mercredi 29 juin 2016

Sieyès, idéologue de la Révolution

On sait l'importance d'Emmanuel Sieyès (1748-1836) sur l'œuvre politique de la Révolution et la genèse de l’État jacobin.
Une carrière déconcertante
Abbé sans vocation, il semblait appeler à jouer les premiers rôles sous la Révolution après l'étourdissant succès de sa brochure Qu'est-ce que le Tiers Etat ? parue en janvier 1789, qui lui valut d'être élu député aux Etats généraux, cette année même. Mais, s'il poussa les représentants du Tiers à se proclamer « Assemblée nationale » (juin -1789), il fut ensuite dépassé par les événements et, malgré les sollicitations empressées de Mirabeau, il passa au second plan, ne jouant qu'un rôle mineur dans l'élaboration de la constitution de 1791. Inexistant sous la Convention montagnarde, il fut consulté après Thermidor, mais ses avis ne furent pas écoutés et la constitution de 1795 (celle du Directoire) fut fort éloignée de ses idées.
Malgré tout directeur (1799), il s'accrocha à Bonaparte en qui il vit l'homme fort qui imposerait ses idées. Et, de fait, acteur majeur du coup d'Etat du 18 Brumaire, il fut le principal concepteur de la constitution du Consulat, régime dont il n'avait pas prévu que Bonaparte le transformerait en monarchie impériale en 1804. Ecarté du pouvoir mais rente, anobli et couvert d'honneurs par Napoléon(1) (dont il signa l'acte de déchéance en 1814), exilé comme régicide sous la Restauration, Sieyès mourut à Paris en 1836.
Une théorie fondée sur un mépris total du réel
Ses contemporains le perçurent comme une intelligence supérieure qui possédait à peu près seule la science du gouvernement de la Cité.
De fait, Sieyès a construit une théorie de la politique sur les bases de la seule raison, plus exactement de sa seule raison puisqu'il la tira exclusivement de sa réflexion personnelle, sans égard à l'œuvre des penseurs qui s'étaient illustrés avant lui en ce domaine, ni aux enseignements du passé, ni aux contraintes du présent. Habité par une très haute idée de lui-même, il prétendait révéler au monde les lois de l'« art social », suivant son expression, et déclarait, sous le Directoire : « La politique est une science que je crois avoir achevée », « découverte aussi importante intellectuellement que celles de Descartes et de Newton ».
Cette prétention d'avoir créé seul une science "achevée" sans référence au réel et à d'autres "savants" prête à sourire. Un savant n'est jamais le seul fondateur et maître de sa science, et il ne l'achève jamais. Sieyès ne peut être considéré comme un savant, d'autant plus que la politique n'est pas une activité scientifique et que la scientificité des « sciences politiques » est bien discutable.
Selon Sieyès, l'art social « n'est pas la science de ce qui est, mais de ce qui doit être ». Il ne s'agit pas d'expliquer les institutions, mais de les concevoir et de les créer, et ce dans le but « d'assurer et d'augmenter le bonheur des nations », finalité de la politique, distincte de celle de la philosophie morale, qui, elle, vise le bonheur des individus.
De ce point de vue, la connaissance des hommes et les enseignements de l'histoire ne sont d'aucune utilité à l'homme politique soucieux de donner la meilleure constitution possible à la Cité. Au contraire, ils seraient plutôt pernicieux. La connaissance des hommes ne sert qu'à la pratique de « l'intrigue sociale », de la politique manœuvrière pratiquée par un maître n'ayant en vue que son accès ou son maintien au pouvoir ; elle exploite les vices des gens et les carences des institutions au lieu de chercher à les corriger. Quant aux « prétendues vérités historiques », elles inhibent toute volonté d'édification d'un ordre politique nouveau en persuadant les hommes de l'inanité d'une telle entreprise. La science de la politique doit se fonder sur la connaissance non des hommes, mais de l'Homme, l'Homme, universel, abstrait de tout contexte historique, géographique et culturel, l'Homme de Socrate, de Descartes et des "Lumières". Et c'est sur cette seule base qu'elle doit déployer le plan de son architecture institutionnelle, en vue de la recherche du vrai, du beau et du bien. Sieyès bâtit la cité idéale à la manière de Descartes, en faisant table rase du passé et de toutes les connaissances acquises par l'expérience. En cela, il est le parfait   contraire   d'Edmund Burke. Plus qu'un homme politique, il est un théoricien, et un intellectuel de son temps, celui des héritiers de Descartes et de l'Encyclopédie, celui des idéologues (Destutt de Tracy, Cabanis). Il a confondu la théorie et la science, et la science et la politique, et cela explique son échec (certes relatif) en tant qu'homme politique. Conformément à ses idées, il n'a tenu compte ni du poids du legs de l'Ancien Régime, qui se faisait sentir, ni de l'infinie diversité et imperfectibilité des hommes, fondamentalement différents de cet Homme abstrait auquel il prétendait les ramener. À chaque fois qu'il a dû se colleter aux hommes, il s'est dérobé, les jugeant indignes de son chef-d'œuvre théorique d'art social, et, pour finir, il a été dupé par le plus habile d'entre eux. D'aucuns ont flétri sa prétendue pusillanimité(2). C'est inexact : il n'a pas pâti de son manque de courage, mais de son incapacité à concilier la théorie avec les contraintes bassement matérielles et frustrantes du réel, à accepter de composer, lui l'oracle politique, avec des hommes réels qu'il jugeait vils parce qu'ils n'incarnaient pas l'Homme de sa Cité de rêve.
Et c'est pourquoi ce personnage singulier eut l'honneur d'ouvrir puis de clore une Révolution qui le relégua dans les coulisses durant son déroulement. C'est pourquoi également, il mérite bien de se voir reconnu comme l'idéologue de la Révolution, voire de toute la France contemporaine, du point de vue politique, cela s'entend.
Primat de la nation sur l’individu
Toute la pensée politique de Sieyès repose sur une conception purement abstraite de la nation. La nation est pour Sieyès un corps social préexistant à toute constitution et jouissant de la souveraineté, soit de la maîtrise libre et pleine de son destin. Cela dit, elle est composée d'individus eux aussi libres et maîtres de leur destin. On peut affirmer qu'ici la contradiction n'est qu'apparente dans la mesure où, selon notre penseur, la nation diffère des individus qui la forment à la manière dont un corps composé diffère des corps simples qui le constituent et qui, en lui, perdent leur spécificité, et qu'elle acquiert ainsi une essence propre et une autonomie morale et juridique.
Une conception restrictive du politique
Sur cette distinction, Sieyès fonde le régime représentatif qu'il conçoit comme oligarchique et non démocratique. Les électeurs désignent des représentants, qui, une fois élus, se substituent à eux comme incarnation exclusive de la nation, et forment une assemblée législative et un gouvernement indépendants de tout contrôle des citoyens. L'élection est ici une sélection et non une délégation. Et ces députés se distinguent sur deux points des représentants de la nation aux États généraux : tout d'abord, ils ne sont pas les délégués d'un ordre, mais ceux de la nation (dans un cadre géographique ou administratif restreint), et, en conséquence, leur mandat n'est pas particulier, lié à la défense d'intérêts de corps, mais général, se rapportant à tous les aspects de la vie publique. Sieyès distingue absolument le domaine public, celui des intérêts communs des citoyens, qui est l'affaire de la nation et de ses représentants, et la sphère "privée", celle des intérêts particuliers de ces mêmes citoyens. Il ne s'agit pas seulement de la « vie privée », au sens où nous l'entendons aujourd'hui, mais de tout ce qui distingue les citoyens les uns des autres : le métier, la position sociale et le niveau de revenus. En ces aspects de la vie des citoyens, le pouvoir politique n'a pas à intervenir. Sieyès crée ainsi le champ du politique, distinct du social et de l'économique, et le type de Y homme politique, adonné à l'administration et à la gestion des intérêts communs de la nation, indépendamment de ses origines familiales et professionnelles.
