Prisonnier du roi d'Angleterre, Jean II le Bon doit s'acquitter d'une rançon astronomique. Pour en faciliter le règlement, il crée le 5 décembre une nouvelle monnaie, le franc, ainsi nommée pour commémorer sa libération.
Cette année-là, la dixième de son règne, Jean II le Bon, quarante et un ans, rentrait d'Angleterre où il avait été depuis 1356 captif du roi Édouard III à la suite d'une bataille livrée à Poitiers où le roi des lys avait été battu en manifestant une bravoure qui lui avait acquis malgré tout un grand prestige (voir L'AF 2000 du 19 février 2009). Pendant cette longue et douloureuse absence, son fils le dauphin Charles, avait maîtrisé avec un grand courage la véritable révolution fomentée par le drapier Étienne Marcel, prévôt des marchands de Paris. Il avait réussi à vaincre cet ambitieux voyou, tout en sauvegardant la souveraineté de la couronne (voir L'AF 2000 du 5 mars 2009).
Le traité de Brétigny
Le roi Jean, donc, était de retour en France, mais toujours captif à Calais. Il avait dû, pour cela, ratifier le 13 juin à la Tour de Londres, sous la contrainte donc sans engagement moral, le très dur traité de Brétigny signé le 8 mai par les représentants des deux rois. Le roi de France rendait aux Anglais tout le Sud-Ouest français et leur cédait Calais. Ces clauses imposées par l'étranger n'avaient nullement atteint l'honneur capétien, bien au contraire ! En revanche, les haines contre l'Anglais en furent cristallisées dans le Midi.
Toutefois pour le roi, encore maintenu à Calais, et pour le dauphin Charles, le souci principal restait la rançon astronomique réclamée par le roi Édouard III : pas moins de trois millions de livres, soit 12,5 tonnes d'or ! Or des années de guerre étrangère et de guerre civile avaient ruiné le royaume ! Dans les quinze jours, de nouvelles taxes furent créées, dont l'impôt sur le sel, la fameuse “gabelle”. Des lettres furent expédiées fixant les cotisations de chaque ville et le délai de leur versement. Les trois ordres, clergé, noblesse, tiers-état, furent imposés sans discrimination. Reims, Rouen, Lille, les cités du Languedoc, Paris, l'abbé de Saint-Denis, versèrent beaucoup ; même le pape Innocent VI, pourtant harcelé dans sa bonne ville d'Avignon par la menace des grandes compagnies, se prit de pitié pour la France et accorda un large prêt. Néanmoins, l'on ne put réunir que les deux tiers du premier acompte : 400 000 écus…
Or, avec l'accord de son père, Charles négociait déjà le mariage de sa petite soeur Isabelle de France, onze ans, avec Jean, fils de Galéas Visconti, coseigneur de Milan, qui n'avait pas encore neuf ans. Celui-ci était infiniment riche, et cette union était une mésalliance. Mais le besoin d'argent était vital pour le roi et pour la France ! Il fallait bien que la famille royale participât au sacrifice de la nation. Galéas offrit 600 000 écus d'or, dont un premier acompte fixé au mois de juillet, le reste au jour de la célébration du mariage bien sûr ultérieurement.
Édouard III gardait quelques otages
Édouard III, toujours prétendant à la couronne de France comprit alors qu'il obtiendrait l'argent de la rançon et, le jour même de l'entrée d'Isabelle à Milan, il vint à Calais rendre sa totale liberté à Jean II. Les deux rois festoyèrent quelques jours et l'on remit à plus tard la discussion des dernières clauses du traité de Brétigny. Toutefois, le roi anglais gardait quelques enfants de Charles en otage jusqu'au paiement total de la rançon !
La souveraineté royale
Pour faciliter le règlement de cette somme, Jean II créa le 5 décembre une nouvelle monnaie, le franc, ainsi nommée pour commémorer sa libération. « Nous avons été délivré de prison et sommes franc et délivré à toujours », déclara-t-il. Ainsi le denier fut appelé franc d'or. La pièce de 3,88 grammes d'or fin, montrait le roi chargeant à cheval selon l'idéal chevaleresque. Cette monnaie allait représenter dès le règne du dauphin devenu Charles V le Sage en 1364 une monnaie stable, garante de la puissance et de l'autorité du souverain, capable de rivaliser avec le florin de Florence qui dominait alors l'Europe. En dépit de bien des vicissitudes, le franc allait symboliser l'indépendance de la France jusqu'à ce que le 17 février 2002, un gouvernement républicain de rencontre se permît de sacrifier le droit essentiel à la souveraineté d'un pays de frapper monnaie, et imposât l'euro apatride, dont le nom est d'une banalité à pleurer. Même dans une France ruinée, Jean II le Bon et son fils avaient, eux, sauvé la liberté de leur pays.
Jean ne profita guère de son affranchissement. Après une visite au pape en Avignon et une tentative d'organiser une nouvelle croisade, il dut revenir à Londres en 1364 renégocier le traité de Brétigny et y prendre la place de son fils Louis, duc d'Anjou qui, lassé d'être otage, venait de s'enfuir. Le roi, modèle de bravoure et de sacrifice, devait y mourir le 8 avril 1364, laissant la succession à Charles lequel était prêt et, avec Du Gesclin, chasserait bientôt les Anglais de France.
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 4 au 17 mars 2010
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire