mercredi 29 juin 2011

Péroncel-Hugoz : « En 1962, la France aussi est devenue indépendante. »

« Ouvertement islamophile mais résolument hostile à l’islamisation de la France… » Jean-Pierre Péroncel-Hugoz fut le dernier journaliste recruté - ”à l’essai” - au Monde par Hubert Beuve-Méry, en 1969. Il a passé 8 ans en Algérie après l’indépendance, coopérant technique (1965-69), puis “correspondant particulier” du Monde (69-73). Il fut ensuite interdit de séjour dans ce pays à cause de son livre “Assassinat d’un poète”(1), relatant le « crime politique » que fut à ses yeux le meurtre du poète pied-noir Jean Sénac, chantre baroque du nationalisme algérien. Mais JPPH est surtout connu comme “islamologue”, grâce à son prophétique “Radeau de Mahomet”(2). Il nous a aimablement autorisés à reproduire l’essentiel d’une algarade(3) déjà publiée dans la revue Panoramiques(4), où il coudoyait Jean-Paul Angelelli de Rivarol aussi bien que l’ancien permanent trotskiste Benjamin Stora. Quant à son inspiration, il nous a confié qu’il était « présent au fameux match de foot France-Algérie du 6 octobre 2001, qui décilla les yeux à nombre de Français à propos du comportement algérien en France même… »
P. G.
“… On lit dans la presse, dans les romans, que les peuples oublient vite les guerres qui les ont séparés. Quarante ans après, avec l’Algérie, je fais le bilan, et j’ai l’impression que ça s’est aggravé…
Et je crois que ça ne va pas s’arranger, au contraire, puisque les Algériens trouvent payant de gratter la plaie, de l’envenimer, chaque fois qu’elle fait mine de se cicatriser, quand ils n’inventent pas, dans nos villes, faubourgs et banlieues, le “djihad de proximité”…
D’abord lâcher ce truc que j’ai sur l’estomac, que nombre de Français ont aussi mais n’osent pas exprimer, sur cette terre de soi-disant liberté totale d’expression, de peur qu’on les taxe aussitôt de colonialisme, d’impérialisme, d’arabophobie, de racisme, voire de nazisme : mais pourquoi donc les Algériens, qui répètent à l’envi avoir conservé un si mauvais souvenir des 132 ans de colonisation française, qui ne cessent à tout bout de champ de convoquer les morts, les martyrs, la mémoire, le devoir de mémoire et autres concepts en vogue, pour accabler les Français d’hier, d’aujourd’hui et sans doute bientôt de demain, mais pourquoi donc donnent-ils l’impression en même temps, tous ces Algériens, ou peu s’en faut, qu’ils veulent s’installer en France ? Pourquoi, dès l’indépendance obtenue, en 1962, au lieu de rester chez eux, de s’y retrousser les manches et de travailler à construire à leur guise leur pays enfin délivré des horreurs du colonialisme, les Algériens ont-ils commencé à émigrer chez nous, et ça n’a jamais cessé, quitte à nous traiter de tous les noms quand on les interroge sur cet engouement, complètement illogique aux yeux de cette ancienne métropole d’où vinrent, paraît-il, tant de maux ?
Les Algériens veulent tous les droits des Français, mais aucun devoir
Le plus grand éclat de rire de la muse Clio, au XXe siècle, ça a dû être quand elle comprit que ces millions d’Algériens qui avaient tant nui aux pauvres harkis, restés fidèles à la France, se mettaient tous ou quasi, les uns après les autres, en quête de leur citoyenneté française, rejetée hier comme la tunique de Nessus, et devenue soudain le suprême bien… Les harkis n’avaient fait qu’être prémonitoires, en somme…
Quand j’étais correspondant du Monde en Alger, aux pires moments de la crise pétrolière franco-algérienne, vers 1970, lorsque le colonel Boumediène avait du jour au lendemain nationalisé sans crier gare les intérêts français dans les hydrocarbures sahariens, l’ambassadeur de France en Algérie, l’austère et temporisateur Basdevant, m’avait confié un jour, à la sortie d’une rude manche de négociations avec des ministres algériens : « Si vous saviez, ils nous lancent de ces propos sur la France… Il y aurait de quoi leur déclarer la guerre… Et en même temps ils exigent de nous des choses, comme s’ils étaient toujours français, la libre circulation complète, le droit à la Sécurité sociale pour les Algériens vivant dans leur pays mais allant se faire soigner en France… J’ai fini par leur rappeler qu’en 1962, la France aussi était devenue indépendante de l’Algérie… Ça a paru un moment les interloquer. »
Eh bien ! Trente ans après ces propos, on en est encore au même point : les Algériens veulent tous les droits des Français, mais sans aucun devoir, sauf bien entendu celui de nous jeter à la figure chaque matin le passé colonial, sans jamais accepter la plus légère critique de notre part, ne serait-ce que sur la façon économique aberrante avec laquelle l’Algérie indépendante a été menée à la faillite. J’en ai vu défiler, à Paris, dans mon bureau du Monde, ces deux dernières décennies, des cadres algériens, fonctionnaires, médecins, juristes, cinéastes, romanciers, et jusqu’à un riche chevillard, etc. Ou bien leurs enfants, issus des gens rencontrés lorsque j’étais en Algérie, tous ces Algériens ayant été accueillis avec moult égards et maintes aides par l’administration française, souvent avec des lettres de recommandation de moi-même ou d’autres Français, et tous jamais contents, ces Algériens, malgré les cartes de séjour longue durée, les visas obtenus pour faire venir leurs vieux parents, les postes universitaires donnés en priorité alors que des Franchouillards y avaient droit avant eux, les appartements de la ville de Paris octroyés en quelques semaines (alors que pour ma part, j’en ai attendu un en vain pendant dix ans, avant de renoncer…), et par-dessus le marché se plaignant de la « mauvaise volonté des bureaux parisiens », voire de notre « racisme » (rengaine).
Je suis comme Jeanne d’Arc à l’égard des Anglais, si je peux oser cette comparaison ; Jeanne d’Arc qui aimait les Anglais mais chez eux, eh bien ! moi c’est pareil avec les Algériens. On n’a pas voulu maintenir l’Algérie française, paraît-il même que c’était un enfer, alors je ne vois pas pourquoi on ferait maintenant la France algérienne, même si mon confrère Slimane Zeghidour m’assure que cette « Algérie de Tamanrasset à Dunkerque » a été prédite par je ne sais plus quelle figure du nationalisme algérien, Larbi Ben M’Hidi, je crois, liquidé par l’armée française après avoir lancé cette prophétie…
Non seulement j’aime les Algériens chez eux mais j’aime en eux, si on me permet ici cette petite parenthèse personnelle, certaines vertus devenues rares de nos jours en France, telles que la foi en Dieu, le patriotisme, la fierté nationale, l’esprit et le goût de la famille, la fraternité confessionnelle, la solidarité ethnique, le carpe diem enfin, c’est-à-dire l’art de saisir au vol la bonne minute qui passe et de s’en régaler jusqu’à la moelle… J’envie même parfois les Algériens et autres Arabes ou Arabo-Berbères, musulmans bien sûr, d’avoir su préserver ces qualités et d’oser les cultiver sur une planète de plus en plis mécanique et déshumanisée.
Ils voudraient que la France revienne « empêcher le génocide des Berbères »
C’était en 1962. Nous sommes en 2003. Presque deux générations se sont écoulées et la plupart des Algériens font toujours comme si le cordon ombilical n’avait pas été coupé entre l’ancienne métropole et ses départements nord-africains. Mieux, certains Algériens, les Kabyles pour les citer, voudraient que la France revienne en Algérie pour « empêcher le génocide des Berbères par les Arabes ». Ça c’est la meilleure ! Comme si cela nous regardait ! Il nous a fallu supporter, en plein Paris, ces militantes kabyles en costume traditionnel vociférant, injuriant, trépignant parce que « les Français veulent rien faire en Kabylie » ! Vous vous trompez d’adresse, dames berbères, pétitionnez à la Ligue arabe, à l’Organisation de l’Unité africaine, aux Nations-Unies ! La France a quitté votre galère où vous lui avez donné tant de mal, elle ne risque pas d’y revenir, pour se brûler les doigts à vos cent querelles intestines. D’autant moins qu’à peine y aurait-elle posé le pied, la malheureuse France, que vous lui reprocheriez son ingérence, vous vous retourneriez contre elle au nom de l’unité islamique “agressée”, ainsi que ce fut toujours le cas chaque fois que les Français voulurent se mêler, pour les calmer, des sanglantes scènes de ménage berbéro-arabes.
J’entends constamment des Algériens formuler des requêtes, décocher des reproches à l’endroit de l’Etat et du peuple français. Je n’ai jamais entendu une seule voix algérienne adresser je ne dis pas des remerciements pour tout ce que la France n’a cessé de faire en faveur de l’Algérie et de ses ressortissants, mais pour reconnaître au moins que les Algériens bénéficient d’avantages dont, par exemple, aucun Français ne risque de profiter en Algérie… Or, non seulement il n’y a pas l’ombre d’une reconnaissance de ce type mais au contraire on manifeste de la haine à notre égard, quand l’occasion se présente. J’étais, le 6 octobre 2001, au Stade de France, devenu pour un triste soir “Stade d’Algérie”, et j’y ai vécu les scènes d’hystérie collective violemment anti-française et anti-occidentale, parmi un public à 95 % algérien (sûr de lui et dominateur - mais pas d’élite…). Rien ne peut excuser cette énorme gifle appliquée au pays-hôte mais rien, non plus, ne peut plus excuser les Français qui ne veulent pas voir que plus on fait de bien aux Algériens, plus ils vous veulent du mal. Peut-être est-ce une façon paradoxale de cacher le fait capital qu’ils n’ont aucune légitimité à s’incruster chez nous ?
Psychanalytiquement, cette aversion anti-française peut s’expliquer peut-être par le fait que les Algériens, encensés naguère pour leur “victoire” sur la puissance coloniale française, se sont crus plus forts que les plus forts et ont pensé qu’ils allaient figurer comme l’un des premiers peuples de l’Univers. Or, tout au contraire, et alors que la France restait en maints domaines au pinacle du succès et de la prospérité, l’Algérie, au lieu de devenir un modèle pour le Tiers Monde, se muait en son repoussoir : faillite agricole et industrielle, anarchie politique sanglante, etc. Songez seulement que la production de blé qui était le seul point fort algérien en 1830 et qui, avec les progrès de l’agriculture coloniale, atteignit le chiffre record de 24 millions de quintaux en 1954, n’est plus aujourd’hui, péniblement, que de 16 à 17 millions de quintaux par an…
Et le seul pays à encore tendre la main aux Algériens dans la dèche, ce fut la France. Dure humiliation pour la rive Sud de la Méditerranée où on croyait nous avoir enterrés ! En très peu d’années, la France était redevenue le paradis tandis que l’Algérie s’enfonçait un peu plus chaque jour dans les décombres de l’enfer qu’elle avait su si vite installer chez elle à coups de socialisme et d’islamisme… Y compris la discrimination religieuse puisque dès 1963 fut légalement instituée dans l’Algérie nouvelle une nationalité à deux étages : la supérieure, irrévocable, réservée aux mahométans de souche ; l’inférieure, la révocable, attribuée aux non-musulmans…
Quant au comportement systématiquement anti-français des jeunes générations algériennes en France, on en a accusé l’Ecole française alors que les seuls vrais responsables de cette situation de guerre civile larvée, dont on peut évaluer les dégâts au nombre de voitures brûlées chaque samedi soir, les seuls vrais responsables sont les parents de ces jeunes gens. Oui, ces braves ouvriers, ces silencieuses femmes de ménage n’ont pas élevé leurs enfants dans le respect du peuple d’accueil, comme l’ont fait les Polonais, Arméniens, Portugais, Vietnamiens et autres Serbes, mais dans le mépris des “Gaulois”.
Les surnoms des Français : Impurs, incirconcis, mange-cochon, fromages, yaourts, gaouri, kafir, roumi
Impurs, incirconcis, mange-cochon, fromages, yaourts, gaouri, kafir, roumi, j’en passe et de pires, tels sont les termes péjoratifs utilisés couramment dans ces familles pour parler des Français. Eux, les Algériens, sont des musulmans, « la meilleure des communautés », selon le Coran, et cela les autorise à se croire supérieurs au reste de la Terre, non musulman. Avec ça, comment vouliez-vous que l’école, l’administration, le travail intègrent, en les francisant, des jeunes à qui l’idée seule d’être français fait horreur ? Je ne parle évidemment pas ici des exceptions, des cas particuliers qui existent mais ne changent hélas ! rien à la donne générale.
Je ne pense pas que les Algériens d’ici ou d’outre-mer vont changer. La situation actuelle est trop bonne pour eux. Mais la France peut-être changera et ce ne sera pas sans conséquence pour ses commensaux et partenaires abusifs. En attendant, en ouvrant un journal francophone algérois, Le Monde Aujourd’hui, daté 3 septembre 2001, j’y lis, sur six colonnes : « La dette de la France envers Algérie » et plus bas : « C’est avec l’argent de l’Algérie que l’Etat français a réussi à arracher la société française à une situation économique et sociale moyenâgeuse » (sic).
Tant que de pareilles inepties auront cours outre-Méditerranée ; tant que, en France, des petits Algériens de douze ans graffiteront dans les cages d’escaliers : « On a niqué (= vaincu) les Français en Algérie, on va maintenant les niquer (= vaincre) en France ! » ; tant que, dans les banlieues françaises, on continuera à apprendre aux petits musulmans que leurs camarades non mahométans sont « impurs » et « inférieurs » et que, d’ordre divin dans le Coran, il ne faut pas « prendre pour amis juifs et chrétiens, sinon on devient comme eux », les relations entre Français et Algériens resteront marquées au double sceau du tragique de l’impossible.”
Jean-Pierre Péroncel-Hugoz http://www.france-courtoise.info/

Europe : le plan final du dépeçage des nations

Désormais, le masque est tombé. Il n’y a plus de doutes. Les projets de remaniement complet en faveur d’une Europe des régions élaborés au lendemain de la chute du Mur de Berlin - même si beaucoup d’éléments existaient auparavant - prennent leurs contours définitifs et annoncent une véritable révolution géopolitique. Comme le présente la carte ci-jointe, le continent européen est à présent éclaté en une multitude de régions. Beaucoup d’entre elles sont des créations artificielles et seront dans l’avenir regroupées voire fusionnées. Indirectement, cela indique que d’autres modifications sont à prévoir.
En attendant, un petit rappel sur l’origine de ce document est nécessaire.
Celui-ci a été conçu au sein de l’ARE (Assemblée des régions d’Europe), institut qui a vu le jour en 1985 à Strasbourg à l’initiative des Français, des Espagnols et des Portugais. Mais, mal organisée, l’ARE fut reprise et réaménagée en 1987 par les Allemands, ou plus exactement par l’équipe gouvernementale du Land du Bade-Wurtemberg. D’une certaine manière, les autorités politiques allemandes, qui ne s’étaient pas vraiment intéressées à cet organisme à ses débuts, prirent le train en marche. Mais force est de constater qu’elles ne restèrent pas au stade du wagon-lit. Sous l’égide de Heinz Eyrich, les statuts de l’ARE furent fixés à Mannheim en 1992. L’essentiel de cette refonte fut de donner le maximum de compétences à la commission I - sous direction germanique - en charge de promouvoir le fédéralisme et le régionalisme. Au sein de cette commission, des groupes de travail en charge de la protection des minorités et animés par des représentants basques, catalans ou frioul-vénitiens accélèrent la promotion du régionalisme identitaire. C’est donc du sein de cet institut en liaison avec tous les autres instituts européens (Comité des régions, Conseil des communes et des régions d’Europe, …) qu’émane cette carte qui fixe le but final à atteindre. Qu’annonce-t-elle donc ?
Balkans et Ukraine seront européens avant 2010
D’abord, elle souligne d’une façon claire que tout a été préparé d’avance. Toutes les discussions officielles sur les thèmes de l’élargissement de l’Union européenne à l’Est et de la primauté donnée aux régions ne servent qu’à préparer les opinions publiques sur des sujets qui ont été agencés, ordonnés et réglés depuis belle lurette. Ensuite, elle annonce la fin définitive de l’Etat-nation. L’octroi d’une autonomie politique aux régions dépendant directement des autorités supranationales de Bruxelles met fin à l’existence étatique des Etats. Comme nous le présentions dans le Balkans-Infos n° 72, la mise en forme d’un code civil européen sous l’égide du juriste allemand Christian von Bar (voir recueil Dalloz du 25 juillet 2002) se substituant aux codes nationaux s’explique puisqu’elle épouse cette Europe fédérale des régions. Enfin, les récents débats sur l’intégration ou non de la Turquie dans l’Union européenne (UE) sont en réalité vains, car il suffit de regarder la carte : la Turquie est déjà intégrée à l’UE (comme les Etats du Caucase ou encore une Russie régionalisée dont la frontière à l’est s’étend vers la Sibérie) et éclatée en quelque 70 régions. Sachant que l’ethno-régionalisme, promu par les instances européennes, permet l’épanouissement des groupes ethniques dans un cadre politique, les Kurdes de Turquie vont pouvoir s’en donner à coeur joie pour se détacher d’Ankara ou, du moins, pour réclamer une forte autonomie. Ils pourront alors profiter du passage sur leurs territoires des oléoducs venant de la mer Caspienne. Sans doute, leurs coreligionnaires vivant en Syrie, en Iran et surtout en Irak, dans des zones riches en pétrole, manifesteront leurs souhaits de rejoindre leurs frères de sang. Bien des troubles sont à prévoir dans cette zone car tout cela suppose la remise en cause des frontières ou, du moins, la prise en compte des revendications de ces populations. L’UE risque d’avoir en permanence un chancre - sans compter les flux migratoires - à la frontière où naissent, dans cette vaste région montagneuse (véritable château d’eau), l’Euphrate et le Tigre. Comment réagiront alors les Américains qui souhaitent également contrôler cette zone ?
Il faut se rappeler que les projets d’extension de l’Otan ou de l’UE à l’est sont anciens. Quelques mois après la chute du Pacte de Varsovie, le secrétaire d’Etat James Baker, en juin 1991 à Berlin, déclarait : « Notre objectif est une communauté transatlantique allant de Vancouver à Vladivostok ». Ces propos furent à nouveau confirmés après les événements du 11-Septembre par Elisabeth Jones, chargée des relations eurasiatiques dans l’administration de Bush Junior, qui confirmait que l’Otan avait pour objectif de s’étendre en Europe de l’Est, au Caucase et en Asie centrale jusqu’aux frontières de la Chine.
A nouveau, et d’une manière encore plus précise, un représentant républicain, en charge des problèmes de sécurité et proche de la Maison-Blanche, a remis au gouvernement allemand en octobre 2002 une véritable feuille de route pour l’extension à l’est de l’UE et de l’Otan (cependant, la crise irakienne au sein de l’Alliance atlantique pourrait bien modifier le fonctionnement et l’existence de cette organisation). Selon le Financial Times Deutschland du 24 octobre 2002 (propos qui n’ont pas été démentis par la suite), l’objectif « d’une Europe libre et unie » doit s’articuler selon les modalités suivantes :
Après l’intégration de 10 Etats en 2004 à l’UE (Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie, Slovénie, Lituanie, Lettonie, Estonie, Chypre et Malte), il a été décidé par les autorités américaines que les pourparlers d’adhésion de l’Ukraine à l’Otan devraient commencer en 2004, suivis de la Serbie en 2005. Pour 2007, la Croatie et l’Albanie devront suivre. Enfin, ce haut-représentant anonyme américain souhaiterait voir la Turquie adhérer à l’UE pour 2007. Selon les termes mêmes du Financial Times Deutschland : « L’intégration complète des Balkans et de l’Ukraine dans les institutions euro-atlantiques doit être achevée pour 2010 ».
On constate que cette extension à l’est de l’UE rend pour l’instant service aux Etats-Unis. En première approche, la fragmentation du continent européen en régions comme l’indique la carte ne peut que convenir aux objectifs américains selon le vieil adage « Diviser pour régner », mais jusqu’à quand ? En effet, l’Allemagne bénéficiant d’une unité culturelle restera un bloc compact (en comptant les éléments autrichien et suisse alémanique, voir Balkans-Infos n° 66) à la différence de la France, des Balkans ou de la Turquie. Le seul problème résidera alors dans la répartition des rôles entre les mondes anglo-saxon et allemand. Pour le maintien de l’équilibre actuel, il serait nécessaire que Berlin continue d’accepter d’être le premier vassal de Washington en Europe. Mais compte tenu que l’Allemagne calque sa spiritualité politique sur le continent (fédéralisme et ethno-régionalisme), elle est en mesure d’imposer plus facilement ses volontés malgré ses problèmes économiques et démographiques (qui sont liés d’ailleurs). Or, les Anglo-Saxons n’ont jamais accepté dans le passé l’hégémonie complète d’un Etat en Europe, fût-ce la France de Napoléon Ier ou l’Allemagne d’Hitler. Le tout est de savoir si l’Allemagne ne sera pas prise, une nouvelle fois, du désir d’être calife à la place du calife selon le bon vieux « principe d’Iznogoud ».
« Le monde doit être unifié en une seule entité. » VGE
En tout cas, l’éclatement de l’Europe et la préparation d’une constitution fédérale européenne sous l’égide de Valéry Giscard d’Estaing ont pour objet lointain d’emboîter « l’expression géographique européenne » à une cité mondiale. Ou plutôt, une vaste fourmilière dont les membres n’auront plus conscience du pouvoir diffus qui les manipule. Déjà les premiers jalons se mettent en place. En effet, il faut bien garder à l’esprit que les dirigeants européens poussent à cette intégration mondialiste. Parmi tous les instituts européens, le Conseil des communes et des régions d’Europe (le CCRE) joue un rôle majeur. Avant même de citer le nom de son président et de révéler ainsi la duplicité du personnage, nous devons rappeler le fait suivant : le CCRE est à l’origine de la Charte de l’autonomie locale dont les prémices ont été exposées dans un rapport intitulé Les Institutions régionales en Europe, de l’Allemand au nom bien français, A. Galette. Cette charte accélère la fragmentation de l’Europe dans les domaines politique, économique et ethnique. Or, le vice-président du CCRE, l’Allemand Heinrich Hoffschulte, est en même temps président d’un groupe de travail à l’ONU qui élabore une Charte mondiale de l’autonomie locale en coordination avec les Associations mondiales des villes et autorités locales (le CAMVAL). Cette élaboration se fait aussi en liaison directe avec des instituts mondialistes qui fleurent bon les films de science-fiction comme, par exemple, la Fédération mondiale des cités unies (le FMCU). Dark Vador a sûrement sa place dans ce dispositif. Plus sérieusement, il s’agit d’harmoniser ce principe mondial avec la Charte de l’autonomie locale européenne. Comme le rappellent avec netteté leurs promoteurs : « La nécessité de développer des lois et des règlements nationaux qui précisent clairement le rôle et les responsabilités des pouvoirs locaux vis-à-vis des gouvernements nationaux et qui mettent en place une décentralisation effective et une véritable démocratie locale, qui s’appuient sur les principes d’autonomie, de subsidiarité et de proximité, a été également soulignée. Dans ce cadre, il a été recommandé que l’expérience acquise au cours de la mise en oeuvre de la Charte européenne de l’autonomie locale serve de base à la définition des principes-clefs du cadre constitutionnel ou légal d’une charte mondiale afin d’établir des systèmes démocratiques de gouvernement local ». Finalement, nous avons le vice-président d’un institut européen (le CCRE) qui passe à la vitesse supérieure pour finaliser à l’échelle mondiale un idéal ardemment défendu par de très hauts penseurs en des termes suivants : « Le monde doit être unifié dans ses régions avant d’être unifié en une seule entité. » Dernière précision, le président du CCRE s’appelle… Valéry Giscard d’Estaing.


