mardi 30 avril 2013

Le Discours du rectorat : Martin Heidegger

L’Université allemande envers et contre tout elle-même
Prendre en charge le rectorat, c’est assumer l’obligation de diriger l’esprit de cette École supérieure. La décision d’accepter de suivre, chez les maîtres et les élèves, s’éveille et prend force seulement à partir du véritable et commun enracinement dans l’essence de l’Université allemande. Or cette essence ne parvient à la clarté, à la hauteur et à la puissance que si, avant tout et toujours, ceux qui dirigent sont eux-mêmes dirigés – dirigés par le caractère inexorable de la mission spirituelle qui force le destin du peuple allemand à recevoir l’empreinte typique de son histoire.
Savons-nous ce qu’il en est de cette mission spirituelle ? Que la réponse soit oui ou bien non, inévitable demeure la question : sommes-nous, corps des maîtres et corps des élèves de cette École supérieure, sommes-nous véritablement et en commun enracinés dans l’essence de l’Université allemande ? Cette essence a-t-elle une vraie force pour marquer de son empreinte notre Dasein ? Seulement, sans doute, à condition que cette essence, de fond en comble, nous la voulions. Mais qui pourrait en douter ? Couramment, on fait prévaloir comme caractéristique essentielle de l’Université le fait qu’elle « s’administre elle-même » ; cela doit être maintenu. Toutefois, avons-nous aussi médité a fond ce que cette revendication d’autonomie administrative exige de nous ?
Autonomie administrative, cela veut pourtant bien dire : nous fixer à nous-mêmes la tâche, et déterminer nous-mêmes la démarche susceptible de la faire devenir réelle, afin, la même, d’être nous-mêmes ce que nous avons à être. Mais savons-nous donc qui nous sommes nous-mêmes, ce corps des maîtres et des élèves de la plus haute école du peuple allemand ? pouvons-nous même au premier chef le savoir sans le plus constant et le plus tranchant retour méditatif sur nous-mêmes ?
Ni la connaissance de la situation actuelle de l’Université, ni la familiarité avec son histoire antérieure ne garantissent à elles seules un savoir suffisant de son essence – à moins qu’auparavant, avec clarté et tranchant, nous délimitions cette essence pour l’avenir ; qu’en une telle limitation de soi-même, nous voulions cette essence ; et qu’en un tel vouloir, nous soyons envers et contre tout nous-mêmes.
S’administrer soi-même ne tient que sur le fond de la méditation qui se reprend soi-même. Le retour méditatif sur soi-même, à son tour, n’a lieu que si l’Université allemande a la force de se maintenir elle-même envers et contre tout. Allons-nous accomplir ce maintien, et comment ?
L’Université allemande se maintenant elle-même envers et contre tout, ce n’est rien d’autre que la volonté qui veut en commun son essence de manière conforme à l’origine. L’Université allemande est pour nous l’École supérieure qui, à partir de la science et grâce à la science, entreprend d’éduquer et de discipliner les dirigeants qui veillent sur le destin du peuple allemand. Le vouloir qui veut l’essence de l’Université allemande veut du même coup la science, en ceci qu’il veut la mission historiquement spirituelle du peuple allemand comme peuple se connaissant en son État. Science et destin allemand, il faut qu’ils accèdent ensemble – dans la volonté de l’essence à la puissance. Et ils y parviendront, et n’y parviendront que si nous autres – corps des maîtres et corps des élèves – d’abord exposons la science à sa plus intime nécessité, et si ensuite nous faisons face au destin allemand en sa plus extrême urgence.
L’essence de la science, nous n’en faisons assurément pas l’expérience en sa nécessité la plus intime tant que, discourant sur le « nouveau concept de la science », nous dénions à une science qui n’est que par trop celle d’aujourd’hui son autonomie et son absence de présuppositions. Cette façon de faire uniquement négative et qui ne remonte guère au-delà des dernières décennies finit par n’être que l’apparence d’un effort véritable portant sur l’essence de la science.
Voulons-nous saisir l’essence de la science ? Alors il faut affronter d’abord la question critique : la science doit-elle pour nous continuer d’être, ou bien devons-nous la laisser courir vers une fin rapide ? Que science, au premier chef, il doive y avoir, voilà qui n’est jamais absolument nécessaire. Si la science doit être, et si elle doit être pour nous et par nous, à quelle condition peut-elle alors véritablement continuer ?
Seulement si nous nous plaçons à nouveau sous la puissance du commencement de notre Dasein historique par l’esprit. Ce commencement est la rupture par laquelle s’ouvre la philosophie grecque. Là se dresse l’être humain de l’Occident : à partir de l’unité d’un peuple, en vertu de sa langue, pour la première fois tourne vers l’étant en entier, il le met en question et le saisit en tant que l’étant qu’il est. Toute science est philosophie, qu’elle soit capable de le savoir et de le vouloir, ou non. Toute science reste imbriquée dans ce commencement de la philosophie. C’est de lui qu’elle puise la force de son essence, à supposer au premier chef qu’elle reste encore à la hauteur de ce commencement.
Nous voulons ici regagner pour notre Dasein deux propriétés qui caractérisent l’essence originalement grecque de la science. Chez les Grecs circulait un vieux récit, selon lequel c’est Prométhée qui aurait été le premier philosophe. C’est à ce Prométhée-là qu’Eschyle fait dire une parole qui énonce l’essence du savoir :
« Savoir, pourtant, est de beau coup moins fort que nécessité. »
(Prom., 514, ed. Wit.)
Cela veut dire : chaque savoir des choses demeure d’abord livré sans défense à l’excessive puissance du destin et reste sans parole devant elle.
C’est justement pourquoi il faut que le savoir déploie sa plus haute provocation – face à laquelle seulement se dresse l’entière puissance du retrait de l’étant – afin de rester réellement sans parole. C’est ainsi justement que l’étant s’ouvre en son inapprofondissable inaltérabilité, et donne au savoir sa vérité. Ce verdict sur la féconde impuissance du savoir est une parole des Grecs, chez qui l’on voudrait à trop bon marché trouver l’exemple prototypique d’un savoir purement axé sur lui-même et, par là, oublieux de soi – ce que l’on nous interprète comme l’attitude « théorique ». Mais qu’est-ce que la theoria pour les Grecs ? On répond : la pure considération, qui demeure liée uniquement à ce qui est en question, dans sa plénitude et son exigence. Ce comportement considérateur devrait même, si l’on se réfère aux Grecs, n’avoir lieu qu’a dessein de lui-même. Mais cette référence n’est pas juste. Car d’abord la « théorie » n’a pas lieu à dessein d’elle-même, mais uniquement dans la passion de rester proche de l’étant comme tel et sous son astreinte. En outre, les Grecs luttaient justement afin de comprendre et d’accomplir ce questionnement considérateur comme une modalité, voire comme la modalité la plus haute de l’energeia, de l’« être-à-l’oeuvre » humain. ils ne songeaient nullement à aligner la praxis sur la théorie, mais à l’inverse visaient à entendre la théorie elle-même comme la mise en œuvre la plus haute d’une praxis de bon aloi. Pour les Grecs, la science n’est pas un « bien culturel » ; elle est au contraire le lieu médian qui détermine au plus intime tout le Dasein du peuple et de l’État. La science, pour eux, n’est pas non plus un simple moyen de rendre conscient ce qui est inconscient ; elle est la puissance qui tient acéré et enserre de partout le Dasein tout entier.
Science : en questionnant, tenir debout au milieu de l’étant en entier constamment en train de s’abriter dans le retrait. Cette persévérance à l’œuvre y sait du même coup qu’elle est impuissante devant le destin.
Voilà ce qu’est initialement la science. Mais le commencement ne se trouve-t-il pas deux mille cinq cents ans derrière nous ? Le progrès humain n’a-t-il pas fait changer aussi la science ? Certes ! L’interprétation ultérieure du monde par la théologie chrétienne, aussi bien qu’après, la pensée mathématiquement technique des Temps modernes, ont éloigné la science de son commencement, pour ce qui est du temps comme du contenu. Mais par là, le commencement lui-même n’est en rien dépassé, et encore moins aboli. Car, à supposer que la science originalement grecque soit quelque chose de grand, alors c’est le commencement de cette grandeur qui demeure en elle ce qu’il y a de plus grand. L’essence de la science ne pourrait même pas être vidée et usée, comme c’est le cas aujourd’hui, malgré tous les résultats et toutes les « organisations internationales », si la grandeur du commencement ne tenait pas encore. Le commencement est encore. II ne se trouve pas derrière nous comme ce qui a été il y a bien longtemps ; tout au contraire, il se tient devant nous. En tant que ce qu’il y a de plus grand, le commencement est passé d’avance au-dessus de tout ce qui allait venir, et ainsi déjà au-dessus de nous-mêmes, pour aller loin au-devant. Le commencement est allé faire irruption dans notre avenir : il s’y tient comme la lointaine injonction à nous adressée d’en rejoindre à nouveau la grandeur.
C’est seulement si nous nous rallions résolument à cette lointaine injonction, afin de regagner la grandeur du commencement, c’est seulement alors que la science va nous devenir la nécessité la plus intime du Dasein. Autrement, elle demeure une occurrence où nous nous trouvons par hasard, ou bien le confort paisible d’une occupation sans péril, celle de contribuer au simple progrès des connaissances.
Mais si nous nous rallions à la lointaine injonction du commencement, la science ne peut que devenir ce qui a lieu au plus profond du Dasein qui est, par l’esprit, celui de notre peuple. Et surtout si notre Dasein le plus propre se trouve même devant un grand changement, si est vrai ce qu’a dit, cherchant passionnément le Dieu, le dernier philosophe allemand, Frédéric Nietzsche, a savoir : « Dieu est mort », s’il nous faut prendre au sérieux cet abandonnement de l’homme d’aujourd’hui au milieu de l’étant, qu’en est-il alors de la science ?
Alors, ce qui était initialement la tenue des Grecs – l’endurance admirative devant l’étant – se change en celle d’être, pleinement à découvert, expose à ce qui est en retrait et incertain, c’est-à-dire a ce qui est problématique, i.e. digne d’être mis en question. Questionner, alors, n’est plus seulement la phase dépassable qui précède la réponse, laquelle ne serait autre que le savoir. Questionner au contraire devient en soi même la figure où culmine le savoir. Le questionnement déploie alors sa force la plus grande, celle d’ouvrir et découvrir l’essentiel de toute chose. Questionner force alors à simplifier à l’extrême le regard portant sur l’incontournable.
Questionner ainsi fait se briser l’isolement et la sclérose des sciences en disciplines séparées, les ramène de leur dispersion sans limite et sans but en champs et secteurs dissociés, et expose de nouveau la science immédiatement à la fécondité et aux bienfaits de toutes les puissances configuratrices-de-monde du Dasein humain et historique – telles que sont là : nature, histoire, langue ; peuple, mœurs, État ; poésie, pensée, foi ; maladie, folie, mort ; droit, économie, technique.
Si nous voulons l’essence de la science en ce sens, à savoir : questionnant, faire face à découvert au milieu de l’incertitude de l’étant en entier, alors vouloir ainsi va donner à notre peuple son monde, celui du péril le plus intime et le plus extrême, c’est-à-dire son monde spirituel au vrai sens du terme. Car « esprit », ce n’est ni la subtilité vide ni le jeu sans engagement du bon sens ni l’exercice interminable de l’entendement se livrant à ses analyses, et encore moins la raison universelle. L’esprit, c’est au contraire : dans un accord au ton de l’origine, savoir s’être résolu pour l’essence de l’être. Et le monde spirituel d’un peuple n’est pas l’étage surajouté d’une culture, pas plus que l’arsenal des connaissances et des valeurs employables. C’est au contraire la puissance de la mise à l’épreuve la plus profonde des forces qui lient un peuple à sa terre et à son sang, comme puissance du plus intime éveil et du plus extrême ébranlement de son Dasein. Seul un monde spirituel est garant pour le peuple de sa grandeur. Car il force à décider constamment entre vouloir la grandeur et laisser faire le dévalement ; il force à ce que cette constante décision devienne la cadence qu’il s’agit d’imprimer à la marche que notre peuple a entamée vers son histoire future.
