mercredi 31 juillet 2019

NOTRE FEUILLETON ESTIVAL : UN ETE AVEC JACQUES BAINVILLE... (11)

Parti le 1O avril de Southampton, le paquebot réputé "pratiquement insubmersible" heurte un iceberg le 14 en fin de soirée, et coule quelques heures plus tard, le quinze avril 1912 : Bainville constate, avec cette certitude qu'il était insubmersible, que "le genre humain, dans notre siècle de mécanique, vit sur un fond de crédulité aussi solide qu'en aucun temps..."
Aujourd'hui : 12. Le naufrageIl ne nous est encore parvenu qu'un très petit nombre de ces détails d'épouvante, d'héroïsme et de tragédie qui accompagnent toutes les grandes catastrophes et qui n'auront certainement pas fait défaut au naufrage du Titanic. Mais en attendant l'horreur dramatique que ne manquera pas d'apporter le récit des survivants, la télégraphie sans fil nous a déjà procuré plus d'un frisson. Ces signaux de détresse dans la nuit, cette précision scientifique que l'approche de la mort elle-même ne trouble pas, les mystérieux appareils n'émettant plus, à un moment donné, que des dépêches confuses, n'y a-t-il pas là comme une sorte de fantastique macabre digne d'Edgar Poe ?
On ne saurait manquer d'être frappé, en particulier, du très laconique et très tranquille "marconigramme" que le télégraphiste Philipps, durant les trois mortelles heures que le Titanic mit à couler, expédiait à ses parents pour les rassurer. "Aucun danger. Paquebot pratiquement insubmersible", mandait-il, imperturbable. Cet état d'esprit, il est certain qu'il aura régné jusqu'à la dernière minute, à bord du transatlantique en perdition. Puisse cette belle confiance avoir agi à la manière d'un anesthésique et jeté un voile d'illusion sur l'horreur des agonies !
C'est pour autre chose que j'aime, dans sa concision marconigraphique, l'expression dont s'est servie l'opérateur Philipps. "Pratiquement insubmersible" est un mot beau comme l'antique quand il est prononcé à bord d'un navire qui va s'engloutir quelques minutes plus tard par trois mille mètres de fond. Insubmersible, le Titanic ne l'était pourtant que théoriquement, et la pratique a bien montré comme la théorie était fragile. Mais qu'est-ce qu'il en savait, l'opérateur Philipps, que son paquebot fût insubmersible ? Absolument rien, sans doute. Ou du moins rien autre chose que ce qu'on lui en avait dit, et qu'il répétait de confiance, comme les passagers instruits des premières, comme les émigrants des troisièmes....
Et il faut bien que cela soit. Il faut bien que nous croyions sur parole un très grand nombre de gens, constructeurs de bateaux, savants, médecins ou astronomes, qui nous affirment telle ou telle chose, démontrables peut-être, mais dont l'immense majorité des hommes est incapable de se procurer ou d'entendre la démonstration. C'est-à-dire, qu'en somme, la science n'a pas aboli la croyance. Au contraire, elle la nécessite autant que jamais. Le genre humain, dans notre siècle de mécanique, vit sur un fond de crédulité aussi solide qu'en aucun temps. Le Titanic "pratiquement insubmersible" ! Cette petite phrase prouve que Philipps et ses compagnons d'infortune sont morts au milieu d'une absence d'esprit critique merveilleuse.
Notez bien que nous vivons tous ou presque tous dans les mêmes conditions. Nous tenons en général pour "pratiquement" irréalisables toutes sortes d'accidents ou de malheurs, qui rôdent cependant sans relâche autour de nous. A combien de personnes n'avez-vous pas entendu dire que la guerre était devenue "pratiquement" impossible de nos jours ? Et quand on émet l'hypothèse d'une nouvelle Révolution, d'une nouvelle Terreur, d'une nouvelle Commune, combien de gens haussent les épaules et soutiennent qu'aujourd'hui on ne peut plus, pratiquement, revoir de pareilles horreurs. Les guerres, cependant, nous les voyons éclater en Europe même, aussi fréquentes que jadis quand ce n'est pas davantage, et plus meurtrières souvent. Quant aux guerres civiles, au retour des grandes tueries, à la facilité à verser le sang, aux exécutions sommaires, vous n'avez qu'à penser un instant aux exploits de Bonnot et de Garnier et aux dispositions que nos foules montrent pour le lynchage... Et vous ne serez pas rassurés, moins rassurés en tout cas que le télégraphiste Philipps dans sa cabine du Titanic.
Je ne sais si M. W.T. Stead, le célèbre fondateur de magazines, qui est parmi les victimes du naufrage, croyait lui aussi à l'impossibilité pratique de la submersion. Mais ce que je sais bien, c'est que M. W. T. Stead, comme tout radical progressiste qui se respecte, croyait fermement aux esprits et qu'il évoquait dans son salon avec familiarité les grands hommes défunts. Or, à quoi cela sert-il, je vous le demande, d'être spirite et d'avoir commerce avec l'au-delà, si nos amis de l'autre monde ne nous avertissent même pas des catastrophes ! Au moins la fable nous dit que, dans une circonstance pareille, Simonide fut préservé par ses dieux. M. W. T. Stead n'aura pas été sauvé par les siens. C'est un coup pour le spiritisme. Nous le regrettons d'autant plus que si M. W. T. Stead, journaliste excellent, eût échappé au naufrage du Titanic il en eût fait un reportage d'une valeur exceptionnelle. A moins que l'on ne considère que ce n'est pas une si fâcheuse destinée, pour un roi de la presse, de périr victime d'un aussi tragique fait divers.
L'Action française, 18 avril 1912.
Tiré de notre Album "Maîtres et témoins"... (II) : Jacques Bainville" (186 photos)

Canada : les Vikings sont-ils restés plus longtemps qu’on ne le pensait en Amérique du Nord

L’Anse aux Meadows, au nord de Terre-Neuve, est le seul site incontesté d’une présence européenne ancienne en Amérique. Or son occupation par les Vikings aurait pu être plus longue, selon une nouvelle étude. Bien avant que le Génois Christophe Colomb ne foule le sol du continent américain (1492), les Vikings l’avaient précédé d’au moins 500 ans. Découvert au cours des années 1960, l’Anse aux Meadows, au nord de Terre-Neuve (Canada), a révélé l’existence de huit habitations en tout point identiques à celles que les navigateurs scandinaves bâtissaient au même moment en Islande ou au Groenland. Etudiée à l’époque par les Norvégiens Helge et Anne Stine Instad, l’implantation de cette colonie américaine a livré une centaine d’objets parmi lesquels des clous et des rivets en fer, une pierre à aiguiser, une épingle de manteau en bronze ou encore une forge – autant de témoignages d’une occupation viking qui aurait duré une trentaine d’années. Or c’est une réflexion nuançant ces conclusions, que propose un article publié dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) du 15 juillet 2019.
Après avoir étudié les vestiges d’une tourbière située à 30m à l’est du célèbre site désormais classé au patrimoine mondial (Unesco), Paul M. Ledger, du Memorial University de Terre-Neuve et son équipe, estiment, que la présence Viking à Terre-Neuve a peut-être été plus longue qu’on ne pensait, allant au-delà d’un siècle! Les datations radiocarbones effectuées par Paul M. Ledger et ses collègues, et une modélisation bayésienne de l’ensemble des données (une approche statistique), situerait ce niveau d’installation nordique à la fin des années 1100 ou au début des années 1200. Soit une présence en Amérique du Nord postérieure à celle établie jusque-là, aux alentours de l’an mil.
[…] Les traces matérielles retrouvées à l’Anse aux Meadows suggèrent l’existence d’une petite communauté scandinave, avec une occupation intermittente des lieux à partir du XIe siècle. Le site était-il alors devenu le point de départ de plus vastes explorations maritimes ? Quand les Vikings sillonnaient l’Atlantique nord à la recherche de nouvelles terres à cultiver. La question de leur éclipse de ces régions demeure toujours une énigme. […]
Science & Avenir
http://www.fdesouche.com/1243783-canada-les-vikings-sont-ils-restes-plus-longtemps-quon-ne-le-pensait-en-amerique-du-nord

NOTRE FEUILLETON ESTIVAL : UN ETE AVEC JACQUES BAINVILLE... (10)

