dimanche 31 mai 2020

La grande transformation

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Ci-dessus : travaux des champs et de la forge, bois gravés du XVe siècle.

À en croire ses partisans, l'économie de marché serait aussi naturelle qu'universelle. Elle aurait existé de tous temps, depuis le troc du bon sauvage jusqu'au raids boursiers des traders. Les travaux de l'économiste Karl Polanyi ont montré l'inanité de cette croyance et la grande diversité des systèmes économiques dans l'histoire.

Selon la vision libérale de l'histoire économique qui fait aujourd'hui office de doxa, le marché représenterait une forme naturelle et universelle de l'échange économique.

La naturalisé du marché repose sur une conviction d'ordre anthropologique : tout individu serait porté à rechercher son meilleur intérêt. L'échange intéressé de biens ou de services est dès lors conçu comme un attribut de la rationalité, une qualité consubstantieile à tout individu « normal », donc à toute société humaine. L'économie, au sens formel, se définit selon cette perspective comme le choix rationnel parmi des moyens rares en vue de satisfaire une fin. Le marché est alors interprété comme un mécanisme auto-émergent qui permet, dans son état idéal, à tous les individus de confronter leurs demandes et leurs offres. Ce mécanisme est supposé « neutre », puisqu'il se contenterait de régenter l'allocation optimale des moyens sans se prononcer sur les fins.

L'universalité du marché se déduit de la première proposition et conduit à une lecture linéaire de l'histoire économique. Le troc serait la forme primitive de la circulation des biens, dont la valeur résulte de la confrontation de l'offre et de la demande. Toutes les sociétés à toutes les époques auraient pratiqué ce type échange intéressé, avant comme après l'invention de la monnaie (marchandise fictive ou équivalent de valeur). L'émergence du capitalisme moderne devrait s'analyser comme l'aboutissement spontané de l'évolution des sociétés, marquée ces derniers siècles par l'accroissement démographique, par l'amélioration des moyens de transports, par la multiplication des modes de communications entre les individus et les sociétés. Dans cette hypothèse, le marché mondial connecte aujourd'hui des marchés nationaux qui avaient hier rassemblé des marchés locaux représentant eux-mêmes des formes améliorées du troc primitif. Pour l'idéologie dominante, le marché sans frontières a ainsi supplanté la société sans classes comme « sens de l'histoire ». Il a vocation à devenir le régime économique unique de la planète, tout comme les droits de l'homme sont censés coïncider avec la morale commune de l'humanité.

De la main invisible au choix rationnel, deux siècles de fiction libérale

Depuis Adam Smith jusqu'à Gary Becker en passant par Ricardo, Walras ou Friedman, les théoriciens libéraux ont en commun d'interpréter la réalité des faits économiques à partir d'une fiction désignant l'état idéal ou le sens caché des échanges la main invisible, l'équilibre parfait du marché autorégulateur, l'hypothèse du commissaire priseur, la rationalité transparente des choix individuels, etc. Cette analyse présente deux vices majeurs dans sa construction. Elle est d'abord autoréférentielle, dans la mesure où elle introduit en préalable de la démonstration ce qu'elle est censée en déduire. Elle est ensuite discrètement normative, puisqu'en prétendant analyser la société telle qu'elle est, elle émet en réalité des jugements sur ce qu'elle devrait être (par rapport à une norme de comportement arbitrairement sélectionnée).

Les travaux de l'économiste d'origine juive hongroise Karl Polanyi (1886-1964) ont infirmé cette interprétation caricaturale. Son ouvrage le plus célèbre, La grande transformation (1944), a suscité une véritable refondation de l'histoire et de l'anthropologie économiques, obligeant les chercheurs à se défaire des cadres de pensée confortables qu'avait produits le progressisme libéral ou marxiste du XIXe siècle.

Karl Polanyi a fait le choix inverse de celui des théoriciens libéraux plutôt que d'échafauder une théorie abstraite du comportement économique, il part de l'état réel des sociétés passées ou présentes, tel que nous le décrivent l'histoire, l'ethnologie ou la sociologie. À l'économie formelle des libéraux, cette démarche empirique oppose l'« économie substantive », c'est-à-dire le « procès institutionnalisé d'interaction entre l'homme et son environnement qui se traduit par la fourniture continue de moyens matériels permettant la satisfaction des besoins ». Soit une problématique à portée générale : comment les hommes ont-ils concrètement procédé pour produire, pour consommer et, surtout, pour faire circuler des biens et des services ?

L'histoire nous enseigne que la réponse à cette question fut autrement plus complexe que ne le prétend la fable libérale. Ainsi, dans les sociétés dites primitives de Mélanésie ou d'Amérique du Nord, le principal mode de circulation des biens est le don assorti au contre-don, la « triple obligation de donner, de recevoir et de rendre » abondamment décrite par l'ethnologue Marcel Mauss et ses disciples. Le troc existe certes, mais il représente une faible part des échanges, car il est volontairement tenu aux marges de la société, tant en ce qui concerne les biens troqués (soumis à un statut spécifique) que les personnes participant à l'acte (en général des étrangers, dans la mesure où l'échange intéressé est assimilé à la guerre).

L'analyse de l'économie de la Mésopotamie à l'âge antique, effectuée à partir de témoignages historiques et archéologiques, montre quant à elle que les Babyloniens pratiquaient un « commerce sans marché » (« trade without market »). Il existait bel et bien des centres de production et de circulation (karoûm) de l'étoffe, de l'argent, de l'étain, du cuivre, du plomb et de diverses épices, de même que l'or servait de moyen de paiement à certaines transactions. Pour autant, les commerçants mésopotamiens n'étaient pas des marchands au sens actuel du mot. À cette époque, le marché n'est nullement le mécanisme créateur des prix des biens, qui sont fixés par des règlements publics. La vente à crédit est interdite, et toute transaction ou obligation envers des tiers doit être enregistrée auprès d'une autorité administrative. Il s'agit donc d'un commerce sans risque, à gains faibles (quoique proportionnés à l'activité du commerçant, qui ne semble pas limitée) et à pertes à peu près nulles (l'endettement est presque rendu impossible par la réglementation).

Réciprocité, redistribution et échange

Si l'on se projette maintenant dans l'Europe des XVIe et XVIIe siècles, au sortir de la féodalité, on ne trouve pas plus de trace d'un ordre économique fondé sur l'échange marchand. Les grandes foires commerciales et les innombrables marchés locaux ne correspondent pas à l'acception moderne du marché : les transactions qui s'y opèrent n'aboutissent ni à la création de prix stables indexés sur l'offre ou la demande (le prix d'une matière première comme le sel varie ainsi du simple au triple d'un marché l'autre) ni à l'affection globale des ressources. Le commerce à grande distance, qui se développe au long de la route des Indes ou dans le sillage des découvertes portugaises et espagnoles, concerne surtout des biens de luxe destinés à la dépense de prestige de la noblesse ou des grandes bourgeoisies urbaines. Il obéit au goût de l'aventure plus qu'à l'esprit de lucre : les investissements nécessaires à sa mise en œuvre ne sont presque jamais calculés en fonction des bénéfices escomptés. Le travail artisanal est quant à lui encadré par des corporations, guildes, compagnonnages et confréries : leurs règles d'organisation et de production sont indépendantes des critères marchands. La terre enfin, source des revenus fonciers, symbole de la puissance politique et rétribution du statut social, échappe pour l'essentiel à l'appropriation privative fondée sur l'équivalence monétaire.

À travers ces exemples et bien d'autres, Karl Polanyi dégage trois modes principaux de circulation des biens dans les sociétés prémodernes : la réciprocité, la redistribution et l'échange. La réciprocité concerne les groupes humains de petites dimensions et obéit au principe de symétrie à l'œuvre dans le don et contre-don. On la retrouve bien sûr dans les sociétés « primitives » d'Amérique, d'Asie ou d'Océanie, mais aussi dans la plupart des communautés locales autarciques qui forment l'essentiel de la masse démographique des sociétés traditionnelles (européennes comprises). La redistribution a lieu lorsqu'un pouvoir public capte tout ou partie de la production afin de la répartir ensuite à ses sujets, selon des critères généralement non économiques. Elle s'organise toujours à partir d'un centre, et on la retrouve là où s'instaurent des pouvoirs assez puissants pour entretenir la bureaucratie permettant sa mise en œuvre (Chine, Rome, empire inca, etc.). L'échange, troisième modalité de l'économie substantive, peut prendre la forme du commerce (trade) ou du marché concurrentiel (market). Les commerces locaux et internationaux (au long cours) n'obéissent que rarement aux principes de concurrence et d'équivalence qui régentent le marché.

Les marchés locaux ne préfigurent en rien le grand marché autorégulateur

« Jusqu'à notre époque, en conclut Karl Polanyi, les marchés n'ont jamais été que des éléments secondaires de la vie économique. En général, le système économique était encastré (embedded) dans le système social et, quel que fût le principe de comportement qui dominait l'économie, il ne paraissait pas compatible avec la présence du modèle de marché. Le principe de troc ou de l'échange, qui est sous-jacent à ce modèle, ne présentait aucune tendance à s'étendre aux dépens du reste. Là où les marchés étaient le plus fortement développés, comme c'était le cas dans le système mercantile, ils prospéraient sous la direction d'une administration centralisée qui favorisait l'autarcie dans les ménages paysans comme dans la vie nationale. Le marché autorégulateur était inconnu : l'apparition de l'idée d'autorégulation représenta en vérité un renversement complet de tendance ». En d'autres termes, « le laissez-faire n'avait rien de naturel ; les marchés libres n'auraient jamais pu voir le jour si on avait laissé simplement les choses à elles-mêmes ».

Ce « renversement » aboutissant à la suprématie du « credo libéral » eut deux sources. La première concerne les mentalités, la seconde les institutions. L'instauration du marché autorégulateur comme modèle d'organisation économique (et social) a été à la fois préparée par une mutation de valeurs et organisée par des volontés politiques.

Dans ce processus historique, Marx a eu raison d'incriminer la classe bourgeoise - mais il eut le double tort d'y voir un progrès et d'en faire rétroactivement une loi universelle « scientifique ». La bourgeoisie européenne fut bel et bien, entre le XVIIe et le XIXe siècles, le principal agent idéologique de propagation du capitalisme, c'est-à-dire de « marchandisation du monde » (Immanuel Wallerstein). Deux raisons à ce phénomène : d'une part, du point de vue anthropologique, l’homo œconomicus, l'homme guidé par ses intérêts plutôt que par ses passions, correspondait au type humain dominant de la classe bourgeoise, dont le statut social sous l'Ancien Régime était nécessairement proportionné à l'accumulation de travail et de capital (donc à une certaine mentalité) d'autre part, du point de vue sociopolitique, la création des marchés intérieurs concurrentiels sous l'influence du mercantilisme, puis l'ère des révolutions contre la féodalité et l'absolutisme (1688, 1776, 1789, 1848, etc.), coïncidèrent avec l'arrivée au pouvoir de cette nouvelle classe.

Toute classe dominante tend à faire prévaloir les lois qui la renforcent : la bourgeoisie organisa donc à son tour le règne de ses membres et la consécration de ses valeurs montantes. Cette évolution a été décrite de manière convergente par d'innombrables auteurs, de Marx à Nietzsche, de Weber à Tônnies, de Proudhon à Sombart et de Tocqueville à Guenon. Pour divergentes que soient leurs interprétations, ces auteurs en reviennent aux mêmes constats de fait. Au sang succédait l'or. Au rang, le mérite. À la hiérarchie par la naissance, l'égalité par l'effort. À l'oisiveté nobiliaire et populaire, le travail de la classe moyenne. Au règne des passions dangereuses, celui de l'intérêt calculateur. À la richesse comme attribut de la puissance, la richesse comme condition de la puissance.

Ces mutations ne correspondirent en rien à un mouvement spontané de l'histoire. L'idéologie libérale a institué le marché en détruisant au préalable tout ce qui, dans la société, freinait l'extension de la marchandise, c'est-à-dire de l'équivalence et de la concurrence généralisées. Karl Polanyi place symboliquement en 1834 l'émergence du marché au sens moderne. À cette date, alors que les terres communales sont privatisées les unes après les autres (système des enclosures), la « loi sur les pauvres » abrogea l'acte de Speenhamiand, privant les Anglais démunis du système de rente d'État dont ils bénéficiaient depuis 1795 et les obligeant à vendre leur force de travail aux industries manufacturières en pleine expansion. Symbole pour symbole, et quitte à froisser nos dernières susceptibilités républicaines, on pourrait tout aussi bien choisir 1789 comme date de naissance du capitalisme moderne : l'abolition des corporations et l'interdiction des associations ouvrières plaçaient alors le travailleur français dans la même impuissance face aux détenteurs du capital.

Cette mutation des sociétés occidentales a été portée par un sentiment de liberté parce que, comme le souligne Karl Polanyi, elle révélait « l'existence d'une société qui n'est pas soumise aux lois de l'État, mais qui, au contraire, soumet l'État à ses propres lois ». Louis Dumont, préfacier de la traduction française de La grande transformation, avait pour sa part relevé combien l'idéologie économique fut liée à l'imaginaire de l'émancipation propre à la modernité en s'autonomisant par rapport à la religion, à la morale et à la politique, en se dotant de « lois » propres prétendument indépendantes de tout état social, l'économie portait en elle la triple promesse de la concorde universelle (le doux commerce plutôt que la guerre), de la liberté individuelle (la réalisation de soi par le travail) et de l'égalité formelle (la reconnaissance par le mérite). Pour échapper à ce que l'idéologie bourgeoise décriait comme arbitraire ou autoritaire, les transactions économiques devaient s'arracher aux autres rapports sociaux et ceux-ci devaient à leur tour se reconstruire selon le nouveau modèle de la marchandise, donnant à chaque individu la certitude de pouvoir monnayer sa valeur et gagner son statut.

L'économie de marché réclame toujours une société de marché

Mais cette émancipation ne fut que provisoire, sinon illusoire. Agent de contestation du pouvoir absolutiste qui l'avait fait naître à l'âge du mercantilisme, le « marché auto-organisateur » entendait en fait soumettre à ses propres lois la société qu'il prétendait libérer. « Une économie de marché, souligne Karl Polanyi, ne peut fonctionner sans une société de marché [...] Le point fondamental est le suivant : le travail, la terre et l'argent sont des éléments essentiels de l'industrie, ils doivent eux aussi être organisés en marchés [...] Aucun de ces trois éléments - travail, terre, monnaie - n'est produit pur de la vente; lorsqu'on les décrit comme des marchandises, c'est entièrement fictif. C'est néanmoins à l'aide de cette fiction que s'organisent dans la réalité les marchés du travail, de la terre et de la monnaie ceux-ci sont réellement achetés et vendus sur le marché leur demande et leur offre sont des grandeurs réelles et toute mesure, toute politique qui empêcherait la formation de ces marchés mettrait ipso facto en danger l'autorégulation du système. La fiction de la marchandise fournit par conséquent un principe d'organisation d'importance vitale, qui concerne l'ensemble de la société, et qui affecte presque toutes ses institutions de la manière la plus variée; ce principe veut que l'on interdise toute disposition ou tout comportement qui pourrait empêcher le fonctionnement effectif du mécanisme du marché selon la fiction de la marchandise ».

La « grande transformation » dont parlait Karl Polanyi ne désignait pas cette instauration du marché autoorganisateur lors de la « paix de cent ans » (1815-1914), mais son écroulement dans les années vingt et trente sous le choc de ses contradictions internes (instabilité monétaire, crise de 1929) et sous la pression conséquente de politiques volontaristes visant à remédier de manière autoritaire au désordre économie et à l'anomie sociale qui en résultait. Un demi-siècle plus tard, la situation a changé. L'échec avéré des totalitarismes, l'avènement de la troisième révolution industrielle, la transformation de l'épargne, du crédit et du capital en marchandises fictives, la domination politique des États-Unis d'Amérique ont redonné vigueur à l'utopie du marché auto-organisateur. On dit que l'histoire ne ressert jamais les mêmes plats. Cependant, les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets, et cela en raison des « caractères immuables du genre humain » (Polanyi). Dans l'abstrait, le marché est sans doute un mécanisme efficace (mais non optimal) de régulation des comportements économiques intéressés de l'individu. Mais il se trouve que l'individu ne se réduit pas à de tels comportements, y compris lorsqu'il participe à la vie économique. Le mardi 29 octobre 1929 au matin, il était bien sûr aberrant de vendre à Wall Street ses paquets d'action pour quelques dollars. Mais tout le monde l'a fait. S'il est une leçon à retenir de deux siècles d'expérience capitaliste, c'est que l'économie marchande ne tend pas vers l'équilibre parfait, mais vers le déséquilibre fatal, ce moment où la somme des rationalités individuelles se transforme en folie collective et où les autres penchants de la nature humaine, trop longtemps comprimés, reprennent brutalement le dessus. Au terme d'une instabilité permanente ayant finalement provoqué une grave crise internationale, le premier grand marché auto-organisateur de l'histoire a abouti à l'État administrateur-régulateur (keynésien ou myrdalien) et à l'État totalitaire (nazi ou communiste). Le second, qui se met en place aujourd'hui, sécrétera à son tour des corrections socio-historiques. L'État national occupera sans doute une moindre place dans ce phénomène d'apprivoisement du marché, dont les lignes de force commencent à se dessiner : priorité au local sur le global, restauration des liens de proximité, nouvelle division du travail entre tâches requises par la puissance, tâches motivées par la reconnaissance et tâches nécessaires à la subsistance, auto-organisation des « exclus » en communautés alternatives articulées autour de l'échange non marchand, réappropriations « sauvages » des nouvelles technologies de l'information et de la communication, émergence à l'échelle continentale ou planétaire de normes en matière environnementale, sociale ou bio-éthique, conflits entre puissances mondiales dont la nature économique (captation des ressources rares, recherches de nouvelles zones d'investissement et d'exportation) deviendra politique, voire militaire. Bref- une autre « grande transformation », dont la nature dépendra de notre lucidité et de notre volonté.

Charles Champetier éléments N°98 mai 2000

Otages dans l'Antiquité

samedi 30 mai 2020

Trois plumes féminines au Siècle des Lumières.

Baguette & Musette - Déconstruire les mensonges sur le Moyen Âge.

3655806653.26.jpgEn contact avec le groupe Baguette et Musette, voici les liens de leur page FB et de leur chaîne YouTube :

https://www.facebook.com/Baguette-Musette-100306598290197/

https://www.youtube.com/channel/UCD0D7CMu4FE1VmSgO3IHuwQ/videos

Voici la 7ème vidéo d'un groupe "avec une ligne patriote et royaliste" qui se fixe pour but "l'enracinement local sur les régions et identités françaises".

Ce groupe nous signale ses intentions : "Nous essayons de faire un condensé des cultures locales en parlant de plusieurs domaines comme l'architecture, la danse, la gastronomie, la langue, le chant, l'histoire, les paysages et les savoir-faire".

Cette 7ème vidéo traite de la déconstruction des mensonges sur le Moyen Âge.

Les suivantes traiteront d'autres Provinces et terroirs.

Illustration : Découverte de la Sainte Lance, miniature tirée des Passages d'outremer de Sébastien Mamerot, Jean Colombe (1430-1439).