Si nous voulons cette essence de la science, alors il faut que le corps des maîtres de l’Université se porte effectivement aux avant-postes du péril qu’est la constante incertitude du monde. Si là il tient ferme, autrement dit : si lui croît de là – dans l’essentielle proximité de l’astreinte de toute chose le questionnement commun et le dire accordé au ton d’une communauté, alors il aura la force de diriger. Car ce qu’il y a de décisif dans le fait de diriger, ce n’est pas d’aller simplement en tête, mais bien la force de pouvoir aller seul, non par entêtement et désir de dominer, mais en vertu d’une destination (la plus profonde) et d’un devoir (le plus ample). Une telle force lie à l’essentiel, fait la sélection des meilleurs et éveille la véritable disposition à suivre chez ceux qui ont repris courage. Mais cette disposition à suivre, nous n’avons pas même à l’éveiller. Le corps des étudiants allemands est en marche. Qui cherche-t-il ? II cherche les dirigeants par lesquels il veut voir sa propre destination élevée à la vérité fondée en savoir et installée au sein de la clarté de parole et d’œuvre qui l’interprètent et la font devenir agissante.
De cette résolution, en laquelle font corps les étudiants allemands – celle de faire face au destin allemand en son urgence la plus extrême -, vient une volonté qui veut l’essence de l’Université. Cette volonté est une vraie volonté, pour peu que le corps étudiant allemand, par le nouveau droit des étudiants, se place lui-même sous la loi de son essence et ainsi d’abord circonscrive cette essence. Se donner à soi-même la loi, telle est la liberté la plus haute. La « liberté universitaire » (qu’on a tant chantée) est chassée de l’Université allemande ; car cette liberté-là était de mauvais aloi, étant uniquement négative. Elle signifiait avant tout : insouciance, arbitraire des intentions et inclinations, absence de liens dans les faits et gestes. Le concept de la liberté, pour l’étudiant allemand, est à présent ramené à sa vérité. De celle-ci se déploient désormais lien et service du corps étudiant allemand. Le premier lien est celui qui lie à la communauté du peuple. II oblige, en portant sa part et en prenant part, à participer aux peines, aux aspirations et aux savoir-faire de toutes les catégories sociales et de toutes les parties du peuple. Ce lien est désormais concrétisé et ancré dans le Dasein étudiant par le service du travail.
Le deuxième lien est celui qui lie à l’honneur et au destin de la nation, au milieu des autres peuples. II demande – assurée en savoir et savoir-faire, et tendue par la discipline – la disponibilité à payer de sa personne jusqu’au bout. Ce lien embrasse et traverse à l’avenir le Dasein étudiant tout entier comme service de défense.
Le troisième lien du corps étudiant est celui qui lie à la mission spirituelle du peuple allemand. Ce peuple œuvre à son destin cependant qu’il installe son histoire au beau milieu de la manifesteté qu’est désormais l’excessive puissance de toutes les puissances configuratrices-de-monde du Dasein humain, et que du même coup il se regagne sans cesse de haute lutte son monde spirituel. C’est en étant exposé de la sorte à la plus extrême problématicité de son propre Dasein, que ce peuple a la volonté d’être un peuple spirituel. II réclame de lui-même et pour lui-même, en ceux qui le dirigent et veillent sur lui, la clarté la plus tranchante du savoir le plus haut, le plus ample et le plus riche. Une jeunesse étudiante qui tôt se risque au cœur de l’âge viril, et tend l’arc de son vouloir sur le destin futur de la nation, une telle jeunesse se force, du plus profond d’elle-même, à servir ce savoir. Pour elle, le service du savoir, il ne sera plus permis qu’il lui soit la formation anodine et rapide menant à une profession « distinguée ». C’est bien parce que l’homme d’État et le maître d’école, le médecin et le juge, le prêtre et l’architecte dirigent le Dasein du peuple et de son État, le gardent en ses rapports fondamentaux aux puissances configuratrices-de-monde et ne le laissent pas s’émousser, que le service du savoir à la responsabilité des professions et de l’éducation qui y mène. Le savoir n’est pas au service des professions, mais à l’inverse : les professions appellent à se réaliser le savoir suprême et essentiel que le peuple à de son Dasein tout entier, et elles le mettent en œuvre. Or ce savoir ne nous est pas la tranquille prise de connaissance d’entités et de valeurs en soi, mais bien la mise en péril la plus aiguë du Dasein au milieu de l’excessive puissance de l’étant. C’est donc au premier chef la problématicité de l’être qui extorque au peuple son travail et sa lutte, le forçant à prendre la forme de son État, dont font partie les professions.
Les trois liens – par le peuple, au destin de l’État, dans la mission spirituelle – sont, pour l’essence allemande, d’égale originalité. Les trois services qui de là prennent naissance – service du travail, service de défense et service du savoir – sont également nécessaires et de rang égal.
Le savoir qui a connaissance du peuple en prenant part à son travail, le savoir qui a connaissance du destin de l’Etat en se tenant prêt pour lui, ces deux savoirs forment, dans l’unité avec le savoir qui à connaissance de la mission spirituelle, l’essence originale et pleine de la science dont la mise en œuvre est notre tâche – à supposer que nous nous ralliions à la lointaine injonction du commencement de notre Dasein historique par l’esprit.
Telle est la science qui est en vue quand l’essence de l’Université allemande est circonscrite comme École supérieure qui, à partir de la science et par la science, entreprend d’éduquer et discipliner les dirigeants qui veillent sur le destin du peuple allemand.
Ce concept original de la science n’oblige pas seulement à adopter vis-à-vis de ce qu’on traite, une attitude de pure objectivité ; il oblige avant tout à être essentiel et simple dans le questionnement au milieu du monde spirituel et historique qui est celui du peuple. De fait, c’est même seulement de là qu’une attitude de pure objectivité peut véritablement tirer sa justification – s’y fonder et y trouver son mode et sa limite.
La science, en ce sens, il faut qu’elle devienne la puissance qui donne forme aux corps de l’Université allemande. Une double exigence s’y trouve sous-entendue : corps des maîtres et corps des élèves doivent d’abord, chacun à sa manière, être saisis par le concept de la science, et demeurer sous son emprise. Mais du même coup, ce concept de la science doit intervenir en changeant les grandes formes au sein desquelles les maîtres et les élèves, chaque fois, travaillent en commun scientifiquement : dans les facultés et dans les groupements d’étudiants affiliés selon la matière choisie.
La faculté n’est faculté que si elle va jusqu’à être un pouvoir – enraciné dans l’essence de la science qui est la sienne -, le pouvoir de légiférer dans le domaine de l’esprit, en vue de donner forme aux puissances du Dasein sous l’astreinte desquelles elle ne cesse de se trouver, pour, sous cette forme, les intégrer au monde spirituel du peuple, monde lui-même un.
Le groupement d’étudiants n’est un tel groupement que si d’avance il prend sa place dans le domaine de cette législation spirituelle, et ainsi démantèle le cloisonnement par matières, en surmontant ce qu’a d’étriqué et de mauvais aloi une formation superficielle qui ne vise qu’à déboucher sur une profession.
À l’instant même ou les facultés et les groupements d’étudiants mettent en train les questions essentielles et simples de leur science, maîtres et élèves sont aussi déjà empoignés par les mêmes ultimes nécessités et astreintes qui concernent le Dasein du peuple et de l’État.
Toutefois, la mise en forme définitive de l’essence originale de la science demande tant de rigueur, tant de responsabilité et de patiente maîtrise qu’au regard de ce dessein, continuer consciencieusement à appliquer les méthodes de travail reçues, pas plus que pousser à leur réforme, ne peuvent faire le poids.
S’il a fallu aux Grecs trois siècles pour seulement mettre en bonne voie et sur un terrain solide la simple question : qu’est-ce que la science ? -, comment nous serait-il permis à nous de croire que la clarification et le déploiement de ce qu’est l’Université allemande va pouvoir se faire dans le semestre en cours, ou dans le suivant ?
Mais, à partir de ce qui vient d’être esquissé, nous savons déjà une bonne chose : l’Université allemande ne parviendra à sa forme et à sa puissance que si les trois services – service du travail, service de défense et service du savoir – trouvent ensemble originalement leur unité pour ne faire plus qu’une seule force capable d’imprimer sa marque typique. Cela veut dire :
Vouloir l’essence, du côté des maîtres, voilà qui doit d’abord s’éveiller, puis se fortifier en devenant la simplicité et l’ampleur du savoir connaissant l’essence de la science. Vouloir l’essence, du côté des élèves, voilà qui doit se forcer à atteindre la plus haute clarté et discipline du savoir, et contribuer à intégrer dans l’essence de la science – dans l’exigence qu’elle y soit déterminante – la science qui doit en être partie intégrante, celle qui concerne le peuple et son État. Les deux vouloirs, il faut qu’ils se forcent mutuellement à engager la lutte où ils s’affrontent l’un l’autre. Toutes les capacités de la volonté et de la pensée, toutes les forces du cœur, toutes les aptitudes du corps doivent être développées par la lutte, exaltées dans la lutte et gardées sauves comme lutte.
Nous choisissons la lutte du savoir, la lutte de ceux qui questionnent, et nous professons avec Carl von Clausewitz : « Je renonce à l’espoir frivole d’être sauvé par la main du hasard. »
La communauté en lutte des maîtres et des élèves ne fera, pourtant, de l’Université allemande le lieu de la législation spirituelle, elle ne mettra en œuvre en elle le lieu médian du rassemblement le plus tendu pour le service suprême du peuple en son État, que si le corps des maîtres et le corps des élèves disposent leur Dasein avec plus de simplicité, plus de tranchant et en limitant leurs besoins encore plus que tous les autres compatriotes. Diriger implique en tout état de cause que ne soit jamais refusé à ceux qui suivent le libre usage de leur force. Or suivre comporte en soi la résistance. Cet antagonisme essentiel entre diriger et suivre, il n’est permis ni de l’atténuer, ni surtout de l’éteindre.
La lutte seule tient ouvert cet antagonisme et implante en tout le corps des maîtres et élèves cette tonalité fondamentale à partir de laquelle se maintenir envers et contre tout soi-même, en s’établissant au sein de ses propres limites, transforme la résolution du retour méditatif sur soi-même en véritable pouvoir de s’administrer soi-même.
Voulons-nous l’essence de l’Université allemande ou ne la voulons-nous pas ? Libre à nous : allons-nous – et jusqu’où – nous mettre de fond en comble, et pas seulement incidemment, en peine de cette méditation de soi et de ce maintien de soi envers et contre tout ? Ou bien, avec les meilleures intentions, ne ferons-nous que changer de vieilles institutions pour les remplacer par de nouvelles ? Personne ne nous empêchera de le faire.
Mais personne non plus ne va nous demander si nous voulons ou non, alors que la force spirituelle de l’Occident fait défaut et que l’Occident craque de toutes ses jointures – alors que l’apparence de culture, en sa décrépitude, implose et attire toutes les forces dans la confusion, pour les laisser s’asphyxier dans la démence. Que quelque chose de tel ait lieu, ou n’ait pas lieu, cela dépend uniquement de ceci : nous voulons-nous encore comme peuple d’histoire et d’esprit, nous voulons-nous à nouveau – ou bien ne nous voulons-nous plus ? La décision sur ce point, chacun la partage avec les autres, même là, et surtout là où il esquive la décision.
Mais nous voulons que notre peuple accomplisse sa mission historique.
Nous nous voulons nous-mêmes. Car la jeunesse, la plus jeune force de notre peuple – celle qui, par-dessus nous, déjà tend au loin – la jeunesse a déjà décidé.
La magnificence pourtant et la grandeur de cette rupture et de ce départ, nous ne la comprenons entièrement que si nous portons en nous le profond et ample consentement d’où la vieille sagesse grecque a puisé cette parole :
« Tout ce qui est grand s’expose a la tempête… »
(Platon, Politeia, 497 d9)
Martin Heidegger, 27 mai 1933. http://dhdc2917.eu/

