dimanche 30 mars 2014

Si vis pacem para bellum

Le Figaro Magazine - 01/02/2014
L'Européen contemporain n'imagine pas avoir à faire la guerre. Une réflexion du philosophe Robert Redeker.
      En Centrafrique, au Mali ou en Afghanistan, de jeunes hommes ont récemment perdu la vie sous l'uniforme français. Quel écho rencontrent ces morts survenues dans le cadre militaire ? Dans la société, il est faible. En dépit du caractère populaire que conserve le défilé du 14 Juillet, un fossé se creuse, aujourd'hui, entre l'armée et la nation. Non pas en raison d'un antimilitarisme de principe, comme lors des années post-68 ; pas plus en raison de la suppression du service militaire qui, dans l'hypothèse où il serait rétabli, ne changerait rien à la configuration dont résulte ce divorce : rien n'empêche que, chronologiquement, géographiquement et mentalement, la guerre s'éloigne des Européens, au point que le soldat devient une figure impensée et donc « impossible », selon la formule de Robert Redeker. « L'Européen contemporain, observe ce dernier, ne peut se représenter lui-même en uniforme et en armes mourant dans des tranchées, agonisant au feu en rase campagne, au coin d'une rue, au nom de sa patrie. Ni au nom d'aucun autre idéal. Ce sentiment et ce sacrifice lui sont devenus étrangers. »
     Agrégé de philosophie, auteur de nombreux essais et par ailleurs victime d'une quasi-fatwa, en 2006, à la suite d'une tribune à caractère polémique sur l'islam parue dans Le Figaro, menace qui lui vaut toujours de vivre sous protection policière et dans une semi-clandestinité, Redeker rappelle la place et le rôle de la guerre depuis les origines de l'humanité, et s'interroge pour savoir pourquoi la France et les autres nations d'Europe ont expulsé le combattant de leur imaginaire. Le traumatisme des deux guerres mondiales, la survalorisation de la construction européenne et son corollaire, le dénigrement de l'Etat national, fournissent l'essentiel de l'explication. Mais pas sa totalité. En philosophe, l'auteur désigne d'autres influences : la sensibilité victimiste, la disparition de l'altérité, la manie de la repentance. « Profondément ancrée dans la structure de l'humain, souligne Redeker, la guerre n'est pas inhumaine : elle est humaine, trop humaine. » Manière de rappeler que nous n'en serons jamais débarrassés, hélas ! et que le meilleur moyen de servir la paix reste de savoir faire la guerre.
Jean Sévillia http://www.jeansevillia.com/index.php?page=fiche_article&id=316
Le Soldat impossible, de Robert Redeker, Editions Pierre-Guillaume de Roux, 282 p., 23 €.

L'énigme de Louis XVII relancée

Lu ici :
"Le mythe de Karl-Wilhelm Naundorff, mort en Hollande en 1845, qui prétendait être Louis XVII, le fils de Marie-Antoinette et de Louis XVI emprisonné à l'âge de 7 ans au Temple et décédé officiellement en 1795, est relancé par une nouvelle révélation. [...] [D]e nouvelles analyses démontreraient que son descendant direct est bien un Bourbon.
Cette découverte inédite revient au Pr Gérard Lucotte, généticien et anthropologue, et à l'historien Bruno Roy-Henry, à l'initiative de cette enquête dans les profondeurs moléculaires. C'est le descendant mâle de la branche aînée de Naundorff, un libraire de 40 ans vivant en France, qui a soumis ses gènes au microscope du Pr Lucotte. Il s'agit d'Hugues de Bourbon - la lignée des Naundorff porte le nom des Bourbons par «une courtoisie de la cour de Hollande», explique un historien, légalisée par plusieurs jugements de la justice française mais toujours très contestée par les Bourbons. Il est le fils de Charles Louis Edmond de Bourbon, descendant très médiatique de Naundorff, décédé en 2008, que beaucoup de gens appelaient «Monseigneur» en soulignant sa ressemblance criante avec Henri IV.
[...] Que le jeune Naundorff soit un Bourbon n'établit pas pour autant que «l'enfant du Temple» a survécu et qu'il est le fruit de sa descendance. Enfin pas encore. Cette découverte de Lucotte et Roy-Henry n'est que la première étape d'une série de travaux à venir. Pour savoir si Naundorff était bien Louis XVII, il faudrait établir son ADN complet. Or, il y a quatre mois, des cheveux de Naundorff ont été ré­cupérés par des scientifiques. Qui chercheront à prouver que l'ADN mitochondrial Habsbourg - démenti il y a quinze ans - est bel et bien dans ses cheveux. Ces scientifiques remettent en cause la qualité et l'authenticité des prélèvements d'os sur Naundorff, lors de ces tests anciens, car le cercueil avait été ouvert en 1950 lors de la restauration du tombeau."
Michel Janva

