mardi 28 février 2012

Décembre 1944, le 1er RCP s'illustre brillamment à Jebsheim (Alsace)

Issu de l'Armée d'Afrique et instruit au Maroc par les Américains, le 1er régiment de chasseurs parachutistes devait brillamment s'illustrer lors de la campagne d'hiver 1944-1945 sur le front des Vosges, où les Calots bleus aux "charognards" d'or allaient écrire des pages aussi glorieuses que les Alpins de 1914-1918. 

Depuis le 4 octobre 1944, date de son tout premier engagement sur le front allié, principalement dans la région boisée du Mesnil-Thillot, le 1er régiment de chasseurs parachutistes a perdu 468 hommes en vingt jours de combats acharnés dans les Vosges. Reconstitué, il remonte au feu en Alsace, le 7 décembre 1944. Le colonel Geille, l'homme qui a pratiquement créé l'arme parachutiste française, a été appelé à de hautes fonctions à l'état-major de l'air le 29 novembre. Il a transmis le commandement du 1er RCP au commandant Faure, qui était jusque-là son second. Le nouveau chef de corps, grand homme à lunettes et au profil aquilin, installe ses deux bataillons à 25 kilomètres au sud de Strasbourg, à Gerstheim, tout près du Rhin. Des pluies gelées freinent considérablement le déroulement des offensives lancées par le général de Lattre de Tassigny. Les aviateurs alliés, gênés par les intempéries, sont obligés de mettre un bémol à la fureur de leurs bombardements sur les lignes allemandes. L'artillerie allemande, tapie sur la rive est du Rhin, pilonne inlassablement la vallée d'Alsace.
De Lattre est obligé de changer ses plans de bataille. Les ordres qu'il donne à la 2e DB du général Leclerc (à laquelle le 1er RCP a été rattaché pour emploi) ne parlent plus de "s'emparer de Colmar", mais précisent seulement qu'elle "doit lancer des attaques méthodiques et successives sur les villages tenus par l'ennemi", pour permettre à la 36e division d'infanterie US du général Dahlquist de défaire une à une les défenses allemandes solidement installées de Kaysersberg à Andolsheim afin de pouvoir déborder Colmar par l'est, tandis que le groupement tactique n°4 du général Schlesser achèvera l'encerclement de la ville à libérer en accentuant ses pressions sur l'axe Heilisheim — Turckheim — Les-Trois-Épis — Hachimette.
L'ennemi devine le piège. Il lance de furieuses contre-attaques qui réussissent presque à désorganiser la l’armée française. Les chasseurs parachutistes de Faure lancent des patrouilles près des lignes allemandes. Ils capturent des voltigeurs qui apprennent, par bribes, aux officiers alliés que le haut commandement allemand a dépêché des régiments frais et superbement équipés tout autour de Colmar. Ces renforts viennent de Salzbourg, Constance, Garmisch-Partenkirchen, Frilda, et même de plus loin au coeur du Reich. Ces troupes obligent les chefs français à revoir leurs plans de bataille. 
Le rush des paras du commandant Mayer sous le feu des MG 42Les deux bataillons de Faure, le premier mené par le commandant Mayer et le second sous les ordres du commandant Fleury sont dirigés sur Herbsheim et Fraesenheim. Les paras attaquent à l'aube du 13 décembre derrière les blindés du groupement Vézinet qui roulent en grondant dans la grisaille vers Witternheim. Le terrain est gorgé d'eau. Les chars s'embourbent les uns après les autres, les chasseurs les dépassent et poursuivent seuls leur mouvement dans la brume. Peu après 6h30, l'artillerie ennemie prend soudain la progression sous un déluge de feu. Les canons des chars enlisés répondent sans grand succès aux artilleurs allemands. Les parachutistes sont en enfer. Les obus amis et ennemis se croisent en hurlant au-dessus de leurs sections aveugles. Des hommes tombent en hurlant de douleur. Les sections du capitaine Mayer atteignent enfin leur base d'assaut, à 1.500 mètres de Witternheim. Les voltigeurs, essoufflés et aux oreilles torturées, découvrent leur objectif qui sort peu à peu des brumes matinales. Un bois leur en masque la plus grande partie. Mayer donne le signal du rush. Ses 4e et 5e compagnies foncent à l'est de l'objectif, tandis que la 6e compagnie du capitaine Drouant approche l'ennemi par l'ouest. La 4e compagnie, commandée par le lieutenant Charvet, se trouve prise, bien avant d'amorcer sa progression, sous un formidable déluge d'obus. Des hommes en sang se tassent au sol. Le lieutenant Dié a un pied arraché. Le chef de la compagnie matraquée se relève dans le vacarme et entraîne sa première vague d'assaut. Des mitrailleuses allemandes prennent le relais des artilleurs. Leurs rafales taillent à vif dans la ligne pressée des fantassins français. Le lieutenant Bertin est tué. Charvet rameute les survivants des 37 voltigeurs de l'assaut. De nouvelles MG se dévoilent lorsque les paras ne sont plus qu'à 200 mètres de leurs positions. Elles prennent les hommes de Charvet de face. Cinq chasseurs réussissent à se jeter tout contre les Allemands. Charvet lance alors sa deuxième vague sur les brisées sanglantes du premier mouvement. L'artillerie allemande faiblit. Les sections du 1er RCP enlèvent un à un leurs objectifs.
Il est 10h30 lorsque Witternheim est pris. Un drapeau français flotte sur le clocher de l'église dont les cloches sonnent le branle de la liberté. Quarante-deux parachutistes sont morts en quelques heures. Les chars du groupement Vézinet se désembourbent à la mi-journée. Leur avance ajoute encore à la déroute allemande. Charvet mène les survivants de sa compagnie vers Neunkirch, à l'est du village conquis, pendant que le reste du bataillon Mayer s'installe dans le bourg arraché aux Allemands au prix du sang.
Neunkirch est enlevé sans combat. La nuit tombe sur le champ de bataille jonché de gisants des deux camps. L'artillerie ennemie redonne de la voix. Les paras qui ne sont pas de veille se sont terrés dans les caves profondes des fermes qu'ils occupent, et ne subissent pas de pertes. L'attaque est relancée à l'aube du 14 décembre vers Binderheim. Les paras parviennent à se porter à 800 mètres du bourg mal- gré un matraquage continuel d'artillerie. La neige a succédé aux pluies gelées. Des chars Tigre et Panther, dont l'approche avait été trahie à la fin de la nuit par l'incessant grondement des moteurs, entrent dans la bataille. la 6e compagnie du capitaine Drouant est obligée de traverser un champ de mines. Les paras hésitent à avancer plus. Les explosions des pièges allemands se mêlent au concert des canons et des mitrailleuses lourdes. Des spécialistes du déminage sont dépêchés de l'arrière. Des chapelets de mines explosent en sympathie. Le carnage est atroce.
On doit passer tout de même ! hurle le sergent René Leguéré, de la section Lambert.
Le sous-officier donne l'exemple. Il bondit vers le village bien défendu. Un hurlement inhumain l'oblige à se retourner : l'un de ses voltigeurs est déchiqueté par des éclats. Ses yeux implorent de l'aide, son corps sanglant est agité de soubresauts. Son chef devine la mort.
Plaque-toi au sol ! hurle-t-il en se relançant vers l'ennemi, les copains vont venir te tirer de là...
Les paras font un nouveau bond qui les mène à 600 mètres à peine des premières maisons de Binderheim. Ils reprennent leur souffle à l'abri relatif d'un bois de sapins. Les chars allemands manoeuvrent bien. Leurs tirs couvrent bientôt toute la ligne d'attaque sous un manteau de fer et de feu. Le bois qui abrite la 6e compagnie n'est plus qu'un amas de troncs éclatés. Les chasseurs sont paralysés. La pression allemande se fait de plus en plus forte.
Pas possible, rumine Leguéré en cherchant du regard les survivants de la section Lambert, on va tous crever ici !
L'artillerie amie ne riposte pas à la furie allemande. L'enfer dure près de trois heures. Seuls, dérisoires, les mortiers de Faure essaient de tempérer un peu les ardeurs des pièces ennemies les plus rapprochées. Pris eux aussi sous les éclatements aveugles de leurs obus, des soldats allemands lancent des assauts désespérés vers les paras bloqués. Ces derniers réagissent bien. Leurs armes individuelles et leurs mitrailleuses légères redonnent de la voix à l'unisson. La folle attaque se brise net. Pour la vingtième fois au moins un ordre circule de groupe en groupe : "Il faut tenir à tout prix !"
Les plaintes des blessés, dans l’enfer déclenché par l’artillerie allemande 
D'horribles plaintes montent dans le bois fracassé. Des blessés implorent Dieu. Certains appellent leurs mères. D'autres maudissent le diable en expirant.
Les paras de Drouant, bien couverts par les mitrailleuses de la 4e compagnie, bondissent vers l'objectif enfumé. Ils sont vite obligés de se tasser dans la boue, tout contre les cadavres des soldats allemands dont l'attaque a tourné court. L'après-midi se meurt lorsqu'arrive enfin un ordre de repli. Les sections, bien entamées, refont par bonds les 3 kilomètres parcourus depuis le matin. Le bataillon Mayer réussit à sortir tout entier de l'enfer, et s'installe à la nuit aux franges du bois de Mayhols. Des volontaires repartent presque aussitôt en patrouille, pour tenter de récupérer des blessés qui appellent à l'aide, sous le pilonnage incessant de l'artillerie ennemie.
Le 1er bataillon a perdu le tiers de son effectif en quarante-huit heures, dont 136 chasseurs au cours de l'attaque vaine sur Binderheim. Les survivants reprennent des forces sous la protection de trois tanks destroyers et de trois Sherman. Les Allemands passent à l'attaque à l'aube du 16 décembre. Ils concentrent leurs efforts sur le nord-ouest du bois de Mayhols, dans lequel se sont repliés les 4e et 5e compagnies du bataillon Mayer. Le lieutenant Guiraut replie sa 5e compagnie au sud du bois, après avoir supporté le premier choc de l'assaut allemand.
Les TD et les Sherman protègent efficacement le repli des paras. Mayer réorganise ses lignes. Son bataillon est bientôt déployé face au mouvement ennemi bien épaulé par une douzaine de Panther. L'artillerie amie, amenée en ligne au cours de la nuit, se déchaîne enfin. Les Allemands subissent à leur tour la loi du feu en pluie.
Chacun son tour, jubile Jules Rechignat, un tireur à la mitrailleuse de 7,62, qu'est-ce qu'ils prennent...
Les vagues ennemies reculent. La 6e compagnie glisse à l'ouest et au sud-ouest de Neunkirch, tandis que les survivants de la 4e se portent au sud-est de la localité. L'artillerie allemande se manifeste encore tout au long de la journée. Les parties en présence semblent s'observer. Mayer ne compte au soir du 15 décembre "que" cinq tués. Les choses se calment encore dans les jours qui suivent.
La trêve, toute relative, dure jusqu'au 22 décembre. Le 2e bataillon du capitaine Fleury est mis en alerte. Il doit attaquer le lendemain les villages de Zelsheim et Diebolsheim pendant que le 1er bataillon suivra le mouvement de très près. Les paras sont impatients de foncer sur l'ennemi qui ne donne plus signe de vie, mais l'attaque est décommandée au tout dernier moment. Le régiment Faure est placé en repos. Les paras fêtent Noël loin du feu, au Val d'Ajol, à Plombières et à Ruaux. Ils remontent en ligne le 30 décembre. Leurs camions ont du mal à franchir le col du Bonhomme qui est fortement enneigé, et c'est à pied que les chasseurs relèvent le 1er régiment de tirailleurs algériens sur les crêtes du secteur de Labaroche, vers Hachimette.
Les Allemands attaquent en force pendant la dernière nuit de l'année 1944: six divisions d'infanterie et une division blindée bousculent le dispositif allié sur la ligne Sarreguemines — Bitche — Bannstein — Benhoffen ; le but principal de leur manœuvre étant de reconquérir la trouée de Saverne.
La pression ennemie est si forte que, dès le 1er janvier 1945, le général Eisenhower doit se résoudre à ordonner le repli de son 6° groupe d'armées. L'aile gauche de la 1re armée française est obligée de suivre le mouvement. Le général de Gaulle n'accepte pas la tactique US. Il écrit au général de Lattre dès le début du repli : "Dans l'éventualité où les forces alliées se retireraient de leurs positions actuelles au nord du dispositif de la l'armée française, je vous prescris de prendre à votre compte et d'assurer la défense de Strasbourg."
Sous le feu des tireurs d’élite allemands
Pendant que se joue ainsi le sort de la guerre, les paras de Faure poursuivent leur mise en place de relève. Le 1er bataillon du 1er RCP s'étale au sud d'Orbey, tandis que le 2e bataillon occupe l'ouest de la localité, sur la route des lacs Blanc et Noir. Des TD appuient quelques pressions du 1er bataillon vers le Gros-Gazon et le haut Honeck. Les Allemands contre-attaquent. Le combat est longtemps incertain, puis l'ennemi reflue sur les hauteurs qu'il occupait avant l'assaut. Les chasseurs du 2e bataillon, qui ont chargé leur matériel lourd sur un train de mules, s'installent au nord du village de Pairs. Les Allemands, vêtus de blanc et invisibles dans la neige, ne sont qu'à 200 mètres de là. Leurs tireurs d'élite empêchent tout mouvement des Français. Les combattants s'observent. Une unité américaine relève les paras dans la nuit du 6 au 7 janvier. Les forces du Reich attaquent une nouvelle fois le 10 janvier. L'affaire est des plus sérieuses. Le général von Maur, qui commande l'attaque de l'armée Oberrheim, est sûr de son fait. L'ordre du jour qu'il diffuse avant l'assaut est net :
"Je compte sur vous pour pouvoir annoncer au Führer, dans quelques jours, que le drapeau à croix gammée flotte à nouveau sur la cathédrale de Strasbourg."
La 1re division française libre du général Garbay résiste tant qu'elle peut à la ruée des chars blancs de la brigade Feldherrnhalle et aux fantassins de la 198e division. Les efforts du bataillon du Pacifique, du 1er bataillon de la Légion étrangère, des paras de Faure et des fusiliers marins du 1er RFM permettent aux lignes alliées de tenir. Les Allemands piétinent, reculent — et Strasbourg, qui avait été évacuée en hâte, demeure française. Le général Wiese, qui commandait en chef le mouvement de la 19e armée allemande, est remplacé par le général Rasp. De Lattre décide de lancer de nouvelles actions pour délivrer enfin Colmar. Il obtient des Américains le solide appui aérien nécessaire à l'attaque.
Le jour J est fixé au 20 janvier 1945. Le 1er RCP, regroupé à Obernai, effectue un mouvement vers Guémar et s'insère dans le dispositif tactique de la 5e DB du général Vernejoul, qui détache aussitôt les paras au groupement tactique n°6 du colonel Boutaud de Lavilléon.
La bataille commence à l'heure prévue dans une tourmente de neige. Le 1er corps d'armée français attaque en premier, bien soutenu par 102 batteries d'artillerie. Le 2e corps d'armée entre à son tour dans l'action à J+2. Les Allemands tiennent parfaitement le verrou de Colmar. De Lattre lance un troisième corps d'armée dans la bataille. Les parachutistes de Faure reçoivent pour mission principale de s'emparer de Jebsheim, position clé au nord-est de Colmar.
Le capitaine Fleury attaque sous la neige. Ses sections dépassent sans encombre le moulin de Jebsheim, déjà enlevé de haute lutte par des fantassins américains. Les Allemands se dévoilent à l'orée du bois. Le combat est tout de suite d'une violence inouïe. A l'avant, les paras luttent de front. Les Allemands finissent par reculer. Faure reçoit alors l'ordre d'occuper et de tenir à tout prix la forêt jonchée de cadavres gelés. La température atteint — 20 °C. Les Allemands contre-attaquent. L'issue du combat demeure incertaine sur toute la longueur du front. Le 2e bataillon du 1er RCP reste ainsi au contact physique de l'ennemi pendant trois jours. L'artillerie allemande entretient une pression constante sur les positions françaises. Plus de 120 paras meurent, déchiquetés. Les défenseurs de Jebsheim repoussent les Américains du 254e régiment d'infanterie dans la nuit du 25 au 26 janvier. Les Yankees, bien soutenus par les chars du sous-groupement du Chayla et flanqués par les paras du 1er bataillon du 1er RCP, réussissent à reprendre les premières habitations du bourg transformé en forteresse par les soldats du Reich. Les fantassins américains accentuent encore leur pénétration dans la nuit du 27. Le commandement ennemi prend alors les assaillants sous un déluge d'obus d'artillerie. Les Français, légionnaires du 3e RMLE et paras du RCP se lancent à la rescousse en vagues hurlantes. Les maisons de Jebsheim sont arrachées à l'ennemi une à une après de furieux corps à corps. Les positions dévastées changent plusieurs fois de camp. Il y a du sang sur la neige. Les morts gèlent très vite. Les survivants des attaques, hagards, ont dépassé depuis longtemps le seuil de la résistance humaine. Ils sont devenus des "robots de guerre". Il part en moyenne, dans les deux camps de la bataille, un obus d'artillerie toutes les cinq secondes. Le combat s'exaspère le 28 janvier. Les Allemands sont enfin bousculés. Leurs blindés, jusque-là embossés à l'abri des regards alliés, décrochent un à un, poursuivis par l'artillerie amie. La 9e compagnie du 2e bataillon du RCP oblige le plus gros d'un bataillon de chasseurs de montagne, qui venait de rejoindre la bataille, à jeter les armes. Le vacarme décroît, puis meurt. Le colonel Boutaud de Lavilléon peut annoncer enfin la prise de Jebsheim.
Les paras se terrent dans les positions qu'ils ont enlevées. Ils ont tous des visages de morts vivants. La victoire, trop chèrement payée, ne les grise pas. Ils sont devenus indifférents à tout ce qui les entoure. Ils devinent que l'ennemi peut revenir en force. C'est ce qui se passe à l'aube du 29 janvier. Les généraux allemands jettent le 136e Gebirgsjagerregiment et les Jagdpanther du 654e Panzerjagerabteilung pour soulager les derniers enragés qui tiennent encore quelques maisons au sud de Jebsheim. Le général Haus Degen, qui commande la 2. Gebirsdivision, a reçu des ordres formels :
"La brèche dans la HKL (Hauptkamflinie, ligne principale de résistance), entre Grussenheim —Jebsheim et le canal compris au nord de Muntzenheim, doit être fermée avec toutes les forces dont le corps dispose, renforcée et défendue. L'ennemi ne doit pas pouvoir franchir cette HKL et pousser en direction de l'est, sous peine de provoquer de graves perturbations dans la conduite d'ensemble du corps. De nouvelles réserves doivent être constituées à l'est de Jebsheim et au sud de Muntzenheim."
Cet ordre, qui montre bien tout l'intérêt de la prise de Jebsheim pour les Alliés, n'est, en fait, que le prolongement d'un rapport que le Führer en personne a remis au SS Oberstgruppenführer Hausser, qui commande le groupe d'armées Oberrheim :
"Il importe de consolider le front nord de Colmar et de fortifier la ville elle-même, dont la perte aurait une signification bien plus grande que celle d'une autre partie de terrain."
La ruée allemande se brise sur les défenses alliées à 9 heures. Les paras resserrent leurs rangs à nouveau clairsemés. Les Allemands qui ont tout de même réussi à se réinstaller dans la partie sud de Jebsheim lancent un second coup de boutoir vers 15 heures. Leurs efforts échouent. Ils arrachent quelques nouvelles maisons aux Français et aux Américains, mais sont bientôt forcés de reculer encore. Ils abandonnent cette fois le village tout entier. Jebsheim est en ruine. Un demi-millier de cadavres allemands jonchent les rues éventrées, les jardinets dévastés et les champs alentour. Trois centaines de GI et de paras sont morts. Une longue colonne de plus de mille prisonniers est lentement évacuée. Des explosions brisent le calme si chèrement mérité. Les vaincus ont diaboliquement piégé tout le morne site. Des démineurs du génie assainissent lentement le village. Les chasseurs de Faure les aident en fouillant le sol de leurs baïonnettes. La nuit tombe sur le village mort. La route de Colmar est ouverte. La ville sera bientôt investie. Le 8 février 1945, les troupes alliées défilent devant leurs chefs. Le 1er RCP, qui est tout naturellement de la parade, a perdu l'équivalent de son effectif après trois mois d'une sanglante bataille. Le régiment déplore en effet depuis le 4 octobre 1944, 1.156 hommes hors de combat, morts et blessés confondus ! http://www.theatrum-belli.com
A lire :
Georges FLEURY : Le 1er Régiment de chasseurs parachutistes, tome 1 (1935-1945), Lavauzelle, 1982.
Georges FLEURY : Le Para Roger Léguéré : L'Épopée d'un para, des Vosges (1944) à Dien Bien Phu (1954), Grasset, 1982.

