samedi 30 août 2014

Le DVD des Cristeros

Le DVD du film les Cristeros sortira en novembre 2014. Une pré-commande est possible ici.

1793 : L’Août sanglant (partie 2)

Le 19 janvier 1794, le général Louis-Marie Turreau présente devant les députés de la Convention un plan d’extermination de la Vendée. La «Grande Armée Catholique et Royale» est finalement écrasée à Savenay. Au début de l’année, Henri de La Roche Jaquelein est tué lors d’une embuscade, et d’Elbée est exécuté. Alors que l’insurrection vendéenne semble vaincue pour de bon, la Convention poursuit ses représailles. Le plan de Turreau est le suivant : 24 colonnes pénétreront en Vendée avec la consigne de tout brûler et de tout massacrer. 2.000 Vendéens sont massacrés à Angers, 1.500 à Noirmoutier, 1.800 aux carrières de Gigant près de Nantes. Le représentant en mission Carrier fait noyer 4.000 personnes dans la Loire. Les horreurs perpétrées par ces colonnes leur vaudront dans l’Histoire le qualificatif d’ « infernales ».
Le plan de Turreau échoue malgré tout. Il a eu l’effet inverse de ce qui était escompté : la Vendée est prête à reprendre les armes. Il est destitué le 13 Mai. Les besoins de la guerre extérieure font que la Convention évacue la Vendée, laissant le temps à la région insurgée de respirer. À Paris,  Robespierre est tombé, la politique de Terreur touche à sa fin. Fatiguée de la guerre civile, la Convention envoie des émissaires à Charette pour lui proposer la paix. Les pourparlers ont lieu à la Jaunaye, près de Nantes. Lazare Hoche prend la tête de l’armée républicaine de Vendée. Il proscrit les pillages et les représailles, ordonne à ses troupes de respecter la liberté religieuse, selon les stipulations de la Jaunaye. On dira de lui qu’il fut le «pacificateur de la Vendée». Dans le même temps, les paysans, dans la mesure où le culte catholique n’était plus menacé, ne voient plus de raisons pour se battre. La paix est finalement signée le 17 février 1795. Charette exige et obtient la liberté religieuse pour la Vendée contre sa soumission à la république.
Cependant, un ancien chef vendéen, François Charette de la Contrie, tente de reprendre le combat. Le 25 juin 1795, il passe une alliance à Belleville avec des émigrés royalistes et organise un débarquement en Vendée avec le soutien des anglais, en guerre contre le gouvernement de Paris. Ce débarquement, prévus sur la presqu’île de Quiberon échoue lamentablement. Charrette, isolé dans le bocage avec quelques partisans, traqué, est finalement pris le 23 mars à Saint-Sulpice-le-Verdon et fusillé le 29 mars 1796. Un autre chef vendéen, Stofflet, rentre en guerre en janvier 1796 sur ordre des princes émigrés. Il est cependant capturé et fusillé à Angers le 25 février 1796.
Une question mémorielle
Au gré des circonstances, comme le souligne Daniel Linderberg (4), la mémoire de la guerre civile a été interprétée, réinterprétée selon les besoins du moment et ce dès le XIXe siècle. Toujours est-il que « depuis 1793, la France est malade de la Vendée » (5). La Vendée reste une « région mémoire » (6), dont les paysages sont marqués par le souvenir de la guerre civile. Il y a quelques dizaines d’années encore, des charniers datant de cette période étaient découverts. La question vendéenne revint sur le devant de la scène à l’approche du bicentenaire de la révolution (1989). En effet, en 1986 la thèse très médiatisée de Reynald Seycher « Le génocide franco-français, la Vendée-Vengée » (préfacée par Pierre Chaunu) a fait l’effet d’une bombe. Deux enjeux majeurs gravitent autour de la question vendéenne : le nombre des victimes et la qualification du phénomène (s’agit-il d’un génocide ?).
L’estimation du nombre des victimes des guerres de Vendée a longtemps oscillé entre 50 000 et 500 000 morts, voir Six cent mille pour les estimations les plus hautes. Ce dernier chiffre vient du pacificateur de la Vendée, Hoche lui-même. Ce dernier affirme ce chiffre dans une correspondance avec le ministre de l’intérieur dans laquelle il se plaint de certaines critiques estimant sa gestion de la répression trop modérée : « Qu’ils aillent à Beaulieu,, aux Quatre-Chemins, à La Baffière, dans toutes les forêts qui couvrent leur pays, ils y verront la terre couverte de leurs concitoyens ! Six cent mille Français ont péri dans la Vendée. Veut-on encore du sang … ? » (7). Ce chiffre est cependant sans doute surévalué. Il convient en effet de rappeler que « Hoche n’avance aucun élément précis pour appuyer ce chiffre et qu’il partage avec ses contemporains une incapacité à évaluer correctement des grands nombres et une volonté évidente sous le Directoire de « charger » les responsables de la période jacobine » (8). Les ambiguïtés de ce chiffre ne l’ont pas empêché d’avoir une grande postérité. Rien ne précise s’il vise la seule Vendée, ou l’Ouest de la France dans son entier, ou s’il prend en compte les victimes d’un seul camp ou des deux camps. La mémoire commune vendéenne, d’après la Revue du Souvenir vendéen, s’en tient quant à elle au chiffre de 300 000 morts vendéens. En réalité, il est extrêmement difficile de définir précisément le nombre de morts : « Comme François Lebrun l’a opportunément rappelé, les historiens ne disposent d’aucun moyen direct pour évaluer le nombre des morts, une fois qu’ils se sont entendus sur ceux qu’il faut prendre en compte. » (9) Les recherches menées depuis une vingtaine d’années, en histoire démographique, permettent cependant de mieux approcher ce qui a été la réalité du nombre de victime.
Enfin, la méthode qu’a utilisée R. Sécher pour quantifier le nombre des victimes n’est pas exempte de reproches. Ne pouvant pas compter commune par commune il a cherché une méthode de remplacement. Cette méthode, selon Claude Langlois, « inclut des approximations fâcheuses […] dégage des résultats ambigus » (10). A titre d’exemple, Sécher surévalue la population de la Vendée militaire en incluant la population des villes (quand la majorité des combattants était des ruraux). Par conséquent, le chiffre de 600 000 morts reste une évaluation peu vraisemblable, d’autant plus qu’il s’agit de la population approximative de la Vendée insurgée.
