Le 2 mai 73, la forteresse de Massada tombe aux mains des légionnaires. C'en est fini de la première guerre juive contre la domination de Rome.
L'ultime résistance
Construite au IIe siècle avant JC, au temps des Maccabées
(ou Asmonéens), la forteresse de Massada surplombe de 400 mètres les
rives sauvages de la mer Morte. C'est le dernier îlot de résistance
juive à l'occupation romaine.
Des membres de la secte extrémiste
des zélotes s'y réfugient après avoir fait régner la terreur dans le
pays. Armés d'un poignard, ils avaient coutume d'assassiner leurs
compatriotes suspectés de collaboration avec l'occupant ! On les avait
surnommés pour cette raison «sicaires», du latin sica, qui signifie poignard.
Au
nombre d'un millier, avec leurs femmes et leurs enfants, sous la
conduite d'un chef nommé Eleazar ben Jair, les Zélotes résistent pendant
trois ans à plus de 15.000 légionnaires. Ceux-ci n'arrivent à accéder
aux murailles qu'en aménageant une rampe artificielle depuis le pied du
rocher.
Le seul récit que l'on ait de ce siège nous vient de
l'historien juif Flavius Josèphe, qui assiste le général romain. Quand
les assiégeants pénètrent dans la forteresse, ils doivent affronter
l'incendie allumé par les Zélotes avant de découvrir les cadavres de
ceux-ci. D'après l'historien, qui n'a pas lui-même vu l'intérieur de la
forteresse, dix des assiégés auraient tué les autres avant de se
suicider eux-mêmes. Tous seraient morts à l'exception de deux femmes et
cinq enfants. Voici un extrait de son récit (traduction de René Harmand,
Paris, 1911) :
«... Ensemble, ils embrassèrent, étreignirent
leurs femmes, serrèrent dans leurs bras leurs enfants, s'attachant avec
des larmes à ces derniers baisers ; ensemble, comme si des bras
étrangers les eussent assistés dans cette oeuvre, ils exécutèrent leurs
résolution, et la pensée des maux que ces malheureux devaient souffrir,
s'ils tombaient aux mains des ennemis, était pour les meurtriers, dans
cette nécessité de donner la mort, une consolation. Enfin, nul ne se
trouva inférieur à un si grand dessein ; tous percèrent les êtres les
plus chéris. Malheureuses victimes du sort, pour qui le meurtre de leurs
femmes et de leurs enfants, exécuté de leur main, paraissait le plus
léger de leurs maux !
Aussi, ne pouvant plus supporter l'angoisse dont ces actes une fois accomplis les accablait, et croyant que ce serait faire injure aux victimes de leur survivre même un court instant, ils entassèrent promptement au même endroit tous leurs biens et y mirent le feu ; puis ils tirèrent au sort dix d'entre eux pour être les meurtriers de tous ; chacun s'étendit auprès de sa femme et de ses enfants qui gisaient à terre, les entourant de ses bras, et tous offrirent leur gorge toute prête à ceux qui accomplissaient ce sinistre office. Quand ceux-ci eurent tué sans faiblesse tous les autres, ils s'appliquèrent les uns aux autres la même loi du sort : l'un d'eux, ainsi désigné, devait tuer ses neuf compagnons et se tuer lui-même après tous ; de cette manière, ils étaient assurés qu'il y aurait égalité pour tous dans la façon de porter le coup et de le recevoir. Enfin, les neuf Juifs souffrirent la mort et le dernier survivant, après avoir contemplé autour de lui la multitude des cadavres étendus, craignant qu'au milieu de ce vaste carnage il ne restât quelqu'un pour réclamer le secours de sa main et ayant reconnu que tous avaient péri, mit le feu au palais, s'enfonça d'un bras vigoureux son épée tout entière dans le corps, et tomba près de ceux de sa famille...»
Aussi, ne pouvant plus supporter l'angoisse dont ces actes une fois accomplis les accablait, et croyant que ce serait faire injure aux victimes de leur survivre même un court instant, ils entassèrent promptement au même endroit tous leurs biens et y mirent le feu ; puis ils tirèrent au sort dix d'entre eux pour être les meurtriers de tous ; chacun s'étendit auprès de sa femme et de ses enfants qui gisaient à terre, les entourant de ses bras, et tous offrirent leur gorge toute prête à ceux qui accomplissaient ce sinistre office. Quand ceux-ci eurent tué sans faiblesse tous les autres, ils s'appliquèrent les uns aux autres la même loi du sort : l'un d'eux, ainsi désigné, devait tuer ses neuf compagnons et se tuer lui-même après tous ; de cette manière, ils étaient assurés qu'il y aurait égalité pour tous dans la façon de porter le coup et de le recevoir. Enfin, les neuf Juifs souffrirent la mort et le dernier survivant, après avoir contemplé autour de lui la multitude des cadavres étendus, craignant qu'au milieu de ce vaste carnage il ne restât quelqu'un pour réclamer le secours de sa main et ayant reconnu que tous avaient péri, mit le feu au palais, s'enfonça d'un bras vigoureux son épée tout entière dans le corps, et tomba près de ceux de sa famille...»
De Massada à Varsovie, le mythe à l'épreuve
Le souvenir de Massada a ressurgi avec brutalité en avril-mai 1943, lorsque les derniers juifs du ghetto de Varsovie
se sont soulevés contre les SS allemands dans une tentative héroïque et
désespérée. Ce fut pratiquement, contre les nazis, le seul acte de
résistance armée au génocide des Juifs.Le mythe de Massada a toutefois été mis à l'épreuve par les fouilles menées de 1963 à1965 par le général et archéologue Ygael Yadin, ainsi que le rappelle Le monde de la Bible (n°180, novembre-décembre 2007).
Si la rampe de terre construite par les Romains est avérée, de même que l'incendie des installations, rien ne vient démontrer la réalité du suicide collectif. Celui-ci relèverait sans doute d'une exagération épique propre à l'historien.
Deuxième guerre juive
En Judée même, le sentiment national n'est pas mort avec la prise de Massada.
Deux
générations plus tard, l'empereur Hadrien est lui-même effrayé par la
vigueur du particularisme juif. Il décide de le combattre par une
campagne d'hellénisation : la circoncision est prohibée, Jérusalem rebaptisée «Colonia Ælia Capitolina» et un temple dédié à Jupiter Capitolinus est édifié sur les ruines du précédent. La Judée elle-même perd son nom. Elle est intégrée à la province de Palestine, ainsi nommée en souvenir des anciens habitants du littoral, les Philistins.
Mais un jeune exalté du nom de Bar Kochba («Fils de l'étoile») prend la tête d'une nouvelle révolte et s'empare de Jérusalem. Il malmène la légion égyptienne XXII Deiotariana chargée de faire régner l'ordre.
Hadrien
se rend sur les lieux et appelle la Xe légion bretonne, sous le
commandement du général Gaius Julius Severus, pour mater la rébellion.
La campagne militaire va durer trois ans, de 133 à 135, et entraîner la
mort de plusieurs centaines de milliers de Juifs. À son terme, la Judée
sera durablement ruinée et les Juifs auront, qui plus est,
l'interdiction de se réinstaller dans la ville de Colonia Ælia Capitolina, l'ancienne Jérusalem.
Joseph Savès. http://www.herodote.net
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