Serbes qui ont jadis embrassé la religion de leur conquérant, trahissant ainsi, de force plus que de gré, celle de leurs pères.
Ils constituent les dernières poussières de l’empire turc d’Europe et Ankara ne cesse de rappeler que les musulmans des Balkans sont d’anciens sujets de la Sublime Porte. C’est pourquoi la Turquie arme et soutient les Bosniaques comme l’a reconnu récemment le général Dogan Duresh, ancien chef d’état-major de l’armée turque. Pour les Serbes, la guerre de Bosnie est une guerre sacrée. C’est leur Reconquista. Il ne faut pas y voir le renouveau d’un communisme bien obsolète mais tout simplement, et au contraire, la naissance d’un nationalisme écrasé par le communiste Tito qui était croato-slovène.
Les Serbes sont insultés, calomniés, caricaturés par le quarteron intellectuel qui vampirise nos médias ; de BHL à Glucksman, de Simone Veil au professeur Schwarzenberg, c’est à celui qui tiendra les propos les plus extrémistes et les plus irresponsables. En provoquant à la reconnaissance Internationale de l’inexistante Bosnie, ils ont poussé à la guerre.
Or, les anathèmes et les imprécations ne peuvent rien contre un peuple qui se bat, arc-bouté sur son histoire et sur ses racines. Quelques poignées d’artilleurs et de fantassins viennent d’ailleurs d’infliger au Nouvel Ordre mondial une défaite dont il se relèvera difficilement. Ils viennent surtout de nous donner une leçon de courage. Ils ont osé défier la loi de l’ONU et de Washington.
La victoire serbe constitue la première défaite de notre mortel ennemi le mondialisme qui prétend faire passer les vieux peuples dans son moule idéologique.
Tôt ou tard, l’inexistante Bosnie sera partagée entre Serbes et Croates. Si les musulmans ne veulent pas l’admettre, ils n’ont qu’à partir coloniser l’Anatolie. La mère-patrie turque ne manque pas d’espaces à peupler depuis que, dans les années 1920, des centaines de milliers de Grecs d’Asie mineure y ont été massacrés.
par Bernard Lugan Le Libre Journal de la France Courtoise - n° 53 du 9 décembre 1994

lundi 13 décembre 2010

Algérie : l’héritage était trop beau

En 130 ans, la France créa l’Algérie, l’unifia, lui offrit un Sahara qu’elle n’avait jamais possédé, draina ses marécages, bonifia ses terres et équipa le pays. Elle fit entrer dans la modernité des tribus jusque-là dissociées et qui n’avaient jamais eu conscience d’appartenir à un tout commun supérieur aux limites de leurs douars ou des terrains de transhumance de leurs troupeaux.

Quand, après les douloureux événements que l’on sait, le drapeau tricolore fut ramené et des centaines de milliers d’Européens lancés sur les routes de l’exode, l’Algérie algérienne était, de tous les anciens pays "coloniaux", celui qui avait le plus reçu de son ancienne métropole.

L’Algérie avait, en effet, coûté très cher à la France qui y subventionna des productions qu’elle achetait fréquemment au-dessus des cours mondiaux. Dans le cas présent, ce n’est pas d’un prétendu "pillage colonial" qu’il nous faut parler, mais de la ruine de la métropole qui ne cessa à aucun moment de tenter de combler le "tonneau des Danaïdes" d’outre-Méditerranée.

La désinformation marxisto-tiers-mondiste a tellement faussé la réalité de l’histoire de l’Algérie française qu’il importe, une fois encore, de nous effacer devant les chiffres bruts et de ne jamais perdre de vue que tout ce qui a été créé en Algérie le fut durant la parenthèse française, que toutes les sources d’énergie découvertes et mises en valeur au Sahara le furent durant la même période.

Au bout de 132 années de présence, la France laissait en héritage à l’Algérie :

- 70 000 km de routes, 4 500 km de voies ferrées, 4 ports équipés aux normes internationales, une douzaine d’aérodromes principaux, des centaines d’ouvrages d’art (ponts, tunnels, viaducs, etc.) ;

- des milliers de bâtiments administratifs, de casernes, de bâtiments officiels qui étaient propriété de l’État français ;

- 31 centrales hydroélectriques ou thermiques ;

- une agriculture non seulement autosuffisante, mais encore largement exportatrice ;

- des milliers d’écoles, d’instituts de formation, de lycées, d’universités, d’hôpitaux, de maternités, de dispensaires, de centres de santé, etc.