Musique de Fond : Trouvere Medieval Minstrels- Nowell, Nowell : This is the Salutation.

Pause Musicale : Totus floreo by Arany Zoltán.

Extrait du début : Jacquouille dans son bain - Les Visiteurs.

Introduction

Le mythe de la Misogynie de l'Église Catholique 03:02

Le mythe du Droit de Cuissage 06:30

La place de la femme dans la Société Médiévale 10:55

Les Arts et les Sciences au Moyen Âge, le mythe de la transmission arabe 14:30

La Pause Musicale 18:21

La légende noire des Croisades, le mythe de la Guerre impérialiste 22:03

La légende noir de l'Inquisition 26:07

La Chasse aux sorcières 31:46

Conclusion

Ouvrage Universitaire ayant servi à la rédaction de l'émission :

Petit Traité des Grandes Questions Historiques, sous la direction de Guillaume Bernard et Jean-Pierre Deschodt, Studyrama, 2011.

Historiens cités : Alix Ducret, Jacques Henry, Jacques Heers, Régine Pernoud, Éric Georgin, Michael H. Harris, Pierre Chaunu.

http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2020/05/30/baguette-musette-deconstruire-les-mensonges-sur-le-moyen-age-6242250.html#more

Retour sur le documentaire de LCP sur mai 1940 : "De Gaulle, premières batailles".

1809740223.jpgAndré Posokhow

Dans le cadre des émissions « De Gaulle premières batailles », il a été possible, le 25 mai 2020, de regarder sur LCP un documentaire d’une heure sur les batailles de Montcornet et Abbeville auxquelles a participé le colonel De Gaulle à la fin du mois de mai 1940.

Ces deux engagements ont déjà été abordés dans un article pour Synthèse nationale. Il est juste de souligner le grand talent de Serge Tignères pour détailler les affrontements et pour faire revivre les combats d’il y a 40 ans dans les paysages d’aujourd’hui.

Les interventions d’historiens de haut niveau, aussi bien au cours du documentaire que pendant le débat de 40 minutes qui a suivi, ont évité bien des pièges de l’historiquement correct. Malheureusement ce n’a pas toujours été le cas de certains des propos tenus par la voix off tout au long du documentaire.

Il est vrai que des milliers de Français ont répondu à l’appel du 18 juin 1940 et rejoint les rangs de la France libre et de la Résistance pour combattre et, pour beaucoup, sacrifier leur vie.

Mais ce ne sont pas les cohortes de la France libre qui ont permis de reconstituer « la puissance militaire » de la France. Cela a été l’œuvre, à partir de l’Armée d’Afrique, du général Weygand, puis des généraux Juin et Giraud. Lorsque De Gaulle a pris le pouvoir en Afrique du Nord en 1943, il a trouvé un instrument de combat déjà constitué à partir de peu de choses et qui avait combattu vaillamment en Tunisie. 

Le livre de De Gaulle Vers l’armée de métier est évoqué et à juste titre, car l’auteur a été un grand lanceur d’alerte par ambition mais aussi au risque de sa carrière. Trois points peuvent retenir l’attention :

- non la ligne Maginot n’a pas été inutile, ce qu’a confirmé l’historienne Alya Aglan pendant le débat. Mais les erreurs stratégiques de Gamelin ont fait obstacle à l’économie de forces que cette fortification aurait dû permettre au profit du front belge.

- le titre Vers l’armée de métier a été une grave erreur. Il a braqué toute la gauche parlementaire contre les audacieuses propositions gaulliennes. "Pas d’armée de prétoriens !", clamaient ces ânes, Blum en tête !

- oui, De Gaulle a eu du mérite, mais le livre de Gudérian Achtung panzer est beaucoup plus précis, technique et documenté. Et les véritables précurseurs de l’arme blindée ont été des Britanniques dans les années 20 : Fuller et Lidell Hart.

- enfin, contrairement à ce que semble évoquer la commentatrice, la grande lacune de l’auteur a été celle de la coopération du fameux binôme char-avion qui nous a fait tant de mal en 1940. De Gaulle a ignoré le rôle de l’aviation d’assaut, pourtant décisif en 1918.

Le commentaire semble opposer un officier : De Gaulle, tourné vers la guerre moderne de mouvement à une vieille caste militaire fossilisée préoccupée par la seule défensive et incarnée par le général Maxime Weygand. Même si le haut commandement a été effectivement responsable d’une terrible faillite, cette présentation apparait biaisée :

- sans même évoquer le pionnier que fut le général Estienne, d’autres noms apparaissent dans notre histoire militaire : les généraux Doumenc et Héring, les colonels Velpry et Keller ont proposé la création de grandes unités mécaniques. Même Gamelin a réclamé la constitution d’unités cuirassées en 1938-39. La controverse a fait rage ;

- c’est en catimini que le général Weygand qui lança la motorisation de l’armée en 1930, a créé la première des trois Divisions Légères Mécaniques qui fut prête en 1935 ;

- jusqu’en 1939 le pouvoir politique de gauche s’est opposé par sectarisme idéologique à cet effort que réclamaient nombre de militaires. C’est pourquoi les premières divisions cuirassées n’ont été mises sur pied de manière inachevée qu’au début de 1940, bien trop tardivement ;

Maxime Weygand a accepté avec une abnégation totale, de remplacer Gamelin. Il n’a pas seulement voulu sauver l’honneur comme le dit un commentaire, il a insufflé une énergie incroyable à une armée dévastée pour résister au début de juin 1940 à l’assaut allemand à un contre trois après la désertion anglaise.

Une fois le front enfoncé et la défaite consommée, ce que, dans le documentaire, on appelle son défaitisme, était en réalité de la lucidité, vertu qui a tragiquement manqué à nombre de politiques dont Paul Raynaud.

S’il a insisté pour envisager un armistice ce n’est seulement pour sauvegarder l’armée, c’est pour éviter une capitulation interdite par la Loi et désastreuse pour la France qu’a semblé envisager avec bienveillance l’historien Robert Franck. Il l’a fait pour sauver l’essentiel : un territoire, l’Empire et la Marine et pour donner à la France du temps et de l’espace.

Au cours du débat les deux historiens ont réfuté dédaigneusement les responsabilités du Front populaire dans le désastre. Il est vrai qu’à la fin de 1936 ce gouvernement à lancé un effort budgétaire considérable en faveur du réarmement. En réalité, du fait de l’inflation, des 40 heures, de l’inorganisation industrielle et par manque de volonté, le réarmement effectif n’a réellement démarré qu’au second semestre 1938 c’est à dire trop tard. 

Robert Franck a évoqué le titre du livre de Marc Bloch « L’étrange défaite ». Comme l’a écrit le grand historien Georges-Henri Soutou « La défaite de mai-juin 1940 n’a rien d’étrange ». La France a simplement payé l’addition de toutes les erreurs intellectuelles, politiques, budgétaires, diplomatiques et stratégiques accumulées depuis la victoire de 1918.

http://synthesenationale.hautetfort.com/archive/2020/05/30/documentaire-sur-mai-1940-de-gaulle-premieres-batailles.html

vendredi 29 mai 2020

1936, quand le peuple souhaite être orphelin 2/2

La force des gauches, ce sont les victoires obscures de la démocratie villageoise et cantonale, la connaissance exacte du milieu, la trame serrée des intérêts locaux et personnels, la solidarité du clan, la pratique administrative que donne une longue possession. Leur faiblesse, c'est de ne pouvoir rompre avec l'internationale, l’antipatriotisme, la révolution, l'anarchie. Ce sont là les réserves indispensables et cachées, celles qu'on a mobilisées le 12 février 1934 et le 14 juillet 1935, celles qui, en cas de péril réactionnaire, cessent le travail, élèvent les barricades et fournissent les combattants. Aucun chef radical n'échappe durablement à leur joug nécessaire. Même sous les ministères de concentration et d'union, il reste toujours au sein du groupe un noyau d'irréductibles qui maintiennent farouchement le contact avec le communisme et qui s'en vont défiler de la Bastille à la République, parmi les poings fermés, les pancartes séditieuses, les drapeaux rouges et les cris de mort. Procession symbolique ! Pèlerinage expiatoire ! À l'effarement des bourgeois, tandis que la rente monte et que les possédants se rassurent, le régime en tremblant se retrempe dans ces pieux cortèges. Il n'y manque que les têtes coupées au bout d'une pique. Mais les temps se sont affadis et la Troisième République n'est qu'un rabougrissement de la Première.

Pas d'ennemi à gauche ! C'est la loi, c'est le souverain mot. Il explique pourquoi les ministères d'union sont si passagers, si fragiles. « Les observateurs superficiels, a écrit Abel Bonnard, s'étonnent de l'accord qui s'établit entre les hommes de gauche et ceux de l'extrême-gauche, quand ils mesurent l'intervalle qu'il y a entre eux ils ne prennent pas garde que cette distance est une descente et qu'un radical n'a qu'à se laisser aller pour arriver parmi les révolutionnaires celle qui le sépare des modérés, au contraire, peut paraître petite si on la mesure en l'air, mais elle est marquée en fait par un abîme, car les modérés, si déchus qu'ils soient, représentent pour les radicaux les restes de tout ce qu'ils veulent abolir » Ce sont les débris d'une société haïe on se venge encore sur eux d'un temps qu'ils ont eux-mêmes oublié, sans doute parce qu'ils étaient indignes d'en conserver le souvenir.

Ainsi le radicalisme se trouve tour à tour tiraillé par une opportunité de plus en plus impérieuse, qui sous l'aiguillon du péril le contraint à l'alliance avec les droites, et la logique profonde du régime qui, le danger écarté, le ramène à la révolution. Chaque retour du balancier fait naître d'un côté ou de l'autre des espoirs immenses chaque infidélité fait naître les mêmes déceptions et les mêmes colères. S'il est vrai que la démocratie vit de la division, on peut dire que les oscillations du radicalisme ont pour effet d'amortir les heurts. Avec quelque complaisance, les radicaux se flattent d'avoir épargné à la France la guerre civile. Sans nous, disent-ils, le pays se serait coupé en deux partis irréconciliables. L'un aurait dû écraser l'autre. En nous portant tantôt d'un côté et tantôt de l'autre, nous avons empêché le pire.

Les radicaux n'ont pas tort. Mais pendant ce jeu, qu'est devenu le pays ? A-t-il grandi ? A-t-il prospéré ? A-t-il vu ses rivaux s'incliner devant sa sagesse ? Hélas ! Le pays sent confusément qu'il use contre lui-même le meilleur de ses forces. Sans trop savoir ce qu'il désire, il appelle autre chose, quelque chose d'humain et de possible, un régime solide et modéré qui gouvernerait sans opprimer qui imposerait la conciliation sans étouffer les esprits, qui contraindrait les citoyens à servir sans les transformer en automates ou en perroquets…

Ce qui rend cette inquiétude si pathétique, c'est qu'on a tout fait pour faire perdre au Français le sens de son histoire. Il n'est plus soutenu par la voix puissante des générations qui ont fait sa patrie. Entre elles et lui s'élève une muraille épaisse de préjugés, d'ignorances, de colères. Le Français ne sait encore que dire non. Quand il entend les marxistes proclamer que tous les hommes sont frères, il voudrait être fils unique. Quand il entend les dictateurs se nommer les pères du peuple, il souhaite être orphelin.

Pierre Gaxotte

La terreur rose décrite par Alain Laubreaux

Ce texte étonnant et toujours actuel (« Pas d'ennemi à gauche » n'est-il pas le credo de nos gouvernements « de droite » ?) que tout journaliste ou même tout historien souhaiterait avoir écrit est la préface que le futur Immortel Gaxotte, alors directeur de Je Suis Partout, donna à La Terreur rose, long reportage d’Alain Laubreaux publié juste avant la « drôle de guerre » et dont La Reconquête, courageuse et dynamique maison créée au Paraguay par Alain Régniez, nous propose une « édition conforme à l'édition originale de 1939 ». On y retrouve toute la vivacité du journaliste formé à bonne école puisqu'il avait été le secrétaire d'Henri Béraud, sa puissance de description (de la terreur que la CGT faisait régner aux usines Renault par exemple), son don de débusquer la cocasserie sous les ignominies, son insolence envers les puissants ah, « La dernière halte du juif errant », chapitre où est décrite la campagne électorale menée en avril 1937 dans le Minervois par le socialiste Jules Moch, « plus noir et plus lugubre encore qu'à l'ordinaire » avec « sa voix huileuse » au « timbre sordidement victorieux, comme d'un canard qui vient d'échapper au coutelas du cuisinier » et sa compréhension pour le petit peuple, fût-il égaré et complice de la "dictamolle" que fut le Front Populaire.

Les contemporains qui ne jurent que par le « journalisme d'investigation » (sur des sujets sans risques de préférence) écraseront de leur mépris ce « journalisme à l'ancienne », pratiqué sur le terrain, où le narrateur ne dédaigne pas de faire revivre la « France d'en bas », de s'encanailler dans les mastroquets pour y recueillir la vox populi. Mais de ce kaléidoscope naît un féroce tableau des années qui précédèrent la Seconde Guerre mondiale, des personnages qui provoquèrent la terrible défaite de mai-juin 1940 après avoir fait régner leur « terreur rose » en France même.

Comme la plupart des livres des rédacteurs de Je Suis Partout, celui d'Alain Laubreaux qui, également collaborateur du Cri du peuple et du Petit Parisien, réussit après la Libération à s'exiler à Madrid où il mourut en 1968, après avoir été condamné à mort par contumace en 1947 par la Cour de Justice de la Seine pour sa participation à la collaboration et ses « articles antisémites » était devenu introuvable. On se réjouira de pouvoir à nouveau le lire.

J. L.

La Terreur Rose, 308 pages, avec neuf illustrations, 28 €. La Reconquête <www.editionsdelareconquete.com>. Diffusion Primatice, 10 rue Primatice 75013. Tél. 01-42-17-00-48. Peut être également commandé (32 € franco) à Editions des Tuileries, 1 rue dliauteville, 75010 Paris.

Écrits de Paris N° 719

1936, quand le peuple souhaite être orphelin 1/2

Cette année-là, on vit apparaître à l'étalage des marchands de chaussures un nouveau modèle de souliers, le bolchevik (extra-fort, pour enfants) : le Front populaire approchait, les firmes capitalistes prenaient le ton. Puis ce fut la grande aventure le triomphe communiste, les grèves, les occupations, le ministère Blum, ouvriers et employés s'engouffrant en troupeau docile dans les organisations du syndicalisme moscoutaire, le drapeau rouge flottant sur les chantiers de l'Exposition, l'Internationale beuglée au milieu des palais de plâtras, la crise financière toujours conjurée et jamais finie, cent milliards de billets et pas une vraie richesse, l'aviation ruinée, les lois bafouées, la magistrature évanouie, les chantiers navals transformés en centres de loisirs, les cabotins et les magnats de la presse se ruant au rouge, ceux-là pour avoir des rôles et ceux-ci pour avoir des lecteurs, les grands riches découvrant avec des sanglots la misère des pauvres et les poules de luxe cultivant l'art pour les masses, enfin du haut de son perchoir alpestre, Hitler contemplant cette mascarade, comptant les dégâts, annexant l'Autriche, un jour de crise ministérielle, tandis que Camille Chautemps embrassait Léon Blum à la fenêtre d'un hôtel cossu, sur un quai de l'île Saint Louis.

Il fallait que quelqu'un se fît le chroniqueur et le peintre de ces vingt-quatre mois véhéments et piteux. D'autres éplucheront les statistiques, dresseront les courbes de production, compteront les votes à la Chambre, Alain Laubreaux apporte autre chose les hommes et la vie. Ce livre est le carnet d'un journaliste qui, par devoir s'est trouvé partout où il se passait quelque chose. Il n’y a pas de métier plus difficile que de saisir l'actualité au vol et de la fixer sur le papier le stylo en travers du corps. Alain Laubreaux est un maître journaliste. Il est rond, bonhomme, sincère, bien portant, français. Il a l'œil. Il a la bonne humeur Et puis il possède le don de raconter. Il fuit le couplet, le morceau, la vignette, le développement artistement frisotté ; il déterre la vérité comme un objet : il arrive à l'angoisse ou la bouffonnerie par les moyens les plus simples qui sont aussi les plus rares, par le mot juste, l'anecdote exacte, le trait rapide, dix lignes brèves, serrées, qui illuminent.

L'extraordinaire galerie ! Elle fera la stupéfaction de nos enfants. Quoi ? Au moment où les nazis construisaient la grande Allemagne, la France s'était donnée à ce ramassis de médiocres, de faux prophètes, d'avocats sans cause, à cette petite bande d'ignorants, d'incapables, de ratés ? Et pour incarner leurs désirs de justice sociale, les rudes travailleurs de la vigne et de l'usine n'avaient trouvé que Léon Blum, esthète démodé pour salons modem style, et Maurice Thorez que la nature a avantageusement pétri pour jouer les spadassins à maillot au grand théâtre de Belleville ?

On n'écrit plus de mémoires intimes. Ceux qu'on publie ne sont que des plaidoyers. À quoi auraient recours les historiens de l'avenir, s'ils ne possédaient des livres comme celui-ci ? Aux discours officiels ? Aux séances des assemblées parlementaires ? Quelle collection de mensonges, de duperies, de dérobades ! Quel bric-à-brac de topos conventionnels, de métaphores, de phrases toutes faites ! Les romanciers ne seront pas non plus d'un grand secours. Le plus souvent ils décrivent un monde chimérique, où la passion parle toute pure, mais où les embêtements de la vie réelle n'entrent guère. Les anciennes cours étaient commodes elles ramassaient en quelques salons l'élite entière du pays, l'observateur avait sous la main et sous les yeux tout ce qui comptait et tout ce qui gouvernait. Hélas ! de nos jours, les palais nationaux sont bien mornes et c'est ailleurs qu'il faut chercher la lumière.

Courteline a montré le chemin. Il est l'homme du petit café le petit café est le Versailles de la IIIe République. Là se font les programmes, les orateurs et les élections. La démocratie sociale s'accoude au zinc, les pieds dans la sciure, porte des pantalons de velours à côtes, parle haut, crache à terre, s'affirme en termes cambronnesques quand sonne l'heure de l'apéritif. La république bourgeoise se tient dans la salle du fond, sur les banquettes de moleskine, éparse autour des tables de marbre où les soucoupes s'élèvent en pyramides. Elle cultive le calembour la manille, la belote et la fraude fiscale, elle parle retraites et péréquation, elle croit au progrès, à la rente et à l'instruction universelle, elle gagne des batailles en Espagne et se retrouve le soir à la loge pour entendre, portes closes, le pharmacien de la grande place river son clou à Mussolini.

Cher Courteline ! En lisant Laubreaux, j'ai eu l'impression que vos immortels héros s'étaient emparés de la France. L'illustre Piégelé, M. Pommade, M. Garrigou, Barbemolle, Land'houille, Saumâtre, Grenouillot, Racuit, Labouture et Marmouillard, tous ils font de la politique, tous ils sont devenus conseillers généraux, députés, sénateurs-maires, ministres… Je le savais, c'est Croque-bol, Hurluret et l'adjudant Flick qui ont gagné la guerre. C'est La Brige qui a perdu la paix. Pour piper la voix de M. Boulingrin, Ciboulot devenu communiste avait, en mai 36, escamoté son programme de révolution sociale. Il promettait de respecter le commerce, le profit, l'héritage, la famille et la propriété ; il couvrait les murs d'une imagerie pleurnicharde à la Greuze et jurait, la main haute, qu'il n'en voulait qu'aux méchants gros. Or personne ne se sentait gros ni méchant.

