samedi 22 avril 2017

Les non-conformistes des années 30, précurseurs ou prophètes de malheur ?

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643450568.2.jpgLes non-conformistes des années 30, comme les a appelés Jean-Louis Loubet del Bayle, ont écrit une page trop vite enterrée de l’histoire des idées politiques françaises. Emmanuel Mounier, Robert Aron et Thierry Maulnier, pour ne citer qu’eux, ont pourtant été les tenants talentueux d’une réaction salutaire, bien que finalement défaite, au triomphe des idées modernes en leur temps. 
Les non-conformistes comptent parmi les oubliés de l’histoire des idées contemporaines. Pourtant, derrière cette appellation mystérieuse, se cache une génération d’auteurs virulents et ambitieux qui, faisant sien l’héritage de la pensée anti-moderne, lui aura permis de passer le cap du XXe siècle. Bien que très active, cette relève intellectuelle sera cependant restée confidentielle, signant l’échec d’un combat intellectuel déterminant.  Ce qu’Olivier Dard a appelé le « rendez-vous manqué des relèves des années 30 » est cependant, sinon le point de départ, le moment de la cristallisation d’un clivage qui perdure. Faute d’avoir percé en son temps, la génération des non-conformistes a de quoi inspirer les relèves actuelles. 
Les non-conformistes, d’inspirations diverses, parfois rivaux, avaient en commun leur opposition au matérialisme galopant sous les bannières libérale et marxiste. Contre le matérialisme historique ou le libéralisme bourgeois, c’est avant tout le complexe d’une génération vexée de n’avoir pas encore pu décider des grandes orientations du monde à venir qui s’exprime dans les colonnes des revues Esprit, l’Ordre nouveau, ou celles de la Jeune droite — refuge de plusieurs dissidents de l’Action française.
Vingtenaires et trentenaires projetés dans un monde fatigué, vieilli, ils perçoivent comme nombre de leurs contemporains (René Guénon par exemple, qui publie La crise du monde moderne en 1927) les signes de la dégénérescence avancée de l’Occident d’alors. Enfants du XXe siècle, ils voient dans la crise de civilisation d’un monde qui peine à sortir du XIXe le règne du « désordre établi », dont le symptôme premier est le mépris du  spirituel au profit du tangible, de l’utilitaire. Un désordre qui s’installe lorsque les remparts traditionnels aux manifestations intempestives de l’air du temps, Église catholique en tête, se mettent à le suivre. Désordre définitivement acquis lorsque l’ennemi, la société contaminée par l’esprit bourgeois, se drape de religion et parodie la spiritualité : provocation ultime, subversion intolérable pour ceux qui ont fait de Léon Bloy et de Georges Bernanos des maîtres. 

Et c’est une véritable agitation intellectuelle qu’a provoqué cette génération ambitieuse, dans de nombreuses publications périodiques, avec une prédilection évidente pour le genre du manifeste. À droite, Jean de Fabrègues et Thierry Maulnier se font remarquer, après avoir fait la preuve de leurs qualités d’intellectuels dans un registre plus méditatif, par leurs vitupérations et des titres violents aux accents insurrectionnels, dirigés contre le capitalisme et la démocratie des bourgeois. À ce titre, leurs positions rejoignent, à la fin des années 1930, celles des groupes dits d’extrême-droite, sans pour autant souscrire à la dimension raciale de leurs doctrines.
Les plus inclassables des non-conformistes, sous la bannière de l’Ordre nouveau, préfigurent quant à eux à bien des égards les tendances décroissantes, anti-productivistes et écologiques actuelles. Daniel-Rops, Robert Aron ou Arnaud Dandieu comptent parmi les doctrinaires de ce mouvement aux aspirations très concrètes. Ils iront jusqu’à créer de nombreuses cellules de travail spécialisées — du juridique au médical — ayant vocation à souffler l’esprit nouveau de leur génération dans ces domaines, avec un succès tout relatif néanmoins.
Enfin, plus sage — même si quelques-un de ses sympathisants, devenus militants et réunis au sein du groupe Troisième Force, font occasionnellement le coup de poing — et plus volontiers classée à gauche, la revue Esprit formalise la doctrine personnaliste. Doctrine humaniste fondée sur « la primauté des valeurs spirituelles », opposée à l’individualisme moderne. C’est principalement l’œuvre d’Emmanuel Mounier, dont la pensée rayonne alors largement chez tous les non-conformistes.
Le cri d’une génération
Radicale dans son opposition à l’air pollué du temps, cette génération a  considéré qu’elle n’avait d’autre choix que l’affrontement. Le non-conformisme s’est défini en réaction à la convergence manifeste de toutes les forces vers le désordre. Pire que les créations de la modernité, c’est la capacité de cette dernière à subvertir les institutions, les âmes et les traditions qui préoccupe cette génération. C’est ainsi qu’Emmanuel Mounier a emporté l’adhésion des nombreux chrétiens parmi les non-conformistes en affirmant : « Voici l’homme qui est né avec l’âge du confort. Qu’il soit apparu dans l’histoire avec un pareil contre-sens de l’homme, qu’il envahisse le monde chrétien, nous aurions déjà à nous en affliger. Qu’il soit en train de faire sauter le monde, nous crions gare et passons à la défensive. Qu’il fasse passer ses valeurs pour des valeurs chrétiennes, cette fois, il peut nous « avoir » partout ailleurs, il ne nous empêchera pas de témoigner contre son hypocrisie. »
Société aux allures résolument contemporaines que cette société libérale embourgeoisée qui ne connaît plus aucun sanctuaire, qui réduit la personne à l’individu, et mène inlassablement l’assaut contre l’esprit. Dans une ambiance de fin de règne, société allègrement euthanasiée par les castes obsolètes des milieux politiques, intellectuels et, aujourd’hui comme hier, ecclésiales. Désordre total marquant une crise totale, dont la donnée économique est la nouveauté fondamentale. « Croyant gagner sa vie, l’homme a perdu la part éternelle de lui-même », lit-on dans le manifeste de la revue Réaction à laquelle collabore Jean de Fabrègues.
Certes, les non-conformistes, dans leur diversité, se sont voulus révolutionnaires. Mais révolutionnaires dans l’esprit, avant tout, dans le cœur. L’action, entendue comme le coup de force et de poing — qui ne s’imposait sans doute pas comme une nécessité absolue dans le contexte de la France des années 1930 — était suspecte aux yeux de beaucoup d’entre eux. Ils se sont majoritairement attachés à rester intellectuels comme pour rester purs, et parler à l’âme sans jamais trop flatter les bas instincts de l’homme en masse, de la foule émue et manipulée. Dans un article définissant les « positions d’attaque pour l’Ordre nouveau », Arnaud Dandieu, Daniel-Rops et Robet Aron (pour ne citer qu’eux), avouent que : « Le groupe de l’Ordre nouveau n’a pas fait jusqu’ici beaucoup de bruit sur les places. C’est que nous sommes et voulons être avant tout des doctrinaires. » 
Ils se sont arrangé avec l’idée même de révolution pour se faire les promoteurs d’une « révolution constructive », qui témoigne en réalité d’une attitude proprement conservatrice. C’était considérer que le désordre ambiant était déjà en soi une subversion, une destruction, en somme une ruine contre laquelle il n’y avait plus lieu de s’acharner. Il fallait retrouver l’ordre éternel, dicté par la nature humaine, au milieu de ces ruines, là était la révolution constructive.
L’échec d’une métapolitique ?
Le parallèle avec les révolutionnaires conservateurs allemands s’impose intuitivement. Mais là où les non-conformistes ont adopté une attitude conservatrice à des fins révolutionnaires, les Allemands ont été révolutionnaires en acte — dans un contexte qui l’imposait sans doute — à des fins conservatrices. La Révolution conservatrice est née d’une crise vécue, là où le non-conformisme a réagi à une crise perçue, mais nettement moins urgente, pressante et tangible. Il est certain que l’agitation, la crise profonde de l’Allemagne au lendemain du premier conflit mondial, a permis aux instincts révolutionnaires conservateurs de gagner du terrain, tandis que le non-conformisme, rechignant à se traduire en actes et demeurant somme toute fort confidentiel, n’a guère percé. D’autant moins qu’il s’est largement tenu à distance des différentes ligues et autres groupements, ce qui témoigne une fois de plus d’un non-conformisme sans concession. Mais c’était sans doute une erreur de diagnostic — un excès de naïveté ou un refus de pousser la dialectique jusqu’au bout — que de supposer que le désordre n’était pas lui-même une construction solide qu’il convenait d’abord d’anéantir, pour ensuite rebâtir. Opposer une aspiration à « l’ordre » au désordre établi revenait à ne pas admettre que le désordre n’est pas un chaos sans cause profonde, un ordre en lui-même, voulu et entretenu par une génération devenue obsolète aux yeux de cette jeunesse. 
La tentative échouée de ré-instaurer un ordre sain et véritable n’est sans doute pas pour autant le fait de la méthode choisie par les non-conformistes. C’est bien plutôt la vérification de ce que ce sont les révolutions qui font les véritables révolutionnaires, et non pas les prétendus révolutionnaires qui font les révolutions. Pour autant on peut regretter que la force, la cohérence et le talent de cette génération n’aient pas eu davantage de portée, et qu’elle n’ait pas perduré en tant que telle. Toutes ses tendances ont été éclatées par l’histoire, et respectivement digérées, si ce n’est détournées, par d’autres formations politiques et intellectuelles d’envergure. Mais le regard acéré de cette génération sur un monde agonisant, tout comme le patronage de ses pères spirituels et son attitude circonspecte, survivent. Les non-conformistes des années 1930 auront au moins créé, ou du moins renouvelé, une tradition d’intellectuels dés-engagés, impatients et irrécupérables.
L’histoire retient le trio collaborationniste de Rebatet, Drieu La Rochelle et  Brasillach, mais ce ne sont certainement pas les chantres du fascisme ou du national-socialisme qui ont eu l’influence la plus importante sur la suite de l’histoire des idées. Les non-conformistes des années 1930 ont longtemps pu apparaître comme des prophètes de malheur, ils doivent sans doute être désormais regardés comme les précurseurs des tendances actuelles.