Machiavel et la révolution conservatrice – par Dominique Venner

PARIS (via le site de Dominique Venner) - Portée par le printemps français, la révolution conservatrice est à la mode. L’un de ses plus brillants théoriciens mérite d’être rappelé, même si son nom fut longtemps décrié. Il est en principe peu flatteur d’être qualifié de « machiavélique » sinon de « machiavélien ». On voit en effet se dessiner comme un soupçon de cynisme et de fourberie. Et pourtant ce qui avait conduit Nicolas Machiavel à écrire le plus célèbre et le plus scandaleux de ses essais, Le Prince, était le souci et l’amour de sa patrie, l’Italie. C’était en 1513, voici donc exactement 500 ans, comme pour le Chevalier de Dürer récemment évoqué. Époque féconde !  Dans les premières années du XVIème siècle, Machiavel était pourtant bien le seul à se soucier de l’Italie, cette « entité géographique » comme dira plus tard Metternich. On était alors pour Naples, Gènes, Rome, Florence, Milan ou Venise, mais personne ne se souciait de l’Italie. Il faudra pour cela attendre encore trois bons siècles. Ce qui prouve qu’il ne faut jamais désespérer de rien. Les prophètes prêchent toujours dans le désert avant que leurs rêves ne rencontrent l’attente imprévisible des foules. Nous sommes ainsi quelques-uns à croire en une Europe qui n’existe que dans notre mémoire créatrice.
Né à Florence en 1469, mort en 1527, Nicolas Machiavel était une sorte de haut fonctionnaire et de diplomate. Ses missions l’initièrent à la grande politique de son temps. Ce qu’il y apprit fit souffrir son patriotisme, l’incitant à réfléchir sur l’art de conduire les affaires publiques. La vie l’avait placé à l’école de bouleversements majeurs. Il avait 23 ans quand mourut Laurent le Magnifique en 1492. La même année, l’ambitieux et voluptueux Alexandre VI Borgia devint pape. D’un de ses fils, nommé César (en ce temps-là, les papes se souciaient peu de chasteté), il fit prestement un très jeune cardinal, puis un duc de Valentinois grâce au roi de France. Ce César, que tenaillait une terrible ambition, ne sera jamais regardant sur les moyens. En dépit de ses échecs, sa fougue, fascina Machiavel.
Mais j’anticipe. En 1494, survint un événement immense qui allait bouleverser pour longtemps l’Italie. Charles VIII, jeune et ambitieux roi de France, effectua sa fameuse « descente », autrement dit une tentative de conquête qui bouscula l’équilibre de la péninsule. Après avoir été bien reçu à Florence, Rome et Naples, Charles VIII rencontra ensuite des résistances et dut se replier, laissant un épouvantable chaos. Ce n’était pas fini. Son cousin et successeur, Charles XII, récidiva en 1500, cette fois pour plus longtemps, en attendant que survienne François Ier. Entre-temps, Florence avait sombré dans la guerre civile et l’Italie avait été dévastée par des condottières avides de butin.
Atterré, Machiavel observait les dégâts. Il s’indignait de l’impuissance des Italiens. De ses réflexions naquit Le Prince en 1513, célèbre traité politique écrit à la faveur d’une disgrâce. L’argumentation, d’une logique imparable, vise à obtenir l’adhésion du lecteur. La méthode est historique. Elle repose sur la confrontation entre le passé et le présent. Machiavel dit sa conviction que les hommes et les choses ne changent pas. C’est pourquoi le conseiller florentin continue à parler aux Européens que nous sommes.
À la façon des Anciens – ses modèles – il croit que la Fortune (le hasard), figurée par une femme en équilibre sur une roue instable, arbitre la moitié des actions humaines. Mais elle laisse, dit-il, l’autre moitié gouvernée par la virtus (qualité virile d’audace et d’énergie). Aux hommes d’action qu’il appelle de ses vœux, Machiavel enseigne les moyens de bien gouverner. Symbolisée par le lion, la force est le premier de ces moyens pour conquérir ou maintenir un Etat. Mais il faut y adjoindre la ruse du renard. En réalité, il faut être à la fois lion et renard. « Il faut être renard pour éviter les pièges et lion pour effrayer les loups » (Le Prince, ch. 18). D’où l’éloge, dépourvu de tout préjugé moral, qu’il fait d’Alexandre VI Borgia qui « ne fit jamais autre chose, ne pensa jamais à autre chose qu’à tromper les gens et trouva toujours matière à pouvoir le faire » (Le Prince, ch. 18). Cependant, c’est dans le fils de ce curieux pape, César Borgia, que Machiavel voyait l’incarnation du Prince selon ses vœux, capable « de vaincre ou par force ou par ruse » (Ibid. ch. 7).
Mis à l’Index par l’Église, accusé d’impiété et d’athéisme, Machiavel avait en réalité vis-à-vis de la religion une attitude complexe. Certainement pas dévot, il se plie cependant aux usages, mais sans abdiquer de sa liberté critique. Dans son Discours sur la première décade de Tite-Live, tirant les enseignements de l’histoire antique, il s’interroge sur la religion qui conviendrait le mieux à la bonne santé de l’Etat : « Notre religion a placé le bien suprême dans l’humilité et le mépris des choses humaines. L’autre [la religion romaine] le plaçait dans la grandeur d’âme, la force du corps et toutes les autres choses aptes à rendre les hommes forts. Si notre religion exige que l’on ait de la force, elle veut que l’on soit plus apte à la souffrance qu’à des choses fortes. Cette façon de vivre semble donc avoir affaibli le monde et l’avoir donné en proie aux scélérats » (Discours, livre II, ch. 2). Machiavel ne se risque pas à une réflexion religieuse, mais seulement à une réflexion politique sur la religion, concluant : « Je préfère ma patrie à mon âme ».
Dominique Venner http://fr.novopress.info
Pour les citations, je m’en rapporte aux Œuvres de Machiavel, traduction et présentation par Christian Bec, Robert Laffont/Bouquins, 1996.