Aujourd'hui : 11. Vertu de l'Amitié
Molière et la Fontaine étaient très amis. Molière mourut le premier. Aujourd'hui, leurs deux tombes s'élèvent côte à côte au cimetière du père Lachaise. Sur celle de Molière, on peut lire le petit épigramme que La Fontaine composa pour lui, après sa mort :
"Dans ce tombeau gisent Plaute et Térence / Et, cependant, le seul Molière y gît : / Leurs trois talents ne formaient qu'un esprit / Dont le bel art réjouissait la France. / Ils sont partis, et j'ai peu d'espérance / De les revoir. Malgré tous nos efforts / Pour un long temps, selon toute apparence / Térence et Plaute, et Molière sont morts." 
On semble loin de Bainville ? Et pourtant, si l'on y réfléchit... 
N'y a-t-il pas eu un miracle permanent, à L'Action française, pendant près de trente ans : celui de faire vivre vivre côte à côte, dans les mêmes locaux et, pour Bainville et Daudet, dans le même bureau, à la même table de travail, trois esprits aussi dissemblables que Bainville, Daudet et Maurras ? Et - Bainville et Daudet l'ont précisé -sans la moindre dispute ! D'eux trois, réunis sur la même Une prestigieuse de L'Action française, ne peut-on dire - nous voilà à notre point de départ - ce que dit La Fontaine : "Leurs trois talents ne formaient qu'un esprit / Dont le bel art réjouissait la France... " ?
Elu à l'Académie française, en 1935, Jacques Bainville explique les raisons de cette exceptionnelle amitié dans une très belle allocution - très émouvante, si l'on songe que, atteint d'un cancer, il lui reste moins d'un an à vivre... - au cours de la petite fête organisée dans les locaux du journal, alors rue du Boccador :
VERTU DE L’AMITIE
Mesdames, mes chers amis,
Je suis trop ému pour vous remercier, autrement que par des phrases maladroites, de votre présence et de tant de témoignages affectueux. Laissez-moi seulement vous dire que ce n’est pas moi que l’on fête aujourd’hui, mais l’amitié et la fidélité.
Ce matin, dans un faisceau de palmes trop généreuses, Pampille (1) m’en a décerné une qui me touche entre toutes. Elle a rappelé délicatement, avec des mots de poète comme elle seule sait en trouver, que, depuis plus d’un quart de siècle, nous étions tous unis dans la bonne et la mauvaise fortune, dans les jours de bonheur et dans les jours de malheur. Oui, je crois que si nous avons montré quelque chose, c’est que l’amitié n’est pas une chimère.
Ce n’est pas non plus un mérite. C’est la plus grande douceur de l’existence. Jeudi dernier, quand Léon Daudet est venu m’embrasser, il m’a dit un mot qu’il me permettra de citer, parce que c’est tout lui, avec son coeur, sa bonne humeur, son magnanime détachement de lui-même : « Voilà le plus grand plaisir que j’aie eu depuis longtemps dans ma chienne de vie. » Entre nous, il avait même dit un autre mot que « chienne ». Et il avait raison. L’existence de chacun de nous n’est belle que de la part que nous prenons à ce qui arrive de bon à ceux qui nous sont chers.
Il y a vingt-huit ans, depuis la fondation du journal, que nous sommes assis, Léon Daudet et moi, à la même table de travail. Rue de la Chaussée-d’Antin, rue Caumartin, rue de Rome, rue du Boccador, cette table magique est toujours revenue. Je crois que, si on voulait la scier, elle résisterait comme du granit, bien qu’elle ne soit que de bois blanc.
Nous sommes tous différents ici. Nous avons nos façons de voir les choses, nos goûts personnels, nos manières de penser et de travailler, et nous ne nous chicanons jamais sur l’accessoire. Nous ne sommes pas libéraux, mais nous respectons, nous aimons même la liberté de chacun de nous. C’est ce qui fait notre harmonie.
Sans un nuage ! S’il y a vingt-huit ans que nous nous faisons vis-à-vis, Léon Daudet et moi, il s’en est écoulé trente-cinq depuis que j’ai rencontré Charles Maurras « Au signe de Flore » (2).
J’ai pu, une fois, lui adresser un livre avec cette dédicace que, sauf le jour, je lui devais à peu près tout.
Je veux simplement, dans cette circonstance, le lui répéter devant nos camarades présents et disparus, devant ceux que je vois avec les yeux du corps, devant Maurice Pujo (le tiers d’un siècle d’amitié, avec lui aussi, un véritable « Règne de la grâce », une esthétique de l’affection, et devant ceux que je revois avec les yeux de l’esprit, Léon de Montesquiou, Henri Vaugeois, Lucien Moreau, la primitive école de la petite revue grise (3), qui était déjà grande par le culte des idées.
Et ce sont les idées qui ont rassemblé, dans la génération qui suit la nôtre, cette jeunesse à qui je dois une très grande joie. Au nouvel académicien, les étudiants de France veulent bien offrir son épée.
Rien ne pouvait le toucher davantage. Je sais aussi que Maxime Real del Sarte (4) doit ciseler la garde de cette arme symbolique. En le remerciant, j’évoque aussi le temps où je l’ai vu débuter dans la bataille et dans l’art, svelte comme un de ces éphèbes florentins du peintre illustre dont il porte et perpétue le nom.
Mesdames, mes chers amis, je vous dis merci pour cette fête de l’amitié et du souvenir, pour cette intimité, pour cette affection à laquelle vous avez associé les miens, pour tant de paroles bienveillantes qui resteront toujours gravées dans ma mémoire. »
Tiré de notre Album "Maîtres et témoins"... (II) : Jacques Bainville" (186 photos)(1) : Pampille, pseudonyme de Marthe Daudet, née Allard, seconde épouse de Léon Daudet.
(2) : « Au signe de Flore » est le titre d’un ouvrage de Charles Maurras, sous-titré « La fondation d e l’Action française, 1898-1900» : « …au coin de la rue saint Benoît, devant la statue du philosophe Diderot…. Là existait, il y a trente ans (le livre de Maurras est paru en 1931, ndlr), là subsiste, bien rafraîchi, trop redoré, au premier étage d’un café de quartier, un restaurant fort simple, que décora jadis une statuette de sa marraine, la jeune Flore, au-dessus de la porte d’entrée. Là, le fait exprès des destins voulut que, sous le signe et la protection de cette déesse du Printemps, fussent élevées les premières et bien bruyantes rumeurs de notre Action française ».
(3) : La « Revue de l’Action française » fut d’abord un bulletin bimensuel, le « Bulletin de l’Action française », lancé le 10 juillet 1899, et vite appelé « revue grise » à cause de la couleur de sa couverture ; d’un format un peu plus grand, elle devint la « revue bleue », puis le quotidien, à partir du mars 1908.
(4) : Andrea del Sarto fait partie de la cohorte d’artistes italiens appelés par François premier pour illustrer les Arts, sous toutes leurs formes, dans le Royaume. Son lointain descendant, Maxime, était sculpteur : il fonda les Camelots du Roi, dont il devint le chef. Il a réalisé la garde des épées d’académicien de Maurras et de Bainville (sur laquelle figure une Minerve, dont une chimère essaie, en vain, de rogner les ailes…)

mardi 30 juillet 2019

NOTRE FEUILLETON ESTIVAL : UN ETE AVEC JACQUES BAINVILLE... (9)

Aujourd'hui : 10. Portrait de Charles Maurras
(Préface de l'ouvrage collectif Charles Maurras : Études, portraits, documents, biographies. Editions de la revue Le Capitole, Paris, 1925)Timon de Phlionte disait de son maître Pyrrhon : « Je l'ai vu simple et sans morgue, affranchi de ces inquiétudes avouées ou secrètes dont la multitude des hommes se laisse accabler en tout lieu par l'opinion et par les lois instituées au hasard.»

Tel nous voyons chaque jour Charles Maurras et ceux qui auront eu le privilège d'être de ses amis auront connu son coeur intrépide.

Ils auront connu encore la lumière de son esprit. Comme Cicéron le disait de Carnéade : « Jamais il ne soutint une thèse sans la faire triompher. Jamais il n'attaqua une doctrine sans la détruire. » Ainsi Maurras aura paru pour enseigner son siècle. Ainsi de ses flèches rapides, il aura percé les « nuées ».

Dur aux erreurs, ce dialecticien invincible est indulgent aux hommes. A tous, son génie prête quelque chose de ses richesses. Leibniz ne méprisait presque rien. Maurras ne méprise personne. Le plus humble s'en va, comme le plus orgueilleux, pénétré de son intelligence et de sa bonté, parce qu'il sait, chez tous, faire jaillir l'étincelle divine. Et par là, il est encore un très grand poète. 

Quand j'aurai ajouté que nul moins que lui ne tient aux honneurs et aux biens de ce monde et qu'il ne place rien au-dessus des idées, on saura que nous avons parmi nous un sage de la Grèce. 

J'ai lu beaucoup d'études sur Maurras. Aucune ne m'a satisfait complètement. J'indiquerai seulement aux chercheurs qu'ils n'entendront sa pensée, qu'ils ne la cerneront et ne la pénétreront que s'ils remontent jusqu'à Dante.

Je ris beaucoup quand je vois traiter Maurras comme un monsieur ordinaire... On est prié de ne pas s'adresser au concierge mais à l'altissime. 