Cette comptabilité permet de faire un éloquent bilan. Il tient en peu de mots : l’Algérie a dilapidé son héritage et elle en subît les conséquences. Quelques chiffres permettront de mesurer le recul de ce pays que les progressistes présentaient comme le futur phare du tiers-mondisme socialisant :

- le pays est contraint d’importer entre 50 et 60 % de ses besoins en céréales. En 1961, l’Algérie exportait 600 000 quintaux de grain et 700 000 de semoule ; aujourd’hui, la moyenne des importations se situe entre 5 et 30 millions de quintaux par an ;

- le pays n’exporte plus d’oranges, alors qu’avant 1962 les exportations étaient de 200 000 tonnes ;

- l’Algérie n’exporte plus de tomates, de carottes, d’oignons, de haricots verts, de melons, de courgettes, etc. Or, toutes ces productions faisaient la richesse des maraîchers européens. Avant 1962, les primeurs algériens débarquaient à Marseille par bateaux entiers. Sans parler des dattes ou des légumes secs ;

- avant 1962, l’Algérie exportait environ 120 000 quintaux de figues sèches, 100 000 hectolitres d’huile d’olive et 50 000 quintaux d’olives. Aujourd’hui, la production locale ne suffit même plus à alimenter le marché local ;

- quand elle était encore française, l’Algérie exportait entre 500 000 et un million de quintaux de pommes de terre nouvelles. Aujourd’hui, il s’agit d’un souvenir...

L’Algérie algérienne a tellement dilapidé son héritage "colonial" qu’elle doit consacrer le quart de ses recettes en hydrocarbures - ses seules recettes - à l’importation de produits alimentaires de base dont elle était exportatrice avant 1962.

Que s’est-il donc passé ? Le désert du Sahara ne s’est tout de même pas avancé jusqu’à la Mitidja... Et le Maroc, son voisin nord-africain, a connu une évolution inverse de celle de l’Algérie.

La faillite algérienne tient en trois réalités :

1 - un dogmatisme doctrinal qui, en ayant privilégié les industries "industrialisantes", a ruiné l’agriculture ;

2 - un suicide démographique (10 millions d’habitants en 1961, probablement 30 millions aujourd’hui) ;

3 - une corruption généralisée.

Les partisans métropolitains de l’Algérie algérienne ont commis une bien mauvaise action en portant les valises du FLN.

par Bernard Lugan Le Libre Journal de la France Courtoise -n° 52 du 30 novembre 1994