Saint Louis (Louis IX) | Au cœur de l’histoire | Europe 1

jeudi 20 avril 2017

Comment « Le Monde » expose sur une pleine pagne signée Jean Birnbaum que « Boutang reprend le pouvoir »

Au printemps 2016, alors qu’il dîne avec François Hollande à l’Élysée, l’acteur Fabrice Luchini évoque ses lectures du moment. Le comédien confie qu’il est plongé dans un livre de Pierre Boutang (1916-1998), poète éruptif, philosophe difficile et journaliste ­cogneur, en son temps pétainiste et disciple favori de Charles Maurras à l’Action française (AF). « Vous lisez Boutang ! C’est l’écrivain préféré de mon père ! », répond Hollande, au grand étonnement de son hôte.
Mais, en l’occurrence, le président se révélait simplement normal. Car Boutang, depuis l’origine, c’est l’histoire d’un père qui revient sans cesse harponner les fils, faisant retour depuis les lieux les plus divers : un dossier du « Figaro littéraire » et un souvenir de Bernard-Henri Lévy, un ­livre de Patrick Buisson, mais aussi un dialogue télévisé avec le philosophe George Steiner, une réunion de La ­Manif pour tous ou une revue de chrétiens pro-israéliens.
Relation au père
Bien sûr, on doit commencer par mentionner l’enjeu biographique. Rappeler la relation de Boutang à son propre père, ingénieur déclassé, camelot du roi et grand lecteur du pamphlétaire antisémite Edouard Drumont : « Un jour, j’étais chez Boutang à Saint-Germain-en-Laye, se souvient Rémi Soulié, auteur de Pour saluer Pierre Boutang (Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2016). Il a ouvert une commode, en a sorti une photo de son père, il avait les larmes aux yeux ».
Mais Boutang le fils est à son tour ­devenu père, père biologique, père symbolique aussi, et l’aura qui est la sienne aujourd’hui reste largement liée à l’accueil protecteur que cet ogre normalien réserva aux jeunes gens venus frapper à sa porte. À ces fils adoptifs, Boutang parlait de Maurras, mais aussi de littérature et même du chanteur Renaud…
Comme Rémi Soulié, Jean-François Colosimo, patron des Éditions du Cerf, fut de ceux-là : « J’avais 17 ans. Ce fut ­l’irruption du génie à l’état brut. Par la suite, quand je suis parti en Grèce, sans moyens, avec l’idée de vivre dans un ­monastère du mont Athos, Boutang me demandait au téléphone : “Où êtes-vous ? Donnez-moi votre adresse pour que je vous envoie de l’argent”. »
Boutang a fait du lien paternel le fil rouge de sa vie mais aussi de sa pensée, et c’est ce choix qui lui confère aujourd’hui une influence renouvelée, au moment où une frange de la droite française renoue avec ce que l’écrivain hussard Antoine Blondin nommait « l’âge de Pierre »… Aux femmes et aux hommes qui cherchent à réarmer ­intellectuellement la famille réactionnaire, sa philosophie du père fournit des réponses dans au moins trois ­domaines : ceux de la filiation, du pouvoir et de la civilisation
La filiation, d’abord. Plutôt qu’un territoire charnel, la France selon Boutang est une culture qui vous tombe dessus, une langue qui vous élit. Pour lui, l’héritage forme le seul horizon digne de ce nom ; c’est la gratitude qui nous jette en avant. « Dès le berceau, nous naissons avec une dette que nous n’avons pas contractée et qui est impayable : voilà l’idée anthropologique de Boutang », note la philosophe Chantal Delsol.
Pendant Mai 68, Boutang enseigne au lycée Turgot, à Paris, et il sent d’emblée que l’insurrection en cours produira cette révolution du désir dont il combat certaines figures tutélaires : ­« Althusser à rien, Lacan à pas grand-chose », fredonne celui qui signera un essai intitulé Apocalypse du désir (Grasset, 1979). Au slogan soixante-huitard, « Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi ! », Boutang semble rétorquer : « Marche, compagnon, l’origine est devant toi ! » Cette origine détermine toute vie humaine, dit-il, et elle est indissociable de la différence des sexes telle que la Bible l’a fondée (un héritage peu présent chez Maurras,­davantage travaillé par la mort que tourné vers la vie).
« Une vraie influence sur le mouvement royaliste »
Ainsi n’est-il guère étonnant que la pensée politique de Boutang ait inspiré une partie de La Manif pour tous. Certes, celle-ci est souvent « boutangienne sans le savoir », précise Gérard Leclerc, éditorialiste au journal Royaliste et à Radio Notre-Dame. Mais le lien existe, et il n’est pas que théorique : « Boutang a une vraie influence sur le mouvement royaliste, qui a lui-même plus d’influence sur les droites qu’on ne le croit. Un certain nombre de gens liés à La ­Manif pour tous viennent de là, et même quand il n’est pas explicitement cité, Boutang pèse », ajoute Chantal Delsol.
« L’Action française est un peu la ­franc-maçonnerie des réactionnaires, ­confirme Francis Venciton, jeune militant de l’AF Provence. Parmi les fondateurs de La Manif pour tous, pas mal de gens sont issus de l’AF ou l’ont fréquentée, et nous avons contribué à orienter son argumentaire. » Or pour ces royalistes qui nourrissent les nouvelles mobilisations de droite, la voix de Boutang compte à nouveau. Après avoir longtemps été effacé pour raison de querelles internes, son visage est réapparu sur les autocollants de ­l’Action française. « Boutang revient en force à l’AF, constate Axel Tisserand, auteur d’essais sur le royalisme. Il permet de penser au moins deux questions qui ont été remises au centre par La Manif pour tous : celle de la filiation et celle du consentement populaire. »
Après la filiation, donc, le pouvoir. Là encore, il y va d’un déplacement par rapport à la figure paternelle de Maurras. Quand celui-ci refusait toute souveraineté populaire et ancrait le pouvoir du prince sur l’autorité et la légitimité, son disciple indocile insiste sur un troisième pôle : celui du consentement. Dès lors, les monarchistes peuvent sortir de l’impasse émeutière et devenir non plus les démolisseurs de la démocratie, mais ses veilleurs impitoyables. Acceptant désormais le fait républicain, ils exigent que le pouvoir soit incarné par un père populaire.
Antisémite de ­culture
Voilà pourquoi Boutang finira par soutenir la Ve République gaullienne : « Pour Boutang, de Gaulle réunit les fils de l’histoire de France en coiffant la ­monarchie d’un bonnet de Marianne », résume Jean-François Colosimo. Voilà aussi pourquoi Boutang peut inspirer une partie de la droite contemporaine, comme en témoigne Jérôme Besnard, essayiste et membre de l’équipe de campagne de François Fillon : « Boutang a compris que la crise de légitimité produite par 1789 était toujours ouverte. Quand on l’a lu, on sait que pour retrouver cette légitimité il ne faut pas avoir peur d’aller au peuple. Après tout, de Gaulle a réalisé son coup d’État sans qu’un seul coup de feu soit tiré… » Et en dernière instance, là encore, toute légitimité d’avenir exige de renouer avec l’héritage spirituel de la France.
Pourtant, cet héritage est-il exclusivement chrétien ? Après la filiation et le pouvoir, nous voici venus au troisième enjeu, celui de la civilisation. Par rapport à Maurras, Boutang a peu à peu ­accompli, ici, un déplacement encore plus douloureux. Antisémite de ­culture, auteur de textes et de gestes où suintait la haine des juifs, Boutang a fini par considérer que le nouvel esprit du sionisme prenait le relais d’une chrétienté défaillante.
Alors que l’Europe politique devenait une construction supranationale, Boutang regardait Israël avec tendresse, car à ses yeux cette nation perpétuait les formes que l’Europe abandonnait : un État souverain, un peuple en armes, une identité millénaire. « L’homme européen ne se trouve pas éminemment en Europe, ou n’y est pas éveillé. Il est, paradoxe et scandale, en ­Israël », écrivait Boutang dans son journal, La Nation française, en juin 1967, à la veille de la guerre des Six-Jours. 
Une nouvelle alliance judéo-chrétienne 
Cinquante ans plus tard, alors que des figures de droite, comme l’ancien ­ministre de la défense Hervé Morin, appellent à « israéliser » la France en termes sécuritaires, les textes de Boutang nourrissent les arguments de [ceux qui prônent une nouvelle alliance judéo-chrétienne : « Le lien de Boutang avec Israël, c’est le lien non seulement avec l’origine du christianisme, mais aussi avec l’origine comme telle, qu’il faut sans cesse reconquérir, assure ­Olivier Véron, le patron des provinciales, qui republie des classiques de Boutang, dont Reprendre le pouvoir (1978). Quand on prétend faire face au terrorisme islamiste, on ne peut pas se contenter d’invoquer la République, il faut remonter aux sources de la civilisation occidentale, à ses sources juives et chrétiennes, qui fondent l’idée d’une société. Pour Boutang, cela impliquait de désobéir à Maurras, qui défendait l’héritage catholique sans prendre au sérieux la spiritualité. »
Et de fait, qu’il ait pensé la filiation, le pouvoir ou la civilisation, à chaque fois Boutang a relancé l’héritage de Maurras dans une forme d’infidélité fidèle qui ne pouvait le laisser en paix : « Boutang n’a jamais vraiment trahi Maurras, note François Huguenin, spécialiste de l’Action française. En 1942, il a rejoint Giraud en Algérie, pas de Gaulle. De même, il n’a jamais rompu radicalement avec l’antisémitisme, comme l’ont fait les chrétiens après Vatican II. Dans les deux cas, pour lui, cela aurait été tuer le père ­publiquement. Or si Boutang a bien tué le père, c’est souterrainement. Un jour, il a failli me foutre dehors parce que je lui avais demandé s’il entretenait un rapport filial avec Maurras. Il hurlait : “Vous ne savez pas ce qu’est la ­paternité !” J’avais touché juste… »
En 1958, dans un article important ­publié par la revue Esprit, l’historien Jacques Julliard affirmait que la pensée de Maurras avait constitué le seul grand effort tenté, au XXe siècle, « pour donner à la droite française une doctrine ferme et cohérente ». Aujourd’hui, alors que les idées de cette famille politique ont à nouveau le vent en poupe, certains de ses enfants sont tentés de ­renouer avec Maurras.
Mais son nom est définitivement ­associé à l’aventurisme impuissant et à la collaboration sanglante. Désireux de se rebrancher sur cette tradition sans avoir à en assumer les erreurs et les compromissions, les nouveaux réactionnaires se tournent parfois vers Boutang, ce fils qui a mis à mort un père aimé et défaillant… pour mieux maintenir en vie sa famille. Par Jean Birnbaum
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L’HOMME DE NÉANDERTAL (HOMO NEANDERTHALENSIS) | AU CŒUR DE L’HISTOIRE | ...

mercredi 19 avril 2017

La Terreur : une forme de société

La Terreur est-elle connaturelle à la révolution ? Telle était la trame d’une conférence qui s’est tenue le 29mars à ICES (Institut Catholique d’Études Supérieures)  à la Roche-sur-Yon à l’initiative du COSH, l’Association des Etudiants Historiens Icéssienns, en ce centenaire de la révolution bolchévique.
Les deux intervenants, Reynald Sécher et Stéphane Courtois, ont décrit la mécanique implacable de la violence révolutionnaire indispensable à la création d'un « homme nouveau ».
Il faut assurément aujourd'hui en France l'espace de liberté qu'offre une université privée pour imaginer une telle table ronde. Robespierre et son lointain mais exact successeur, Lénine, ont encore leurs noms de rues et leurs monuments les Terreurs sanglantes sont achevées mais le mémoricide perdure.
Reynald Sécher est devenu un proscrit pour avoir osé donner à l’extermination systématique des Vendéens son nom de « génocide ». Stéphane Courtois qui avait pu profiter de l’ouverture des archives de l’ex-URSS pour réaliser un décompte scientifique du nombre des victimes du communisme s'est vu fermer l'accès aux documents dès son Livre Noir paru. Et comme il le montre dans Communisme et totalitarisme, publié en 2009, la Russie de Poutine réhabilite Staline.
D'un côté comme de l'autre, « il fallait assassiner les gens du passé ». C'était même, parce qu'ils étaient obsolètes, « le plus grand service qu'on pouvait leur rendre », explique Courtois à propos des persécutions, assassinats, tortures qui ont marqué la progression de Lénine dès 1917 Dans son œuvre abondante, la Terreur est une notion qui revient souvent : « On va exterminer, il faut exterminer ! » Les millions de morts du communisme soviétique ne doivent rien au hasard ils ne sont pas un dérapage imputable à Staline. Stéphane Courtois rappelle que la première année de la révolution bolchevique a fait deux fois plus de morts - entre 15 et 20 000 - que plus d'un siècle de « répression policière » sous les Tsars qui lors de violents soulèvements populaires entre 1810 et 1917, aura fait moins de 7 000 victimes. « On change d'échelle. »
Le phénomène est inévitable parce qu'on veut « régénérer l'homme » à n'importe quel prix, reprend Reynald Sécher. Pour lui, « la mécanique terroriste commence dès 1788 : on prépare les esprits à la soumission » par les violences qui éclatent cette année-là.
De même, confirme Stéphane Courtois, Lénine entreprend dès 1905 une course aux extrêmes à la tête de ses « jacobins prolétaires ». Mais une fois la révolution installée, va-t-on continuer de suivre l'exemple français ? Pas tout à fait en Russie, Lénine ne veut surtout pas d'une élection qui puisse compromettre la réussite de son projet et sa place à sa tête. « Il a compris que ce serait infernal - même Robespierre a été guillotiné », rappelle Stéphane Courtois. D'où la création, quasi immédiate, d'une police politique. Et le putsch, dès 1917, qui évite l'imminente élection d'une constituante au suffrage universel...
Ainsi les Terreurs et leurs grandes figures s'éclairent l'une l'autre légale : organisée d'un côté, en France, de l'autre, en Russie, autocratique, dirigée par le seul Parti communiste en Russie. Lénine a tiré avec application les leçons du passé. C'est tout l'intérêt de cette confrontation Secher-Courtois elle permet de dégager les traits communs, et les mises en œuvres diverses.
On saura gré à Reynald Sécher d'avoir montré comment en France, le vote de lois, la Terreur, l'exécution administrative avec ordres écrits et comptes-rendus dociles de la part d'exécutants chargés d'« exterminer » la Vendée non seulement ne contredit pas la Déclaration universelle des droits de l'homme mais en découle.
« L'arme de la Révolution française, c'est la loi, et sa base est la Déclaration des droits de l'homme. Les totalitaires parlent toujours de progrès de l'homme. Celui qui refuse le progrès est-il un homme ? S'il ne l'est pas il est hors-la-loi, et il tombe sous la loi des suspects, et perd donc sa personnalité morale et juridique », explique Reynald Sécher. En Russie, l'exemple a bien été compris, confirme Stéphane Courtois ceux qui s'opposent à la Révolution deviennent moins que des hommes - des animaux.
L'aspect commun aux deux Terreurs tient en un mot « sidération ». L’horreur de l'extermination passe par une dimension psychologique qui rend possible la mise en œuvre de la tuerie par milliers ou par millions.
Lors de la Terreur en France, on a « fracassé, sidéré, rendu complice » cela passe, rappelle Sécher, par des exécutions massives et publiques auxquels le peuple est contraint d'assister. Son silence horrifié, son absence de réaction suffit « On va pouvoir y aller ». Le XVIIIe siècle avait pourtant été d'un extrême raffinement...
En Russie, « la surenchère dans la cruauté est un des moteurs du processus révolutionnaire », répond Courtois. Là aussi, « il faut rendre le reste de la population complice par le "pacte du sang" en le faisant participer à l’assassinat collectif-procédé mafieux ».
Courtois et Sécher ne l'ont pas évoqué, mais on pourrait dire la même chose du génocide contemporain, le massacre des enfants à naître au service d'un homme nouveau sans conscience et soumis à la nouvelle morale des « droits » : chacun est rendu complice par la société et les dissidents sont socialement éliminés. D'une révolution l'autre...
Jeanne Smits monde&vie 6 avril 2017

Passé Present #147 : Algérie, l’histoire à l’endroit avec Bernard Lugan

Passé Present #147 : Algérie, l’histoire à l’endroit avec Bernard Lugan

L’ASSASSINAT D’HENRI III (1ᵉʳ AOÛT 1589) | AU CŒUR DE L’HISTOIRE | EUROPE 1

dimanche 16 avril 2017

Christophe Dickès : Introduction à la pensée de Jacques Bainville

L’archéologie française à nouveau en pleine dérive idéologique

Laurent Chalard, Géographe-consultant, membre du think tank European Centre for International Affairs
La mise en avant médiatique fin février 2016 par l’Inrap de la découverte inédite de tombes musulmanes à Nîmes, datées du VIII° siècle de notre ère, serait révélatrice, selon un de ses promoteurs, d’une coexistence choisie entre musulmans et chrétiens.
Elle témoigne d’une interprétation de l’histoire de plus en plus en vogue dans le milieu archéologique, qui insiste sur la cohabitation pacifique dans le passé entre différentes cultures ou peuples, les invasions étant perçues comme des événements rarissimes et, somme toute, presque sympathiques ! D’ailleurs, l’emploi du terme « antiquité tardive » pour désigner la fin de l’empire romain est un moyen de nier le caractère catastrophique de son effondrement, contrairement à la perception ressentie par les contemporains, probablement aveuglés par leur haine des « gentils » barbares qui venaient les massacrer…
Il s’ensuit que la vision de l’histoire des archéologues (et de certains historiens) français ressemble de plus en plus au «monde des Bisounours», comme s’ils étaient atteints par une maladie, le «syndrome maya».
En effet, l’archéologue britannique dominant des études mésoaméricaines de la première moitié du XX° siècle, John Eric Thompson, marqué par le conflit de la première guerre mondiale auquel il avait participé, voulait absolument voir dans la société maya une société de savants pacifistes. Or, ce présupposé s’est avéré totalement erroné une fois l’écriture maya déchiffrée, qui a démontré que, comme toutes les autres sociétés humaines, la guerre y régnait en permanence.
Les archéologues français devraient grandement réfléchir à cet exemple car les conclusions de leurs travaux sont très fragiles. En l’absence de textes, les invasions sont difficilement identifiables dans le sol. Par exemple, si le texte de Jules César sur la guerre des Gaules ne nous était pas parvenu, il aurait été très compliqué de déterminer le caractère violent de l’arrivée des romains en Gaule Chevelue, étant donné l’adoption progressive de l’urbanisme et du mode de vie méditerranéen par les Gaulois. Les amphores romaines sont déjà largement présentes un siècle avant la conquête et un bâtiment construit à la romaine (avec tuiles et enduits peints), découvert en 1992 rue du Souvenir dans le quartier de Vaise à Lyon, a vu son début d’occupation daté de la première moitié du II° siècle avant notre ère. Puis, après la conquête, l’architecture à la romaine ne s’est imposée que quelques dizaines d’années plus tard, l’architecture gauloise étant encore largement dominante à l’époque augustéenne, et l’abandon des oppida s’est fait petit à petit. Les témoignages d’une conquête extrêmement brutale en un laps de temps limité, très difficilement mis au jour avec le texte césarien, n’auraient probablement jamais été retrouvés sans lui !
De même, les invasions normandes, qui se sont déroulées quelques siècles plus tard, n’ont quasiment laissé aucune trace, en-dehors de la toponymie. Pourtant, ces incursions violentes furent un traumatisme certain pour les contemporains et les normands sont à l’origine de la formation d’une entité administrative spécifique de notre territoire, la Normandie. Plus globalement, l’archéologie des migrations a toujours constitué un maillon faible de la discipline en l’absence de sources écrites car il apparaît très difficile de savoir si les changements culturels liés à l’apparition de nouveaux artefacts sont le produit d’un changement de population ou de la diffusion d’une innovation au sein de peuples
En conséquence, l’utilisation actuelle de l’archéologie à des fins idéologiques, qui repose sur un calque sur le passé d’une vision d’une société multiculturelle non conflictuelle, est grandement inspirée par la représentation, tout à fait défendable par ailleurs, que leurs promoteurs ont de la société française actuelle. Cette prise de position montre que cette discipline n’a toujours pas tiré les conséquences des errances de son passé, que furent son caractère nationaliste au XIX° siècle, la collaboration avec le nazisme pendant la seconde guerre mondiale ou le marxisme au moment de la guerre froide.
Aujourd’hui, la discipline suit une dérive pacifiste, qui est profondément regrettable, dans un contexte d’avancées considérables, qu’il convient de saluer.
En effet, grâce aux travaux de l’archéologie préventive, nous savons désormais que le paysage français que nous connaissons aujourd’hui s’est mis en place dès le néolithique, que le niveau de développement des gaulois n’étaient pas aussi bas que l’historiographie du XIX° siècle avait voulu nous le faire croire dans une perspective (elle aussi) idéologique, ou encore que le Moyen Age ne fut pas aussi obscur, voire parfois déjà très moderne, comme l’ont montré les travaux de Joëlle Burnouf et Isabelle Catteddu.
Or, le maintien d’une posture idéologique pacifiste systématique dans l’interprétation de données très parcellaires risque de remettre en cause certaines conclusions incontestables, du fait de la méfiance inspirée pour l’ensemble de la discipline consécutive de cette dérive. Les archéologues français doivent donc faire très attention à leurs interprétations quand elles manquent de solidité, en gardant toujours en tête que les conflits laissent peu de traces dans le sol, ce qui sous-entend que leur discipline n’est pas la plus apte à aborder la question.
Laurent Chalard 14/04/2017
Source : Meta mag.fr

LA VÉRITÉ SUR LA BASTILLE | AU CŒUR DE L’HISTOIRE | EUROPE 1

samedi 15 avril 2017

La Libération vue de près

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PAR HILAIRE DE CRÉMIERS
À LIRE. L'histoire de l'Occupation et de la Libération vécue chez les gens de lettres.
Le travail considérable est des plus minutieux. Si vous voulez tout savoir de ce qui s'est passé chez les gens de lettres - et il faut le dire malheureusement entre gens de lettres -, chez les auteurs et compositeurs dramatiques ou de musique, compulsez ce Dictionnaire de l'épuration des gens de lettres 1939-1949 de Jacques Boncompain qui est le spécialiste reconnu de tout ce qui concerne les auteurs et leurs droits. Le sous-titre évoque toute une ambiance : « Mort aux confrères ». Il serait toutefois injuste et même faux de s'arrêter sur les seuls règlements de compte. On connaît la jalousie et la rancune redoutables qui peuvent animer les membres de ces corporations. Les mots d'esprit, d'ailleurs, fourmillent sur le sujet : le livre en est rempli. Mais le travail de Jacques Boncompain est beaucoup plus ample. D'abord il met en perspective, ce qui permet de voir dès avant guerre des fractures qui ressurgirent à la Libération où l'idéologie recouvrit d'oripeaux des choix beaucoup plus personnels ; puis il explique en détail - et c'est du plus haut intérêt historique les rapports réels des gens de lettres - et de leurs organisations représentatives - d'une part avec le gouvernement de Vichy, d'autre part avec la puissance occupante, ce qui n'est pas la même chose ; et enfin tout cela resitué dans le climat de l'époque. Sur Brasillach, par exemple, tout est dit. L'Épuration fut une période horrible où la justice fut le plus souvent faussée, alors qu'elle était censée mettre fin à cette autre période horrible de l'Occupation.
Le régime avait été incapable de préparer la France à la guerre ; il fut incapable de la pacifier après guerre. De Gaulle aggrava la cassure. Il y eut des turpitudes, des maladresses, des choix absurdes, des dénonciations, des lâchetés, mais, il faut le dire à l'honneur de l'esprit français, il y eut aussi de magnifiques réactions beaucoup plus nombreuses qu'on ne le croit, notamment aux questionnaires de la Libération qui ressemblaient si étrangement à ceux de la Gestapo, de la part tant d'un Jean Poyet que d'un René Benjamin, pour ne citer que ces noms. Enfin l'auteur se plaît - et nous avec lui - à s'attarder sur des personnalités attachantes par leur droiture et leur courage, tel un Jean-Jacques Bernard, ce juif converti au catholicisme qui se sentait si français qu'au milieu de tant de violences successives il ne cessait d'appeler à l'amour du nom français. La préface d'Henri-Christian Giraud et la conclusion aussi puissante que ramassée de l'auteur ajoutent à la compréhension des évènements et des hommes.

NON, la France n'était pas à Londres. Quelques précisions s'imposent...

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Professeur Alain Rouet
La polémique ouverte par Marine au sujet de « la rafle du Vel’ d’Hiv’ » ayant montré des abysses d’inculture chez tous les protagonistes, un petit tour de piste historique semble s’imposer…
Un imposteur nommé De Gaulle
Marine reprend la vieille antienne gaulliste d’une « France » qui se serait retrouvée à Londres incarnée par une nouvelle Jeanne d’Arc étoilée… Sa médiocrité militaire l’ayant limité, à 50 ans, au grade de Colonel, De Gaulle finit par être nommé général 2 étoiles « à titre provisoire » lors de sa nomination au poste de sous secrétaire à la Guerre dans l’ultime gouvernement Reynaud. A l’armistice – après s’être assuré qu’aucune fonction ne lui était réservée dans le nouveau gouvernement – il s’envole directement pour Londres. Qu’il y ait emporté « la France » entre ses chaussettes et son caleçon ne relève que de sa mégalomanie. Si Londres abrite en effet des « gouvernements en exil » reconnus comme tels, notamment par les Britanniques, tel n’est pas le cas du bureau londonien de l’obscur De Gaulle ! Toutes les puissances, y compris le Royaume-Uni, reconnaissent la légalité de l’Etat français, seul représentant de « la France ».
N’ont rejoint le « général à titre provisoire » que quelques excités d’extrême-droite (venus notamment de la Cagoule) et une groupe de juifs (« J’attendais l’Eglise, j’ai reçu la Synagogue »). Nombre de ces derniers s’illustreront plus dans les appels aux meurtres de Radio-Londres que dans des activités parachutistes (voir l’inénarrable « équipée » de Maurice Schumann…). Non seulement De Gaulle n’est pas reconnu comme représentant « la France » mais est tenu pour un pitre aussi bien par Churchill que par Roosevelt. Après le débarquement en Afrique du Nord (novembre 1942) les Alliés (qui n’ont même pas prévenu De Gaulle de l’opération !) choisissent l’Amiral Darlan, Dauphin du Maréchal Pétain, comme représentant de « la France libérée ». De Gaulle le fait assassiner. Ils choisissent ensuite le Général Giraud qui résistera… à De Gaulle… jusqu’en 1944. Après avoir tenté de le faire assassiner De Gaulle parvient enfin à l’éliminer politiquement.
C’est seulement à partir de 1943 que De Gaulle est reconnu… par Staline… nouant ainsi la vieille complicité gaullo-communiste qui perdurera jusqu’en 1968 où le PC "F" sauvera encore la mise du grand homme… Sur les insistances de Staline, et toute solution de rechange ayant été éliminée, parfois physiquement, c’est seulement en 1944 que De Gaulle sera enfin « reconnu ».
Entre temps les réseaux de Résistance se sont montés sans qu’il y soit pour grand-chose, l’activité des « gaullistes » servant surtout à les récupérer. Quant aux troupes françaises qui reprendront la lutte contre l’Allemagne, les FFL gaullistes y sont ultra-minoritaires. Les gros bataillons sont fournis par l’Armée d’Afrique, pétainiste et giraudistes… Dans les faits le Général Micro a surtout servi sa propre propagande.
Une collaboration « ni franche, ni loyale »
Quant à l’Etat français sa « collaboration » ne vise point à aider les Allemands mais les Français. Elle n’est ni franche, ni loyale, mais consiste à discuter avec l’Occupant pour lui en accorder le moins possible. Il existe certes des « ultras » de la collaboration désireux d’œuvrer à la victoire du Reich. Ils ne sont pas à Vichy mais à Paris (l’activité des partis est interdite en zone libre) ! Et ils ne cessent de critiquer Vichy pour sa mollesse, sa tiédeur, son caractère rétif…
En quelque sorte le programme de Pétain est de « Défendre les Français »… à l’instar d’une des premières affiches du Front national de Jean-Marie Le Pen…
Concernant les Juifs la législation de Vichy se limite strictement aux Lois Alibert, promulguées dès juillet 1940. Ces Lois sont purement économiques, interdisant aux Juifs certains secteurs économiques et limitant leur nombre, par numerus clausus (2%), dans la Médecine et le Barreau. Toutes les autres dispositions les visant (comme le port de l’étoile à partir de 1942) résultent d’ordonnances allemandes n’ayant pas cours en zone libre.
Plus généralement il ne faudrait pas oublier que les Allemands ne sont pas de simples invités n’agissant poliment qu’après autorisation de leur hôte ! Un seul des pays occupés par l’Allemagne a été administré directement par elle : la Pologne. Qui osera prétendre que la vie y fût plus douce et le sort des juifs bien meilleur ?
Des juifs dans la collaboration
En Région parisienne des rafles ont eu lieu dès la fin 1941, organisées par les autorités allemandes sans même que Vichy en soit préalablement informé. Et il ne s’agissait pas de « raflettes » puisqu’elles portèrent sur plus de 4.000 individus.
Ce sont les Allemands qui imposent la « grande Rafle » de juillet 1942, et nullement Vichy qui aurait pris cette initiative ! Se posait simplement un problème de « souveraineté » : qui commanderait les forces de police chargées d’y procéder ? L’Etat français se serait-il porté aux abonnés absents que cette rafle aurait quand même eu lieu.
Ses préparatifs durèrent une bonne quinzaine de jours avec divers participants dont l’UGIF. L’UGIF, c’est l’Union Générale des Israélites de France, en quelque sorte l’ancêtre du CRIF… Une « minorité visible » dont nous gratifie LCI a ouvert son Journal sur « les 14.000 Français juifs » de la Rafle. Or celle-ci - après discussions (la politique de Vichy, comme d’ailleurs celle de l’UGIF, consistant à protéger d’abord les Français juifs) - ne porte QUE sur des juifs étrangers : apatrides, allemands, autrichiens, tchèques, polonais, russes… ! Et parmi ceux-ci sont exonérés les porteurs de cartes de l’UGIF et… les fourreurs et leurs familles. Ces derniers travaillent en effet à fournir des vêtements bien chauds pour le Front de l’Est. Le Vel’ d’Hiv résonne de noms priés de se présenter à l’entrée : ce sont ceux d’ouvriers en confection que leurs chefs d’Atelier sont venus tirer de ce guêpier. Eux aussi fabriquent des uniformes, apportant leur modeste, mais rétribuée, contribution à l’effort de guerre allemand…
La plupart des raflés sont transférés au camp de rétention de Drancy. Il est certes contrôlé par les Allemands mais largement auto-administré. Il y a notamment un médecin-chef, juif, chargé d’examiner les prépuces pour établir indéniablement la qualité de juif… Nos procureurs médiatiques devraient bien connaître son histoire puisque ses descendants font carrière à la télévision… Quant au directeur juif il participe naturellement à l’élaboration des listes de déportation.
On reconnaîtra bien volontiers que l’UGIF, les fourreurs, les ouvriers en confection, le directeur du camp et peut-être même le médecin-chef, n’avaient peut-être pas tout à fait le choix... mais les goys l’avaient-ils plus ?