Musique et identité, un pouvoir à reprendre

« La musique est un moyen d’expression, donc le reflet d’une identité, celle des musiciens et de leur public. »
Toutes les récentes grandes manifestations d’opposition, quels qu’en soient les organisateurs, ont fait le choix de ne pas faire un enjeu de leur ambiance musicale. Cette position ne fait que traduire un abandon du domaine culturel. La musique est pourtant un outil indispensable de communication, de reconnaissance et d’agrégation des communautés attestant d’une volonté de prendre le pouvoir sonore sur un territoire.
La musique est un moyen d’expression, donc le reflet d’une identité, celle des musiciens et de leur public. Elle s’inscrit dans le moment de sa création, mais aussi dans le temps long de la mémoire d’un peuple à partir du moment où il s’identifie à elle par son écoute, mesurée par son audience et par sa pratique. Le chant grégorien et la musique sacrée sont identifiés comme le répertoire de l’Eglise, mais aussi comme appartenant au patrimoine musical de la civilisation occidentale et il n’est pas nécessaire de pratiquer la religion pour l’apprécier.
La musique sacralise le temps
La musique sert à sacraliser le temps liturgique, que ce soit dans le cérémonial religieux avec les clochettes ou dans le cérémonial militaire avec le clairon et le tambour. Ainsi que le faisait remarquer Bonaparte lors de la négociation du Concordat : « Quant à moi, je ne vois pas dans la religion le mystère de l’Incarnation, mais le mystère de l’ordre social ». Les sociétés, comme les individus qui les composent, sont en constante mutation, mais elles ont besoin de règles pour fonctionner. Ces règles contraignantes sont évidemment difficiles à supporter et les tentatives de transgression et de remise en cause sont constantes. Moïse descendant du mont Sinaï avec les Tables de la loi (1) apportait une solution : la loi n’est pas négociable car elle vient de Dieu. Comme l’avait bien vu Bonaparte, cette origine divine de la règle commune évite sa constante remise en cause. En ce sens, le contrat social que propose Rousseau est moins efficient, car toujours sujet de négociation. D’autre part, l’adhésion à la loi commune, quelle que soit son origine, a besoin d’être matérialisée régulièrement, c’est le rôle de la liturgie collective. L’Eglise a été en charge de cette expression pendant des siècles et la Révolution a mis fin à ce rôle. L’élimination de la caste des prêtres (2) lors du Serment du Jeu de paume s’est opérée au profit de l’armée qui n’intervient qu’en tant qu’exécutant, car les tentatives d’implantation de cultes révolutionnaires ont échoué, comme celles de proposer une religion alternative. Faute de mieux, Napoléon fait appel à l’armée pour mettre en œuvre cette indispensable liturgie. Le défilé du 14 Juillet en est une de ses expressions actuelles. Les critères sont bien présents : espace sacré (celui où évoluent les ministres du culte), signaux marquant les temps forts de la cérémonie, présence des autorités et du public qui manifeste ainsi son adhésion au cérémonial et, à travers lui, à l’expression du lien sociétal.
Il est d’ailleurs assez piquant de voir un même gouvernement s’en prendre à ses opposants venus huer le chef de l’Etat le 11 Novembre : « On ne peut pas utiliser un rassemblement de ce type pour s’attaquer aux valeurs de la République et de notre pays » (3), alors qu’il défendait le compagnon d’une ministre refusant d’occuper le siège qui lui avait été réservé pour la revue du 14 Juillet (4). Au-delà de l’anecdote, les deux événements sont révélateurs de l’importance de ces cérémonies dans l’expression du lien sociétal, en même temps que de l’état actuel de ce lien.
La musique est indispensable à l’expression du lien sociétal
La musique joue un rôle essentiel dans le déroulement du cérémonial : d’abord, dans les signaux car les batteries de tambour et les sonneries de clairon ne jouent pas de la musique mais transmettent des ordres qui sont des repères sonores connus de tous qui sacralisent le temps ; ensuite, dans les différents morceaux qui sont exécutés par les orchestres militaires. Leur répertoire a été réglementé à la fin de la Guerre d’Algérie (5), dernier grand conflit dans lequel a été engagée l’armée française et première occasion pour une partie de la communauté nationale de défendre son identité (6). Il est quasiment contemporain de la constitution de la Ve République, ce qui souligne son importance. Même s’il n’est destiné qu’à un usage particulier, les pièces de ce répertoire peuvent être considérées comme appartenant au répertoire commun à tous ceux qui se reconnaissent dans la communauté nationale. C’est bien dans la dénonciation de ce rôle de lien sociétal qu’il faut comprendre la citation attribuée (faussement ?) à Clemenceau disant qu’ « Il suffit d’ajouter “militaire” à un mot pour lui faire perdre sa signification. Ainsi la justice militaire n’est pas la justice, la musique militaire n’est pas la musique. »