samedi 11 décembre 2010

1360 : La naissance du franc

Prisonnier du roi d'Angleterre, Jean II le Bon doit s'acquitter d'une rançon astronomique. Pour en faciliter le règlement, il crée le 5 décembre une nouvelle monnaie, le franc, ainsi nommée pour commémorer sa libération.
Cette année-là, la dixième de son règne, Jean II le Bon, quarante et un ans, rentrait d'Angleterre où il avait été depuis 1356 captif du roi Édouard III à la suite d'une bataille livrée à Poitiers où le roi des lys avait été battu en manifestant une bravoure qui lui avait acquis malgré tout un grand prestige (voir L'AF 2000 du 19 février 2009). Pendant cette longue et douloureuse absence, son fils le dauphin Charles, avait maîtrisé avec un grand courage la véritable révolution fomentée par le drapier Étienne Marcel, prévôt des marchands de Paris. Il avait réussi à vaincre cet ambitieux voyou, tout en sauvegardant la souveraineté de la couronne (voir L'AF 2000 du 5 mars 2009).
Le traité de Brétigny
Le roi Jean, donc, était de retour en France, mais toujours captif à Calais. Il avait dû, pour cela, ratifier le 13 juin à la Tour de Londres, sous la contrainte donc sans engagement moral, le très dur traité de Brétigny signé le 8 mai par les représentants des deux rois. Le roi de France rendait aux Anglais tout le Sud-Ouest français et leur cédait Calais. Ces clauses imposées par l'étranger n'avaient nullement atteint l'honneur capétien, bien au contraire ! En revanche, les haines contre l'Anglais en furent cristallisées dans le Midi.
Toutefois pour le roi, encore maintenu à Calais, et pour le dauphin Charles, le souci principal restait la rançon astronomique réclamée par le roi Édouard III : pas moins de trois millions de livres, soit 12,5 tonnes d'or ! Or des années de guerre étrangère et de guerre civile avaient ruiné le royaume ! Dans les quinze jours, de nouvelles taxes furent créées, dont l'impôt sur le sel, la fameuse “gabelle”. Des lettres furent expédiées fixant les cotisations de chaque ville et le délai de leur versement. Les trois ordres, clergé, noblesse, tiers-état, furent imposés sans discrimination. Reims, Rouen, Lille, les cités du Languedoc, Paris, l'abbé de Saint-Denis, versèrent beaucoup ; même le pape Innocent VI, pourtant harcelé dans sa bonne ville d'Avignon par la menace des grandes compagnies, se prit de pitié pour la France et accorda un large prêt. Néanmoins, l'on ne put réunir que les deux tiers du premier acompte : 400 000 écus…
Or, avec l'accord de son père, Charles négociait déjà le mariage de sa petite soeur Isabelle de France, onze ans, avec Jean, fils de Galéas Visconti, coseigneur de Milan, qui n'avait pas encore neuf ans. Celui-ci était infiniment riche, et cette union était une mésalliance. Mais le besoin d'argent était vital pour le roi et pour la France ! Il fallait bien que la famille royale participât au sacrifice de la nation. Galéas offrit 600 000 écus d'or, dont un premier acompte fixé au mois de juillet, le reste au jour de la célébration du mariage bien sûr ultérieurement.
Édouard III gardait quelques otages
Édouard III, toujours prétendant à la couronne de France comprit alors qu'il obtiendrait l'argent de la rançon et, le jour même de l'entrée d'Isabelle à Milan, il vint à Calais rendre sa totale liberté à Jean II. Les deux rois festoyèrent quelques jours et l'on remit à plus tard la discussion des dernières clauses du traité de Brétigny. Toutefois, le roi anglais gardait quelques enfants de Charles en otage jusqu'au paiement total de la rançon !
La souveraineté royale
Pour faciliter le règlement de cette somme, Jean II créa le 5 décembre une nouvelle monnaie, le franc, ainsi nommée pour commémorer sa libération. « Nous avons été délivré de prison et sommes franc et délivré à toujours », déclara-t-il. Ainsi le denier fut appelé franc d'or. La pièce de 3,88 grammes d'or fin, montrait le roi chargeant à cheval selon l'idéal chevaleresque. Cette monnaie allait représenter dès le règne du dauphin devenu Charles V le Sage en 1364 une monnaie stable, garante de la puissance et de l'autorité du souverain, capable de rivaliser avec le florin de Florence qui dominait alors l'Europe. En dépit de bien des vicissitudes, le franc allait symboliser l'indépendance de la France jusqu'à ce que le 17 février 2002, un gouvernement républicain de rencontre se permît de sacrifier le droit essentiel à la souveraineté d'un pays de frapper monnaie, et imposât l'euro apatride, dont le nom est d'une banalité à pleurer. Même dans une France ruinée, Jean II le Bon et son fils avaient, eux, sauvé la liberté de leur pays.
Jean ne profita guère de son affranchissement. Après une visite au pape en Avignon et une tentative d'organiser une nouvelle croisade, il dut revenir à Londres en 1364 renégocier le traité de Brétigny et y prendre la place de son fils Louis, duc d'Anjou qui, lassé d'être otage, venait de s'enfuir. Le roi, modèle de bravoure et de sacrifice, devait y mourir le 8 avril 1364, laissant la succession à Charles lequel était prêt et, avec Du Gesclin, chasserait bientôt les Anglais de France.
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 4 au 17 mars 2010