2 mai 73 : Chute de Massada

Le 2 mai 73, la forteresse de Massada tombe aux mains des légionnaires. C'en est fini de la première guerre juive contre la domination de Rome.
L'ultime résistance
Construite au IIe siècle avant JC, au temps des Maccabées (ou Asmonéens), la forteresse de Massada surplombe de 400 mètres les rives sauvages de la mer Morte. C'est le dernier îlot de résistance juive à l'occupation romaine.
Des membres de la secte extrémiste des zélotes s'y réfugient après avoir fait régner la terreur dans le pays. Armés d'un poignard, ils avaient coutume d'assassiner leurs compatriotes suspectés de collaboration avec l'occupant ! On les avait surnommés pour cette raison «sicaires», du latin sica, qui signifie poignard.
Au nombre d'un millier, avec leurs femmes et leurs enfants, sous la conduite d'un chef nommé Eleazar ben Jair, les Zélotes résistent pendant trois ans à plus de 15.000 légionnaires. Ceux-ci n'arrivent à accéder aux murailles qu'en aménageant une rampe artificielle depuis le pied du rocher.
Le seul récit que l'on ait de ce siège nous vient de l'historien juif Flavius Josèphe, qui assiste le général romain. Quand les assiégeants pénètrent dans la forteresse, ils doivent affronter l'incendie allumé par les Zélotes avant de découvrir les cadavres de ceux-ci. D'après l'historien, qui n'a pas lui-même vu l'intérieur de la forteresse, dix des assiégés auraient tué les autres avant de se suicider eux-mêmes. Tous seraient morts à l'exception de deux femmes et cinq enfants. Voici un extrait de son récit (traduction de René Harmand, Paris, 1911) :
«... Ensemble, ils embrassèrent, étreignirent leurs femmes, serrèrent dans leurs bras leurs enfants, s'attachant avec des larmes à ces derniers baisers ; ensemble, comme si des bras étrangers les eussent assistés dans cette oeuvre, ils exécutèrent leurs résolution, et la pensée des maux que ces malheureux devaient souffrir, s'ils tombaient aux mains des ennemis, était pour les meurtriers, dans cette nécessité de donner la mort, une consolation. Enfin, nul ne se trouva inférieur à un si grand dessein ; tous percèrent les êtres les plus chéris. Malheureuses victimes du sort, pour qui le meurtre de leurs femmes et de leurs enfants, exécuté de leur main, paraissait le plus léger de leurs maux !
Aussi, ne pouvant plus supporter l'angoisse dont ces actes une fois accomplis les accablait, et croyant que ce serait faire injure aux victimes de leur survivre même un court instant, ils entassèrent promptement au même endroit tous leurs biens et y mirent le feu ; puis ils tirèrent au sort dix d'entre eux pour être les meurtriers de tous ; chacun s'étendit auprès de sa femme et de ses enfants qui gisaient à terre, les entourant de ses bras, et tous offrirent leur gorge toute prête à ceux qui accomplissaient ce sinistre office. Quand ceux-ci eurent tué sans faiblesse tous les autres, ils s'appliquèrent les uns aux autres la même loi du sort : l'un d'eux, ainsi désigné, devait tuer ses neuf compagnons et se tuer lui-même après tous ; de cette manière, ils étaient assurés qu'il y aurait égalité pour tous dans la façon de porter le coup et de le recevoir. Enfin, les neuf Juifs souffrirent la mort et le dernier survivant, après avoir contemplé autour de lui la multitude des cadavres étendus, craignant qu'au milieu de ce vaste carnage il ne restât quelqu'un pour réclamer le secours de sa main et ayant reconnu que tous avaient péri, mit le feu au palais, s'enfonça d'un bras vigoureux son épée tout entière dans le corps, et tomba près de ceux de sa famille...»
De Massada à Varsovie, le mythe à l'épreuve
Le souvenir de Massada a ressurgi avec brutalité en avril-mai 1943, lorsque les derniers juifs du ghetto de Varsovie se sont soulevés contre les SS allemands dans une tentative héroïque et désespérée. Ce fut pratiquement, contre les nazis, le seul acte de résistance armée au génocide des Juifs.
Le mythe de Massada a toutefois été mis à l'épreuve par les fouilles menées de 1963 à1965 par le général et archéologue Ygael Yadin, ainsi que le rappelle Le monde de la Bible (n°180, novembre-décembre 2007).
Si la rampe de terre construite par les Romains est avérée, de même que l'incendie des installations, rien ne vient démontrer la réalité du suicide collectif. Celui-ci relèverait sans doute d'une exagération épique propre à l'historien.
Deuxième guerre juive
En Judée même, le sentiment national n'est pas mort avec la prise de Massada.
Deux générations plus tard, l'empereur Hadrien est lui-même effrayé par la vigueur du particularisme juif. Il décide de le combattre par une campagne d'hellénisation : la circoncision est prohibée, Jérusalem rebaptisée «Colonia Ælia Capitolina» et un temple dédié à Jupiter Capitolinus est édifié sur les ruines du précédent. La Judée elle-même perd son nom. Elle est intégrée à la province de Palestine, ainsi nommée en souvenir des anciens habitants du littoral, les Philistins.
Mais un jeune exalté du nom de Bar Kochba («Fils de l'étoile») prend la tête d'une nouvelle révolte et s'empare de Jérusalem. Il malmène la légion égyptienne XXII Deiotariana chargée de faire régner l'ordre.
Hadrien se rend sur les lieux et appelle la Xe légion bretonne, sous le commandement du général Gaius Julius Severus, pour mater la rébellion. La campagne militaire va durer trois ans, de 133 à 135, et entraîner la mort de plusieurs centaines de milliers de Juifs. À son terme, la Judée sera durablement ruinée et les Juifs auront, qui plus est, l'interdiction de se réinstaller dans la ville de Colonia Ælia Capitolina, l'ancienne Jérusalem.
Joseph Savès. http://www.herodote.net

lundi 29 avril 2013

Barrès réhabilité, par Bastien Vallorgues

Longtemps principale figure de la République des Lettres et modèle de plusieurs générations d’écrivains, Maurice Barrès est aujourd’hui bien oublié tant des institutions que du public. 2012 marquait les cent cinquante ans de sa naissance, le 20 août 1862. Cet événement n’a guère mobilisé les milieux officiels plus inspirés par les symptômes morbides d’une inculture abjecte. Le rattrapage demeure toutefois possible puisque 2013 commémorera la neuvième décennie de sa disparition brutale, le 4 décembre 1923 à 61 ans, à la suite d’une crise cardiaque. belle session de rattrapage pour redécouvrir la vie, l’œuvre et les idées de ce député-académicien.

Paru en 2009, un essai biographique aide grandement à ces retrouvailles. Or son auteur, Jean-Pierre Colin, n’a pas le profil du barrésien habituel. En effet, universitaire lorrain, Colin fut le conseiller ministériel de Jack Lang. Par ailleurs, cet homme de gauche est aussi comédien et dramaturge. On pourrait dès lors craindre que l’ouvrage dénigre Barrès. Il n’en est rien. Jean-Pierre Colin exprime plutôt une réelle empathie pour l’auteur de La colline inspirée. En outre, son livre se lit avec plaisir et aisance.

Homme de lettres, romancier et journaliste, le Lorrain de cœur n’est pas d’un seul bloc au contraire de son vieil ami Charles Maurras. « Barrès aura été toute sa vie d’une certaine façon l’anti-Maurras. » Jean-Pierre Colin qui ne partage nullement les idées maurrassiennes qualifie néanmoins l’éditorialiste de L’Action Française d’« écrivain authentique, pétri d’hellénisme et le félibre a sa place dans le panthéon français. C’est toutefois un homme abrupt dans ses convictions, haineux dans ses inimités, intolérant dans ses idées et fanatique dans son projet ».
Le paradoxe Barrès
« Anti-Maurras », Barrès l’est assurément, car, par sa célébration de la terre et des morts, il incarne le dernier des romantiques français. Il voulut donner une politique à ce courant, répondant ainsi au primat de la langue d’Herder. Député boulangiste de Nancy de 1889 à 1893, il participe à la rédaction du titre boulangiste La Cocarde à partir du 5 septembre 1894. Il siégera de nouveau à la Chambre en tant qu’élu conservateur des Halles de Paris de 1906 jusqu’à sa mort.

Étonnant élu de Paris qui habite à Neuilly-sur-Seine ! Cet anti-parlementariste sera parmi les doyens de la Chambre des députés et éprouvera un réel attachement à la fonction parlementaire. Lors de certaines de ses interventions, Barrès célèbre le collectivisme. À d’autres moments, il saluera la Commune de 1871 et envisagera d’écrire sur Louise Michel, la « Jeanne d’Arc » communarde. Est-ce si surprenant pour l’inventeur du « socialisme nationaliste » ? Ce contempteur de l’immigration se liera avec une rare intensité charnelle avec la comtesse Anna-Élisabeth de Noailles d’origine roumaine, de dix ans son aînée. cette humanité riche en contradictions fera que « Anatole France, Marcel Proust ou Léon Blum l’auront toujours gardé dans leur estime ». Colin rappelle au contraire que la publication d’Un jardin sur l’Oronte indignera les critiques catholiques pour son immoralisme. Ce livre de 1922, Barrès renoue avec sa jeunesse anarchiste et égotiste de L’Ennemi des Lois (1893).

La liberté d’esprit concerne aussi son traitement de l’affaire Dreyfus. Si « Barrès sera quand même de ceux qui reviendront sur leur aveuglement, […] alors que l’Affaire Dreyfus a perdu de son intensité, il ne retranche rien de ses écrits antérieurs, même les plus incisifs. D’une façon générale, il n’aimera jamais désavouer les positions qui auront été les siennes, à un moment ou à un autre, estimant que sa pensée forme un tout ». Colin n’hésite pas à critiquer sévèrement les analyses, pleines de contresens, de Zeev Sternhell.