Les monarques ont toujours entretenu des musiciens, pour leur chapelle, pour leur divertissement et pour le prestige de leur gouvernement. Les formations musicales de la grande écurie sous Louis XIV constituent une étape majeure de l’établissement de ce système de représentation musicale fait pour édifier les populations et servir de modèle aux nations étrangères. La lente élaboration des orchestres de plein air au sein de l’administration militaire tout au long du XIXe siècle doit être envisagée comme un moyen de développer et d’entretenir cette cohésion sociétale qui culmine à la Belle Epoque dans les kiosques à musique, la musique cérémonielle officielle étant assurée par l’élite de ces orchestres, celui de la Garde républicaine. Les médias modernes ne faisant pas l’économie de cette indispensable identité sonore collective, l’Eurovision dans sa retransmission par la RTF en viendra à reprendre pour indicatif le Te Deum (7) de Charpentier composé sous Louis XIV.
L’ombre de Jdanov sur la musique
Le Parti communiste avait mis en application la doctrine de Jdanov (8) dès le début de la Guerre froide avec la collaboration de grands noms de la chanson. A partir du début des années 1960, il va savoir utiliser les chansonniers et les musiciens pour attirer des visiteurs à sa Fête de l’Huma. Les vedettes françaises et internationales en font un rendez-vous annuel de la musique. Si les résultats électoraux ne suivent pas, le PC peut continuer à diffuser ses messages auprès des jeunes générations. En arrivant au pouvoir en 1981, portée aussi par les musiques des radios libres, la gauche va rapidement surfer sur cette dynamique en lançant, dès 1982, une Fête de la musique dont la formule est reprise ensuite sur toute la planète. Après l’échec du Programme commun et pour appuyer son changement de politique, elle lance SOS Racisme qui organise un grand concert le 30 juin 1985 réunissant 300.000 personnes sur la Place de la Concorde. Ce modèle de grand rassemblement, initié par le Festival de Woodstock (9) en 1969, est dans l’air du temps, en 1979, toujours sur la Place de la Concorde, où Jean-Michel Jarre avait réuni 1 million de spectateurs venus entendre sa musique électronique. En juillet 1985, la campagne Band Aid est l’occasion de deux mégas concerts à Philadelphie (USA) et au stade Wembley (GB), avec enregistrement d’un disque auquel participent les grands noms de la chanson anglo-saxonne de l’époque. Trois millions d’exemplaires du disque sont vendus en faisant la deuxième vente de tous les temps. Le concert pour l’égalité le 14 juillet 2011 sur le Champ-de-Mars, organisé par SOS Racisme, réunit encore 1 million de personnes. Si la musique ne véhicule pas d’idéologie, elle rassemble les individus et transmet des émotions, la gauche l’a très bien compris en investissant un secteur clé pour contrôler la jeunesse. Depuis Jdanov, elle n’a fait que renforcer ses positions, ce qui est paradoxal vu le fonctionnement de la musique.
La musique s’inscrit dans la longue mémoire des peuples
En effet, contrairement à d’autres arts comme la peinture ou la sculpture, en musique il est impossible de s’affranchir des lois de l’harmonie, c’est-à-dire de la loi naturelle. D’autre part, la pratique d’un instrument nécessite un long apprentissage et un orchestre a besoin d’une organisation, d’un ordre (10). De plus, la musique s’inscrit dans la longue mémoire des peuples. Les compositeurs n’inventent rien, ils s’inspirent de mélodies et de rythmes qui appartiennent à la culture dans laquelle ils vivent. Ils puisent dans le passé, dans la mémoire : « Du passé faisons table rase » (11) n’existe pas en musique. La relecture du répertoire des chansons traditionnelles avait été initiée par Montand (12) et poursuivie par les folkeux des années 1970 ; on y est toujours avec Tri Yann (13) et la FAMDT (14). C’est encore une fois paradoxal, car les anciennes chansons sont l’expression la plus authentique de l’identité nationale et, qu’elles soient réinterprétées sur des instruments modernes ou par des musiciens « engagés » n’affecte en rien leur signification. Même si l’on invite des groupes des « musiques du monde » dans un festival de musiques celtiques ou occitanes, même si les interprètes expérimentent des métissages musicaux, l’identité des chansons traditionnelles reste perceptible, sinon elles seraient autres et l’original qui plaît au public disparaîtrait.
Le problème est différent pour des compositions modernes, mais alors la machine à diaboliser peut fonctionner et éliminer tout ce qui ne passe pas à travers ses filtres. En ce qui concerne les chansons, le rebut est suffisamment abondant pour dessiner des répertoires identitaires contemporains. Pour les musiques, l’éventail est encore plus vaste et passe surtout par les musiques de film et les compositions de musique électronique.
La musique est l’expression d’une identité