Ainsi, la nation selon Sieyès est une abstraction référant à des hommes abstraits de toute vie sociale réelle et conduite par des hommes tout aussi abstraits. Et cette nation abstraite est diamétralement opposée à la nation concrète - réelle, en fait - composée d'hommes et de femmes de chair et de sang insérés dans un tissu social et professionnel (ainsi que spirituel) dense et déterminant.
L’origine des vices de nos institutions actuelles
Ce faisant, il ouvre la boîte de Pandore de toutes les contestations, souvent légitimes qui gangrèneront la vie politique contemporaine.
À partir du moment où la nation est souveraine, comment admettre que ses représentants, même élus par elle et en son sein, l'en dessaisissent ? D'autre part, si la distinction entre la nation, concept pur qui désigne l'ensemble des citoyens, et ces derniers considérés individuellement, semble pertinente, elle n'en recèle pas moins une tension entre la première et les seconds, qui tourne vite au conflit. Comment des individus libres et égaux en droits, conformément à la Déclaration de Droits de l'Homme et du Citoyen (dont Sieyès fut l'un des rédacteurs) pourraient-ils durablement accepter de n'être rien au regard du tout national, lequel, de plus, n'est qu'une abstraction ?
Ensuite, la distinction entre domaine public et sphère privée ne peut emporter durablement l'assentiment. En décidant - et ce sans un examen approfondi de la question - de celer tout ce qui ne relève pas du domaine public (les institutions et la conduite de la politique générale) dans le domaine dit "privé" des différences économiques, sociales et autres, Sieyès ouvre la voie à nombre de revendications qui n'existaient guère sous la monarchie d'Ancien Régime où l'existence des corporations, des assemblées municipales et provinciales et des Etats généraux, permettait aux sujets du Roi de régler les problèmes de leur vie sociale et professionnelle et les intégrait ainsi au domaine politique au lieu de les en dissocier. Au Roi la politique générale de la nation, aux corps et aux assemblées et institutions locales et provinciales la gestion des affaires sociales et professionnelles des sujets. Il existait ainsi une continuité naturelle entre la politique générale et la politique sociale (si on peut l'appeler ainsi). Cette dernière, où le Roi n'intervenait que peu, était laissée à la charge des corps compétents et des pouvoirs locaux, mais n'était pas niée en tant que telle. Et elle l'était d'autant moins que les députés aux assemblées locales et provinciales et aux États généraux recevaient un mandat impératif de leurs électeurs restreignant leur compétence aux intérêts particuliers (régionaux et professionnels). Sieyès, lui, la récuse en tant que domaine public, annonçant le libéralisme du XIXe siècle, et, par contrecoup, justifiant toutes les revendications en faveur d'un État jacobin et socialiste réglant lui-même les problèmes sociaux de la nation, en heu et place des corporations abolies sous la Révolution (par la Constituante avec le concours actif de Sieyès). Sieyès, auquel répugnait le contact (oserait-on dire "charnel" ?) avec ses semblables, ne voulait voir les hommes qu'au travers de l'Homme des philosophes, être de raison et individu anonyme seul face à l’État. Cet ami de l'Homme détestait les hommes avec leurs défauts, leurs intérêts personnels ou catégoriels, leur engagement dans la famille, la classe (ou l’ordre), le métier (et le corps de métier), le travail, et leurs différences et oppositions mutuelles. Et ce bien qu'il eût défini le Tiers État comme l'expression d'une nation "complète" active et laborieuse créant ses richesses par son travail.
Il est d'ailleurs hautement significatif que Sieyès, après avoir identifié le Tiers à la nation et retranché de celle-ci les ordres privilégiés, se prononce pour le suffrage censitaire qui réduit de fait cette nation (concept éminemment politique, rappelons-le) à la seule bourgeoisie en excluant de la participation aux affaires publiques (pourtant constitutive de la citoyenneté) la masse, largement majoritaire, de ceux dont les revenus sont prétendument insuffisants pour y concourir... Ce qui réintègre dans le corps électoral ces privilégiés tenus pourtant par lui comme en dehors de la nation. En fin de compte, Sieyès livre le secret (de Polichinelle, du reste) de la Révolution et des régimes qui l'ont prolongée : le règne d'une bourgeoisie qui étaie sa domination sur une idéologie pseudo-humaniste universaliste et égalitariste. Le résultat de l'action de ce théoricien d'une nation unie a été de diviser la nation comme elle ne le fût jamais, entre les classes sociales, entre les possédants et les autres, entre les partisans d'un État jacobin minimal réduit à ses fonctions régaliennes et ceux d'un Etat jacobin omnipotent intervenant dans tous les aspects de la vie économique et sociale(3), entre les tenants d'un ordre conservateur libéral et ceux d'un socialisme affiché ou rampant.
Le legs de Sieyès
Premier Consul puis empereur, Napoléon conserva pour l'essentiel les institutions conçues par Sieyès, mais les étouffa sous son despotisme. Aujourd'hui, ces institutions subsistent en notre Conseil constitutionnel (équivalent approximatif de la Jurie constitutionnaire de notre homme), notre Conseil d'Etat (qu'il avait doté de plus vastes attributions), notre Assemblée nationale (aux pouvoirs plus étendus que son Corps législatif privé de la faculté de proposer les lois et tenu de se prononcer sur les seuls textes émanant du Conseil d’État), et, bien entendu, notre pouvoir exécutif à dominante présidentielle (bien que Sieyès réservât aux chambres l'élection du chef de l’État)(4).
Sieyès n'a pas composé d'ouvrage didactique. Ce misanthrope froid et solitaire qui rêvait de donner aux hommes le système politique et social idéal répugnait à l'écriture de la même manière qu' il fuyait ses semblables. A vrai dire, ce n'est pas seulement l’écriture qui l'inhibait, mais, plus fondamentalement, la réflexion. Non la réflexion superficielle, faite d'intuitions fulgurantes, mais la réflexion approfondie, sereine, studieuse, nourrie de méditations sur des faits observés et sur les conclusions tirées de ces derniers par les grands penseurs et se déroulant suivant le long cheminement intellectuel tissé de raisonnements complexes et de longue haleine. De cela, Sieyès était incapable, et c'est pourquoi il ne fut pas l'équivalent d'un Bodin, d'un Locke, d'un Montesquieu, d'un Rousseau, ou d'un Kant. Et cela explique que son œuvre écrite se résume à quelques brochures(5) , lettres et textes de discours.
Non seulement, il n'écrivit guère, mais il ne lut presque rien ni personne et, nous l'avons dit, tira sa théorie de sa seule pensée. Cela aussi le rend typique de ce travers bien français (perversion de notre esprit classique par les "Lumières", les sociétés de pensée et les clubs) qui consiste à bâtir des monuments d'abstraction sur du vide. A lui seul, cet homme révèle toute la vacuité des fondements intellectuels et moraux de la Révolution et des institutions françaises contemporaines.
Paul-André Delorme Rivarol du 16 juin 2016
1) Il fut élu à l'Académie des Sciences morales et politiques (qu'il avait grandement contribué a créer et qui semblait faite pour lui) (1795), à l'Académie française (1804), et reçut de Napoléon le titre de comte d'Empire (1808).
2) Rappelons le jugement insultant émis sur lui par Mallet du Pan ;« Le plus lâche des mortels » et l'appréciation, moins crue, de Talleyrand . « Le seul sentiment qui exerce une influence sur Sieyès, c'est la peur ».
3) Sous la IIIe République, durant la période 1879-1902, cette opposition entre jacobins conservateurs libéraux et jacobins partisans d'une omniprésence de l’État, fut illustrée par celle qui mettait aux prises les opportunistes, Jules Ferry en tête, et les radicaux autour de Clemenceau et Camille Pelletan.
4) Des assemblées imaginées par Sieyès, seul le Tribunal (inspiré de la république romaine antique), conçu pour faire connaître au plus haut niveau les doléances du pays, n'a pas d'équivalent dans nos institutions actuelles.
5) Essai sur les privilèges (1788), Qu'est-ce que le Tiers État (1789). Ces deux textes furent réunis en un livre unique publié par les PUF en 1982, avec une préface de Jean Tulard.