Cette question est liée à celle de la dénomination génocidaire des guerres de Vendée. Nous venons de voir que la thèse du « génocide » s’appuie sur un chiffre surévalué des victimes. L’utilisation du terme « génocide » pour qualifier la guerre de Vendée n’est pas un fait nouveau. La perception des évènements, autrefois religieuse, a fini par prendre un autre tour. La cruauté, la brutalité, le sadisme des tortionnaires des colonnes infernales est finalement apparu digne de comparaison avec les grands génocides du XXe siècle (notamment en ce qui concerne le massacre de civils, notamment les enfants). La perspective de Pierre Chaunu apporte néanmoins une idée importante : la Révolution serait la matrice des pratiques génocidaires modernes (même si la forme de répression utilisée en Vendée présente des similitudes avec celles utilisées sous la monarchie, par exemple, le sac du Palatinat) (11).
Selon nous, l’idée de considérer la guerre de Vendée comme un génocide est cependant critiquable. Premièrement, le peuple vendéen ne représentait pas un groupe ethnique à part, dont on aurait voulu se débarrasser. Le vocable utilisé par la Convention pour désigner les insurgés vendéens (« sauvage », « barbare ») ne diffère pas de celui utilisé précédemment par l’Etat royal moderne pour désigner les émeutiers ou les révoltés. De plus, tout lecteur fréquentant nos milieux sait à quel point le terme de « génocide » est fluctuant. Il est de même paradoxal de fustiger les revendications victimaires chez nos adversaires (antiracisme institutionnel, shoah buisness, chantage à l’antisémitisme) et de soutenir indument le même type de revendications quand cela nous renvoie à notre combat. Enfin cela ne fige-t-il pas l’image d’une partie de la lutte nationale et catholique sous les traits d’un martyr sans fin, et donc dans une posture d’infériorité permanente face à la République ? Ne s’agit-il pas d’un autre mythe incapacitant ?
Ce qui nous semble important de souligner concernant cet épisode de notre histoire est qu’il s’agit avant tout d’une guerre civile aux atrocités initiales partagées, coûteuse autant pour les troupes de la République envoyées sur place que pour les combattants de la Vendée. L’opposition entre les deux camps est avant tout culturel, politique, civilisationnel. Il est toutefois clair que la Révolution ouvre un nouveau cycle dans l’histoire de la violence en politique. La Terreur est-elle le fruit d’une minorité fanatique, ou était-elle imposée par les circonstances ? N’est-elle pas le fruit de l’idéologie révolutionnaire elle-même ? L’idéologie des droits de l’homme promue depuis le 26 Août 1789 rend inhumain quiconque ne va pas dans le sens de ceux qui la prônent. Par conséquent, tout adversaire du camp des droits de l’homme, peut aussi devenir un adversaire du genre humain, et par conséquent, perdre son humanité, ce qui autorise la mise en place de tous les moyens, y compris les plus extrêmes, pour en venir à bout.
En conclusion, malgré une occultation quasi-opaque en dehors des milieux universitaires, nationaux-catholiques et de la Vendée elle-même, les évènements tragiques des guerres de Vendée posent de nombreuses questions centrales. Celle notamment des crimes de la République, dont l’horreur semble inversement proportionnelle à l’humanisme autoproclamé des coupables. La répression de la Vendée est sans doute une première dans la mesure où pour la première fois que des individus se soulevaient contre la République, la réponse de celle-ci sera celle de tous les autres régimes démocratiques ou républicains modernes : la destruction systématique, au nom des droits de l’Homme. Ces épisodes rentrent aussi dans la longue et sanglante histoire des guerres civiles en France. Conflits civils qui en France comme ailleurs sont souvent les plus brutaux, les plus atroces, les plus mortels (Fabienne Manière rapproche d’ailleurs les guerres de Vendée à la Guerre de Sécession Américaine pour ce qui est de la violence). Conflits civils dont le spectre n’est jamais très loin. Enfin, ces évènements posent la question des mythes incapacitants produits par l’histoire. Paradoxalement, la revendication d’une reconnaissance du caractère génocidaire de la répression de la Vendée (ce qui a finalement peu d’importance compte tenu du fait que cela ne changera rien), si elle laisserait espérer, en cas de victoire, le changement des regards du plus grand nombre sur ces évènements, pourrait constituer un mythe purement incapacitant, en fixant l’attention sur l’horreur de la violence subie plus que sur l’héroïsme des combats menés.
Notes 
1. Cité par Fabienne Manière, « 1793-1795, Les guerres de Vendée», pour hérodote.net. 
2. Idem.
3.  Les forêts seront abattues, les repaires de rebelles seront détruits, les récoltes seront coupées […] les femmes, les enfants et les vieillards seront conduits à l’intérieur ». Cité par Jean-Joël Brégeon, « La Révolution et la Terreur », dans La Nouvelle Revue d’Histoire, numéro 44, septembre-octobre 2009. Ou encore « Le ministre de la guerre donnera sur-le-champ les ordres nécessaires pour que la garnison de Mayence soit transportée en poste dans la Vendée ; Il sera envoyé par le ministre de la guerre des matières combustibles de toute espèce, pour incendier les bois, les taillis et les genêts… Les femmes, les enfants et les vieillards, seront conduits dans l’intérieur ; il sera pourvu à leur subsistance et à leur sûreté, avec tous les égards dus à l’humanité… Les biens des rebelles de la Vendée sont déclarés appartenir à la république. » (Extrait du décret de la convention nationale du 1er août 1793, A.D.V., 52J4). Cité par Fabienne Manière, « 1793-1795, Les guerres de Vendée», pour hérodote.net.
4. Daniel Lindenberg, « Guerres de mémoire en France », dans Vingtième Siècle. Revue d’histoire. N°42, avril-juin 1994. pp. 77-96.
5. Jean Huguet, Un cœur d’étoffe rouge. France et Vendée, 1793. Le mythe et l’histoire, Paris, R. Laffont, 1985.
6.  Titre de la contribution de J.-C. Martin à l’ouvrage de P. Nora, Les lieux de mémoire, tome 1, La République, Paris, Gallimard, 1984, p. 595-617.
7.  E. Cuneo d’Ornano, Hoche, sa vie, sa correspondance, Paris, 1892, p. 227. Lettre du 13 pluviôse an IV – 2 février 1796, au ministre de l’Intérieur. Dans la même lettre, il estime que les quatre cinquièmes de la population mâle ont péri.
8. Langlois Claude. « La révolution malade de la Vendée ». Dans: Vingtième Siècle. Revue d’histoire. N°14, avril-juin 1987. pp. 63-78.
9. Idem.
10. Idem.
11. Selon François Lebrun, la Révolution a usé de la vieille pratique du « dégât », destruction systématique des habitations comme avaient fait un siècle plus tôt les armées françaises dans le Palatinat.