Les organisateurs des grandes manifestations de 2012 et 2013, dont certaines ont largement dépassé le million de personnes, ont choisi de ne pas se doter d’une identité musicale en phase avec leur discours politique. Quelle différence entre leur sélection musicale et celle de la Gaypride, de la Techno parade ou de n’importe autre grande manifestation parisienne ? Ce choix était délibéré : choisir de la « dance » pour se fondre dans des sonorités adoptables par tous, y compris ses adversaires, et ainsi ne pas faire de la musique un enjeu. Référence au sein de la droite nationale, Radio Courtoisie n’apporte pas non plus de réponse à la question de l’identité musicale. Officiellement le rock et l’anglais en sont bannis, même si certains patrons d’émission font quelques entorses au règlement. Les courants musicaux de la jeunesse ne peuvent pas bénéficier d’une émission dédiée et la musique classique reste la norme, le baroque y étant à peine toléré. Cette politique, qui ne rend pas compte ni de la diversité des répertoires français actuels ni des goûts des auditeurs, ne peut pas aider à définir une identité musicale contemporaine. En cela, la direction de la radio est bien en phase avec les représentants des grands courants « conservateurs », qu’ils soient politiques ou dans la rue. Car un constat similaire peut être établi pour la soirée anniversaire des 40 ans du Front national. L’animation était confiée à un groupe de rock rétro un peu passé de mode, Les Forbans (15), qui ensuite, questionné par les médias, s’est empressé d’expliquer qu’il ne partageait pas les idées du mouvement dont il était venu distraire les cadres et les militants : un aveu d’impuissance culturelle pour une formation politique qui aspire à prendre le pouvoir sans être capable de trouver des artistes correspondant à sa sensibilité. Cela est d’autant plus surprenant que Jean-Marie Le Pen a fondé une entreprise d’édition musicale reconnue (16), que dans le passé le FN et sa fête annuelle ont su offrir une scène à des artistes pouvant se permettre de partager officiellement ses valeurs et même fournir un relais politique à un courant musical nouveau, en l’occurrence le RIF (rock identitaire français).
La musique marque un territoire
Si elle ne véhicule pas d’idéologie en elle-même, ce qui n’est pas forcément le cas des chansons, la musique est un outil de convivialité, un référent collectif qui agrège les individus dans des harmonies et des sonorités reconnues par tous. Tous les régimes à toutes les époques ont utilisé la musique comme lien social et instrument de prestige. Rassembler autant de monde dans les rues et avoir l’ambition de prendre le pouvoir sans être capable de définir une identité musicale est une preuve certaine d’incompétence perçue plus ou moins consciemment, mais bien perçue par l’opinion. La musique délimite un espace sonore dans lequel celui qui la produit impose sa marque, son identité. Cette prise de pouvoir sonore occupe un territoire, appelle au rassemblement des individus. La production de sons et de musiques n’est jamais neutre, c’est un acte d’autorité perçu comme tel par ceux qui l’entendent. Il faudra bien se décider un jour à reconquérir une identité musicale.
 Thierry Bouzard
Auteur de plusieurs ouvrages sur les chansons de soldats
Animateur du blog : http://chantmilitaire.blog.de
23/03/2014
Notes :
1.     Cet exemple est évidemment transposable dans n’importe quelle société traditionnelle.
2.     Comme l’a montré Dumézil, les sociétés indo-européennes sont divisées en trois castes : prêtres, guerriers et producteurs ; soit, sous l’Ancien Régime : clergé, noblesse et tiers-état.
3.     Déclaration du ministre de l’Intérieur après l’arrestation de plus de 70 personnes, le 11 novembre 2013.
4.     En juillet 2014, à l’Assemblée nationale, le député UMP Philippe Meunier s’en prenait à l’attitude de Xavier Cantat, compagnon de Cécile Duflot ministre du Logement, pour un tweet dans lequel il disait être « fier que la chaise à [son] nom reste vide au défilé de bottes des Champs-Elysées ».
5.     Circulaire n° 42839/MA/CM/K du 15 novembre 1961.
6.     Les chansons des Pieds-Noirs défendent une identité ignorée et même méprisée par les Français de métropole.
7.     Le Te Deum est notamment chanté le 31 décembre dans la liturgie romaine. En France, il était toujours interprété pour le sacre des rois. Dans le cadre profane, cet hymne connu de toute la population était chanté dans toutes les occasions festives pour louer et remercier Dieu, particulièrement pour fêter les événements joyeux de la famille royale (naissances, mariages, guérisons, …) et les victoires militaires. Dans cet usage, il peut être considéré comme une sorte d’hymne national avant la lettre.
8.     Andreï Jdanov devient, en 1934, l’idéologue en chef du PCUS et le bras droit de Staline.
9.     En août 1969, le Festival de musique organisé à Woodstock, dans la banlieue de New York, rassemble autour de 500.000 personnes, marquant un tournant de l’histoire de la musique populaire.
10.     Les tentatives d’orchestres sans chef des Soviétiques ont été de lamentables échecs. Comme d’ailleurs celle de définir quelle pouvait être une musique marxiste.
11.     Paroles tirées du 1er couplet de l’Internationale.
12.     Yves Montand enregistre l’album Chansons populaires de France en 1955. Il est censuré sur les radios, non parce que la sélection des morceaux avait été faite par des cadres du PC, mais pour incitation à l’antimilitarisme.
13.     Tri Yann est un groupe de musique celtique fondé en 1970. Un de ses fondateurs, Jean-Louis Jossic, est adjoint au maire socialiste de la ville de Nantes jusqu’en 2014.
14.     La Fédération des associations de musiques et danses traditionnelles est une antenne du ministère de la Culture qui coordonne toutes les actions dans ces domaines.
15.     Groupe de rock’n roll rétro français créé en 1978.
16.     Elle a reçu plusieurs fois le prix Charles Cros.
http://www.polemia.com/musique-et-identite-un-pouvoir-a-reprendre/

