L’ex- Armée de libération est rattrapée par ses crimes de guerre.
Révélations sur les “héros” kosovars.
dimanche 31 octobre 2010
Les sales dossiers de l’UCK.
Septembre 1792, le baptême sanglant de la République
samedi 30 octobre 2010
Verlaine : Tableaux de Paris et d’ailleurs
L’Apocalypse permanente : Napoléon et le 666
vendredi 29 octobre 2010
MAI 1109 : Le drame de La Roche-Guyon
La Roche-Guyon est aujourd'hui une paisible commune des Yvelines. Mais aux XIe et XIIe siècles, le duc de Normandie, roi d'Angleterre, et le roi de France s'affrontaient sur son territoire…
« Au sommet d'un promontoire abrupt, dominant la rive du grand fleuve de Seine, se dresse un château, affreux et sans noblesse, appelé la Roche-Guyon », écrit Suger – celui que Louis VI le Gros (1108-1137) appelle « le vénérable abbé que nous admettions à nos conseils comme fidèle et familier ». La Roche-Guyon – arrondissement de Mantes, canton de Magny-en-Vexin – est aujourd'hui une paisible commune des Yvelines, presque à la limite de l'Eure. Mais aux XIe et XIIe siècles, son terroir faisait partie d'une région d'affrontements entre le duc de Normandie, roi d'Angleterre, et le roi de France.
Une forteresse à prendre
L'Epte constituait la frontière entre le Vexin normand, qui relevait du duc, et le Vexin français, qui appartenait au domaine royal. La forteresse de La Roche, assise entre les deux vallées de la Seine et de l'Epte, constituait une position militaire importante. Elle exposait le châtelain aux entreprises, aux exactions et aux tentatives de corruption des deux princes rivaux.
Il est probable que Guillaume le Conquérant s'assura son concours lorsqu'il envahit le Vexin français. Mais cette campagne fut courte, et après l'incendie de Mantes, il retourna à Rouen, où il mourut en 1087. Son fils Guillaume le Roux fit également valoir par les armes ses prétentions sur le Vexin français. « Robert, comte de Meulan, admit les Anglais dans ses forteresses, et leur ouvrit en Île de France un large accès », écrit Orderic Vital. « Il en fut de même pour Guyon de la Roche : avide de l'argent des Anglais, il leur livra les forteresses de La Roche et de Vétheuil », tandis qu'au contraire d'autres seigneurs du Vexin français demeuraient fidèles à leur roi. Or, voici qu'à Guyon succéda Guy, « un jeune homme doué d'un bon naturel, rompant avec la tradition de méchanceté de ses ancêtres », et bien décidé à « mener une vie d'honneur ».
Il avait une femme et des enfants, mais aussi un beau-frère, nommé Guillaume, Normand d'origine, « un félon sans pareil qui passe pour son familier et son ami intime ». Un dimanche, probablement en mai 1109, il se mêla aux premiers fidèles, les plus dévots, qui se rendaient à l'église contiguë à la résidence de Guy. Il était vêtu d'un haubert et d'une chape, et accompagné d'une poignée d'hommes de main.
Un meurtre à l'entrée de l'église
Durant quelque temps, il fit semblant de prier avec l'assistance. Lorsque Guy, presque souriant, entra dans l'église, Guillaume tira son épée, immédiatement imité par ses complices. Guy tomba, et à cette vue la châtelaine se déchira les joues de ses ongles, courut vers son mari et s'effondra sur lui, le couvrant entièrement de son corps. Et tandis qu'elle recevait des coups des meurtriers, elle les apostropha, selon Suger : « Quelle faute as-tu donc commise envers ces gens, ô mon très cher époux ? Est-ce que, beaux frères comme vous êtes, il n'y avait pas entre vous une indissoluble amitié ? Qu'est-ce que cette folie ? Vous êtes tous enragés ! »
En la saisissant par les cheveux,les meurtriers l'arrachèrent du corps de son mari, achèvent celui-ci, trouvèrent ses enfants et se défirent d'eux, « avec une méchanceté digne d'Hérode, en leur fracassant la tête contre le rocher ». Comme ils allaient et venaient, en proie à leur frénésie, la châtelaine, étendue sur le dos, se glissa « à la façon d'un serpent », autant que ses forces le lui permirent, jusqu'au corps mutilé de son mari, et l'étrint comme celui d'un vivant. Puis, comme le dit Suger en lui appliquant un vers de Lucain, Hec ait, et lasso jacuit deserta furore : elle parla, son délire, lassé, l'abandonna, elle resta gisante.