lundi 27 février 2012

LA MACONNERIE ET SES COMPAGNONS DE ROUTE

      Régulièrement j'attire l'attention sur certaines déclarations de responsables ou de journalistes de la mouvance dite «nationale» et ou catholique même traditionaliste, qui s'efforcent de nier ou d'édulcorer l'action de la maçonnerie et de moquer ceux qui, comme nous, mettent en garde.
À l'évidence, les études sur le complot maçonnique et la gnose, même restreinte à quelques auteurs récalcitrants, dérange, sinon on ne comprendrait pas la constance de tant de textes visant à le nier.
On voit d'où vient le mot d'ordre, à l'occasion d'une «conférence publique» le 16 janvier 2010 de la loge Condorcet-Brosso- lette de la Grande Loge de France, qui «planchait» sur «Anti-maçonnerie, le mythe du complot».
Y participaient, Joël Gregogna, Premier Grand-Maître Adjoint, Patrick-André Chéné, gynécologue, Michel Jarrige, spécia liste de l'anti-maçonnerie, que nous avons déjà épinglé dans La Politique.
Ils étaient accompagnés par P-F Truys et A. Lenardezzi qui interprétaient, au violon, des morceaux de musique hébraïque.
Le plus intelligent des deux conférenciers était incontestablement Michel Jarige qui, dans sa tentative de défense de la maçonnerie, a passé en revue l'argumentation antimaçonnique, dont la notion de superposition pyramidale des degrés.
Ce qui fait que les inférieurs ne savent rien des degrés supérieurs, ni de l'identité de ceux qui les dirigent (1).
Conscient du danger, il moquait la division faite entre maçons «naïfs» qui ne rentrent en maçonnerie que que par ambition et carriérisme et la haute maçonnerie.
Comme le disait, cynique, le haut initié Albert Pike dans Morals and Dogmas (1) :
«Une partie des symboles est divulguée à l’initié, mais ce dernier est intentionnellement induit en erreur».
«On ne veut pas qu’il comprenne» !