Les royalistes n’ont pas dit leur dernier mot

A la veille du conflit, en 1914, les royalistes veulent faire entendre leur voix. Le marquis de Roux milite activement pour le retour de la monarchie.
Dans le département, le royalisme n’est pas éteint en 1914, loin s’en faut.
La présence d’un quotidien, Le Courrier de la Vienne et des Deux-Sèvres, qui tire à 2.200 exemplaires en 1914 et critique avec virulence le régime républicain, est là pour nous le prouver. L’évêque de Poitiers, Mgr Humbrecht, a fait représenter sur son blason la fleur de lys, symbole de la royauté. A partir de 1903, le marquis Marie de Roux fonde la section poitevine de l’Action française dirigée par Charles Maurras. Ce dernier, dans les différents procès qui jalonnent sa vie politique, aura Me de Roux comme défenseur. Au printemps 1914, les comités royalistes de la Vienne organisent une réunion contradictoire à Poitiers avec, comme orateurs, Bernard de Vesins, propagandiste national et Paul Robain, le Poitevin.
A la tribune siègent le Vicomte de Cressac, président du comité royaliste, le marquis de Roux, Emile Robain, De Crémiers, le comte de Nuchèze, le Baron de Souville et Henri de Grandmaison, membres du comité. Est également présente la Vicomtesse de Courtis, présidente du comité royaliste des Deux-Sèvres, venue en voisine.
Il demande l’adhésion des masses [...]
Jacques Bouquet, docteur en histoire - La suite sur La Nouvelle République

tinéraire d'un soldat perdu

Le Figaro Magazine - 07/02/2014
Comment le républicain Salan est-il devenu le chef de l'OAS ?
      Le 23 mai 1962, Raoul Salan est condamné par le Haut Tribunal militaire à la détention criminelle à vie, échappant à la peine capitale que voulait pour lui le chef de l'Etat. Comment Salan, officier de conviction républicaine, général le plus décoré de France, artisan du retour de De Gaulle aux affaires le 13 mai 1958, a-t-il été conduit à participer au putsch d'Alger, en 1961, puis à devenir le chef de l'OAS ? Pierre Pellissier, ancien journaliste au Figaro et auteur de nombreux livres touchant à l'histoire militaire, expose cet itinéraire paradoxal, de la notoriété et la gloire à la clandestinité et la prison, dans une biographie fouillée, pour laquelle il a exploité les archives privées de Salan. Le nom de ce dernier est resté attaché à la fin tragique de l'Algérie française, mais Pellissier éclaire l'état d'esprit avec lequel son héros a vécu cette période par sa vie antérieure.
     Aspirant à Verdun en 1918, Salan gagne ses galons, entre-deux-guerres, au Levant puis en Indochine. Il en revient avec l'image d'un spécialiste, ayant appris plusieurs langues asiatiques, et le surnom de « Mandarin ». En 1940, il est de ceux qui se battent jusqu'au bout. Officier à Vichy, en contact avec la Résistance, il est muté en Afrique du Nord. En 1944, après avoir débarqué en Provence, il commande une division de l'armée de Lattre. Retourné en Indochine dès 1945, il prend le commandement en chef en 1952. En 1956, on lui confie le haut commandement en Algérie. Officier colonial par tout son être, passionnément attaché à l'Algérie française, Salan manifeste son désaccord avec l'orientation prise par de Gaulle à partir de 1959, ce qui lui vaut d'être poussé à la retraite en 1960. Interdit de séjour en Algérie, réfugié en Espagne, il rallie le putsch des généraux et s'engage dans l'aventure désespérée de l'OAS. Grand militaire, mais faible esprit politique, il avait été, montre Pellissier, plus le jouet des événements que leur moteur. Lors de son procès, il aura néanmoins le courage d'assumer toute sa responsabilité, même si celle-ci avait été plus nominale que réelle. Gracié en 1968, il aura fait six ans de prison. Selon sa volonté, sa tombe, à Vichy, est ornée d'un casque de poilu et porte cette simple épitaphe : « Raoul Salan, 1899-1984, soldat de la Grande Guerre. »
Jean Sévillia http://www.jeansevillia.com/index.php?page=fiche_article&id=318
Salan, de Pierre Pellissier, Perrin, 600 p., 26 €.

jeudi 27 mars 2014

Alger, 26 mars 1962, rue d’Isly : un crime d’État !

En 1962, les accords d’Évian viennent d’être signés. Le gouvernement français s’est déculotté mais de Gaulle n’est pas pleinement satisfait.
Christian Fouchet, alors ministre de l’Intérieur lors des événements de 1968, avouera avoir été l’organisateur du massacre de la rue d’Isly, le 26 mars 1962, pendant son mandat de haut-commissaire en Algérie.
Limogé le 31 mai 1968 par le chef de l’État (de Gaulle), il avouera le 28 octobre 1969 : « J’en ai voulu au Général de m’avoir limogé au lendemain de mai 1968. C’était une faute politique. Il m’a reproché de ne pas avoir maintenu l’ordre… » « Vous n’avez pas osé faire tirer », m’a-t-il dit. « J’aurais osé s’il l’avait fallu », lui-ai-je répondu. « Souvenez-vous de l’Algérie, de la rue d’Isly. Là, j’ai osé et je ne le regrette pas, parce qu’il fallait montrer que l’armée n’était pas complice de la population algéroise. » Christian Fouchet avoue donc avoir assassiné ce jour-là des Français innocents et désarmés sur ordre de De Gaulle. [...]
Manuel Gomez - La suite sur Boulevard Voltaire

Liberté, égalité, fraternité (3)

