vendredi 29 janvier 2010

Criminels contre l'humanité

Lénine par qui tout a commencé

Bien avant le nazisme, Lénine a inauguré le génocide de masse et instrumentalisé les moyens pour y parvenir. Dès 1891, il confie à son ami Béliakov la nécessaire éradication de la classe paysanne. « En détruisant l'économie paysanne attardée, la famine nous rapproche objectivement de notre but final, le socialisme ». En 1914, trois ans avant le déclenchement de la révolution d'Octobre, il jette les bases de la guerre civile : « pas de révolution sans bain de sang ». « Le tribunal ne doit pas éliminer la terreur, il faut la justifier et la légitimer sur le plan des principes, clairement, sans fausseté, sans fard ». « Nous ne faisons pas la guerre contre les personnes en particulier. Nous exterminons la bourgeoisie comme classe. Ne cherchez pas, dans l'enquête des documents et des preuves sur ce que l'accusé a fait, en actes ou paroles, contre l'autorité soviétique. La première question que vous devez lui poser, c'est à quelle classe il appartient, quelles sont ses origines, son éducation, son instruction, sa profession ». Toute la pensée léniniste tourne autour de la négation de l'individu de son élimination physique et d'une culture discriminatoire : « Il y a des cafards et des punaises contre-révolutionnaires », les « paysans sont proches de la condition animale ». Une idéologie par essence anti-démocratique au service d'une dictature délibérément terroriste et sanglante « Il serait vain d'attendre une majorité formelle en faveur des bolcheviks. Aucune révolution n'attend ça. L'Histoire ne nous pardonnera pas si nous ne prenons pas maintenant le pouvoir ».

Staline, au service de son clan

Culte de la personnalité et culture du clan. En succédant en 1924, à Lénine, Joseph Staline s'entoure d'hommes entièrement dévoués à sa cause qui constitueront le bras armé de la « transformation radicale de la société » souhaitée par Staline. Premières victimes du génocide de classe, les paysans. En 1931-1933, la collectivisation des terres et l'élimination des Koulaks en tant que classe saigne à blanc le pays. « Le grand assaut contre la paysannerie » souhaité par le petit père des peuples fera 6 millions de morts et plus de deux millions de déportés principalement en Ukraine*. Cette folie meurtrière touchera rapidement les groupes sociaux qualifiés de « socialement étrangers à la nouvelle société soviétique ». Membres du clergé, commerçants, artisans toutes personnes ayant une origine sociale suspecte, puis sous la Grande terreur, en 1936-1938, cadres et dirigeants du Parti, fourniront les quotas d'éléments contre-révolutionnaires à réprimer ! Des 200 membres du Comité central du Parti communiste ukrainien, 3 survécurent à l'épuration... Les militaires qui avaient mené les campagnes bolcheviques des années vingt contre les «Blancs» et héritiers de la pensée léniniste, vont être eux aussi purement et simplement éliminés. Une paranoïa obsessionnelle qui n'épargne pas les partis communistes étrangers jugés déviants. Pendant la guerre civile d'Espagne, Staline charge le NKVD de liquider ceux qui se mettent en travers de sa stratégie internationale. Le pacte germano-soviétique permet à Staline d'occuper fin septembre 1939 l'Est de la Pologne. Dès 1942 une note interne du Comité central, commandée par le maître du Kremlin dénonce la « place dominante des juifs dans les milieux artistiques, littéraires et journalistiques ». En 1949, Staline ordonne l'arrestation et la déportation de centaines d'intellectuels juifs, coupables d'alimenter la propagande antisoviétique et le prétendu complot des « Blouses blanches » contre des dignitaires du régime, visera à mener une nouvelle purge sanglante contre les Juifs, que seule la mort du dictateur en 1953 évitera.

Trotski instaure le goulag et la famine organisée

Léon Trotski, père de l'Armée rouge aura été le cerveau de la politique d'extermination du régime soviétique. Grand artisan de la terreur, il prône inlassablement l'éradication de la bourgeoisie « classe vouée à périr ». Cet idéologue fanatique instaure rapidement à travers tout le pays des camps de concentration destinés aux « éléments douteux » qui y seront systématiquement déportés dès 1918. A la tête des armées Rouges avec son ami, il martyrise la Volga, traque chaque opposant et planifie la liquidation en masse d'adversaires politiques ou de groupes sociaux entiers. La guerre civile à outrance et la politique de la terre brûlée qu'il mène d'une main de fer entraînent une famine sans précédent dans les années 1921-1922 : 5 millions de personnes, dont une majorité d'enfants en sont les victimes. La mort de Lénine, la stalinisation du pouvoir, les divergences idéologiques, poussent inexorablement Trotski dans l'opposition résolue au nouveau maître du Kremlin. Il est assassiné sur l'ordre de Staline en 1940 au Mexique.

Mao : le plus grand assassin de l'histoire du monde

Mao Zedong partage indubitablement avec ses homologues soviétiques ce culte de la personnalité et cette même folie meurtrière. La violence érigée par Mao en système de règne fera ses premières victimes au sein même des apparatchiks communistes. Dès 1931, des milliers de cadres du Parti et de l'Armée populaire de Libération sont exécutés. Selon le principe arbitraire : « Nous devons tuer tous ces éléments réactionnaires qui méritent d'être tués », 800 000 « contre-révolutionnaires » sont liquidés au lendemain de son arrivée au pouvoir en 1950-1951. L'aveuglement idéologique de Mao, sa frénésie à vouloir construire un socialisme triomphant et son obsession du développement industriel débouchent en 1958 sur le cataclysmique « Grand bond en avant ». En 4 ans, 30 millions de paysans sont victimes de la famine organisée par le régime et poussés pour une grande partie d'entre-eux au cannibalisme. Sa main mise sur le parti et la forte influence dont il jouit au sein d'une jeunesse endoctrinée, lui permet encore de lancer en 1966 la « Révolution culturelle », énième purification révolutionnaire menée par les « Gardes Rouges » contre les intellectuels, et autres « esprits reptiliens ». Pendant dix ans, répondant aux injonctions psychopathiques de Mao, ses miliciens (parfois de jeunes enfants) détruiront, humilieront, lyncheront, assassineront près d'un million de personnes «déviantes».
Eric Domard
* cf L'Ukraine n° 247-248 déc. 97

LES COMMUNISTES INVENTENT L'EXTERMINATION AU GAZ

1921 : le maréchal Toukhatchevski, bras droit de Lénine et Trotski, décide d'intensifier la répression contre les paysans, jugés anticommunistes. Sa directive 171, retrouvée dans les Archives soviétiques précise : « les bandits (sic) continuent à se rassembler dans les forêts. Elles doivent être nettoyées au moyen de gaz asphyxiants. Tout doit être calculé pour que la nappe de gaz pénètre dans la forêt et extermine tout ce qui s'y cache ». Le génocide de classe sociale a précédé le génocide de race...
Durant la période stalinienne, un ancien gradé du KGB a confirmé récemment* que le régime avait eu recours à des gaz mortels pour éliminer certains prisonniers. Ainsi les déportations vers les camps du goulag s'accompagnaient d'une extermination chimique de certains groupes à l'aide de « camions à gaz ».
*France 3, La Marche du siècle, déc.97
Français d'abord ! Numéro spécial 2e quinzaine janvier 1998

mercredi 27 janvier 2010

A propos de l'Inquisition

Dès le début du XIIIè siècle, le pape Innocent III a affirmé la nécessité de procéder à une enquête, du latin "inquisitio", pour éviter les débordements de la rumeur et des préjugés en matière d'hérésie. En 1231, Grégoire IX publie la constitution Excommunicamus, acte fondateur de l'Inquisition qui repose sur un principe clair : nul ne doit être condamné pour hérésie par la justice civile sans un jugement ecclesiastique antérieur. Le but de l'Eglise reste la conversion des égarés.
Dans la pratique l'Inquisition s'est montrée bien moins sanglante que la légende laïque ne ne laisse entendre. Là où l'hérésie déclenchait des réactions incontrôlées, la procédure engagée par l'Inquisition s'appuyait sur un contrôle de la véracité des faits, sur la recherche de preuves et d'aveux et sur des juges qui résistaient aux passions de l'opinion. Aussi étrange que cela puisse paraître à un esprit moderne, cette horreur de l'hérésie était un sentiment populaire soucieux de préserver la foi, pilier fondamental de la société que l'on pourrait remplacer aujourd'hui par le bien-être, la liberté d'expression ou les droits de l'homme pour faire appel à des idoles contemporaines. Au point de vue de la méthode judiciaire, l'Inquisition a représenté un progrès historique dans la mesure où elle avait pour rôle d'empêcher les formes populaires de justice expéditive. La persécution des hérétiques n'a jamais été le fait de l'Eglise, certes elle combattait et engageait la polémique mais elle ne persécutait pas.
En vertu du principe Ecclesia abhorret sanguinem, aucune condamnation à mort ne pouvait être prononcée par les tribunaux de l'Eglise qui décidaient la relaxe des cas les plus désespérés au " bras séculier ", c'est-à-dire à l'autorité civile. L'Eglise abhorre le sang et ne le verse pas. Grâce aux travaux des médiévistes, on sait maintenant qu'en moyenne, moins de deux pour cent des procédures menées devant les tribunaux d'Inquisition ont été abandonnées au bras séculier. " La différence entre la main royale et la main ecclesiale est énorme, l'Eglise a toujours tendance à pardonner au moindre signe de repentance " Pierre Chaunu ; De la religion d'Etat à la laïcité d'Etat.Venons-en à la question de la torture, grande tarte à la crème laïcarde. Longtemps, l'Eglise la condamne. Au IXè siècle le pape Nicolas Ier déclarait que ce moyen " n'était admis ni par les lois humaines ni par les lois divines " , au XIIè siècle une compilation de droit canonique, le décret de Gratien, reprend cette condamnation. C'est au XIIIè siècle que le développement du droit romain provoque le rétablissement de la torture dans la justice civile, et toutes les justices civiles d'Europe à l'époque considèrent la torture comme un moyen d'enquête normal.
Là encore, l'Eglise a joué un rôle de modérateur : " En 1252, Innocent IV autorise de même son usage par les tribunaux ecclesiastiques à des conditions précises : la victime ne doit risquer ni la mutilation ni la mort, l'évèque du lieu doit avoir donné son accord et les aveux exprimés doivent être renouvelés librement pour être valables " Jean Sevillia, Historiquement correct.
Il est nécessaire de remarquer que dans les fragments de procédure inquisitoriale qui nous sont parvenus, les allusions à la torture sont rares.

lundi 25 janvier 2010

24 décembre 1894 : Jean Jaurès antisémite

La veille de Noël 1894, Jean Jaurès est expulsé de la Chambre des députés. On lui reproche des propos antisémites tenus à la tribune. Le parlementaire a en effet dénoncé « la bande cosmopolite », en se moquant des « foudres de Jéhovah maniées par M. Joseph Reinach ».
Joseph Reinach fait partie d'un groupe de juifs qui furent largement éclaboussés par le scandale financier de la Compagnie de Panama, au cours duquel son beau-père fut très compromis. Ancien secrétaire de Gambetta, Reinach était député des Basses-Alpes depuis 1893. Le journal La Petite République, qui fut l'un des premiers grands quotidiens socialistes et l'organe de liaison des divers groupes socialistes de l'époque, était animé par Jaurès, avec Alexandre Millerand, Viviani, Jules Guesde. Le journal avait surnommé Joseph Reinach "Youssouf" et le désignait comme un « Juif ignoble »... La Petite République s'intéressait beaucoup à « Rothschild, le tout-puissant milliardaire, ce roi de la République bourgeoise ». En 1895, le quotidien socialiste dénonce les « Juifs rapaces comme cette bande de Rothschild qui écrasent l'Europe entière de leur tyrannie et de leurs milliards (...) ces financiers cosmopolites ». La même année, évoquant le cas d'Isaïe Levaillant, ancien préfet et directeur de la Sûreté générale, démis brutalement de ses fonctions en raison d'une sombre affaire de prévarication et devenu un dirigeant du Consistoire central, le journal déplore la « formidable puissance malfaisante des juifs, en matière administrative et judiciaire ».
On comprend mieux, ainsi, l'affaire du 24 décembre 1894 et cet épisode, qui fait désordre aujourd'hui, au point que les thuriféraires de Jaurès oublient d'en parler (1), n'a pas de quoi surprendre ceux qui connaissent la carrière du tribun, mais aussi l'importance de l'antisémitisme au sein du socialisme français du XIXe siècle, depuis George Sand, Pierre Leroux (le juif est « odieux par son esprit de lucre et de spoliation »), Fourier, Toussenel (auteur de Les Juifs, rois de l'époque), Proudhon (qui parle de « cette race qui envenime tout, en se fourrant partout »), Blanqui.
Dans le dernier tiers du XIXe siècle, le développement du mouvement ouvrier, du syndicalisme et du socialisme provoque une floraison d'organisations, de journaux et de revues.
Ainsi l'ouvrier teinturier Benoît Malon, un des fondateurs de la 1ère Internationale, réfugié en Suisse puis en Italie après la Commune, une fois revenu en France fonde la Revue socialiste. Ou y retrouve un point commun à ceux qui se réclament, d'une façon ou d'une autre, du socialisme : le parallèle entre les méfaits du capitalisme et l'influence des juifs.
Jaurès, qui n'est alors qu'un dirigeant socialiste parmi d'autres, s'inscrit dans ce paysage. Le 7 juin 1898, il écrit : « La race juive, concentrée, passionnée, subtile, toujours dévorée par une sorte de fièvre du gain quand ce n'est pas par la fièvre du prophétisme, manie avec une particulière habileté le mécanisme capitaliste, mécanisme de rapine, de mensonge, de corruption et d'extorsion. » Quand l'Affaire Dreyfus aboutit, dans un premier temps, à la condamnation de l'accusé, Jaurès estima que celui-ci avait échappé à la peine de mort grâce au « prodigieux déploiement de la puissance juive ». Mais, dans les derniers mois de 1898, Jaurès changea de cap et se rangea dans le camp des dreyfusards, en lui apportant un concours très actif.
Jaurès fut récompensé de cette évolution lorsqu'il fonda, en 1904, le quotidien L'Humanité auquel collaboraient entre autres René Viviani, Aristide Briand, Léon Blum, Tristan Bernard, Lucien Herr. Pour financer son journal, Jaurès eut l'appui du banquier Louis Dreyfus, de Lévy-Bruhl, de Salomon Reinach et d'autres membres de leur communauté. Emile Cahen s'en expliqua en 1906 dans Les Archives israélites : « Les grands services rendus à la cause de la justice et de la vérité par M. Jaurès lui ont créé des titres indiscutables à la reconnaissance de tous les Israélites français. Ce sont eux qui, en très grande partie, l'avaient, il faut bien le dire, aidé à fonder son journal. »
P V. RIVAROL
(1) Il n'en est ainsi pas question à la mairie (socialiste) du XVIIIe arrondissement de Paris qui organise justement une exposition à l'occasion du 150e anniversaire de la naissance de Jaurès, le 3 septembre 1859 (NDLR).