L'électeur français est semblable au fromage de Hollande : rouge au dehors et blanc en dedans ; révolutionnaire pour être pensionné et conservateur pour garder ses pensions. Entre le socialisme et le parti radical, il n'y a qu'une faible nuance. Leur but commun est de faire vivre aux dépens de l'épargne et des capitaux accumulés une clientèle étatiste de plus en plus nombreuse. Au fur et à mesure qu'ils ont pris de l'importance, les socialistes sont, comme les autres, devenus des profiteurs et des cumulards. L'administration haute et basse a été bourrée de leurs hommes. Pendant leur temps de pouvoir ils en ont mis partout, à la radio, dans les musées, aux postes, dans les préfectures, à l'hygiène, à l'aviation, au Français, aux conseils des compagnies subventionnées. Les forçats de la faim ont mangé l'assiette au beurre. Mais ils sont encore tenus par les syndicats et, aux yeux du citoyen timoré, le syndicat c'est la grève, le tumulte, le désordre.

De là, l'extraordinaire fortune du parti radical. Servi par un personnel de basochiens roublards et de normaliens dessalés, il offre sur le même plateau le vocabulaire démagogique qui endort la masse et la routine gouvernementale qui rassure les intérêts. Le chef radical doit être à la fois excité et raisonnable. Il lui faut discourir sans conclure, promettre sans tenir menacer les capitaux et protéger les capitalistes, brandir le drapeau rouge et célébrer Jeanne d'Arc, crier « En avant ! » sans bouger et couler au passage les réformes sociales qu'il a lui-même préconisées.

Aussi a-t-il du goût pour les gestes symboliques qui font scandale mais qui n'engagent à rien, les promenades au Panthéon, les inaugurations de statues, les procès politiques, les pompes funèbres et civiques. Si, aiguillonné par les envies et par les appétits, il est contraint d'agir, il se présente comme le moindre mal. Il apaise les petits sans faire de mal aux gros et dénonce le mur d'argent sans cesser de dîner chez les banquiers.

Le radicalisme se dit constructeur, créateur, positif. Il est essentiellement négatif et c'est en cela qu'il plaît à une vaste coalition de petites gens, que la force des choses contraint à la défensive. Entre le curé dont il repousse l'ingérence, le communiste dont il a peur le gros bourgeois et le châtelain qu'il envie et qu'il déteste, l'électeur radical dessine son empire. Cela suffit pour faire un grand parti hybride, incohérent, décevant, mais durable.

Le drame est de gouverner. La doctrine radicale représente l'Encyclopédie dans son dernier état de dégradation et de sénilité, conservée dans la médiocrité comme des batraciens dans un bocal d'alcool. Le radical est prisonnier de sa logomachie et cette logomachie a perverti la notion même de gouvernement. La République n'est pas une simple forme de l'État. Il ne suffit pas d'y adhérer pour en faire partie. Si Rousseau nous a appris que le régime démocratique est le règne de la volonté générale, il nous a dit aussi que la volonté générale n'est point la volonté du plus grand nombre, mais la voix profonde de la conscience humaine, telle qu'elle devrait évidemment parler en chacun de nous, mais telle qu'en attendant, elle s'exprime par la bouche des citoyens les plus éclairés. La volonté générale n'est point l'opinion de la majorité, c'est la conformité à un système philosophique. Avant d'être un régime, la République est une église. Aussi a-t-elle son orthodoxie, ses élus, ses réprouvés et ses docteurs. Derrière les agitations électorales, il y a les clubs, le petit troupeau des fidèles, des convaincus, des illuminés, des comitards. Quant à leurs adversaires, quel que soit leur nombre, leur respect du suffrage universel, leur dévotion à la forme républicaine, ils ne seront jamais que des réactionnaires, des cléricaux, des hérétiques, des aristocrates, à l'occasion des usurpateurs, car de même qu'il y a un roi légitime, il y a un peuple légitime.

À suivre

jeudi 28 mai 2020

Cette "radieuse Algérie" d'avant la conquête française 2/2

« On ne voit pas un seul médecin à Alger ni dans le reste du royaume. Les bigots mahométans en censurent l'usage. Ils prétendent que c'est tenter Dieu que de prendre dans les maladies internes des remèdes prescrits par l'art de l'homme. J'ai vu le dey Baba Hali emporté par une fièvre violente sans qu'on pût l'engager à prendre aucun remède : quoi qu'un habile chirurgien françois, qui était son esclave, lui promît guérison, il rejeta tout secours sous prétexte que le nombre de ses jours était fixé par les décrets éternels. » (Laugier de Tassy op. cit.)

(…) « Il est facile de concevoir que la médecine n'est pas à Alger dans un état brillant. On donne aux docteurs le nom de thibid et toute leur science est tirée d'une traduction espagnole de Dioscoride. Leur étude favorite est celle de l'alchimie. Leur manière de traiter les malades paraîtrait singulière à un praticien d'Europe. Ils versent du beurre fondu sur les blessures nouvelles ; dans des cas de rhumatismes, ils font des piqûres avec la lancette sur les jointures les plus affectées ils appliquent le feu à un ulcère obstiné dans les inflammations, ils couvrent la tête du malade de feuilles de certaines plantes médicales et pour les morsures de scorpions ou de serpents, ils emploient de l'ail ou des oignons mâchés. En Barbarie, un professeur de médecine n'a de confiance qu'aux remèdes extérieurs. » (Pananti, op. cit.)

L'ESPAGNE, MESSAGÈRE DE CHARITÉ

(…) « Il n'y a que la charité de l'Espagne qui ait consacré un fonds pour l'établissement d'un petit hôpital où l'on reçoit les esclaves chrétiens. » (Raynal, op. cit.)

(...) « Cet hôpital (espagnol) était trop étroit encore, malgré tant d'agrandissements, pour le nombre de ceux qu'on y présentait de sorte que les lits des malades arrivaient jusqu'à l'autel où l'on célébrait les saints mystères de Dieu, leur hôte et leur protecteur. On y recevait les chrétiens libres comme les chrétiens esclaves, de toutes les nations sans distinction. (…) Ainsi la charité avait tout créé à Alger, le rachat des esclaves, l'hôpital, l'église, le cimetière. » (Nettement, op. cit.)

(…) « Le capitaine Croker visita aussi l'hôpital espagnol, ainsi nommé parce qu'il est entretenu aux frais de l'Espagne. Il y vit, étendus sur la terre, des vieillards, des femmes, des enfants. Tous avaient des jambes tellement enflées et ulcérées que leurs plaies paraissaient incurables. Il remarqua surtout, au milieu de plusieurs autres femmes, une pauvre Sicilienne qui fondit en larmes en lui disant qu'elle était mère de huit enfants en lui en montrant six qui étaient esclaves avec elle depuis treize ans ! La plupart de ces femmes avaient été enlevées dans des descentes faites par les Barbaresques sur les côtes de l'Italie. En quittant ce lieu d’horreur, le capitaine rencontra des esclaves mâles que l'on ramenait du travail au bagne, conduits par des infidèles armés d'énormes fouets ; plusieurs d'entre eux étaient pesamment chargés de chaînes. » (Shaw, op. cit.)

Les trois-quarts des terres en friche

Alors que les Romains avaient su admirablement mettre en valeur la terre africaine, celle-ci, après l'invasion arabe, était redevenue inculte et improductive. Il appartenait à la France de rendre à la prospérité des régions ! telles que la plaine de la Mitidja orgueil de notre Algérie qui, avant l'œuvre splendide de nos colons (combien y moururent à la peine ?), était si insalubre qu'un Arabe tel que Hamdan-Ben-Othman Khodja traite de "chimérique" le projet d'assainissement élaboré dès la conquête par l'armée civilisatrice du maréchal Bugeaud.

L'histoire devait montrer ce dont étaient capables des Français héroïques à une époque où des intellectuels n'avaient pas inventé le « crime de colonisation ».

(…) « L'industrie est et doit être nulle chez des peuples plongés dans des ténèbres aussi épaisses. On n'y connaît aucun art agréable, et ceux de nécessité première y sont très imparfaits. Le plus important de tous, l'agriculture, est encore dans l'enfance. Les trois-quarts du terrain sont en friche et le peu qui est labouré l'est sans intelligence. » (Raynal, op. cit.)

(…) « Avec le sol le plus beau de la terre, il est impossible de trouver une contrée qui soit plus négligée que l’État d'Alger. Il est à peine besoin de dire que là où les trois-quarts du territoire ne sont pas cultivés, l'agriculture doit être dans le dernier état d'abandon. À peine le soc de la charrue laisse-t-il une trace sur les terres labourées (…) Dans l'Etat d’Alger il se fait une grande quantité d'huile d'olives qui, en général, n'est pas d'une bonne qualité parce qu'on ne sait pas la bien préparer. On laisse croître l'olivier sans jamais le tailler, et son fruit en souffre beaucoup. Le vin qui est fait par des esclaves chrétiens est aussi bon que celui des Roses en Espagne, mais il perd aisément son goût et se conserve peu. On fait le beurre en mettant le lait dans une peau de chèvre qui est suspendue et qu'on frappe de chaque côté avec des bâtons jusqu'à ce que le beurre puisse être foulé par la main.

Ces procédés donnent un mauvais goût au beurre, qui de plus se trouve rempli de poils. On moud le blé dans des moulins que trois chameaux font tourner. Les cultivateurs ne connaissent point les engrais des terres et se bornent à mettre le feu au chaume et aux herbes sauvages, usage qui produit quelquefois de graves accidents. » (Pananti, op. cit.)