II – fraternité
Enfin, la troisième idée révolutionnaire, le principe de fraternité, constitutif du régime cosmopolite imposa d’une part une complaisance sans borne pour tous les hommes à condition qu’ils habitassent fort loin de nous, nous fussent bien inconnus, parlassent une langue différente de la nôtre, ou, mieux encore, que leur peau fût d’une autre couleur ; mais, en revanche, ce beau principe nous présentait comme un monstre et comme un méchant quiconque, fût-il notre concitoyen, notre frère, ne partageait pas tous nos moindres accès de rage philanthropique. Le principe de fraternité planétaire, qui voudrait établir la paix de nation à nation, tourna vers l’intérieur de chaque pays et contre les compatriotes ces furieux mouvements de colère et d’inimitié qui sont secrètement gravés par la nature dans le mécanisme de l’homme, animal politique, mais politique carnassier. Les Français ont été induits à la guerre civile.
Charles Maurras
Romantisme et Révolution, Préface
Homme de paix s’il en fut, Charles Maurras se méfie du pacifisme dont les bons sentiments mènent à des massacres, et il en voit l’origine dans le troisième terme de la devise républicaine, Fraternité.
Actualité du texte
Quand Maurras publie en 1922 le volume Romantisme et Révolution qui unit L’Avenir de l’Intelligence à Trois Idées politiques et dont nous étudions un extrait de la préface, il ne peut certes imaginer de manière précise et concrète la rapidité et la facilité des transports que nous connaissons et qui, en conjonction avec l’idéologie mondialiste, fait de notre temps une époque de migrations humaines comparable aux derniers siècles de l’Empire romain d’Occident. Mais si nous adaptons le vocabulaire, si nous traduisons cette langue pure, dense, élégante dans le jargon du journalisme politique d’aujourd’hui, le texte brille d’une modernité qui ne surprendra que ceux qui ignorent la puissance d’analyse et de prévision de Maurras. « Paix de nation à nation » s’appelle mondialisme, la « fraternité planétaire » peut avoir pour équivalent la « maison commune » où certains idéologues veulent contraindre l’humanité à vivre, la « rage philanthropique » est devenue la doctrine des Droits de l’homme.
La fraternité républicaine, forme dévoyée de la charité devenue folle, ignore les hiérarchies de sentiments, de devoirs et de nécessités contingentes. Le coeur innombrable du démocrate bat pour la faim dans le monde contre laquelle il lutte globalement sans s’inquiéter de l’état de sa patrie où son prochain, au sens étymologique, risque de sombrer dans la misère.
La République se nourrit de haines civiques
Comme il fallait priver de liberté les ennemis de la Liberté, le moralisme démocratique a lui aussi besoin d’ennemis à dénoncer, à détester et à combattre. D’une part on aime le monde et de l’autre on hait le prochain qui ne partage pas l’idéologie de la fraternité universelle et on le présente « comme un monstre et comme un méchant ». C’est ce que le vocabulaire d’aujourd’hui appelle "diaboliser". Cette « haine fraternelle » a été parfaitement exprimée par un contemporain de la Révolution, le poète Lebrun-Ecouchard, auteur d’odes médiocres mais qui a frappé quelques belles épigrammes :
Bon Dieu ! l’aimable siècle, où [l’homme dit à l’homme : "Soyons Frères… ou je t’assomme ! » ]
Le système fondé sur la Liberté, l’Égalité et la Fraternité est donc un système de guerre civile. En appelant l’homme animal politique, « mais carnassier », Maurras pense, au-delà d’Aristote, à la formule d’Hobbes « l’homme est un loup pour l’homme ». Au-delà de la Fraternité qui déchire la Patrie, l’Action française veut en restaurer l’unité dans l’Ordre pacificateur et bienfaisant.
Gérard Baudin L’Action Française 2000 n° 2744 – du 20 mars au 2 avril 2008