Qu'on se rappelle aussi que le désintéressement de Maurras est absolu. C'est une de ses forces. Il ne recherche pas l'argent, pas même la gloire littéraire. Il aurait pu s'assurer une existence tranquille et agréable, et il ne craint pas de s'exposer à la prison. Quand on est un gouvernement, il est incommode d'avoir un homme pareil contre soi. Maurras ne vit que pour ses idées et on n'a aucune prise sur lui; Henri Vaugeois appelait Mauras le noûs, l'esprit pur. C'est sa définition la plus vraie.
Tiré de notre Album "Maîtres et témoins"... (II) : Jacques Bainville" (186 photos)

lundi 29 juillet 2019

NOTRE FEUILLETON ESTIVAL : UN ETE AVEC JACQUES BAINVILLE... (8)

Nous connaissons assez Rousseau pour savoir qu'il serait déjà fâché avec M. Viviani et avec M. Guist'hau, qu'il leur reprocherait toute espèce d'horreurs et de diffamation et qu'il les haïrait pour l'avoir défendu.
D'un certain point de vue, celui de l'auteur, il n'aurait peut-être pas tout à fait tort, car enfin il est bien certain que ce ne sont pas ses partisans qui le lisent le plus. Et, par exemple, le grand écrivain, le grand artiste qui a apporté à la tribune, dans un magnifique langage, les raisons qu'il avait de ne pas s'associer à une fête en l'honneur de Rousseau (Maurice Barrès, ndlr) est, m'a-t-on dit, le lecteur enthousiaste et jamais las des Rêveries du promeneur solitaire. 
Connaissez-vous cette suite douloureuse des Confessions ? C'est le lamento du maudit et cela commence sur cette plainte d'autant plus déchirante qu'elle est plus mal fondée : "Me voici donc seul sur la terre, n'ayant plus de frère, de prochain, d'ami, de société que moi-même. Le plus sociable et le plus aimant des humains en a été proscrit par un accord unanime. Ils ont cherché dans les raffinements de leur haine quel tourment pouvait être le plus cruel à mon âme sensible, et ils ont brisé violemment tous les liens qui m'attachaient à eux." Est-ce Job ou Rousseau qui gémit ? Mais toutes les Rêveries du promeneur solitaire ont ce goût de cendre.
Oui, sans l'ombre d'un doute, Maurice Barrès est sinon le seul, à la Chambre, du moins à peu près le dernier qui lit encore Jean-Jacques et personne, en tout cas, n'y sait comme lui en quoi consiste la mélodie de "l'extravagant musicien". Les professionnels du parlementarisme sont trop occupés par leurs électeurs pour garder le temps de la méditation et de la lecture. Cela se sent d'ailleurs très bien à leurs discours, et à leurs articles pour ceux qui se mêlent d'écrire. 
C'est même pourquoi ils aiment si passionnément les petites représentations du Palais-Bourbon où des académiciens prennent la parole et où il est question de philosophie, de littérature ou plus souvent de théologie. Le fait de participer, rien que par leur présence sur les bancs, à ces jeux désintéressés et supérieurs, les flatte au bon endroit, celui où tout de même ils sentent quelque chose comme une lacune. Le président Brisson, qui connaissait bien le faible et le fort de ses amis, facilitait toujours le tour de parole aux lettrés de la droite. Il devait, à part lui, appeler çà : relever le niveau. 
Je me garderai bien d'ailleurs de faire tout particulièrement un crime aux quelques quatre cents et quelques députés qui ont voté les crédits de la fête, de ne jamais lire et, peut-être, de n'avoir jamais lu une ligne de Jean-Jacques. La plupart de nos contemporains sont dans le même cas.
J'avais une grand'mère - et cela remonte à des temps déjà lointains - qui avait toujours la Nouvelle Héloïse à portée de la main et qui ne passait pas de journée sans relire quelque lettre de Julie, de Saint-Preux ou de milord Edouard. C'était une "femme sensible" et elle serait bien étonnée si elle entendait et si elle voyait ce qui se passe de notre temps. Célébrer Jean-Jacques au moment où personne ne le lit plus lui paraîtrait certainement une gageure assez forte.
Car c'est un fait qu'on ne le lit plus. Rousseau, vivant dans la polémique, imposé par la religion d'état de la République, est aussi absent que possible des conversations et de la littérature. Ainsi, les danseurs russes ne l'ont pas mis en ballet : faut-il qu'il soit oublié ! Cependant, pour Nijinski, le début si passionné, si fiévreux et si charmant de Julie serait bien un prétexte à pantomime aussi fécond que l'Après-midi d'un faune. Cette omission permet de mesurer le peu qu'il reste de Jean-Jacques Rousseau.
L'Action française, 16 juin 1912.
Tiré de notre Album "Maîtres et témoins"... (II) : Jacques Bainville" (186 photos)

Les cultes de la déesse Mère ( Magna Mater ) - Les Sciences Occultes

dimanche 28 juillet 2019

Quand la nation gauloise naissait à Lyon

Pour l’historien Jean Étèvenaux, c’est dans cette ville, devenue capitale des Gaules, que le premier Parlement de notre histoire a vu le jour. Explications. Par Marc Fourny
Certains puristes trouveront le raccourci un peu osé, mais les faits sont là : dès 12 av. J.-C., sous le règne d’Auguste, des dizaines de tribus gauloises se réunissent chaque année en août à Lugdunum (Lyon) autant pour honorer l’empereur que pour faire passer des messages politiques… Cette assemblée est en quelque sorte le premier « Parlement » de notre nation, rappelle l’historien Jean Étèvenaux, qui publie une très complète histoire de la ville de Lyon aux éditions Perrin*. « Ce que Vercingétorix n’a pas réussi à réaliser quarante ans plus tôt par la guerre, le successeur de César y parvient par la paix », résume l’historien lyonnais. « Cette réunion marque le début de la transformation des diverses Gaules en une seule Gaule. Il est difficile de ne pas y voir la naissance d’une nation. À cet égard, le fait de parler de nos ancêtres les Gaulois apparaît tout à fait justifié, ajoute Jean Étèvenaux. Grâce à l’assemblée de Lyon, ils constituent un groupe quasi national dont il sera possible de revendiquer l’ancestralité. » (…)
Lire la suite sur Le Point

NOTRE FEUILLETON ESTIVAL : UN ETE AVEC JACQUES BAINVILLE... (7)

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Aujourd'hui : 7. Un Bourbon sur le trône d'Espagne : le "bon choix"...
La simple consultation d'une carte suffit à comprendre "la lutte nationale contre la Maison d'Autriche", qui dura près de deux siècles; avec les héritages de Charles Quint, "la monstrueuse puissance était constituée, l'Espagne et l'Allemagne accouplées....." et la France prise dans une tenaille mortelle...
1. Histoire de France, chapitre XIII : Louis XIV :
"...L’événement prévu depuis les débuts du règne, depuis le mariage avec Marie-Thérèse, approchait. Le roi d’Espagne Charles II, beau-frère de Louis XIV et de l’empereur Léopold, allait mourir sans enfant. Selon que Charles II laisserait sa succession à l’un ou à l’autre de ses neveux, le sort de l’Europe serait changé. Le danger, pour nous, c’était que l’héritage revînt aux Habsbourg de Vienne, ce qui eût reconstitué l’empire de Charles Quint. D’autre part Charles II ne se décidait pas. D’innombrables intrigues se croisaient autour de son testament. Louis XIV pensait aussi, et avec raison, que si un Bourbon était désigné, ce ne serait pas sans peine et peut-être sans guerre qu’il recueillerait le magnifique héritage : Espagne, Flandre belge, une grande partie de l’Italie, le Mexique et presque toute l’Amérique du Sud. Pour un homme aussi sensé, c’était trop beau. Il savait maintenant que, dans tous ses projets, il devait compter avec les puissances maritimes. En outre, il était clair que l’Angleterre convoitait les colonies de l’Espagne. Louis XIV préféra donc négocier un traité de partage de la succession espagnole et, pendant près de trois ans, la carte de l’Europe fut maniée et remaniée de façon à donner satisfaction à tous les compétiteurs, Habsbourg et Bourbon, Bavière et Savoie. Les plans de Louis XIV étaient toujours dirigés par le principe des frontières et c’était en Lorraine, dans les Alpes, à Nice, qu’il cherchait des compensations à ses abandons de l’héritage espagnol. La mauvaise foi de Guillaume d’Orange (ci-dessus), au cours de ces pourparlers, est certaine, car seule l’Angleterre, dans ces projets, ne recevait rien.
Un premier partage fut annulé par la mort du prince électoral de Bavière auquel l’Espagne, pour n’inquiéter personne, avait été attribuée. Tout fut à recommencer. La bonne volonté de Guillaume d’Orange manquait parce qu’une solution pacifique enlevait à l’Angleterre l’espérance de s’enrichir des dépouilles de l’Espagne dans les pays d’outre-mer. Ce qui manquait encore, c’était le consentement de l’empereur Léopold qui travaillait pour que le testament fût en faveur de sa famille. C’était le consentement des Espagnols eux-mêmes qui ne voulaient pas que leur État fût démembré. Le testament de Charles II, toujours hésitant et qui n’aimait pas à prévoir sa mort, lui fut enfin imposé par les patriotes espagnols qui désignèrent le second des petits-fils de Louis XIV, le duc d’Anjou, un prince de la puissante maison de Bourbon leur paraissant plus capable qu’un autre de maintenir l’indépendance et l’intégrité de l’Espagne.
Peu de délibérations furent plus graves que celles où Louis XIV, en son conseil, pesa les raisons pour lesquelles il convenait d’accepter ou de repousser le testament de Charles II, qui mourut en 1700. Accepter, c’était courir les risques d’une guerre, au moins avec l’empereur, très probablement avec l’Angleterre dont le gouvernement n’attendait que le prétexte et l’occasion d’un conflit pour s’attribuer la part coloniale de l’héritage espagnol. Ainsi, l’acceptation, quelques précautions que l’on prît, c’était la guerre. Mais s’en tenir au traité de partage, c’était ouvrir à l’empereur le droit de revendiquer l’héritage entier, car tout partage était exclu par le testament. Alors, et selon l’expression du chancelier Pontchartrain que rapporte Saint-Simon, « il était au choix du roi de laisser brancher (c’est-à-dire élever) une seconde fois la maison d’Autriche à fort peu de puissance près de ce qu’elle avait été depuis Philippe II ». C’était la considération capitale. Elle emporta l’acceptation. Un des ministres présents fut pourtant d’avis que nous ne gagnerions pas grand-chose à installer à Madrid un Bourbon, « dont tout au plus loin la première postérité, devenue espagnole par son intérêt, se montrerait aussi jalouse de la puissance de la France que les rois d’Espagne autrichiens ». Et il est vrai que le duc d’Anjou (ci-contre) devint très vite Espagnol. Mais le grand point gagné, ce n’était pas seulement qu’il y eût à Madrid une dynastie d’origine française. C’était qu’il n’y eût plus de lien entre l’Espagne et l’Empire germanique et que la France ne fût plus jamais prise à revers : soulagement, sécurité pour nous. Le mot célèbre et arrangé, « il n’y a plus de Pyrénées », traduisait ce grand résultat, la fin d’une inquiétude et d’un péril qui avaient si longtemps pesé sur la France.
Ainsi, refuser le testament, c’était laisser l’Espagne à la maison d’Autriche, malgré la nation espagnole qui appelait le duc d'Anjou. L’accepter, c’était, en revanche, renoncer aux acquisitions que le traité de partage nous promettait. Il fallait opter. Un intérêt politique supérieur, la considération de l’avenir l’emportèrent. À distance, les raisons qui déterminèrent le choix paraissent encore les meilleures et les plus fortes. Par la suite, nous nous sommes félicités en vingt occasions d’avoir soustrait l’Espagne à l’influence allemande...."
2. Journal, Tome III, 1927/1935, extrait de la Note du 10 janvier 1931, pages 120/121 :
".....La Troisième République a eu le rare bonheur, qui n'était échu à aucun régime avant elle, d'être affranchie de soucis du côté des Pyrénées. Parmi les grandes guerres européennes, celle de 1914 est bien la seule que ne soit pas venue compliquer l'élément espagnol. La restauration de la monarchie bourbonienne à Madrid, en 1875, avait coïncidé avec l'établissement de la République en France, et ceci a profité de cela. Notre démocratie a joui sur cette frontière d'un bienfait que lui avait valu louis XIV, comme elle a joui sur la frontière belge du bienfait de Louis-Philippe. 
On a souvent dit que l'accord franco-italien nous avait permis en 1914 de dégarnir la frontière des Alpes. Personne ne pense que nous aurions pu avoir à garnir aussi les Pyrénées. Cependant, c'est un front comme un autre, et qui peut, dans certaines hypothèses, appeler autant de soins qu'un autre. Sans compter, au Maroc, la communauté des intérêts franco-espagnols et l'utilité d'une collaboration qui a fait ses preuves au moment de l'affaire du Rif.
Rien ne paraît plus naturel que de n'avoir mal ni à la tête, ni au bras, ni au pied. Il faut sentir douleur ou gêne pour apprécier ce bonheur. La France ne commencerait à se rendre compte des avantages de la longue tranquillité qu'elle a eue du côté du sud-ouest que le jour où elle l'aurait perdue, ce qui pourrait fort bien arriver si l'Espagne tombait en anarchie, sans même tomber entre des mains hostiles à la France...."
Tiré de notre Album "Maîtres et témoins"... (II) : Jacques Bainville" (186 photos)

NOTRE FEUILLETON ESTIVAL : UN ETE AVEC JACQUES BAINVILLE... (6)

Illustration : "agitateur", qui "joue sur tous les tableaux de la démagogie violente"; "énergumène" au "programme qui ne tient pas debout"; "monstre", "Minotaure"...
On comprend Otto Abetz, qui n'avait rien oublié, lorsqu'il déclarait, presque dix ans après la mort de Bainville : "L’Action Française est l’élément moteur, derrière les coulisses, d’une politique anti-collaborationniste, qui a pour objet, de rendre la France mûre le plus rapidement possible, pour une résistance militaire contre l’Allemagne"...
Moyennant quoi, Maurras fut condamné pour "intelligence avec l'ennemi", et L'Action française interdite à la Libération !...
Aujourd'hui : 6. L'énergumène Hitler...
1. Journal, Tome III, 1927/1935, note du 26 Juin 1930 :
« Tandis que le chancelier Brüning est toujours à la recherche d’un ministre des finances, il se passe en Allemagne des choses singulières. Pays déconcertant, pays à surprises, auquel on ne peut faire confiance qu’en se méfiant beaucoup. Les succès électoraux que remporte Hitler ne sont-ils pas un phénomène prodigieux ?
Quel est le programme de cet agitateur ? Toutes les outrances. Il est à la fois nationaliste et socialiste : c’est même le double nom du parti qu’il a fondé. Il est pour la revanche et contre le capitalisme. On a dit que son drapeau pourrait être le drapeau rouge avec la croix gammée, signe de ralliement des antisémites. Hitler joue sur tous les tableaux de la démagogie violente. Et tout ce qui ferait qu’ailleurs, dans un pays sensé, il ne serait suivi que par une poignée d’énergumènes, lui attire en Allemagne une clientèle qui s’accroît tous les jours. »
2. Journal, Tome III, 1927/1935, note du 3 décembre 1930 :
"Comment empêcher l'Allemagne de se donner un régime national-socialiste et de se vouer à Hitler, si elle en a envie ? C'est une démocratie libre. Elle a le droit de disposer d'elle-même. Hommes et femmes votent et revotent. "Mon corps est à moi."
Le programme des nazis ne tient pas debout. Toute la doctrine hitlérienne, si cela peut s'appeler une doctrine, est une suite de négations, une collection d'anti. C'est une pure démagogie, mais qui semble très bien adaptée au caractère allemand et faite pour lui plaire. Plus c'est absurde, plus c'est outré, et plus cela réussit. L'Allemagne n'est pas un pays où il soit vrai de dire que tout ce qui est exagéré ne compte pas. Il n'y a même que l'exagération qui, chez elle, paraisse avoir des chances de réussir." 
3. Journal, Tome III, 1927/1935, note du 27 février 1935 :
"Qui eût dit qu'Adolphe Hitler, l'énergumène en chemise brune, recevrait un jour la visite du ministre des Affaires étrangères de Grande-Bretagne ? Qui l'eût dit après le massacre du 30 juin, après l'assassinat du 25 juillet ? (respectivement, "Nuit des longs couteaux" et assassinat du chancelier autrichien Dollfuss, ndlr) On a pour l'Allemagne hitlérienne plus d'égards encore que pour l'Allemagne républicaine. On lui passe tout.
Pour les Allemands, quelle justification de la violence ! Pour les autres, quel étrange moyen de fonder la paix sur la moralité !
Le gouvernement britannique croit que le moment d'une grande tentative d'accord pacifique en Europe est venu. Il faut s'entendre ou périr. En tout cas, ajoute-t-il, on ne risque rien à sonder les dispositions du Führer... C'est vrai pourvu qu'on ne lui fasse pas sur l'essentiel des concessions imprudentes et qu'on ne ferme pas les yeux à la réalité de ses armements, tandis que lui-même aura toute facilité de tromper des partenaires trop complaisants." 
4. Journal, Tome III, 1927/1935, note du 2 mars 1935 :

"...Sir John Simon sera dans quelques jours à Berlin. Il verra Hitler, c'est-à-dire le monstre lui-même. Quel espoir y a-t-il de conclure un traité de désarmement avec le Minotaure ou de le signer autrement que pour se faire dévorer ?" 
Tiré de notre Album "Maîtres et témoins"... (II) : Jacques Bainville" (186 photos)

samedi 27 juillet 2019

NOTRE FEUILLETON ESTIVAL : UN ETE AVEC JACQUES BAINVILLE... ( 5)

Aujourd'hui : 5. Réformer l'orthographe ?...
Journal, Tome I (années 1901 à 1918), Plon, pages 37/38. Note du 20 juillet 1906. Somme toute, que reproche-t-on à l'orthographe usuelle ? D'être difficile à apprendre ? Que propose-t-on de lui substituer ? Une orthographe simplifiée et mise à la portée des instructions les plus négligées ? 
C'est ici que réside ce qui n'est pas seulement une erreur mais une sottise. Qui ne voit aussitôt que, si l'on raisonne pour les paresseux ou pour les pauvres d'esprit, il n'y aura jamais de simplification suffisante ? 
Il faut aller tout de suite à l'extrémité, et l'extrémité c'est l'orthographe phonétique, le droit donné à chacun d'écrire comme son oreille entend. Du moment qu'il y a une orthographe, elle sera toujours trop compliquée, il faudra toujours l'apprendre. 
On voit mal où est l'avantage. Pour le voir, pour soutenir qu'il existe et que les simplifications proposées abrégeraient des études inutiles, il faut admettre que les enfants ont un mal considérable à retenir la figure de chaque mot. Les réformateurs proposent, par exemple, de terminer uniformément par les lettre èle tous les mots qui contiennent ce son. On écrira hirondèle, èle, quèle, èle, je me rappèle comme stèle et fidèle. 
Vous souvenez-vous d'avoir eu la moindre peine à retenir qu'on devait mettre : hirondelle, aile, quelle, elle, rappelle ? Tel n'est pas mon cas. Et j'imagine qu'on apprendrait fort vite à ne pas confondre l'èle de l'oiseau avec èle, pronom personnel. Mais il faudrait l'apprendre encore, et je ne vois donc pas trop où est l'avantage, sinon de rendre obscure et lointaine l'origine du second mot et difficilement compréhensibles les dérivés (je ne sais en ce moment s'il en existe de très usuels, mais il y en a à coup sûr) où se retrouve la forme originale du latin ala.
S'il s'agit d'apprendre pour apprendre, mieux vaut continuer d'enseigner ce qui est conforme à la fois aux habitudes et à l'étymologie. Aile, c'est ala, comme ellle c'est illa. S'il y a difficulté, au moins est-elle logique et permet-elle de se débrouiller, tant bien que mal, dans la forêt des mots savants. L'orthographe actuelle est, à y bien regarder, plus utile que nuisible aux personnes médiocrement instruites : son accord, même quelquefois un peu lâche, avec l'étymologie, ce sont les humanités du pauvre, c'est le latin des études primaires. L'orthographe compliquée est par là plus "démocratique" que l'orthographe simplifiée. 
Il est surprenant que les réformateurs n'aient pas pensé à cela.
Journal, Tome I (années 1901 à 1918), Plon, pages 37/38. Note du 20 juillet 1906.
Tiré de notre Album "Maîtres et témoins"... (II) : Jacques Bainville" (186 photos)

NOTRE FEUILLETON ESTIVAL : UN ETE AVEC JACQUES BAINVILLE... (4)

Aujourd'hui : 4. Evolution
Je regrette de ne plus savoir dans quel journal j'ai lu par hasard l'autre jour (comme on lit en chemin de fer) une chronique scientifique où se trouvait une remarque excellente. L'auteur (je regrette aussi d'avoir oublié son nom) y parlait de certains champignons que les transformistes regardent comme étant à l'origine de toutes les plantes. Alors, demandait-il, pourquoi ont-ils subsisté ? Pourquoi restent-ils tels qu'ils étaient au principe de toute botanique ? Pourquoi n'ont-ils pas évolué ?
Evidemment. Si nous descendons du singe, on ne comprend pas pourquoi il y a encore des singes. Ou bien c'est qu'il y avait dès la genèse des singes-singes et des singes qui n'étaient pas singes. Si l'homme est un singe supérieur, il y a autant de raisons pour que le singe soit un homme dégénéré. 
Qui nous assure d'ailleurs qu'au lieu de venir du protoplasma primitif nous n'allons pas à la cellule finale, que la marche n'est pas du simple au composé mais du composé au simple ? La paléontologie nous fait connaître des fossiles bien plus compliqués que les animaux qui existent aujourd'hui. Survivance des plus aptes ? Alors le plus apte serait peut-être l'infiniment petit. Nous retournerions à l'atome. 
Lectures (Fayard, pages 109/110).
Tiré de notre Album "Maîtres et témoins"... (II) : Jacques Bainville" (186 photos)

vendredi 26 juillet 2019

D’un extrême à l’autre par Rémi TREMBLAY

Ce 12 juillet marque le 170e anniversaire d’un événement de l’histoire canadienne trop souvent occulté, voire totalement ignoré : l’émeute orangiste de Saint-John au Nouveau-Brunswick.
L’Ordre d’Orange qui avait été fondé en 1795 par des protestants loyalistes d’Irlande du Nord en opposition aux Irlandais catholiques s’installa rapidement au Canada et prit une importance indéniable. Ce groupe attaché à la couronne d’Angleterre et à la « suprématie » britannique importa le conflit irlandais et transféra sa haine aux populations catholiques francophones, qu’elles soient acadiennes ou canadiennes françaises, ainsi qu’aux immigrants irlandais.
Au cours de sa sombre histoire, l’Ordre connut un engouement indéniable au Canada, comptant notamment quatre premiers ministres fédéraux et des centaines de maires, députés, ministres et premiers ministres provinciaux dans ses rangs, faisant du Canada, à une certaine époque, le pays dans lequel la moitié des orangistes du monde vivait, surpassant ainsi l’Ulster elle-même !
En Acadie, si les orangistes, implantés officiellement depuis 1818, s’en prenaient d’abord et avant tout aux Acadiens qui avaient survécu ou étaient revenus du Grand Dérangement de 1755, une déportation massive et génocidaire orchestrée par les Britanniques, ils en avaient également contre les immigrants irlandais installés principalement dans les villes.
Dès 1820, des affrontements interethniques devinrent relativement fréquents dans la ville de Saint-Jean, mais aussi à Fredericton et à Woodstock, au Nouveau-Brunswick. Ces violences culminèrent le 12 juillet 1849, une date qui n’est pas anodine. Le 12 juillet est la date à laquelle les orangistes célèbrent la bataille de la Boyne où le roi anglo-hollandais Guillaume d’Orange défit le catholique James II en 1690, permettant ainsi la conquête de la verte Erin.
Catholiques-Protestants-York-Point
Pour la parade de Saint-John, les orangistes voulaient, en 1849, faire un coup de force et organiser la plus grosse parade de l’histoire des Provinces Maritimes, rameutant des membres de partout dans la colonie pour marcher dans le quartier irlandais catholique de la ville. Les loyalistes convergèrent ainsi vers Saint-John en cette date fatidique. Le maire Wilmot voulut interdire la parade, mais les orangistes décidèrent d’aller de l’avant, confiants que grâce à la force du nombre, les catholiques n’oseraient pas répondre à leur provocation flagrante.
Deux ans auparavant, le 12 juillet 1847, à Woodstock, un affrontement entre orangistes et catholiques avait laissé dix personnes sur le pavé. Les catholiques s’attendaient à une procession armée dans leur district et s’étaient préparés en conséquence. C’est d’ailleurs parce qu’ils s’étaient munis de haches et de bâtons que 35 catholiques furent condamnés, alors que les orangistes, qui bénéficiaient de l’appui tacite des autorités, ne furent pas inquiétés.
Ainsi, en 1849, les Irlandais décidèrent, afin de protester contre la provocation loyaliste dans leur quartier de York Point, d’ériger une arche verte sous laquelle les orangistes seraient forcés de passer, ce qui représenterait pour ces derniers une humiliation. L’arche était défendue par 200 Irlandais, qui comptaient bien résister face aux centaines d’orangistes qu’on savait armés de pistolets, mousquets et épées. Lorsque la parade s’engagea, les Irlandais accueillirent les protestants avec une volée de pierres à laquelle on riposta avec des coups de feu.
Toutefois, malgré la puissance de tir des orangistes, les catholiques résistèrent et maintinrent leur arche, forçant les orangistes à passer dessous en baissant leurs étendards. Après cette première défaite, ces derniers allèrent chercher des renforts et de nouvelles armes pour laver cet affront impardonnable.
Lorsque les loyalistes et leurs renforts arrivèrent devant l’arche, les Irlandais, défiants, lancèrent des pierres en leur direction pour défendre leur quartier et leur honneur. On leur répondit avec des balles et de la poudre. Une bataille féroce s’ensuivit et finalement les Irlandais mirent la main sur un chariot contenant le reste des armes des orangistes, ce qui leur permit de répondre avec les mêmes armes. Avec un tel revirement de situation, les protestants abandonnèrent, la retraite étant protégée par les soldats britanniques qui se décidèrent finalement à intervenir après être restés passifs, et allèrent célébrer leur « victoire » à l’hôtel Nethery’s.
Leur incursion en quartier catholique avait laissé pas moins de douze morts irlandais et d’innombrables blessés dans les deux camps.
Par la suite, on arrêta davantage de catholiques que de protestants. Les assassins furent acquittés et toutes les charges contre les orangistes furent abandonnées. Comme quoi la justice coloniale britannique avait un parti pris évident.
Après avoir atteint un tel niveau de violence, les tensions s’estompèrent et l’Est du Canada ne connut plus d’épisode aussi meurtrier par la suite.
Cette lutte fratricide entre catholiques et protestants semble aujourd’hui aussi inutile qu’archaïque alors que les peuples européens font tous face au Grand Remplacement et à l’acculturation. Pourtant, si les tensions religieuses semblent bien chose du passé, l’élection l’an dernier d’un gouvernement unilingue anglais, appuyé par le parti francophobe People’s Alliance, dans cette province acadienne officiellement bilingue démontre que les querelles linguistiques, même si elles sont moins violentes que dans le passé, restent malheureusement toujours d’actualité.
Et si l’on ne peut que déplorer ces tristes événements ainsi que les violences liées à cette opposition entre deux peuples européens et chrétiens, on peut aussi se demander où sont passés cette fougue et ce désir de défendre son identité. Combien aujourd’hui se joignent à des organisations luttant pour la survie de leur identité ? Combien sont prêts à défendre celle-ci et leur honneur ? D’un extrême, nous sommes passés à un autre et aujourd’hui plus personne ne daigne plus lever le petit doigt pour défendre sa communauté et son honneur.
Rémi Tremblay
• D’abord mis en ligne sur EuroLibertés, le 17 juillet 2019.