1793 : L’Août sanglant

La période révolutionnaire fait l’objet de mémoires et d’analyses contradictoires. Le discours dominant, l’historiographie républicaine, produit évidemment un récit hagiographique de cette période, à tel point que certains de nos contemporains en viennent à considérer, consciemment ou non, que la France est née en 1789. Les épisodes les plus sanglants, les fautes, et les crimes de la Révolution étaient jusqu’à peu traités soit par euphémismes soit attribués à la seule Convention. Ainsi, la troisième république s’est-elle affirmée comme l’héritière de 1789, en rejetant l’héritage de 1793 comme si l’esprit de la première était dissociable de celui de la seconde. Si les études universitaires ont permis de prendre un recul croissant vis-à-vis des évènements révolutionnaires, la Révolution reste cependant l’objet de débats passionnels et idéologiques. Le cas de la Vendée est dans ce domaine significatif. La mémoire vendéenne dérange, fait tâche, jure avec l’enthousiasme qui entoure généralement les commémorations de la prise de la Bastille, épiphénomène devenu fête nationale… Elle reste malgré tout vivace dans les milieux catholiques et nationaux, et en Vendée même évidemment. Les soulèvements vendéens symbolisent la révolte d’un bon sens populaire, une union des ordres de la société d’Ancien Régime face à la subversion républicaine, face à l’Etat parisien, pour la défense d’un mode de vie. Malgré tout, la mémoire vendéenne parvient à égaler en excès la mémoire républicaine. En ce mois d’Août, mois au cours duquel, en 1793, la Convention a proclamé la destruction de la Vendée en rébellion face à la levée en masse de 300 000 hommes par le gouvernement révolutionnaire, il nous a paru opportun d’effectuer un retour sur ce qui apparait avoir été avant toutes choses une effroyable guerre civile dont les lignes de fractures se prolongent jusqu’à nous.
Le contexte : la Convention et sa politique de Terreur/La Vendée avant la guerre civile
Le 10 Mars 1793, la Convention décrète la levée en masse de 300 000 hommes, afin de lutter contre les armées de l’Europe coalisée contre la République française. Dès le lendemain ont lieu les premiers heurts entre les gardes nationaux et des paysans réfractaires à cette levée en masse (en Bretagne, dans les Mauges). Jusqu’ici indifférents à l’agitation parisienne, ces paysans refusent de verser leur sang, et de priver leurs communautés des bras nécessaires aux travaux des champs, pour une cause qu’ils estiment ne pas être la leur.
La Vendée, quant à elle encore désignée sous le nom de « Bas Poitou » est une terre à part. Les paysans s’y caractérisent en effet par une religiosité pieuse et observant strictement le dogme catholique. Cette religiosité est héritée des disciples du père Louis-Marie Grignion de Monfort (mort en 1716), qui ont donné un nouvel élan aux pratiques religieuses dans ces régions quand celles-ci régressaient dans une bonne partie de la France.
Ce sont ces mêmes paysans, agités suite à l’exécution du roi Louis XVI et aux mesures antireligieuses des révolutionnaires parisiens, qui s’en prennent, le 10 mars 1793, jour de la levée en masse, aux autorités municipales. Ce soulèvement spontané couvre toute la zone du sud de la Loire qui sera connue par la suite comme la « Vendée militaire ». Le lendemain, le 11 mars, les insurgés marchent sur Machecoul, le plus gros bourg de l’endroit, où se trouvent la garde nationale et la commission de recrutement. Une altercation se produit à l’entrée de Machecoul : la foule, armée de fourches fait face à plusieurs centaines de gendarmes et de gardes nationaux. Ces derniers reculent malgré tout et refluent dans l’intérieur du bourg poursuivis par la foule. Plusieurs sont massacrés avec quelques bourgeois républicains notoires et un curé jureur (c’est-à-dire ayant approuvé la constitution civile du clergé).
Le 12 mars, les autorités nantaises exigent que les coupables se rendent. Les insurgés constituent un Comité royal et proclament : « Le peuple du Pays de Retz […] déclare […] qu’il ne reconnaît et ne reconnaîtra jamais que le Roy de France pour son seul et légitime souverain [...] qu’il ne reconnaît plus la prétendue Convention nationale, ni les départements, ni les districts» (1).
Dès le 11 Mars, la Convention créé un tribunal révolutionnaire, flanqué de « comités de surveillance » destinés à l’alimenter. Le 19 Mars 1793, la convention décrète la peine de mort pour les rebelles pris les armes à la main. Ces mesures précèdent l’ouverture de la politique de la Terreur par la Convention, le 5 septembre 1793. Cette politique se met en place progressivement par la suite. Elle vise, selon l’historien François Furet, à « organiser, systématiser et accélérer la répression des adversaires intérieurs de la République, entreprendre la punition expéditive de ‘tous les traitres’ ». Il s’agit donc de la mise en place d’une répression légale, institutionnelle, contre les ennemis de la république naissante. Elle répond à la pression intérieure mais aussi au sentiment d’encerclement provoqué par le déclenchement de la guerre européenne le 20 avril 1792. La façade ouest du territoire est soumise au blocus des anglais, les Autrichiens, Prussiens, Italiens et Espagnols progressent aux frontières, les fédéralistes Girondins voient leur rébellion prendre de l’ampleur, et le soulèvement vendéen fini par atteindre la Loire et Nantes. Les procédures de condamnation sont facilitées et accélérées par la loi du 22 prairial an II (10 Juin 1794) (l’acte d’accusation peut être fondé sur de simples dénonciations, et peut aller de l’incivisme à complot avec les ennemis de la république).