Anatomie d'un monstre : l’Église a sorti le bistouri

L’Église a été la première institution à s'opposer au libéralisme. Ça continue aujourd'hui... où elle est devenue la seule alternative crédible.
Il y a toujours une ambiguïté à propos de la critique du libéralisme. La plupart, s'ils critiquent ce système philosophique, politique et économique qui repose, comme son nom l'indique, sur l'absolutisation de la valeur de liberté, c'est en mettant en cause la mollesse, la lâcheté, l'inefficacité, la supposée inconsistance de l'organisation libérale. Quant à l’Église, elle a très vite compris que le libéralisme n'était pas condamnable à cause de sa faiblesse, mais parce que, sous ce nom avenant se cache l'organisation absolument moderne du despotisme. Paradoxe facile ? Pas du tout. C'est la militante féministe allemande Rosa Luxembourg qui définissait le libéralisme comme « le système du renard libre dans le poulailler libre ». Est libérale l'organisation qui, par principe, met à égalité le renard et la poule. C'est évidemment toujours pour le plus grand profit du renard, qui s'en lèche encore les babines.
L'absolutisme de la liberté
Il se trouve que Rosa Luxembourg, en définissant ainsi le libéralisme, s'est sans doute inspirée d'un slogan qui a couru durant tout le XIXe siècle : « L’Église libre dans l’État libre » répétait Montalembert et ses amis qui s'autodésignaient comme les catholiques libéraux. La liberté de l’État est évidemment, à vue humaine et sans en appeler aux forces de l'Esprit, infiniment plus puissante que la liberté de l'Eglise. Si les deux partenaires, juxtaposés depuis l'origine du christianisme, ont la même liberté, c'est l’État qui se réservera naturellement la part du lion. Clemenceau avait bien vu le parti à tirer de la position libérale : il reprenait l’Évangile, « rendez à César ce qui est à César » et il concluait logiquement, en tant qu’État libre et ne se gênant pas le moins du monde : « Mais tout est à César ». Staline était dans le même registre lorsqu'il se posait dédaigneusement la question : « Le pape combien de divisions ». Il est évident qu'à libertés égales, le pouvoir spirituel non seulement est toujours perdant, mais au fond, dans une configuration totalement libérale, il est perdu.
Non, ce n'est pas un complot
L'analyse du phénomène est plus compliquée aujourd'hui, car - c'est une conséquence du règne de l'idéologie libérale - il est très difficile aujourd'hui de situer les centres du Pouvoir. Le président de la République ? Dans notre monde libéralisé, son pouvoir n'est plus rien. La Commission de Bruxelles ? L'affaire ukrainienne suffit à montrer le peu de pouvoir réel dont elle jouit. Les États-Unis sont intervenus pour empêcher la paix avec la Russie. Mais aux États-Unis qui détient véritablement le pouvoir ? Barack Obama ? Évidemment non. La logique des décisions lui échappe, il est là pour les appliquer et les faire appliquer. Mais c'est l'idée libérale qui fonctionne, dans une sorte d'idéocratie mondialisée : ainsi peut-on dire que la Russie de Poutine n'étant pas assez libérale, elle ne peut pas prétendre arbitrer le conflit inter-ukrainien. Nous ne sommes pas devant un complot avec ses grands initiés. Il n'y a pas de grands initiés, il n'y a que de petits manipulateurs planétaires. Mais la prime est systématiquement donnée à la liberté. Les autres critères n'existent pas. C'est ce que l'on constate aussi dans l'affaire mondiale du mariage homosexuel et c'est ce qui risque d'engendrer une hypersexualisation de l'enfance (le prochain enjeu des libertaires est là : le genre n'est vraisemblablement qu'un prétexte).
L’Église a tenté de prendre en marche le train de la mondialisation libérale. Je pense aux déclarations du pape Pie XII sur l'importance d'un gouvernement mondial (qui à l'époque pouvaient apparaître comme des déclarations opposées à l'Internationale communiste), reprises aujourd'hui et précisées par Benoît XVI qui, en 2007, dans Caritas in veritate, proposa d'instaurer un Conseil des sages dont les décisions puissent s'imposer aux différentes nations, dans certains domaines comme l'écologie. Problème annexe l'écologie, direz-vous peut-être... Pas si sûr, derrière l'écologie il y a le problème de l'énergie, du développement de l'atome, de la société de consommation comme société du déchet, etc. Que diable allait faire Benoît XVI dans cette galère de l’ultra-modernité ?
Vatican II et le libéralisme
La vérité c'est que Vatican II contenait au moins potentiellement une ouverture à l'idéologie libérale, comme j'ai essayé de le montrer naguère dans Vatican II et l’Évangile. Si ces germes avaient produit du fruit, la vérité catholique serait restée l'apanage de quelques cénacles résistants et la grande Église tout entière aurait versé dans l'apologie d'une « foi » à géométrie variable, pure expression de la liberté individuelle, différente en chaque personne. Heureusement Jean Paul II en particulier à travers un enseignement très dogmatique de la morale a interdit cette dérive. Aujourd'hui cette Église qui s'est petit à petit ressaisi d'elle-même, après la transe conciliaire, est dans le collimateur du libéralisme mondial. Autrefois on invitait les papes à l'ONU, pour les remercier de leurs inclinations mondialistes. Aujourd'hui l'ONU envoie un blâme public à l’Église catholique, signifiant me semble-t-il qu'elle ne souhaite plus recevoir les leçons de l'Homme en blanc et qu'elle préfère les lui administrer préventivement. C'est que le libéralisme, cette dictature de la liberté individuelle, est structurellement intolérant pour quiconque doute de son postulat unique. Tant que l’Église prétendra enseigner une vérité, elle sera l'adversaire. 
Abbé G. de Tanoüarn monde & vie 18 mars 2014