vendredi 10 décembre 2010

La mascarade de la Fédération

La fête de la Fédération, loin de marquer la naissance de la nation française, a érigé le volontarisme individualiste contre la nation historique et organique forgée au long des âges par les Capétiens.
En 1790, le roi fut pourtant acclamé, mais Louis XVI manqua l'occasion de réaffirmer son pouvoir.
Voici bientôt revenir le 14 juillet. On va nous répéter que la fête nationale commémore la fête dite de la Fédération, et non la prise de la Bastille de l'année précédente…
Qu'importe ! La date est tout aussi affligeante. Les constituants affichèrent bien mauvais goût à vouloir marquer du signe de la “Fraternité” le premier anniversaire des exactions bestiales d'une racaille ivre qui avait enfoncé une porte ouverte - car la Bastille s'était donnée -, et qui n'avait rien accompli d'utile en délivrant sept prisonniers entretenus aux frais du roi dans une forteresse déjà promise à la démolition…
De l'illusion de la fédération…
En 1790, la réconciliation n'était pas en route : la preuve en est que le 12 juillet, l'Assemblée constituante avait jeté la France dans la guerre civile en votant la Constitution civile du clergé. Depuis le printemps, les émeutes se multipliaient (Vannes, Toulouse, Toulon, Montauban…). On se battait pour le prix du pain. On revoyait des massacres entre catholiques et protestants…
Dans l'armée, c'était la débandade, les comités de soldats, encouragés par les clubs, prêchaient l'insoumission ; au printemps, plus de vingt corps de troupes s'étaient insurgés.
On s'étripait aussi en élisant les directeurs de départements ou de districts prévus par la réorganisation administrative votée en décembre 1789, et les nouveaux élus se comportaient comme des puissances indépendantes, s'acharnant notamment contre les chefs militaires, comme à Marseille où le chevalier de Bausset, major du fort Saint-Jean, venait d'être décapité par la populace… Paris, pour sa part, ne reçut son statut qu'en juin : division en quarante-huit sections formées d'un nombre égal de citoyens “actifs” et obtenant chacune le droit de réunion. Autant dire : quarante-huit nouveaux moteurs de la Révolution ! Dans ces conditions, attirer à Paris des foules de provinciaux au nom de la “Fraternité”, cela relevait du bourrage de crânes. Proposée par la commune de Paris, le 5 juin, la fête de la Fédération avait été décidée par décret de l'Assemblée nationale constituante le 9 juin et fixée au 14 juillet.
Il s'agissait de “fédérer” les gardes nationales nées à Paris et en province dans la fièvre de l'été 1789 à l'instigation de bourgeois-gribouilles avides de profiter du chamboulement révolutionnaire tout en se prémunissant contre les excès… Les fédérations locales naissaient : 50 000 délégués à Lyon le 30 mai, presque autant à Lille le 6 juin, puis à Strasbourg le 13, à Besançon le 16, à Rouen le 29. Partout embrassades rousseauistes, larmes de joie, transports “patriotiques” de citoyens persuadés que leurs déclamations faisaient enfin naître la France !
… à la Fédération des illusions
À Paris, sur l'esplanade du Champ de Mars, on avait prévu le plus grandiose. Il fallait “chauffer” au maximum les participants, mais on voulait aussi en imposer au roi en dressant face à lui la Nation en un seul corps, puisant sa souveraineté en elle-même dans le libre et fraternel consentement de ses membres…
Dès fin juin, plus de douze mille ouvriers trimaient pour tracer une vallée dominée de chaque côté par des talus de gradins. Ce fut très vite la panique, car l'on ne pourrait pas finir à temps ! Alors on battit le rappel des volontaires : hommes, femmes, enfants, même des religieux, tous bravant le mauvais temps en chantant le Ça ira d'un petit chanteur des rues nommé Ladré qui venait d'inventer des paroles sur un air de contredanse qu'aimait même Marie-Antoinette…
Arrivés dès le 12, les délégués des gardes nationales (un pour cent gardes) se logèrent tant bien que mal chez l'habitant et furent copieusement caressés dans les clubs, notamment celui des Jacobins. Le 14, dès le lever du jour, les abords de l'École militaire et des Invalides étaient noirs de monde. Le défilé commença à midi et demi, passant sous un arc de triomphe où l'on avait inscrit : « Nous ne vous craindrons plus / Subalternes tyrans / Vous qui nous opprimez / Sous cent noms différents. » En somme, plus besoin d'autorités ! Dans le cortège, outre les représentants des gardes, les élus et les électeurs de Paris, les élèves militaires, les troupes de ligne… et les inévitables “héros” de la Bastille dont l'Histoire ne dit pas s'ils s'étaient lavé les mains. Le roi arriva à trois heures. Aussitôt les bannières vinrent entourer “l'autel de la Patrie” où, sous une pluie torrentielle, commença la messe. L'officiant était Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, évêque d'Autun, le “diable boiteux” très à l'aise au milieu de cette mascarade. Au cours de la messe, il aurait dit à l'oreille du servant, son protégé l'abbé Louis (le futur ministre des Finances de Louis XVIII…) : « Surtout ne me regardez pas trop, vous me feriez rire. » Il est vrai qu'il devait y avoir de quoi…