Maurice Barrès s’intéresse à la littérature dès 1884 quand il lance une éphémère revue, Les Taches d’Encre. L’édition ensuite de ses premiers romans va lui valoir une notoriété certaine si bien qu’il sera bientôt appelé le « Prince de la Jeunesse » grâce à Paul Adam qui lui offrit en 1889 une pièce à l’effigie de l’empereur Alexandre Sévère sur laquelle était inscrite « Princeps Juventatis ». il y a plusieurs significations à ce geste. Retenons que Barrès n’a jamais fait son âge réel et conserve toujours une allure juvénile. Mais le célèbre Lorrain savait cacher sous une apparence adolescente « un redoutable polémiste ».

Par delà ce talent polémique, Jean-Pierre Colin perçoit dans l’œuvre de Barrès politique la préfiguration des idées gaullistes de la Ve République. Il est le passeur idoine entre le bonapartisme du XIXe siècle et le gaullisme du XXe ! Barrès n’a jamais rencontré Charles de Gaulle, mais ce dernier avait à La Boisserie ses œuvres complètes. Barrès gaulliste n’aurait pas été incongru. Jean-Pierre Colin évoque une uchronie parue naguère dans Le Figaro montrant un Barrès de 78 ans réagissant à l’Occupation. Après une période d’observation et de silence, Barrès qui n’a jamais apprécié Philippe Pétain – il préférait Hubert Lyautey -, dénonce la Collaboration… Irréaliste ? Dès juillet 1940, Philippe Barrès, son fils unique, rejoignit Londres et la France libre. En 1951, il deviendra député de Meurthe-et-Moselle sur une liste du R.P.F., ce qui corrobore une filiation intellectuelle entre le barrésisme et le gaullisme.
Un pré-gaullisme
Dès sa période boulangiste, Barrès fait sien la devise de son champion : « Dissolution – Constituante – Révision ». Il rêve d’un État laïc, du recours fréquent aux referenda, d’un pouvoir exécutif stable et puissant élu au suffrage universel direct. Barrès réclame en outre une France forte, impartiale et décentralisée. La décentralisation est un thème cher pour ce Lorrain qui a aussi des attaches familiales dans le Gévaudan. En arrêtant la centralisation parisienne, il entend « donner à chaque province dont est née la France, la vie qui lui manque du fait d’une excessive centralisation, qu’elle ait été autrefois monarchique ou aujourd’hui républicaine ». Mais il souhaite aller avec le régionalisme. « Chez Barrès, le régionalisme est d’abord un phénomène culturel et c’est dans cette dimension qu’il peut, non pas contredire l’unité française, non pas contrecarrer l’action du pouvoir central, mais au contraire nourrir l’unité politique de la diversité dont elle a été historiquement le produit. » Il doit inciter à l’enracinement, seul véritable fondement du nationalisme qui « est la loi qui domine l’organisation des peuples modernes (La Cocarde, 21 novembre 1894) ». « L’enracinement de Barrès est de nature politique [… car], adepte de la plus grande liberté dans l’écriture, Barrès, nourri du scientisme propre à son siècle, et plus spécialement du darwinisme, a cependant une vision totalement déterministe de la société », ce qui explique que « républicain, le nationalisme de Barrès était tragique ». Inventeur d’une Lorraine idéale, « l’enracinement barrésien, loin d’être une prison, est un effort de l’âme pour se souvenir d’où elle vient, mais l’âme n’est pas un feu follet, elle est incarnée, et l’être humain, souvent ballotté par les événements, parfois définitivement transplanté, mêlera ses anciennes racines à celles qui vont de nouveau pousser, dans un terroir nouveau, son pays d’adoption ». On retrouve le fond romantique de sa pensée. Député, Barrès est parmi les premiers à se soucier du patrimoine culturel et local.

Jean-Pierre Colin éclaire d’autres facettes presque inconnues du Barrès politique. Il le défend face à ses détracteurs sur son rôle de « Rossignol des massacres » pendant la Grande Guerre fratricide européenne. Journaliste et député, Barrès ne peut s’engager du fait de son âge et d’une santé fragilisée par des excès de table et de cigarettes. Destinataire de nombreuses lettres venues tant du front que de l’Arrière, des « Poilus » que de leurs entourages, Barrès se fait le mémorialiste du conflit. Il en rédigera vingt-quatre volumes ! Quand il n’écrit pas des articles qui sont parfois censurés par les autorités militaires parce qu’à la germanophilie culturelle trop prononcée, Barrès s’active auprès de ses collègues : création de la Croix de Guerre, port du casque d’acier, usage du réchaud à alcool dans les tranchées. Il défend mutilés et victimes de guerre face à l’administration, obtient pour les épouses des mobilisés une indemnité journalière et exige le droit de vote des femmes veuves de guerre !

Dès la paix revenue, il s’inquiète des conséquences des traités de 1919 – 1920. Voyageur impénitent en Espagne, en Italie, en Grèce et en Orient, il souhaite le maintien de l’Empire ottoman, promeut une Allemagne fédérale et encourage les sécessions séparatistes de la Rhénanie du Nord, de la Rhur et de la Rhénanie du Sud. Dans ses derniers textes, ce passionné de la vallée rhénane envisage l’éventualité d’une Fédération européenne…

Maurice Barrès. Le Prince oublié trace le portrait original et captivant d’un écrivain qui mérite beaucoup mieux que son image supposé détestable. Jean-Pierre Colin fait bien mieux : il le réhabilite !
Bastien Vallorgues

• Jean-Pierre Colin, Maurice Barrès. Le Prince oublié, Infolio, Gallion (Suisse), 2009, 249 p., 22 €.
Source: Europe Maxima
http://cerclenonconforme.hautetfort.com/

Connaissance élémentaire de la Franc-Maçonnerie

http://www.youtube.com/watch?v=S4muomyWZpA&feature=youtu.be
Conférence de Florian Rouanet donnée le 26 avril 2013 à un cercle restreint, basée sur l'ouvrage du même nom rédigé par Arnaud de Lassus de l'AFS [http://afs.e-catho.com/].

dimanche 28 avril 2013

La conception du pouvoir en France (XVIe-XVIIe)

Le XVIe et le début du XVIIe siècle marquent en France le début d’une mutation de la conception du pouvoir, conception dont la France se fait le laboratoire et qui va gagner toute l’Europe. Le lien entre politique, morale et religion se brise ; la raison d’État, transgression par l’État des règles du droit et de la morale pour sauver l’ordre public, est théorisée et s’impose aux esprits.