Guillaume examina la forteresse, dont il comptait se servir « pour imprimer la volonté de la crainte aux Français et aux Normands », et pour opérer des expéditions aux alentours. Il appela les habitants du pays, leur fit des promesses « pour le cas où il s'attacheraient à lui ». L'échec fut complet. Par ailleurs, les seigneurs du Vexin français, ayant appris le drame, se concertèrent, et rassemblèrent de toutes parts, chacun suivant son pouvoir, des chevaliers et des gens de pied : « Dans la crainte que le très puissant roi d'Angleterre Henri ne porte secours aux félons » raconte Suger, « ils se hâtent vers La Roche, postent sur la pente une foule de chevaliers et de gens de pied, pour que personne n'entre ni ne sorte, et, du côté des Normands, pour empêcher ces derniers d'apporter du secours, ils obstruent le chemin en y plaçant le gros de l'ost. Entre temps, ils envoient vers le roi Louis, lui font savoir le complot, et lui demandent ses recommandations à ce sujet. Usant du pouvoir attaché à la majesté royale, il prescrit en punition une mort très cruelle et très honteuse, et leur mande que, s'il le faut, il ira leur prêter assistance. »
Plusieurs jours s'écoulèrent. On négociait. Guillaume, afin de conserver le château, fit différentes promesses à « certains des plus nobles parmi les hommes du Vexin ». Ceux-ci les refusèrent. Guillaume finit par accepter d'abandonner le château, mais à condition qu'il lui fassent attribuer une terre, et qu'ils lui assurent la possibilité de s'y rendre en toute sécurité. « Un plus ou moins grand nombre de Français ayant confirmé par serment cet engagement », il accepta de les laisser entrer dans le château. Mais d'autres seigneurs du Vexin français, bien plus nombreux, s'indignaient de ce compromis.
Compromis et révolte
Le lendemain, lorsque ceux qui avaient accepté celui-ci et prêté serment entrèrent dans le château, d'autres les suivirent, fort mécontents. Ceux qui étaient restés à l'extérieur se mirent à crier, demandant, « avec des vociférations horribles », que ceux qui les avaient précédés jettent les traîtres dehors. Ils proclamèrent que s'ils ne le faisaient pas, ils seraient massacrés par eux-mêmes, comme « les traîtres ».
Ceux qui avaient conclu l'accord avec Guillaume résistèrent. Alors, tous ceux qui n'avaient rien juré, et qui étaient supérieurs en nombre, se précipitèrent sur eux, les frappèrent de leurs épées, impios pie trucidant, membris emutilant, alios dulcissime eviscerant, et quicquid crudelilus mitius reputantes in eos exaggerant, massacrent pieusement ces félons impies, mutilèrent aux uns les membres, éventrèrent avec délices les autres, bref épuisèrent sur eux tous les plus cruels supplices, tout en les réputant trop doux encore.
Vivants et morts furent jetés par les fenêtres ; hérissés d'innombrables flèches, pareils à des hérissons, ils demeurèrent en l'air, sur les pointes des lances. Le forfait de Guillaume est vengé : quod, quia vecors vivus fuerat, mortuus est excordatus, parce que, vivant, il a montré un coeur féroce, mort, on lui ôte le coeur. « On le lui arrache des entrailles, et, tout gonflé par la fourberie et l'iniquité, il est placé sur un pieu, qu'on laisse planté au même endroit pendant plusieurs jours. Quant à son cadavre et à ceux de quelques-uns de ses compagnons, on les plaça, liés avec des cordes et des herses, sur des claies arrangées exprès, et on les laissa descendre tout le long du cours de la Seine ; de la forte, si, par hasard, rien ne les empêchait de flotter jusqu'à Rouen, ils y devaient faire bien voir le châtiment infligé à leur félonie, et ceux qui avaient momentanément souillé la France de leur infection ne devaient pas cesser, une fois morts, de souiller la Normandie, leur pays natal », conclut Suger.
René Pillorget L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 4 au 17 mars 2010
✓ Suger : Vie de Louis le Gros ; traduction de Henri Waquet, Paris, Honoré Champion, 1929, 332 pages.