(…) « La plaine de la Mitidja est coupée par la rivière d'Elarach qui a son embouchure dans la rade à une lieue d’Alger. C'est une superbe plaine de dix lieues de long sur deux lieues de large, elle va aboutir aux montagnes de l’Atlas habitées par les Cabaïlis. Il s'en faut malheureusement beaucoup qu'elle soit toute cultivée, elle est remplie de lacs et de terres en friche. Les gens d'Alger et le béilik y ont des métairies d'ici et de là, où on met une petite maison pour le maître et des cabanes de jonc pour les cultivateurs maures ; on appelle ces cabanes gourbis. Pour en défendre l'entrée au vent, on applique sur les côtés des bouses de vache. » (Venture de Paradis, op. cit.)

(…) « Si ce malheureux pays pouvait, par l'enchaînement des choses, jouir encore une fois des bienfaits de la civilisation, Alger, aidé des seules ressources de la plaine de Mitidja, deviendrait une des villes les plus opulentes des côtes de la Méditerranée. Mais l'action silencieuse du despotisme barbare de son gouvernement ne laisse à sa surface que le désert, la stérilité et la solitude. » (Shaler)

« Je visite chaque année cette plaine au printemps, je craindrais la fièvre dans toute autre saison et même à cette saison, j'ai le soin de prendre avec moi de l'eau de Cologne et d'autres préservatifs contre le mauvais air je fais aussi une provision d'eau que j'apporte d'Alger pour ma boisson. Cette plaine est comme un marais durant l'hiver pendant l'été et l'automne, la fièvre y séjourne continuellement, au point qu'il est fort difficile de s'en préserver » (Sidi Hamdan-Ben Othman Khodia, Aperçu historique et statistique sur la Régence d'Alger, 1833)

Instruction et condition féminine

(…) « Il n'y a rien de si misérable que la vie des gens qui habitent les campagnes et les montagnes d Alger. Ils n'ont pour toute nourriture que du pain d'orge et du couscoussou fait avec de la mantague ;  ils ne connaissent point la viande, ni les herbages, ni les fruits. Si tous les gens de la campagne mangeaient du pain de froment, peut-être la récolte de blé ne suffirait pas. Les hommes et les femmes ne portent point de chemise : la même haïque qui leur sert le jour leur sert la nuit pour se couvrir. Leur lit, et c'est encore les plus aisés, est une simple natte de jonc sur laquelle ils s'étendent. Pendant l'hiver ils sont obligés de recevoir dans leur tente leurs moutons, leurs vaches et leurs chevaux. La femme est occupée toute la journée à moudre son orge avec un petit moulin à bras. C'est elle qui a le soin d'aller chercher l'eau et le bois. Ils ne s'éclairent jamais pendant la nuit qu'à la lueur d'un peu de feu : ils ne connaissent point l'huile. « (Venture de Paradis, op. cit.)

« Le maître punit les fautes de ses écoliers de la bastonnade assis comme ils sont sur des nattes avec les jambes croisées, pieds nus, il lui est aisé de leur lier ces derniers avec un instrument fait exprès, nommé falaca, qui les tient collés ensemble. Il les fait ensuite tenir par quelqu'un dans une situation presque perpendiculaire et y applique avec une règle ou un bâton autant de coups qu'en mérite la faute. » (Laugier de Tassy op. cit.)

« Toute l'instruction qu'on donne aux enfants consiste à les envoyer à l'école, où ils apprennent à lire et à répéter cinquante ou soixante aphorismes du Coran. Quand un enfant est susceptible de ce gigantesque effort d'instruction et de science, son éducation est finie. » .) « Les sectateurs de Mahomet trouvent plus convenable à leur politique barbare de couvrir les yeux du cheval condamné à moudre le blé. » (Pananti, op. cit.)

« Les gens de lettre, appelés alfagui et talbi, sont pour l'ordinaire des imposteurs qui font usage du peu de talents qu'ils possèdent avec la seule vue de maintenir la plus profonde ignorance dans la populace. Les Imams et les Musulmans, exclusivement dévoués à l'étude du Coran, forment une barrière impénétrable contre la connaissance » (Pananti)

« Leur ignorance en mathématiques est telle qu'ils n'ont pas les premières notions de l'arithmétique et de l'algèbre. » (Shaw)

« Il n’y avait aucune librairie, aucun café où on lût les papiers-nouvelles, aucune société, aucun individu même dont on pût tirer une idée nouvelle. Comment en effet un peuple rempli de préjugés si barbares se livrerait-il à l'étude ? Et, avec son esclavage et son indolence, encouragerait-il des améliorations ? (Pananti)

« Très peu de femmes ont ici quelque idée de religion. On regarde comme tout à fait indifférent qu'elles prient ou non qu'elles aillent à la mosquée ou qu'elles restent chez elles. Elles sont en conséquence élevées dans l'ignorance la plus grossière. Elles ne semblent faites que pour être les dupes des hommes. » (Laugier de Tassy op. cit.)

Justiciers (à vendre)

« Le cadi ou juge est nommé par la Porte ottomane, approuvé du grand moufty ou patriarche ottoman de Constantinople. Il juge et décide toutes les affaires qui regardent la loi mais comme ce juge achète indirectement son emploi à Constantinople et qu'il vient pour s'enrichir, il se laisse aisément corrompre. » (Peysonnel, op. cit.)

« Il n'y a point de code civil en Barbarie il est suppléé par le Coran, de manière que toute la doctrine de la jurisprudence, algérienne repose sur l'interprétation du divin livre et de ses saints commentateurs » (Pananti)

« La justice, tant civile que criminelle, se rend ici d'une manière très sommaire, sans écriture, sans frais et sans appel, soit par le dey le cadi ou le raïs de la marine. » (Shaw op. cit.)

« Le châtiment réservé aux Juifs est le feu, le décollement, la pendaison et les crocs, et le dernier supplice pour les femmes est d'être noyées. Les Juifs qui méritent la mort sont toujours brûlés et c'est à Bab-el-Wad qu'on dresse le bûcher. C'est là aussi le lieu du supplice pour les chrétiens, il est à Bab-Azoun pour les Maures. Ceux-ci, de même que les chrétiens, ont la tête coupée ou sont pendus les crocs ne sont que pour les Maures dans des cas très graves. Ils sont aux deux côtés de la porte de Bab-Azoun attachés aux remparts on y jette le coupable qui y reste accroché par un membre, et il y expire dans des supplices affreux. » (Venture de Paradis, op. cit.)

Accord européen sur la nécessité d’une intervention

« Le lecteur s'étonnera qu'à une puissance aussi insignifiante, aussi méprisable, ait été si longtemps abandonné le privilège de gêner le commerce du monde et d'imposer des rançons qu'on ne pouvait discuter ; il s'étonnera que les grandes puissances de l'Europe soient allées, au prix de sacrifices immenses d'hommes et d'argent, établir des colonies aux dernières limites du monde, tandis qu'une poignée de misérables pirates conservait, sous leurs yeux, la jouissance paisible de la plus belle partie du globe et les soumettait à des conditions qui ressemblaient beaucoup à l’hommage d'un vassal. Les Algériens, dont le système politique a pour principe la piraterie, s'arrogent insolemment le droit de faire la guerre à tous les Etats chrétiens qui n'achètent pas leur bienveillance par des traités. » (Shaler, op. cit.)

« Toutes les grandes puissances, par une politique peu généreuse, ont longtemps cherché à se conserver la navigation libre de la Méditerranée aux dépens des petites. Cependant, toutes consentent aujourd'hui à être honteusement tributaires des forbans d’Alger sous différentes dénominations. (...) « On pourrait ici faire une observations très juste : c'est que les traités faits avec les Algériens lient les puissances européennes, mais ils ne les lient jamais eux-mêmes. Lorsqu'il y a quelque chose qui les embarrasse, ils s'en affranchissent, et lorsqu'on veut argumenter contre eux d'après les clauses du traité, ils répondent - Celui qui a signé un pareil traité n'est pas un saint et on peut légitimement revenir du tort qu'il a fait au beilik par une stipulation irréfléchie. D'ailleurs, si cela vous déplaît, la porte est ouverte et vous pouvez vous embarquer - Ce raisonnement péremptoire ferme ordinairement la bouche des consuls et coupe court à leurs réclamations. » (Venture de Paradis, op. cit.)

« Ou nous nous trompons, ou nous croyons avoir dit ce qu'ill fallait pour démontrer que le repos, que la fortune, que la dignité de l'Europe chrétienne exigeaient la fin des brigandages que s'est permis durant trois siècles, que se permet encore l’Afrique septentrionale. Cette vérité frappe également l'aveugle multitude et les politiques raisonnables. » (Raynal, op. cit.)

« Une guerre semblable ayant le rare avantage d'être d'accord avec l'humanité et une saine politique ne pourrait manquer d'être populaire. » (Pananti, op. cit.)

« De petits intérêts de commerce ne peuvent balancer les grands intérêts de l'humanité   il est temps que les peuples civilisés s'affranchissent des honteux tributs qu'ils paient à une poignée de barbares. » (Intervention de M. de Chateaubriand à la Chambre des Pairs rapportée par Raynal)

« Pendant que l'on s'occupe des moyens d'abolir la traite des noirs et que l'Europe civilisée s'efforce d'étendre les bienfaits du commerce sur la côte occidentale de l’Afrique, ceux de la sécurité des personnes et des propriétés dans l'intérieur de ce vaste continent, il est étonnant qu'on ne fasse aucune attention à la côte septentrionale de cette même contrée, habitée par des pirates qui, non seulement oppriment les naturels de leur voisinage, mais les enlèvent et les achètent comme esclaves pour les employer dans les bâtiments armés en course. Ce honteux brigandage ne révolte pas seulement l'humanité mais il entrave le commerce de la manière la plus nuisible puisqu'un marin ne peut naviguer aujourd'hui dans la Méditerranée, ni même dans l'Atlantique, sur un bâtiment marchand sans éprouver la crainte d'être enlevé par ces pirates et conduit esclave en Afrique. » (Mémoire sur la nécessité et les mesures à prendre pour détruire les pirateries par Sir Sydney Smith, envoyé de l'Angleterre au Congrès de Vienne, daté de Londres, 30 août 1814, cité par Raynal, op. cit.)