Il est évident qu'aucun haut maçon, ne peut répondre à cet aveu d'Albert Pike qui n'était pas destiné à être connu et c'est pour cela qu'il ne leur reste, que la simple dénégation et le silence sur ce qui dérange.
Or c'est là, la démarche que l'on retrouve de la part de ses «compagnons de route» dans nos milieux.
C'est pour cette raison qu'ils fuient toute confrontation ou débat.
C'est pourquoi, Michel Jarige et P-A Chéné en étaient réduits à nier tout fondement au complot dénoncé, comptant sur l'ignorance du public des textes judéo-maçonniques qui annoncent et se glorifient du complot (1).
Primaire pour des primaires, Patrick-André Chéné moquait le «conspirationisme» par des raccourcis caricaturaux :
Parler de complot maçonnique, c'est selon lui comme si on niait que «Le 11 septembre ait eu lieu», «que les Juifs ne sont pas morts dans les camps de concentration», etc..., énormités que n'a jamais utilisées l'école antimaçonnique, si ce n'est pour dénoncer le montage de ces évènements et leur utilisation au profit du complot qui bien sûr, «n'existe pas»...
Il accusait les anti-maçons de paranoïa, de psycho-rigidité, et le plus beau de «jalousie des anti-maçons de n'avoir pas le bonheur d'être maçons» (sic).
Et pour parfaire le tout d'affirmer avec un aplomb incommensurable :
«Aucun élément objectif n'a pu être apporté à l'appui des thèse conspirationistes»...
C'est pourquoi il est intéressant de juxtaposer cette conférence avec les déclarations et négations de représentants des milieux «nationaux» et ou dits catholiques «tradis», sur lesquels il nous faut revenir.
On y découvre ainsi la filiation de leur campagne de négation du complot...:
- En effet, ce n'est pas gratuit si l'abbé de Tanoüarn estimait que les travaux du jésuite Barruel, ne sont qu'une thèse parmi d'autres sur les origines de la Révolution française” (sic).
De même, son apologie de la valeur morale des Constitutions maçonniques d'Anderson est étrange !
Aussi, rien d'étonnant qu'il prône :
“L'on doit récuser les théories complotistes et conspirationnistes” (2).

- Ce n'est pas gratuit si, son confrère, l'abbé Grégoire Celier, sous le pseudonyme de Paul Sernine, anagramme d'Arsène Lupin (sic), dans son livre La Paille et le Sycomore, niait méprisant, sans apporter de preuves, les analyses documentées d'Étienne Couvert et de Jean Vaquié sur la gnose.
- Ce n'est pas gratuit si, à cette occasion, les abbés Laguérie et Héry, MM. J.Madiran, B. Antony, O. Pichon, S. de Beketch, D. Hamiche, J-M Molitor, J-L Maxence, J-P Maugendre, A. Guyot-Jeannin, E. Ratier, etc... appuyaient cette thèse dans leurs publications. Tansi que d'autres se taisaient, frileux !
- Ce n'est pas gratuit si dans ses pseudos Vérités sur la maçonnerie, Bernard Antony escamote le satanisme luciférien des hauts grades, et si dans son entretien dans Présent, 6.3.2010, il nie l'origine juive kabbaliste de la maçonnerie.
Qui plus est, en mettant au défi quiconque d'en apporter la preuve, mais fuyant le débat que je lui proposais, de même que notre ami Franck Abed qui le lui proposait avec moi sur Internet !
- Ce n'est pas gratuit si MM.Claude ?Rousseau, et Dominique Viain dans La Nouvelle Revue Certitudes de l'abbé de Tanoüarn, niaient cette action (3).
- Ce n'est pas gratuit si Emmanuel Ratier, Le Choc du Mois, N°4, écrivait :
Je n'ai jamais trouvé aucun document récent, je n'ai jamais eu d'entretiens avec des personnalités haut placées (sic), qui me permettent de démontrer qu'il y ait une espèce d'organisation pyramidale.
- “Ce sont des gens - les Bidelberg, Forum de Davos, Le Siècle- qui partagent une vision du monde modérée, consensuelle...
- La F.'. M.'. est devenue très conservatrice, plus du tout révolutionnaire (sic)
Si elle n'est pas si mal que cela, alors pourquoi l'a-t-il quittée, s'il l'a quittée...?!
La litanie se poursuit avec les «catholiques» :
- Michel Toda dans La Nef, N°169 évoquait "Barruel ou le mythe du complot maçonnique".
-Yves Chiron, dans Présent, 11.3.06 :
"Nombre d'historiens et d'auteurs (lesquels ?) ont repoussé en bloc la thèse de Barruel, selon laquelle la Révolution française est l'aboutissement d'un triple complot, contre l'autel, le trône, la société" et dans Présent, 15.4.06 :
"Les théories du complot ou conspirationnistes sont dans beaucoup de cas, une façon commode, simpliste ou paresseuse, d'expliquer la réalité historique" (sic).
"Identifier systématiquement franc-maçonnerie et complot est-il légitime" ?
"La question mériterait de longs développements, argumentés à la fois par la pratique maçonnique et par des exemples historiques" (sic).
Croit-il vraiment qu'il suffit d'entrer en maçonnerie pour en connaître ses secrets, alors que sa structure par degrés "d'initiation" fait que les bas grades ne savent rien des grades supérieurs ?!
- Pierre-André Taguieff, dans un entretien avec Christophe Geffroy et Jacques de Guillebon dans La Nef ,N° 170, niait lui aussi le complot maçonnique.
Il occultait la documentation maçonnique connue et les excommunications de l'Église sans que MM. Geffroy et de Guillebon réagissent.
Au contraire ils l'appuyaient :
"À quand remontent ces “théories du complot " ou encore :
"Pourquoi Barruel introduit-il le mythe du complot juif à ce moment là" ?
Or Taguieff, chercheur au CNRS, est l'auteur de Autour des Protocoles des Sages de Sion, faux et usage de faux, récompensé par le prix Bernard Lecache de la LICRA....
Il collaborait à la revue occultiste, gnostique et maçonnique, Politica Hermé- tica de Vladimir Dimitrijevic invité aux réunions du "catholique" Centre Charlier, de Bernard Antony, président des Amitiés juives et chrétiennes et des Etudiants israélites rapatriés d'Algérie.
- Patrice de Plunkett nie lui aussi le complot dans son livre l'Opus Dei :
"Barruel, dans ses Mémoires pour servir à l'Histoire du Jacobinisme, (...) attribue ce complot aux francs-maçons, lançant ainsi un mythe qui influencera des esprits dans toute l'Europe et jusqu'en Amérique".
“Dans le mythe du complot juif, il y a le récit secret du "discours du rabbin", réunissant ses frères pour leur soumettre un projet de conquête du monde”.
“C'est la pseudo source des Protocoles des Sages de Sion, ce faux archi-célèbre grand classique de l'antisémitisme déjà servi contre les francs-maçons" (sic).
L'ennui pour la crédibilité de M. de Plunkett, est que ce que nous vivons aujourd'hui correspond étrangement à ce qui y est écrit...
- Jean Sévilla dans Quand les catholiques étaient hors la loi (ils ne le sont plus ?), écrivait : "En dépit d'une certaine propagande, il n'existe pas de complot maçonnique" !
Et à l'émission de J. Trémolet de Villers à Radio Courtoisie. le 27.10.11, il récidivait en affirmant :
«Les révolutionnaires juifs ne combataiaient pas la monarchie, c'était leurs alliés» (sic) sans que de Trémolet de Villiers bronche !
C'est escamoter le rôle majeur des Juifs Weisshaupt, Kloots, Martinez de Pasqualis et autres Cagliostro dans la Révolution !
- Bruno Gollnisch, L'Héritage, N° 2 affirmait sans être contredit par Thibault de Chassey :
"Son influence (la maçonnerie) est encore grande", (sic), puis, "La Trilatérale, ça existe, mais ce n'est pas la Franc-Maçonnerie", (...) tous les membres de la Trilatérale ne sont pas francs-maçons".
Comment le sait-il alors que ses fon dateurs David Rockfeller et Zbiniew Brzezinski, sont deux haut maçons mondialistes, Le Figaro, 25.1.1999 ?!
Ce qui frappe chez ces“catholiques” c'est que comme les francs-maçons, ils se limitent à nier le complot, et occultent la documentation maçonnique réunie par l'école antimaçonnique qui le démontre.
Voila pourquoi leurs dénégations ne sont pas gratuites !
Pas plus que le refus de Thibault de Chassey de mettre en ligne sur son site, mon entretien avec Franck Abed sur la maçonnerie !
P. P. d'Assac  www.nationalisme-francais.com
Courriel - sppdassac@hotmail.fr
Site - www.nationalisme-francais.com
(1) P. P. d'Assac. La Maçonnerie. S.P.P.
(2) Nouvelle Revue Certitudes, N° 13, 2004
(3) P.P.d'Assac. Tradition ou Révolution.

samedi 25 février 2012

vendredi 24 février 2012

Le Capitaine Hermann Ehrhardt : ennemi de la République de Weimar et combattant clandestin

Le Capitaine de corvette Hermann Ehrhardt était, au début des années 20, plus connu qu’Adolf Hitler. Il était l’espoir et la figure du chef pour la droite radicale allemande sous la République de Weimar. Il avait participé au putsch de Kapp; il avait combattu dans les Corps Francs; il avait été un “terroriste politique”, avait tiré les ficelles de plusieurs attentats politiques et était propriétaire terrien. A propos de sa personne, on affabulait et on brodait: on l’imaginait en permanence ourdissant des complots. Avec ses compagnons de combat, il était de toutes les conversations sous la République de Weimar, faisait souvent la une des journaux. Par deux fois, ce chef bien connu des Corps Francs a dû prendre la fuite en Autriche poursuivi par les sicaires de la police politique. La seconde fois, il est resté durablement sur le territoire de la république alpine et, en 1948, est devenu citoyen autrichien. Il est mort le 27 septembre 1971 dans son château à Brunn am Walde dans le Waldviertel. Quand il est mort, il y a quarante ans, son nom et son itinéraire politique avaient été oubliés depuis longtemps. Son décès n’a suscité qu’une brève notule dans le “Spiegel” de l’époque. Qui donc était cet homme qui, jusqu’à la fin des années 20, avait été considéré comme l’ennemi le plus dangereux de la jeune République de Weimar ?

Hermann Ehrhardt était né le 29 novembre 1881 à la lisière de la Forêt Noire, dans la localité de Diersburg dans le Pays de Bade. En 1899, il s’engage comme cadet de la mer dans la marine impériale allemande et y achève une carrière typique d’officier de marine. En 1904, alors qu’il a acquis le grade de sous-lieutenant (“Leutnant zur See”), il participe, sous les ordres du Lieutenant-Colonel Ludwig von Estorff, aux opérations destinées à mater la révolte des Hereros dans le Sud-Ouest africain, à l’époque colonie allemande. Ehrhardt lui-même décrira cette aventure, ainsi que d’autres épisodes de sa vie mouvementée, dans un livre intitulé “Kapitän Ehrhardt – Abenteuer und Schicksale” (“Capitaine Ehrhardt – Aventures et destinées”) et paru en 1924, alors que sa notoriété était à son zénith ainsi que son influence sur les droites politiques de l’époque de Weimar.