Assassinat du duc de Guise par Henri III en 1588 (Hippolyte de la Roche, 1835).
Henri III outrepasse les règles du droit et de la morale au nom de la raison d’Etat.
Jusqu’au XVIe siècle, toute la littérature politique se fait moralisatrice et reste étroitement liée à la religion. C’est précisément parce qu’il brise ce lien que Machiavel (1469-1527), avec Le Prince, fait scandale. L’auteur florentin y étudie les moyens de conservation du pouvoir par le gouvernement et montre que « le prince » ne peut pas s’en tenir aux préceptes moraux s’il veut garder son pouvoir. Les moyens de la politique du bon prince incluent la ruse, la violence, le mensonge ou la crainte.
L’œuvre de Machiavel n’est traduite en français qu’en 1553 et suscite de l’intérêt au sein des milieux de Cour. Mais les œuvres politiques restent très liées à la religion : on s’appuie sur la la Bible pour délimiter les droits et pouvoir du roi. Quand Claude de Seyssel dans sa Grant monarchie de France (1519) promeut ses trois types de conseils royaux (assemblée de notables, conseil ordinaire et conseil secret), il le fait en s’appuyant sur l’entourage du Christ.
I. Les guerres de religion et le parti des Politiques
Cette conception du pouvoir va se trouver malmenée par les guerres de religion. En 1517, Martin Luther affiche ses 95 thèses à Wittenberg. En 1534 en France survient l’affaire des Placards (des affiches sont placardées partout dans le royaume, jusque sur la chambre du roi, avec des propos injurieux pour les catholiques et la personne du roi) qui révèle l’existence d’un réseau organisé de protestants. Les persécutions commencent (livres interdits, bûchers) mais ce n’est que 28 ans plus tard (1562) que débutent les guerres de religion avec le massacre de Wassy par François de Guise.
Michel de L'Hospital Michel de L’Hospital (anonyme).
Dans les années 1560, la montée des tensions religieuses aboutit à la formation d’un groupe de catholiques modérés prônant le compromis avec les protestants. Surnommés les « Politiques », ils ont une certaine idée de la nation et du roi qui leur font faire passer le maintien de la paix et l’unité du royaume avant les questions religieuses. On y trouve le chancelier Michel de L’Hospital, le duc d’Alençon (héritier du trône mort en 1584), l’avocat général au parlement de Toulouse Pierre de Belloy, des juristes comme Guy Coquille et un aristocrate protestant, François de La Noue.
Cette politique est celle menée par la monarchie au début des années 1560. Le chancelier Michel de L’Hospital, conseiller de Catherine de Médicis, considère que le roi, symbole de la nation, doit se placer au-dessus des querelles religieuses. Il explique son point de vue aux parlements assemblés à Saint-Germain en 1562 : si l’unité religieuse du royaume est toujours préférable, dit-il, l’insolence de « ceux de la nouvelle religion » ne permet pas de l’imposer sans faire courir le risque d’une grave guerre civile. D’où une idée très originale dans le contexte de l’époque : la question fondamentale « n’est pas le maintien de la religion mais le maintien de la république ».
Plusieurs livres et libelles sont rédigés pour défendre ce point de vue, dont l’Exhortation aux princes d’Etienne Pasquier (1561). Les Politiques échouent, et leur idée est abandonnée, car la monarchie ne parvient pas à contraindre les catholiques et les protestants au compromis. Mais l’idée que le salut de la France doit passer avant toute autre considération reste.
II. Une nouvelle théorie du pouvoir : Jean Bodin et Juste Lipse (fin XVIe)
Les guerres de religion favorisent l’émergence d’une conception nouvelle du pouvoir, celle d’un pouvoir renforcé et au-dessus des factions.
● Jean Bodin
Six livres de la république - Bodin
En plein cœur des guerres de religion, le théoricien Jean Bodin avait fait paraître les Six livres de la République (1576) qui rencontra un grand succès (le terme de « république » désigne alors dans un sens large toute organisation politique de la société, ne faisant pas référence à une nature du pouvoir). Grand érudit, humaniste, appartenant au parti des Politiques, il a assisté au massacre de la Saint-Barthélémy (1572) et participé activement aux états généraux de Blois (1576) en tant que député du Tiers. Il rejoignit la Ligue plus par prudence que par conviction avant de la quitter vers la fin des guerres de religion.
Développant les thèses des Politiques, Bodin explique que toute société doit être dirigée par un centre unique, lieu de la souveraineté suprême et absolue. Le « prince souverain » commande et ne doit pas être commandé, n’ayant de comptes à rendre qu’à Dieu. L’auteur se livre à une études des « républiques », de l’ancienne Perse à la France moderne, pour étudier leur naissance, développement et déclin. Il y explique l’influence des astres, de certains nombres mystiques, du climat et du contexte géographique (montagnes, déserts, plaines,…) sur la destinée des peuples et des États. Il constate ainsi que les hommes du Nord préfèrent par tempérament les monarchies électives (forme de pouvoir que Bodin n’apprécie guère) tandis que les Suisses sont attachés à un État populaire. La forme de pouvoir la mieux adaptée à la France est en revanche la monarchie héréditaire, régime politique que préfère l’auteur.
Mais ce qui l’intéresse davantage, ce sont les points communs entre ces différents types de régimes politiques. Il démontre ainsi sa théorie : tout État destiné à durer doit être fort, sa souveraineté une et indivisible. Les deux seules limites au pouvoir royal que Bodin pose sont le respect de la loi salique et l’inaliénabilité du domaine royal.
● Justin Lipse
En 1589, Juste Lipse publie à la Haye ses Politicorum sive civilis doctrinae libri sex (Six livres sur la politique ou la doctrine civile) qui sont traduits en français l’année suivante et en 1594, et réédités plus d’une quinzaine de fois. Il y développe une vision très pessimiste du monde, et considère que l’État doit être suffisamment puissant pour empêcher les hommes de se livrer à leurs passions destructrices. Dans le contexte de la reconstruction de l’autorité royale après trois décennies de guerre civile, de pareilles idées rencontrent un grand succès tant auprès du gouvernement que des élites.
L’œuvre de Lipse ne fait que renforcer le diagnostic et les solutions proposées plus d’une décennie auparavant par Jean Bodin. Comment les élites pouvaient-elles rester sourdes à ce discours après que la France ait traversé l’un des plus grands drames de son histoire ?
Ces idées ne font évidemment pas l’unanimité. Ainsi, le jurisconsulte François Hotman publie en 1573 sa Franco-Gallia où il dénonce la tyrannie du roi Charles IX et demande le rétablissement de la tradition « gauloise » du pays. Il y explique qu’avant la conquête romaine, les chefs des tribus gauloises étaient élus et que ce principe avait été maintenu par les Francs qui choisissaient leur monarque par acclamation. Hotman écrit qu’il est nécessaire de rétablir cette coutume pour que les rois ne se conduisent plus « comme tyrans avec une puissance absolue, excessive et infinie ». Ceux qui prônent de telles idées (opposition à un pouvoir de type absolu) se réunissent au XVIe siècle dans le courant monarchomaque.
III. Les années 1630 : le triomphe de la raison d’État
L’expression de « raison d’État » s’étend partout en Europe au début du XVIIe siècle. Antoine de Laval dit qu’elle est devenue « fréquente en la bouche de tout le monde » (Desseins de professions nobles et publiques, 1612). La littérature étatiste fleurit avec Chapelain, Boisrobert, Guez de Balzac, Le Bret ou Jean de Silhon. Ce dernier écrit : « Qu’il [le ministre d’État] tienne pour certain que la plupart des princes n’ont ni haine, ni amitié que par bienséance et qu’il ne prennent point de passion que celle que leur intérêt leur donne. [...] Ces belles passions de ressentiment, de bienfaits et de reconnaissance ne sont que pour les particuliers et le vulgaire. Elles ne naissent guère entre les princes : c’est un trafic et non pas un commerce d’amitié ce qui se pratique parmi eux : les lois de la marchandise entrent bien mieux dans leurs traités que celles de la philosophie : l’intérêt est le seul lien qui les serre, et d’autant que la raison d’État n’apprend pas à bien faire généreusement » (Le Ministre d’Estat, avec la véritable usage de la politique moderne, 1631).
Richelieu Richelieu (Philippe de
Champaigne, 1637 ou 1642).
Les années 1630 voit le triomphe de la raison d’État au sommet du pouvoir. Deux partis s’opposent alors depuis la fin des années 1620 : le parti des « bons catholiques » (avec Marie de Médicis, la reine-mère), ultra-catholique et pro-espagnol, qui rêve d’une croisade unissant toutes les forces de la Chrétienté contre les Ottomans ; et le parti des « bons Français » (avec Richelieu), anti-Habsbourg, très étatiste, centralisateur, héritier du parti des Politiques des années 1560-1570. Ce dernier parti fait passer l’intérêt de la France avant tout autre impératif, même s’il faut pour cela s’allier aux protestants ou aux Ottomans.
Lors de la journée des Dupes (10-11 novembre 1630), Louis XIII est sommé par Marie de Médicis de choisir entre ces deux partis, entre elle et Richelieu. Le roi faisant une réponse dilatoire, les « bons catholiques » pensent avoir gagné. Mais Louis XIII choisit en réalité les « bons Français » et renouvelle sa confiance à Richelieu, son principal ministre. La reine-mère est exilée et les bons catholiques éliminés. Cette journée marque symboliquement le triomphe de la raison d’État.
Si la France mène à l’intérieur du royaume une politique ultra-catholique (Louis XIII revient peu à peu sur les concessions de l’Édit de Nantes et appuie la Réforme tridentine), à l’extérieur, elle n’hésite pas à passer alliance avec les royaumes protestants (alliance de 1631 avec Gustave-Adolphe, roi de Suède, contre les Habsbourg).
Bibliographie :
CORNETTE, Joël (sous la dir. de). La Monarchie. Entre Renaissance et Révolution, 1515-1792. Seuil, 2000.
GRENIER, Jean-Yves. Histoire de la pensée économique et politique de la France d’Ancien Régime. Hachette, 2007.

Le martyre du Cambodge

Le Figaro Magazine - 19/04/2013

Les Khmers rouges ont tué près du quart de leur peuple.

    Le 17 avril 1975, les Khmers rouges entrent dans Phnom Penh. En quarante-huit heures, la ville est vidée de ses habitants, astreints aux travaux forcés. Les massacres commencent aussitôt, visant les intellectuels, les bourgeois, les cadres de l’ancienne société, puis tous les récalcitrants. Quatre ans durant, le pays vit frontières fermées. Sur une population d’environ 8 millions d’habitants, le nombre de victimes oscille entre 1,7 et 2,2 millions de morts : Pol Pot et ses militants fanatisés de l’Angkar (l’organisation révolutionnaire du Cambodge) ont tué près du quart de leurs compatriotes.

     En 1997, le gouvernement cambodgien a sollicité l’aide de l’ONU afin de juger les anciens dirigeants du Kampuchéa démocratique (nom du Cambodge au temps des Khmers rouges) pour les crimes commis entre 1975 et 1979. Depuis 2006, un tribunal international siège à Phnom Penh. Si le dictateur Pol Pot, disparu en 1998, a échappé à la justice, ses adjoints ont été poursuivis pour persécution religieuse, meurtres, torture, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide.

     L’an dernier, Suong Sikoeun a lui aussi témoigné devant le tribunal international. A l’époque des Khmers rouges, il était un adjoint de Ieng Sary, le ministre des Affaires étrangères. Si ses fonctions n’ont pas fait de lui un ­acteur direct du génocide, il en a été le complice, dans la mesure où il a partagé la foi du régime.

     Aujourd’hui, il s’en repent. Dans un livre de mémoires (1) dont la genèse doit beaucoup à Henri Locard, spécialiste du Cambodge contemporain et historien des Khmers rouges, Suong Sikoeun raconte sa formation marxiste, sa fascination pour la Révolution française, ses études à la Sorbonne, son engagement chez les Khmers rouges. L’ouvrage expose de l’intérieur la mécanique effrayante d’un des Etats les plus totalitaires que l’histoire ait connus. « Je me pose en permanence cette question, écrit-il : comment une telle horreur a-t-elle pu se produire ? » Locard publie par ailleurs une excellente synthèse sur les Khmers rouges (2). Deux documents à verser au dossier des crimes du communisme.

 Jean Sévillia http://www.jeansevillia.com  via http://aucoeurdunationalisme.blogspot.fr/
 1) Itinéraire d’un intellectuel khmer rouge, de Suong Sikoeun, préface d’Henri Locard, Cerf.
2) Pourquoi les Khmers rouges, d’Henri Locard, Vendémiaire.

vendredi 26 avril 2013

Créationnisme, cet autre révisionnisme (2/2), par Laurent Glauzy

« La Foi, loin d’être l’éteignoir de la science et de l’esprit, en est la lumière véritable ». Fernand Crombette
Le créationnisme condamne les thèses évolutionnistes de Darwin publiées en 1859 dans De l’origine des espèces par voie de sélection naturelle.
créationnisme

Le Darwinisme et les montages de la science
Philip Stott démontre que les darwinistes sont des scientifiques – faussaires. Son accusation repose sur les hommes de Piltdown, de Nebmska et sur la fameuse Lucy[3]. Il dévoile que Lucy n’est que le résultat d’un assemblage fantaisiste de divers ossements consolidés avec du plâtre. Aux Etats-Unis, d’éminents scientifiques ont révélé ces supercheries. Le Dr A.E. Wilder Smith, titulaire de trois doctorats d’université et le Dr Malcolm Bowden, paléontologiste affirment que l’homme de Piltdown conservé au British Muséum a été réalisé à partir d’un crâne d’homme et d’une mâchoire de singe. A la suite d’un voyage à Java entrepris en 1891, le néerlandais Eugène Dubois réalise un trucage semblable, l’homme de Java. Peu avant sa mort, il avoue sa « fabrication scientifique ». Cette pseudo-découverte, présentée comme le chaînon manquant entre l’homme et le singe, n’est que l’assemblage d’un tibia d’homme avec le crâne fossilisé d’un gibbon géant. Le tout est conservé aux Pays-Bas au Musée d’histoire naturelle de Leyde. La fabrication d’Eugène Dubois était cependant nécessaire pour donner une impulsion aux dogmes de Darwin : lorsqu’il compose son œuvre, le monde scientifique ne dispose pas de squelettes fossilisés démontrant la théorie de l’évolution des espèces et de l’homme.
Dans une lettre du 18 décembre 1860 adressée à Friedrich Engels, Karl Marx évoque le livre de Darwin comme « la base naturelle historique de leurs idéologies »[4]. Faut-il, par ce truchement, appuyer la tradition talmudique selon laquelle le non-Juif (goy) est un animal à apparence humaine et détruire la vision chrétienne scientifique[5]? Le mensonge de l’homme des cavernes s’inscrit dans cette évidence. Au début du XXe siècle, les livres font l’archétype d’un homme vivant nu, velu, primitif et voûté. Très rapidement, le Pr Rudolf Virchow, anthropologiste ayant enseigné à l’Université de Berlin et fondateur de la pathologie cellulaire, rejette ce portrait. En 1872, étudiant les ossements de l’Homo neanderthalensis, il explique qu’il ne s’agit que d’un homme moderne, un Homo sapiens qui a souffert de rachitisme et d’arthrite[6]. Les évolutionnistes taisent le fait que la taille du crâne de l’homme de Neandertal était de 10 à 15 % supérieure à celle de l’homme contemporain[7]. Serions-nous dans le cas d’une évolution à l’envers, une involution ? Le Sacramento Union se rallie à l’évidence : « L’homme de Neandertal n’aurait pas pu être le singe velu que nous avions imaginé »[8].
D’après le préhistorien Jean Clottes qui débuta sa carrière au ministère de la culture comme directeur des antiquités préhistoriques pour la région Midi-Pyrénées, avant de devenir conseiller scientifique pour l’art préhistorique, 5 % des peintures rupestres préhistoriques constituent de véritables chefs-d’œuvre montrant des perspectives de profondeur, de pesanteur ou de légèreté et des mouvements, que même l’homme contemporain serait en mal de reproduire. L’homme des cavernes aurait donc pu être un homme avancé comme nous l’avons exposé à propos des géants. D’ailleurs, Jean Clottes pense qu’il est une erreur d’affirmer que le silex, donnant trop peu d’étincelles[9], ne pouvait pas servir à allumer un feu. L’homme de la préhistoire connaissait alors certainement des moyens plus évolué pour allumer un feu.
Comme les évolutionnistes, les préhistoriens font table rase de ces observations, tout comme sont soigneusement évincées du débat scientifique les explications attribuant aux peintures rupestres et à l’art pariétal une notion surnaturelle et une croyance chamaniste. Cette position est pourtant défendue par des scientifiques comme Fernand Crombette[10], par l’anthropologue sud-africain David Lewis-Williams et par Jean Clottes[11]. Par leur attitude négationniste, les évolutionnistes ôtent toute une grandeur spirituelle à l’homo sapiens sapiens et à ses prédécesseurs. Dans l’édition de 1972, Le Petit Larousse mentionne au mot « préhistoire » et au sujet de l’art pariétal (p. 737) que « ces œuvres sont sans doute les témoins de pratiques magiques qui permettaient de s’assurer un contrôle sur les forces mystérieuses de la nature : la présence fréquente de signes et de figures abstraites à proximité des animaux peut être interprétée comme l’indice d’envoûtements effectués au profit des chasseurs. Mais on a pu considérer, de plus, que chaque caverne ornée constituait une combinaison de signes dont le déchiffrage, très délicat, serait un élément essentiel pour la connaissance de l’homme préhistorique en nous livrant des clés sur les mythes qu’il avait pu élaborer ». L’édition de 1980, ne mentionne plus cette partie de définition essentielle. Tout ceci démontre que la préhistoire n’est qu’une caricature à géométrie variable servant les dogmes débiles de l’athéisme et de l’évolution.
Ces hommes de la préhistoire sont sans doute les contemporains des saintes Ecritures. Et d’aucuns seraient alors bien surpris d’apprendre que la Bible parle de ces hommes qui pratiquent la magie dans les cavernes : « On entrera dans les cavernes des rochers et dans les profondeurs de la poussière, pour éviter la terreur de l’Eternel et l’éclat de sa majesté ».
(Isaïe II, 19)
Les « profondeurs de la poussière » ne symbolisent-elle pas l’obscurantisme et l’idolâtrie conduisant effectivement à la terreur de l’Eternel ?
Une terre et un univers très jeunes ?
Les créationnistes pensent que la terre n’a pas 4,5 milliards d’années. Ils lui donnent un âge compris entre 6 000 et 10 000 ans, comme l’expose la lecture de la Genèse. Par cette datation, complétée par la description du Behemoth, les créationnistes avancent la plausibilité de cas comme celui du Loch Ness. Car si la terre est si jeune, certaines espèces pourraient ne pas être éteintes. Sur le plan scientifique, le Dr Russel Humphreys observe que la désintégration des comètes est trop rapide, l’eau et les sols marins manquent de vase et de sel, l’inclinaison des couches géologiques est trop forte pour que la terre et l’univers aient plusieurs milliards d’années[12]. Dans De mythe van de evolutie, afin de démontrer la relative jeunesse de notre planète, Ph. Stott reprend le témoignage de Neil Amstrong adressé au journaliste Bob Hope. L’astronaute explique qu’avant la mission d’Apollo XIII, les chercheurs de la NASA redoutaient qu’une importante épaisseur de poussière ne recouvre la surface de la lune. Le Dr Harold S. Slusher, géophysicien, établit le calcul suivant. Sachant que sur la lune 14,3 milliards de tonnes de poussières interplanétaire se déposent chaque année, nous obtiendrions alors une épaisseur de 300 à 330 mètres pour 4,5 milliards d’années. Or, l’épaisseur de la poussière sur l’astre est de 3 à 7 centimètres : la lune aurait alors environ dix mille ans. Cette évaluation est d’autant plus pertinente que les créationnistes et les évolutionnistes pensent de manière unanime que la lune et la terre ont le même âge.
L’observation du soleil est également très révélatrice. Son diamètre diminue de 1,5 mètre par heure. A cette vitesse, il y a vingt millions d’années, sa surface aurait touché celle de la terre. Le Dr Melvin A. Cook, physicien-chimiste et déjà nominé pour le prix Nobel, arrive aux mêmes statistiques grâce à l’étude du taux d’hélium contenu dans l’atmosphère. Si la terre avait 4,5 milliards d’années, son atmosphère serait saturée en hélium. C’est loin d’être le cas !
Stalactites et stalagmites[13]
Dans le Yorkshire, à Knaresborough, une cascade surnommée Petrifying Well défie toutes les certitudes des scientifiques évolutionnistes[14]. Après une immersion de trois à cinq mois, il a été observé la pétrification de divers objets comme un parapluie, un ours en peluche ou un chapeau. Le Dr Monty White, chimiste et biologiste s’est rendu sur place : « J’observais un incroyable spectacle géologique ».
Depuis 1630, cette cascade constitue une attraction pour les touristes. L’eau de source y est particulièrement riche en minéraux. Le dépos est composé de carbonate de calcium et d’une grande quantité d’autres minéraux. La durée de pétrification dépend de la taille et de la porosité de l’objet immergé. Les plus connus qui ont été entièrement transformés par ce processus dans le Petrifying Well sont un chapeau de l’époque Victorienne et un bonnet qui furent plongés dans la cascade en 1853.
Cette expérience démontre que le processus de formation des stalactites et des stalagmites trouvent son explication dans la composition de l’eau riche en minéraux comme celle de Petrifying Well. Sous le mémorial Lincoln à Washington, des stalactites ont grandi de cinq pieds (environ 1,50 mètre) en moins de cinquante ans[15]. Des grottes ouvertes aux Etats-Unis et en Australie depuis l’époque de la ruée vers l’or montrent aussi des stalactites et des stalagmites ayant atteint d’importantes tailles en seulement cent cinquante années. Certaines d’entre elles sont de véritables merveilles n’ayant pas eu besoin de millions d’années pour se former. Selon la Genèse, le Déluge recouvrit la terre d’eau il y a environ 4 200 ans. A la fin du ce cataclysme planétaire, la boue qui était en suspension dans l’eau s’est déposée au fond. Ensuite l’eau s’est engouffrée dans les fosses océaniques qui venaient de s’affaisser. Après le Déluge, les sédiments se sont asséchés et durcis. A différents endroits, des cavités se sont formées dans le calcaire. Ensuite, l’eau de pluie, qui est légèrement acide, a traversé le calcaire en dissolvant celui-ci. Les gouttes l’ont déposé au plafond des grottes, en formant les stalactites. Enfin, des stalagmites se sont formées sur le sol des grottes et ont parfois rencontré des stalactites, formant ainsi des colonnes. Ce ne sont pas des millions d’années qu’il faut pour la formation des stalactites, mais des millions de gouttes d’eau !
La génération spontanée
Concernant la création de la cellule, l’argumentation évolutionniste repose sur une terre âgée de 4,5 milliards d’années et un univers de 10 milliards d’années. Cette théorie permet sans doute d’enfouir l’origine de l’homme, fruit supposé de la génération spontanée dans l’incommensurabilité des longues périodicités. Pourtant, la génération spontanée est facilement démentie en 1668 par l’Italien Francesco Redi. A l’aide de morceaux de viande mis sous cloche, il démontre que des asticots ne naissent pas spontanément de la viande avariée, mais proviennent des œufs pondus par des mouches. Pasteur abondera dans ce sens en affirmant que les êtres vivants ne peuvent pas être engendrés par de la matière stérile. C’est la loi de la biogenèse.
Les moyens de datation comme le carbone-1416 laissant accroire à des âges aussi précis que lointains, sont très contestés. Ph. Stott relate une expérience de datation conduite en 1967 sur de la lave provenant de l’éruption du volcan Hualaleï à Hawaï survenue en 1801. Les résultats sont consternants. Aucun n’approche une estimation de cent soixante six ans. Le potassium-argon fournit un intervalle de soixante à cent soixante millions d’années, et le second, à partir de l’uranium, estime l’âge de la lave à trois milliards d’années.
Contrairement aux créationnistes, les évolutionnistes ont droit à beaucoup d’égards. Les dynasties les plus influentes comme les Rockefeller et Carnegie, recensées dans Les 13 lignées sataniques de Robin de Ruiter, étaient parmi celles qui ont concédé des supports financiers au développement du Darwinisme aux Etats-Unis ».
3 Philip Stott, De mythe van de evolutie (Le mythe de l’évolution), Christian Press, 1993.
4 Marx and Engels Letters, vol. II, p. 456.
5 Dans Jewish Supremacism (2003), David Duke retranscrit dans le chapitre The Talmud : A jewish-Supremacist Doctrine, plusieurs passages mentionnant la haine du Talmud envers le goy. Baba Mezia 114a-114b : « Seulement les juifs sont des humains. Les Gentils sont des animaux ».
6 Unlocking the Mysteries of Creation, p. 135.
7 Idem.
8 Journal californien le Sacramento Union du 16/9/81 dans l’article intitulé : Neanderthal Man.
9 Disque compact La Préhistoire en Ariège, en long, en large et en travers, 2005.
10 Cf. : F. Crombette, Synthèse préhistorique et esquisse assyriologique.
11 Dans Les Chamans et la préhistoire (1996), ces deux spécialistes expliquent que seuls les chamans osaient s’aventurer au fond des grottes. Ils se mettaient en transe pour se livrer à des rites magiques et passer d’un monde à l’autre.
12 Science et Foi n°65 du 3trimestre 2002.
13 Extrait de l’article intitulé Ce chapeau de pierre qui ridiculise les évolutionnistes (Libre journal de la France Courtoise n°356 du 21/07/05).
14 Creation n°24 (juin 2002).
15 Unlocking the Mysteries of Creation, p.53 et Dr Moris dans Scientific Creationism, p. 156