Une guerre civile
La constitution d’un comité royaliste marque le début des guerres de Vendée. Les insurgés sont en grande majorité des paysans, des artisans pour la moitié, les autres étant des laboureurs ou des travailleurs de la terre. Ils se choisissent des chefs issus de leurs rangs : Jacques Cathelineau (colporteur voiturier), Stofflet (garde-chasse). Ils manquent malgré tout d’expérience militaire. Ainsi ont-ils cherché des chefs plus expérimentés : d’Elbée, lieutenant de cavalerie, Charette, ancien officier de marine, Bonchamps, d’Autichamp, Lescure, Sapinaud, Talmond… Ces aristocrates se montrent dans un premier temps assez réticents à prendre la tête d’une armée de paysans. Ils  prennent toutefois assez vite leurs responsabilités. Parmi ces nobles, Henri du Vergier, comte de La Roche Jaquelein, âgé de seulement 20 ans, est le plus hardi : «Allons chercher l’ennemi : si je recule, tuez-moi ; si j’avance, suivez-moi ; si je meurs, vengez-moi» (2).
Les insurgés, armés de faux et de fourches, chassent les «Bleus» (soldats de la république) et rétablissent le culte catholique dans leurs villages. S’en suit une guerre civile extrêmement brutale. Le 19 mars, une colonne républicaine de 3000 hommes commandée par le général Marcé est mise en déroute par les insurgés à Pont-Charrault. La Convention prend dans la foulée un décret punissant de mort le port la cocarde blanche du roi. Le 23 mars, une bande d’insurgés vendéens tentent d’investir Pornic mais est repoussée par les républicains et 300 d’entre eux sont faits prisonniers et exécutés sans procès. Apprenant la nouvelle, les insurgés de Machecoul exécutent leurs propres prisonniers. Le 27 mars, Pornic est prise par les Vendéens conduits par Charrette. 30 prisonniers capturés lors des combats passent devant un tribunal «royaliste» à Machecoul et sont condamnés à mort, avec quelques dizaines de républicains locaux. Les condamnés sont liés deux à deux par une corde, agenouillés près d’une fosse et fusillés. Cet épisode prendra le  nom des «chapelets de Machecoul». La guerre civile s’étend. Le 22 avril, Pornic est reprise par les républicains.
Les insurgés parviennent à se fournir en fusils et en canons dans les villes de la région (Bressuire, Cholet, Saumur…). Ils finissent par constituer une «armée catholique et royale» d’environ 40.000 hommes indisciplinés et sans expérience militaire à l’exception d’une dizaine de milliers d’anciens soldats. C’est de plus une armée instable, la plupart de ses membres n’hésite pas à rentrer chez elle sans avoir reçu d’ordre. Néanmoins, elle parvient à remporter un certain nombre de succès, et à conquérir Angers le 18 juin. L’armée des « bleus » qui lui fait face est composée de 40.000 à 70.000 volontaires n’ayant dans l’ensemble pas plus d’expérience militaire. Le 29 Juin, le général en chef vendéen Cathelineau échoue devant Nantes, blessé, il meurt le 14 juillet 1793 et D’Elbée le remplace comme généralissime.
Aout 1793 : la destruction systématique
Le 1er Aout, suite au rapport effectué par Barère, appelant à la destruction de « l’inexplicable Vendée », la Convention décide d’adopter une motion qui frappe de destruction et de déportation les populations insurgées (3). La mise en œuvre de ce plan est confiée au général François Westermann. Dans les faits, les exécutants (Carrier, Francastel, Hertz, Merlin de Thionville), généraux, et commissions militaires procèdent de manière brutale et expéditive : fusillades en masse, noyades (les fameuses noyades de Nantes). Gracchus Babeuf déclarera que ce « système de dépopulation » fut la volonté et l’œuvre de Robespierre (ce qui est très simpliste et permet de dédouaner certains autres responsables).
Le 14 août, les insurgés vendéens défont les républicains à Luçon, entrainant le soulèvement de plus de cent villages de l’Ouest. A la fin du mois d’Août, 20.000 insurgés prennent le contrôle de la région en excluant ou massacrant les républicains et menacent la capitale. Devant la menace, la Convention envoie 100.000 hommes en Vendée sous les ordres de Kléber et Haxo. Parmi eux se trouvent les «Mayençais», des soldats d’élite ayant combattu sur le Rhin. Entre le 19 et le 22 septembre, les vendéens remportent encore cinq victoires en cinq jours (Torfou, le Pont-Barré, Montaigu, Clisson et Saint-Fulgent). Les républicains sont en déroute. Des dissensions entre les chefs vendéens provoquent toutefois la première défaite grave de la révolte, le 17 octobre 1793 à Cholet.
À suivre 