✓ Émile Rousse : La Roche-Guyon, châtelains, château et bourg (Paris, Hachette, 1892, 495 pages.
mercredi 27 octobre 2010
L'histoire de Enigma
- un pour les messages en retard
- un pour le matériel urgent
- un au SIS de Broadway ;
- un au service de ministère approprié ou à Withehall ;
- un au général concerné sur le terrain.
Le fonctionnement de Enigma
B b------->------/\ | |-->>---|
C c | |---->>-----| |
D d | |
E e |------<-------- span=""> |---<---------------- span="">
F f |---<--- span=""> |--->>---|
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--> --->---------------->-------->
Cassage du code d'Enigma
mardi 26 octobre 2010
Voltaire sans la légende
Xavier Martin, spécialiste mondialement reconnu de l'histoire du Code civil et qui a consacré un grand livre au sujet, à l'occasion du deuxième centenaire de la rédaction de notre grande charte juridique, est à la fois historien du droit et historien des idées. Sa spécialité ? La pensée du XVIIIe siècle. Après Nature et Révolution française, après L'homme des droits de l'homme et sa compagne, voici, plus concret peut-être, plus immédiatement vérifiable, un détonnant Voltaire méconnu.
Avec Voltaire, un Français est forcément un peu dans la légende dorée. Ne parle-t-on pas du siècle de Voltaire ? Ne donne-t-on pas en exemple jusqu'aujourd'hui son engagement de publiciste, face aux étroitesses des juristes de son temps, que ce soit dans l'affaire Calas (Jean, protestant, payant la mort de son fils Marc-Antoine qu'il aurait empêché de se convertir au catholicisme) ou dans le procès du Chevalier de La Barre, condamné au supplice pour blasphème au Saint Sacrement, parce qu'il aurait refusé de se découvrir lors d'une Procession religieuse ? Est-ce le syndrome de l'Affaire Dreyfus ? Le cocktail politico-religieux est au rendez-vous. Il va contribuer à une véritable héroïsation de Voltaire. Ainsi Michelet écrit-il un siècle plus tard : « Voltaire est celui qui souffre, celui qui a pris sur lui toutes les douleurs des hommes, qui ressent, poursuit toute iniquité. Tout ce que le fanatisme et la tyrannie ont jamais fait de mal au monde, c'est à Voltaire qu'ils l'ont fait ».
Le Patriarche de Ferney aurait sans doute bien ri de ce portrait de lui en héros chrétien, prenant sur ses épaules tout le mal du monde. Mais les universitaires d'aujourd'hui (en l'occurrence ici Raymond Trousson, professeur à l'Université Libre de Bruxelles, qui cite ce texte avec admiration), continuent à prendre (et à faire prendre) pour argent comptant la légende dorée, imaginée par Michelet.
C'est une tout autre image que nous donne Xavier Martin, dans son Voltaire méconnu. On ne se fatigue pas de relire avec lui les correspondances de l'époque, où notre héros, en toute occasion, laisse percer son mépris du genre humain, sa détestation des Français (qu'il nomme les Welches, sans doute parce qu'ainsi il les traite de Belges), son horreur pour les Arabes en général (Gare aux odeurs, dirait Chirac qui le citait sans le savoir !), et son obsession antisémite, qui nécessite aujourd'hui une édition expurgée de son fameux Dictionnaire philosophique... Ce n'est pas tout! Ce grand défenseur des droits de l'homme a été capable à plusieurs reprises de réclamer au Roi des lettres de cachet pour embastiller ceux qui avaient eu le malheur de le critiquer et qu'il voulait ainsi bannir de la Littérature elle-même. Contrairement à une idée reçue, le patriarche de Ferney n'est pas un contempteur de la Monarchie, il pose au contraire en ardent thuriféraire. Les pensions qu'il perçoit du pouvoir et les faveurs qu'il reçoit du ministre Malesherbes (futur avocat de Louis XVI) valent bien l'encens qu'il brûle ostensiblement en l'honneur du siècle de Louis XIV ... Quant à sa "philosophie", elle se situe à peu près au niveau de celle de Madame Michu, répétant sentencieusement : « Il n' y a pas de mal à se faire du bien ». C'est ce que Michel Onfray appelle aujourd'hui un art de jouir. De l'art ou du cochon ? Avec Voltaire, c'est selon...