lundi 18 janvier 2010

An Mil : Féodalité, Église et chevalerie

La prodigieuse aventure européenne a son origine dans les remous qui ont agité l'Europe et les pourtours de la Méditerranée autour de l'An Mil (Xe-XIe siècles de notre ère). André Larané.
États européens en gestation
Après l'extinction de l'empire romain et de la culture hellénistique, le monde méditerranéen s'était divisé entre trois empires très différents et opposés les uns aux autres :
– l'empire byzantin, resté très proche du modèle antique,
– l'empire arabo-musulman, en rupture avec le passé chrétien de l'Occident,
– l'empire de Charlemagne, vague réminiscence de l'empire romain, marqué par ses racines germaniques et coupé de l'Orient antique du fait de l'invasion arabe.
Après la mort de Charlemagne, l'empire carolingien sombre très vite dans le chaos. Ses héritiers, divisés et dénués de pouvoir, se montrent inaptes à unir les forces de l'empire pour faire face à une deuxième vague d'invasions barbares.
Les Normands (ou Vikings) sèment la terreur le long des grands fleuves.
Les Sarrasins s'établissent en Sicile et en Provence. Ils poussent des razzias jusqu'à Rome, détruite en 946, et dans... les Vosges. Les Magyars venus de l'Est chevauchent jusqu'à Nîmes.
Les rois et les empereurs, faute de pouvoir être partout à la fois, délèguent à leurs compagnons (en latin comitis, dont nous avons fait comtes) la surveillance d'une portion du territoire. En échange de ce service, les nobles peuvent jouir des revenus des terres qu'ils ont reçues en dépôt.
Pour les convaincre de les accompagner à la guerre en cas de besoin, les rois et empereurs carolingiens leur donnent l'assurance que les droits de leurs fils sur leurs terres seraient préservés au cas où ils viendraient à mourir à la guerre. En particulier, le roi Charles le Chauve garantit à ses seigneurs la faculté de léguer leurs terres à leur héritier par le capitulaire de Quierzy-sur-Oise du 16 juin 877.
C'est ainsi qu'émerge une noblesse héréditaire dont la puissance est liée à la richesse terrienne et dont la légitimité repose sur les liens de confiance (feudus en latin, dont nous avons fait féodal) entre supérieur (suzerain) et inférieur (vassal). C'est le triomphe de la féodalité, c'est-à-dire d'un ordre social fondé sur les liens d'homme à homme (et non pas comme dans l'Antiquité ou dans d'autres régions du monde sur l'obéissance à un chef tout-puissant). Énergique et bien armée, protégée derrière de robustes châteaux forts, la noblesse féodale a finalement raison des envahisseurs. Les Vikings s'installent dans l'estuaire de la Seine en 911 et s'assagissent. Les Hongrois sont arrêtés au Lechfeld en 955 et se stabilisent en Pannonie, dans la plaine du Danube. Les Sarrasins, enfin, sont expulsés de leur repaire de Fraxinetum (La Garde-Freinet), près de Saint-Tropez, en 972.
La lutte contre les envahisseurs et l'arrêt définitif des invasions débouchent sur des coalitions de grands féodaux. De celles-ci vont sortir des embryons d'États qui vont faire la grandeur de la civilisation européenne.
La naissance de l'Allemagne peut être datée de 911 avec l'élection du roi Conrad 1er de Franconie ; celle de la France, de 987 avec l'élection, ici aussi, d'un souverain national, Hugues Capet. L'Angleterre forge son identité définitive après la conquête normande et l'accession au trône de Guillaume le Bâtard, en 1066.
Plus à l'est, le premier roi de Hongrie, Étienne, est couronné par le pape le 15 août 1001 ; un premier État russe émerge timidement autour de Kiev avec l'avènement du grand-prince Iaroslav le Sage, en 1019 ; Boleslav le Grand devient roi de Pologne en 1024... Le christianisme pénètre jusqu'au Danemark, avec la conversion du roi Harald-à-la-Dent-Bleue en 966.
La chrétienté s'affirme
Dans les dernières décennies de l'époque carolingienne, la papauté et le clergé séculier (curés et évêques) sont des objets de scandale.
Un observateur superficiel aurait pu y voir le signe d'un déclin irréversible. Pourtant, après l'An Mil, en l'espace d'un siècle - le XIe -, l'Église catholique va se réformer hardiment sous l'impulsion des abbés de Cluny et des papes, de Grégoire VII à Innocent III.
Des moines avides de culture redécouvrent la science antique à travers des traductions de l'arabe, à l'image de l'illustre Gerbert d'Aurillac, qui devient pape sous le nom de Sylvestre II.
Aux XIIe et XIIIe siècles naissent les premières Universités, vouées avant toute chose à l'étude de la théologie et des textes anciens.
L'Église intervient dans le droit civil en sacralisant le mariage (c'est aux alentours de l'An Mil qu'il est classé parmi les sept sacrements chrétiens) et surtout en interdisant les unions forcées.
Les femmes ne peuvent plus être mariées sans leur accord explicite et public. C'est un changement d'une profonde signification : il consacre la primauté de l'individu sur le groupe ou le clan.
À partir du moment où chacun, homme ou femme, devient libre de choisir son conjoint, il apprend à raisonner, décider et agir par lui-même.
On peut dire que c'est à partir de là que la chrétienté occidentale commence à se démarquer des autres cultures et à prendre son essor.
D'autre part, à l'opposé de la plupart des autres cultures où les pères reçoivent une «dot» lorsqu'ils livrent leur fille en mariage, le Moyen Âge développe l'usage d'une dot ou d'un trousseau que la future mariée, à l'inverse, apporte avec elle. Cette dot assure à la femme un certain ascendant sur son conjoint.
L'Église s'immisce aussi dans les liens de vassalité. Elle introduit dans les hommages de vassal à suzerain un serment sur la Bible et des obligations morales. La féodalité devient partie prenante de la chrétienté occidentale.
Émergence de la chevalerie
Au temps de Charlemagne et des Carolingiens, les nobles et leurs vassaux pratiquaient la guerre à cheval. Ils bénéficiaient d'une innovation technique : l'étrier emprunté aux barbares Avars vers le VIIe siècle. Cet équipement nouveau donne aux guerriers à cheval une plus grande stabilité et leur permet de frapper leur adversaire avec la lance à l'horizontale. Désormais, grâce à l'étrier, c'est à ces guerriers à cheval, ou «chevaliers», que revient la prépondérance dans les combats. D'origine paysanne aussi bien que noble, les chevaliers sont des hommes avant tout assez aisés pour s'offrir le luxe d'un cheval et d'une armure. Ils vivent dans les villes comme dans les campagnes. Ils partagent leur temps entre la guerre, la chasse et les tournois, ces derniers étant parfois plus meurtriers que la guerre elle-même.
Dès l'An Mil, en France puis dans le reste de l'Europe occidentale, noblesse et chevalerie en viennent rapidement à se confondre. Les nobles adoptent les pratiques guerrières des chevaliers et bon nombre de chevaliers se hissent dans la noblesse. Celle-ci devient héréditaire et prend la forme d'un groupe social fermé. Les seigneurs, par leurs exactions continuelles, empêchent tout fils de paysan d'y accéder et la solidarité familiale préserve tout fils de chevalier d'en être exclu.
L'entrée dans la chevalerie se fait dans la quatorzième année au cours d'une cérémonie appelée «adoubement». Le postulant se voit remettre par son père ou son oncle l'épée et le baudrier (protection de la poitrine en cuir ou en métal), symboles de sa vocation. Puis il reçoit un coup au visage, la «paumée», souvenir d'un ancien rituel de passage. Enfin, il se livre à quelques exercices par lesquels il démontre son aptitude au combat.
L'Église ne tarde pas à s'immiscer dans ce rituel profane en introduisant bénédiction et nuit de prières. Par cette christianisation de l'adoubement, elle met au pas les chevaliers et leur transmet ses idéaux de paix et un certain code de l'honneur. Ainsi les chevaliers s'engagent-ils dans la défense de «la veuve et de l'orphelin».
L'Église encourage aussi les «trêves de Dieu», c'est-à-dire les pauses dans les guerres privées qui mettent régulièrement à feu et à sang les campagnes. Non sans succès, elle atténue ainsi la violence des guerres féodales. L'appel à la croisade, pour secourir les chrétiens d'Orient menacés par l'offensive turque et délivrer le tombeau du Christ, achève de transformer la soldatesque en une milice plus ou moins dévouée à l'Église.
Voici quelques passages d'un serment de paix établi par l'évêque de Beauvais, Guérin, en 1023-1025, à l'usage des chevaliers :
Je n'envahirai une église d'aucune façon...
Je n'attaquerai pas le clerc ou le moine s'ils ne portent pas les armes du monde, ni celui qui marche avec eux sans lance ni bouclier...
Je ne prendrai pas le boeuf, la vache, le porc, le mouton, l'agneau, la chèvre, l'âne, le fagot qu'il porte, la jument et son poulain non dressé. Je ne saisirai pas le paysan ni la paysanne, les sergents ou les marchands; je ne leur prendrai pas leurs deniers, je ne les contraindrai pas à la rançon; je ne les ruinerai pas, en leur prenant leur avoir sous le prétexte de la guerre de leur seigneur, et je ne les fouetterai pas pour leur enlever leur subsistance...
Je n'incendierai ni n'abattrai les maisons, à moins que je n'y trouve un chevalier, mon ennemi, ou un voleur; à moins aussi qu'elles ne soient jointes à un château qui soit bien un château...
Je n'attaquerai pas les femmes nobles, ni ceux qui circuleront avec elles, en l'absence de leur mari, à moins que je ne les trouve commettant quelque méfait contre moi de leur propre mouvement; j'observerai la même attitude envers les veuves et les moniales...(*).
Le roi de France Saint Louis apparaît au XIIIe siècle, le siècle chrétien par excellence, comme un chevalier modèle, courageux à la guerre, conciliant avec ses ennemis, compatissant envers les humbles, loyal envers ses vassaux... Les codes moraux de la chevalerie, notamment le code de l'honneur et le respect de la parole donnée, ont imprégné les sociétés occidentales jusqu'au XXe siècle, inspirant à la plupart des Européens un respect quasi-inné pour les institutions sociales et les lois.
L'intériorisation de ces codes moraux a favorisé le développement d'une économie marchande fondée sur la confiance. Elle a contribué à l'épanouissement de la civilisation occidentale, européenne et chrétienne. Sans cette intériorisation, l'ordre social n'aurait pu être maintenu que sous la menace et la contrainte, à un coût très élevé et avec peu de résultats (comme c'est le cas aujourd'hui dans beaucoup de territoires d'Amérique latine, du Moyen-Orient et d'Afrique).
Avènement de la laïcité
Malgré son appétit de réformes, la papauté doit très vite reconnaître des limites à ses interventions politiques. L'empereur et le pape s'opposent au cours de la Querelle des Investitures sur la question de savoir à qui revient le droit de nommer les évêques, voire de désigner le pape. Avec, à la clé, les ressources financières colossales dont dispose le clergé (donations des fidèles, dîme,...).
La querelle se solde par un partage des responsabilités entre le pouvoir séculier (l'empereur) et le pouvoir spirituel (l'Église). C'est l'origine de la laïcité, une invention médiévale qui permettra aux Européens de développer leurs talents sans rendre de comptes aux censeurs de l'Église.
La chrétienté occidentale au XIIIe siècle
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L'Europe actuelle et une bonne partie de nos moeurs et de nos institutions ont été forgées au coeur du Moyen Âge, dans une époque assombrie par les disettes, les maladies et l'insécurité mais éclairée par la foi et la confiance en l'avenir...
Bibliographie
Parmi les livres essentiels sur les origines de l'Europe et l'An Mil, on peut lire avec profit L'An Mil de Georges Duby (Folio-Histoire, Gallimard/Julliard, 1980). C'est en fait un recueil de chroniques de l'époque, classées par thèmes et commentées par l'historien.
À noter l'essai décapant de Jacques Le Goff : L'Europe est-elle née au Moyen Âge ? (Seuil 2003) et le beau livre de Pierre Riché sur Les Grandeurs de l'an mille (Bartillat, 2001) et les fortes personnalités de cette époque. -
Élection et hérédité
L'élection est la règle dans la plupart des communautés médiévales, que ce soit dans les corporations marchandes, dans les villages ou encore chez les guerriers. Les souverains eux-mêmes sont souvent cooptés ou élus par leurs pairs en fonction de leur aptitude au commandement (c'est en particulier le cas des premiers Capétiens, des Carolingiens et des empereurs d'Allemagne).
L'élection est également la règle dans l'Église, qu'il s'agisse du pape, des évêques ou des abbés. C'est aux monastères qu'il revient en particulier d'avoir inventé la règle démocratique : «Un homme, une voix». Autant dire que le suffrage universel n'a pas jailli du néant au XIXe siècle mais puise ses racines dans les temps les plus «obscurs» du Moyen Âge.
http://www.herodote.net

samedi 16 janvier 2010

Bainville : cet historien fut un prophète

Le Figaro Magazine - 25/11/2000

Une biographie ressuscite la figure de Jacques Bainville. Dès 1920, cet historien annonça l’enchaînement des événements qui mèneraient à la Seconde Guerre mondiale. Sa méthode est-elle toujours valable ? La politique étrangère doit-elle considérer l’histoire comme un champ d’expérience ? Diplomates, universitaires ou écrivains répondent à notre enquête.

A Paris, les piétons qui sortent du métro à la station Solférino débouchent sur la place Jacques-Bainville. Mais combien sont-ils à qui ce nom dit quelque chose ? En 1920, Bainville publiait les Conséquences politiques de la paix. Réponse au Britannique Keynes lequel, après la Première Guerre mondiale, attendait de la reprise du commerce une normalisation avec l’Allemagne , ce livre visionnaire disséquait le traité de Versailles : « Devant quoi la France, au sortir de la grande joie de sa victoire, risque-t-elle de se réveiller ? Devant une république allemande, une république sociale nationale supérieurement organisée. Elle sera productrice et expansionniste. » En moins de deux cents pages, Bainville esquissait le scénario qui se déroulerait quinze ans plus tard : réarmement allemand, annexion de l’Autriche, crise des Sudètes, pacte germano-soviétique, invasion de la Pologne. Avec une plus grande longueur d’avance, il prévoyait même l’éclatement de la Tchécoslovaquie et de la Yougoslavie.
Prophète, Bainville ? Tirant des leçons du passé il se bornait à examiner les faits présents, leurs causes et leur enchaînement, et à en déduire les conséquences à court ou long terme, logique répudiant tout préjugé partisan ou sentimental.

En 1900, il s’était signalé par une biographie de Louis II de Bavière, écrite à 20 ans. Dominique Decherf, un diplomate qui retrace l’itinéraire intellectuel de Bainville et présente son journal (partiellement inédit) de 1914 et 1915, note cependant que « sauf l’histoire, il avait tout sacrifié au journalisme ». Compagnon de Maurras et de Daudet à L’Action française, l’historien s’en distinguait par le style. A la philosophie ou à la polémique, cet esprit placide, courtois et souriant préférait la démonstration froide et l’ironie. Au demeurant, sa dimension propre le faisait exister au-delà de la droite nationaliste : ses relations dans le personnel parlementaire et diplomatique firent de ce royaliste un conseiller ami de plusieurs ministres de la République, de Millerand à Mandel.


Politique étrangère, analyse économique et financière, critique littéraire et théâtrale : de sa plume incisive, Bainville rédigeait deux éditoriaux quotidiens (pour L’Action française et La Liberté) et cinq ou six articles hebdomadaires (dans Le Petit Parisien, Le Capital, La Nation belge, Candide, L’Eclair de Montpellier ou La Nacion de Buenos Aires) ; directeur de La Revue universelle, il collaborait en outre à de multiples tribunes mensuelles. Un labeur énorme, mené parallèlement à l’écriture d’essais historiques dont certains furent d’authentiques succès de librairie (Histoire de France ou Napoléon). En 1935, cette oeuvre lui valut d’entrer à l’Académie.
Miné par un cancer, Bainville s’éteignait l’année suivante, à 57 ans. Cette mort prématurée lui épargna de voir s’accomplir ses sombres prévisions. Germaniste et traducteur de Heine, il n’avait jamais utilisé le mot « boche ». Mais patriote français, il avait été hanté par la nécessité de l’équilibre franco-allemand, dénonçant le pangermanisme, alertant contre Hitler. En vain. « Il n’est pas toujours agréable d’avoir raison, soupirait ce Cassandre désabusé. Il est cruel, en particulier, d’avoir raison contre son pays. »
Après-guerre, la division du monde en deux blocs, comme l’hégémonie longtemps exercée par le marxisme dans les sciences humaines, semblaient l’avoir relégué au rang des témoins d’une époque révolue. Mais avec la chute du communisme, le fait national a refait son apparition sur la planète, de façon brutale en Europe centrale et balkanique. « Celui qui s’interroge sur l’actualité, en ce nouveau passage de siècle, interroge l’Histoire et rencontre Bainville », souligne Dominique Decherf. Depuis les années 30, les temps ont certes changé. D’autres défis géopolitiques sont apparus, ainsi la dialectique Nord-Sud dont Bainville n’a pas connu l’acuité. Mais les enjeux d’un univers que certains voudraient unipolaire, alors que l’avenir s’annonce multipolaire, les illusions de la globalisation et du tout économique pourraient nous forcer à mesurer le poids des réalités enracinées dans la durée – patries, civilisations, forces spirituelles - et les vertus du politique. Pour que cet atterrissage s’effectue sans dommages, relire Bainville pourrait nous éclairer, surtout si nous savions réinventer sa méthode : penser historiquement dans un siècle idéologique.

Dominique Decherf, Bainville, l’intelligence de l’histoire, Bartillat.
Jacques Bainville, la Guerre démocratique. Journal 1914-1915, Bartillat.
Les principales oeuvres de Bainville sont disponibles aux éditions Godefroy de Bouillon.

Enquête sur Jacques Bainville

Paul-Marie Coûteaux
Essayiste, député français au Parlement européen
Au XIXe siècle qu’il avait nommé le « vieil utopiste », Bainville vit succéder un siècle presque tout entier livré à des utopies - « communisme », « fascisme » ou « mondialisme marchand » -, qui sacrifièrent au culte le plus enfantin qui soit, celui de la modernité. Dans la période que nous vivons, et qui voit s’achever deux ou trois siècles voués à une passion unique, celle du progrès indéfini, il était normal que Jacques Bainville soit placé au tout premier rang des penseurs français, puisqu’il est certainement, de ces errances qui ont porté la civilisation au bord du précipice, le meilleur et peut-être le dernier antidote intellectuel. Il sut parfaitement distinguer les conditions d’une bonne politique grâce à ce réalisme supérieur qui, fondé sur la croyance que la politique étrangère conditionne presque toute la politique intérieure, calcule d’abord le poids et les intérêts des Etats (ce que Fontenelle appelait « les poids et les mesures »). Il n’avait pas d’idéologie, mais une méthode : déterminer les effets et les causes, selon ce que l’histoire et les traditions nationales enseignent. En somme, calculer toujours les équilibres, ce mot cardinal de la politique française, que toutes les utopies et jusqu’à leur dernier avatar qui se nomme construction européenne ont depuis deux siècles détruit autour de nous, et toujours pour le pire.

Jean-Marc Varaut
Avocat à la cour, membre de l’Institut
Je dois à l’Histoire de France de Jacques Bainville l’amour presque minéral de la France. La lecture de Bainville apprend que si l’histoire, sur la longue durée, échappe à la volonté, ses mécanismes ne sont pas pour autant déterministes. L’histoire est même héroïque dans les causes secondes. Penser avec Jacques Bainville, c’est reconnaître que les hommes pensent d’abord. Ensuite, ils se déterminent souvent d’après leur manière de penser. C’est pourquoi l’Histoire de France (1924) est la suite des Conséquences politiques de la paix (1920), qui développent dans ses conséquences l’Histoire de deux peuples (1915). Bainville démontrait que si l’on voulait éviter le retour de la guerre franco-allemande, il fallait fédéraliser l’Allemagne et ne pas démembrer l’Autriche. « Nous aurons les conséquences », avertissait Bainville. Nous les avons eues. Il occupa à beaucoup d’égards, de 1914 à 1936, la place de Raymond Aron après la Seconde Guerre mondiale : celle d’un conseiller sans prince.

Philippe de Saint Robert
Ecrivain
Jacques Bainville ne fut pas seulement un remarquable historien mais aussi un excellent écrivain. Il fut d’ailleurs plus qu’un historien ordinaire qui explore le temps passé, puisque le plus important de ses livres, les Conséquences politiques de la paix, était une véritable prophétie. Quant à l’Histoire de deux peuples, c’est un chef-d’oeuvre dont on devrait imprimer des éditions spéciales à l’usage de nos « fédéralistes européens », mais savent-ils lire ? Ceux qui nous rebattent les oreilles du « devoir de mémoire » sont précisément ceux qui ne veulent plus rien savoir de l’histoire vraie, puisqu’ils lui préfèrent l’idéologie, et que la pertinence historique de l’actualité les dérange. La méthode de Bainville n’a pas à être actuelle ou inactuelle : elle est permanente.

Jean-Claude Casanova
Directeur de la revue Commentaire
Que Jacques Bainville soit un des grands écrivains politiques du XXe siècle me paraît incontestable. Grand historien ? Difficile à dire à l’aune de ceux qui le précédèrent : Fustel, Taine, Renan, Sorel, même Lavisse. Mais son Napoléon, sa Troisième République doivent encore se lire pour la clarté et l’élégance voltairienne de l’expression et pour la lucidité de l’analyse, éclairée par un souci anxieux du destin national entre la défaite de 1815 et les espoirs de 1918.
Excellent observateur d’un passé révolu, il aidera moins à comprendre le monde issu de la Seconde Guerre mondiale, dominé par le triomphe américain et par la fin du communisme. Il s’agit d’un univers trop étranger au sien, que dominait encore l’Angleterre et dans lequel l’équilibre des puissances jouait un rôle décisif. La démocratie, la technique, les échanges ont pris plus d’ampleur qu’il ne le prévoyait. Bainville peut encore modérer les illusions qui naîtront de cette évolution, mais sa méthode ne suffira pas à pénétrer les complexités d’une politique désormais mondiale.

Jean Tulard, de l’Institut
C’est par la clarté de son style et la pénétration de ses analyses que Bainville s’est imposé. Aucun jargon (vite démodé) et, contrairement à ce que l’on a pu écrire, préjugé. Si ses travaux sur Napoléon (Le 18-Brumaire, Napoléon, Bonaparte en Egypte) ont tous été réédités entre 1995 et 1998, c’est qu’ils n’ont pas vieilli.

Alain Juppé
Député de la Gironde, ancien premier ministre
L’époque actuelle ne rend certainement pas justice à l’auteur visionnaire des Conséquences politiques de la paix ni à son influence intellectuelle et politique entre les deux guerres. Sa pensée est bien sûr datée, particulièrement pour ce qui est des rapports franco-allemands. Mais s’il est une leçon de Bainville qui garde toute sa pertinence, c’est l’importance de l’histoire pour la compréhension des relations internationales : le « printemps des peuples » qui a accompagné l’écroulement du bloc soviétique ou les déchirements dramatiques des Balkans en sont, en Europe, les démonstrations les plus récentes et les plus spectaculaires.
Il me semble en outre que Bainville avait clairement vu la vocation de la France à mener une diplomatie « capétienne » de lutte contre les empires, diplomatie qui a été celle de Charles de Gaulle et qui se poursuit par l’engagement constant de notre pays contre les hégémonismes et en faveur d’un monde multipolaire.

Jean Dutourd, de l’Académie française
Jacques Bainville n’est pas seulement un historien de premier ordre, c’est aussi un écrivain considérable et l’un des plus grands esprits qu’il y ait eu en France pendant la première moitié du XXe siècle. La raison pour laquelle il est négligé aujourd’hui est strictement politique. Son sens de la réalité, son goût de la vérité historique, ses dons prophétiques font absolument horreur aux intellectuels français, européens et mondialistes. Bainville souffre du même ostracisme que Rivarol, par exemple, qui est depuis deux cents ans victime d’un complot républicain de silence. Ni Rivarol ni Bainville ne sont des écrivains pour époque bête.

Général (c. r.) Pierre-Marie Gallois
Il ne s’agit plus, me semble-t-il, de penser historiquement dans un siècle idéologique, mais plutôt de savoir s’il conviendrait de penser historiquement dans le siècle matériellement hédonistique qui s’annonce. La préoccupation économique individuelle dominante risque de provoquer l’éclatement des groupes sociaux formés par le milieu et par le temps. L’histoire peut contribuer à prévenir cette désintégration par l’évocation permanente des grandes réalisations collectivement entreprises. Mémoire de l’humanité, l’histoire est aussi celle des nations. Penser historiquement, c’est empêcher qu’elles s’accommodent d’une destinée finie.

Michel Déon, de l’Académie française
Toute l’histoire de France est une sombre récapitulation des occasions perdues. Parmi ces occasions perdues, l’une des plus cruelles est celle, au XXe siècle, de n’avoir pas eu Jacques Bainville pour ministre des Affaires étrangères, voire comme président du Conseil. L’intelligence, le savoir, la clarté du style, la pré-science quasi magique de cet homme blessent son lecteur aujourd’hui. Comment ne l’a-t-on pas écouté ? Il avait tout compris, tout lu, tout observé, tout prévu, parfois avec soixante ans d’avance, comme pour la Yougoslavie. Le plus grave péché en politique est d’avoir toujours raison. Les esprits universels dérangent à ce point la pensée unique que l’on nie jusqu’à leur existence. Cela dit, la vérité finit toujours par l’emporter, mais trop tard. Un renouveau de la pensée bainvillienne est en cours. Il faudra encore beaucoup d’indépendance d’esprit pour qu’elle soit redécouverte. Bainville était un désespéré qui n’a jamais cessé de croire à un espoir, si éloigné fût-il.

Emmanuel Le Roy Ladurie, de l’Institut
Bainville n’était pas universitaire ; il était Action française, et de l’Académie française. Non-universitaire : l’espèce tend à se tarir. Certains ont été récupérés par l’université, tel Philippe Ariès. Nous avons toujours l’éminent Henri Amouroux. Néanmoins, les historiens qui n’appartiennent pas à l’université n’ont pas, ou peu, de disciples. Etait-ce le cas de Bainville ? En tout cas, la « reproduction », comme diraient nos sociologues, ne s’opère pas suffisamment. Bainville était lié à l’Action française, mais il eut l’heureuse idée de mourir en 1936. L’Académie française, maintenant : elle a eu en son sein de très grands historiens de droite non-universitaires comme Bainville, encore lui, et Gaxotte. C’était le temps où la droite française avait des idées. Par la suite, l’Académie française a admis quelques grands noms de l’école des Annales : Braudel, Duby, Furet. Ces personnages de tout premier plan ont disparu. Où sont les Bainville, les Furet et les Duby du premier quart du XXIe siècle ?

Thierry de Montbrial, de l’Institut
Beaucoup plus que la Première Guerre mondiale, la Seconde est la conséquence des erreurs répétées qui ont permis aux prévisions de Bainville de prendre corps. Le manque de lucidité et de courage des dirigeants, notamment français et britanniques, aux moments décisifs tels que le réarmement allemand (1935) ou l’annexion de l’Autriche et des Sudètes (1938) a contribué à précipiter l’Europe et le monde dans l’abîme. La conférence de Munich demeure encore, dans la mémoire collective, le symbole de la lâcheté face aux dictateurs, au point qu’on l’évoque improprement dans des circonstances très différentes. Le spectre de Munich a hanté les dirigeants occidentaux après l’agression de Saddam Hussein au Koweït en 1990, et même dans certaines phases de la guerre de sécession en Yougoslavie, après 1991. En tout état de cause, le simple rappel des épisodes tragiques de l’entre-deux-guerres pose le problème de la capacité d’action et de la responsabilité des hommes d’Etat, donc celui de leur rôle dans les bifurcations de l’Histoire.

Hubert Védrine
Ministre des Affaires étrangères
S’intéresser aujourd’hui à Jacques Bainville, comme le fait Dominique Decherf, mérite un coup de chapeau : sa pensée paraît dépassée, il n’est plus lu ni commenté. Or, par culture historique, je ne crois pas à la table rase et il n’est jamais inutile de scruter les intelligences passées. Or de l’intelligence lucide Jacques Bainville en a eu à revendre. Je vois même dans ses articles de 1913 prévoyant le conflit à venir, dans son Comment est née la révolution russe, dans son extraordinaire Conséquences politiques de la paix de 1920, dans son Histoire de deux peuples continuée jusqu’à Hitler, dans L’Amérique peut-elle rester isolée ?, où il démontre que non, un modèle de lucidité que l’on a résumé par « penser historiquement dans un siècle idéologique », ce qui reste toujours aussi nécessaire et aussi difficile. Mais s’il fut un des esprits les plus clairvoyants du début du siècle, sa lucidité fut classique. Elle n’alla pas au-delà des limites d’une pensée nationale, d’une modération très française, très traditionnelle, un cadre que la Seconde Guerre fera voler en éclats. Rien donc, chez lui, qui annonce la suite ce n’est pas un Tocqueville , mais beaucoup qui aurait évité de gigantesques erreurs. Il ne faut pas le juger depuis le monde global, mais par rapport aux errements tragiques de tant de ses contemporains ; ne pas rechercher dans ses écrits des réponses aux questions d’aujourd’hui, mais se souvenir de la méthode : analyser les faits et faire la part des préjugés.

Propos recueillis par Jean Sévillia http://www.jeansevillia.com/

lundi 11 janvier 2010

Une colonisation tardive

L’Afrique subsaharienne commença à être reconnue par les Européens à partir du XVe siècle. Pour quelle raison ? Dès avant la chute de Constantinople (1453), les voies d’approvisionnement asiatiques étaient devenues incertaines, en raison notamment de la progression des peuples de la steppe en Asie Centrale. L’approvisionnement en produits orientaux devenant aléatoire, il fallut trouver d’autres routes, ce que firent les Portugais en longeant le littoral africain. Ils reconnurent ainsi la route du Cap, envoyèrent des ambassades auprès du Négus d’Ethiopie et remontèrent certains fleuves africains, mais sans jamais songer à coloniser l’Afrique qu’ils ne considéraient que comme une escale sur la route des Indes.
A l’exception d’un noyau de colonisation autour de Luanda, en Angola, et d’un autre dans la baie de Maputo au Mozambique, les Portugais ne voyaient dans leurs établissements d’Afrique que des bases de ravitaillement. Pionniers de la découverte de l’Afrique, les Portugais ne furent pas les initiateurs de sa colonisation.
La seconde phase de l’aventure européenne en Afrique se situe entre la fin du XVIe siècle et le début du XVIIIe siècle, avec l’entrée en jeu des puissances issues de la Réforme, qui vinrent concurrencer les Portugais.
Les Hollandais furent les premiers. En l’espace de soixante-quinze ans, ils évincèrent, en effet, pratiquement les Portugais de la route des Indes, s’installèrent en Insulinde, à Bastia, et, en 1652, créèrent le comptoir du Cap. Là encore il n’y eut pas de colonisation de l’intérieur, les autorités hollandaises interdisant même aux colons débarquant au Cap toute installation dans l’arrière-pays. Pour les Hollandais, cet établissement n’avait qu’un seul intérêt, celui d’être situé à mi-distance de l’Europe et de l’Inde. C’était une étape où l’on ferait escale à l’aller et au retour et où l’on embarquerait des vivres frais pour permettre aux marins d’échapper au scorbut.
Au XIXe siècle, l’Europe ne désirait pas coloniser l’intérieur de l’Afrique. Elle y fut cependant contrainte par les campagnes humanitaires des voyageurs et des missionnaires. Ces derniers voyaient, en effet, dans la colonisation le seul remède aux maux des populations noires.
C’est à cette époque que commença l’acharnement philanthropique. L’Afrique fut alors prise en charge au nom de nos principes de générosité et de nos bons sentiments. Tous parfaitement étrangers au continent noir.
Leur application allait interdire à toutes les "Prusse" potentielles d’unifier sous leur loi des tribus disparates qui avaient vocation à servir les peuples dominants.
La colonisation de l’Afrique noire est donc tardive et se présente de manière très différente de celle de l’Amérique.
Aux Amériques, la présence européenne débute dès le XVIe siècle. L’Afrique est, quant à elle, restée fermée aux Européens jusqu’à la fin du XIXe siècle. Du XVIe au XIXe, les Blancs se contentèrent de longer le littoral et d’y établir des comptoirs mais ne pénétrèrent véritablement dans le coeur du continent qu’à l’extrême fin du XIXe siècle.
Contrairement aux légendes, les Anciens ne connaissaient pas l’Afrique du sud du Sahara. La limite ultime de navigation dans l’Atlantique était l’île de Mogador, au sud du Maroc ; cependant qu’à l’est la limite se situait vers Zanzibar.
Pendant trois mille ans, deux Afriques ont donc vécu en s’ignorant. L’Afrique du Nord, rattachée aux civilisations méditerranéennes et qui sera coupée de l’Occident à la suite des invasions arabes du VIIe siècle ; et l’Afrique sub-saharienne, qui commencera à s’ouvrir au monde méditerranéen avec l’islamisation. Ce furent, en effet, les Arabes qui, à partir des oasis du Touat et de Tafilalet, la découvrirent.
Les Britanniques, de leur côté, créèrent au XVIIIe siècle quelques comptoirs destinés à la traite des Noirs. Les chiffres de cette traite ont longuement été discutés. Les estimations scientifiquement licites varient entre neuf et douze millions d’esclaves transplantés en trois siècles. A l’apogée de la traite, c’est-à-dire au XVIIIe siècle, les Européens sont présents partout mais en très petit nombre sur le littoral de l’Afrique, du Sénégal jusqu’au sud de l’actuel Mozambique. De plus, ils ne pénètrent toujours pas à l’intérieur du continent. Ils sont "accrochés" au littoral et à peine tolérés par les populations locales.
Pourquoi, d’ailleurs, iraient-ils affronter les fièvres, les tribus farouches, la nature inconnue de l’Afrique profonde alors qu’il est si confortable d’attendre dans les comptoirs que leurs fournisseurs noirs viennent y vendre les esclaves ?
De même que la conquête du Mexique a largement été faite par les Indiens au service des Espagnols, la traite atlantique a été réalisée par des Africains ; car ce sont des Africains qui ont vendu d’autres Africains. Les Européens ont en réalité détourné et amplifié à leur profit des pratiques traditionnelles qui existaient depuis des temps immémoriaux.
Au terme du XVIIIe siècle, aucune puissance européenne ne s’est encore aventurée à coloniser l’intérieur des espaces africains, à l’exception d’une modeste avancée française dans la vallée du Sénégal. La situation reste inchangée pendant la première partie du XIXe, sauf en Afrique du Sud où les Boers firent leur "Grand Trek" dans les années 1830-1835, s’enfonçant dans les terres vierges après avoir abandonné celles qu’ils occupaient depuis 1652-1660, pour partir à la conquête de territoires nouveaux où ils pensaient pouvoir vivre libres, loin des Britanniques. Ailleurs, les Européens étaient toujours cantonnés sur le littoral.
par Bernard Lugan (3 mars 1995)