Passé Présent n°108 - Les relations entre la France et le Royaume-Uni

dimanche 26 juin 2016

L’IDÉAL SPARTIATE : L’APPEL DE TYRTÉE À L’ARETÉ

La volonté qui fit de Sparte une grande nation vit encore dans les élégies de Tyrtée. Cette volonté eut pour résultat la formation d’un idéal sublime qui dura bien plus longtemps que la Sparte historique – à vrai dire, il n’a pas encore disparu – et dont les élégies en question constituent le témoignage le plus suggestif. La communauté spartiate, telle qu’elle est connue dans l’histoire à une époque éloignée de sa création, apparaît à beaucoup d’égards comme quelque chose de transitoire et d’excentrique. Mais l’idéal qui inspira ses citoyens et vers lequel tendirent avec une constance farouche tous les efforts, est impérissable parce qu’il représente un instinct fondamental de l’humanité.
Bien que la société qui lui donna naissance nous semble avoir été partiale et bornée dans ses conceptions, cet idéal demeure vrai et valable. Platon lui-même qualifiait d’étroite l’idée que se faisait le Spartiate des devoirs et de l’éducation civiques, mais il ajoutait que ces vues, immortalisées par les poèmes de Tyrtée, forment une des bases immuables de la vie politique. D’autres, d’ailleurs, partagèrent cette opinion : en réalité, le philosophe exprima simplement l’impression générale de la Grèce au sujet de Sparte. Les Grecs de son temps n’approuvèrent pas sans réserve Lacédémone et son système ; tous, néanmoins, admirent la valeur de son idéal. Dans toute cité il y eut un parti favorable à Sparte, qui se faisait une idée très optimiste de la constitution de Lycurgue. La majorité ne partageait pas cette admiration sans bornes. Pourtant, la place réservée par Platon à Tyrtée dans son système éducatif demeura indiscutée chez les Grecs des périodes ultérieures et devint un élément indéfectible de leur culture. Il appartient à Platon d’arranger et de systématiser l’héritage spirituel de l’Hellade : dans sa synthèse, les divers idéaux que posséda le peuple grec furent objectivés et situés selon leur parenté réelle. Depuis lors aucune modification importante n’y a été opérée, et durant deux millénaires, l’idéal spartiate a gardé dans l’histoire la place que le grand philosophe lui avait assignée.
Les élégies de Tyrtée ont une portée éducative très grande. L’appel qu’elles font au sacrifice personnel et au patriotisme des Spartiates était certainement justifié par les circonstances au moment où elles furent écrites – Sparte était alors près de succomber sous le poids écrasant de la guerre de Messénie. Mais elles n’auraient pu faire l’admiration des époques subséquentes, en tant qu’expression suprême de la volonté qui fit oublier aux Lacédémoniens leur intérêt personnel au profit de celui de leur patrie, si elles n’avaient conféré à cet idéal une valeur éternelle et immuable. Les modèles qu’elles proposent pour tous les actes et pour toutes les pensées des citoyens ne furent pas conçus en un sursaut momentané de patriotisme guerrier : ils formaient les fondements mêmes et la raison d’être du monde spartiate. Rien dans la poésie grecque ne montre plus clairement combien le poète trouve la source de son inspiration dans la vie de la société à laquelle il appartient. Tyrtée n’est pas un génie poétique individuel au sens moderne du mot ; il est la voix du peuple, il exprime la foi de tous les citoyens bien pensants. Voilà pourquoi il parle le plus souvent à la première personne du pluriel : « combattons ! » crie-t-il et « mourons ! ». S’il dit parfois « je », ce n’est ni pour donner libre cours à sa personnalité ni pour s’imposer en autorité supérieure (comme le pensèrent les Anciens qui le qualifièrent souvent de général) ; ce « je » est un « je » universel, celui que Démosthène appelait la « voix unanime de la patrie ».
Il parle donc au nom de sa patrie, et dès lors, son jugement sur ce qui est « honorable » et « honteux » acquiert une portée et une autorité bien plus grandes que s’il s’agissait de l’opinion subjective d’un quelconque rhéteur. Même à Sparte, cette relation étroite entre la volonté de l’Etat et celle de l’individu pouvait devenir en temps de paix assez peu effective pour le citoyen ordinaire. Mais en période de crise, la force de l’idéal se manifestait brusquement, en un élan irrésistible : la redoutable épreuve d’une guerre longue et indécise – qui n’en était alors qu’à ses débuts – devait donner à l’Etat spartiate sa structure d’airain. A cette heure tragique, les Lacédémoniens éprouvèrent le besoin de disposer non seulement d’une direction ferme à la fois politique et militaire, mais encore d’une expression universellement valable des vertus nouvelles que la guerre, avec ses durs combats, venait de forger. Depuis des siècles les poètes grecs étaient les hérauts de l’areté ; un héraut semblable apparut alors en la personne de Tyrtée. Comme nous avons déjà eu l’occasion de le signaler, la légende déclare qu’il fut envoyé par Apollon – confirmation frappante de cette croyance bizarre qui veut que lorsqu’un chef spirituel est nécessaire, il survienne immanquablement. Tyrtée vint pour exprimer en une poésie immortelle les vertus civiques indispensables en période de danger national.

Les Ducs et Duchesses de Bretagne (Philippe Tourault)

Philippe Tourault est un historien spécialiste de la Bretagne et de l’Anjou.
ducs-duchesses-bretagne-183x300.jpgCet ouvrage tente de dégager les lignes de force du pouvoir ducal de la Bretagne, du Xe au XVIe siècle.
Après une naissance difficile en 936, à l’issue d’une éphémère monarchie de Bretagne et des invasions vikings, la période ducale se prolonge en Armorique jusqu’en 1532, soit près de six siècles. Elle connaît un âge ingrat jusqu’au début du XIIIe siècle, puis son affermissement et son rayonnement jusqu’aux années 1450, avant son apogée jusqu’à la fin de l’Etat breton dans la seconde moitié du XVe siècle et au début du XVIe siècle.
Car c’est bien un Etat breton que forme le duché cent ans avant sa chute : l’ancienne Armorique est gouvernée par de véritables souverains qui développent, en toute indépendance, une idéologie et des structures de gouvernement adaptées. Mais l’auteur nous montre que cet Etat breton finit par attiser la convoitise de la France.
Un ouvrage passionnant et un sujet méconnu et peu traité. 
Les ducs et duchesses de Bretagne, Philippe Tourault, éditions Perrin, collection Tempus, 406 pages, 10 euros
A commander en ligne sur le site de l’éditeur

Les racines chrétiennes dans la terre de France : découverte d'une église paléochrétienne à Nîmes

Lu ici : 
6a00d83451619c69e201b8d1fcf9a8970c-300wi.png"Une église paléochrétienne datant du Ve siècle a été découverte par une équipe de l'Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) lors de fouilles menées sur le terrain d'un particulier qui habite dans le quartier des Amoureux. 130 tombes dont les datations s'échelonnent entre la fin de l'Antiquité et le haut Moyen-Age ont également été trouvées lors d'une campagne débutée le 30 décembre dernier et achevée le 22 avril dernier.
L'imposante fondation d'une abside semi-circulaire de l'édifice religieux, bâti avec des remplois antiques monumentaux, a été mise au jour. L'intérieur de l'abside accueille de nombreuses sépultures. Au sein du cimetière, ont été découverts des sarcophages en plomb datant d'autour du IIIe siècle. Les autres tombes sont construites avec des pierres, tuiles ou bois. Il faudra de nombreux mois de travail avant la remise du rapport de fouilles probablement pour la fin de l'année prochaine".
Lahire http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

samedi 25 juin 2016

Salan (Jean-Paul Angelelli et Bernard Zeller)