Chronique de livre: Lucien Rebatet, Les mémoires d’un fasciste II (1941-1947), Pauvert, 1976.

Lucien Rebatet, qu’on a déjà mis à l’honneur sur ce blog (Chroniques de Je Suis Partout et de Dialogue de vaincus), a laissé, avec son livre Les Décombres, paru en 1942 et plus grosse vente sous l’occupation, un témoignage irremplaçable sur les années 1938-1940. Ce livre, dans une version expurgée, fut réédité dans les années 1970 sous le nom Les mémoires d’un fasciste ILes mémoires d’un fasciste II sont donc la suite des Décombres et couvrent les années 1941-1947. Ils sont constitués des mémoires proprement dits qui vont de 1941 à 1944 (Rebatet mourut sans les avoir menés à terme) et de fragments de textes inédits ou non ainsi que d’un article rédigé en 1953.
Comme dans les Décombres, Rebatet mêle l’actualité du moment, ses opinions et ses souvenirs personnels. On le trouve, début 1941, assez peu charmé par l’idée de collaboration. Comme beaucoup, c’est la déclaration de la guerre à l’URSS par l’Allemagne qui le fait entièrement changer d’avis. A cette époque, à la différence de Brasillach, très attaché au Maréchal Pétain, l’auteur se sent proche de Marcel Déat et vitupère déjà rageusement contre Vichy, son gouvernement composé d’ « hypocrites bourgeois » et ses clans représentant tout ce qu’il déteste : les « anglomanes, agents des banques, prélats » etc. Pourquoi collaborer, Rebatet l’explique : « Pourquoi  nous affirmions-nous fascistes ? Parce que nous avions pris en horreur la démocratie parlementaire, son hypocrisie, son impéritie, ses lâchetés (…) le fascisme représentait le mouvement, la révolution, l’avenir (…) Nous voulions le parti unique, abolissant les sectes politiciennes, le contrôle rigoureux ou l’étatisation des banques d’affaires, la défense des ouvriers et des employés contre l’inhumaine rapacité du capitalisme (…) Nous n’étions pas des convertis par opportunisme. Nous avions déjà choisi nos couleurs dix ans plus tôt (…)  Il se trouvait que nos vainqueurs vivaient sous un régime fasciste, ce qui raccourcissait les distances entre eux et nous »
Partagé entre Paris et son village natal de Moras, dans la Drôme, Lucien Rebatet décrit sa vie, ses activités, ses rencontres. En premier lieu, la publication desDécombres qui est un succès retentissant, son travail de journaliste politique et de critique et surtout sa passion pour la littérature. Il commence en effet à cette époque à rédiger ce qui deviendra Les deux étendards. Ce manuscrit qui grossit de mois en mois est sa principale obsession et il y travaille le plus possible. A certains moments, sa littérature devient en effet sa « seule passion », sa « seule ambition ». Comme dans les Décombres, nous avons droit à très nombreux portraits et anecdotes. Celles-ci concernent aussi bien les partis politiques de l’époque que des figures plus ou moins connues, toujours croquées avec talent. L’image de mystique un peu fou donnée à Alphonse de Châteaubriant, directeur du journal La Gerbe, est ainsi délicieuse. Céline est désigné comme« notre prophète », Mussolini, quant à lui, est « notre patron ». Les amis et collègues de Rebatet ne sont pas oubliés eux non plus : Brasillach, Cousteau, Lesca, Lambreaux…
C’est à partir de 1943 que les choses se corsent : le Reich n’est plus invincible. Stalingrad est « la plus lourde défaite de l’Occident ». A Je suis partout, on commence à discuter de l’avenir du journal, ce qui aboutira au départ de Brasillach, ami cher de l’auteur, et à la reprise de l’hebdomadaire par ce dernier et Cousteau. La situation se dégrade pour l’axe et 1944 s’annonce mal. Les revers militaires s’intensifient et, en France, les maquis agissent de plus en plus. Face à leurs pillages et assassinats, il déclare ainsi que « la mollesse de la répression nous indignait ». La situation intérieure change et les collaborateurs voient que le vent a tourné inéluctablement. Philippe Henriot et d’autres sont assassinés. On reçoit des menaces de mort. On sent que certains attendent de se venger. A Paris, on commence donc à sérieusement douter pour sa vie tandis que le débarquement et ses suites n’apportent aucune nouvelle de nature à changer la donne. Le 18 août 1944, ce sera finalement le départ vers Allemagne où Rebatet et sa femme Véronique, au terme d’un épique voyage en compagnie de nombre de grandes figures de la collaboration, arriveront à Sigmaringen, siège du gouvernement français en exil.
Si Rebatet n’est pas resté en France, comme Brasillach par exemple, c’est pour deux raisons : il se doutait bien qu’on ne lui pardonnerait pas bien des choses (Le dernier éditorial qu’il avait signé pour Je suis partout avait encore pour titre « L’espérance est nationale-socialiste »…) et, de plus, il n’envisageait pas une seule seconde la vie clandestine. Pour reprendre ses mots : « Je n’avais pas la moindre aptitude physique ou morale à la clandestinité ». La fuite en Allemagne est toutefois ressentie par celui-ci comme une énorme humiliation, « la plus terrible catastrophe de mon existence ». C’est abandonner son pays, sa famille, ses biens personnels (dont sa collection de disques et de livres à laquelle cet amoureux de l’art tenait énormément). C’est faire le bilan d’un engagement : « Mon choix n’a rien eu de vil : la collaboration d’abord pour épargner à mon pays les pires conséquences de la défaite que nous avions prévue, ouvrage de nos pires ennemis les antifascistes de tout poil, ensuite par horreur du bolchevisme. Je n’ai brigué aucune place. J’ai gagné de l’argent uniquement par ma plume, pour défendre ce que je croyais vrai… ». Rebatet en veut aux Allemands qui perdent la guerre car « ils n’ont ni voulu ni su prendre la tête de la révolution fasciste en Europe, de l’Ukraine à la Bretagne ».
Une fois en Allemagne, à Sigmaringen, Rebatet retrouve tout le petit monde de la collaboration qui le fatigue de plus en plus. Ne voulant pas participer à « cette parodie » de gouvernement français ni de près, ni de loin, il voyage un temps dans l’Allemagne en guerre. Il y voit les bombardements meurtriers des alliés, assiste aux destructions massives de ceux-ci et est frappé par le courage des Allemands qui les subissent. Il s’arrête un temps pour travailler au monastère de l’ordre noir d’Hildesheim (Episode évoqué par Saint-Loup dans Götterdammerung). Cette collaboration restera infructueuse mais Rebatet se félicite d’y avoir rencontré les « nationaux-socialistes les mieux dégagés du pangermanisme, les plus conscients de la mission européenne du fascisme ». Son retour à Sigmaringen lui donne l’occasion de continuer son roman mais également de brosser un superbe portrait de Louis-Ferdinand Céline qui est, lui aussi, arrivé dans cette « Colonie française » en novembre 1944. L’auteur de Mort à crédit détone dès son arrivée par son allure plus que négligée qui ne fait qu’étonner ceux qui le voient comme « l’écrivain fasciste, le prophète génial ». Du portrait haut en couleurs laissé par Lucien Rebatet, voici quelques phrases: « la mansuétude de tous les officiers allemands était acquise à Céline. Et il la fallait très large, pour qu’ils pussent fermer leurs oreilles à ses sarcasmes. Car Louis-Ferdinand était bien le plus intolérant, le plus mal embouché de tous les hôtes forcés du Reich ».
Le 8 mai 1945, Lucien Rebatet se constitue prisonnier en Allemagne. Il a réussi à sauver le manuscrit des Deux étendards en le confiant à sa femme. Emprisonné à Fresnes, il est condamné à mort le 23 novembre 1946 en même temps que Pierre-Antoine Cousteau mais sera finalement gracié quelques mois après. C’est l’évocation de cette période de prison qui constitue la fin de l’ouvrage. Cette partie reprend un article de 1953 paru dans le Crapouillot : « On ne fusille pas le dimanche ».
Cette suite des Décombres est un autre témoignage capital sur ces années qui virent basculer le destin de la France et de l’Europe. On regrette que ce livre, paru en 1976, soit difficile à trouver ; il mériterait bien une réédition tant pour sa matière que pour l’indéniable talent de plume de son auteur.
Rüdiger / C.N.C.

vendredi 29 août 2014

Je suis partout. Anthologie (1932-1944). Editions Auda Isarn (2012)