Quand éclate la première guerre mondiale, Ehrhardt était “Kapitänleutnant” et chef d’une demie flotille de torpilleurs. En cette qualité, il avait participé à la bataille du Skagerrak, notamment aux opérations qui avaient conduit à la destruction du destroyer britannique “HMS Nomad” de 1000 tonnes. La demie flotille d’Ehrhardt fut alors envoyée en Flandre en octobre 1916 pour lancer des opérations de reconnaissance et des raids dans la Manche, afin de protéger l’action des sous-marins. En 1917, Ehrhardt est promu “Korvettenkapitän”. En septembre de la même année, il devient le commandant de la IX flotille de torpilleurs, fonction qu’il conserve jusqu’à la fin des hostilités. Après l’armistice, en 1919, il conduit son unité à Scapa Flow, où les équipages font saborber les torpilleurs. Ehrhardt n’a pas assisté lui-même au sabordage de sa flotille car, avec la plupart de ses hommes, il était déjà retourné à Wilhelmshaven.

Le 27 janvier 1919, les communistes proclament la “République des Conseils de Wilhelmshaven”. Réagissant à cette mutinerie des matelots de Wilhelmshaven, Ehrhardt rassemble autour de lui 300 officiers de marine, des hommes de sa propre flotille ainsi que d’autres unités, et donne l’assaut, le soir même de la proclamation de cette “République des Conseils”, au quartier général des révolutionnaires. Le 17 février, il fonde, après une intense campagne de recrutement parmi les marins non communistes, la “Marinebrigade Ehrhardt”, l’un des premiers Corps Francs de l’après-guerre allemand. Elle compte environ 1500 hommes.

Avec ce Corps Francs, l’un des plus connu dans l’espace allemand entre 1918 et 1923, Ehrhardt participe à l’élimination des “républiques des conseils” de Munich et de Braunschweig en avril et en mai 1919. Dans le centre du pays aussi, la Brigade Ehrhardt met un terme à plusieurs foyers insurrectionnels. En août 1919, la Brigade est engagée contre la première insurrection polonaise en Haute-Silésie. A la fin de l’année 1919, la troupe se voit renforcée par des éléments issus des unités ayant opéré dans les Pays Baltes, si bien qu’elle finit par compter 4000 hommes. A la charnière des années 1919 et 1920, Ehrhardt et ses hommes sont au repos et casernés dans le camp d’entraînement de Döberitz près de Berlin, où la dissolution de tous les Corps Francs, y compris la Brigade de Marine d’Ehrhardt, doit avoir lieu, comme l’exigent les vainqueurs.

Au début du mois de mars 1920, Ehrhardt entre en rébellion contre l’ordre de dissolution et rejoint le putsch dit de Kapp, mené par un haut fonctionnaire prussien, Wolfgang Kapp, et par un général d’infanterie, Walther von Lüttwitz. La mission de la Brigade Ehrhardt était d’occuper le quartier gouvernemental de la capitale. Au cours de ce putsch, Ehrhardt a fait savoir ce qu’il entendait par “application de la violence” en cas de coup d’Etat: après que les fonctionnaires berlinois aient refusé de travailler pour le gouvernement putschiste, Ehrhardt aurait dit: “Eh bien, nous allons coller au mur les trois premiers fonctionnaires qui refusent de travailler. On verra bien alors si le reste va se mettre à travailler ou non”. Lorsque Kapp refusa d’appliquer cette mesure drastique, Ehrhardt a lâché ce commentaire: “Alors le putsch est fichu!”.

Après l’échec du putsch de Kapp et la dissolution effective de la Brigade, le 31 mai 1920, la tête d’Ehrhardt fut mise à prix en Prusse. Il prit la fuite et se réfugia en Bavière, à Munich, où les nationaux tenaient le pouvoir sous la houlette du premier ministre bavarois, le Chevalier Gustav von Kahr. Celui-ci toléra sa présence sur le sol bavarois et ne le fit pas extrader. Alors qu’une partie de ses anciens soldats et compagnons s’engageaient dans la Reichswehr nouvellement reconstituée, une autre partie choisit la clandestinité: par l’intermédiaire de l’“Organisation Consul”, ils participèrent à l’organisation et à l’exécution de nombreux attentats politiques. Ainsi, Matthias Erzberger, Karl Geis et Walter Rathenau ont été éliminés par d’anciens combattants de la Brigade Ehrhardt. Immédiatement après l’attentat perpétré contre Erzberger, Ehrhardt se réfugia en Hongrie car il craignait d’être arrêté, accusé d’avoir tiré les ficelles du complot fatal. Vu l’état de l’opinion publique après les premiers attentats, la Bavière n’offrait plus un refuge sûr pour le Capitaine.

En novembre 1922, Ehrhardt revient de son exil hongrois. Il est immédiatement arrêté. Mais, en juillet 1923, avec l’aide de ses hommes, Ehrhardt réussit une évasion spectaculaire et se réfugie en Suisse, puis revient à Munich sous une fausse identité. Dans les cercles nationalistes de la capitale bavaroise, il s’oppose de manière véhémente et ferme contre le putsch manigancé par Hitler et Ludendorff, car, à son avis, il avait été préparé de manière fort peu professionnelle.

Dès ce moment, les nationaux-socialistes considèreront Ehrhardt comme une personnalité peu fiable. Le Capitaine a perdu aussi beaucoup de son prestige dans les rangs des droites allemandes. En avril 1924, vu l’imminence d’un procès pénal, Hermann Ehrhardt quitte le Reich pour l’Autriche; il revient en octobre 1926 après une amnistie générale décrétée par le Président Paul von Hindenburg. En 1931, Ehrhardt fonde le groupe “Gefolgschaft” (littéralement: la “Suite”), qui, malgré la perte de prestige subie par Ehrhardt, parvient encore à rassembler plus de 2000 de ses adhérants, ainsi que des nationaux-socialistes et des communistes déçus. Ils voulaient empêcher Hitler de prendre le pouvoir et fustigeaient la “mauvaise politique de la NSDAP”. Ehrhardt entretenait des rapports avec Otto Strasser et l’aile socialiste de la NSDAP. En 1933, Ehrhardt s’installe sur les terres du Comte von Bredow à Klessen dans le Westhavelland. En juin 1934, quand Hitler élimine Röhm, Ehrhardt aurait normalement dû faire partie des victimes de la purge. Il a réussi à prendre la fuite à temps devant les SS venus pour l’abattre, en se réfugiant dans la forêt toute proche. Les sicaires ne l’ont que mollement poursuivi car, dit-on, beaucoup de membres de sa Brigade avaient rejoint les SS. Ehrhardt s’est d’abord réfugié en Suisse puis, en 1936, en Autriche, où son épouse, le Princesse Viktoria zu Hohenlohe-Öhringen possédait un château à Brunn im Walde dans le Waldviertel. Ehrhardt n’a plus fait autre chose que gérer ces terres, que participer à des chasses au gibier et que s’adonner à la sylviculture. Il s’est complètement retiré de la politique.

Après l’Anschluss, Hitler fit savoir à Ehrhardt qu’il pouvait vivre en paix dans le Waldviertel à condition qu’il ne s’exprime plus politiquement et renonce à tout activisme. Après la seconde guerre mondiale, Hermann Ehrhardt est devenu citoyen autrichien en 1948. Après sa mort, il a été enterré dans le cimetière de la commune de Lichtenau im Waldviertel. La pierre tombale, sous laquelle reposent Ehrhardt et son épouse (décédée en 1976), est décorée de l’insigne de la Brigade, présentant un drakkar viking.

Jan ACKERMEIER http://euro-synergies.hautetfort.com/
(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°41/2011; http://www.zurzeit.at/ ).

jeudi 23 février 2012

1415 : Une France sans chef

Cette année-là, la trente-cinquième de son règne, Charles VI, quarante-sept ans, n’était, hélas, plus en état de s’intéresser aux événements dramatiques que vivait le royaume de France. Depuis ce sombre jour d’août 1392 où, dans la forêt du Mans, il avait vu soudainement un homme en haillons s’emparer des rênes de son cheval et que, se croyant entouré d’ennemis, il s’était mis à donner de furieux coups d’épée sur tout son entourage, le roi avait commencé de donner d’alarmants signes de folie. L’année suivante où lors d’une fête costumée ayant mal tourné, il avait vu quatre de ses compagnons mourir brûlés vifs et n’avait que de justesse échappé au même sort, son mal s’était aggravé et il se trouvait depuis lors plongé ordinairement dans une véritable hébétude.
Comme à chaque fois que le roi était inapte à gouverner, la situation était devenue républicaine, les oncles du roi s’étant attribué la régence et n’ayant réussi qu’à attiser les querelles partisanes en vue de manipuler la population parisienne. Des « journées » réellement révolutionnaires se déroulaient au moment même où le roi d’Angleterre (Henri IV, puis son fils Henri V à partir de 1413), revendiquait de plus belle le trône de France. Car on était en pleine « guerre de Cent Ans » – cette guerre cruelle qui aurait été bien écourtée si le sage Charles V (1338-1380) avait régné plus longtemps sur la France. Avec l’aide de Du Guesclin n’avait-il pas renvoyé les Anglais chez eux ?
Le malheur voulait qu’en France, en ce début de XVe siècle, la plupart des têtes pensantes fussent mûres pour l’abandon. Le laisser-aller était à la fois politique, intellectuel, universitaire, moral et spirituel. Des rêves d’Europe marchande édifiée sur les ruines du royaume capétien agitaient les esprits affairistes, à commencer par le propre oncle du roi Philippe le Hardi, duc de Bourgogne et aussi par mariage comte de Flandre, chef du parti bourguignon, dont le fils Jean sans Peur, avait en 1407 fait assassiner le duc d’Orléans, frère du roi et chef du parti français, dit armagnac. Depuis lors, les foules déchaînées se battaient dans Paris.
Dès son avènement sur le trône anglais, Henri V, vingt-huit ans, avait pensé que son heure était venue. La France sans chef sombrait dans tous les désordres tandis que lui se préparait, s’organisait, calculait.
Azincourt
Depuis août 1414, il demandait la main de Catherine, treize ans, fille de Charles VI et d’Isabeau de Bavière. Sans réponse il débarqua le 13 août 1415 à Harfleur avec 1 400 navires et 30 000 hommes. Le siège fut plus difficile qu’il ne le prévoyait ; il lui fallut en septembre tenter de remonter vers Calais pour mettre à l’abri son armée épuisée et atteinte de dysenterie.
Or voici contre toute attente, que le roi de France ayant convoqué le ban et l’arrière ban, et même la piétaille, une armée française de plus de 30 000 hommes sous les ordres du connétable d’Albret, vint couper la route aux Anglais qu’elle rencontra entre Azincourt et Tramecourt, non loin de l’estuaire de la Somme. C’était le 24 octobre, veille de la Saint Crépin. comme le ferait remarquer un jour Shakespeare. Henri V, qui ne disposait que d’à peine 15 000 hommes fatigués se sentit défaillir.
Or la France perdit sa chance. D’Albret ne pouvait qu’appliquer les volontés des princes représentant le Roi (Orléans, Bourbon, Alençon), mais ceux-ci dédaignaient les avis de militaires chevronnés comme le maréchal de Boucicaut. Bainville dit à ce sujet :
« Nous n’avions plus d’autres soldats que ces gentilhommes imprudents. »
Résultat : des heures perdues en tergiversations, une nuit passée à dos de cheval faute de pouvoir dormir sur le sol détrempé, et au matin du 25, les Anglais ayant repris confiance en eux, les soldats français complètement déconcertés par l’avalanche des flèches ! Une vraie boucherie pied à terre à coups de haches et d’épées, sur un sol boueux où les gentilhommes s’engloutissaient. Le roi anglais ayant facilement pris 1 700 prisonniers les fit exécuter aussitôt contre toutes les règles de la chevalerie. En tout 10 000 Français tués – la fine fleur de la noblesse française ! – contre 1 600 du côté anglais. Charles d’Orléans, neveu du Roi, fut emmené captif en Angleterre. Il devait y rester vingt-cinq ans, cultivant quand même avec bonheur la poésie.
Le désastre était total. Henri V allait cinq ans plus tard obtenir d’Isabeau de Bavière tout ce qu’il voulait. Mais il restait encore deux fils à Charles VI (Jean, et Charles) et à Domrémy une petite Jeanne avait trois ans… Avec l’aide de Dieu, la France ne serait pas perdue.
MICHEL FROMENTOUX  L’Action Française 2000  du 3 au 16 juillet 2008

