Située à l'extrémité occidentale de l'immense Eurasie, l'Europe bénéficie d'un climat tempéré et de côtes ciselées, favorables au cabotage des navires et aux échanges. Ces facteurs ont très tôt favorisé son peuplement.
Nous conservons de la préhistoire les belles peintures rupestres de Lascaux (France) ou encore Altamira (Espagne), vieilles de 18.000 ans environ. Certains linguistes voient aussi dans la langue basque une réminiscence des cultures paléolithiques de l'Europe.
Il n'empêche que le continent a été pour l'essentiel peuplé au IIe millénaire avant JC par plusieurs vagues d'immigration indo-européennes (à l'époque où arrivaient en Europe ces tribus plus ou moins sauvages, en Mésopotamie prospérait la cité de Babylone !).
Immigrations indo-européennes
Les tribus indo-européennes se sont répandues en Europe, en Iran et dans le sous-continent indien à partir des vastes plaines de l'actuelle Russie. En groupes clairsemés, elles ont peuplé les clairières de la péninsule européenne. On vit ainsi apparaître en Europe les Celtes, puis les Germains, les Latins, les Grecs, les Scythes… Beaucoup plus tard, au VIe siècle après JC, vinrent les Slaves.
Au cours du 1er millénaire avant JC, la civilisation urbaine pénètre en Europe par le biais des marchands et des colons venus de Grèce ou encore de Phénicie et de Carthage.
Unité méditerranéenne
Après son «baptême», l'Europe reste encore longtemps un concept vide de sens car c'est autour de la Méditerranée que Rome fait, dans un premier temps, l'unité de l'Occident. Au nord, les légions romaines ne dépassent guère le Rhin et le Danube, laissant dans l'ombre la moitié de l'Europe (aujourd'hui occupée par des États de culture germanique ou slave). À l'est, les légions atteignent l'Euphrate et les marges de l'Arabie. Au sud, elles sont arrêtées par le Sahara et les cataractes du Nil.
Rome atteint son apogée au IIe siècle de notre ère. Son empire recense cinquante millions d'habitants, soit autant que l'empire chinois de la même époque, tandis que la Terre dans son ensemble en compte environ 250 millions… Aujourd'hui, soit 2000 ans plus tard, l'Europe et le monde méditerranéen représentent presque un milliard d'hommes et la Chine, 1,4 milliard.
Après l'assassinat de l'empereur Commode, en l'an 192, les symptômes de crise se multiplient dans l'empire romain. Les campagnes se dépeuplent du fait d'une dénatalité déjà ancienne. Aux marges de l'empire, on recrute des Barbares pour combler les effectifs des légions et remettre les terres en culture.
L'industrie s'étiole par manque de débouchés. L'État tente de réagir par des réglementations tatillonnes qui ne font qu'aggraver les maux de la société. Aux frontières, les Barbares se font menaçants : Maures en Afrique du nord, Germains sur le Rhin et le Danube, Parthes en Orient. Au Ve siècle, des Germains pénètrent avec armes et bagages à l'intérieur de l'empire et s'établissent où ils le peuvent…
Leurs effectifs ne sont pas élevés. Tout compris, ces envahisseurs qui ont défait l'empire romain représentent 5 à 10% de sa population. Mais provinces et pays conservent encore le souvenir de leurs invasions : l'Andalousie, qui vit passer des Vandales, la Bourgogne, occupée par des Burgondes… Le nom de l'Allemagne rappelle celui des Alamans… et celui de la France, les Francs.
Les deux siècles qui suivent sont marqués par l'arrivée de nouvelles tribus germaniques, les Lombards. Des Slaves s'installent enfin au centre du continent, jusque sur l'Elbe. Ils repeuplent la péninsule grecque et adoptent la langue des derniers descendants de Périclès et Eschyle. En marge du peuplement indo-européen, quelques tribus de type mongoloïde s'installent au bord de la Baltique et dans le bassin du Danube. Le hongrois, le finnois et l'estonien en portent témoignage.
Au VIIe siècle, l'ouest et le nord du continent sont en plein chaos. Encore mal converties au christianisme, les populations survivent avec peine. La fusion entre Romains et Barbares s'opère lentement.