NEW YORK (1624 — ) | AU CŒUR DE L’HISTOIRE | EUROPE 1

jeudi 13 avril 2017

Perles de culture n°117 : décryptage des génocides

Abel Bonnard : un penseur original de l'éducation et de la culture

Frappé d'une véritable damnatio memoriae en raison de son engagement collaborationniste sous l'Occupation, Abel Bonnard fut pourtant un écrivain brillant et un penseur original en matière de culture et d'éducation.
Abel Bonnard naît à Poitiers le 20 décembre 1883, fruit des amours du comte Joseph-Napoléon Primoli descendant, par sa mère, de Joseph Bonaparte, et de Pauline Benielli, fille d'un médecin réputé et d'une riche propriétaire d'Ajaccio. Ne pouvant épouser le père de son enfant à venir, Pauline Benielli se résolut à un mariage de raison avec Ernest Bonnard, directeur des établissements pénitentiaires de la Vienne, qui reconnut l'enfant.
Entre classicisme et germanisme, un grand voyageur
Après des études à la Sorbonne et à l'Ecole du Louvre, Abel Bonnard, travaillant au Figaro et au Journal des Débats, publie des recueils de poèmes : Les Familiers (1906), bestiaire en vers qui aurait inspiré à Rostand son ChanteclerLes Royautés, sur fond de mythologie grecque (1908), Les Histoires (1908), puis des romans psychologiques de caractère stendhalien : La vie et l'amour (1913) et Le palais Palmacamini (1914).
Réformé en 1914, il sert tout de même à sa demande, sur le front champenois (1914-11916), puis en mer, à Brindisi (1916-1918).
Ses œuvres les plus connues seront des essais : La vie amoureuse d'Henri Beyle (1926), L'Enfance (1927), L’Amitié (1928), Saint-François d'Assise (1929), Savoir aimer (1937), L'amour et l'amitié (1939). Sa vocation de moraliste l'inscrit dans la grande tradition du classicisme français. Mais il se découvre aussi une sensibilité germanique. Trente ans après Taine, il découvre les limites de l'esprit classique français : ignorance de la réalité concrète : résumé en maximes sommaires des vicissitudes de l'âme, conception universelle et trompeuse de l'homme, empire absolu de la raison. Mais il reste trop français pour se convertir à une Weltanschauung germanique. En réalité, il conçoit le classicisme français et le germanisme comme les deux composantes de la civilisation européenne et souhaite un rapprochement entre  la France et l'Allemagne.
Fêté dans les salons, il accomplit, en 1920-1921, un long périple qui le mène en Amérique du nord, en Asie et en Afrique. La Chine l'émerveille, et il en tire un livre, En Chine (1924), couronné par l'Académie Française. En 1923, il entreprend un nouveau voyage en Europe, en Afrique du nord et au Proche-Orient. De ses voyages, il tirera plusieurs livres : Au Maroc (1927), Océan et Brésil (1929), Rome (1930).
Abel Bonnard flétrit la société contemporaine, à l'économisme destructeur des identités, fondée sur l'idolâtrie du savoir au service d'un idéal égalitaire. Et l'Ecole républicaine est la matrice, la dispensatrice de cet idéal fallacieux. Tel est le thème de l’Eloge de l’ignorance (1926), opuscule de soixante pages, son premier livre politique.
Bonnard voit la cause de cette situation dans le triomphe d'un faux humanisme démocratique et libéral qui affecte, toutes les classes, tous les individus, même ceux qui s'en instituent les contempteurs; telle L’Action française, dont bien des membres sont des républicains d'éducation et d’habitude, des modérés, des conservateurs à la de Broglie. Aussi Bonnard prend-il ses distances avec L’Action française, qu’il a longuement fréquentée. Il a compris que l’aggiornamento des idées réactionnaires à partir des acquis de la pensée moderne aboutissait à leur altération par acculturation aux normes éthiques de l'élite bourgeoise issue de 1789.
Pour une Europe aristocratique et socialiste
Bonnard appelle de ses vœux la formation d'une nouvelle droite dotée d'une vision européenne de la civilisation, ayant une notion plurielle de l'élite, fondée sur la valeur personnelle, le sens moral, la capacité à agir et la sensibilité artistique, expurgée des pesanteurs socio-culturelles.
Ses modèles, il les trouve chez nos voisins transalpins et transrhénans. Il admire le fascisme et le national-socialisme, qui concilient grandeur nationale et politique sociale, et adjoignent à l'élite traditionnelle de la naissance et de la connaissance, une élite de la culture de l'énergie vitale et de l'action. Il devra attendre 1936 pour découvrir en Jacques Doriot le sauveur providentiel. Il devient un des collaborateurs intellectuels de Doriot, à partir de 1937, aux côtés de Paul Marion, Alfred Fabre-Luce, Bertrand de Jouvenel(1). Abel Bonnard vient alors tout juste de publier Les ModérésLe drame du présent, au printemps de 1936, critique de la droite parlementaire française. Membre de l'Académie Française depuis 1932(2), il rencontre Alfred Rosenberg (30 avril 1937), obtient de Hitler un entretien à Berlin (4 mai 1937), reçoit la cinéaste Leni Riefenstal, (21 janvier 1938), se lie avec Otto Abetz. Ses maîtres à penser s'appellent désormais Spengler, Évola, Gobineau, Alexis Carrel, Georges Sorel. Il correspond également avec Ernst Jünger. Il est partisan, comme Drieu La Rochelle (Socialisme fasciste, 1934) et Alphonse de Châteaubriant (La Gerbe des Forces, 1937) d'une Europe des nations à la fois aristocratique et socialiste animée conjointement par l'Italie fasciste, l'Allemagne nationale-socialiste et une France rénovée par Doriot et le PPF. Aussi, lors de la guerre d'Ethiopie, prend-il résolument parti en faveur de l'Italie et signe-t-il le manifeste des intellectuels français « Pour la défense de l'Occident et la paix en Europe ». Dès mars 1936, il forme, avec Thierry Maulnier, Jean-Pierre Maxence, Lucien Rebatet et autres, un « Comité de vigilance contre la guerre » qui vise à préserver l'alliance diplomatique franco-italienne scellée à Stresa (avril 1935).
Après la défaite de 1940, Bonnard se rallie à l'Etat Français malgré ses réserves à rencontre du maréchal Pétain. Il écrit dans La Gerbe, Le Petit ParisienJe suis partout, et publie deux ouvrages en 1941 : Des jeunes gens ou une jeunesse ? et Pensées dans l’action. Il co-préside la section littéraire du groupe Collaboration, fondé par Châteaubriant. Il est l'un des écrivains français invités pour un séjour culturel en Allemagne, du 5 au 26 octobre 1941. En 1942, il intégrera le comité de parrainage de la LVF. Dans ses écrits, il expose sa conception, nationaliste et socialiste, de la Révolution nationale.
L’éducation selon Abel Bonnard
Le retour de Laval au pouvoir permet à Bonnard de devenir, grâce à l'appui de ses amis de Pans et de l'Occupant, ministre secrétaire d’Etat de l’Education nationale. Il sera le dernier ministre de l'éducation de Vichy, et celui qui restera le plus longtemps en fonction : du 18 avril 1942 au 19 août 1944 Nous avons dit les critiques d'Abel Bonnard à l’égard de l’école républicaine.
Elle diffuse un savoir fait de notions spécieuses et tronquées agencées suivant des idées reçues aberrantes, et transmis par des maîtres demi et faux savants dont le bagage se ramène à un stock d'informations brutes privées de l'éclairage de la réflexion et de la culture.(3) Elle produit des maîtres et des citoyens qui « croient à la science sans rien savoir »(4), pensent que l'univers s'explique par le « jeu des forces les plus grossières » (5) et disposent d'une instruction indigente qui les incite à « oser parler de tout »(6). Elle provoque le délitement du corps social en suscitant en tout individu, un besoin d'affirmation fondé sur le maniement lourd de notions fausses et exprimé par des paroles creuses.