Joël Prieur Minute du 6 décembre 2006
Xavier Martin, Voltaire méconnu, éd. DMM, sept. 2006, 252 pp, 30,00 euros port compris.
Sur commande à : Minute 15 rue d'Estrées, 75007 Paris.
L’écologie sociale de La Tour du Pin
La Tour du Pin … Sous ce nom à tiroirs se cache l'un des plus profonds penseurs de la question sociale en France à la fin du XIXe et au début du XXe siècles. Antoine Murat a passé sa vie dans la fréquentation des écrits du marquis. Après plusieurs monographies, il nous offre une synthèse inédite sur la Tour du Pin et son temps.
Charles-Imbert-René de La Tour du Pin (1834-1924) est l'une des principales figures de l'esprit social chrétien. Alors que la lutte faisait rage, aux plus hautes instances, entre un libéralisme sans entrailles, qui se présentait comme l'héritier légitime de la Révolution française, et un socialisme revendicateur, prêt à organiser ici et maintenant la nouvelle fête révolutionnaire, La Tour du Pin était habité, lui, par la conviction que c'est le christianisme qui détient la clef de la question sociale. Cette conviction, il la voulait non pas idéologique mais avant tout pragmatique. Recueillant les leçons que Frédéric Le Play avait administrées à l'Empire finissant, La Tour du Pin s'est voulu d'abord observateur empirique de la réalité sociale. Loin de l'entraîner à la culture de je ne sais quelles idées généreuses, détachées du réel, sa foi avait donné à l'officier supérieur qu'il était un goût inné pour l'observation des faits sociaux. Inconvénient de cette méthode : bien des textes de La Tour du Pin portent la marque des circonstances qui les ont fait naître. On peut s'ennuyer à compulser ces études que lui-même a voulu appeler des « jalons » vers un ordre social chrétien. Il faut remettre ces observations dans leur contexte et brosser le portrait de la Tour du Pin en son temps, sous peine de n'y rien comprendre.
L'homme : une chose, une bête ou un frère ?
Antoine Murat excelle à restituer, en toile de fond de la doctrine qu'il expose, l'époque qui l'a vu naître. Première scène, à Frohsdorf, lieu d'exil : le jeune officier, attaché militaire français en Autriche, petit-fils du dernier ministre de la guerre de Louis XVI, rend visite à Henri V, petit neveu de Louis XVI. La pensée sociale du comte de Chambord doit beaucoup à la Tour du Pin.
Deuxième scène : la guerre de 1870. Cette fois, c'est, à Rezonville, le courage du soldat, ramassant un étendard dont personne n'ose plus se charger qui émeut le lecteur. Troisième scène : le mariage. À 58 ans, le marquis épouse la dame de ses pensées, sa cousine germaine enfin devenue veuve. Chevaleresque tout cela ? En diable.
Au-delà des principes éternels de ce que l'on a pu appeler la politique naturelle, au-delà des vertus traditionnelles qui sont celles de sa race, pétries de christianisme, ce sont les faits qui importent à La Tour du Pin pour construire une théorie. Certes, la civilisation chrétienne a existé. La question est de savoir comment elle doit se manifester de nouveau : « Il y a trois écoles irréductibles en philosophie sociale : celle où l'on considère l'homme comme une chose ; celle où on le considère comme une bête et celle où on le considère comme un frère. »
II serait trop long de considérer les exemples que notre auteur ne manque pas de donner à l'appui de son assertion. À propos des premiers - les libéraux - parmi lesquels, il faut le souligner, de nombreux catholiques bien en cour, il conclut : « Ceux-là ne conçoivent comme principes de la vie économique que les transformations de la lutte pour la vie qui sont la loi de la matière organique. » « Les autres - ce sont les socialistes - ni songent qu'à la conservation et au bien-être de l'espèce, ce qui est la tendance de l'animalité. » La perspective de La Tour du Pin se trouve dans une troisième voie, résolument anti-individualiste : « Quant à nous, nous concevons l'humanité vivant à l'état organique de corps social, dont toutes les parties sont solidaires, se prêtant par conséquent assistance entre elles, parce que c'est leur loi de vie naturelle aussi bien que morale. »
Cette troisième voie est la plus évidente. Elle demeure introuvable pourtant depuis un siècle et demi. Mais à force d'avoir le dernier mot, l'Attila libéral va finir par constater que l'herbe n'a pas repoussé sur son passage. Viendra alors peut-être le temps d'une véritable écologie sociale, celle dont la Tour du Pin et Charles Maurras après lui ont rappelé les principes. Celle qu'il faudra mettre en œuvre sans idées préconçues, pour la survie morale de l'humanité.
Joël Prieur Minute du 25 juin 2009
Antoine Murat, La Tour du Pin et son temps, Via romana, 388 pp., 34 euros port compris. Sur commande à : Minute, 15 rue d'Estrées, 75007 Paris.
lundi 25 octobre 2010
Le peuplement et l’Histoire de l’Europe
Située à l'extrémité occidentale de l'immense Eurasie, l'Europe bénéficie d'un climat tempéré et de côtes ciselées, favorables au cabotage des navires et aux échanges. Ces facteurs ont très tôt favorisé son peuplement.
Nous conservons de la préhistoire les belles peintures rupestres de Lascaux (France) ou encore Altamira (Espagne), vieilles de 18.000 ans environ. Certains linguistes voient aussi dans la langue basque une réminiscence des cultures paléolithiques de l'Europe.
Il n'empêche que le continent a été pour l'essentiel peuplé au IIe millénaire avant JC par plusieurs vagues d'immigration indo-européennes (à l'époque où arrivaient en Europe ces tribus plus ou moins sauvages, en Mésopotamie prospérait la cité de Babylone !).
Immigrations indo-européennes
Les tribus indo-européennes se sont répandues en Europe, en Iran et dans le sous-continent indien à partir des vastes plaines de l'actuelle Russie. En groupes clairsemés, elles ont peuplé les clairières de la péninsule européenne. On vit ainsi apparaître en Europe les Celtes, puis les Germains, les Latins, les Grecs, les Scythes… Beaucoup plus tard, au VIe siècle après JC, vinrent les Slaves.
Au cours du 1er millénaire avant JC, la civilisation urbaine pénètre en Europe par le biais des marchands et des colons venus de Grèce ou encore de Phénicie et de Carthage.
Unité méditerranéenne
Après son «baptême», l'Europe reste encore longtemps un concept vide de sens car c'est autour de la Méditerranée que Rome fait, dans un premier temps, l'unité de l'Occident. Au nord, les légions romaines ne dépassent guère le Rhin et le Danube, laissant dans l'ombre la moitié de l'Europe (aujourd'hui occupée par des États de culture germanique ou slave). À l'est, les légions atteignent l'Euphrate et les marges de l'Arabie. Au sud, elles sont arrêtées par le Sahara et les cataractes du Nil.
Rome atteint son apogée au IIe siècle de notre ère. Son empire recense cinquante millions d'habitants, soit autant que l'empire chinois de la même époque, tandis que la Terre dans son ensemble en compte environ 250 millions… Aujourd'hui, soit 2000 ans plus tard, l'Europe et le monde méditerranéen représentent presque un milliard d'hommes et la Chine, 1,4 milliard.
Après l'assassinat de l'empereur Commode, en l'an 192, les symptômes de crise se multiplient dans l'empire romain. Les campagnes se dépeuplent du fait d'une dénatalité déjà ancienne. Aux marges de l'empire, on recrute des Barbares pour combler les effectifs des légions et remettre les terres en culture.
L'industrie s'étiole par manque de débouchés. L'État tente de réagir par des réglementations tatillonnes qui ne font qu'aggraver les maux de la société. Aux frontières, les Barbares se font menaçants : Maures en Afrique du nord, Germains sur le Rhin et le Danube, Parthes en Orient. Au Ve siècle, des Germains pénètrent avec armes et bagages à l'intérieur de l'empire et s'établissent où ils le peuvent…
Leurs effectifs ne sont pas élevés. Tout compris, ces envahisseurs qui ont défait l'empire romain représentent 5 à 10% de sa population. Mais provinces et pays conservent encore le souvenir de leurs invasions : l'Andalousie, qui vit passer des Vandales, la Bourgogne, occupée par des Burgondes… Le nom de l'Allemagne rappelle celui des Alamans… et celui de la France, les Francs.