Formation d'une chrétienté occidentale
Un événement majeur survient avec l'irruption des Arabes sur les franges méridionales de l'Europe. Elle met fin à l'unité du monde antique. La mer Méditerranée n'est plus un trait d'union mais une frontière. Autour de l'an 800, avec Charlemagne, le centre de gravité de la chrétienté occidentale s'établit à Aix-la-Chapelle, en Rhénanie. D'ultimes invasions sont repoussées. Ainsi celles des Vikings, des Sarrasins et des Hongrois.
Nomades apparentés aux Mongols, les Turcs subjuguent l'empire arabe de Bagdad et, peu après l'An Mil, menacent l'empire chrétien de Byzance. Dans un élan où se mêlent la foi et l'esprit d'aventure, les guerriers d'Occident répondent en masse à l'appel du pape et leur croisade, en arrêtant les Turcs, offre un sursis inespéré de plusieurs siècles à l'empire byzantin.
À partir de l'An Mil, l'Europe occidentale ne va plus connaître de nouvelle invasion. Cette circonstance bénéfique va permettre à la chrétienté occidentale de s'épanouir sous l'égide d'un clergé actif, à la fois missionnaire, défricheur et érudit.
À la fin du XIIe siècle, il ne reste presque plus rien des clivages entre anciennes tribus. Ainsi en Angleterre s'efface la distinction entre Angles, Saxons, Normands… Dans l'ancienne Gaule, les rois capétiens réussissent l'exploit improbable de donner une conscience nationale à des populations que tout semble opposer : Picards, Normands, Languedociens, Champenois, Flamands, Bretons, Provençaux…
Par-dessus les nations en gestation, la papauté maintient et cultive un sentiment profond d'unité. Cette unité se reflète dans l'art gothique comme dans la pensée. D'ailleurs, les Européens du Moyen-Âge se conçoivent comme appartenant tout simplement à «la chrétienté».
Une conscience européenne tardive
Le mot Europe ne prend place dans le vocabulaire qu'au XVe siècle. Il s'impose sous la Renaissance, après la Réforme de Martin Luther qui met fin à l'unité religieuse de l'Occident. Mais la conscience d'une unité de civilisation se maintient à travers la lutte contre les Turcs ottomans qui ont définitivement abattu l'empire byzantin et exercent une pression constante sur l'Europe des Balkans et du Danube.
Avec la découverte d'un Nouveau Monde par Christophe Colomb, l'Europe occidentale élargit son horizon. L'Europe orientale, de la même façon, regarde vers les immensités sibériennes. Les Européens commencent à émigrer, qui vers les Amériques, qui vers la Sibérie.
À l'intérieur du continent, l'instabilité est reine. Les empires se font et se défont. Les populations migrent à l'occasion des conflits. L'Alsace, ravagée par la guerre de Trente Ans est repeuplée par des populations voisines. Il en est de même pour le Palatinat, dévasté par les armées de Louis XIV.
Au XIXe siècle, l'amélioration de l'hygiène entraîne une forte baisse de la mortalité et une croissance rapide de la population. Les régions déshéritées connaissent une émigration massive vers les nouvelles Europes (Amériques, Océanie, Afrique du sud…).
Changement du tout au tout à la veille de la Première Guerre mondiale, dans une Europe plus puissante et plus peuplée que jamais. La natalité fléchit et la croissance démographique se ralentit.
La France, épuisée par les guerres de la Révolution, a une longueur d'avance en ce domaine. Dès le milieu du XIXe siècle, sa population est en voie de stagnation. Des immigrants commencent à affluer des régions surpeuplées qui l'entourent (Borinage belge, Vénétie, Pologne…). Ils vont travailler dans les mines ou remettent en culture les terres abandonnées du Sud-Ouest.
Quand éclate la Première Guerre mondiale, Charles Mangin, un général rescapé des colonies, préconise l'emploi de troupes d'outre-mer (la «Force noire»). Il y voit un moyen de suppléer l'infériorité numérique des Français face aux Allemands. Le gouvernement français fait venir également de la main-d'oeuvre d'Indochine ou de Chine pour remplacer dans les usines les ouvriers envoyés aux tranchées.
Pour la première fois en mille ans d'Histoire, l'Europe accueille des populations venues d'ailleurs. Une nouvelle ère ?
André Larané. http://www.herodote.net
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