Jean-Paul Angelelli est né à Alger en 1934. Historien et journaliste, il est aussi vice-président de l’association des amis de Raoul Salan.
Bernard Zeller, fils du général André Zeller, a fait carrière dans les industries spatiale et de défense. Il a présidé l’association des amis de Raoul Salan de 2004 à 2015.
Salan-qui-suis-je.jpgCe livre interroge. Qui était Salan ? Rarement une personnalité a suscité autant de questions et de jugements abrupts et contradictoires. Sa réserve naturelle, son passage dans les services de renseignement, son manque d’aisance en public, ont pu y contribuer.
Pour décrire qui était le général Salan, les deux co-auteurs de ce livre prennent soin d’éviter l’écueil qui consisterait à le réduire à son rôle de chef de l’OAS et à occulter le reste de sa vie.
Or son existence s’écrit en parallèle de l’apogée, du déclin et de la chute de l’Empire français. Raoul Salan (1899-1984) est un homme qui a vécu, sur le front, la fin de la guerre de 1914-18 et, en prison, la fin de la « plus grande France « . Qui s’est battu pour son pays le long de l’Euphrate, qui a administré une province perdue du Haut-Laos, qui a vécu la défaite de 1940 et qui a participé à la victoire de 1945. Qui a assumé les plus lourdes responsabilités en Indochine et en Algérie avant de se dresser contre le gouvernement du pays qu’il avait servi plus de quarante ans au risque de sa vie.
Suivre le destin de Raoul Salan, c’est aussi vivre l’Histoire de France au vingtième siècle. 
On conseillera cet excellent ouvrage à ceux qui n’ont pas connu ces événements et qui voudraient se faire une opinion honnête sur cet officier qui ne peut laisser indifférent. 

vendredi 24 juin 2016

À la rencontre d'Érasme

Aimé Richardt brosse le portrait d'un prêtre de la Renaissance affligé par la médiocrité du clergé, un pacifiste invétéré prêchant la paix et la tolérance dans un monde où régnait la guerre.
Après avoir dressé de Luther et de Calvin des portraits attentifs et pénétrants, notre ami Aimé Richardt est allé à la rencontre d'Érasme 1, autre grande figure, apparemment plus paisible, de ce que l'on a appelé la Renaissance. Né à Rotterdam en 1469, orphelin de bonne heure, ordonné prêtre à Utrecht en 1492, Érasme connut à travers l'Europe une existence quelque peu errante. D'abord Paris où la Sorbonne lui laissa le dégoût de la philosophie scolastique, puis l'Angleterre où il découvrit chez les humanistes plus de culture et de liberté d'esprit, puis de nouveau entre Paris et Orléans où il publia Les Adages (1500), pour faire goûter à tous la sagesse pratique des Anciens, ce qui lui ouvrit le chemin de la gloire littéraire.
Humaniste et réformateur
Ensuite, nouvelles pérégrinations à travers la Hollande et la Belgique, avant un nouveau passage en Angleterre et un voyage en Italie où Rome le déçut par le spectacle d'une papauté triomphante et d'une Église anémiée par des moeurs dissolues. Puis retour en Angleterre où son Éloge de la folie (1511) fit grand bruit - un véritable brûlot, où, pour dire leur fait aux papes guerriers, aux prêtres négligents, aux théologiens routiniers, aux moines paresseux, aux princes égoïstes et autres puissants de ce monde, il mettait en chaire la "Folie" qui pouvait tout dire, sans avoir l'air d'y toucher, comme les "fous du roi"... Sur sa lancée il osa publier à Bâle un écrit satirique contre le pape Jules II « interdit au Ciel » (1513). Ce qui ne l'empêcha pas de devenir en 1515 conseiller du jeune roi d'Espagne, le futur empereur Charles Quint, dédiant alors à celui-ci son Institution du prince chrétien.
Aimé Richardt suit son héros dans ses voyages avec une réelle sympathie. Toutefois ses audaces lui attiraient des inimitiés, notamment quand il se mit à traduire le Nouveau Testament et à exprimer des opinions discutables sur le célibat des prêtres. Mais ce pacifiste invétéré qui prêchait la paix et la tolérance dans un monde où régnait la guerre, savait envelopper d'humour et d'ironie ses affirmations et ses critiques les plus sévères, ce qui était de moins en moins le cas de Luther lancé dès 1517 dans la querelle des Indulgences. En 1522, c'est à Érasme que le pape Adrien VI demanda de condamner les hérésies nouvelles.
Écrivant encore bien d'autres livres, il dut quitter Bâle pour Fribourg. Dans les débats du temps (le libre arbitre, la grâce, la prédestination), il chercha toujours à prendre de la hauteur - de nombreux passages cités par Aimé Richard l'attestent. L'échec de la confession d'Augsbourg (1530), qui marqua à jamais la division du monde chrétien, fut pour lui une douleur atroce. Il ne se sentait plus compris que par Rabelais ! En 1536, juste après s'être réjoui de l'élection du pape Paul III, il célébra la messe de Pâques « le corps tordu par la souffrance », puis s'alita jusqu'au 12 juillet où il rendit son âme à Dieu.
Opinions aventureuses
Aimé Richardt ne range évidemment pas Érasme parmi les Pères de l'Église. Certaines de ses opinions étaient aventureuses sur la notion même du sacerdoce. Dans ce grand courant d'affranchissement par rapport à la tradition qui marqua la Renaissance, tout discours était périlleux. Et comme, au même moment, l'Église, en se sclérosant et en donnant des fâcheux exemples d'abus, n'était guère en état de jouer son rôle, qu'admirait tant Maurras, « d'arche de salut des sociétés », les esprits les meilleurs étaient livrés à eux-mêmes et ne mesuraient pas toujours la portée de leurs propos. Jacques Ploncard d'Assac, dans L'Église occupée, cite un moine de Cologne : « Érasme a pondu les oeufs, Luther va les faire éclore. » C'est sans doute excessif, mais cela aide à comprendre que le concile de Trente en 1563 mît à l'index les livres d'Érasme. Si le concile avait eu lieu plus tôt, notre humaniste eût été rappelé à la prudence, lui qui fut l'ami de toujours de l'Anglais Thomas More lequel, également soucieux de réformer l'Église, fut mené au martyre par son refus de transiger avec la vérité (1535)... Des réformateurs pleinement catholiques comme le cardinal espagnol Ximenes de Cisneros, futur grand inquisiteur de Castille, comptent parmi ceux qui refusèrent longtemps de censurer les livres d'Érasme.
Prince de la paix
Ce grand sage européen fut essentiellement un homme de paix, plus qu'un doctrinaire. Mgr Huot-Pleuroux, dans sa préface, ne voit pas pour autant en lui un précurseur de l'oecuménisme d'aujourd'hui. Rappelant que François Ier était prêt à offrir à Érasme une chaire au Collège de France, le prince Jean de France, duc de Vendôme, rapproche le « prince de la paix » du roi Henri IV, aimant « conquérir les coeurs et gagner la paix ». Louons Aimé Richardt d'avoir mis en relief dans ce livre élégamment présenté, un homme qui, dans ces temps où les guerres de religion allaient commencer, sut voir avec perspicacité ce qui rapprochait ses semblables plus que ce qui les divisait. Aujourd'hui comme hier, ce genre d'homme ne court pas les rues...
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 4 au 17 novembre 2010
1 Aimé Richardt : Érasme, une intelligence au service de la paix ; éd. Lethielleux-François Xavier de Guibert, 232 pages, 18 euros.

mardi 21 juin 2016

Né il y a quatre cent vingt ans : Corneille ou l'âme de la France éternelle

Le 6 juin 1606 -il y a quatre cent vingt ans - naissait à Rouen Pierre Corneille. Ce grand nom de la littérature française est superbement ignoré aujourd'hui des prétendues élites qui font l'opinion. L'auteur du Cid, de Cinna, d’Horace et de Polyeucte passe pour un martien dans la société qu'ils veulent nous bâtir.
Aux hommes qui érigent leurs passions en droits de l'Homme, que peut dire un Corneille qui campe des hommes sachant dompter leurs passions par la volonté ? Aux foules enivrées de toutes sortes de fiertés provocatrices, n'est-il pas indécent de parler de héros mettant leur fierté à s'élever jusqu'à la cime de leur être pour défendre l'honneur, la patrie, la religion ? Le duc de Levis-Mirepoix disait des héros cornéliens : « C'est l'individu fier de lui-même qui tantôt s'offre à la société, tantôt la repousse ou la veut dominer, soit par une affirmation de sacrifice, soit par une affirmation de révolte. »1 En somme un individualisme, mais celui d'âmes bien trempées, tout à l'opposé de celui qu'exalte la démocratie et qui repose sur la vanité et le caprice...
Digne héritier d'une famille de bourgeois rouennais, Corneille n'était pas l'auteur solennel, coincé et vaniteux dont de vagues souvenirs des manuels scolaires peuvent avoir laissé l'impression. Il fut jeune, léger, amoureux... Et, enfermé dans son bureau, il s'identifiait à Rodrigue de Bivar, à Curiace, à Sévère, à Polyeucte, sans que jamais nul n'eût pu soupçonner, sous les oripeaux du bourgeois provincial, l'âme des héros de son théâtre. Les premières années du jeune Corneille furent sans éclat particulier.
Au collège des jésuites, il fut un très bon élève, premier prix de grec et de latin. L'Antiquité le passionnait et il appréciait particulièrement les adaptations du répertoire classique, à buts édifiants, dont les bons pères faisaient la base de l'éducation donnée dans leurs maisons. Mais lorsque Pierre quitta le collège, il songea surtout à se divertir avec d'autres étudiants, à courir les filles et ne put réussir à décrocher qu'un diplôme de droit. Sa première plaidoirie fut, dit-on, un tel désastre que ses parents lui conseillèrent, pour le renom de sa famille, de renoncer au barreau, car il bafouillait lamentablement chaque fois qu'il devait parler en public. Son père lui acheta une charge de magistrat : ainsi, conscient de son manque d'aisance, pouvait-il se taire en société, même et surtout avec les filles. Il en aima une à la folie ; il en épousa une autre...
Le triomphe de l’honneur
Sa vie semblait ratée, mais il se consolait de ses illusions en écrivant. En 1629, il acheva une comédie Mélite ou les fausses lettres, où ii jetait toutes ses passions et ses amours contrariées. Le résultat était fin, spirituel, amoureux : tout ce que Corneille n'arrivait pas à être en public. Or justement, cette année-là, se produisit à Rouen la troupe du célèbre comédien Mondory. Notre Pierre alla timidement soumettre son manuscrit à cette star de la scène parisienne qui lut et s'enthousiasma et surtout accepta de monter la pièce à Paris : quelques mois plus tard, le triomphe était tel que Corneille dut gagner la capitale pour cueillir la gloire naissante. Mélite fut suivie de Clitandre, La Veuve, la Galerie du Palais, la Suivante, la Place royale et même d'une tragédie, Médée, et d'une tragédie bouffonne, L'Illusion comique : le jeune auteur cherchait sa voie...
Voici qu'il la trouva en 1636 - il y a trois cent quatre-vingts ans - en écrivant Le Cid : dans cette tragi-comédie, Corneille offrait à son public une œuvre qui incarnait les aspirations de toute une génération, qui témoignait d'un moment particulier, d'une époque, et qui exprimait le génie éternel d'un peuple. Il avait pris beaucoup de risques en plaçant l'action de sa pièce en Espagne, car la France était alors en guerre contre ce pays et la reine Anne d'Autriche, infante d'Espagne, surveillée étroitement, n'avait pas encore donné d'héritier à la couronne de France... Or Rodrigue avait l'âme française. La lutte du sentiment de l'honneur familial et de l'amour, et le triomphe de l'honneur, cela enthousiasmait alors les Français. En Rodrigue, se reconnaissaient tous les jeunes gens de la Cour. Sa bravoure, son panache, ses dialogues amoureux, sa courtoisie, sa galanterie étaient l'apanage de la noblesse française guerrière, qui ovationna Corneille.
Le triomphe du patriotisme
En 1640, ce fut Horace, la tragédie de la patrie menacée, où, derrière les rodomontades du Romain, Corneille dissimulait à peine sa compassion envers Camille et Sabine. Ici, c'était la lutte du patriotisme devenu passion contre l'amour et contre tous les sentiments humains, et la victoire du patriotisme. Il peignait avec Curiace - le véritable héros de la pièce -, le défenseur de la terre ancestrale, celui qui, comme devait le dire Robert Brasillach2, « mourra parce qu'un homme ne refuse pas de mourir et ne se désolidarise pas d'avec sa nation », mais qui refusait de haïr au nom d'une nation devenue en quelque sorte idéologie.
Le triomphe de la clémence et de la générosité héroïque
1641 fut l'année de Cinna ou La clémence d'Auguste, mais aussi l'année de la révolte des Va-nus-pieds à Rouen, impitoyablement écrasée par Richelieu. Cette pièce doit donc être comprise comme un appel à la clémence du moderne Auguste pour la Normandie ravagée. Retenons ce bel éloge de la monarchie par Cinna s'adressant à Maxime :
« Si l'amour du pays doit ici prévaloir, /C'est son bien seulement que vous devez vouloir ;/ Et cette liberté, qui lui semble si chère, /N'est pour Rome, seigneur, qu'un bien imaginaire, /Plus nuisible au * utile, et qui n'approche pas /De celui qu'un bon prince apporte à ses États. /Avec ordre et raison, les honneurs il dispense, /Avec discernement punit et récompense, /Et dis-pose de tout en juste possesseur, /Sans rien précipiter, de peur d'un successeur. /Mais quand le peuple est maître, on n 'agit au 'en tumulte : /La voix de la raison jamais ne se consulte ; /Les honneurs sont vendus aux plus ambitieux, /L'autorité livrée aux plus séditieux. /Ces petits souverains qu'il fait pour une année, /Voyant d'un temps si court leur puissance bornée, /Des plus heureux desseins font avorter le fruit, /De peur de le laisser à celui qui les suit ; /Comme ils ont peu de part au bien dont ils ordonnent, /Dans le champ du public, largement ils moissonnent, /Assurés que chacun leur pardonne aisément, /Espérant à son tour un pareil traitement : / Le pire des États, c'est l'État populaire. » (Acte II, scène 1).
Belle page politique, montrant un roi tel que la France le méritait : soucieux du seul bien commun, ne considérant pas la liberté comme fin du politique, assez fort pour conserver son indépendance et sa capacité d'arbitrage, et surtout s'inscrivant dans la durée et la continuité, alors que la démocratie n'est que déraison, ambitions, rivalités, irresponsabilité, dégradation des mœurs... Cinna était la lutte de la clémence contre la passion de la vengeance et le triomphe de la clémence, de la générosité héroïque, vertus devenues bien rares dans nos sociétés post-modernes...
Le triomphe de la grâce
1643 : Polyeucte, la grande tragédie chrétienne, celle de la lutte de l'amour de Dieu, allumé et alimenté par la grâce, contre l'amour humain et rattachement aux biens de ce monde, lutte qui finissait par le triomphe éclatant de la grâce, même dans l'âme de Pauline, car l'amour chez Corneille était partie intégrante de l'action : il était l'obstacle principal aux victoires de la volonté qu'il rendait douloureuses et magnifiquement émouvantes- Car les héros cornéliens n'étaient pas des âmes simples, tout d'une pièce, sans aucun attachement, sans aucune compassion ; la force de la volonté mise au service d'une passion noble, l'honneur, la gloire ou l'amour de Dieu, n'en était que plus déchirante et sublime.
De grands exemples
Dans notre monde vulgaire et superficiel, il faut relire Corneille qui se propose de soulever l'admiration par l'étalage de la force morale de l'homme supérieur qui s'affirme dans les victoires répétées de la volonté sur les passions. Ses personnages, surhumains par leur volonté, sont cependant très humains par leurs luttes ; et c'est ce qui les rend si touchants : ils souffrent et triomphent de leur douleur. Corneille nous élève et nous maintient à travers toute son œuvre dans une atmosphère spéciale où seuls les sentiments nobles ont leur place, il nous montre la force et le triomphe de la faculté qui nous fait être vraiment hommes : la volonté. Il nous entraîne très loin des prêches de François Hollande ou de Manuel Valls qui voudraient nous inculquer la philosophie de pacotille des droits de l'homme pour nous rendre forts face au terrorisme...
Corneille fut l'apologiste de la vertu au sens latin du terme, du courage, de l'honneur, mais il le fut aussi de la tendresse, de la pitié et de l'amour, quand, après avoir aligné ses superbes et cinglants alexandrins, il révèle soudain ses véritables sentiments dans un vers tout de douceur et de sensibilité : « un je ne sais quel charme encore vers vous m'emporte... »
Nous emprunterons notre conclusion à Mgr Calvet (1874-1965), professeur à l'Institut catholique de Paris dans les années 1940 : « Les œuvres de Corneille expriment la vigueur encore insoumise du XVIIe siècle. La France cherchait son équilibre ; mais, dans son ardeur indisciplinée, elle n'acceptait pas le joug de Richelieu. Richelieu mort, elle déchaîna la Fronde. Corneille nous fait sentir ces frémissements des âmes libres et, en même temps, il indique toutes les raisons qu'elles ont de se soumettre et il justifie d'avance l'ordre qui va venir [sous Louis XIV]. Poète de l'individualisme, il est aussi le poète de la discipline, parce qu'il est le poète de l'héroïsme, et l'héroïsme n'est en somme que l'individualisme discipliné pour le bien, par la volonté libre »3 Il est grave que, dans les écoles publiques comme privées, l'on ne propose plus ces exemples d'hommes pleinement hommes, de ceux dont manque cruellement notre société chloroformée, et qui seraient de nature à exalter une jeunesse qui se cherche, aujourd'hui encore... N'oublions jamais qu'une société n'a que la jeunesse qu'elle mérite.
Michel Fromentoux. Rivarol du 9 juin 2016
1. Servitudes et grandeurs de l'individualisme français.
2. Robert Brasillach : Pierre Corneille. Ed. Fayard, 1938.
3. Histoire de la littérature française. Ed de Gigord, 1935

L’An 1914 : la guerre dont tout le monde voulait... Le nouveau livre du Dr Bernard Plouvier

« La responsabilité de la guerre de 1914-1918 est largement partagée par tous les parlementaires qui, en tous pays, ont voté les crédits de guerre à l’unanimité »
1462269583.jpgEntretien avec le Dr Bernard Plouvier, auteur de La fin d’un monde. L’An 1914 : la guerre dont tout le monde voulait aux éditions Dualpha. (Propos recueillis par Fabrice Dutilleul)
Selon vous, la Grande Guerre aurait été la plus inévitable de toutes les guerres ?
Dr Bernard Plouvier : Effectivement, pour des raisons économiques (en Russie et en Grande-Bretagne), pour des raisons d’impérialisme territorial (en Russie, en Serbie, en Grande-Bretagne pour ce qui est des colonies), et surtout pour des raisons sociologiques (un peu partout en Europe).
Durant les années 1910-14, les jeunes hommes de toutes les classes sociales s’ennuient dans une société plutôt fermée, où tout semble prévisible, et n’ont guère d’objection (sauf les anarchistes, mais ils boudent absolument tout !) à une « guerre franche et joyeuse », puisque tous les « spécialistes » (économistes et financiers, généraux et diplomates, même prêtres et philosophes) affirment sur tous les tons que, du fait de son coût prohibitif, une guerre entre États industrialisés ne peut qu’être courte.
Et les chefs politiques, dans cet ensemble ?
À l’exception de rares bellicistes parmi les politiciens de Londres, de Saint-Pétersbourg et surtout de Belgrade, ils sont tous très peu enthousiastes, voire pacifistes. Ni le tsar Nicolas II (qui est un imbécile), ni le sénile François-Joseph d’Autriche-Hongrie, ni le Kaiser Guillaume II, ni Raymond Poincaré ne sont des foudres de guerre, quoi qu’on en ait dit ensuite. Seuls, d’ailleurs, les deux derniers sont réellement intelligents. À Londres, les politiciens sont au service de la ploutocratie, et à Belgrade ce sont de purs aventuriers.
Ni responsables ni coupables, donc à Paris, Vienne ou Berlin ?
Responsables, en faible partie, ils le sont. En tous cas, cette responsabilité est largement partagée par tous les parlementaires qui, en tous pays, ont voté les crédits de guerre à l’unanimité. Coupables, ils le furent de n’avoir pas suffisamment répété à leurs opinions publiques les dangers d’une guerre moderne. Mais ces dangers (bien connus depuis la Civil War des USA – la « Guerre de sécession » – ou la guerre de Mandchourie) étaient minimisés par tout le monde.
Alors, qui étaient les bellicistes en 1914 ?
De très nombreux industriels et négociants à Saint-Pétersbourg et Moscou ou à Londres. Mais les financiers étaient plutôt pacifistes, alors qu’ils seront des bellicistes enragés de 1933 à 1939. De nombreux généraux et amiraux des États-Majors Généraux à Saint-Pétersbourg, Vienne, Londres et Paris… et, à un moindre degré, à Berlin, où l’on était bien plus hésitant. Le gouvernement serbe, encouragé par l’ambassadeur et les attachés militaires russes à Belgrade a volontairement et sciemment mis le feu aux poudres.
Enfin, et surtout, était avide d’action brutale la fraction mâle et jeune des opinions publiques en tous pays, sauf peut-être en Transleithanie (le royaume de Hongrie). À l’exception de délicats esthètes littéraires, les jeunes ouvriers, paysans et petits-bourgeois avaient conservé de bons souvenirs de leur service militaire. De ce fait, une campagne guerrière d’un trimestre, au plus d’un semestre, ne pouvait que leur apporter ce parfum d’aventures, ce goût de l’imprévu que la vie quotidienne était bien incapable de leur procurer… et le cinéma était alors tellement rudimentaire qu’il offrait davantage matière à rire qu’à rêver.
C’est en cela que la guerre de l’Année 1914, qui marque l’An 1 du XXe siècle, était réellement inévitable.
La fin d’un monde. L’An 1914 : la guerre dont tout le monde voulaitdu Dr Bernard Plouvier, éditions Dualpha, collection « Vérités pour l’Histoire », dirigée par Philippe Randa, 576 pages, 39 euros.
 Vous pouvez le commander en ligne en cliquant ici