lundi 20 février 2012

Polémistes et pamphlétaires français : Georges Clemenceau

Clemenceau est né le 28 septembre 1841 en Vendée. Il est le fils d’un médecin de Nantes, républicain, façonné par les idées nouvelles, libéral, radical, agnostique et même anticlérical. Georges a dix ans quand se produit, le 2 décembre 1851, le coup d’Etat de celui qui sera Napoléon lII. Les gendarmes viennent arrêter le docteur Clemenceau. Le petit serre les poings : « Je te vengerai ». Son père lui répond : « Travaille pour devenir un homme. » Il sera maire du 18e arrondissement, président du conseil municipal de Paris, député, et président du Conseil, et même académicien, bien qu’il ne siégeât jamais. Celui qui fut surnommé le Tigre, pour sa bravoure et sa férocité à combattre ses multiples adversaires, s’imposa par sa verve, davantage que par sa plume, comme le chef incontesté des républicains radicaux et de l’opposition d’extrême gauche aux Opportunistes, emmenés par Gambetta. L’écrivain Julien Gracq évoquera son « agressivité pure, gratuite, incongrue », et une « personnalité aux arêtes tranchantes comme un rasoir. » Quand éclate la Commune, il est maire de Montmartre, et traînera toute sa vie l’accusation (injuste) d’avoir laissé fusiller les généraux Lecomte et Clément Thomas. Il se battra avec fougue pour l’amnistie des communards. Le gouvernement Waddington veut-il exclure de l’amnistie ceux qui « se déclarent ennemis de la société » ? Clemenceau suscite les rires de la Chambre en déclarant : « A quel signe, à quel critérium reconnaît-on un ennemi de la société ?M. le duc de Broglie est un ennemi de la société aux yeux de M. Baudry d’Asson, et moi je tiens M. Baudry d’Asson pour un ennemi de la société. Nous sommes ainsi 36 millions d’ennemis de la société qui sommes condamnés à vivre dans la même société. » Le Tigre sait se montrer féroce… Il prétendait ne pas aimer son surnom : « Le tigre ? Tout en mâchoire et peu de cervelle. Cela ne me ressemble pas. » Farouchement opposé au colonialisme et au « parti colonial » qui est affairiste en diable, il défend la nécessité de préparer en priorité l’armée française face à l’Allemagne. Il s’attaque au libéralisme économique, déclarant ; « Qu’est-ce que votre laissez-faire, votre loi de l’offre et de la demande, sinon l’expression pure et simple de la force ? Le droit prime la force : voilà le principe de la civilisation. » Il défend Dreyfus et « invente » le titre du fameux pamphlet de Zola, publié dans l’Aurore : J’accuse… « Premier flic de France » (les fameuses Brigades du Tigre doivent leur surnom à Clemenceau), s’illustre par sa détermination à faire face aux importantes  grèves, parfois insurrectionnelles qui secouent le pays. Il écrase de son mépris les médiocres politiciens. Il retire ainsi son portefeuille des Finances à Ribot, déclarant : « Il est voûté, mais ce n’est pas un abri sûr. » Il trouve moyen de se brouiller durablement avec Jaurès. Voici un échange amusant au Parlement : « Jaurès, vous n’êtes tout de même pas le Bon Dieu ? — Et vous, vous n’êtes pas le Diable ? » Et Clemenceau de répliquer : « Qu’en savez-vous ? » Clemenceau s’oppose à la peine de mort et décrit dans des pages impressionnantes l’exécution de l’anarchiste Emile Henry, évoquant « un bruit de craquements prolongés comme d’os lentement écrasés, broyés », concluant son article par : « Que des barbares aient des mœurs barbares, c’est affreux, mais cela s’explique. Mais que des civilisés irréprochables[...] s’acharnent vertueusement à couper un homme en deux, voilà ce qu’on ne peut expliquer que par une régression atavique vers la barbarie primitive ».
Vient la Grande Guerre. Clemenceau est résolu de se battre à outrance. Chez lui, pas de romantisme et de fleurs au fusil. « La parole est au canon. Et maintenant, aux armes ! Tous. Mourir n’est rien. Il faut vaincre. » Lorsqu’il présente, le 8 mars 1918, son programme de gouvernement à la tribune, il déclare : « Vous voulez la paix ? Moi aussi. Il serait criminel d’avoir une autre pensée. Mais ce n’est pas en bêlant la paix qu’on fait taire le militarisme prussien. Politique intérieure ? Je fais la guerre. Politique étrangère ? Je fais la guerre. Je fais toujours la guerre. » Il continua, hélas, de faire la guerre après la guerre, portant une lourde responsabilité dans la catastrophe prévisible que préparait le traité de Versailles.
Il meurt le 24 novembre 1929 à Paris. Sur son lit de mort, voyant arriver un prêtre, il avait dit « Enlevez-moi ça ! » Il refusait des obsèques officielles. Ses dernières volontés furent : « Pour mes obsèques, je ne veux que le strict minimum, c’est-à-dire moi. » Il fut enterré debout, tourné vers l’est. Seuls quelques paysans réussirent à forcer les barrages de gendarmes pour lui rendre un dernier hommage…
R.S. RIVAROL 9 SEPTEMBRE 2011

dimanche 19 février 2012

La décréation maçonnique ou le SIDA mental


Vivre en permanence dans le bain maçonnique, enrobé de messages subliminaux, abruti par des symboles néfastes, acculturé par une TV littéralement luciférienne, malaxé par une école méchamment fraternelle, hypnotisé par la phraséologie journalistique constitue une existence d’animal domestique qui ne permet pas au commun des mortels d’analyser correctement l’épouvantable joug mental qui l’asservit. S’imaginer libre sans l’être est le premier écueil à pulvériser avant de lire froidement, objectivement, les études impartiales consacrées au sujet maçonnique, pour saisir l’ampleur du mal. On ne se satisfera en effet point des articles tortueux produits par certains personnages équivoques dont le but évident est d »’innocenter » la secte maçonnique pour des raisons personnelles ou médiocrement philosophiques.
Pourtant, étrangement, ce sont en premier lieu des textes que l’on voit pulluler non seulement dans les revues de la presse généraliste mais également au travers de publications d’obédience droitière ou nationale. Comme si la Réaction avait peur de regarder la vérité en face, comme si elle avait besoin de modérer ses attaques, comme si elle devait préserver en son sein une part puante de conformisme, aussi irrationnelle et délétère soit-elle. À moins que quelques individus ayant intégré le parti de la résistance et jouissant d’une position « respectable » et confortable au sein de la mouvance dissimulent leur affiliation sectaire…
Les deux facteurs expliquent certainement la pusillanimité du milieu nationaliste à l’égard de la franc-maçonnerie. Cette faiblesse à l’encontre de la secte cosmopolite dogmatique est d’ailleurs historique. Louis XVI, à l’instar de la reine, fut victime de ses propres préjugés et laissa la nation se gangrener par l’action de ceux qu’il ne considérait que comme de simples « causeurs ». Il faut lire cette lettre de  Marie-Antoinette répondant à sa sœur Marie-Christine pour comprendre l’abyssale naïveté du pouvoir du moment : « Je vois que vous vous frappez beaucoup trop de la Franc-Maçonnerie pour ce, qui regarde la France. Elle est loin d’avoir l’importance qu’elle peut avoir en d’autres parties de l’Europe par la raison que tout le monde en est. On sait ainsi tout ce qui s’y passe ; où est donc le danger ? On aurait raison de s’en alarmer si c’était une société secrète de politique. L’art du gouvernement est au contraire de la laisser s’étendre et ce n’est plus que ce que c’est en réalité : une société de bienfaisance et de plaisir. »
Auparavant Louis XV n’avait pas pris les pleines mesures pour combattre efficacement les libéraux « sectarisés ». « Lorsqu’une réaction n’est pas menée jusqu’à son terme en éradiquant le mal, celui-ci repart de plus belle », écrit à ce propos Philippe Ploncard d’Assac. Cette pusillanimité de la sphère nationaliste à l’égard de la maçonnerie est en fait une constante historique ! Elle le fut ainsi sous Pétain, bien malgré lui, avec la complicité de Pierre Laval qui démissionna brutalement l’amiral Platon alors qu’il avait pour importante mission de surveiller la reconstitution des sociétés secrètes. Platon fut peu de temps après torturé et exécuté (écartelé entre des tracteurs) par des résistants dans sa propriété du Sud-Ouest… Et que dire de l’infiltration maçonnique au sein de l’Église et du Vatican en particulier ! Un combat contre la secte mené pendant des décennies par la papauté avant qu’elle ne s’effondre sous l’infiltration judéo-maçonnique. Ploncard d’Assac nous remémore l’excommunication des francs-maçons par la bulle In Eminenti de Clément XII le 28 avril 1738 : « Les sociétés ou conventicules susdits ont fait naître de si forts soupçons dans les esprits des fidèles, que s’enrôler dans ces sociétés, c’est près des personnes de probité et de prudence, s’entacher de la marque de perversion et de méchanceté ; car s’ils ne faisaient point le mal, ils ne haïraient pas ainsi la lumière et ce soupçon s’est tellement accru que dans plusieurs États, ces dites Sociétés ont été depuis longtemps proscrites et bannies comme contraires, à la sûreté des royaumes. » Au demeurant, Clément XII connaissait parfaitement la teneur idéologique de la maçonnerie et ses objectifs proches et lointains. Aussi représentait-il un chef parmi d’autres (plus profanes) du camp antimaçonnique ; un camp qui affirmait ses valeurs et qui ne transigeait pas sur les principes. « Une ligne de front » était constituée. Cette ligne de front fut dynamique jusqu’en 1945 et l’on doit d’ailleurs beaucoup à Charles Maurras dans sa régénération du début du vingtième siècle. Le Front national d’avant l’ère marinière, sans constituer une véritable ligne de front, gardait vivante en son sein la lutte sous-jacente antimaçonnique. La secte a avalé le parti tout cru et, en cela, a dévié le combat national originel au plus grand profit des intérêts juifs et cosmopolites. La maçonnerie avait agi de la même sorte lorsqu’elle acheta le journal La Croix par le biais de quelques agents libéraux au début du XXe siècle. Les Frères triplement pointés avaient laissé se développer la publication antisémite et anti-maçonnique pour rafler d’un coup la mise puis progressivement diluer sa ligne éditoriale. On sait ce qu’est devenu le titre… Ou comment des centaines de milliers de catholiques ont évolué avec ce canard… La hiérarchie de l’Église a non seulement été faible vis-à-vis des cosmopolites propagandistes et comploteurs ; elle a souvent été actrice zélée pendant les trois derniers quarts de siècle dans la guerre contre les nationalistes (le terme de nationaliste a été créé par le fondateur des Illuminés de Bavière, le Juif Adam Weishaupt qui désignait par ce vocable les ennemis de la FM !). Pie XI se comporta en ennemi du nationalisme avec la condamnation de l’Action française et l’abandon des Cristeros au pouvoir maçonnique mexicain.