Comme Taine(7), Bonnard discerne la source du mal dès le XVIIe siècle. Au banc des accusés, le rationalisme cartésien, édifié autour du sujet clos sur lui-même exhalant son trop fameux cogito, et la trop fameuse méthode inductive-déductive. Cette philosophie a étayé l'étatisme déracineur, niveleur et uniformisateur et son pendant, l'individualisme, dont l'expression politique est la démocratie. Bonnard déclare, le 27 avril 1942, dans une allocution : « Parmi toutes ces idoles qu'il nous importe d'abattre, il n'en est aucune dont il soit plus urgent de nous débarrasser que Descartes qu'on a voulu nous présenter comme le représentant du génie français : il faut le faire passer par la fenêtre, » Descartes a ramené la métaphysique à la logique, a dévoyé la raison, et ainsi, a contribué à transformer le peuple français en une nation de sophistes, de rhéteurs, de ratiocineurs. Il est le précurseur direct des soi-disant "philosophes" du XVIIIe siècle et de leurs fausses "lumières" aveuglantes.
Aussi, Abel Bonnard, devenu ministre, s'attaque-t-il à l'encyclopédisme échevelé des programmes d'enseignement. Concernant l'enseignement primaire, il propose de leur substituer des programmes « simplifiés et concentrés » axés sur les seules connaissances élémentaires et conçus pour « embrasser moins, pour retenir davantage ».
D'une façon générale, Abel Bonnard préconise une véritable révolution pédagogique. Au rebours des principes et pratiques de la sélection méritocratique par des examens mettant en valeur la mémoire et l'accumulation du savoir, il défend un enseignement progressif adapté à chaque âge de la jeunesse et fondé sur la psychologie des élèves, elle-même liée à leur contexte familial et social ainsi qu'à leur développement physique et à leur santé. De ce point de vue, Bonnard emboîte le pas aux pédagogues d'avant-garde, qu'il s'agisse de Buisson, Dewey, Piaget, Wallon, et à la Commission de l’Ecole unique constituée en 1927 par Herriot. Il convient d'ailleurs de noter que Ludovic Zoretti, co-fondateur du groupe des Compagnons de l'Université nouvelle favorable à l'Ecole unique, longtemps militant socialiste, adhéra au RNP de Marcel Déat en 1941 et soutint Vichy et la politique scolaire d'Abel Bonnard. Comme Déat et autres, Bonnard estime que la fin de l'éducation consiste à produire des têtes bien faites plutôt que bien pleines. Et si, faute de compétence, il ne conçoit pas une pédagogie alternative à la pédagogie magistrale et sélective de l'Ecole républicaine, du moins il s'attache à alléger les programmes, à remettre en cause la tyrannie des examens, et à assigner à l'institution scolaire une autre fin que le dégagement d'élites purement intellectuelles par éliminations successives. Dès le 22 juin 1942, il émet une circulaire destinée à lutter contre le surmenage scolaire, que n'auraient pu, en toute objectivité, désavouer les partisans de l’Education nouvelle. Il y déclare : « Bien loin de ne voir en eux [les élèves] que leur esprit considéré comme un meuble vide qu'on bourre en s’efforçant d'y entasser deux ou trois fois plus de choses qu'il n'en peut raisonnablement contenir, on considérera l’enfant tout entier dans sa nature morale, intellectuelle et physique, dans sa personne authentique de petit Français : au lieu d'abuser de ce que la mémoire des enfants a de prompt, sans prendre garde à ce qu'elle a d'infidèle, on se rappellera qu'ils n'ont vraiment appris que ce qu'ils assimilent. »(8) L'éducation consiste à former l'intelligence, non à l'encombrer.
De la même manière, l'examen doit jouer un rôle éducatif, d'orientation, non (exclusivement) de sélection. Dans cette même circulaire, Abel Bonnard déplore que l'examen exerce sur l'enseignement « une tyrannie dégradante », s'impose comme « la seule justification des études », et réduise ces dernières à « un fatras de connaissances qu'ils [les élèves] doivent se fourrer momentanément dans la tête pour les oublier par représailles aussitôt l'examen passé »(9) Pierre Giolitto, qui cite ce passage, ne manque pas de relever l'analogie entre la critique bonnardienne des examens et celle de Jean Zay, le ministre de l'Education nationale du Front Populaire.
L'enseignement nouveau dont Bonnard se veut le maître d'oeuvre, doit donc préparer les jeunes à l'épreuve de la vie, sous tous ses aspects.
Bonnard demeure fidèle à l'opinion qu'il exprimait dans Les Modérés (1936) : l'intelligence n'est pas tout, et « l'homme a bien d'autres façons de valoir son prix »(10) Il n'existe pas une intelligence, mais des intelligences, variées, innombrables, équivalentes, égales en dignité et en importance. Il existe divers types d'intelligences, et chacun d'eux a son élite. De ce fait, l'élite elle aussi est plurielle. Il n'existe pas une élite unique, celle des plus beaux fleurons de l'Université et des grandes écoles, mais des élites.
« Une image nouvelle de l'homme exige un système scolaire nouveau », déclare Bonnard le 17 septembre 1942. Cet enseignement nouveau sera diversifié il fera une place plus grande au travail manuel (dans les écoles et les collèges) et aux enseignements techniques et professionnels de tous niveaux. Surtout, il donnera aux jeunes une éducation civique et sportive et éveillera en eux le goût de l'action et des responsabilités au sein d'une Europe remodelée selon des principes nouveaux. Par une circulaire du 13 mai 1942, le ministre exhorte les enseignants à convaincre leurs élèves de l'obligation d'une adhésion morale au nouvel ordre européen qui s'édifie sous la direction de l'Allemagne.
La fuite et l’opprobre
À la fin août 1944, Abel Bonnard quitte la France. Il fait partie du gouvernement fantôme de Sigmaringen. Le monde s'effondre autour de lui. Doriot, son héros, est tué le 22 février 1945 ; sa mère s'éteint près de lui le 4 mars. Le 2 mai, Bonnard part pour l'Espagne à bord d'un vieil aéroplane qui emmène Laval, son épouse et Maurice Gabolde, Garde des Sceaux. Le 4 juillet, la Haute Cour de Justice le condamne à mort, à la dégradation nationale à vie et à la confiscation de tous ses biens. Enfin, une ordonnance du 26 décembre décide de sa radiation de l’Académie Française.
Abel Bonnard va vivre encore vingt-trois ans. Pauvre, habitant une petite chambre dans un immeuble vétusté de Madrid, il subsiste grâce à de rares articles de périodiques. Abattu, il veut pourtant se justifier publiquement. Aussi, revient-il en France en juin 1958. Il est arrêté, puis quelques heures après, remis en liberté tout en étant inculpé. Son procès devant la Haute Cour a lieu les 22 et 23 juin 1960. Les jugés concluent à l'inanité des charges retenues contre lui en 1945. Ils le condamnent à seulement dix ans de bannissement, une peine prescrite puisque prenant effet à compter du 2 mai 1945. Ils annulent la mesure de confiscation des biens et déclarent l'accusé fondé à réclamer une réparation matérielle à l'Etat. Mais Bonnard est un homme brisé. Il regagne donc son pauvre logis madrilène où il s'éteint le 31 mai 1968, âgé de 85 ans.
Paul-André Delorme Rivarol du 30 mars 2017
1) Cependant, il n'adhère pas au Parti populaire français (PPF).
2) Elu le 16 juin 1932, il est reçu sous la coupole le 16 mars 1933.
3) Eloge de l'ignorance, Hachette, 1926, p. 9-13.
4) Idem, p. 14.
5) Ibidem..
6) Idem, p. 24
7) Les Origines de la France contemporaine, Hachette, 1878-1894, tome I,L’Ancien Régime, Hachette, 1878.
8) Cité par pierre Giolitto, Histoire de la jeunesse sous Vichy, Perrin, 1991, p. 93
9) Idem, p.94
10) Les Modérés. Le drame du présent, réédité. Ed. du Labyrinthe, 1986, p. 100