Les deux siècles qui suivent sont marqués par l'arrivée de nouvelles tribus germaniques, les Lombards. Des Slaves s'installent enfin au centre du continent, jusque sur l'Elbe. Ils repeuplent la péninsule grecque et adoptent la langue des derniers descendants de Périclès et Eschyle. En marge du peuplement indo-européen, quelques tribus de type mongoloïde s'installent au bord de la Baltique et dans le bassin du Danube. Le hongrois, le finnois et l'estonien en portent témoignage.
Au VIIe siècle, l'ouest et le nord du continent sont en plein chaos. Encore mal converties au christianisme, les populations survivent avec peine. La fusion entre Romains et Barbares s'opère lentement.
Formation d'une chrétienté occidentale
Un événement majeur survient avec l'irruption des Arabes sur les franges méridionales de l'Europe. Elle met fin à l'unité du monde antique. La mer Méditerranée n'est plus un trait d'union mais une frontière. Autour de l'an 800, avec Charlemagne, le centre de gravité de la chrétienté occidentale s'établit à Aix-la-Chapelle, en Rhénanie. D'ultimes invasions sont repoussées. Ainsi celles des Vikings, des Sarrasins et des Hongrois.
Nomades apparentés aux Mongols, les Turcs subjuguent l'empire arabe de Bagdad et, peu après l'An Mil, menacent l'empire chrétien de Byzance. Dans un élan où se mêlent la foi et l'esprit d'aventure, les guerriers d'Occident répondent en masse à l'appel du pape et leur croisade, en arrêtant les Turcs, offre un sursis inespéré de plusieurs siècles à l'empire byzantin.
À partir de l'An Mil, l'Europe occidentale ne va plus connaître de nouvelle invasion. Cette circonstance bénéfique va permettre à la chrétienté occidentale de s'épanouir sous l'égide d'un clergé actif, à la fois missionnaire, défricheur et érudit.
À la fin du XIIe siècle, il ne reste presque plus rien des clivages entre anciennes tribus. Ainsi en Angleterre s'efface la distinction entre Angles, Saxons, Normands… Dans l'ancienne Gaule, les rois capétiens réussissent l'exploit improbable de donner une conscience nationale à des populations que tout semble opposer : Picards, Normands, Languedociens, Champenois, Flamands, Bretons, Provençaux…
Par-dessus les nations en gestation, la papauté maintient et cultive un sentiment profond d'unité. Cette unité se reflète dans l'art gothique comme dans la pensée. D'ailleurs, les Européens du Moyen-Âge se conçoivent comme appartenant tout simplement à «la chrétienté».
Une conscience européenne tardive
Le mot Europe ne prend place dans le vocabulaire qu'au XVe siècle. Il s'impose sous la Renaissance, après la Réforme de Martin Luther qui met fin à l'unité religieuse de l'Occident. Mais la conscience d'une unité de civilisation se maintient à travers la lutte contre les Turcs ottomans qui ont définitivement abattu l'empire byzantin et exercent une pression constante sur l'Europe des Balkans et du Danube.
Avec la découverte d'un Nouveau Monde par Christophe Colomb, l'Europe occidentale élargit son horizon. L'Europe orientale, de la même façon, regarde vers les immensités sibériennes. Les Européens commencent à émigrer, qui vers les Amériques, qui vers la Sibérie.
À l'intérieur du continent, l'instabilité est reine. Les empires se font et se défont. Les populations migrent à l'occasion des conflits. L'Alsace, ravagée par la guerre de Trente Ans est repeuplée par des populations voisines. Il en est de même pour le Palatinat, dévasté par les armées de Louis XIV.
Au XIXe siècle, l'amélioration de l'hygiène entraîne une forte baisse de la mortalité et une croissance rapide de la population. Les régions déshéritées connaissent une émigration massive vers les nouvelles Europes (Amériques, Océanie, Afrique du sud…).
Changement du tout au tout à la veille de la Première Guerre mondiale, dans une Europe plus puissante et plus peuplée que jamais. La natalité fléchit et la croissance démographique se ralentit.
La France, épuisée par les guerres de la Révolution, a une longueur d'avance en ce domaine. Dès le milieu du XIXe siècle, sa population est en voie de stagnation. Des immigrants commencent à affluer des régions surpeuplées qui l'entourent (Borinage belge, Vénétie, Pologne…). Ils vont travailler dans les mines ou remettent en culture les terres abandonnées du Sud-Ouest.
Quand éclate la Première Guerre mondiale, Charles Mangin, un général rescapé des colonies, préconise l'emploi de troupes d'outre-mer (la «Force noire»). Il y voit un moyen de suppléer l'infériorité numérique des Français face aux Allemands. Le gouvernement français fait venir également de la main-d'oeuvre d'Indochine ou de Chine pour remplacer dans les usines les ouvriers envoyés aux tranchées.
Pour la première fois en mille ans d'Histoire, l'Europe accueille des populations venues d'ailleurs. Une nouvelle ère ?
André Larané. http://www.herodote.net1630 : Louis XIII cornélien
vendredi 22 octobre 2010
La véritable histoire de Cadet Roussel
« Cadet Roussel a trois maisons / qui n'ont ni poutres, ni chevrons / C'est pour loger les hirondelles / Que direz-vous d'Cadet Roussel ? / Ah ! Ah ! Ah oui, vraiment ! Cadet Roussel est bon enfant ! »…
Lequel d'entre nous n'a jamais chanté cette chanson sans se demander vraiment qui était ce « Cadet Roussel » ou en lui attribuant quelque existence mythique ou légendaire ? Il a pourtant existé ce cadet-là, ainsi surnommé, on s'en doute, parce qu'il était le second fils de la famille Roussel.
Né le 30 avril 1743 à Orgelet (Jura), de Jean-Baptiste Roussel et de Marie Pierote Girard, Guillaume Joseph Roussel dit « Cadet » s'installera à l'âge de vingt ans à Auxerre. Après avoir été un temps laquais, il est remarqué parce qu'il parle bien et possède une jolie écriture. Tout ce qui suffit pour entrer dans la basoche ! Le voilà donc clerc d'huissier et tout occupé à rédiger exploits, constats et placets.
Là encore, son intelligence fait merveille et lui permet d'obtenir, en 1780, l'autorisation royale de se faire installer dans ses fonctions de premier huissier-audiencier au bailliage d'Auxerre. C'est un poste d'importance où, ses bonnes mœurs, sa fidélité au roi et son catholicisme impeccable aidant, il devient bientôt un des notables de la ville.
Ayant désormais deux mille livres de revenu annuel, Cadet Roussel prend femme. Une certaine Jeanne Serpillon, bien plus âgée que lui, mais, pour reprendre un mot célèbre, pas mal vue de dot… Pour faire honneur à sa charge, Me Roussel choisit une maison un peu baroque et entreprend de la transformer encore et de l'agrandir. Au gré de son imagination débordante. En arrive-t-on bientôt à une maison sans portes ni chevrons ? C'est ce que prétend la chanson… Arrive là-dessus la Révolution. Cadet Roussel, malin comme un clerc de notaire malgré sa charge d'huissier au bailliage et siège principal d'Auxerre, comprend d'où vient le vent. Il se rend agréable aux nouveaux maîtres, flatte les uns et les autres, paie le coup aux braves gens et se fabrique une sorte de réputation. Dans le pays, on dit qu'il n'est pas fier Me Roussel, que c'est un homme un peu original mais plein d'idées, un bon bourgeois qui n'a pas oublié ses origines populaires.
Aussi quand il va s'agir de donner un chant de marche aux soixante-douze volontaires auxerrois du 1er Bataillon, c'est tout naturellement que Gaspard de Chenu du Souchet, à qui l'on devait déjà Les Jacobins d'Auxerre, va créer une immortelle chanson à la gloire de Cadet Roussel. L'air est emprunté à la chanson de Jean de Nivelle tirée d'un recueil de 1612 : Chansons folastres, tant superlifiques que drolatiques des comédiens français. Et les paroles se démarquent à peine de l'original qui disait : « Jean de Nivelle n'a qu'un chien / Il en vaut trois, on le sait bien… ! Mais il s'enfuit quand on l'appelle ! / Connaissez-vous Jean de Nivelle ? / Ah ! Ah ! Ah oui, vraiment ! Jean de Nivelle est bon enfant ! »
Le 16 septembre 1792, les volontaires quittent Auxerre par la porte de Saint-Siméon en chantant à tue-tête que Cadet Roussel a trois maisons, trois habits, trois chapeaux, trois souliers, trois cheveux, trois gros chiens, trois beaux chats, trois belles filles, trois deniers, mais qu'il ne mourra pas : « Car avant de sauter le pas / on dit qu'il apprend l'orthographe / pour faire lui-même son épitaphe / Ah ! Ah ! Ah oui, vraiment / Cadet Roussel est bon enfant ! »
Cette chanson rythmera la marche des volontaires auxerrois puis, très vite (et tout autrement que La Marseillaise), de toute l'armée du Nord, en Belgique, dans le Brabant et dans les Flandres. En 1793, cet air est devenu tellement populaire que deux historiens oubliés aujourd'hui, Ande et Tissot, font jouer au théâtre de la Cité une pièce intitulée Cadet Roussel ou le Café des aveugles. Porté par « sa » chanson, Me Roussel s'inscrit dans un club républicain, la « Société populaire », s'y fait remarquer par son zèle jacobin et une propension à signer des pétitions enflammées où l'on réclame la mise en jugement de Louis XVI, « l'ingrat, le traître, l'incorrigible ». On voit que le brave Cadet, enragé, haineux, pétitionnaire, n'était peut-être pas si « bon enfant » que la chanson le prétend.