Texte publié dans Le Libre Journal n°61.

vendredi 8 janvier 2010

Manuel de survie à l’usage des nuls en Droit Constitutionnel



« La France n’est ni un peuple, ni une langue, ni un territoire, ni une religion c’est un conglomérat de peuples, qui veulent vivre ensemble. Il n’y a pas de Français de souche, mais une France de métissage », selon Eric Besson, Ministre de l’Immigration et de l’Identité Nationale, déclaration lue dans Le Parisien
ce 8 janvier 2010. Je me suis pincée pour être certaine d’avoir bien lu ce que je croyais avoir lu. Un doute m’a saisi et je me suis renseignée sur le parcours scolaire du sieur dénommé : Ecole de Commerce de Montpellier et IEP Paris.
Parce qu’il est charitable de ne pas laisser son prochain dans l’ignorance, et si par le plus grand des hasards parmi les lecteurs, certains connaissent le Ministre, merci de lui communiquer cette note de synthèse !
1/ Depuis la décision du Conseil Constitutionnel 91- 290 du 9 mai 1991, refuse d’admettre la constitutionnalité de la qualification de « peuple corse », au motif que la mention de « peuple corse, composante du peuple français » est contraire à la constitution et à la tradition constitutionnelle française, laquelle ne connaît que « le peuple français », composé de tous les citoyens français, sans distinction d’origine, de race ou de religion » (Art. 1 de la Constitution du 4 Octobre 1958). C’était la première fois que la Haute Juridiction reconnaissait une valeur constitutionnelle à la notion de « peuple français » dont le caractère unitaire est réaffirmé avec une particulière solennité par « les 9 Sages » et son président de l’époque Yves Guéna, gaulliste historique et appartenant tout comme vous à l’UMP. Pour appuyer sa démonstration, le Conseil Constitutionnel s’appuie sur de nombreuses références qui ne peuvent avoir été oubliées par le Républicain que vous affirmez être à longueur de médias !
- La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 Août 1789 qui débute dans son Préambule « Les représentants du peuple français ».
- La Constitution de 1848, si chère au cœur des républicains de gauche, commence par ses mots : « La souveraineté Nationale appartient au peuple français ».
Allez encore un dernier pour la route :
- Le Préambule de la Constitution de 1958 dispose que « le peuple français affirme solennellement son attachement aux droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale ».
Vous remarquerez, rien que des textes républicains, pas antérieurs à 1789, car selon vous et vos amis, la France n’a d’existence que depuis 200 ans.
Pas convaincu sur le principe d’unicité du peuple français et par la même de son existence contrairement à vos affirmations ? La Haute juridiction dans une décision du 15 juin 1999 relative à la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, a indiqué que certaines dispositions sont contraires à la constitution française en ce qu’elles confèrent des droits spécifiques à des « groupes » de locuteurs de langues régionales ou minoritaires à l’intérieur de « territoires » dans lesquels ces langues sont pratiquées et qu’elles portent ainsi atteinte aux principes constitutionnels d’indivisibilité, d’unité, et d’égalité du peuple français.
A l’Européiste et ancien partisan de feu François Mitterrand que vous étiez, je vous rappelle qu’au moment de la ratification du Traité de Maastricht en 1992, la réforme constitutionnelle nécessaire a inscrit dans la constitution dans son article 2 que « la langue de la République est le français », confirmant le point sur la tradition unitaire française.
Je vous fais grâce du texte de l’abbé Grégoire de Juin 1794 sur « les moyens d’établir une nouvelle grammaire et un vocabulaire nouveau de la langue française qui faciliteront l’étude de la langue de la liberté. », Manuel Belin, classe de 4e Histoire Géographie, page 64, édition 2002.
Enfin, il faudra m’expliquer si ce peuple français n’existe pas, pourquoi l’ensemble des tribunaux français jugent au nom du peuple français ? Malgré la réforme de la carte judiciaire de Rachida Dior pardon Dati, ils restent encore quelques juridictions civiles, pénales ou administratives. Sinon, il faudrait prévenir tous ces « braves magistrats et ces jurés populaires » qu’ils rendent la justice au nom de quelque chose qui n’existe pas !!
A ce stade, je suis sûre que la mémoire vous revient, il n’est pas possible que vous ayez raté autant de cours élémentaires de Droit Constitutionnel, vous, un ancien élève de l’IEP de Paris ?
2/ « Ni de territoire » continuez vous ! Dites donc c’est votre collègue au gouvernement Michel Mercier qui va se trouver mal, lui qui est en charge depuis le remaniement du 23 juin 2009 du Ministère de l’Espace Rural et de l’Aménagement du territoire, lui, qui a mis tant de temps à devenir Ministre ! Si en plus, il apprend que le territoire de la France n’existe pas, les mauvaises langues pourraient se demander à quoi, il peut bien passer ses journées ? A mon avis, mais ça n’engage que moi, vous n’allez pas vous en faire un ami !
Bon je m’égare revenons à notre sujet et si nous parlions du principe d’indivisibilité de la République. En effet, pour qu’un Etat existe, il faut qu’il repose sur une zone géographique définie si vous préférez. Et qui dit Etat dit organisation territoriale de la France. Désolée, décidément ce mot territoire on le chasse par la porte et il revient par la fenêtre !
De tout temps, s’est posée cette question, promis je ne vous parlerai pas de Jean Bodin, juriste de l’Ancien Régime. Allez, je sens que vous vous énervez car ce nom vous est inconnu, vous qui ne connaissait l’histoire des idées politiques seulement qu’à partir de la Révolution. Fichu cours de l’IEP de première année depuis le temps que l’on doit le réformer, mais que fait Pécresse ?
Je choisis un penseur républicain indiscutable, je suis certaine qu’il va vous plaire, lui aussi a trahi son état, en l’espèce ecclésiastique pour embrasser les idéaux révolutionnaires : l’abbé Sieyès qui le 7 septembre 1789 soulignait devant l’assemblée constituante la nécessité d’adopter un système uniforme pour éviter de voir le royaume (c’est ainsi que l’on appelait le territoire en ce temps là !) se déchirer en une multitudes de petits états, sous forme républicaine, et pour que la France puisse être un seul tout soumis uniformément dans toutes les parties à une législation et une administration communes. Ce sont là les prémices du principe d’indivisibilité du territoire sur lesquels la constitution française s’appuie.
Voilà, je crois que modestement, en quelques lignes, j’ai réussi, à vous transmettre quelques notions de Droit Constitutionnel qui ne seront pas de trop pour vous permettre de rencontrer Marine Le Pen, jeudi 14 Janvier 2010 sur France 2. Vu que vous êtes libre dans la soirée du 13 Janvier 2010 après avoir annulé votre participation à votre propre débat sur l’Identité Nationale à Liévin, je vous recommande la lecture de deux ouvrages :
1/ Les Grandes décisions du Conseil Constitutionnel, édition Dalloz. Un conseil prenez la dernière édition, c’est d’ailleurs ce que recommande les professeurs de Droit Public à leurs étudiants de première année. Dans les Université de Droit c’est un cours obligatoire.
2/ La thèse de Rolland Debbasch, Sur l’indivisibilité de la République, édition Economica, 1990.
Eléonore B, pour Nations Presse Info