Créationnisme, cet autre révisionnisme (1/2), par Laurent Glauzy


« La Foi, loin d’être l’éteignoir de la science et de l’esprit, en est la lumière véritable ». Fernand Crombette
Le créationnisme condamne les thèses évolutionnistes de Darwin publiées en 1859 dans De l’origine des espèces par voie de sélection naturelle.
créationnisme
Les observations des créationnistes dans les domaines de la géologie, de l’astronomie, prouveraient que la création de la terre est indissociable des plans de Dieu. Ainsi, pour certains d’entre eux, la terre serait le centre de notre système solaire, tandis que les autres planètes, comme Jupiter, Mars, graviteraient autour d’un point proche du soleil. C’est le schéma géocentriste. Les géocentristes pensent que la thèse officielle de l’héliocentrisme (le soleil centre du système solaire), tout comme celle de la relativité d’Einstein, ne sont pas fondées.
Le géocentrisme et la religion
Sous le titre « Saint Thomas d’Aquin était géocentriste », le bulletin n° 5 de juin 2001 Aux Amis du Christ Roi de France, avance : « On peut raisonnablement se demander si Galilée était cabaliste et s’il a pris dans le Zohar l’idée de ses recherches. (…) Le débat du géocentrisme et de l’héliocentrisme est essentiel car nous sommes au cœur du différend entre les fidèles de Jésus-Christ et ses ennemis. De ces deux théories naissent deux systèmes philosophique et religieux contradictoires, comme l’a bien démontré le Père Meinvielle dans De la Cabale au progressisme. Le géocentrisme a été longtemps celui de la civilisation chrétienne. L’héliocentrisme est un enseignement issu de la Cabale ».
A cet effet, David Drach (dit le Chevalier Drach), rabbin converti au catholicisme au cours du XIXe siècle, affirme dans « De l’harmonie entre l’Eglise et la Synagogue » que la sainte Cabale des grands prêtres hébreux enseignait le double mouvement (annuel et diurne) de la terre. Etienne Couvert affirme : « C’est bien un culte solaire que Copernic et Galilée pratiquaient. Ce fut à la lumière de ces textes que les juges du saint-Office ont condamné Galilée »1.
Le géocentrisme et la science
Le CESHE mentionne dans « Galilée avait-il tort ou raison ? » que « les expériences de Michelson (premier prix Nobel scientifique amé -ricain) faites en 1887 et en 1924, prouvent définitivement que la terre est quasiment fixe par rapport à l’éther dans son mouvement annuel et ne tourne donc pas autour du soleil ». Le géocentrisme est également défendu par Yves Nourrissat, l’autrichien Helmut Posch dans Das wahre Weltbild nach Hildegard von Bingen (La vraie conception du monde selon Hildegard von Bingen) (1998), l’astronome protestant danois Tycho Brahe dont Kepler est l’élève et aussi Fernand Crombette. A l’époque de la Grèce antique, Aristote considère l’univers comme géocentrique. Tous ces noms montrent que l’héliocentrisme n’est pas une évidence partagée par tous les grands scientifiques. Il peut être sujet à contestation.
Le Loch Ness, explication biblique ?
Le créationnisme comprend la cryptozoologie qui est l’étude d’animaux inconnus et non répertoriés par la science. Sous le nom de « Behemoth », le Livre de Job (XXXX, 10) produit la description d’un monstre laissant penser à un dinosaure. C’est une des raisons pour lesquelles, les antidarwinistes soutiennent en outre la plausibilité du monstre du Loch Ness. Tous ne soutiennent pas que Nessie nage dans les profondeurs du loch écossais, mais que son existence peut trouver moult arguments, surtout depuis que des apparitions semblables auraient été constatées dans les lacs d’Italie du Nord, au lac Champlain (entre le Québec et les Etats-Unis), au lac Titicaca ou encore en Norvège.
La revue Leviathan étudie ce dernier cas : « Une équipe de scientifiques qui était sur les traces du Loch Ness, a récemment rejoint les rives du Fjord de Roemsjoen. Des témoins affirment avoir aperçu un monstre semblable à celui du Loch Ness. Les récits de ce genre ne sont pas rares dans ce coin de Norvège. Les premiers remontent au XVIIIe siècle. Cette nouvelle a même été diffusée par la BBC et The Sunday Herald du 12 juillet 2002. Il y a quelques années, de tels témoignages avaient conduit plusieurs expéditions scientifiques au Congo, dans la forêt équatoriale de Mokele Mbembe. Pour les créationnistes, ces monstres ne seraient rien d’autres que les survivants des derniers dinosaures, des rescapés du Déluge »2.
Des œuvres d’art représentent des dragons. Ce sont des mosaïques romaines, un sceau minoen datant de 1 600 ans av. J.-Ch. Le folklore sioux fait état d’un oiseau géant abattu par la foudre. Des dessins dans les grottes du grand canyon et les drakkars des Vikings reproduisent ces drôles d’animaux. Toutes les cultures anciennes les mentionnent. S’agit-il de simples légendes ? Y a t-il vraiment 70 millions d’années que les dinosaures ont disparu ?
D’anciens livres comme Historia Animalium au XVe siècle enseignent que ces créatures préhistoriques existent mais sont extrêmement rares. Au XVIe siècle siècle, le naturaliste Ulysses Aldrovandus évoque l’histoire d’un berger appelé Battista qui aurait tué en 1572 un grand lézard ressemblant à un Tanystropheus près de Bologne. En 1977, au Japon, un bateau de pêche a pris dans ses filets une énorme carcasse ressemblant à celle d’un Plésiosaure (dinosaure marin comme le Loch Ness). Dans les années 1980, assisté par une équipe de géologues, le Dr Clifford Wilson témoigne avoir trouvé au Mexique et au Texas des empreintes de dinosaures et d’hommes datant d’une époque « récente » sur des plaques de craie. Dans After the flood, Bill Cooper consacre deux chapitres répertoriant quatre-vingt-un lieux de Grande-Bretagne où l’homme et les dinosaures se seraient « côtoyés ». Il relate le cas d’un reptile énorme qui aurait vécu dans le Suffolk en 1405 : « A côté de la ville de Bures, à Sudbury, est apparu un genre de dragon qui provoqua une grande panique parmi les villageois. C’était une bête qui avait un corps énorme, une Crète au-dessus de la tête, des dents pointues et une énorme queue ». Un autre paragraphe mentionne un témoignage concernant des empreintes de reptiles volants trouvées au Pays de Galles à la fin du XIXe siècle dans les bois bordant le château de Penlin. Ces récits rappellent étrangement ceux de l’aigle de Haast éteint au XVe siècle en Nouvelle-Zélande abordé en introduction du présent livre.
Concernant Nessie, le plésiosaure du Loch Ness, B. Cooper développe que l’Ecosse compte plusieurs lochs où d’autres monstres auraient été aperçus. Le Loch Monar où depuis la Seconde Guerre mondiale, plus de quarante témoignages ont été enregistrés. Les défenseurs du Loch Ness affirment que certaines photographies ont déjà été reconnues comme exactes par le corps scientifique, avant d’être officiellement considérées comme fausses. Par exemple, publiées dans le Spiegel du 30 juillet 1979, les photographies de Frank Searle sont à présent controversées. Pour avoir soutenu la théorie de l’existence du monstre du Loch Ness, certaines personnes ont perdu leur profession. Dans les années cinquante, Gordon Atwater doit partir du Hayden Planetarium et le zoologiste Denys Tucker est contraint de quitter le peu respectable British Museum. Dans The Enigma of Loch Ness (1991), le Pr Henry Bauer note l’importance et le sérieux de tels sujets.
1 Etienne Couvert, La gnose contre la foi, Editions de Chiré, 1989.
2 Leviathan n° 26 de janvier 2003 dans l’article Op zoek naar Nessie in Noorwegen (A la recherche de Nessie en Norvège).