L'occasion manquée
La pluie cessa à la fin de la messe quand Talleyrand bénit le drapeau tricolore. Éclatèrent alors chants et salves d'artillerie. Le marquis de La Fayette, qui depuis les journées d'octobre se voyait en maire du palais, dégaina son épée et prononça le serment fédératif : « Nous jurons d'être à jamais fidèles à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout notre pouvoir la constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi […] de demeurer unis à tous les Français par les liens indissolubles de la Fraternité. » Toute la foule reprit ces paroles en choeur. Puis Louis XVI, qui s'était ennuyé ferme pendant la cérémonie, prononça, sans quitter sa place, le serment de respecter la constitution.
Il se produisit alors un fait que les organisateurs de la fête n'avait pas prévu : le roi fut longuement ovationné par la foule ! On avait tout entrepris pour qu'il n'eût pas le rôle principal et pour endoctriner les fédérés, et voilà qu'au seul son de sa voix, se scellait à nouveau le pacte millénaire entre les Français et le Capétien ! Ces provinciaux qui, presque tous, voyaient le roi pour la première fois, oubliaient déjà ce qu'on leur avait dit du “tyran”. Les révolutionnaires tremblèrent et crurent voir s'anéantir tout leur travail en quelques minutes. Quelques jours après on pouvait même lire dans le Courrier de Provence : « L'idolâtrie pour la monarchie se répand avec la force la plus violente et l'on a semblé oublier les restaurateurs de la liberté française… » Quant à Barnave, alors pilier du club des Jacobins, il devait avouer quelques années plus tard (lorsqu'il essaierait de sauver la reine) : « Si le roi avait su profiter de la Fédération, nous étions perdus. »
Hélas, Louis XVI n'en profita nullement. « Tous ces témoignages d'attachement et de respect, écrit Pierre Gaxotte, loin d'inciter le roi à préparer une réaction, le confirmèrent au contraire dans sa politique de ménagements et de temporisation. Roi constitutionnel, entouré de l'amour de ses sujets, il attendait dans une expectative affable que les circonstances fissent apparaître la nécessité d'un pouvoir fort. » Toujours ce refus de gêner le “bonheur” de son peuple… Les révolutionnaires ne lui en surent aucun gré. Au contraire, effrayés de le voir si populaire, ils l'empêchèrent dès le lendemain de visiter les provinces françaises, lui interdisant par décret de s'éloigner de plus de vingt lieues de l'Assemblée ! Et la Révolution reprit son visage de haine et de ruines…
Le Pacte à renouer…
Le 14 juillet 1790, naissance de la nation française ? Fuyons ce mensonge. Ce fut au contraire le jour de la rupture avec la nation historique, forgée au cours des âges par la lignée capétienne, unie dans une communauté de destin, dans la conjonction des forces de la terre, du sang et du coeur. Ces forces, les idéologues voulaient les étouffer au nom d'une autre idée de la nation : celle d'un ensemble d'individus unifiés par les seules forces du consentement individuel. En somme, comme a dit Maurras, « une pyramide qui repose sur sa pointe » ! Au Champ de Mars, on avait forcé une société naturelle, organique et historique à devenir un agrégat libre et volontaire. « Présenter cela comme un achèvement et, en d'autres termes, un progrès, dit encore Maurras, est une erreur grossière. Il n'y a pas de recul plus patent. Il n'y a pas de régression plus caractérisée. Car si je suis français parce que je le veux, en vertu d'une simple aliénation de mon “moi” à la France, le droit révolutionnaire m'apprend qu'il me suffira de cesser de vouloir l'être pour cesser de l'être… En ramenant l'adhésion et l'assentiment des patriotes à un champ mental et moral si étroit, qu'a donc fait et voulu et dû faire du patriotisme français la Révolution ? L'abaisser. »
Puisse le souvenir de l'occasion manquée par Louis XVI il y a cent vingt ans inspirer les participants au colloque sur la Fédération de ce 25 juin, en présence du prince Jean duc de Vendôme. Après tant d'années de constitutions écrites idéalistes, il serait temps de revenir à la véritable fédération des communautés françaises sous l'autorité d'âge en âge du fédérateur né, indépendant des idéologies : le roi.
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 17 au 30 juin 2010