Une grave faute.    
La désinvolture, la faiblesse autant que la complicité vis-à-vis de la maçonnerie sont objectivement des attitudes suicidaires ou criminelles. Car le combat nationaliste ne peut-être vivant que s’il oppose principes contre principes. L’histoire prouvant en effet que l’abandon d’un seul d’entre eux pour complaire au système provoque la chute vertigineuse du camp du bien. Depuis trois siècles, la lutte à mort contre les nations n’a jamais cessé. La trilogie « républicaine » Liberté, Egalité, Fraternité, représente en fait la marque de l’occupation de la nation française par les sectateurs judéo-maçonniques. Philippe Ploncard d’Assac la décrypte. « Cette devise a un sens caché et signifie en fait :
- Liberté, pour les Maçons, pour qu’ils puissent, au nom de la tolérance, mot clé du langage maçonnique pour faire, baisser la garde à leurs adversaires, agir en toute impunité.
- Égalité entre les Maçons, qui n’est qu’apparence du fait dés degrés en maçonnerie, mais où le maçon des premiers degrés n’y voit que la façade égalitaire.
- Fraternité entre les Maçons, symbole tout aussi faux, car malheur à celui qui s’écarte de la ligne tracée, imposée. »
Comme l’écrivait le F*** Ragon, « Tout profane qui se fait recevoir maçon cesse de s’appartenir. Il n’est plus à lui, mais il appartient a un Ordre qui est répandu sur la surface du globe. ». Ou comment aujourd’hui l’on peut vendre son âme au diable l’esprit tranquille.
François-Xavier ROCHETTE. Rivarol du 7 octobre 2011
Philippe Ploncard d’Assac, La Maçonnerie, Société de philosophie politique (SPP BP 30030, 83952 La Garde cedex), 303 pages, 30 euros.