NOTRE FEUILLETON ESTIVAL : UN ETE AVEC JACQUES BAINVILLE... (3)

Aujourd'hui : 1. Dénonciations des persécutions juives...
1. Journal, Tome III, 1927/1935, note du 9 novembre 1933 :
- "La Grande-Bretagne poursuivra l'oeuvre du désarmement", affirme sir John Simon.
Deux hommes, hier, ont connu des chiffres qui les ont rendus également heureux. L'un est le coiffeur de Tarascon, l'autre est Hitler. Ils ont chacun gagné le gros lot.
Figurez-vous la joie qu'a sentie le Führer en suivant par la radio le discours de sir Jonh Simon à la Chambre des Communes. Discours prodigieux, presqu'inconnu dans les annales de l'Histoire. Le ministre des Affaires étrangères du gouvernement britannique se félicitait d'abord que l'Angleterre eût fait tout ce qui était en son pouvoir pour relever l'Allemagne. Hitler, lui aussi, a ce relèvement pour but. Puisque l'Angleterre et lui veulent la même chose, c'est parfait. Il n'y a même pas à chercher querelle au Führer sur les moyens dont il se sert pour conduire son peuple vers les sommets. De fait, sir John Simon a oublié la persécution d'Israël autant qu'Arthur Henderson a oublié les camps de concentration où sont parqués les social-démocrates..." (la note se poursuit par 27 lignes, sur l'inconséquence et l'aveuglement des gouvernements français et anglais qui désarment, au lieu d'armer...) 
2. Journal, Tome III, 1927/1935, note du 26 novembre 1933 :
"Hitler a pu faire jusqu'ici ce qu'il a voulu, heurter de front les idées reçues, braver l'opinion du monde, persécuter les juifs, mettre ses adversaire politiques dans des camps de concentration, jeter par terre la Conférence de Genève, crier raca sur la Société des Nations et lui porter un coup terrible, tout cela impunément. Il est prouvé que l'Allemagne arme avec activité et méthode. Péché véniel. On lui demande simplement auhourd'hui de ne pas armer trop et de faire preuve de modération dans sa préparation militaire... Hitler a déjà partie aux trois quart gagnée. Il en conclut que les puissances capitulent parce que leur résistance politique et morale est brisée. Il ne s'arrêtera pAs là dans ses déductions." 
3. Journal, Tome III, 1927/1935, note du 5 janvier 1934 :
Le garde de fer qui a tué Jean Duca a frappé ce qu'il peut y avoir en Roumanie, dans un coeur et un esprit ardemment roumain, de plus français par les habitudes de penser, et ce qu'il peut y avoir aussi de plus francophile en politique . Ce n'est peut-être pas ce que l'assassin voulait, mais c'est ce qu'il a fait.
Les amis de la France seront-ils supprimés l'un après l'autre ? On dit que leurs noms sont inscrits sur une liste noire. En tout cas, ceux qui sont poursuivis par la haine de la croix gammée se trouvent encore être nos amis.
Ainsi, autour du meurtre de Jean Duca, se nouent bien d'autres drames, de même que l'attentat auquel le chancelier Dolfuss a échappé récemment était une lueur dans la nuit de l'Europe danubienne.
Le roi de Roumanie avait fait appel, devant les difficultés du pays, au parti libéral. Il persiste dans son intention, et elle est digne d'un roi. Car il ne faut pas se dissimuler que ce prince a dû prendre beaucoup sur lui pour revoir dans ses conseils les fidèles de Jean Bratiano qui, autrefois, avaient jugé nécessaire d'écarter du trône l'héritier présomptif. 
Il y a près de trois quarts de siècle qu'un rameau des Hohenzollezrn s'est détaché pour accepter la couronne de Roumanie. Jamais, au fond, l'Allemagne ne s'est résignée à voir ses souverains se nationaliser. Elle a toujours prétendu les tenir sous sa coupe, même avant le racisme. Ils lui ont échappé toujours. Elle ne les reprendra pas par la bombe et le poignard. Mais on voit trop se dégager, dans cette partie de l'Europe, sous l"emblème et le prétexte de l'antisémitisme, l'intrigue servie par la terreur.

NOTRE FEUILLETON ESTIVAL : UN ETE AVEC JACQUES BAINVILLE... (2)

Aujourd'hui : 2. L'Homme sans prénom
Surtout ne rien imposer; laissez-le libre; il choisira "librement" (!) quand il sera grand; l'enfant ne doit être en rien conditionné par ce - et ceux... - qui l'ont précédé....
Ces vieilleries des pédagogistes modernes (?) d'aujourd'hui, dont Philippe Meirieu est le pape, traînent en réalité depuis des décennies...
Avec sa "douce et paisible ironie" - pour reprendre sa propre expression, c'est cette "folie" que dénonce Jacques Bainville dans cette histoire de Tift....
"Quoiqu'elle vienne d'Amérique, cette histoire n'est pas d'Edgar Poe ni de Mark Twain. C'est une histoire tout à fait vraie.
Il y a, dans le commerce de New York, un représentant qui ne porte aucune espèce de prénom. Ce personnage s'appelle Tift, et il ne s'appelle que Tift. Ni les apôtres, ni les saints, ni les héros, ni les prophètes ne veillèrent à son baptême. Tift ne dépend ni de l'Ancien ni du Nouveau Testament., ni de l'antiquité grecque ni de l'antiquité romaine. Il ne se nomme même pas Sadi, comme feu le président Carnot. Tift reste Tift tout court, et c'est par là qu'il se distingue du commun des mortels et des très nombreux Tift qui foulent le sol de l'Amérique.
Chaque fois, cependant, que cette dérogation à un usage universel cause un désagrément, Tift raconte volontiers son aventure. Il a du la redire récemment à propos d'un conflit avec l'administration de son pays. Tift avait donc des parents qui professaient le plus profond respect pour la liberté humaine. Ayant engendré un fils, ils ne se reconnurent pas le droit de peser sur sa conscience. Tift devait n'avoir ni religion, ni préjugés. Il devait marcher vers l'avenir affranchi de toute entrave. C'est pourquoi les parents de Tift, après réflexion mûre, décidèrent de ne pas donner de prénom à leur fils. Ainsi évitaient-ils une responsabilité redoutable. Tift, quand il le voudrait, pourrait choisir les syllabes les plus harmonieuses à son gré.... Et son père et sa mère se réjouirent dans leur âme de leur prudente résolution.
Tift connut bientôt ce qu'il en coûte de ne s'appeler ni jean, ni Jacques, ni Edouard, ni Émile. Ses débuts dans le monde furent tumultueux. A l'école, son absence de pérnoms lui valut railleries et brimades, auxquels il répondait d'ailleurs par de solides horions. A sa majorité, lorqu'il s'agit pour Tift de s'inscrire sur les listes électorales et d'exercer ses droits de citoyen, le bureau lui refusa la délivrance de sa carte. Tift dut la revendiquer devant les tribunaux. Après de longues audiences, plaidoiries et consultations de droit, les juges reconnurent que rien dans la constitution ni dans les lois n'obligeait un citoyen à porter un prénom, pas même un nom. Tift majeur restait libre devant les hommes de s'appeler Tift comme devant ou d'ajouter à Tift l'ornement qui lui conviendrait.
Cependant, en présence du calendrier, pris d'hésitations et de doutes, Tift ne se pressait pas et ne décidait rien. Il lui vint alors une pensée délicate et ingénieuse. "Je contracterai mariage quelque jour, se dit-il, ma femme m'appliquera elle-même son prénom préféré." 
Tift prit femme en effet, mais il se trouva que Mrs Tift n'avait jamais songé à l'esthétique des prénoms masculins. Elle n'aimait pas mieux Ernest que Guillaume. Et - telle est la vanité des femmes - trouvant original d'avoir pour mari le seul homme d'Amérique qui portât sec et nu le nom de son père, elle persuada Tift de rester, pour l'amour d'elle, un Tift unique entre tous les Tift de l'Union. 
Ainsi, Tift mourra comme il a vécu, sans prénom ni grec, ni latin, ni hébreu, ni germanique. Et le principe d'où étaient partis les parents de Tift aura porté une conséquence imprévue. Se faisant scrupule d'attenter à la liberté de leur fils, ils ont pourtant, bon gré mal gré, disposé de ses destinées. On frémit quand on pense à ce qui serait arrivé si ces scrupules étaient nés quelques mois plus tôt dans l'esprit de ce père et de cette mère admirables : Tift n'aurait certainement pas vu la lumière. Car, pour respecter intégralement la liberté humaine, il importe de ne pas engendrer des enfants qui n'ont pas demandé à venir au monde. Témoin Chateaubriand qui maudissait le jour où sa mère lui avait "infligé la vie".
Il est d'ailleurs certain que les hommes ne seront vraiment libres et que la République ne sera vraiment fondée sur la terre qu'à partir du moment où chacun aura le droit de choisir ses parents. C'est la morale de l'histoire de Tift. 
L'Action française, 22 janvier 1911

NOTRE FEUILLETON ESTIVAL : UN ETE AVEC JACQUES BAINVILLE...