Pierre Hillard est l’auteur de Minorités et Régionalismes, Enquête sur le plan allemand qui va bouleverser l’Europe, aux éditions François-Xavier de Guibert.

Avec l’aimable autorisation de Balkans-Infos.

mardi 28 juin 2011

L'imposture de 1936


Les “conquêtes” du Front populaire… Laissez nous rire ! Tout justes des mesures, certes pas mauvaises, mais accordées par des démagogues aux abois à des semeurs de troubles beaucoup plus désireux d'exploiter la misère ouvrière que de lui porter remède. En fait, plusieurs des lois votées en 1936-1937 auraient pu l'être depuis longtemps, si les débats n'avaient été bloqués par… la gauche, et, bien souvent, le centre.

À cela rien d'étonnant pour quiconque fait remonter la question sociale à sa véritable origine, c'est-à-dire 1789. Il s'est agi cette année-là de conditionner les Français à être “libres”, libres non plus au rythme des vieilles libertés, naturelles, familiales, corporatives, provinciales, paroissiales, mais de la “liberté” d'hommes sans attaches et sans transcendance, réduit à l'état d'individus, libres de tout, même de mourir de faim. Cet individualisme forcené eut sa charte dans la Déclaration des droit de l'homme du 26 août 1789, au nom de laquelle furent votés, deux ans plus tard, le décret d'Allarde supprimant les corporations et jurandes, ainsi que les maîtrises, les octrois et aides, et surtout ce monstre de sottise que fut, le 14 juin 1791, la loi Le Chapelier.

De ce jour, l'historien Jean Dumont a daté le commencement d'un “martyrologe ouvrier”. Car la loi fut votée sur fond de répression de grèves d'ouvriers réclamant du pain ! Les décennies qui suivirent furent celles de la révolution industrielle : plus les patrons devenaient puissants, plus l'ouvrier restait isolé. Le travail devient une marchandise dont le prix variait selon le mécanisme de la libre concurrence. Le règne absolu de Mammon….avec le retour à l'esclavage : enfant de dix ans douze heures par jour à l'usine, hommes et femmes trimant quatorze à seize heures par jour pour des salaires de misères, pas même de repos dominical, menace constante de chômage…


Pratiquement personne dans le monde politique ni dans celui des affaires n'avait conscience de la cruauté d'un tel sort. C'était l'avènement du libéralisme, cette philosophie issue des principes de 1789, fondée sur la raison individuelle divinisée, toute tournée vers l'exaltation de l'individu, considérant toute solidarité comme une contrainte, et professant que de la recherche par chacun de son bien particulier sortirait le bien général, comme si le “Progrés” faisait automatiquement concourir l'addition des égoïsmes à l'intérêt général.
 
Dans ce monde soumis à la loi d'airain, et, qui plus est, en train de se déchristianiser, apparut au XIXème siècle le socialisme, lequel n'était qu'un avatar du libéralisme profitant de la destruction des sociétés concrètes pour préconiser l'étatisme, la lutte des classes, et pour les plus “avancés”, l'idée que seule la violence peut arracher aux patrons des concessions. Pour quiconque s'enferme dans une telle optique, le Front populaire peut évidemment apparaître comme une victoire du “peuple” …Lequel déchantera bien vite !


Il serait temps de rendre justice à ceux qui, les premiers, voulurent briser cette spirale infernale, et a qui les classes laborieuses ne savent pas qu'elles doivent beaucoup plus qu'aux hommes de 1936. N'oublions jamais que le premier grand texte social date du 20 avril 1865, deux ans avant le Capital de Karl Marx ; il émanait de l'héritier des Capétiens, Henri V, Comte de Chambord, et, sous forme d'une lettre sur les ouvriers, réclamait contre les nouveaux féodaux la reconstitution de corporations libres, sous l'arbitrage d'un Etat fort et indépendant. En somme, des organisatins de métiers, au sein desquelles, dans la complémentarité des services, patrons et employés se rencontreraient pour résoudre, dans le souci du bien commun et sans tout attendre de l'Etat, les questions relatives aux salaires, aux heures de travail, à l'entraide, aux caisses de retraite, à l'apprentissage, etc.


Ces leçons réalistes, tirées de la grande tradition royale et chrétienne, ne furent hélas pas écoutées par ceux qui, contre pourtant une forte opposition de gauche, votèrent en 1884 la loi Waldeck Rousseau autorisant les syndicats, mais sans préciser si ceux-ci seraient verticaux, donc mixtes, ou horizontaux, purement ouvriers, additionnant des individualismes dans un esprit de lutte des classes. C'est hélas ce mauvais esprit qui prévalut à une époque où, de toutes façons, les pères ou grand-pères des hommes de 36 se souciaient beaucoup plus de créer l'école laïque pour apprendre au peuple à penser “républicain”, que d'aider ce même peuple à vivre décemment dans ses familles, ses usines et ses ateliers.

Toutefois, les grandes idées lancées par le Comte de Chambord ne restèrent pas lettre morte, toute une cohorte de catholiques sociaux en était imprégnée : Frédéric Le Play, Maurice Maignen, Albert de Mun et surtout René de la Tour du Pin, marquis de la Charce, militèrent pendant des décennies pour un ordre social chrétien. Ils aidèrent largement le pape Léon XIII dans la préparation de son encyclique Rerum novarum (15 mai 1891) qui, juste un siècle après l'ignoble loi Le Chapelier, dénonçait la “misère imméritée” et rappelait aux Etats leur devoirs de laisser se constituer des organisations professionnelles.

Qu'en conclure, sinon que comme apôtre du combat social, les bavards du Front populaire font bien pâle figure, et même une inquiétante figure…, comparés aux Français fidèles aux grandes traditions capétiennes.

Michel FROMENTOUX http://www.royalismesocial.com/

lundi 27 juin 2011

Les obsèques de Jacques Bainville :

J'ai passé de nombreux après-midi avec Pierre Becat, durant lesquels nous parlions des heures interminables sur ses souvenirs d'Action Française.De Pierre de Bénouville (résistant) et Jacques Renouvin (résistant, mort en déportation), anciens Camelots du Roi, qu'il avait bien connu, du Comte de Paris et tant d'autres souvenirs. Les lecteurs de Proudhon, les esprits libres y trouveront matière à réfléchir. Bref ceux qui tournent le dos au prêt à penser, qu'ils soient de sensibilité de gauche comme de droite, pourvu qu'ils aient encore dans les veines un sang "rebelle" face au monde uniforme qui approche. C'est en pensant à lui, que je publie ici quelques lignes ou nous retrouvons toute son analyse parfaite des évènements qui de la Révolution à aujourd'hui, illustrent la décadence  Française...  
La mort du maître de l'Empirisme Organisateur, méthode d'analyse historique, qui servira au gouvernement, d'occasion pour dissoudre les Ligues.
Cet empirisme qui annonçait la guerre arrivant, faisant suite aux clauses du mauvais traité de Versailles, "plus dure dans ce qu'il devait être tolérant et plus tendre dans ce qu'il devait être intransigeant....".
Comment l'absence de stratégie et le manque de diplomatie, précipitèrent l'Italie dans les bras d'Hitler, au nom de belles idées utopiques, annonciatrices de charniers...
Frédéric Winkler                  
 
                                          LES OBSEQUES DE JACQUES BAINVILLE 
Les obsèques de Jacques Bainville, écrivain, historien, jour­naliste, de l'Académie Française, ont eu lieu le 13 février 1936. Le corps du défunt avait été exposé dans la cour de l'immeuble où il habitait, rue de Bellechasse.A midi, dans ce local trop étroit pour contenir tous ceux qui s'y pressaient, deux discours furent prononcés : l'un par Léon Daudet, au nom des amis du défunt, l'autre par Me Henri Ro­bert, directeur de l'Académie Française, parlant à titre person­nel et en tant que représentant de l'illustre compagnie.
«La mort de Jacques Bainville, commença Henri Robert, est pour tous ceux qui l'ont connu, aimé et admiré, un sujet de profonde tristesse. Certes, nous le savions malade, atteint aux sources mêmes de la vie, mais nous voulions espérer quand même. II nous donnait l'exemple, en luttant avec un indompta­ble courage, un magnifique stoïcisme contre le mal qui le tor­turait. II avait auprès de lui, pour l'aider dans ce dur combat, sa femme dont les soins attentifs et l'inlassable dévouement réussirent par une sublime conspiration, à l'arracher plusieurs fois à son cruel destin.»
«Sa femme et son fils, ses confrères et ses amis ne sont pas les seuls à ressentir profondément la perte douloureuse qu'ils viennent de subir. Les Lettres françaises sont aussi en deuil. Maurice Donnay, en le recevant à l'Académie, a fait de notre confrère un magistral et définitif éloge.» «Dans les tristes circonstances présentes, je ne puis qu'évo­quer son oeuvre. Jacques Bainville a écrit des livres qui ont con­sacré sa grande réputation, et il est toujours resté fidèle au journalisme dans lequel il avait fait ses débuts, alors qu'il sortait à peine du lycée, en écrivant à Francisque Sarcey une lettre que celui-ci inséra dans Le Temps. Voir pour la première fois son nom imprimé dans les colonnes d'un grand journal, quelle joie et quel orgueil pour un collégien. Ce simple fait dé­cida peut-être de sa vocation... »
Après ce discours qu'il serait trop long de reproduire en en­tier, Léon Daudet poursuivit : 
  «C'est comme vis-à-vis quotidien de Jacques Bainville, à no­tre table commune de travail de l'Action Française depuis vingt-huit ans, que je viens apporter à l'admirable veuve et au fils de notre cher ami, le suprême témoignage de notre douleur et aussi de notre fierté. Fierté que peuvent partager tous les collaborateurs de ce grand écrivain qui fut aussi un grand pa­triote.»«Eadem velle eadem nolle ea est vera amicitia. Vouloir les mêmes choses, ne pas vouloir les mêmes choses, voici la vérita­ble amitié. La fidélité amicale de Bainville était connexe à la fidélité de ses convictions politiques. II disait de Charles Maur­ras qu'il lui devait tout sauf le jour. Cette formule pourrait être celle de la plupart d'entre nous. Tant de peines profondes et aussi de joies et de certitudes en commun ont créé entre nous, les maurrassiens, une solidarité que la mort même ne saurait anéantir. » «S'il est vrai que l'amour est plus fort que la mort, cela n'est pas moins vrai de l'amitié et au-delà des tombeaux quand il s'a­git d'écrivains et d'hommes d'action, celle-ci se continue par leurs oeuvres, par leurs actes, par leurs intentions fraternelles.» «Amis, nous le fûmes dans la patrie, dans la France, notre mère, dont les dangers, les risques nous apparurent ensemble. Historien né, objectif et clairvoyant, pressentant les effets dans les causes comme un Thucydite et un Fustel de Coulanges, Bainville était atteint de cette transe des époques troubles : l'angoisse pour le pays. II n'était pas de jour qu'il ne m'en par­lât ou n'y fît allusion. Poète par surcroît et de l'esprit le plus vif, le plus spontané, il voyait, navigateur des âges écoulés, monter à l'horizon les points noirs, annonciateurs de la tempê­te.»«Un article de lui dans la revue d'Action Française du 14 juillet 1914, intitulé Le Rêve serbe, annonce avec précision et clarté le mécanisme de la guerre européenne qui vient.»...«Sa plume ne tomba de ses mains qu'à la dernière minute. Jusqu'à ses derniers moments il s'entretint avec nous des sujets les plus divers, de ceux surtout qui lui tenaient au coeur. Cela nous permettait à nous, les collaborateurs de chaque jour, de lui cacher notre inquiétude.» 
«La veille de sa mort, il s'occupait avec Maurras de La Bruyè­re et il nous parlait de ses projets. Une seule plainte : quand pourrai-je reprendre avec vous nos petits dîners d'amis.»«Cher Bainville, tendre, délicat, grandiose ami, jusqu'à l'heu­re d'aller vous rejoindre, quand nous aurions dû vous précéder nous ne cesserons de penser à vous, de vous pleurer, de prier pour vous. »
Depuis lors, les événements n'ont fait que confirmer ce que nous savions déjà. Jacques Bainville était un esprit prophéti­que. C'est dans l'étude du passé, dans les profondeurs de l'Histoire qu'il lisait l'avenir. Entre autres prévisions, il avait annon­cé, sept ans à l'avance, l'avènement d'Hindenbourg à la prési­dence de la république allemande. Peut-être alors, disait-il, me­surera-t-on l'aberration de notre politique.L'aveuglement de nos politiciens n'en persista pas moins. Et Hindenbourg eut toute latitude pour préparer la revanche en laissant la place à Hitler.La France était alors dans une de ces périodes tragiques, qui n'était pas la première depuis la Révolution et ne devait pas être la dernière, où chacun sent la catastrophe imminente, mais rares sont ceux qui osent l'annoncer. Cette sorte de léthargie permet aux gouvernements républicains de lancer le pays dans une guerre de diversion. Après quoi, il est interdit de douter de la victoire, faute d'être défaitiste. Et quand la défaite sur­vient, laissant la France humiliée et meurtrie, les responsables s'en tirent en passant le fardeau aux innocents dont ils feront ensuite leurs accusés et leurs victimes.
C'était l'époque où Maurras écrivait : L'amour de l'Allema­gne est une des maladies de la gauche française. Pourquoi ? Par­ce que l'entreprise politique à laquelle la gauche, bon gré, mal gré, consciemment ou non, se trouve associée, est une entrepri­se d'anarchie et de barbarie dont les frais doivent être payés par tous les Français. La haine du passé français voue la gauche à cette fonction.La gauche s'était lancée dans une campagne acharnée contre Mussolini, notre allié le plus naturel, qui avait jusqu'alors em­pêché l'Anschluss en mobilisant sur le Brenner. Quant à l'Hi­tlérisme, elle ne s'en préoccupait point. Elle était même per­suadée qu'en abandonnant la Sarre au Reich et en laissant les Allemands réoccuper la rive gauche du Rhin on aboutirait à une paix certaine.«Les chefs socialo-démocrates et communistes ont ruiné la propagande nazie», écrivait Léon Blum dans le Populaire du 12 janvier 1934.En fait, le plébiscite apportait à Hitler 90 % des votants. Confirmation aveuglante des résultats précédents qui n'avaient en rien modifié l'attitude des mêmes politiciens. C'est ainsi que dans le Populaire du 18 janvier 1932, on avait pu lire ces lignes, sous la même signature :«II est infiniment peu pro­bable qu'une fois installé au gouvernement Hitler se livre à des provocations directes soit vis-à-vis de la France, soit même vis­à-vis des puissances de l'Est. Révolutionnaire, il s'incline au­jourd'hui devant la légalité allemande; il s'inclinera demain de­vant la légalité internationale.»
Or, en 1933 Hitler quittait la Société des Nations.
En mars 1935, il déchirait le Traité de Versailles et annonçait le réarmement de l'Allemagne.
En mars 1936, dénonçant le pacte de Locarno, il réoccupait en force la rive gauche du Rhin.
Seul, le député socialiste M. Grumbach, dans le Republikaner de Mulhouse, sans doute parce qu'Alsacien, se ralliat aux dé­monstrations de Bainville. II s'était rendu compte que la victoi­re électorale des racistes de Hitler en Saxe avait coïncidé avec notre évacuation de la Rhénanie.En juin 1936, c'est l'avènement du Front Populaire. Hitler, complètement rassuré, se pose en défenseur de l'Italie à qui le gouvernement de la France applique rigoureusement «les sanc­tions», au sujet de l'Ethiopie. Seul, jusqu'alors, Mussolini s'é­tait opposé à l'Anschluss, en mobilisant sur le Brenner en 1934. Désormais, il restera neutre. Hitler, n'ayant rien à redou­ter de la part de la France, décidera la réunion de tous les pays de langue allemande et occupera l'Autriche le 13 mars 1938.
Après avoir réussi son coup de force en Tchécoslovaquie, oc­cupé Mémel, postérieurement aux accords de Munich, renforcé son alliance avec l'Italie et signé le pacte de neutralité germano-soviétique.Hitler se voit déclarer la guerre par le Front Po­pulaire, au moment même, comme l'a dit Maurras, où il n'at­tendait que cela.Devant cette veulerie de l'Etat démocratique français, Bainville avait écrit avant sa mort :"Il ne sert à rien d'avoir raison.»
Livrant au jour le jour le fruit de ses méditations, Jacques Bainville parlait peu, sauf avec quelques intimes : Léon Dau­det, Maurras, Léon Bérard et certains autres qui ne concluaient pas comme lui à la nécessité de la monarchie, tel Raymond Poincaré qui était un de ses lecteurs assidus et un de ses admi­rateurs.Je n'ai pas oublié pour ma part une conversation prolongée que j'ai eu la chance d'avoir avec lui, après la parution de ses deux ouvrages que j'aime le moins : son Histoire de la Troisiè­me République et son Napoléon. 
C'était dans son bureau de l'Action Française où il m'atten­dait seul pour m'entretenir d'une question juridique. L'essen­tiel étant dit, il me parla de Sainte-Beuve qui me parut être son auteur préféré. Ce grand observateur, dit-il, qui savait que l'homme à toutes les époques et dans tous les siècles se ressem­ble, qu'il a les mêmes passions, qu'il raisonne et se comporte de la même manière dans les mêmes cas.A son école, on ne croit pas que l'humanité date d'hier, qu'elle est différente aujourd'hui de ce qu'elle était autrefois, que les révolutions, les chemins de fer, le téléphone l'ont trans­formée. L'homme vit entre les convulsions de l'inquiétude et la léthargie de l'ennui. C'est à peu près le rythme de l'Histoire qui rend compte des évolutions et des guerres. L'homme ne change pas et il a besoin de gouvernements qui l'aident et le protègent. Ainsi que Napoléon, il considérait les institutions de l'Ancienne France comme les meilleures qui aient existé et qu'il suffisait, à chaque génération, de moderniser.
Encore jeune, Bainville n'avait pas atteint son apogée. Mais sa notoriété et son influence étaient telles qu'autour de son cercueil, au premier rang de l'assistance se pressaient les plus hautes personnalités de la politique et des lettres...Dans le cortège, précédé de deux chars remplis de fleurs et de couronnes, dont celles du duc et de la duchesse de Guise, on distinguait les très nombreuses délégations des journaux, avec entre autres. Lucien Romier, Henri Massis, Louis d'Har­court. Charles Maurras et la reine Amélie du Portugal suivaient aussitôt après la famille.
Tandis que cet imposant cortège s'engageait sur le Boulevard Saint-Germain, toutes sortes de délégations massées sur les côtés du boulevard et faisant la haie, se joignaient aussitôt à lui. De la rue de Bellechasse à la rue de l'Université, aux abords du Métro Solférino, les ligueurs de Paris et de la banlieue afflu­aient, ainsi que le groupe nombreux et discipliné des étudiants venus de la rue de l'Université et de la rue de Lille. La popula­tion parisienne, dans le plus profond recueillement, se décou­vrait devant cet impressionnant cortège qui défilait dans le plus profond silence.C'est alors que se produisit un incident qui devait avoir de graves répercussions sur la politique extérieure de la France. Tandis que Léon Blum, sortant de la Chambre des députés, regagnait en voiture son domicile, il se heurta au cortège funèbre.Le chauffeur prétendit qu'il avait stoppé aussitôt, mais reçu l'ordre de forcer le cortège. Indignés, des protestataires, dont certains n'étaient que spectateurs, s'interposèrent et cas­sèrent les vitres de la voiture. Léon Blum reçut des ecchymoses au visage et se fit conduire à l'Hôtel Dieu où il fut pansé immé­diatement.
Quand il revint à la Chambre des députés, avec une mise en scène bien orchestrée, il fut accueilli par son parti aux cris de «Dissolution des Ligues». Et Albert Sarraut, ministre de l'Intérieur, fit signer, par le président fantôche Albert Lebrun, la, dissolution de toutes les organisations d'Action Française que suivit celle de toutes les ligues nationales.Dans la situation inextricable où se débattait alors le gouver­nement, au lendemain des émeutes du 6 février et à la veille de la préparation du Front populaire, dans la contexture d'une politique étrangère tendancieuse, il faut une explication logi­que.II semble exclu que Léon Blum, qui n'aimait ni la foule ni la bagarre, ait lui-même poussé son chauffeur à forcer un cor­tège funèbre, dans des conditions qui ne pouvaient que lui nui­re. D'un autre côté, qui avait donné l'ordre au chauffeur d'aller de l'avant ? Léon Blum n'était pas seul dans la voiture et il sem­ble bien qu'elle ait été téléguidée. C'était d'ailleurs l'avis de Jean Chiappe qui s'y connaissait sur ce genre de complots.Au surplus, pour masquer les lugubres reflets de ce tableau déprimant, une certaine presse a prétendu que le chef socialiste molesté avait été délivré par un groupe d'ouvriers qui travail­laient non loin de là.Or, cela n'a jamais existé.D'abord, il était plus de midi et de­mi, heure à laquelle les ouvriers ne sont pas au travail. En se­cond lieu, les étudiants, ligueurs et membres du cortège n'ont porté la main sur aucun des occupants de la voiture. Les agents survenant n'ont procédé à aucune arrestation. Et d'ailleurs, jeunes et nombreux comme ils l'étaient, les protestataires, s'ils l'avaient voulu, auraient fait voltiger comme un hochet la voi­ture et ses occupants. Enfin, qu'auraient pu faire à leur encon­tre quelques ouvriers qui seraient intervenus?
II y avait là Ma­xime Réal del Sarte et sa redoutable équipe.
Evidemment, cela fait bien de pouvoir dire que des ouvriers sont intervenus en tant que sauveteurs d'un chef socialiste en danger, comme si les socialistes avaient le monopole de la clas­se ouvrière qui, à Paris, on le voit aux élections municipales, est plutôt nationaliste.D'ailleurs, Léon Blum n'était pas député de Paris. Mis en échec dans la région parisienne, il s'était fait élire à Narbonne. Mais depuis la spoliation des entreprises de presse, on nous fa­brique une petite histoire qui s'enracine peu à peu dans les es­prits.A vrai dire, il. fallait un prétexte pour dissoudre les ligues na­tionales qui s'insurgeaient contre une politique qui conduisait à la guerre. C'est Mandel qui disait que les démocraties ne se préparent à la guerre que si l'on les y engage d'abord.Pour éviter un nouveau 6 février, il fallait procéder à la disso­lution des ligues et trouver un prétexte à cet effet. Le régime ne manquait pas de moyens. Mais il sortait amoindri des émeu­tes sanglantes, la disparition de Stavisky, du Conseiller Prince hantait encore toutes les mémoires. Les forces occultes de la république se sont rabattues sur un procédé macabre, sans se dissimuler pour autant que le stratagème aurait pu mal tour­ner.   
Pierre Becat ( Regards sur la Décadence )    http://www.actionroyaliste.com/ 