vendredi 17 février 2012

Hérodote : Léonidas et la bataille des Thermopyles

 Les forces grecques 

(202). Voici les gens postés là pour attendre l'assaut du Perse : il y avait trois cents hoplites de Sparte, mille de Tégée et de Mantinée (cinq cents de chacune des deux villes), cent vingt d'Orchomène en Arcadie, et mille du reste de la région ; c'est tout pour l'Arcadie. Corinthe avait envoyé quatre cents hommes, Phlionte deux cents, et Mycènes quatre-vingts. Voilà les forces qui venaient du Péloponnèse. De Béotie venaient sept cents Thespiens et quatre cents Thébains. 
(203). Appelés à la rescousse, les Locriens d'Oponte avaient envoyé toutes leurs forces, et les Phocidiens mille hommes. Les Grecs les avaient d'eux-mêmes invités à les rejoindre : ils formaient l'avant-garde des confédérés, leur avaient-ils fait dire, et ils attendaient d'un jour à l'autre la venue du reste des alliés ; la mer était bien gardée, surveillée par les Athéniens, les Éginètes et les autres membres de leurs forces navales, et il n'y avait rien à redouter, car la Grèce n'avait pas devant elle un dieu, mais un homme, et jamais on n'avait vu, jamais on ne verrait d'homme qui, du jour de sa naissance, n'eût le malheur mêlé à son destin, — et plus grand l'homme, était mortel, devait lui aussi connaître un jour l'échec. Ces arguments avaient décidé les Locriens et les Phocidiens à leur envoyer des secours à Trachis.
(204). Les Grecs de chaque cité obéissaient à leurs propres généraux, mais l'homme le plus remarquable, le chef chargé du commandement suprême, était un Lacédémonien, Léonidas, fils d'Anaxandride, qui, par ses aïeux Léon, Eurycratidès, Anaxandros, Eurycratès, Polydoros, Alcaménès, Téléclos, Archélaos, Hégésilaos, Doryssos, Léobotès, Echestratos, Agis, Eurysthénès, Aristodèmos, Aristomachos, Cléodaios et Hyllos, remontait à Héraclès, et qui devait au hasard son titre de roi de Sparte.
(205). Comme il avait deux frères plus âgés que lui, Cléomène et Dorieus, il était bien loin de penser au trône ; mais Cléomène mourut sans laisser d'enfant mâle, et Dorieus avait déjà disparu, frappé lui aussi par la mort, en Sicile : le trône échut donc à Léonidas parce qu'il était né avant Cléombrotos (le plus jeune fils d'Anaxandride), mais aussi parce qu'il avait épousé la fille de Cléomène. C'est lui qui vint alors aux Thermopyles, avec les trois cents hommes qui lui étaient assignés, et qui avaient des fils. Il avait avec lui des Thébains (que j'ai indiqués tout à l'heure en dénombrant les forces des Grecs) sous les ordres de Léontiadès fils d'Eurymaque. La raison qui le fit insister pour avoir des Thébains avec lui, entre tous les Grecs, c'est qu'on accusait nettement leur cité de pencher du côté des Mèdes ; et Léonidas leur demanda de partir en guerre avec lui pour savoir s'ils lui enverraient des hommes ou s'ils se détacheraient ouvertement du bloc hellénique. Ils lui envoyèrent bien des renforts, mais leurs intentions étaient tout autres.
(206). Léonidas et ses hommes formaient un premier contingent expédié par Sparte pour décider les autres alliés à marcher eux aussi en les voyant, et pour les empêcher de passer du côté des Mèdes à la nouvelle que Sparte temporisait ; les Spartiates comptaient plus tard (car la fête des Carnéia les arrêtait pour l'instant) laisser, les cérémonies terminées, une garnison dans Sparte et courir aux Thermopyles avec toutes leurs forces. Les autres alliés faisaient de leur côté les mêmes projets, car les fêtes d'Olympie tombaient à ce moment-là ; comme ils pensaient que rien ne se déciderait là-bas de sitôt, ils avaient envoyé de simples corps d'avant-garde aux Thermopyles.
(207). Tels étaient leurs projets ; mais aux Thermopyles les Grecs furent saisis de frayeur quand le Perse approcha du passage, et ils parlèrent de se retirer. Les Péloponnésiens étaient d'avis presque tous de regagner le Péloponnèse et de garder l'Isthme, mais cette idée provoqua l'indignation des Phocidiens et des Locriens, et Léonidas fit voter qu'on resterait sur place et qu'on enverrait demander du secours à toutes les villes en leur rappelant qu'ils n'étaient pas assez nombreux pour repousser l'armée des Mèdes.
(208). Pendant qu'ils discutaient, Xerxès envoya en reconnaissance un cavalier pour voir combien étaient les ennemis et ce qu'ils faisaient. On l'avait informé, quand il se trouvait encore en Thessalie, qu'il y avait quelques troupes en ce lieu, peu nombreuses, et qu'elles étaient menées par des Lacédémoniens avec Léonidas, un descendant d'Héraclès. Le cavalier s'approcha du camp et regarda, sans tout découvrir, car les hommes postés derrière le mur relevé par les Grecs qui le défendaient échappaient à sa vue ; mais il put observer les soldats placés devant le mur, et leurs armes disposées au pied du rempart. Or le hasard fit que les Lacédémoniens occupaient ce poste pour l'instant ; l'homme les vit occupés les uns à faire de la gymnastique, les autres à peigner leur chevelure : il les regarda faire avec surprise et prit note de leur nombre, puis, après avoir tout examiné soigneusement, il se retira en toute tranquillité personne ne le poursuivit et personne ne fit même attention à lui. De retour auprès de Xerxès, il lui rendit compte de ce qu'il avait vu.
(209). Xerxès en l'entendant ne pouvait concevoir la vérité, comprendre que ces hommes se préparaient à mourir et à tuer de leur mieux : leur attitude lui semblait risible ; aussi fit-il appeler Démarate fils d'Ariston, qui était dans son camp : il vint, et Xerxès l'interrogea sur tout ce qu'on lui avait rapporté, car il désirait comprendre le comportement des Lacédémoniens. Démarate lui dit ceci : "Tu m'as déjà entendu parler de ce peuple, au moment où nous entrions en guerre contre la Grèce ; et tu as ri quand je t'ai dit comment, à mes yeux, finirait ton entreprise. Soutenir la vérité devant toi, seigneur, voilà qui est bien difficile; cependant, écoute-moi encore. Ces hommes sont ici pour nous barrer le passage, ils se préparent à le faire, car ils ont cette coutume : c'est lorsqu'ils vont risquer leur vie qu'ils ornent leur tête. Au reste, sache-le bien : si tu l'emportes sur ces hommes et ce qu'il en reste dans Sparte, il n'est pas d'autre peuple au monde, seigneur, qui puisse s'opposer à toi par les armes ; aujourd'hui, tu marches contre le royaume le plus fier, contre les hommes les plus vaillants qu'il y ait en Grèce." Xerxès jugeait ces propos parfaitement incroyables, et il lui demanda de nouveau comment des gens si peu nombreux pensaient lutter contre son armée. Démarate lui répondit : "Seigneur, traite-moi d'imposteur si tout ne se passe pas comme je te le dis."
(210). Mais il ne put convaincre le roi. D'abord Xerxès attendit quatre jours, dans l'espoir que les Grecs s'enfuiraient d'un instant à l'autre ; le cinquième jour, les Grecs toujours là lui parurent des gens d'une insolence et d'une témérité coupables ; il s'en irrita et lança contre eux des Mèdes et des Cissiens, avec ordre de les lui amener vivants. Les Mèdes se jetèrent sur les Grecs ; beaucoup tombèrent, d'autres prenaient leur place et, si maltraités qu'ils fussent, ils ne rompaient pas le contact ; mais ils ne pouvaient déloger l'adversaire malgré leurs efforts. Et ils firent bien voir à tout le monde, à commencer par le roi, qu'il y avait là une foule d'individus, mais bien peu d'hommes. La rencontre dura toute la journée.
(211). Les Mèdes, fort malmenés, se retirèrent alors et les Perses les remplacèrent, ceux que le roi nommait les Immortels, avec Hydarnès à leur tête ; ceux-là pensaient vaincre sans peine, mais, lorsqu'ils furent à leur tour aux prises avec les Grecs, ils ne furent pas plus heureux que les soldats mèdes, car ils combattaient dans un endroit resserré, avec des lances plus courtes que celles des Grecs et sans pouvoir profiter de leur supériorité numérique. Les Lacédémoniens firent preuve d'une valeur mémorable et montrèrent leur science achevée de la guerre, devant des hommes qui n'en avaient aucune ; en particulier ils tournaient le dos à l'ennemi en ébauchant un mouvement de fuite, sans se débander, et, lorsque les Barbares qui les voyaient fuir se jetaient à leur poursuite en désordre avec des cris de triomphe, au moment d'être rejoints ils faisaient volte-face et revenaient sur leurs pas en abattant une foule de Perses ; des Spartiates tombaient aussi, mais en petit nombre. Enfin, comme ils n'arrivaient pas à forcer le passage malgré leurs attaques, en masse ou autrement, les Perses se replièrent.
(212). Tandis que la bataille se déroulait, Xerxès, dit-on, regardait la scène et trois fois il bondit de son siège, craignant pour son armée. Voilà comment ils luttèrent ce jour-là. Le lendemain, les Barbares ne furent pas plus heureux ; comme leurs adversaires n'étaient pas nombreux, ils les supposaient accablés par leurs blessures, incapables de leur résister encore, et ils reprirent la lutte ; mais les Grecs, rangés en bataillons et par cités, venaient à tour de rôle au combat, sauf les Phocidiens chargés de surveiller le sentier dans la montagne. Les Perses constatèrent que la situation ne leur offrait rien de nouveau par rapport à la veille, et ils se replièrent.
(213). Xerxès se demandait comment sortir de cet embarras lorsqu'un Malien, Éphialte fils d'Eurydèmos, vint le trouver dans l'espoir d'une forte récompense : il lui indiqua le sentier qui par la montagne rejoint les Thermopyles, et causa la mort des Grecs qui demeurèrent à leur poste. Par la suite Ephialte craignit la vengeance des Lacédémoniens et s'enfuit en Thessalie ; mais, bien qu'il se fût exilé, lorsque les Amphictyons se réunirent aux Thermopyles, les Pylagores mirent sa tête à prix ; plus tard il revint à Anticyre où il trouva la mort de la main d'un Trachinien, Athénadès ; cet Athénadès le tua d'ailleurs pour une tout autre, mais il n'en fut pas moins récompensé par les Lacédémoniens. Telle fut, plus tard, la fin d'Éphialte.
(214). Cependant une autre tradition veut qu'Onétès de Carystos, fils de Phanagoras, et Corydallos d'Anticyre aient renseigné le roi et permis aux Perses de tourner la montagne, — tradition sans valeur à mon avis : une première raison, c'est que les Pylagores n'ont pas mis à prix les têtes d'Onétès et de Corydallos, mais celle d'Éphialte de Trachis, et ils devaient être bien informés ; ensuite nous savons qu'Éphialte a pris la fuite à cause de cette accusation car, sans être Malien, Onétès pouvait bien connaître l'existence du sentier s'il avait circulé dans le pays, mais l'homme qui a guidé les Perses par la sente en question, c'est Ephialte, c'est lui que j'accuse de ce crime.
(215). Xerxès apprécia fort l'offre d'Éphialte et, tout heureux, fit aussitôt partir Hydarnès et ses hommes ; vers l'heure où il faut allumer les lampes, ils étaient en route. Le sentier avait été découvert par les gens des environs, les Maliens, qui l'avaient alors indiqué aux Thessaliens pour leur permettre d'attaquer les Phocidiens, à l'époque où ce peuple, en élevant le mur qui fermait la passe, s'était mis à l'abri de leurs incursions ; depuis ces temps lointains les Maliens l'avaient jugé sans intérêt pour eux.
(216). Il se présente ainsi : il part de l'Asopos qui coule dans cette gorge ; la montagne et le sentier portent tous les deux le nom d'Anopée. La sente Anopée franchit la crête de la montagne pour aboutir à la ville d'Alpènes, première ville de Locride du côté des Maliens, en passant par la roche qu'on appelle Mélampyge — Fesse Noire — et la demeure des Cercopes, sa partie la plus étroite.
(217). C'est par ce chemin, si malaisé qu'il fût, que passèrent les Perses après avoir franchi l'Asopos ; ils marchèrent toute la nuit, avec les contreforts de l'Œta sur leur droite et les montagnes de Trachis sur leur gauche. Aux premières lueurs du jour, ils arrivèrent au sommet de la montagne ; là se trouvaient postés, comme je l'ai dit plus haut, mille hoplites phocidiens qui défendaient leur propre sol tout en gardant le sentier ; car au pied de la montagne le passage était gardé par les Grecs indiqués tout à l'heure, tandis que les Phocidiens s'étaient spontanément offerts à Léonidas pour garder le sentier de la montagne.
(218). Les Phocidiens furent avertis de l'arrivée des Perses grâce au fait suivant : en gravissant la montagne, l'ennemi leur demeurait caché par les chênes qui ta couvraient, mais, sans qu'il y eût de vent, le bruissement des feuilles les trahit, car le sol en était jonché et, naturellement, elles craquaient sous leurs pieds ; les Phocidiens coururent donc prendre leurs armes et les Barbares, au même instant, leur apparurent. Quand les Perses virent devant eux des soldats qui s'armaient, ils s'arrêtèrent, déconcertés : ils comptaient n'avoir aucun obstacle sur leur route, et ils se heurtaient à des combattants. Hydarnès craignit d'avoir affaire à des Lacédémoniens et s'enquit auprès d'Ephialte de la nationalité de ces hommes ; renseigné sur ce point, il rangea les Perses en bataille. Mais les Phocidiens lâchèrent pied sous la grêle de leurs flèches et se réfugièrent sur la cime de la montagne. Ils se croyaient spécialement visés par cette attaque, et ils acceptaient la mort ; telle était leur résolution, mais les Perses que menaient Éphialte et Hydarnès ne s'occupèrent pas d'eux et se hâtèrent de descendre la montagne.
(219). Les Grecs qui défendaient les Thermopyles apprirent du devin Mégistias, d'abord, que la mort leur viendrait avec le jour : il l'avait vu dans les entrailles des victimes. Ensuite il y eut des transfuges qui leur annoncèrent que les Perses tournaient leurs positions ; ceux-ci les alertèrent dans le courant de la nuit. Le troisième avertissement leur vint des sentinelles qui, des hauteurs, accoururent les prévenir aux premières lueurs du jour. Alors les Grecs tinrent conseil et leurs avis différèrent, car les uns refusaient tout abandon de poste, et les autres étaient de l'avis opposé. Ils se séparèrent donc, et les uns se retirèrent et s'en retournèrent dans leur pays, les autres, avec Léonidas, se déclarèrent prêts à rester sur place.
(220). On dit encore que Léonidas, de lui-même, les renvoya parce qu'il tenait à sauver leurs vies ; pour lui et pour les Spartiates qui l'accompagnaient, l'honneur ne leur permettait pas d'abandonner le poste qu'ils étaient justement venus garder. Voici d'ailleurs l'opinion que j'adopte de préférence, et pleinement quand Léonidas vit ses alliés si peu enthousiastes, si Peu disposés à rester jusqu'au bout avec lui, il les fit partir, je pense, mais jugea déshonorant pour lui de quitter son poste ; à demeurer sur place, il laissait une gloire immense après lui, et la fortune de Sparte n'en était pas diminuée. En effet les Spartiates avaient consulté l'oracle sur cette guerre au moment même où elle commençait, et la Pythie leur avait déclaré que Lacédémone devait tomber sous les coups des Barbares, ou que son roi devait périr. Voici la réponse qu'elle leur fit, en vers hexamètres : 
Pour vous, citoyens de la vaste Sparte,
Votre grande cité glorieuse ou bien sous les coups des Perséides
Tombe, ou bien elle demeure ; mais sur la race d'Héraclès,
Sur un roi défunt alors pleurera la terre de Lacédémone
Son ennemi, la force des taureaux ne l'arrêtera pas ni celle des lions,
Quand il viendra : sa force est celle de Zeus. Non, je te le dis,
Il ne s'arrêtera pas avant d'avoir reçu sa proie, ou l'une ou l'autre.
Léonidas pensait sans doute à cet oracle, il voulait la gloire pour les Spartiates seuls, et il renvoya ses alliés; voilà ce qui dut se passer, plutôt qu'une désertion de contingents rebelles, en désaccord avec leur chef.
(221). D'ailleurs, voici qui prouve, je pense, assez clairement ce que j'avance : le devin qui suivait l'expédition, Mégistias d'Acarnanie, un descendant, disait-on, de Mélampous et l'homme qui vit dans les entrailles des victimes et dit aux Grecs le sort qui les attendait, était lui aussi congédié, c'est certain, par Léonidas qui voulait le soustraire à la mort ; mais il refusa de s'éloigner et fit seulement partir son fils, qui l'avait accompagné dans cette expédition et qui était son seul enfant.
(222). Les alliés renvoyés par Léonidas se retirèrent donc, sur son ordre, et seuls les Thespiens et les Thébains restèrent aux côtés des Lacédémoniens. Les Thébains restaient par force et contre leur gré, car Léonidas les gardait en guise d'otages ; mais les Thespiens demeurèrent librement et de leur plein gré : ils se refusaient, dirent-ils, à laisser derrière eux Léonidas et ses compagnons ; ils restèrent donc et partagèrent leur sort. Ils avaient à leur tête Démophilos fils de Diadromès.
(223). Au lever du soleil Xerxès fit des libations, puis il attendit, pour attaquer, l'heure où le marché bat son plein, — ceci sur les indications d'Éphialte, car pour descendre de la montagne il faut moins de temps et il y a moins de chemin que pour la contourner et monter jusqu'à son sommet. Donc, Xerxès et les Barbares attaquèrent, et les Grecs avec Léonidas, en route pour la mort, s'avancèrent, bien plus qu'à la première rencontre, en terrain découvert. Ils avaient d'abord gardé le mur qui leur servait de rempart et, les jours précédents, ils combattaient retranchés dans le défilé ; mais ce jour-là ils engagèrent la mêlée hors du passage et les Barbares tombèrent en foule, car en arrière des lignes leurs chefs, armés de fouets, les poussaient en avant à force de coups. Beaucoup d'entre eux furent précipités à la mer et se noyèrent, d'autres plus nombreux encore, vivants, se piétinèrent et s'écrasèrent mutuellement et nul ne se souciait de qui tombait. Les Grecs qui savaient leur mort toute proche, par les Perses qui tournaient la montagne, firent appel à toute leur valeur contre les Barbares et prodiguèrent leur vie, avec fureur.
(224). Leurs lances furent bientôt brisées presque toutes, mais avec leurs glaives ils continuèrent à massacrer les Perses. Léonidas tomba en héros dans cette action, et d'autres Spartiates illustres avec lui parce qu'ils furent des hommes de coeur, j'ai voulu savoir leurs noms, et j'ai voulu connaître aussi ceux des Trois Cents. Les Perses en cette journée perdirent aussi bien des hommes illustres, et parmi eux deux fils de Darius, Abrocomès et Hypéranthès, nés de la fille d'Artanès, Phratagune (Artanès était frère du roi Darius et fils d'Hystaspe, fils d'Arsamès ; il avait donné sa fille à Darius avec, en dot, tous ses biens, car il n'avait pas d'autre enfant).
(225). Donc deux frères de Xerxès tombèrent dans la bataille, et Perses et Lacédémoniens se disputèrent farouchement le corps de Léonidas, mais enfin les Grecs, à force de vaillance, le ramenèrent dans leurs rangs et repoussèrent quatre fois leurs adversaires. La mêlée se prolongea jusqu'au moment où survinrent les Perses avec Éphialte. Lorsque les Grecs surent qu'ils étaient là, dès cet instant le combat changea de face ils se replièrent sur la partie la plus étroite du défilé, passèrent de l'autre côté du mur et se postèrent tous ensemble, sauf les Thébains, sur la butte qui est là (cette butte se trouve dans le défilé, à l'endroit où l'on voit maintenant le lion de marbre élevé à la mémoire de Léonidas. Là, tandis qu'ils luttaient encore, avec leurs coutelas s'il leur en restait un, avec leurs mains nues, avec leurs dents, les Barbares les accablèrent de leurs traits : les uns, qui les avaient suivis en renversant le mur qui les protégeait, les attaquaient de front, les autres les avaient tournés et les cernaient de toutes part.
(226). Si les Lacédémoniens et les Thespiens ont montré un pareil courage, l'homme brave entre tous fut, dit-on, le Spartiate Diénécès dont on rapporte ce mot qu'il prononça juste avant la bataille : il entendait un homme de Trachis affirmer que, lorsque les Barbares décochaient leurs flèches, la masse de leurs traits cachait le soleil, tant ils étaient nombreux ; nullement ému le Spartiate répliqua, sans attacher d'importance au nombre immense des Perses, que cet homme leur apportait une nouvelle excellente : si les Mèdes cachaient le ciel, ils combattraient donc à l'ombre au lieu d'être en plein soleil. Cette réplique et d'autres mots de la même veine perpétuent, dit-on, le souvenir du Spartiate Diénécès.
(227). Après lui les plus braves furent, dit-on, deux frères, des Lacédémoniens, Alphéos et Macon, les fils d'Orsiphantos. Le Thespien qui s'illustra tout particulièrement s'appelait Dithyrarnbos fils d'Harmatidès.
(228). Les morts furent ensevelis à l'endroit même où ils avaient péri, avec les soldats tombés avant le départ des alliés renvoyés par Léonidas ; sur leur tombe une inscription porte ces mots :
Ici, contre trois millions d'hommes ont lutté jadis
Quatre mille hommes venus du Péloponnèse.
Cette inscription célèbre tous les morts, mais les Spartiates ont une épitaphe spéciale :