« À quel peuple est-il réservé de dompter ces forbans qui glacent d'effroi nos paisibles navigateurs ? Aucune nation ne peut le tenter seule, car si l'une d'elle l'osait, peut-être la jalousie de toutes les autres y mettrait-elle des obstacles secrets. Ce doit donc être l'ouvrage d'une ligue universelle. Il faut que toutes les puissances maritimes concourent à l'exécution d'un dessein qui les intéresse toutes également. Ces États, que tout invite à s'allier à s'aimer, à se défendre, doivent être fatigués des malheurs qu'ils se causent réciproquement. Qu'après s'être si souvent unis pour leur destruction mutuelle, ils consentent donc à prendre les armes pour leur conservation la guerre aura été du moins une fois utile et juste. » (Shaw op. cit.)

« C'est surtout aux peuples subjugués que celle-là deviendrait utile : ils recevraient de leurs vainqueurs des lois, les sciences, les arts et le commerce, les moeurs de la civilisation remplaceraient la barbarie, les terres ne seraient plus sans culture et les productions du sol un fardeau pour leurs propriétaires. » (Pananti)

« Les conquêtes seraient d'autant plus sûres que le bonheur des vaincus en serait la suite. (…) Puisse un semblable projet se réaliser un jour ! » (Shaw op. cit.)

Écrits de Paris N° 717

Cette "radieuse Algérie" d'avant la conquête française 1/2

(Document)

Il est de bon ton, y compris pour le président Sarkozy, de répéter que la période de la colonisation française fut une longue nuit pour l'Algérie qui, jusqu'à l'expédition française de 1830, aurait été un pays calmé, heureux et florissant. Il est donc opportun d'exhumer quelques textes, extraits d'un fascicule (série culturelle n" 81) des Documents algériens publiés début 1958 par le service d'information du ministère de l'Algérie sous le titre : L'Algérie en 1830 vue à travers des témoignages de l'époque, ceux entre autres des Français Peyssonnel, Venture de Paradis, G.-T Raynal, A. Nettement, H. de Grammont, de l'Anglais Shaw, de l'Italien Pananti, de l'Américain Shaler, etc. sur la Régence, « fléau de l'Europe » trois siècles durant.

E. de P.

Le Dey n’a d’autre choix que tué ou d’être tué

« Le dey qui n'a de comptes à rendre qu'à la Porte ottomane, et qui ne lui en rend guère, est élu par la milice turque composée ordinairement de "gens sans aveu, sans ressources et de mœurs dépravées, qui viennent du Levant d'où ils ont été obligés de s'enfuir pour se soustraire au châtiment dû à leurs crimes" note le Dr Shaw dans Voyage dans la région d'Alger. Mais, poursuit cet auteur, « il s'en faut bien que le choix d'un dey se fasse toujours paisiblement car tous les Turcs de la milice étant également aptes à être élevés à cette fonction, il y en a toujours quelques uns de plus ambitieux que les autres et qui forment des conspirations dans le but de s'emparer du pouvoir en sacrifiant celui qui en est revêtu. Celui qui, dans ce cas, peut réunir le plus de partisans et tenir la chose secrète jusqu'à ce qu'ils parviennent conjointement à s'introduire dans le palais du dey est à peu près certain de le supplanter après l'avoir inhumainement massacré. Cela fait, il est aussitôt revêtu du caftan de la victime et proclamé de la manière suivante prospérité à untel que Dieu a voulu élever au gouvernement de l’État et de la guerrière milice d’Alger ! Sans que les membres du divan qui sont présents osent proférer un seul mot, parce qu'ils savent qu'ils paieraient de leur vie la moindre opposition. Ils s'empressent au contraire de donner l'exemple de l'obéissance en baisant, les premiers, la main du nouveau dey. Il arrive assez souvent que celui-ci, afin de récompenser ses adhérents, fasse étrangler tous ceux qui étaient attachés à l'administration de son prédécesseur principalement quand ils ne se soumettent pas de bonne grâce.

(…) Quelquefois, l'élection d'un dey est suivie immédiatement de plusieurs autres. On a vu par exemple dans le même jour six deys massacrés et sept élus. On ne fait pas plus de difficulté de reconnaître un Turc qui s'est fait dey par un assassinat que celui qui est légalement élu, parce que, disent les Mahométans, ce qui doit arriver est écrit de tout temps et n'arrive que par la volonté éternelle et immuable de Dieu.

(…) Quelquefois, c'est par hasard que l'élection se fait, comme il arriva en 1694, après la mort de Chaban-Dodja. On résolut d'élire le premier vieil officier que l'on rencontrerait en entrant dans la ville. Alachat-Amet se trouvait assis sur son tabouret de paille, faisant des souliers. On le prit et on le couronna roi malgré lui. Il régna trois ans et il mourut de maladie, craint et respecté des Turcs qu'il avait su dompter. D'autre fois, l'assassin même du roi a endossé le caftan du dey tout ensanglanté, s'est allé lui-même asseoir sur le trône ainsi fut reconnu Ibrahim-Dey qui avait assassiné Bactat en 1710. » (Peyssonnel et Desfontaines, Voyages dans les régions de Tunis et d'Alger, 1724-25 et 1783-86)

(…) « Le dey a la suprême justice sans appel, la disposition de l'argent et des troupes, la police, la nomination aux charges, les monnaies, l'autorité de déclarer la guerre ou de faire la paix et, qui plus est, l'autorité despotique de vie et de mort sur les sujets. » (Peyssonnel, op. cit.)

« Ce pouvoir si absolu en apparence, avait cependant des limites il était contrôlé par la révolte et l'assassinat. Lui qui faisait tout trembler avait à trembler à son tour, et quand on étudie l'histoire des deys, on croit trouver la réalisation de cette dictature, votée dans nos assemblées révolutionnaires par un de leurs membres les plus violents qui demandait la nomination d'un dictateur condamné à gouverner, un boulet aux pieds et la tête sous le couperet. « (Alfred Nettement, Histoire de la conquête d'Alger 1856)

Une population pressurée comme une éponge

Le gouvernement des provinces est confié à des beys que le dey nomme et révoque à volonté. Leur autorité est absolue là où ils commandent, mais elle cesse à leur arrivée à Alger où ils sont tenus de se rendre une fois l'an pour apporter au dey le produit des impôts et des tributs.

(...) « Le public juge de l'importance des revenus par le nombre des voitures chargées d'argent qu'amènent ces fonctionnaires et il en témoigne toujours sa joie par des cris bruyants. À leur arrivée au palais du dey celui-ci les revêt aussitôt d'un caftan. C'est un honneur dont ils cherchent néanmoins à se dispenser quand ils le peuvent, incertains qu'ils sont de savoir quel est le sort qui les attend, s'ils seront traités gracieusement ou s'ils laisseront leur tête, malheur qui leur arrive fréquemment pour les punir de leurs prévarications et de leurs concussions, mais surtout pour les dépouiller des biens immenses qu'ils acquièrent généralement par toutes sortes de moyens illicites. » (Shaw op. cit.)

(…) « Le dey laisse, avec la plus grande indifférence, les beys se conduire comme ils le font il semble même prendre plaisir à les voir s'imbiber du sang du peuple, parce qu'il se propose bien de presser un jour l'éponge. » (Pananti)

Des peuplades rebelles par nature à tout sentiment d’union et de nationalité

Tous les ans, quand il s'agissait de recouvrer l'impôt, le dey envoyait, pour prêter main-forte aux beys, des troupes recrutées parmi les tribus Makhezens.

(…) C'est dans l'établissement des Makhesens, dans cette force tirée du pays pour le subjuguer que résidait la véritable puissance des Turcs. En arrivant dans la région de Mogrob, ils virent combien il y avait peu d'homogénéité, de liaison, de nationalité parmi ces différentes populations entraînées sur le sol d’Afrique par les diverses invasions ou résidu des peuplades primitives. Il ne leur fut point nécessaire de diviser pour régner ils n'eurent qu'à profiter des divisions existantes. » (Walsin-Esterhazy, De la domination turque dans l'ancienne Régence d'Alger)

(…) « Les Turcs ne semèrent pas la discorde dans le pays conquis, elle y existait avant eux et elle a régné de tout temps :   l'esprit de faction est une des marques caractéristiques de la race ; il se fait sentir de tribu à tribu, dans la tribu-même et dans la moindre fraction de tribu ; les conquérants n'eurent donc qu'à l'utiliser à leur profit en favorisant tour à tour les partis opposés. » (H. de Grammont, Histoire d'Alger sous la domination turque, 1887) « Les Turcs ne durent la conservation de leur pouvoir qu'aux divisions incessantes de leurs sujets, complètement rebelles par nature à tout sentiment d'union ou de nationalité. » (Grammont, p. 410)

(…) « Les Maures, n'étant point unis entre eux, se trahissent volontiers les uns les autres. » (Shaw, op. cit.)