mardi 5 janvier 2010

Les esclaves oubliés

Il n’y a pas que l’esclavage transatlantique! Il y a eu aussi le trafic d’esclave à travers l’Afrique à destination du monde arabe. Découvrez cette face cachée de l’histoire

vendredi 1 janvier 2010

Comment la guerre en Afghanistan a commencé

Le 25 décembre 1979 commença l’entrée des troupes soviétiques en Afghanistan. Jusque-là, des décennies durant, avaient existé entre l'URSS et l'Afghanistan des relations de bon voisinage. La politique de Mohammed Zaher Chah était équilibrée et arrangeait l'URSS qui réalisait en Afghanistan bon nombre de projets économiques, lui livrait des armes et formait des spécialistes afghans dans ses écoles supérieures.
Cependant, sans faire de mouvements brusques, Zaher Chah maintenait la situation dans le pays, ce qui provoquait le mécontentement de diverses forces politiques des islamistes aux progressistes. Finalement, lors d’une visite à l'étranger, il fut destitué par son cousin Mohammed Daoud.
Ce coup d’État fut le premier maillon d’une chaîne d’événements politiques ultérieurs et n'eut pas d’effet significatif sur les relations entre l'Afghanistan et l'URSS. Néanmoins, la situation à l'intérieur du pays commença à devenir tendue petit à petit. Un certain nombre de personnalités islamistes, comme Rabbani, Hekmatyar et autres, se réfugièrent alors au Pakistan voisin d’où ils dirigèrent ensuite l'opposition armée et composèrent le groupe dit alliance des Sept ou Groupe de Peshawar. Parallèlement, les États-Unis commencèrent à nouer des liens avec les futurs leaders des moudjahidines.
En 1977, les relations entre l'URSS et l'Afghanistan commencèrent à se dégrader : Mohammed Daoud se mit à sonder le terrain en vue d’établir des liens avec l’Iran et les monarchies du Golfe Persique. En 1978, des persécutions furent déclenchées en Afghanistan contre les membres du Parti populaire et démocratique d'Afghanistan (PPDA), de tendance marxiste. Cependant, cette répression se solda par un échec, et un nouveau coup d’État eut lieu dans le pays. Les officiers de l'armée, tous issus d’écoles militaires soviétiques, soutenaient les leaders du PPDA. Le 28 avril restera dans l'histoire comme le jour de la Révolution d'avril. Mohammed Daoud fut tué.

La Révolution d'avril fut, comme le coup d’État de Daoud, une surprise pour l'URSS qui aspirait justement à préserver la stabilité à ses frontières sud. Le nouveau pouvoir afghan engagea des réformes radicales dans le pays, alors que l'URSS cherchait à juguler le caractère révolutionnaire de ces réformes, qui, vu le niveau de développement extrêmement bas de la société en Afghanistan, avaient très peu de chances de réussir et d’être bien accueillies par la population.
Entre-temps, en Afghanistan une scission se produisit entre les deux ailes principales du PPDA : d’un côté le groupe Khalq «populaire» et plus radicale, et de l’autre le groupe modéré Partcham dont la base était constituée d’aristocrates intellectuels de formation européenne. Khalq avait pour leaders Hafizullah Amin et Nour Mohammed Taraki, et Partcham était conduit par Babrak Karmal qui, après la révolution, fut envoyé comme ambassadeur en Tchécoslovaquie en vue de l’écarter de la vie politique de l’Afghanistan. Plusieurs partisans de Karmal furent également démis de leurs postes, et nombre d'entre eux exécutés. Les sympathies de l'URSS dans cette opposition allaient plutôt aux membres modérés de Partcham.
Les réformes du PPDA ont entraîné une déstabilisation dans le pays. On vit se former les premiers détachements de moudjahidines qui commencent à recevoir bientôt une aide toujours plus importante en provenance des États-Unis, du Pakistan, de l'Arabie Saoudite, de la Chine.
L'URSS ne pouvait pas se permettre de perdre le contrôle de l'Afghanistan, mais la guerre civile prenant de plus en plus d’ampleur constituait une menace de réelle. A partir du printemps 1979, les leaders afghans demandèrent avec de plus en plus d’instance un soutien militaire direct de la part de l'URSS. Mais tout en acceptant d'augmenter ses livraisons en armements et en denrées alimentaires, ainsi qu’une aide financière et le renforcement de la formation de spécialistes, les dirigeants soviétiques ne voulaient pas envoyer de troupes en Afghanistan.
Le problème s'aggravait en raison du caractère intraitable des dirigeants afghans persuadés d’être « sur la bonne voie », surtout Amin. Entre lui et Taraki, il y avait aussi des désaccords qui avec le temps dégénérèrent en conflit ouvert. Taraki fut accusé d'opportunisme et assassiné le 14 septembre 1979.
Concrètement, en demandant une intervention militaire directe, Amin exerça là un chantage direct à l’égard du gouvernement soviétique. Il prédisait une prise du pouvoir par des forces proaméricaines et l'apparition, aux frontières de l'URSS, d’un foyer de tension qui, déjà, menacerait de déstabilisation l'Asie centrale soviétique. En outre, Amin lui-même s’adressa aux États-Unis (par l’intermédiaire des Pakistanais) en leur proposant d'améliorer les relations entre les deux pays et, ce qui était probablement le pire de tout à ce moment-là, se mit à sonder le terrain en vue d’établir des relations avec la Chine qui recherchait des alliés dans son opposition avec l’URSS.
Amin fut-il abattu par des commandos soviétiques par hasard ou fut-ce une action planifiée ? Cela n'a pas tant d’importance aujourd'hui. Quoi qu’il en soit, à la fin de l'automne 1979, la position des dirigeants soviétiques commença à changer. Iouri Andropov, le chef du KGB, qui jusque là s’était fermement opposé à l’envoi de troupes, commença à se rallier à l'idée que cela devenait nécessaire afin de stabiliser la situation. De plus, c’était aussi, dès le début, l'opinion du ministre de la Défense Dmitri Oustinov, bien que nombre d'autres éminents représentants de l'élite militaire soviétique fussent contre.
Toujours est-il que les faits ont contredit tous ces calculs : prévue initialement comme un soutien envers le gouvernement ami de l'Afghanistan, l’opération finit par se muer en une longue guerre contre-guérilla.
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