Étranger, va dire à Sparte qu'ici
Nous gisons, dociles à ses ordres. 
Voilà l'épitaphe des Lacédémoniens, et voici celle du devin Mégistias :
Ici repose l'illustre Mégistias, que les Mèdes 
Ont tué lorsqu'ils franchirent le Sperchios ; 
Devin, il savait bien que la Mort était là, 
Mais il n'accepta pas de quitter le chef de Sparte.
Les stèles et les épitaphes, sauf celle de Mégistias, sont le tribut aux morts des Amphictyons ; celle du devin Mégistias fut faite par Simonide fils de Léoprépès, qui avait avec lui des relations d'hospitalité.
(229). Deux des trois cents Spartiates, Eurytos et Aristodèmos, pouvaient, dit-on, prendre tous les deux le même parti, et soit sauver leur vie en s'en retournant à Sparte (car Léonidas les avait autorisés à quitter le camp et tous deux gisaient dans Alpènes, atteints d'une très grave ophtalmie), soit, s'ils ne voulaient pas rentrer chez eux, mourir avec leurs camarades ; ils pouvaient faire l'un ou l'autre, mais ils ne parvinrent pas à s'entendre et décidèrent chacun pour soi. Dès qu'Eurytos apprit la manoeuvre des Perses, il demanda ses armes, les revêtit, et se fit conduire par son hilote au lieu du combat ; arrivés là, son guide prit la fuite et lui se jeta dans la mêlée où il trouva la mort ; Aristodèmos manqua, lui, de courage et resta en arrière. Or, si Aristodèmos était seul rentré dans Sparte en raison de sa maladie, ou s'ils étaient revenus tous les deux ensemble, les Spartiates, je pense, ne s'en seraient pas indignés ; mais l'un était mort et l'autre, placé dans la même situation que lui, n'avait pas accepté de mourir, et les Spartiates ne pouvaient pas ne pas s'en irriter vivement contre Aristodèmos.
(230). Voilà, selon les uns, comment Aristodèmos évita la mort et revint à Sparte, en invoquant cette excuse ; pour d'autres il fut chargé de porter un message hors du camp, mais il se garda bien de revenir à temps pour la bataille, comme il le pouvait il traîna en route pour sauver sa vie, tandis que son collègue revint se battre et succomba.
(231). De retour à Sparte Aristodèmos y vécut accablé d'outrages et déshonoré ; il avait à supporter certains affronts, et, par exemple, pas un Spartiate ne consentait à lui procurer du feu ni à lui adresser la parole, et il avait la honte de s'entendre appeler "Aristodèmos le Poltron". Cependant, à la bataille de Platées, sa conduite effaça tous les soupçons qui pesaient sur lui.
(232). Un autre Spartiate, dit-on, chargé lui aussi de porter un message, s'était rendu en Thessalie et survécut aux Trois Cents ; il s'appelait Pantitès et, de retour à Sparte, il se vit déshonoré, et se pendit.
(233). Les Thébains qui étaient sous les ordres de Léontiadès combattirent, par force, les soldats du Grand Roi tant qu'ils furent encadrés par les Grecs ; quand ils virent que les Perses prenaient l'avantage, ils s'écartèrent de Léonidas et des Grecs au moment où ceux-ci se repliaient en hâte sur leur butte, et ils s'approchèrent des Barbares en leur tendant les mains et en protestant, ce qui était parfaitement exact, qu'ils étaient du parti des Mèdes, qu'ils avaient été des premiers à céder au Grand Roi la terre et l'eau, qu'ils étaient venus par force aux Thermopyles et n'étaient pour rien dans l'échec qu'il avait essuyé. Ces paroles leur valurent la vie sauve, car ils avaient pour les confirmer le témoignage des Thessaliens ; mais ils n'eurent pas à s'en réjouir entièrement, car, lorsqu'ils vinrent se rendre aux Barbares, ceux-ci en tuèrent quelques-uns au moment où ils s'approchaient d'eux et, sur l'ordre de Xerxès, ils en marquèrent le plus grand nombre du chiffre royal, à commencer par leur chef Léontiadès, — dont les Platéens tuèrent plus tard le fils, Eurymaque, qui, avec quatre cents Thébains, s'était emparé de leur ville.
(234). Voilà comment luttèrent les Grecs des Thermopyles ; Xerxès alors fit venir Démarate et lui posa d'abord cette question : "Démarate, tu es un homme honnête, je le vois en vérité, car tout ce que tu m'as annoncé s'est accompli. Maintenant, dis-moi, combien reste-t-il de Lacédémoniens et combien sont-ils à être aussi vaillants ? Ou bien le sont-ils tous également ? — Seigneur, répondit Démarate, les Lacédémoniens for. ment un peuple nombreux, tous ensemble, et ils ont beaucoup de cités ; mais tu vas savoir ce qui t'intéresse. Il y a dans leur pays une cité, Sparte, d'environ huit mille hommes : ceux-là sont tous les égaux des soldats qui se sont battus ici. Les autres Lacédémoniens ne les égalent certes pas, mais ils sont braves. — Démarate, reprit Xerxès, comment ferons-nous pour vaincre ces gens sans trop de peine ? Allons, ne me cache rien, car tu sais bien ce qu'ils ont dans l'esprit, toi qui fus leur roi."
(235). Démarate lui répondit : "Seigneur, si tu tiens si fort à mes conseils, il est juste que je t'indique le parti le meilleur : tu devrais envoyer trois cents navires de ta flotte sur les côtes de la Laconie. Il y a dans ces parages une île nommée Cythère, dont le plus sage de nos compatriotes, Chilon, a dit que l'intérêt des Spartiates était qu'elle fût au fond de la nier plutôt qu'à la surface, parce qu'il s'attendait toujours à la voir utilisée justement pour le genre d'opération que je t'indique, — non pas qu'il eût prévu ton expédition, mais il craignait toute expédition éventuelle. Que tes hommes, basés sur cette île, inquiètent les Lacédémoniens : comme la guerre menacera leurs foyers, ils ne risqueront pas d'aller au secours du reste de la Grèce quand tes forces terrestres l'attaqueront ; et, quand le reste de la Grèce aura passé entre tes mains, la Laconie reste seule, trop faible désormais pour te résister. Si tu n'adoptes pas mon plan, voici ce qui t'attendra : un isthme étroit donne accès au Péloponnèse ; là, comme tous les Péloponnésiens se seront ligués contre toi, compte que tu auras à livrer de nouvelles batailles, plus rudes que celles d'hier. Si tu l'appliques, il n'y aura pas de bataille et l'Isthme, ainsi que toutes les cités, tombera en ton pouvoir."
(236). Après lui ce fut Achéménès, le frère de Xerxès et le chef de ses forces navales, qui parla ; présent à l'entretien, il craignait de voir Xerxès adopter ce projet. "Seigneur, lui dit-il, je te vois prêter l'oreille aux propos d'un homme qui est jaloux de tes succès, qui peut-être même trahit ta cause ; ces procédés sont d'ailleurs chers aux Grecs : tout succès soulève leur jalousie, toute supériorité leur haine. Dans notre position, si tu ôtes trois cents navires à ta flotte, qui en a déjà perdu quatre cents dans la tempête, pour les envoyer sur les côtes du Péloponnèse, tes adversaires deviennent aussi forts que toi ; rassemblée, notre flotte est invincible pour eux et, de prime abord, ils ne seront pas de taille à te résister. De plus la flotte entière appuiera l'armée, qui l'appuiera de son côté si elles marchent ensemble ; si tu les sépares, tu ne pourras pas être utile à tes forces navales, qui ne pourront pas non plus t'aider. Veille à tes propres intérêts, et sois bien résolu à ne pas te soucier des projets de tes ennemis ; ne cherche pas sur quel point ils porteront leurs armes, ce qu'ils feront, combien ils sont. Ils sont assez grands pour s'occuper de leurs propres affaires, occupons-nous des nôtres. Si les Lacédémoniens viennent livrer bataille aux Perses, ils ne guériront pas la blessure qu'ils viennent de recevoir."
(237). Xerxès lui répliqua : "Achéménès, ton avis me semble juste et je le suivrai. De son côté, Démarate indique le plan qu'il pense être le meilleur pour moi, quoique le tien l'emporte : car je n'admettrai jamais qu'il ne me soit point dévoué, — à en juger par les propos qu'il m'a tenus jusqu'ici, et par un fait certain : un homme peut être jaloux des succès d'un concitoyen et garder à son égard un silence hostile ; il s'abstiendra même, si l'autre le consulte, de lui donner le conseil à son avis le meilleur, à moins d'être fort avancé dans le chemin de la vertu, et les gens de cette espèce sont rares. Mais un hôte se réjouit par-dessus tout de la prospérité de son hôte et ne peut que lui donner les meilleurs conseils, s'il le consulte. Ainsi donc, j'entends qu'à l'avenir on se garde de calomnier Démarate, qui est mon hôte."
(238). Après cet entretien Xerxès traversa le champ de bataille, au milieu des cadavres ; comme il avait appris que Léonidas était le roi et k chef des Lacédémoniens, il fit décapiter son corps et fixer la t celle-ci, que Léonidas, de son vivant, avait été le principal objet du courroux de Xerxès ; sinon le roi n'aurait jamais infligé cet outrage à son corps puisque, de tous les peuples que je connais, les Perses accordent le plus d'honneur aux soldats courageux. Il en fut donc fait comme le roi l'avait ordonné.
(239). Je dois maintenant revenir sur un point où mon récit présente une lacune. Les Lacédémoniens avaient appris les premiers que le Grand Roi préparait une expédition contre la Grèce ; ils avaient, dans la circonstance, envoyé consulter l'oracle de Delphes et reçu la réponse que j'ai citée un peu plus haut. Ce renseignement leur était parvenu de curieuse manière. Démarate fils d'Ariston s'était exilé chez les Mèdes, il devait avoir pour les Lacédémoniens (la vraisemblance vient ici corroborer mon opinion) des sentiments peu bienveillants, et l'on peut se demander s'il fut guidé par la sympathie ou par la malignité. En tout cas, lorsque Xerxès décida d'envahir la Grèce, Démarate, qui était à Suse, connut ses projets et voulut en avertir les Lacédémoniens. Il ne pouvait pas le faire directement, car il risquait d'être surpris ; il eut donc recours à un subterfuge : il prit une tablette double, en gratta la cire, puis écrivit sur le bois même les projets de Xerxès ; ensuite il recouvrit de cire son message : ainsi le porteur d'une tablette vierge ne risquerait pas d'ennuis du côté des gardiens des routes. La tablette parvint à Lacédémone et personne n'y comprenait rien, lorsque enfin, suivant mes renseignements, Gorgo, la fille de Cléomène et la femme de Léonidas, eut une idée et comprit l'astuce ; elle dit à ses concitoyens de gratter la cire : ils trouveraient un message inscrit sur le bois. Ils le firent, déchiffrèrent le message et le communiquèrent à toute la Grèce. Voilà ce que l'on raconte.  http://www.theatrum-belli.com
Hérodote, In L'Enquête, Livres V à IX  Folio Classique