lundi 20 juin 2016

L’appel du 18 juin ou l’histoire d’une imposture

Le texte ci-dessous, de 2010, n’a rien perdu de sa valeur.
« Le 18 Juin 2010 va être célébré le 70ème anniversaire du célèbre appel de Londres de Charles de Gaulle. Or la version officielle, qui va être lue à la BBC, est un faux, comme le démontre le général d’aviation Le Groignec, compagnon de Saint-Exupéry, dans son livre paru en 2004 « Philippiques contre les Mémoires gaulliens. » (Nouvelles Editions latines )
Le texte prétendu être celui de l’appel du 18 Juin commence par cette phrase : « Des gouvernants de rencontre ont pu capituler, cédant à la panique, oubliant l’honneur, livrant le pays à la servitude. Cependant rien n’est perdu …. »
Or, historiquement, Charles De Gaulle n’a pu prononcer cette phrase insultante pour le Maréchal Pétain et le général Weygand pour les deux raisons suivantes : · 1° A cette date du 18 juin 1940, ces « gouvernants de rencontre » n’avaient pu capituler, car non seulement l’armistice n’était pas signé, mais les plénipotentiaires français n’avaient pu encore rejoindre les lignes allemandes étant donné les difficultés des communications. Cet armistice ne sera signé que le 22 juin avec l’Allemagne, et le 24 juin avec l’Italie. Par ailleurs on ne peut confondre armistice et capitulation. L’armistice est un acte politique, une suspension d’armes où le vaincu peut négocier certaines conditions, c’est le contraire d’une capitulation où le vaincu doit se soumettre sans condition au vainqueur, ce à quoi De Gaulle a consenti le 19 mars 1962 en capitulant devant le FLN, ennemi vaincu sur le terrain, pour se débarrasser du « boulet algérien ».
En demandant un armistice, la France demande et obtient, le 22 juin 1940, que ni la marine, ni l’Afrique française, ne soit livrées à l’ennemi, qu’un tiers du pays reste en zone libre, et que Lyon et Clermont Ferrant soient évacués par l’armée allemande. En cas de capitulation il y aurait eu deux millions de prisonniers de plus, et tout le territoire aurait été occupé : les Allemands, en effet, avaient atteint Valence et se trouvaient à une étape de Marseille lorsque l’armistice a été signé. · 2° Devant l’échec total de cet « appel du 18 Juin » auquel n’avait répondu aucun chef militaire de l’armée, de la marine ou de l’aviation, notamment aucun officier de la division que Charles De Gaulle commandait devant Arras en mai 1940 (suprême affront !) aucun homme politique, aucun diplomate français accrédité à Londres ou dans une autre capitale étrangère , aucun gouverneur ou responsable des colonies de l’Afrique française, aucun ministre résidant dans les pays sous protectorat ou sous mandat, Charles De Gaulle va s’affoler, car il se trouve désormais à Londres complètement isolé, en rupture de ban, sans mission officielle. En effet, la guerre continue et le gouvernement français le somme de rentrer en France, sous peine d’être jugé comme déserteur. Alors de Gaulle écrit au général Weygand la lettre suivante à la date du 20 juin 1940 :
Londres le 20 Juin 1940 Mon Général, J’ai reçu votre ordre de rentrer en France. Je me suis donc tout de suite enquis du moyen de le faire car je n’ai, bien entendu, aucune autre résolution que de servir en combattant ….. ( MEMOIRES DE GUERRE) Charles de Gaulle- Edition PLON 1954 tome I – page 269)
Depuis 1958, cette lettre est dans les livres scolaires, car incompatible avec la légende, avec l’Histoire de France revue et corrigée par la falsification gaulliste, en vigueur encore aujourd’hui.
La suite reste entourée de mystère. Car de Gaulle ne dispose à cette date d’aucun moyen de transport pour rejoindre Bordeaux où siège le gouvernement français. Il est probable que Churchill, qui venait de rompre avec la France, refusa de lui donner un avion pour que de Gaulle rentre en France. La dissidence de la « France Libre » est donc née sous la contrainte de l’Angleterre, vérité que s’efforce de masquer l’imposture de la version officielle actuelle. Si de Gaulle avait pu rejoindre Bordeaux, comme il en avait manifesté l’intention le 20 Juin 1940, il n’y aurait probablement jamais eu ni de saga, ni de fabulation gaulliste. En effet, quand un officier français écrit une telle lettre pleine de déférence et d’esprit de discipline à son supérieur hiérarchique le 20 juin 1940, il ne peut être le même que celui qui aurait déclaré le 18 juin, deux jours avant, au micro de Londres, parlant du même supérieur, que ce dernier appartenait à « un gouvernement de rencontre qui a capitulé, cédant à la panique, oubliant l’honneur, livrant le pays à la servitude ».
C’est pourtant ce faux, fabriqué après coup, qui est répandu dans tous les livres scolaires depuis 1958, qui est inscrit dans le marbre au 4 Carlton Garden à Londres, et que nous allons entendre dire et répéter des milliers de fois lors de la célébration officielle du mythe de l’Appel du 18 Juin 1940, pour continuer à entretenir le mensonge de la légende gaullienne de l’homme providentiel. »
Jean-Marie AVELIN Alain ALGUDO et Geneviève de TERNANT
Président Vice-présidents Et l’équipe de Veritas

Bernard Lugan publie une Histoire de l’Afrique du Nord qui fera date

Lugan-Afrique-du-Nord-226x350.jpgL’africaniste Bernard Lugan publie, aux éditions du Rocher, une Histoire de l’Afrique du Nord, une somme de quelque 740 pages qui fera date. Voici la présentation qu’en fait l’éditeur :
L’Afrique du Nord est formée de cinq pays (Égypte, Libye, Tunisie, Algérie et Maroc) que ce livre présente dans leur longue durée historique. À l’Est, centrée sur l’étroit cordon du Nil, l’Égypte développa, dès le 5e millénaire av. J.-C., une civilisation aussi brillante qu’originale. À l’Ouest, en Berbérie, apparurent au VIe siècle av. J-C., trois royaumes berbères dont les limites correspondaient aux actuels États du Maghreb.
Rome imprégna ensuite toute la région de sa marque. L’empire byzantin qui lui succéda s’établit de l’Égypte jusqu’à l’est de l’actuelle Tunisie, renonçant à la plus grande partie du Maghreb où la « reconquête » berbère eut raison du vernis romano-chrétien.
Aux VIIe-VIIIe siècles, l’islamisation provoqua une rupture entre les deux rives de la Méditerranée ainsi qu’une profonde mutation des sociétés nord-africaines. Au XVIe siècle, l’expansion turco-ottomane subjugua toute l’Afrique du Nord avant de buter sur le Maroc qui réussit à maintenir son indépendance en s’alliant à l’Espagne chrétienne.
Durant la période coloniale, les Britanniques s’installèrent en Égypte, les Italiens disputèrent le vide libyen à la Turquie et, à l’exception de la partie Nord du Maroc devenue protectorat espagnol, le Maghreb fut tout entier rattaché au domaine français. L’Égypte recouvrit son indépendance en 1922, la Libye en 1951. Quant au Maghreb, il connut des péripéties sanglantes avec la guerre d’indépendance algérienne (1954-1962).
En dépit d’une « arabité » postulée et d’une islamité commune, les cinq pays composant l’Afrique du Nord eurent ensuite des destins divers illustrés par l’épisode dit des « printemps arabes ».
Riche d’une centaine de cartes en couleur, ce livre est l’outil de référence indispensable à tous ceux qui veulent connaître les constantes qui fondent la géopolitique de cette arrière-cour de l’Europe qu’est l’Afrique du Nord.

dimanche 19 juin 2016

Un entretien entre Franck Abed et Francis Bergeron sur Léon Degrelle

Franck ABED : Bonjour. Pourriez-vous prendre la peine de vous présenter en quelques mots pour ceux qui croient vous connaître et pour ceux qui ne vous connaissent pas encore ?
2149157856.jpgFrancis BERGERON : Adolescent, j’ai milité dans quelques groupuscules anticommunistes, à une époque où le philocommunisme était la chose la mieux partagée du monde, alors même qu’au Vietnam, au Cambodge, au Laos, au Mozambique, en Angola, en Afghanistan, la poussée bolchevique semblait irrésistible. Cela m’a conduit ensuite à des engagements plus « musclés, avec à la clé les geôles soviétiques, et la guerre au Liban. Mais c’était il y a longtemps… Aujourd’hui j’écris des livres. Et sur le plan professionnel je participe à la direction d’un groupe international.
Pour quelles raisons avez-vous décidé d’écrire une biographie sur Léon DEGRELLE ?
J’ai écrit une biographie de Hergé et un essai sur la géopolitique dans l’oeuvre de Hergé. Or Hergé, dans sa jeunesse, a été très lié à Léon Degrelle. Cette amitié, et l’idée que Degrelle ait pu servir de modèle au personnage de Tintin m’ont donné envie de me plonger dans la vie de cet homme politique belge.
Comment définiriez-vous la doctrine défendue par Léon DEGRELLE ? Comprenez-vous qu’on puisse la classer à gauche ?
Il y a plusieurs rexismes. Le rexisme d’origine se situe plutôt du côté de Maurras et des catholiques sociaux. Degrelle éprouve une profonde admiration pour l’Action française, et en particulier pour Léon Daudet. Par la suite, il va s’éloigner de la hiérarchie catholique ; et l’organisation qu’il a créée va ressembler de plus en plus à ces groupes fascistes que l’on trouve à l’époque, dans la plupart des pays européens. A partir de 1937, une partie des militants catholiques s’éloignent de REX, tandis que ce parti attire d’anciens communistes, et va ressembler un peu au PPF de Doriot. Il y a comme toujours, dans les partis de ce type, un mélange de nationalisme et de socialisme, à des degrés divers. Mais REX, c’est vrai, fait partie des rares mouvements fascistes imprégnés de christianisme. On pense à la Garde de Fer roumaine ou à la Milice de Darnand. Alors qu’en règle générale, les ligues fascisantes ou authentiquement fascistes développaient une idéologie plutôt matérialiste et en tout cas antichrétienne.
Mais ce qui est intéressant dans le rexisme, ce qui lui est propre, c’est cette aspiration à la grandeur, à la croisade, à la construction d’une « grande Bourgogne », sorte d’empire wallon renouant avec un passé très lointain. Venant d’un si petit pays, cette incongruité est assez fascinante. La toute petite ville de Bouillon, dans les Ardennes belges, est la ville de Godefroy de Bouillon et de Léon Degrelle. Ces deux soldats se ressemblent, au fond. L’appétence pour un destin hors du commun, venue de là où on ne l’attend pas du tout.
Léon DEGRELLE a soutenu le nazisme. Toutefois il se considérait comme catholique. Or le nazisme, en tant qu’idéologie et doctrine, a clairement été condamné – à l’instar du communisme et du libéralisme – par Notre Sainte Mère l’Eglise avec l’encyclique Mit brennender Sorge de Pie XI.
Comment expliquez-vous cette incohérence philosophique et intellectuelle manifeste (incohérence qui persiste encore dans certains cénacles nationaux) ?
Oui c’est exact, il y a incompatibilité. Je ne connais pas les milieux nationaux qui, aujourd’hui, tenteraient ce grand écart idéologique. Je n’ai jamais rencontré d’adeptes du nazisme et encore moins d’adeptes d’un syncrétisme entre le catholicisme et le nazisme. Ce que l’on sait aujourd’hui du nazisme et aussi l’échec politique et militaire engendré par ce totalitarisme, la ruine de l’Europe, et son affaiblissement durable, générés par la seconde guerre mondiale, ne prêtent guère à séduction.

Philosophie : réédition d’ « Apprendre à penser à l’école du réel »

couv-sp-233x300.jpgCelui qui s’intéresse aux changements de notre monde, qui nous affectent tous, doit s’intéresser à la politique.
Celui qui s’intéresse à la politique doit s’intéresser à la philosophie car de celle-ci découle celle-là.
Voici un très bon ouvrage d’initiation, signé Jean de Rouen, complet et synthétique, qui vient d’être réédité (augmenté).
254 p. 20 €, Ed. des Cimes,disponible ici.
4e de couverture :
« Avec un esprit de synthèse remarquable, l’auteur expose ici ce en quoi consiste la philosophie, avant de retracer sa genèse et son développement.
Puis il précise les exigences intellectuelles et les outils méthodologiques nécessaires pour entamer une réflexion philosophique.
Intellectuellement dense, cet ouvrage est servi par un style clair et agréable.
Il peut devenir un outil incontournable pour le professeur, le lycéen, l’étudiant ou n’importe quelle âme de bonne volonté voulant être initiée aux joies de la philosophie…
Diplômé de l’Institut de Philosophie Comparée (IPC) et de la Sorbonne, spécialisé en philosophie morale et politique, Jean de Rouen a enseigné la philosophie plusieurs années au lycée.
Après avoir consacré un essai à la philosophie politique, ainsi que de nombreux articles, il signe ici le premier volet d’une initiation à la philosophie générale. »

dimanche 12 juin 2016

8 juin 1795 : Louis XVII meurt au Temple ... N'oublions pas les crimes de la Révolution

Le site historique herodote.net a publié le 8 juin l'intéressant billet repris ci-dessous. Sur l'horreur presque ontologique des révolutions - la nôtre en particulier - Soljenitsyne a tout dit. Il reste que le régime sous lequel nous vivons aujourd'hui est fondé sur un double régicide, dont celui, injustifiable, d'un enfant. Ne pas oublier ! LFAR    
Le 8 juin 1795, Louis XVII meurt à la prison du Temple, à Paris, dans l'anonymat et la détresse. Fin tragique d'un enfant né sous les plus heureux auspices.
Né dix ans plus tôt, le 27 mars 1785, Louis-Charles, fils cadet de Louis XVI et Marie-Antoinette, était devenu l'héritier du trône à la mort de son frère aîné, le 4 juin 1789.
Le 13 août 1792, après la chute de la royauté, il est enfermé avec ses parents, sa tante, Madame Elisabeth, et sa sœur aînée Marie-Thérèse, dite Madame Royale, dans l'enclos du Temple.
Le 21 janvier 1793, à la mort de Louis XVI, la reine Marie-Antoinette s’agenouille devant son fils devenu Louis XVII ! Les grandes puissances européennes le reconnaissent comme tel.
Mais l'enfant du Temple n'a pas le loisir de jouir de son titre. Il est enlevé quelques mois plus tard à sa mère Marie-Antoinette et élevé à la dure, dans l'enceinte de la prison, par le cordonnier Simon et sa femme.
Lors d’une confrontation avec Marie-Antoinette, le 7 octobre 1793, la dernière fois qu’il verra sa mère, on le force à l’accuser d’attouchements. Ces fausses déclarations sont présentées au procès de Marie-Antoinette.
Après la chute de Robespierre et la fin de la gauche jacobine, les Conventionnels modérés songent à le remettre aux Autrichiens en échange de prisonniers français.
Paul Barras, président de la Convention thermidorienne qui a renversé Robespierre, rend visite à l'enfant dans sa prison. Il est trop tard pour envisager une libération. Au début de mai 1795, un médecin, Pierre Joseph Desault, le décrit : « mourant, victime de la misère la plus abjecte, de l’abandon le plus complet, un être abruti par les traitements les plus cruels ».
Marie-Thérèse Charlotte, dite Madame Royale, a plus de chance que son frère. Elle est livrée à l'Autriche le jour de ses 17 ans, le 19 décembre 1795, contre des prisonniers français. L'« Orpheline du Temple » se marie en 1799 avec son cousin, Louis d'Artois, duc d'Angoulême.
Le coeur momifié de Louis XVII ayant été par miracle conservé, grâce au médecin légiste Philippe-Jean Pelletan qui l'avait examiné, des experts ont pu l'authentifier en comparant son ADN (acide désoxyribonucléique) à celui de la reine Marie-Antoinette. Les conclusions de leurs recherches ont été présentés à la presse le 19 avril 2000 et exposées dans un livre de l'historien Philippe Delorme,Louis XVII, la vérité.
Depuis le 8 juin 2004, les restes de l'enfant royal - Louis XVII pour les royalistes-reposent dans l'ancienne nécropole royale de Saint-Denis.