Je suis Partout (JSP), le nom maudit... ou tout du moins mal connu. On a tous, en général, des idées sur ce qu'était ce fameux journal « collaborationniste » à la réputation sulfureuse; on a parfois lu quelques articles ici et là mais pas de quoi, je pense, se faire une idée très précise sur cette aventure de presse française à la sauce fasciste... La présente anthologie de textes parus sur 12 ans est donc une excellente introduction en la matière. En effet, le choix des articles reproduits ici diverge tant par les sujets que par les auteurs, ce qui permet d'obtenir un aperçu assez général de ce que fut JSP. 
Le ton de nombre d'articles du présent recueil sera considéré comme radical voire violent. Oui, Je suis Partoutétait un journal de conviction où l'on ne mâchait pas ses mots et où l'on revendiquait haut et fort les étiquettes de fasciste, de nationaliste, d'antisémite ou d'anti-maçon. C'est l'époque. Tous les contributeurs de JSP n'avaient pas forcément les mêmes parcours ou idées sur tout, même si tous partageaient antisémitisme et anti-bolchevisme. En tout cas, les noms de Lucien Rebatet, Pierre-Antoine Cousteau, Robert Brasillach, Georges Blond ou encore Alain Laubreaux en disent suffisamment... En plus de nombre d'articles des précités, on trouvera dans cette anthologie énormément d'articles écrits par des collaborateurs occasionnels, dont certains de renom: Abel Bonnard (alors membre de l'Académie française) ou encore Pierre Drieu La Rochelle... C'est dire la qualité générale de tous ces papiers où l'on trouve une langue française riche, imagée et souvent savoureuse. Vous avez donc droit ici à environ 80 articles du journal, soit 650 pages pour la somme très raisonnable de 30 euros.  
1932-1944. 12 années durant lesquelles JSP évoluera ; que cela soit politiquement ou au niveau de l'équipe de rédaction. On pourrait déjà distinguer les deux grandes périodes du journal: l'avant guerre et les années 1941-1944 (Et dans celles-ci, le tournant de 1943 qui voit le départ de Brasillach du journal; celui-ci devenant en plus en plus radical aux mains de Rebatet et de Cousteau). Pour un historique plus complet, le lecteur se reportera à l'émission consacrée par Méridien Zéro à JSP (Emission n°95).
Je suis Partout était bien sûr avant tout un journal politique d'opinion, traitant de l'actualité nationale et internationale. Nationaliste français et maurrassien puis de plus en plus fasciste, voire national-socialiste en 1943-1944. Les ennemis sont tout désignés: la démocratie parlementaire, la république et ses serviteurs qui trahissent la France, toute la clique des ennemis intérieurs de la France -socialistes, communistes, antifascistes...-, les tièdes -bourgeois (pas au sens de classe sociale mais d'esprit bourgeois précise Rebatet) et réactionnaires-, les juifs etc. Avec la guerre, la liste s'allongera à différents "traîtres" tels les gaullistes ou ce "haut clergé oublieux, ingrat et infidèle au point de travailler pour l'étranger". Bref, JSP est "en guerre avec tout le monde" pour reprendre quelques mots de Philippe d'Hughes, préfacier de cette anthologie. Robert Brasillach fait quant à lui, en septembre 1942, la liste des "sept internationales contre la patrie": communiste, socialiste, juive, catholique, protestante, maçonnique et financière. L'éditeur, Auda Isarn, a eu d'ailleurs la bonne idée de reproduire plusieurs caricatures, notamment de Ralph Soupault, qui illustrent bien la manière dont on représentait tous ces ennemis... Parmi les textes les plus corrosifs, on trouvera évidemment ceux, extrêmement politiquement incorrects, du grand Rebatet (qui, pour certains d'entre eux, avaient déjà été édités il y a quelques années dans des recueils d'articles dont le tirage était resté assez limité). On mentionnera par exemple son fameux article de 1941 sur Marseille, "la vie la plus malhonnête de France" pour reprendre ses mots ou encore « Le fait juif » de 1944.
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Ne réduire le journal qu'à cela serait toutefois stupide et cette anthologie permet justement à tout un chacun de se faire une réelle idée du contenu du célèbre hebdomadaire: à côté des textes politiques, se trouvaient des articles aux visées plus idéologiques mais également nombre de papiers culturels (allant des chroniques littéraires aux considérations historiques en passant par toutes sortes d'articles traitant qui de patrimoine, qui de tourisme).
Autre grand attrait du journal: ses reportages ou l'évocation d'épisodes de la guerre par des témoins directs. Les "choses vues" sont de premier intérêt, on suit ainsi les journalistes de JSP en Allemagne (1936, à l'occasion du congrès de Nuremberg; en 1941; en 1943), dans l'Espagne en guerre (1938), à Katyn en 1943 etc. Le journal, durant la guerre, se soucia toujours grandement du sort des prisonniers français et on trouvera notamment dans ce volume un bel article de Robert Brasillach contant ses souvenirs de captivité. JSP était aussi célèbre pour ses rubriques sur le cinéma et la musique et les romans publiés en feuilletons (par René Barjavel ou d'autres). Cette formule politique/culture assura le grand succès du journal qui tirait ainsi plus de 300.000 exemplaires en 1944, à l'aube de la "libération".
Si les articles des années 30 ont toute leur place (on y voit l’intérêt du journal pour les différents fascismes européens), ceux datant des années 1941-1944 me semblent de premier intérêt car on y voit l'évolution du regard porté sur les évènements de cette époque vécue alors à JSP comme charnière. On retrouve l'atmosphère d'alors qui est décrite par l'un des rédacteurs du journal, fin 1941, comme une "sorte de cataclysme historique" car on a "l'impression d'assister à l'écroulement de tout un monde de valeurs et d'habitudes, et de voir s'édifier peu à peu sous nos yeux une société nouvelle, de nouvelles façons de vivre et de sentir". Le IIIe Reich, continue-t-il, lutte "pour le bien et le salut de l'Europe, contre la bestialité bolchevique". L'Allemagne nouvelle? C'est, pour François Dauture, "un motif d'espérer et un enseignement exaltant". Rebatet, en 1943, dans un article titré L'espérance est fasciste déclare quand à lui: "Si c'est justement à sa trop grande latinité qu'a tenu la faiblesse du fascisme italien, eh bien! disons: "l'espérance est national-socialiste". A partir de 1943-1944, la situation paraissant de plus en plus difficile pour l'Allemagne et pour l'Europe tant espérée, le journal se veut jusqu'au boutiste et ne fait que renforcer sa virulence à tous égards, les textes de Lucien Rebatet en témoignant mieux que n'importe quel discours. Pour l'auteur des Décombres, le national-socialisme, c'est "la révolution juste, nécessaire, la seule qui puisse sauver l'Europe et lui rendre son équilibre".
Et sur la situation de la France? Que trouve-t-on? La défaite de 1940 est une expérience amère mais la politique de collaboration avec l'Allemagne laisse entrevoir des lendemains bien plus radieux que ceux qu’incarnait la république déchue qui a amené la France au désastre. En 1941, Robert Brasillach souligne bien un accord de principe sur la Révolution Nationale. Cela n'empêche pas Je suis Partout de dire ce qu'il pense réellement de celle-ci et de critiquer la mollesse et tous les (nombreux) travers d'icelle. Le même Brasillach, en octobre 1941, déclare ainsi, un an après Montoire: "Montoire n'était pas seulement le symbole de cette réconciliation, pas seulement l'espérance de la prochaine liberté. C'était aussi le symbole que beaucoup de choses allaient changer en France et que la justice, en particulier, serait faite". Déçu par un an de politique française, il déclare encore: "nous voulons seulement espérer- notre espérance, c'est de voir préciser les directives de l'an passé". La déception de l'équipe de JSP sur la situation politique française ne fera que se renforcer, celle-ci se positionnant nettement pour un fascisme à la française qu’on ne retrouvait pas à Vichy. Fin 1943, Pierre-Antoine Cousteau profite ainsi de ses articles pour fustiger très violemment le régime de Vichy auquel est reproché de ne pas être fasciste et de n'avoir pas collaboré avec les réels fascistes français qui, eux, voulaient vraiment utiliser le pouvoir pour faire quelque chose de grand, de neuf. La Révolution Nationale a été faite, dit-il, par une clique d'anciens notables de la IIIe république et non pas par les authentiques fascistes français. Cela explique: "Tous les balbutiements. Tous les ratages. Toutes les extravagances. Toutes les trahisons.". D'ailleurs, pour Pierre-Antoine Cousteau, il n'y a pas que Vichy qui est en faute mais également les français qui ne savent pas ce qu'ils veulent et qui agissent comme un troupeau hébété qui n'a que faire de ceux qui ont tenté de l'éveiller, à l'image de Céline ou de Rebatet. Cependant, ajoute PAC, "Le reproche que l'on pourrait faire à Céline et à Rebatet, ce serait d'avoir surestimé la France, d'avoir trop fait confiance aux facultés de ce malheureux pays. Tout ce que nous voyons chaque jour -il suffit d'ouvrir les yeux- dépasse les peintures les plus sombres des deux visionnaires. (...) neuf français sur dix se comportent quotidiennement comme si de jure, ils avaient droit à l'étoile". Avec les articles de la dernière période de JSP (1943/1944) on comprend justement "en direct" que toute l'espérance qui avait été mise dans le rêve d'un nouveau monde était peu à peu mise à mal au regard de la guerre qui ne prenait pas la direction voulue (notons cependant qu'à l'image de Rebatet, plusieurs journalistes de JSP crurent en la victoire finale de l'Allemagne jusqu'à l'exil à Sigmaringen). L'amertume se mêle alors à la réaffirmation totale du journal en ses idéaux et ce, malgré toutes les difficultés du moment, chaque jour plus nombreuses (situation intérieure en France, menaces de mort sur les rédacteurs...). La fidélité à leur engagement fasciste était, pour les journalistes deJSP, une réalité à toute épreuve. Ils pouvaient affirmer effectivement en 1944: "Nous ne sommes pas des dégonflés".
Rüdiger / C.N.C