A partir d'aujourd'hui, vendredi 19 juillet, et jusqu'à la fin du mois d'août, nous vous proposerons de découvrir, ou de mieux connaître, mais aussi de faire découvrir à d'autres (par le jeu des partages) l'immense Jacques Bainville, par le biais d'une photo quotidienne tirée de notre "Album Jacques Bainville" (lafautearousseau vous propose également un "Album Léon Daudet" et un "Album Charles Maurras").
Aujourd'hui : 1. Dénonciations des persécutions juives...
1. Journal, Tome III, 1927/1935, note du 9 novembre 1933 :
- "La Grande-Bretagne poursuivra l'oeuvre du désarmement", affirme sir John Simon.
Deux hommes, hier, ont connu des chiffres qui les ont rendus également heureux. L'un est le coiffeur de Tarascon, l'autre est Hitler. Ils ont chacun gagné le gros lot.
Figurez-vous la joie qu'a sentie le Führer en suivant par la radio le discours de sir Jonh Simon à la Chambre des Communes. Discours prodigieux, presqu'inconnu dans les annales de l'Histoire. Le ministre des Affaires étrangères du gouvernement britannique se félicitait d'abord que l'Angleterre eût fait tout ce qui était en son pouvoir pour relever l'Allemagne. Hitler, lui aussi, a ce relèvement pour but. Puisque l'Angleterre et lui veulent la même chose, c'est parfait. Il n'y a même pas à chercher querelle au Führer sur les moyens dont il se sert pour conduire son peuple vers les sommets. De fait, sir John Simon a oublié la persécution d'Israël autant qu'Arthur Henderson a oublié les camps de concentration où sont parqués les social-démocrates..." (la note se poursuit par 27 lignes, sur l'inconséquence et l'aveuglement des gouvernements français et anglais qui désarment, au lieu d'armer...) 
2. Journal, Tome III, 1927/1935, note du 26 novembre 1933 :
"Hitler a pu faire jusqu'ici ce qu'il a voulu, heurter de front les idées reçues, braver l'opinion du monde, persécuter les juifs, mettre ses adversaire politiques dans des camps de concentration, jeter par terre la Conférence de Genève, crier raca sur la Société des Nations et lui porter un coup terrible, tout cela impunément. Il est prouvé que l'Allemagne arme avec activité et méthode. Péché véniel. On lui demande simplement aujourd'hui de ne pas armer trop et de faire preuve de modération dans sa préparation militaire... Hitler a déjà partie aux trois quart gagnée. Il en conclut que les puissances capitulent parce que leur résistance politique et morale est brisée. Il ne s'arrêtera pAs là dans ses déductions." 
3. Journal, Tome III, 1927/1935, note du 5 janvier 1934 :
Le garde de fer qui a tué Jean Duca a frappé ce qu'il peut y avoir en Roumanie, dans un coeur et un esprit ardemment roumain, de plus français par les habitudes de penser, et ce qu'il peut y avoir aussi de plus francophile en politique . Ce n'est peut-être pas ce que l'assassin voulait, mais c'est ce qu'il a fait.
Les amis de la France seront-ils supprimés l'un après l'autre ? On dit que leurs noms sont inscrits sur une liste noire. En tout cas, ceux qui sont poursuivis par la haine de la croix gammée se trouvent encore être nos amis.
Ainsi, autour du meurtre de Jean Duca, se nouent bien d'autres drames, de même que l'attentat auquel le chancelier Dolfuss a échappé récemment était une lueur dans la nuit de l'Europe danubienne.
Le roi de Roumanie avait fait appel, devant les difficultés du pays, au parti libéral. Il persiste dans son intention, et elle est digne d'un roi. Car il ne faut pas se dissimuler que ce prince a dû prendre beaucoup sur lui pour revoir dans ses conseils les fidèles de Jean Bratiano qui, autrefois, avaient jugé nécessaire d'écarter du trône l'héritier présomptif. 
Il y a près de trois quarts de siècle qu'un rameau des Hohenzollezrn s'est détaché pour accepter la couronne de Roumanie. Jamais, au fond, l'Allemagne ne s'est résignée à voir ses souverains se nationaliser. Elle a toujours prétendu les tenir sous sa coupe, même avant le racisme. Ils lui ont échappé toujours. Elle ne les reprendra pas par la bombe et le poignard. Mais on voit trop se dégager, dans cette partie de l'Europe, sous l"emblème et le prétexte de l'antisémitisme, l'intrigue servie par la terreur.

mardi 23 juillet 2019

Passé-Présent n°247 : Les raisons de l’antisémitisme au début du XXème siècle

Philippe Conrad accueille l’ancien journaliste Jacques Lambert, spécialiste des peintres de l’Ecole de Paris et auteur de biographies quasi définitives dont celle de Gen Paul, pour son livre L’antisémitisme dans le monde des arts et de la culture 1900-1945 (Editions de Paris -2019 – 304 p. – 20 €).
Dans les domaines cinématographique, théâtral, littéraire, pictural, journalistique, comme ceux de la chanson ou du music-hall, l’auteur traite de l’antisémitisme dans cette 1ère partie du XXè siècle et analyse les raisons qui provoquent ce courant d’hostilité.
Philippe Conrad s’entretient avec Eric Valin, auteur de Tuer l’Union Européenne pour Sauver l’Europe !!, ouvrage auto-édité (2019 – 142 p. -15 €).
Avec ce pamphlet au titre claquant, Eric Valin expose les tares d’une Union Européenne incurable dans sa forme actuelle et propose comme remèdes un système confédéral, une démocratie référendaire, à l’exemple de la Suisse dont l’UE pourrait s’inspirer afin d’abolir ses pesantes contraintes et tendre vers une véritable Europe des Nations.

samedi 20 juillet 2019

Suède : découverte d’un bateau-tombe et d’un squelette viking très bien préservés

[…] C’est une découverte « sensationnelle » que des archéologues viennent d’annoncer en Suède. En menant des fouilles dans la ville d’Uppsala, ils ont mis au jour deux tombes vieilles de plusieurs siècles et pas de n’importe quel type. Il s’agit de ce que les spécialistes appellent des « bateaux-tombes », des sépultures utilisées notamment par les Vikings dans lesquelles le défunt était inhumé dans un bateau.
En Suède, seules une dizaine de sépultures de ce type étaient connues jusqu’ici, principalement dans les provinces de l’Uppland et du Västmanland. D’où l’importance de la trouvaille. Vieux d’un millier d’années, les deux bateaux-tombes ont été mis au jour lors de travaux d’excavation menés l’automne dernier dans le presbytère de Old Uppsala, à l’extérieur de la ville. […]
Néanmoins, les spécialistes suggèrent que l’homme n’était sans doute pas n’importe qui. « Seul un petit groupe de personnes était inhumé de cette façon. Vous pouvez supposer qu’il s’agissait de personnes éminentes de la société de l’époque dans la mesure où les bateaux-tombes sont en général très rares« , a expliqué dans un communiqué, Anton Seiler, de l’équipe de The Archaeologists.
Quant au chien et au cheval, ils pourraient avoir été sacrifiés pour accompagner le défunt dans l’au-delà ou peut-être pour illustrer le statut et le rang importants qu’il avait de son vivant. Selon Johan Anund, il est commun de trouver des chevaux ou des chiens, voire des oiseaux comme des faucons, dans ce type de sépulture.
L’état de préservation du bateau-tombe est une chance pour les archéologues. En Suède – où la dernière découverte similaire remontait à 50 ans – elle représente en effet une opportunité inédite d’étudier cette pratique funéraire avec des méthodes d’analyse modernes. « C’est très excitant pour nous parce que les bateaux funéraires sont très rarement découverts » dans le pays, a confirmé Anton Seiler. […]

Qu'est-ce-que l'hérésie cathare - Pierre de Meuse

À la recherche de l’ancêtre commun de Sapiens et Néandertal : Heidelberg disqualifié ?

Les scientifiques qui enquêtent sur les origines des humains ont réalisé d’immenses progrès grâce à l’amélioration récente des techniques d’analyse de l’ADN ancien. Une nouvelle étude se repose sur une méthode alternative pour remonter dans le temps: l’analyse de dents humaines fossilisées.
L’étude, publiée mercredi dans la revue Science Advances, fait remonter à une date plus ancienne que le consensus scientifique actuel l’âge du dernier ancêtre commun d’Homo sapiens (notre espèce) et des néandertaliens, soit 800.000 ans au lieu de 400.000 à 600.000 ans.
[…]
La conséquence immédiate de ces travaux est qu’ils élimineraient l’homme d’Heidelberg (Homo heidelbergensis) comme l’ancêtre commun tant recherché.
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Suite sur LaLibre.be


vendredi 19 juillet 2019

La Petite Histoire – L’expédition d’Égypte : désastre militaire ou réussite culturelle ?

L’expédition d’Egypte démarre en 1798 et est confiée au jeune général Bonaparte. Il s’agit d’une tentative de couper la route des Indes aux Anglais afin de les toucher dans leur commerce, mais c’est aussi pour Bonaparte l’occasion de frapper à nouveau l’imaginaire national après sa fulgurante campagne d’Italie. Mais au-delà de l’aspect romantique de cette aventure, qui a débouché sur des avancées culturelles indéniables, la campagne d’Égypte a bel et bien été avant-tout un désastre militaire majeur. Que faut-il en retenir ?

Le mystère du disque de Nebra

Découvert en juillet 1999 à Nebra-sur-Unstrut, en Allemagne, ce disque de bronze d’une trentaine de centimètres représente vraisemblablement un ciel étoilé et ses astres. À quoi servait-il vraiment ?
[…] Des tests ont été réalisés et l’analyse microscopique de la patine du disque ainsi que l’étude isotopique du plomb radioactif qu’il contient a permis de dater approximativement sa réalisation vers l’an 1 600 av. J.-C. et ainsi de confirmer son authenticité. Cette période correspond à une transition entre l’âge du bronze ancien et l’âge du bronze moyen, caractérisée par un changement profond des structures et organisations des sociétés de l’époque.
« C’est un objet exceptionnel, […] pour trouver des objets similaires, il faut se tourner vers d’autres découvertes tout aussi exceptionnelles, comme celle du char solaire de Trundholm »[…]
Avec l’aide d’astronomes, les chercheurs sont arrivés à la conclusion que cette carte céleste représentait le ciel à partir d’un certain point de vue, à une certaine période de l’année. « Si l’on pose le disque à plat, à l’endroit où il a été trouvé, on a des angles de visée qui permettent d’avoir des points de repères à l’horizon correspondant au solstice d’été et au solstice d’hiver » affirme le chercheur. D’autres dates peuvent également être repérées. En effet, ce n’est pas à n’importe quel moment de l’année que l’on peut voir la pleine Lune avec la constellation des Pléiades à proximité, et ce de manière très claire.
Cela n’arrive en réalité que dans deux cas précis ; en mars, au moment des premiers ensemencements et en automne, autre date importante des travaux agricole puisqu’elle correspond aux dernières moissons. Cette carte céleste a donc pu servir, c’est l’hypothèse la plus probable à ce jour, de calendrier agricole.

Burke et le destin de la France depuis la Révolution

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3246325544.jpgEx: https://echelledejacob.blogspot.com

Un historien anglais disait que la France depuis sa révolution était devenue la terre du fiasco récurrent. Lisons encore Burke alors. Sur le mode de gestion de nos élites modernes, voici ce que le vieux maître écrivait il y a presque deux siècles et demi : 
« …les chefs des clubs et des cafés législatifs sont enivrés d'admiration pour leur sagesse et leur habileté. Ils parlent avec le plus souverain mépris du reste du monde. Ils disent au peuple, pour lui donner du courage sous les vêtements déguenillés auxquels ils l'ont réduit, qu'il est un peuple philosophe; et de temps en temps, ils emploient les parades du charlatanisme, l'éclat, le bruit et le tumulte, quelquefois l'alarme des complots et des invasions, pour étouffer les cris de l'indigence, et pour écarter les yeux de l'observateur de dessus la ruine et la misère de l'Etat. » 
Rien de nouveau sous le sommeil… 
Ceux qui ne se sentent plus très bien dans notre Paris incendié, hors de prix, envahi, dépenaillé et recouvert de rats, de touristes arnaqués, de taxes et de lois liberticides, apprécieront cette envolée du maître : 
« La population de Paris est tellement diminuée, que M. Necker a exposé sous les yeux de l'Assemblée, qu'il fallait déjà compter sur un cinquième de moins pour son approvisionnement. On dit, et je ne l'ai jamais entendu contredire, que cent mille personnes sont dépouillées de tout emploi dans cette ville, quoiqu'elle soit devenue le séjour d'une cour prisonnière et de l'Assemblée Nationale. Rien ne peut être comparé au spectacle dégoûtant de la mendicité qui y règne, et je puis croire à mes informations. Assurément les décrets de l'Assemblée ne laissent pas de doute sur ce fait. Elle a dernièrement établi un comité de mendicité; elle a établi une police rigoureuse sur cet objet, et elle a imposé pour la première fois une taxe des pauvres, dont les secours actuels fournissent une somme considérable dans les comptes de cette année. » 
Burke connait bien notre histoire. Elle était souvent agitée mais ce n’était pas si grave. La France c’était encore du solide : 
« C'est une chose étonnante de voir avec quelle promptitude la France, aussitôt qu'elle a eu un moment pour respirer, s'est relevée des guerres civiles les plus cruelles et les plus longues qui aient été jamais connues dans aucune nation. 
Pourquoi ? Parce que, dans tous leurs massacres, ils n'avaient pas assassiné le caractère (mind) de leur pays. Une dignité, sûre d'elle-même, une noble fierté, un généreux sentiment de gloire et d'émulation, n'étaient point éteints : au contraire, ils furent excités, enflammés. Les organes de l'Etat, quoiqu'endommagés, subsistaient encore : l'on avait conservé toutes les récompenses et toutes les distinctions qui encouragent l'honneur et la vertu. » 

Mais en 89 Burke sent que cette fois la France ne se relèvera pas. Il en donne les raisons, avant Chateaubriand, Tocqueville, Balzac ou Bernanos : 
« Mais votre confusion actuelle, comme une paralysie, a attaqué la source de la vie elle-même. Tous ceux qui, parmi vous, étaient faits pour n'être guidés que par le principe de l'honneur, sont disgraciés et dégradés, et n'ont d'autres sentiments de la vie que le tourment des mortifications et des humiliations. Mais cette génération sera bientôt éteinte : celle de la noblesse, qui la doit suivre, ressemblera aux artisans, aux paysans, aux agioteurs, aux usuriers et aux brocanteurs, qui seront à jamais leurs égaux, et quelquefois leurs maîtres. Croyez-moi, Monsieur, ceux qui prétendent niveler, n'égalisent jamais. » 
Depuis notre système oligarque-niveleur met la charrue avant les bœufs. Burke écrit plus joliment : 
« Dans toutes les sociétés qui, nécessairement, sont composées de différentes classes de citoyens, il faut qu'il y en ait une qui domine : c'est pourquoi les niveleurs ne font que changer et intervertir l'ordre naturel des choses; ils surchargent l'édifice de la société, en plaçant en l'air ce que la solidité de la construction demandait de placer à la base. » 
Mais les artistes et sophistes aux commandes se rattrapent déjà avec du storytelling en diabolisant le passé : 
« A entendre quelques personnes parler de la feue monarchie française, on aurait dit qu'elles parlaient de la Perse encore toute fumante du sang répandu par l'épée féroce de Thamas Kouli Kan; ou, au moins, qu'elles faisaient la description du despotisme anarchique et barbare de la Turquie, où les plus belles contrées , sous le climat le plus enchanteur du monde, ont plus à souffrir des langueurs de la paix, que d'autres provinces, ravagées par la guerre, n'ont à gémir de ses désastres; de ce pays où les arts sont inconnus, où les manufactures sont languissantes… » 
Le futur de la France ce sont… les perruquiers alors. Burke : 
« L'occupation d'un perruquier ou d'un chandelier, pour ne pas parler de beaucoup d'autres emplois, ne peut être pour personne une source d'honneur. L'Etat ne doit exercer aucune oppression sur les hommes de cette classe ; mais l'Etat en aurait une très grande à souffrir, si tels qu'ils sont collectivement, ou individuellement, on leur permettait de le gouverner. Vous croyez qu'en vous conduisant ainsi vous avez vaincu un préjugé, vous vous trompez : vous avez déclaré la guerre à la nature. » 
Malheureusement l’astucieux Montesquieu précédait Burke. Il écrivait déjà dans une de ses plus perçantes lettres persanes, la C : 
« Quand je te dis qu’ils méprisent tout ce qui est étranger, je ne parle que des bagatelles ; car, sur les choses importantes, ils semblent s’être méfiés d’eux-mêmes jusqu’à se dégrader. Ils avouent de bon cœur que les autres peuples sont plus sages, pourvu qu’on convienne qu’ils sont mieux vêtus ; ils veulent bien s’assujettir aux lois d’une nation rivale, pourvu que les perruquiers français décident en législateurs sur la forme des perruques étrangères. Rien ne leur paraît si beau que de voir le goût de leurs cuisiniers régner du septentrion au midi, et les ordonnances de leurs coiffeuses portées dans toutes les toilettes de l’Europe. » 
Oui, le Français de la Régence pense déjà bien aux fringues, à la tambouille, à la perruque-moumoute, au parfum, et pas assez à la politique. Aujourd’hui pensez à LVMH (le cours a triplé en trois ans et ce n’est pas un hasard – les services secrets et autres s’en sont mêlés, lisez Branco justement obsédé par la place prise par « l’ange exterminateur » dans cette république-poubelle) et l’Oréal, qui sont parmi les plus grosses capitalisations boursières d’Europe. L’île de la Cité passe sous leur coupe depuis le châtiment d’une certaine ex-cathédrale…
Les Carnets de Nicolas Bonnal