(…) « Les montagnes inaccessibles dans lesquelles les Zevawis vivent les mettent à l'abri des vexations des Turcs, mais entre eux il se font des guerres éternelles, et le plus faible se fait soutenir par le commandant turc le plus voisin, qui profite de ces divisions pour les dévorer. Leur haine est implacable et n'est assouvie que par le sang. » (Venture de Paradis, Alger au XVIIIe siècle, 1788-1789)

Non seulement des redevances étaient exigées sur tout ce que la population pouvait posséder ou produire, mais la manière de percevoir ces redevances ajoutait encore à ce système d'exaction et de déprédation organisé. » (Walsin-Esterhazy)

Monopole, vénalité et concussion

(…) « Ces charges, déjà si lourdes, se multipliaient par le mode de perception, en passant entre les mains du caïd, puis entre celles du chef lui-même, avant d'être remises au trésorier du bey sorte de fermier général auquel il n'était demandé aucun compte des moyens employés, pourvu qu'il accomplit le versement annuel aux époques désignées. »

(...) « Le gouvernement est le seul vendeur de ce qu'il est permis d'emporter. À l'exclusion des navigateurs et des négociants, il s'approprie les grains de toutes les espèces au prix commun de la place et règle lui-même la valeur de la laine, des cuirs, de la cire qu'on est forcé de livrer à ses magasins, sans avoir eu la liberté de les exposer au marché. Ce qu'il a obtenu pour peu de chose, il le fait monter aussi haut qu'il veut, parce qu'il est possesseur de marchandises de premier besoin et qu'il n'est jamais pressé de s'en défaire. Un tel monopole, le plus destructeur que l'on connaisse, réduit à presque rien ce qu'une contrée si vaste et si fertile peut fournir aux besoins des nations. À peine les denrées qu'on en retire peuvent-elles occuper soixante à quatre-vingts petits navire. » (G.-T Raynal, Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans l'Afrique septentrionale, 1826)

(…) « La jouissance d'une place quelconque à Alger est soumise à des avaids en sa faveur et contre elle. Il n'y a pas jusqu'à la place d'un négociant qui ne soit tenue à présenter tous les ans des pommes, des châtaignes, des anchois, des olives, etc. aux grands et petits qui sont employés dans le gouvernement. Les actes de bienséance, de cérémonie, de politesse sont toujours suivis à Alger d'une donation en argent ou en effets. Tout est réglé on ne connaît point les compliments qui ne sont pas accompagnés de présents. » (Venture de Paradis, op. cit.)

(…) « Les ministres du dey n'ont point de traitement régulier mais, comme ils ne servent pas pour l'honneur il leur paraît tout simple de prendre d'autres moyens de lever des contributions sur le public. Aussi peut-on dire que tous les officiers du dey sont de véritables emblèmes de vénalité et de concussion. » (Pananti, op. cit.)

(…) « Des chefs sans principes, des tribunaux sans lumières, des prêtres sans mœurs des marchands sans foi, des ouvriers sans émulation. Ce que cet État produit ? L'abrutissement entier des Maures, des Arabes des Juifs tous plongés dans la misère et dans l'opprobre, tous esclaves aussi rampants, aussi tremblants que s'ils avaient encore quelque chose à perdre. » (Raynal, op. cit.

Un seul commerce, la guerre de course et le trafic des esclaves

(…) « La politique extérieure des deys se trouvait, comme leu politique intérieure, dominée par la question financière. La Course étant leur principal revenu, ils ne pouvaient pas être question d'y renoncer et les premiers qui, sous l'influence de la terreur causé par les bombardements, essayèrent de le faire tombèrent sous les coups de la milice qu'ils ne purent pas solder régulièrement. » (Grammont, op. cit.)

(…) « Les raïs, ou capitaines de corsaires, forment un corps respecté et très considéré à cause des richesses que leurs courses procurent au pays dont ils sont les plus fermes appuis. » (Shaw op. cit.)

(...) « Après avoir mouillé dans le port, le capitaine conduit tous les esclaves au palais du dey où les consuls des puissances étrangères sont aussitôt appelés et qui, en présence du dey demandent à ces infortunés s'il s'en trouve parmi eux de leurs nations respectives. S'il s'en présente, les consuls s'informent par eux-mêmes s'ils étaient passagers ou s'ils faisaient partie de l'équipage du bâtiment pris. Dans le premier cas, ils sont remis à leurs consuls mais s'ils ont été pris les armes à la main, ils sont de droit esclaves. Le dey fait alors ranger tous ceux qui sont dans ce cas et en prend huit à son choix, lequel tombe ordinairement sur le capitaine, les officiers-mariniers, les ouvriers et surtout les charpentiers qu'il envoie conjointement au bagne du gouvernement les autres sont conduits au batistan ou marché aux esclaves où il s'en fait une première vente et où les delets ou courtiers les promènent l'un après l'autre, en faisant connaître à haute voix leurs bonnes qualités et le prix que l'on en offre. Mais ces ventes ne s'élèvent jamais bien haut parce qu'il s'en fait une seconde au palais du dey où l'esclave est remis entre les mains du plus offrant et dernier enchérisseur. L’État retire un bénéfice considérable, tant de la vente des esclaves que de leur rachat, qui est de 10 % du prix d'enchère. »

(…) Voici la description que le capitaine anglais Croker, envoyé à Alger en 1815, fait de la prison des chrétiens :

« Cet affreux séjour se trouve dans une des rues les plus étroites d'Alger. Une petite cour carrée à l'entrée sert aux captifs à prendre l'air. Leur nourriture journalière consiste en deux pains noirs d'une demi-livre chacun ; ceux qui travaillent ont de plus dix olives. Mais comme les travaux cessent le vendredi, qui est le jour de repos des Turcs, ces infortunés restent enfermés toute la journée et ne reçoivent autre chose du gouvernement algérien que de l'eau. Heureusement que la charité d'un aga turc y supplée. Cet homme humain, qui avait éprouvé dans sa jeunesse le malheur d'être esclave, a fait une fondation destinée à fournir le vendredi une livre de pain à chaque prisonnier. De cette cour, dit le capitaine Croker, je montai par un escalier de pierre dans une galerie autour de laquelle régnait un certain nombre de chambres humides et dont le plancher était en terre, de fortes grilles de fer assuraient l'inviolabilité des portes et des fenêtres. Deux de ces pièces contenaient vingt-quatre espèces de cadres suspendus les uns au-dessus des autres et formés uniquement de quelques branches d'arbre entrelacées. Quelque pitoyables que fussent ces lits, il fallait encore payer pour s'y reposer ! L'odeur en était si infecte qu'une des personnes qui m'accompagnaient fut sur le point de se trouver mal. » (Shaw op. cit.)

(…) « Le nombre des esclaves emprisonnés ne fut pas inférieur, pendant la durée de la Régence, à trente mille. Des soulèvements partiels furent impitoyablement réprimés en 1531, 1552, 1662, 1753, 1763. (…) Les Maures se cotisaient pour acheter un captif qu'ils destinaient au supplice. Le feu et la privation d'aliments délivraient de la vie de véritables martyrs. » (M. Martin, La vie et les conditions des esclaves chrétiens dans la Régence d'Alger.)

Les Algériens avaient l'avantage de n'avoir pas de commerce, de sorte qu'on ne pouvait leur rendre le mal qu'ils faisaient leur commerce était la guerre. » (Nettement, op. cit.)

Pas un seul médecin

(…) « Beaucoup d'obstacles se présentent à celui qui veut voyager dans l'intérieur. Il n’y a point de ponts sur les rivières et, pour les grandes routes, elles choqueraient la politique du gouvernement. Il les regarde comme pouvant faciliter la marche d'un ennemi et ouvrir des communications au peuple. Étrange paradoxe ! Le gouvernement pense qu'il est de son intérêt de prévenir ces communications. » (Pananti, op. cit.)

« Les rues sont mal pavées, sales, obscures, non aérées. Nous n'aurions jamais pu avancer au milieu de ces masses si des gardes qui marchaient devant nous ne nous eussent ouvert le passage en distribuant des coups à droite et à gauche avec une dextérité et une prodigalité toute particulière à ce pays. » (Bianchi, Relation, 1675)

(..) « Excepté la principale rue d’Alger toutes les autres sont étroites et d'une malpropreté extrême. Il n'y a ni places ni jardins dans la ville. Alger ne possède point non plus d'eau douce. L'eau qui se perd, soit en buvant, soit en la tirant dans les vases destinés à cet effet, se réunit et est conduite par d'autres tuyaux dans des égouts et des cloaques où se rendent les ordures des maisons et qui communiquent à une grande fosse située près de la Marine d'où toutes les immondices se jettent dans le port ce qui produit une grande puanteur à la porte du môle durant les chaleurs. » (Shaw op. cit.)

(…) « Considérant le petit nombre des villes commerciales et manufacturières, le despotisme barbare qui pèse sur le pays et la vie pastorale qui est encore celle d'un grand nombre de ses habitants, je pense que, malgré les avantages d'un beau climat et d'un sol fertile, la population de ce royaume, pour une surface d'environ trente mille mètres carrés, est plutôt au-dessous qu'au-dessus d'un million. » (William Shaler consul général des États-Unis à Alger, Esquisse de l’État d'Alger 1830)

« Tous ceux qui nous ont donné des descriptions de cette ville (Alger) me semblent avoir mis bien de l'exagération dans l'évaluation du nombre de ses habitants. Pour moi, quand je compare Alger à d'autres villes dont la population est bien connue, je la réduirais à environ cinquante mille âmes. « (Shaler, op. cit.)

(…) « Les Algériens se sont toujours fait gloire de négliger toutes les précautions employées par les chrétiens pour prévenir la communication de la peste. C'est, à leur avis, s'opposer aux décrets éternels de la Providence et au cours de la prédestination absolue qui en est le résultat. » (Laugier de Tassy Histoire des Etats barbaresques qui exercent la piraterie, 1757)

À suivre