Il était à prévoir que tous les gros banquiers traversaient la crise « haut la main » en 1929

Nous découvrons donc que la FED fut non seulement responsable de la Première Guerre Mondiale, rendue possible en permettant aux Etats-Unis de financer les Alliés, mais que sa politique provoqua la crise mondiale de 1929-1931. Le Gouverneur Adolp C. Miller, lors de l’Enquête Sénatoriale de 1931 sur le Conseil des Gouverneurs de la Réserve Fédérale, déclara : « Si nous n’avions eu aucun Système de la Réserve Fédérale, je ne pense pas, pour commencer, que nous aurions eu une situation spéculative aussi mauvaise que celle-ci. » 
     Carter Glass répliqua : « Vous avez clairement montré que le Conseil des Gouverneurs de la Réserve Fédérale a apporté une expansion formidable du crédit au moyen de ces transactions sur le marché ouvert. » 
     Suivit la déclaration d’Emmanuel Goldenweiser : « En 1928-1929, le Board fédéral s’était engagé dans une tentative de restreindre la croissance rapide des prêts de titres et de la spéculation boursière. Toutefois, la poursuite de cette politique de restriction fut interrompue par la réduction, en automne 1928 et en été 1929, des taux d’intérêts applicables aux bons du Trésor. » 
     Aussi bien J.P. Morgan que Kuhn, Loeb Co, avaient des « listes préférentielles » de personnes, auxquelles étaient envoyés des avis préalables sur des actions lucratives. Les personnes figurant sur ces listes préférentielles étaient autorisées à acheter ces actions à prix coûtant, c’est-à-dire de 2 à 15% moins cher qu’elles n’étaient vendues au public. Ces listes comprenaient des collègues banquiers, des industriels importants, des politiciens puissants de la City, des membres du Congrès des Partis Démocrate et Républicain siégeant dans les Commissions, ainsi que des dirigeants de pays étrangers. Ces personnes furent informées du krach à venir et vendirent toutes leurs actions, sauf celles qu’on appelait « en or », General Motors, DuPont, etc. Les cours de ces actions plongèrent, elles aussi, vers des records abyssaux, mais remontèrent très rapidement par la suite. 
     La façon dont les banques opéraient en 1929 est révélée par un article de la Newsweek du 30 mai 1936, lorsque Ralph W. Morrison, qui avait été nommé par Roosevelt, démissionna du Board de la Réserve Fédérale : 
« L’opinion générale est que le Board de la Réserve Fédérale a perdu un homme de valeur. Celui-ci avait vendu ses actions des services publics du Texas à Insull pour dix millions de dollars puis, en 1929, il convoqua une réunion et ordonna à ses banques de liquider tous les prêts qu’elles avaient consentis sur leurs titres au plus tard le 1er septembre. En conséquence, ils ont traversé la crise haut la main. » 
     Il était à prévoir que tous les gros banquiers traversaient la crise « haut la main ». Ceux qui ont souffert étaient les travailleurs et les fermiers qui avaient investi leur argent à la Bourse pour s’enrichir rapidement, après que le président des Etats-Unis, Calvin Coolidge, et le secrétaire au Trésor, Andrew Mellon, les avaient persuadés de le faire.
Eustace Mullins, Les secrets de la Réserve Fédérale

mardi 26 août 2014

Documentaire – Le crépuscule des Celtes

Dans le canton de Vaud, en Suisse, le plus grand sanctuaire celte d’Europe vient d’être mis au jour au sommet de la colline du Mormont. Il y a 2 000 ans, les Helvètes ont creusé des centaines de puits dans ce lieu isolé pour déposer des offrandes à leurs dieux. Objets, fragments de corps humains et animaux…
Ce vaste site devrait permettre aux archéologues de progresser dans la connaissance de pratiques religieuses qui n’ont cessé au cours des siècles d’inspirer des légendes. Même si, depuis une vingtaine d’années, une série de fouilles successives a montré que les peuples celtes avaient développé une civilisation raffinée et complexe.