vendredi 24 juin 2011

MAI 45 EN ALGERIE : STOP AUX MANIPULATIONS HISTORIQUES !

Correction de la vérité trafiquée par une connivence franco-algérienne
À l’approche du mois de juillet, qui est une période de nostalgie noire pour beaucoup de Français et Européens rapatriés d’Algérie en 1962, nous ne revenons pas sur cette date, qui clôt – dans la malheur - un cycle. Nous avons choisi plutôt un épisode historique, antérieur de deux décennies.
Des historiens en ont fait – peut être à tort - l’ouverture de ce cycle. Pour en exagérer l’importance, des esprits partisans n’ont pas hésité, de part et d’autre de la Méditerranée, à maquiller la matière, à la recherche d’oreilles complaisantes ou naïves. Un film français récent, promu par des acteurs d’origine maghrébine, participe de cette manipulation.
Il nous a semblé que l’auteur de l’ouvrage récent, que nous vous présentons - « Sétif – Guelma Mai 1945 – Massacres en Algérie » -  conciliait dans ces travaux les qualités se raréfiant par les temps qui courent, dans une discipline où elles devraient être les premières exigences : la soumission aux faits, la probité intellectuelle et l’empathie équilibrée. Cela méritait de faire connaître son travail.
Guilhem Kieffer: Le livre, que vous publiez sur les événements de mai 1945 en Algérie, a été bien accueilli par la critique et les historiens. Il  a reçu le prix Robert Cornevin, décerné par l'Académie des Sciences d'Outre-mer. Pourtant, ce sujet a déjà fait couler beaucoup d'encre. Pourquoi un nouvel ouvrage sur ce thème ?
Roger Vétillard: Il s'agit en effet du quatorzième ouvrage sur ce sujet. Il traite des événements de Sétif survenus en 1945 qui, curieusement depuis une quinzaine d'années, reviennent chaque année sur le devant de la scène médiatique. Évidemment, pour moi qui suis né à Sétif et qui ne suis pas historien, ces faits m'ont interpellé.
J'ai voulu en savoir plus et je me suis mis à la recherche des témoins et des documents inédits. Et j'ai constaté que beaucoup de choses affirmées à ce sujet sont inexactes. J'apporte aussi des éléments nouveaux sur plusieurs points importants, ma connaissance des lieux et des gens, une analyse des publications précédentes, une bibliographie importante.
Guilhem Kieffer: Pouvez-vous rappeler ce que furent ces événements ?
Roger Vétillard: Nous sommes au temps de l'Algérie Française. Le 8 mai 1945,, jour de la capitulation de l'armée allemande, à Sétif ville de 45000 habitants, à 300 km à l'est d'Alger, une manifestation autorisée des groupements indépendantistes musulmans, à la suite d'un affrontement avec les forces de l'ordre, tourne à l'émeute et au Djihad. 89 Européens sont tués à Sétif et dans les villages environnants.
À Guelma, 160 km plus à l'Est, les choses sont un peu différentes. La manifestation indépendantiste est interdite. Les forces de l'ordre tentent de l'interrompre, des Musulmans sont tués. Le sous-préfet André Achiary, en l'absence de l'armée, devant un risque qu'il surévalue, crée une milice d'autodéfense, comme la loi l'y autorise, et un tribunal de guerre.
Celui-ci va faire procéder à l'interpellation de plus de 3 000 Musulmans. La plupart seront relâchés, mais plusieurs seront condamnés à mort et exécutés. Dans les campagnes environnantes, les fellahs se révoltent et tuent une vingtaine d'Européens. L'armée intervient dans les deux régions: la répression est terrible. Elle fait plusieurs milliers de morts. Vraisemblablement 4 000 à 7 000, loin des 45 000 annoncés par l'histoire officielle algérienne.
Guilhem Kieffer: Parmi ces éléments nouveaux quels sont ceux qui sont importants ?
Roger Vétillard: Le plus important, historiquement parlant, c'est l'information qui avait été oubliée : le premier mort à Sétif, ce 8 mai 1945, est un Européen, tué dès avant 7 heures du matin. Jusqu'ici, l'histoire avait retenu que, à la suite des premiers incidents, il y avait eu, vers 9 heures, des morts musulmans et européens. Certains disent qu'il n'est pas possible de savoir avec certitude qui est le premier mort. Les Algériens parlent de Saal Bouzid, le porte-drapeau.
Non seulement, je détruis la légende de Saal Bouzid, porte-drapeau et scout (il n'était ni l'un ni l'autre ; le porte-drapeau était Aissa Cheraga) mais, en plus, j'apporte des témoignages et des documents qui permettent de penser, avec une quasi-certitude que, dès 7 heures du matin au moins, un français (Gaston Gourlier), voire même deux, ont été tués par les insurgés.
Car, il y a eu une tentative de soulèvement à l'initiative du PPA (Parti du Peuple Algérien de Messali Hadj). J'en fais la démonstration. On ne peut plus dire que ces événements ont résulté d'une provocation des forces de l'ordre françaises, qui sont intervenues face à des manifestants pacifiques et désarmés.
Et j'apporte des éléments, que je crois décisifs, permettant de penser que le préfet, André Lestrade-Carbonnel, qui a été accusé, surtout par les médias algériens, des pires méfaits lors de la répression, n'a aucune responsabilité particulière, sinon celle d'avoir sous-estimé les signes avant-coureurs qui annonçaient le prochain soulèvement.
Je souligne que les territoires concernés sont vastes comme trois départements français et que parler des « massacres de Sétif » est inadapté. Parlerait-on des massacres d'Orléans si 109 morts avaient été dénombrés dans le Loiret, le Loir et Cher et l'Eure et Loire, mais seulement 28 à Orléans ?
Enfin, je rappelle que, s'il y a eu une répression démesurée qui a touché souvent des innocents, alors que les responsables avaient mis leurs familles à l'abri, il est fondamental de préciser que cette répression n'a eu lieu que là où la communauté européenne a été agressée. S'il y  avait eu provocation programmée des autorités françaises, cette répression ne se serait pas arrêtée à ces seuls endroits.
Guilhem Kieffer: Pourquoi revenir sur des faits qui se sont produits il y a maintenant 66 ans ?
Roger Vétillard: Il faut savoir qu'il y a, à ce propos une controverse sérieuse entre l'histoire officielle algérienne et les historiens français. Curieusement d'ailleurs, une partie des médias français reprend, sans se poser de questions, la dialectique algérienne. Ces gens, en dépit de tout ce qui a été écrit sur ce sujet par des historiens français et algériens, de ce que les milieux informés algériens pensent, de ce que les témoins et les documents disent, continuent de soutenir que c'est une manifestation pacifique des musulmans qui a été réprimée sans raison et qui a fait 45 000 morts. Ce serait un véritable génocide.
Or la plupart des historiens français sérieux, spécialistes de l'histoire de l'Algérie, de Guy Pervillé à Jacques Frémeaux, de Gilbert Meynier à Daniel Lefeuvre, Jacques Valette, Jean-Jacques Jordi et même Benjamin Stora, ne me contredisent pas sur ces points : il n'y a pas eu 45 000 morts (mes estimations sont inférieures à 7 000) ; la manifestation de Sétif n'était pas interdite ; les manifestants étaient armés et il n'y a pas eu de provocation des forces de l'ordre. Si provocation il y a, elle est le fait des indépendantistes.
Pourtant, c'est sur ces données erronées que la Fondation algérienne du 8 mai, initiée par Bachir Boumaza, personnalité politique algérienne de premier plan à la fin des années 80, réclame la condamnation de la France pour crime contre l'humanité. Et je fais l'analyse suivante : c'est pour des raisons intérieures que cette fondation a été créée, afin de dire aux Kabyles, qui ont donné l'essentiel des participants à ce soulèvement, qu'ils étaient parmi ceux qui avaient suscité la création de la nation algérienne  et qu'il ne pouvaient pas vouloir l'autonomie de leur région et, à plus forte raison, l'indépendance.
Il est dit aussi aux islamistes, dont on rappellera qu'ils étaient en passe de gagner les élections législatives en 1991, après avoir gagné les municipales, que les hommes au pouvoir avaient, eux aussi, participé à un Djihad et, enfin, à ceux qui prônaient un rapprochement avec la France qu'elle avait été à l'origine de massacres importants.
L'Algérie est, en ces années 90, au bord de l'implosion et cette revendication, qui dirige les regards vers le bouc émissaire facile que constitue l'ancien pays colonisateur, permet de ressouder les diverses composantes des communautés nationales autour d'un projet commun.
Et puis j'écris certes pour les lecteurs d'aujourd'hui, mais, surtout, pour l'histoire, afin que des informations et des analyses inédites ne tombent pas dans l'oubli.
Guilhem Kieffer: Avez-vous un nouveau sujet d'études ?
Roger Vétillard: Je termine un travail de recherches sur une période tout aussi dramatique de l'histoire de l'Algérie : les journées d'août 1955, dans le nord-constantinois, qui constituent pour moi, vraisemblablement, un tournant dans la guerre d'Algérie. Peut-être même dans l'histoire des 50 dernières années dans le monde, celles qui voient le terrorisme acquérir des lettres de légitimation. Le livre devrait paraître avant la fin de l'année 2011.
Source : Metamag (Merci à Jean-Pierre) http://www.legaulois.info/


Sétif Guelma mai 1945 Massacres en Algérie de Roger Vétillard aux Éditions de Paris 605p à 39 €

Le "massacre" serbe de Racak n'a jamais eu lieu

Le prétexte qui a justifié le bombardement de la Yougoslavie était un énorme mensonge

La Dr Helena Ranta, responsable de l'équipe d'enquêteurs sur le terrain, révèle comment elle a été obligée de confirmer la version officielle d'une sinistre mise en scène.
Helena Ranta, une spécialiste finlandaise de médecine légale de renommée mondiale, âgée de 62 ans, vient de publier sa biographie à Helsinki, écrite avec l’aide de Kaius Niemi, un des directeurs du journal Helsingin Sanomat. Elle était la responsable de l’équipe d’enquêteurs internationaux chargée sur place du rapport sur les événements qui s’étaient déroulés dans le village de Racak, au Kosovo, où 45 cadavres avaient été découverts en 1999. La sinistre trouvaille avait été immédiatement transformée par les médias occidentaux en un massacre de civils albanais attribué aux Serbes, suscitant l’indignation mondiale, et servant de prétexte justificatif du bombardement de la Yougoslavie. Dans son livre, Helena Ranta fait des révélations spectaculaires sur les pressions qu’elle a subies pour accréditer la fausse version de la culpabilité serbe, faisant ainsi voler en éclats un des plus grands mensonges de la guerre dans les Balkans.
Elle y raconte que William Walker, le chef américain de la mission de l’OSCE au Kosovo pendant l’hiver 1998-1999, a brisé son crayon en bois et lancé les morceaux à sa figure, furieux des conclusions de son rapport, qui n’avaient pas utilisé “un langage suffisamment convaincant” à propos des atrocités serbes. Elle y décrit les pressions de trois fonctionnaires du ministère finlandais des Affaires étrangères qui exigeaient d’elle “des conclusions plus approfondies”. “J’ai conservé leurs e-mails” a-t-elle dit à son éditeur à Helsinki.
Une déclaration imposée
En 1999, elle avait été obligée de déclarer à la presse “oui, il s’agit d’un crime cotre l’humanité”. Mais le journaliste finlandais Ari Rusila, expert pour les Balkans, écrit dans un article sur le livre d’Helena Ranta que, pendant son enquête, elle avait voulu que ses résultats ne soient en faveur ni des uns ni des autres et avait essayé de se soustraire aux infleunces politiques, mais que, dès le début, elle travaillait sous une intense pression de sa hiérarchie et des médias. Les autorités voulaient qu’elle prouve que les coups de feu ayant tué les victimes étaient les coups de grâce d’une exécution. L’objectif de Walker était d’aider l’UCK et de mettre en scène un massacre attribué aux Serbes permettant l’intervention militaire des Occiden-taux, qui s’est produite au printemps 1999.
Ranta précise que le chef à l’époque de la section politique du ministère, Pertti Torstila, aujourd’hui secrétaire d’Etat, lui a demandé de retirer de son rapport un commentaire “modérément critique” de la politique du gouvernement. Torstila a démenti cette affirmation en se prétendant “stupéfait”.
L’intérêt de ces révélations est qu’elles confirment de façon définitive des doutes qui se manifestaient déjà à l’époque. Un article du 1er février 2001 de FAIR (Fairness & Accuracy in Reporting – Equité et exactitude dans le reportage) fait état du black-out des médias à leur propos. Il revient sur le déroulement des faits.
Un “horrible massacre”
En janvier 1999, William Walker annonce que les soldats serbes ont massacré 45 Albanais du village de Racak. Il qualifie la tuerie d’“horrible massacre”, précisant que les victimes étaient toutes des civils, brutalement exécutés, certains d’entre eux même mutilés après leur mort.
Une fois l’histoire du massacre évoquée dans ses plus bouleversants détails par les grands médias du monde entier, la poussée vers la guerre s’est intensifiée et les alliés européens hésitants ont fait un pas décisif en ce qui concernait l’autorisation de frappes aériennes. Selon un article du Washington Post du 18 avril 1999, “Racak a transformé la politique balkanique de l’Occident comme peu d’événements isolés ont pu le faire.”
Des doutes font surface
Des questions troublantes ont pourtant vite vu le jour, mettant le massacre en doute et évoquant la possibilité que l’incident ait été manipulé pour pousser l’OTAN à la guerre, mais elles ont été complètement ignorées par les médias américains de l’époque.
Des articles importants de correspondants chevronnés en Yougoslavie s’interrogeant sur la version de William Walker ont pourtant été publiés par des journaux français comme Le Figaro (“Nuages noirs sur un massacre”, 20/1/99), et Le Monde (“Les morts de Racak ont-ils réellement été massacrés de sang-froid ?”, 21/1/99). Le quotidien allemand Berliner Zeitung a rapporté, le 13/3/99, que plusieurs gouvernements, dont l’Allemagne et l’Italie, demandaient à l’OSCE de renvoyer William Walker, à la lumière d’informations reçues de contrôleurs de l’OSCE au Kosovo selon lesquelles les corps de Racak “n’étaient pas – comme le prétend Walker – des victimes d’un massacre serbe de civils” mais ceux de combattants de l’UCK tués au combat.
Un rapport occulté pendant deux ans
Le Sunday Times de Londres (12/3/99) a écrit que l’équipe d’observateurs américains de Walker travaillait secrètement avec la CIA pour pousser l’OTAN à la guerre. Selon le journal, “Les diplomates européens collaborant à l’époque avec l’OSCE affirment avoir été trahis par une politique américaine rendant les frappes aériennes inévitables.”
Après le massacre, l’Union européenne a embauché l’équipe de scientifiques finlandais dirigée par Ranta pour enquêter sur les morts. Son rapport a été gardé secret pendant deux ans. Les médias US l’ont ignoré, malgré le fait que le rapport ait conclu qu’il y avait eu en effet des morts à Racak, mais qu’il n’y avait aucune preuve de massacre.
Selon le Berliner Zeitung du 16/1/01, les enquêteurs finlandais n’ont pas pu établir que les victimes étaient des civils, s’ils étaient de Racak, ni où ils avaient été tués. De plus, ils n’ont trouvé qu’un seul cadavre montrant des traces d’exécution, et aucune preuve que des corps aient été mutilés. Le journal précise que ces conclusions avaient été finalisées en juin 2000, mais qu’elles ont été occultées par l’ONU et l’UE. Aucun journal américain n’en a parlé.
Un second article de FAIR, daté du 18 juillet 2001, soulève à nouveau des questions.
De nouvelles informations sur l’incident de Racak ont vu le jour.
Des douilles introuvables
Selon le documentaire de la Canadian Broadcasting Company, “La route de Racak” (The World at Six, 29/5/2000), quand l’envoyé spécial du Figaro Renaud Girard est arrivé au village, il a été surpris de voir que William Walker n’avait pas isolé la scène du crime pour permettre l’enquête. Il s’est également étonné de ne trouver pratiquement aucune douille sur le sol. “C’était étrange, a-t-il dit à la CBC. Peut-être quelqu’un les avait ramassées.” De retour à Pristina le même jour, il a parlé à son confrère Christophe Chatelot du Monde de l’apparente absence de douilles. Chatelot a demandé à l’un des observateurs de Walker, un capitaine de l’armée américaine, pourquoi on n’en avait pas trouvées. “C’est parce que je les ai prises, a répondu le capitaine, j’en fais collection.” Le capitaine “a déclaré à Chatelot qu’il avait ramassé toutes les douilles en arrivant sur la scène.”
Intrigué, Chatelot est retourné à Racak le lendemain. Quand il a essayé de trouver le capitaine américain, celui-ci était “tout à coup introuvable”. Chatelot affirme que la mission de l’OSCE lui a dit : “Nous ne le connaissons pas. Il n’a jamais été ici.” Quand il a demandé à parler aux quatre contrôleurs qui étaient présents à Racak et dans ses environs le jour de la tuerie, on lui a dit que leurs noms étaient subitement devenus un secret “classé confidentiel”. “C’est très curieux”, a-t-il dit à la CBC.
Des agents de la CIA
Plus tard, il est apparu que l’équipe d’observateurs américains de Walker était en grande partie composée d’agents secrets appartenant à la CIA.
Dans son discours à la nation du 19 mars 1999, annonçant la décision de l’OTAN de lancer les frappes aériennes sur la Yougoslavie, le président Bill Clinton a dit : “Au moment où nous nous préparons à agir, nous devons nous rappeler des leçons apprises dans les Balkans. Nous devons nous souvenir de ce qui est arrivé dans le village de Racak en janvier – des hommes innocents, des femmes et des enfants ont été arrachés à leurs foyers, amenés dans un ravin, forcés à s’agenouiller dans la boue et mitraillés – pas pour quelque chose qu’ils auraient fait, mais simplement pour ce qu’ils étaient.”
 Tout récemment, le Byzantine Blog a marqué le neuvième anniversaire de l’affaire de Racak en rappelant que le jour de Noël 1993, 49 civils serbes avaient été massacrés dans le village bosniaque de Kravice par des troupes musulmanes basées à Srebrenica, un épisode qui n’a entraîné qu’une prudente condamnation des responsables internationaux, bien loin de l’impitoyable bombardement de 78 jours qui a suivi la mort à Racak de 45 Albanais armés.
Le site en profite pour rappeler quelques détails supplémentaires que nos grands médias ont passé sous silence.
Une brigade sur place de l’UCK
Dès son arrivée sur place, Walker a accusé la police serbe du massacre, alors que c’était une police yougoslave multiethnique qui menait les actions antiterroristes au Kosovo. Ses opérations ont été suivies par les contrôleurs de l’OSCE, deux équipes de télévision étrangères et un grand nombre d’envoyés spéciaux de différents pays : aucun d’entre n’a assisté à un massacre avant que Walker n’en ait vu un. Au début de janvier 1999, le poste de commandement d’une brigade de l’UCK de 126 hommes avait été installé à Racak. Parmi eux se trouvait la famille Mujota, connue pour avoir assassiné six policiers serbes. Les villages environnants de Petrovo, Luzak et Rance étaient sous le contrôle de l’UCK.
Une opération contrôlée par l’OSCE
La police yougoslave a informé la mission de l’OSCE de son intention de lancer un raid anti-terroriste sur le village de Racak. L’action a débuté à 8 heures. Selon Renaud Girard, la police n’avait rien à cacher, puisqu’à 8 h 30 elle a invité une équipe de TV (deux reporters d’Associated Press) à filmer l’opération. Des membres de l’OSCE étaient présents et des contrôleurs ont observé le village pendant toute la journée à partir d’une vallée voisine.
À 15 h, un rapport de la police a été rendu public par le International Press Center de Pristina, qui précisait qu’au cours des combats à Racak, 15 terroristes de l’UCK avaient été tués, et qu’une quantité significative d’armes avait été confisquée. A 15 h 30, les forces de police, accompagnée par l’équipe de TV d’Associated Press, ont quitté le village, emportant une pièce lourde d’artillerie de calibre 12,7 mm, deux engins d’artillerie portables, deux fusils de snipers et 30 kalashnikovs fabriqués en Chine. A 16 h 30, un reporter français a traversé le village en voiture, et y a vu trois véhicules oranges de l’OSCE. Les contrôleurs internationaux parlaient tranquillement avec trois adultes albanais en civil. Ils cherchaient des civils éventuellement blessés. En retournant au village à 18 h, le reporter les a vus emmener deux femmes et deux vieillards légèrement atteints.
126 terroristes et 4 instructeurs
Au centre du village, dans une maison où avait été installée la base de l’UCK, la police a trouvé un ordinateur contenant des informations sur la brigade de l’UCK et la liste de ses 126 membres, dont faisaient partie quatre personnes avec des noms anglo-saxons, qui ont été considérées comme des instructeurs étrangers.
Quand les policiers yougoslaves ont investi le village, et commencé à sécuriser les routes et les tranchées, ils ont été attaqués par les Albanais à partir du Lake Mountain (Jezerska planina) et des villages avoisinants. Pris sous le feu d’une forte offensive et placés en contre-bas, ils ont du se replier. C’est alors qu’a eu lieu la grande mise en scène destinée à impressionner le monde entier.
Des cadavres déplacés et rhabillés
Les membres de l’UCK revenus dans Racak ont récupéré dans les ravins et vallons les corps des Albanais tués pendant le combat et les ont rassemblés dans un champ où auparavant il n’y en avait aucun. L’équipe de TV d’AP qui était entrée plus tôt dans le village avec la police a certifié que le champ où on avait empilé les cadavres des victimes soi-disant exécutées était à ce moment vide. Les Albanais ont rhabillé en civils une quarantaine de morts, et ont emmené les autres cadavres en uniforme à Budakovo, où ils les ont probablement enterrés.
 Le lendemain matin tôt, Walker est arrivé au champ pour indiquer comment les corps devaient être disposés pour faire croire à un massacre. La mise en place achevée, il a fait venir les équipes de TV et les journalistes. La description détaillée de l’épisode figure dans le livre du reporter Milorad Drecun intitulé “La seconde bataille du Kosovo”, au chapitre “Le mensonge de Racak”.
Les frappes “humanitaires”
L’agence Tanjug rappelle, à l’occasion de cet anniversaire, que la secrétaire d’Etat US de l’époque, Madeleine Albright, avait dit à CBS que “des dizaines de personnes avaient été égorgées à Racak” et que la seule solution était “des frappes aériennes humanitaires sur la Yougoslavie”.
Dossier préparé par Louis MAGNIN. B. I. n° 138, décembre 2008.
Articles de Louis Magnin publiés par Mondialisation.ca
© Droits d'auteurs Louis Magnin, B. I. n° 138/Michel Collon info,, 2009
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dimanche 19 juin 2011

Desouche Histoire : Napoléon III et l’Europe (partie 2)

La politique étrangère de Napoléon III a toujours suivi trois grands objectifs : le premier, ramener la France au rang des grandes puissances par l’abolition des traités de 1815 ; le deuxième, faire coïncider autant que possible les territoires avec les nationalités (l’union italienne) ; le troisième, mettre fin aux grandes guerres en favorisant le règlement des conflits par la négociation dans le cadre de congrès qui se réuniraient régulièrement. Napoléon III a réussi le premier objectif qu’il s’était fixé, le second s’est retourné contre lui (l’union allemande), il s’est montré visionnaire pour le troisième avec la mise en place plus tard de la Société des Nations.

I. L’Europe de Napoléon III
Après la chute du Premier Empire, les Alliés avaient érigé au congrès de Vienne un nouvel équilibre européen dirigé contre la France, et maintenu par la Sainte-Alliance (Empire russe, Empire d’Autriche, royaume de Prusse). Ce nouvel ordre européen était insupportable aux Français et Napoléon III dut une grande partie de sa popularité à sa volonté de la remettre en cause. Les traités de 1815 furent effectivement abolis de fait par l’intervention de l’empereur en Italie pour y chasser l’Autriche, par le rattachement de la Savoie et de Nice.

Napoléon III voulut ainsi assurer à la France un rôle de premier plan en Europe en prenant la tête d’un mouvement général de révision des frontières de 1815. L’empereur n’oublie pas la France : il s’agit de remodeler l’Europe pour y développer l’influence française. En outre, la France pourrait obtenir en compensation justifiés par le principe des nationalités : Nice, la Savoie, la Belgique, le Luembourg et éventuellement le rive gauche du Rhin.
En l’Italie, Louis-Napoléon soutient le Piémont mais il préfère à l’unification pure et simple une confédération composée du Piémont au Nord, de Naples au Sud et du Pape eu centre, président de la Confédération. Pour l’Allemagne, l’idéal de l’empereur est une confédération à trois têtes, avec l’Autriche, les États du Sud regroupés autour de la Bavière et la Prusse au Nord. La France pourrait contrôler la confédération allemande par le biais des États du Sud francophiles et pénétrer l’Italie par le Piémont. Cavour et Bismarck ne purent évidemment pas accepter une autre idée que l’unité pure et simple.
En revanche, ce que Napoléon III ne remit pas en cause dans les traités de 1815 fut le « Concert européen ». Une entente cordiale devait se former entre les nations européennes par le biais de congrès réguliers. Le Congrès de Paris en 1856 marqua le triomphe de la France : la question des nationalismes fut clairement posée, la Russie y fut mise à la marge, on discuta des Balkans (Serbie, Moldavie et Valachie reçurent la protection de l’Europe). En 1862, la Roumanie sera formée et devra en grande partie son existence à Napoléon III.
La fin du morcellement européen et l’application du principe des nationalités sont également perçues comme un moyen de pacifier l’Europe, et de faire face à la montée en puissance des États-Unis et de la Russie. « Une Europe plus fortement constituée, rendue plus homogène par des divisions territoriales plus précises est une garantie pour la paix du continent et n’est ni un péril ni un dommage pour notre nation… Tandis que les anciennes populations du continent, dans leurs territoires restreints, ne s’accroissent qu’avec une certaine lenteur, la Russie et les États-Unis d’Amérique peuvent, avant un siècle, compter chacun 100 millions d’hommes… Il est de l’intérêt prévoyant des nations du centre européen de ne point rester morcelées en tant qu’États divers sans force et sans esprit public. » (circulaire La Vallette, septembre 1866).
II. Napoléon III et la Grande-Bretagne

Victoria
Victoria (1870).
L’empereur connaissait bien l’Angleterre puisqu’il y passa une partie de ses années d’exil : cinq séjours entre 1831 et 1848 qui représentèrent une durée totale de quatre années et onze mois. Il y a été impressionné par le développement industriel et par son système politique (qu’il jugea cependant non importable en France). Au pouvoir, il sut qu’il ne pourrait pas abolir les clauses des traités de 1815 relatives à la France sans l’appui anglais. L’alliance avec la Grande-Bretagne va rester tout au long de son règne l’un des piliers de sa politique extérieure.
La Russie donna l’occasion à Napoléon III de se rapprocher de Londres. La grande ambition des Tsars était le démantèlement de l’Empire ottoman, « l’homme malade de l’Europe », avec une expansion jusqu’à Constantinople. Ni Paris ni Londres ne pouvaient accepter la perspective d’une mainmise du tsar sur les Balkans. Les deux pays s’allièrent dans la guerre de Crimée (1854-1856), victorieuse mais coûteuse en hommes.
Napoléon III et Eugénie vont se rendre en Grande-Bretagne en avril 1855 et Victoria et le prince Albert vont venir en France en août. Les deux voyages furent de grands succès populaires. A l’occasion du second, Victoria se rendit aux Invalides où elle s’inclina devant le tombeau de Napoléon Ier. Napoléon III et Victoria resteront de véritables amis jusqu’à la mort du premier.
Les relations avec la Grande-Bretagne se dégradèrent suite à la guerre en Italie (Victoria et Albert étaient plutôt favorables à l’Autriche) et surtout suite à l’annexion de Nice et de la Savoie. Les Anglais, se souvenant des guerres de la Révolution et de l’Empire (la Savoie devint un département français en 1792 et Nice en 1793, jusqu’à la chute de l’Empire), redoutèrent de futures annexions. Napoléon III redevenait impérialiste comme son oncle. Une bonne entente se rétablit néanmoins les années suivantes, surtout à partir de 1866, la reine Victoria devenant une farouche opposante à Bismarck. Mais la Grande-Bretagne, sa petite armée essentiellement stationnée aux Indes (révolte des Cipayes en 1857) et au Canada (menace de la guerre de Sécession), et sa marine vieillie ne purent venir en aide à l’empereur lors de la guerre franco-prussienne, d’autant que le premier ministre Gladstone (depuis 1868) était résolument isolationniste.
Lors de l’exil, les Anglais montreront leur sympathie pour l’empereur déchu. Au soir de la disparition de Napoléon III (1873), Victoria écrivit dans son Journal : « … (il était) le plus fidèle allié de l’Angleterre … »
III. Napoléon III et l’Italie