En fin de course, il devait arriver ce qui arriva aux plus excités des révolutionnaires : des plus « purs » les épurent. Accusé de s'être livré, lors d'une levée de scellés, à une véritable saturnale dans la maison du citoyen Front, Me Roussel tombe dans les griffes du comité de surveillance d'Auxerre qui exige sa destitution et son arrestation.
Cadet Roussel, protégé par Maure, député d'Auxerre à la Convention, va sauver sa tête. Mais il perdra sa charge. Libéré de prison, Me Roussel n'a plus qu'une idée en tête : reconquérir la confiance du Comité de surveillance en en rajoutant dans le délire révolutionnaire. Le 10 nivôse An II (30 décembre 1793), il organise, dans la cathédrale d'Auxerre, une grande fête en l'honneur de la déesse Raison. Avec concours de la déesse de la Liberté (une jeune fille habillée très à la grecque… ), de bœufs couverts de chapes de draps d'or, de chars burlesques, de monstres en osier représentant le « Despotisme », le « Fanatisme » et le « Fédéralisme ». Lesdits monstres, représentés par des masques personnifiant un roi, un évêque et un truand, furent jetés dans les flammes. Les flammes furent-elles trop fortes ? Toujours est-il que le feu menaça de tout griller et que la déesse Raison, rongée par la peur, en fit littéralement caca dans une culotte qu'elle portait fort légère…
- Les aristocrates ont empoisonné la procession, mais on les connaît et ils le paieront cher, grognèrent les fougueux Jacobins…
Malgré cet épisode malodorant, Me Roussel était rentré en grâce. Le 1er mai 1793, il est membre du Comité de salut public de sa commune, une bande de commissaires politiques fanatiquement vigilants …
Le 9 thermidor An II, Robespierre est enfin raccourci. Le 16, Cadet Roussel et ses amis, qui avaient été encore plus robespierristes que Robespierre lui-même, écrivent à la Convention pour se féliciter de l'élimination de « l'assassin hypocrite » (Robespierre) et protester de leur indéfectible patriotisme. Ce ne fut pas suffisant. Me Roussel et quelques-uns de ses comparses furent jetés en prison. Le 19 vendémaire An IX, une loi décréta l'amnistie des délits commis sous la Terreur. Cadet Roussel en bénéficia.
A partir de là, nous perdons la trace de Me Roussel. Echaudé sans doute par ses expériences politiques successives, jugea-t-il plus prudent de vivre le reste de son âge calfeutré dans l'une de ses trois maisons… Il resta donc huissier. Sous le Directoire. Sous le Consulat. Sous l'Empire. Le 23 nivôse An XI (14 janvier 1803), sa femme mourut. Elle avait seize ans de plus que lui. Agé de 60 ans, Cadet Roussel se remariait, trois mois plus tard, avec Reine Baron, la nièce de sa femme. Née le 6 août 1766, elle avait vingt-trois ans de moins que lui. Cadet Roussel en fut-il épuisé ? Moins de trois ans plus tard, le 26 janvier 1807, il passait l'arme à gauche où étaient déjà ses sympathies politiques. Comme aurait pu le dire un autre personnage célèbre, M. de La Palice, Cadet Roussel venait de mourir en perdant la vie…
ALAIN SANDERS PRÉSENT - Mardi 10 août 2010