Saint Louis un modèle pour notre temps

Charles Beigbeder honore saint Louis que nous avons fêté hier :
"Il y a 744 ans, le 25 août 1270, mourait le roi Louis IX, dit « Saint Louis », des conséquences d’une épidémie de dysenterie contractée à Tunis au cours de la VIIIème croisade.
Descendant direct d’Hugues Capet, arrière-petit-fils d’Aliénor d’Aquitaine, petit fils du roi Philippe Auguste, fils de Blanche de Castille, Saint Louis, né quelques mois avant la bataille de Bouvines en 1214, reste la figure la plus emblématique du roi justicier, arbitre reconnu et respecté des conflits internationaux,roi réformateur qui modernisa la monarchie capétienne et roi bâtisseur qui embellit notre pays d’un nouveau patrimoine religieux et culturel. À titre privé, Saint Louis, époux attentif et aimant, père de 11 enfants, reste un modèle de vertu et unefigure de sainteté qui impressionna ses contemporains jusqu’en Orient et força l’admiration de ses adversaires.
Roi justicier, Saint Louis l’est d’abord dans son royaume : il renouvelle la « quarantaine-le-roi » instituée par Philippe Auguste, trêve obligatoire d’au moins 40 jours après un différend privé, au cours de laquelle le recours aux armes est strictement interdit sous peine de crime de lèse-majesté, afin d’endiguer la vengeance privée et de faciliter le recours aux voies judiciaires. Dans le même esprit, il interdit les ordalies, (qui consistaient à soumettre de manière superstitieuse l’accusé à une épreuve physique pour décider de son sort) et supprime le duel judiciairedans le domaine royal, au profit des preuves testimoniales. Couronnant le tout, il institue la « supplicatio », droit d’appel au roi de tout jugement local.
Artisan de paix, il s’efforce de limiter les conflits avec ses contemporains et consolide les acquisitions territoriales de la dynastie capétienne. [...]
Roi réformateur, saint Louis promulgue en 1254 une grande ordonnance administrative qui modernise le royaume et lutte contre l’arbitraire des officiers royaux : abolition des mesures édictées par eux en violation des coutumes locales, interdiction pour les officiers royaux d’accepter tout cadeau pour eux-mêmes ou leur famille, afin d’éviter toute forme de corruption, impossibilité d’infliger une amende sans jugement, instauration du principe de présomption d’innocence. Se souciant des injustices pesant sur la condition féminine, Saint Louis s’efforce de préserver leurs héritages et leurs dots en interdisant qu’une femme puisse être punie pour les fautes de son mari.
Roi bâtisseur, enfin, Saint Louis fonde l’abbaye de Royaumontqu’il attribue aux Cisterciens, participe à l’érection des grandes cathédrales gothiques, fait édifier la Sainte Chapelle, véritable écrin de verre enfermant les reliques de la couronne d’épines, fonde avec Robert de Sorbon, son confesseur et ami, le Collège de la Sorbonne, institue pour les Aveugles l’hospice des Quinze-Vingts, restaure l’Hôtel Dieu de Paris, ou encore fortifie la ville d’Aigues-Mortes, point de départ des deux croisades qu’il mena au cours de son long règne de 44 ans.
C’est d’ailleurs Saint Louis, qui, le premier, accorde la protection de la France aux peuples chrétiens d’Orient, bien avant les Capitulations signées en 1536 par François Ier avec la Sublime Porte. [...]
Comment ne pas voir dans la figure de Saint Louis un modèle pour notre temps !
Le manque de justice se fait cruellement sentir, alors que des pans entiers de notre territoire deviennent des zones de non-droit où les caïds font régner la terreur, et que des magistrats laxistes relâchent les délinquants récidivistes traqués par la police, alors que la Garde des Sceaux fait adopter un projet de loi contribuant à vider les prisons.
La recherche de la paix en Europe devrait conduire la France à jouer un rôle d’arbitre en Ukraine, au lieu de se contenter d’infliger des sanctions économiques à la Russie. Comment ne pas comprendre qu’il est illusoire et dangereux de vouloir cantonner l’Ukraine dans le giron européen alors que le pays reste tiraillé entre l’Ouest soumis à l’influence occidentale, et l’Est, proche de la Russie, qui n’acceptera jamais un satellite de l’OTAN ou de l’UE à ses frontières.
De même, la « réformation du royaume » est une nécessité vitale dans un pays soumis à des corporatismes plus dangereux que les féodalités médiévales, et victime d’un chômage endémique, d’une taxation asphyxiante, et d’une dépense publique toujours plus dispendieuse.
Enfin, face à ce qui s’apparente de plus en plus à un génocide des Chrétiens d’Orient mené par l’Etat islamique d’Irak et du Levant, comment ne pas s’inspirer de Saint Louis pour que, fidèle à notre tradition de protection des minorités chrétiennes d’Orient, nous demandions à l’ONU une intervention militaire placée sous l’égide du chapitre VII de la charte des Nations unies et conduite par une coalition où figureraient, aux côtés des Occidentaux, les pays de la Ligue arabe acceptant de s’impliquer dans une opération de la sorte. Ce serait notre manière contemporaine d’être fidèle à l’héritage de saint Louis !

C’était un 23 août : la prise de Rome par Alaric

Le 24 août 410, Alaric, roi des Wisigoths, fâché que l’empereur Honorius n’eût pas versé le tribut demandé, s’empare de Rome.
Pendant trois jours, ses troupes vont piller et massacrer à qui mieux mieux.
Alaric lui-même enlève une princesse promise à un grand destin, 
Galla Placidia !
Certes, depuis de nombreuses années, la Ville éternelle était délaissée par l’empereur d’Occident au profit de Ravenne et n’était plus que l’ombre d’elle-même. L’événement n’en revêt pas moins une grande importance symbolique aux yeux des intellectuels de l’époque, tel saint Augustin.
Celui-ci écrit
 La Cité de Dieu, un plaidoyer pour répondre aux philosophes païens qui accusent les chrétiens d’être à l’origine du drame (Alaric lui-même est un chrétien de la mouvance arienne) et surtout rappeler que les réalisations terrestres sont peu de chose au regard des promesses du Ciel. Il ne manque pas de prendre la défense des femmes violées par les Barbares et que la morale païenne contraint au suicide.
Dans les provinces périphériques de l’empire, beaucoup de ses contemporains et Augustin lui-même ne sont pas loin de penser que le sac de Rome est le châtiment de tous les forfaits commis par les légions romaines au cours des siècles passés…

lundi 25 août 2014

22 août 1914 : mort au front d’Ernest Psichari,

à l’âge de 31 ans. Ce jeune écrivain était le petit fils d’Ernest Renan.
Il rejetta tôt les idées exprimées par le milieu de la bourgeoisie intellectuelle dreyfusarde de sa jeunesse.
Au pacifisme succéda la ferveur nationale, au culte du moi celui de la communauté enracinée, au rationalisme la ferveur des sentiments.
Même s’il n’a pas laissé une œuvre très importante, Psichari est, par sa personnalité, ses préoccupations, ses aspirations morales et son engagement, emblématique d’une jeunesse exaltée dont fit aussi partie Charles Péguy par exemple.
Engagé dans l’artillerie à l’âge de vingt ans, il servit d’abord au Congo, puis en Mauritanie, ce qui lui inspira des récits de voyages (Terres de soleil et de sommeil, 1908). Ayant choisi l’armée par idéal, il y éprouva la satisfaction d’appartenir à un corps dépositaire d’une longue tradition. Il se mit également à soutenir les idées de Charles Maurras et de l’Action française.
En 1913, il publia L’Appel des armes, contre l’humanitarisme pacifiste et le déclin moral qui lui sembla en être la conséquence, au profit d’un idéal de dévouement et de grandeur.
Cette attitude s’exprima avec encore plus de force dans son second livre, publié à titre posthume, Le voyage du centurion (1916). Il s’agit de la transposition (à peine masquée) de son expérience et de son évolution spirituelle. Longtemps à la recherche de certitudes intellectuelles, le jeune homme se tourna vers la foi catholique et la méditation. De simple croyant, il devint pratiquant en 1912, puis décida d’entrer dans l’ordre des dominicains.
La guerre, qui éclata peu après, l’empêcha de concrétiser son vœu. Sous-lieutenant au 2e régiment d’artillerie coloniale, il fut tué à Rossignol en Belgique le 22 août 1914. Les monarchistes de l’Action française tels Henri Massis et Paul Bourget, mais aussi Maurice Barrès ont vu en Psichari un héros national et ont entretenu sa mémoire par diverses publications.
Une stèle puis un monument-autel ont été érigés à la mémoire de Psichari à Rossignol, à l’initiative du poète Thomas Braun et de Henri Massis.
Quelques-uns de ses livres sont commandables ici.