Napoléon III à cheval - 1858
Napoléon III (Dedreux, 1858).
Dans sa jeunesse, Louis-Napoléon, à défaut de pouvoir combattre pour son pays (il était frappé par la loi d’exil), fit ses armes en Italie avec son frère Napoléon-Louis aux côtés des carbonari en faveur de l’unité italienne. En 1848, la péninsule a été le théâtre d’une flambée révolutionnaire et d’une révolte contre l’Autriche, qui occupe alors le Nord-Est. Le ministre Cavour de Victor-Emmanuel II, roi du Piémont-Sardaigne, entama une politique de rapprochement avec la France, Napoléon III étant resté sensible à son engagement de jeunesse et les Français étant foncièrement austrophobes.
Napoléon III voyait dans une intervention l’occasion de restaurer le prestige de la dynastie et de la France, de se faire le champion du principe des nationalités et de se rapprocher avec l’Italie. Dans son entourage, peu de monde était contre cette idée, à part l’impératrice et surtout Charles de Morny, son demi-frère, « numéro 2 » de l’Empire, qui craignait que le mouvement d’unification italienne ne contamine l’Allemagne. L’avenir lui donnera raison.
Napoléon III demeura très hésitant, et c’est l’attentat d’Orsini (1858) qui rangea définitivement l’empereur dans le camp pro-piémontais. Le couple impérial fut victime d’un attentat devant l’Opéra, et s’en sortit miraculeusement indemne. Orsini, patriote italien, voulait renverser l’Empire, pensant qu’une République serait plus favorable à la cause italienne. Avant de passer sur l’échafaud, il cria « Vive l’Italie ! ». Cavour et l’empereur eurent une entrevue secrète à Plombières (Vosges), les 21 et 22 juillet 1858. Ils se mirent d’accord sur la création d’un royaume de Haute-Italie réunissant, outre le Piémont et la Sardaigne, la Lombardie et la Vénétie (pris à l’Autriche) et les duchés de Parme et de Modène.
Avant d’entrer en guerre, la France s’assura de la neutralité de la Prusse et de la Russie. C’est François-Joseph, pressé par son état-major, qui déclare la guerre le premier, le 27 avril 1859. L’Autriche aligna 150.000 hommes, le Piémont 60.000 et la France 100.000. Le début de la campagne commença dans l’improvisation la plus totale pour les Alliés (manque de cartouches, de tentes et de vivres). Une première victoire fut remportée difficilement à Palestro le 30 mai. C’est à Magenta, le 4 juin, qu’eut lieu la première grande bataille, longtemps indécise, qui se termina par la victoire des Franco-piémontais. Victor-Emmanuel et Napoléon III firent une entrée triomphale à Milan le 8 juin.
Napoléon III à Solférino
Napoléon III à la bataille de Solférino (Jean-Louis-Ernest Meissonier, 1863).
François-Joseph décida alors de prendre le commandement de l’armée en personne, et augmenta ses effectifs (250.000 hommes). Le 24 juin, une seconde grande bataille se déroula à Solférino. Les Franco-piémontais y remportent la victoire au prix de lourdes pertes : 40.000 morts dans la bataille dont 17.500 Français. L’empereur fut choqué par la vue du champ de bataille selon le témoignage du général Bourbaki. La Prusse se fit menaçante en mobilisant sur le Rhin. Désireux aussi de ne pas trop affaiblir l’Autriche qui deviendrait alors une proie facile pour la Prusse, il signa l’armistice avec François-Joseph le 8 juillet 1859.
Mais la campagne d’Italie ne fut satisfaisante pour personne. De nouvelles insurrections patriotiques éclatèrent en Italie centrale, qui menacèrent le pouvoir temporel du pape. Les Italiens auraient aimé poursuivre la guerre (la Vénétie resta autrichienne). Pour les républicains français et les patriotes italiens, Napoléon III n’est pas allé assez loin. Pour les catholiques qui rendent l’empereur responsable des agitations dans les territoires pontificaux (aboutissant à un dépeçage), il est allé trop loin. Le royaume de Piémont-Sardaigne rétrocéda à la France ses anciennes possessions de Nice et de la Savoie, ratifiées par deux plébiscites (1860).
IV. Le responsable de la guerre de 1870 ?

Photo couple impérial
Le couple impérial (1865).
Depuis 1866 et la défaite de l’Autriche face à la Prusse, Bismarck voit le Second Empire comme le principal obstacle à l’unité allemande. Il fallait pourtant au chancelier une raison valable de déclarer la guerre, et endosser si possible le rôle de la victime : Bavarois et Rhénans étaient francophiles et aimaient sincèrement l’empereur des Français. Le pacte de défense entre la Confédération de l’Allemagne du Nord et les États du Sud ne jouait que dans le cas d’une agression étrangère.
L’Espagne permit à Bismarck de parvenir à ses fins. En 1868, l’Espagne chassa la reine Isabelle II et son fils Alphonse du trône, et la junte au pouvoir à Madrid se mit en quête d’un nouveau souverain. Bismarck avanca la candidature de Léopold de Hohenzollern, qui servait comme colonel dans l’armée prussienne. Napoléon III ne peut pas accepter cette candidature qui placerait la France dans un état d’encerclement mal toléré par l’opinion. Le roi de Prusse Guillaume Ier se montra réticent au souhait de Bismarck et Léopold refusa de se porter candidat.
Bismarck ne s’en tint pourtant pas là. Il relança la candidature de Léopold sans en avertir le roi de Prusse. Cette nouvelle fut délivrée le 2 juillet 1870 par un communiqué de l’agence France-Presse. Les jours qui suivent, la presse – tant bonapartiste que d’opposition – se déchaîna, réclamant la guerre pour sauver l’honneur de la France. Pourtant, le 12 juillet, la candidature de Léopold fut retirée. « Je suis heureux que tout se termine ainsi. Une guerre est toujours une grosse aventure » dit l’empereur. A Berlin, le même jour, convaincu par Moltke, Roon et le ministre de l’Intérieur Eulenbourg, Bismarck décida une guerre d’agression ! Moltke et Roon voulaient déclarer la guerre immédiatement, le chancelier jugea encore prudent d’attendre un peu avant de la déclarer, au cas où…
Il est donc important de savoir que la guerre fut décidée à Berlin, avant même d’être décidée à Paris !

Précisons que l’empereur était alors très affaibli physiquement et mentalement : atteint d’un calcul de vessie, il souffrait de syncopes, de crises de fièvre, de pertes de sang dans les urines. Les traitements contre la douleur le faisaient somnoler des journées entières…

A Paris, l’empereur fut vivement impressionné par les manifestations de rues, plus ou moins spontanées, hostiles à la Prusse et la ferveur patriotique de Paris. Paris qui n’est pas la province, cette dernière voulant profondément la paix, mais les préfets n’expédiaient leurs rapports que tous les 15 jours. 36 ans plus tard, Eugénie affirmera : « Reculer, transiger, nous ne le pouvions pas, nous aurions soulevé contre nous le pays tout entier !… On accusait déjà notre faiblesse ; un mot terrible arrivait jusqu’à nous : « La candidature Hohenzollern, c’est un second Sadowa qui se prépare ! » ». Puis, poussé à la guerre par les bellicistes (le ministre des Affaires étrangères Gramont, le maréchal Leboeuf, le général Bourbaki, et Eugénie), il l’accepta. L’impératrice en particulier, par son influence, tint un grand rôle dans le déclenchement du conflit : « Cette victoire qui n’a coûté ni une larme ni une goutte de sang sera pour nous la pire des humiliations ! Si la Prusse refuse de se battre, nous la contraindrons, à coups de crosse dans le dos, à repasser le Rhin, et à évacuer la rive gauche ! C’est une paix sinistre que celle dont on parle depuis vingt-quatre heures. »
Le général Bourbaki, réputé être un bon connaisseur de la Prusse, affirma que « Sur dix chances, nous en avons huit ! ». Leboeuf déclara de même : « La guerre avec la Prusse est inévitable, dans un avenir plus ou moins proche. Nous sommes prêts, notre ennemi ne l’est pas [!]. Nous avons une armée superbe, admirablement bien disciplinée ; nous ne retrouverons jamais pareille occasion. De Paris à Berlin, ce sera une promenade, la canne à la main. » Napoléon III et Gramont rédigèrent une garantie à expédier par télégraphe à Ems. Bismarck tint alors enfin ce qu’il souhaitait : si le roi de Prusse confirma à la réception du courrier la renonciation de Léopold au trône d’Espagne, Bismarck put rédiger sa célèbre dépêche, œuvre de désinformation diffusée dans toute l’Europe, qui sonna comme une insulte à la France.
La fausse dépêche arriva le 15 juillet 1870 à Paris, et le Corps législatif vota la guerre à la quasi-unanimité (245 voix – dont celles de tous les républicains – contre 10 ; parmi les dix, celle d’Adolphe Thiers), décision que Napoléon III ne fit qu’entériner. Les républicains avaient pourtant repoussé en 1867 un projet de réforme militaire allongeant la durée du service militaire, et donc permettant d’augmenter les effectifs. Même Gambetta, qui entendait dans sa profession de foi aux élections de 1869 dissoudre l’armée de métier, vota la guerre… Le 19 juillet, la guerre fut officiellement déclarée. Napoléon III déclara le 22 : « Il y a dans la vie des peuples, des moments solennels où l’honneur national, violemment excité, s’impose comme une force irrésistible […] C’est la nation tout entière qui, dans son irrésistible élan, a dicté nos résolutions. »
Napoléon III et Bismarck
Napoléon III et Bismarck après la bataille de Sedan.
Sources :
ANCEAU, Eric. Napoléon III. Tallandier, 2008.
Collectif. Napoléon III. L’homme, le politique. Actes du colloque de la Fondation Napoléon, 19-20 mai 2008. Éditions Napoléon III, 2008.
DARGENT, Raphaël. Napoléon III : l’Empereur du peuple. Ed. Grancher, 2009.
Note : Je mets en pause la rubrique pour un certain temps ; rendez-vous donc dans plusieurs semaines. Vous pouvez retrouver la vingtaine d’articles publiés jusqu’à présent en cliquant sur ce lien – Aetius. http://www.fdesouche.com/