L’ASSASSINAT DE JULES CÉSAR (44 AV. J.- C.) | AU CŒUR DE L’HISTOIRE | EU...

mardi 11 avril 2017

JULIUS EVOLA : « LE RACIALISME COMME ANTI-UNIVERSALISME »

Du point de vue proprement politique, d’abord, ce serait une erreur de considérer le racialisme comme élément hétérogène, rattaché pour des raisons contingentes à l’idéologie fasciste. La doctrine en question, correctement comprise, peut au contraire représenter un renforcement et un autre instrument du Fascisme, en tant que créateur d’une nouvelle civilisation antiuniversaliste, antirationaliste, anti-individualiste. Elle peut ainsi représenter une nouvelle étape, liée par un rapport d’étroite cohérence aux précédentes, de la Révolution.
En effet, sous son aspect politique le plus général et le plus communément connu, le racisme s’entend à déterminer le type humain prédominant dans une communauté nationale donnée, à le préserver de toute altération, de toute contamination, à l’intensifier, à y faire correspondre un sentiment déterminé, un orgueil déterminé, qui développera, tonifiera, rendra plus concret et « organique » le sentiment national – plus général. Il s’agit ainsi, en premier lieu, d’une continuation de tout ce que le fascisme a cherché à réaliser depuis son avènement en matière de politique et d’hygiène sociales, et d’autre part, d’école de virilité et de force pour le peuple italien, et surtout pour les nouvelles générations. La conquête de l’empire africain a eu pour conséquence naturelle l’instauration d’un nouvel ensemble de mesures protectrices et prophylactiques, procédant d’exigences analogues ; par ailleurs, il convenait évidemment que, au contact d’autres peuples, l’Italien saisisse pleinement les différences, sa dignité et sa force.
Sous un second aspect, interne, celui-là, le racialisme se présente comme une autre « puissance » du nationalisme, car le sentiment « racial » – même lorsque cette expression équivaut plus à un mythe qu’à une idée bien précise – est évidemment quelque chose de plus que le sentiment national. Comme mythe politique, la « race » est la nation vivante, qui n’est pas plus enfermée dans d’abstraites limites juridiques et territoriales qu’elle ne se réduit à une simple identité de civilisation, de langue, d’histoire. Le sentiment « racial » est plus profond que tout cela ; de tout cela, il est à la racine ; il est inséparable d’un sentiment de continuité, il éveille des résonances profondes dans l’être humain. C’est cette vérité-là qui se reflète même dans la sagesse populaire, dans des expressions comme « la voix du sang », « la race ne ment pas », « il a de la race », « vengeance », « la faute du sang ».
Ainsi, la nouvelle doctrine ranime un sentiment dont les racines plongent dans des formes de communauté au fond pré-nationale, dans la communauté propre à la lignée, à la gens, à la fratrie, à la famille patriarcale ou même patricienne, où il correspondait effectivement et positivement à une unité vraiment commune de sang. Dans sa conception moderne, la nation se présente déjà comme une unité de type différent, définie par d’autres éléments, en plus de la simple consanguinité, tant directe qu’indirecte. Ces considérations suffisent à faire apparaître clairement que, pour pouvoir légitimement passer du sentiment national à la conscience raciale, si l’on ne veut pas se limiter au « mythe », c’est-à-dire à une idée dont la validité réside moins dans sa vérité et dans son fondement objectif que dans son pouvoir suggestif, il faut en venir à une conception de la race assez différente de celle, élémentaire, qui est définie par le sang et, en général, par l’élément purement biologique, car il faut tenir compte, en elle, d’une série d’autres facteurs.
Ce point sera amplement traité par la suite. Pour l’instant, sur la base de ce que l’on a indiqué, nous dirons que l’idée raciale, en tant qu’idée politique, présente les mêmes dangers qu’un nationalisme de type démagogique, exclusif et particulariste.
Les avantages se rapportent à la complète opposition à tout mythe égalitaire et évolutionniste, à la réfutation de l’idéologie démo-maçonnique et de la philosophie des lumières, relatives à l’identité et à l’égale dignité de tout ce qui a forme humaine. Selon la doctrine raciale, l’humanité, le genre humain est une fiction abstraite – ou la phase finale, conservable seulement comme limite, mais jamais entièrement réalisable, d’un processus d’involution, de désagrégation, d’écroulement. En règle générale, la nature humaine est au contraire différenciée, différenciation qui se reflète justement, entre autres, dans la diversité des sangs et des races. Cette différence représente l’élément principal. Elle est non seulement la condition naturelle des êtres, mais encore une valeur éthique, c’est-à-dire quelque chose de bien en soi et qu’il faut défendre et protéger. Sous certains aspects, tous les hommes montrent certainement quelque chose de commun. Mais ceci ne doit pas prêter à équivoque.
Le racialisme, à cet égard, se présente comme une volonté – que l’on pourrait bien appeler classique – de « forme », de « limite » et d’individuation. Il exhorte à ne pas considérer comme essentiel tout ce qui, représentant le général, l’informe, l’hybride, équivaut en réalité à un « moins », à un résidu de matière non encore formée. Comme on l’a indiqué, tout ce qui est commun ne vient au premier plan, n’apparaît comme « valeur » et en quantité d’ « immortels principes », que dans les périodes de régression et de décomposition ethnico-culturelle, où, justement, la « forme » retourne à l’informe. L’« universalisme » – compris, selon l’emploi abusif, mais malheureusement devenu courant, du terme, comme internationalisme et cosmopolitisme – il ne faut pas le considérer, à cet égard, comme une idée parmi d’autres, mais comme l’écho et presque l’indice barométrique d’un climat de chaos ethnique et de dénaturation des types. Il n’y a que dans un tel climat qu’il est « vrai » : en tant qu’image de la réalité.
Que le racialisme, à cet égard, renforce le nationalisme dans ses aspects positifs, c’est bien évident. L’un et l’autre représentent une réaction salutaire, aussi bien contre le mythe démocratique que contre le mythe collectiviste, celui de la masse prolétarienne sans patrie et sans visage ; ils représentent une victoire de la quantité, du « cosmos » sur le chaos, et, comme on vient de le dire, de la forme sur l’informe. Sous tous ses autres aspects positifs, que nous déterminerons, le racisme reflète toujours ces significations-là, et, selon ces significations, c’est une doctrine et un « mythe » qu’il faut juger, du point de vue traditionnel, « en ordre ». Du point de vue politique, d’autre part, le réveil du sentiment national et racial est une des conditions préliminaires indispensables à la réorganisation cohérente de toutes ces forces qui, à travers la crise du monde moderne, étaient sur le point de se disperser et de sombrer dans le bourbier d’une indifférenciation mécanico-collectiviste et internationaliste. Cette tâche est une question de vie ou de mort pour l’avenir de la civilisation européenne tout entière.
Julius Evola
Synthèse de doctrine de la race (1941)
Première partie : La race comme idée révolutionnaire
1. Le racialisme comme anti-universalisme
Édition de L’homme Libre, p. 19-22.