mercredi 26 mars 2014

Le Docteur Villermé et les esclaves du libéralisme

L'histoire secrète de la crise financière ou comment la Fed domine le monde

De nouvelles informations apparaissent, concernant l'attitude des autorités monétaires et financières, face à la crise, en 2008. Elles montrent le rôle clé de la Fed et la marginalisation du FMI. par Harold James, Princeton
Le grand roman de Balzac Ies illusions perdues se termine par une tirade sur la différence entre « l'histoire officielle », qui est un « tissu de mensonges », et « l'histoire secrète » - c'est à dire la vraie histoire. Dans le temps, il était possible de cacher les vérités scandaleuses de l'histoire pendant longtemps - voire pour toujours. Plus maintenant.
Ceci n'est nulle part aussi apparent que dans les récits de la crise financière mondiale. L'histoire officielle dépeint la Réserve fédérale américaine, la Banque centrale européenne et les autres grandes banques centrales comme adoptant une action coordonnée pour sauver le système financier mondial de la catastrophe. Cependant, les transcriptions publiées récemment des réunions de 2008 du Federal Open Market Committee, le principal organe de décision de la Fed, révèlent que, dans les faits, la Fed a émergé de la crise en tant que la banque centrale du monde, tout en continuant à servir en premier lieu les intérêts américains.
Le rôle premier de la Fed
Les réunions les plus importantes se sont déroulées le 16 septembre et le 28 octobre - à la suite de l'effondrement de la banque d'investissement américaine Lehman Brothers - et portaient sur la création d'accords bilatéraux d'échange de devises visant à assurer une liquidité adéquate. La Fed y avait décidé d'accorder des crédits en dollars à des banques étrangères en échange de devises, que la banque étrangère acceptait de racheter après une période spécifiée au même taux de change, plus les intérêts. Cela fournissait aux banques centrales - en particulier celles de l'Europe, qui faisaient face à une pénurie de dollars après la fuite des investisseurs américains - les dollars dont elles avaient besoin pour prêter aux institutions financières domestiques en difficulté.
En effet, la BCE a été parmi les premières banques à conclure un accord avec la Fed, suivie par d'autres grandes banques centrales de pays avancés, comme la Banque nationale suisse, la Banque du Japon et la Banque du Canada. Lors de la réunion d'octobre, quatre économies émergentes importantes « sur le plan diplomatique et économique » - Mexique, Brésil, Singapour et Corée du Sud - ont rejoint le mouvement, la Fed décidant d'établir des lignes de swap à hauteur de 30 milliards de dollars avec les banques centrales de ces pays.
La Fed voit d'abord les intérêts américains
Bien que la Fed ait agi comme une sorte de banque centrale mondiale, ses décisions ont été dictées, d'abord et avant tout, par les intérêts américains. Pour commencer, la Fed a rejeté les demandes de certains pays - dont les noms sont effacés dans les transcriptions publiées - de rejoindre le programme d'échange de devises.
Plus important encore, des limites furent placées sur les swaps. L'essence de la fonction de prêteur en dernier ressort d'une banque centrale a toujours été la fourniture de fonds illimités. Parce qu'il n'y a pas de limite sur la quantité de dollars que la Fed peut créer, aucun participant au marché ne peut prendre de position spéculative contre elle. En revanche, le Fonds monétaire international dépend de ressources limitées fournies par les pays membres.
Un changement fondamental dans la gouvernance mondiale
Le rôle international grandissant que la Fed joue depuis 2008 reflète un changement fondamental dans la gouvernance monétaire mondiale. Le FMI a été créé à une époque où les pays étaient régulièrement victimes des hypothèses désinvoltes des banquiers de New York, tels que l'évaluation de JP Morgan dans les années 1920 selon laquelle les Allemands étaient « fondamentalement un peuple de second ordre ». Le FMI formait une caractéristique essentielle de l'ordre international de l'après-Seconde Guerre mondiale, destinée à servir de mécanisme d'assurance universelle - qui ne pourrait pas être utilisé pour promouvoir les intérêts diplomatiques du moments.
Les documents de la Fed montrent la marginalisation du FMI
Aujourd'hui, comme le montrent clairement les documents de la Fed, le FMI est devenu marginalisé - notamment en raison de son processus politique inefficace. En effet, dès le début de la crise, le FMI, supposant que la demande pour ses ressources resterait faible en permanence, avait déjà commencé à réduire ses capacités.
En 2010, le FMI a mis en scène sa résurrection, se présentant comme central dans la résolution de la crise de l'euro - à commencer par son rôle dans le financement du plan de sauvetage grec. Pourtant, ici aussi, une histoire secrète a été révélée - qui met en évidence à quel point la gouvernance monétaire mondiale est devenue asymétrique.
La position du Fonds monétaire compliquée, face à la crise européenne
Le fait est que seuls les États-Unis et les pays massivement surreprésentés de l'Union européenne ont soutenu le plan de sauvetage grec. En effet, toutes les grandes économies émergentes s'y sont fermement opposées, le représentant du Brésil déclarant qu'il s'agissait d'un « plan de sauvetage des détenteurs de la dette privée de la Grèce, principalement les institutions financières européennes ». Même le représentant de la Suisse a condamné la mesure.
Lorsque les craintes d'un effondrement soudain de la zone euro ont donné lieu à un débat prolongé sur la façon dont les coûts seront supportés par des restructurations et des annulations de dette, la position du FMI deviendra de plus en plus compliquée. Bien que le FMI soit censé avoir priorité sur les autres créanciers, il y aura des demandes pour annuler une partie des prêts qu'il a émis. Les pays émergents plus pauvres s'opposeraient à une telle démarche, arguant que leurs citoyens ne devraient pas avoir à payer la facture de la prodigalité budgétaire de pays beaucoup plus riches.
Une perte d'influence inéluctable, même en cas de changement de directeur général
Même ceux qui ont toujours défendu l'implication du FMI se tournent à présent contre le Fonds. Les fonctionnaires de l'UE sont outrés par les efforts apparents du FMI pour obtenir un soutien des pays débiteurs de l'Europe en exhortant l'annulation de toutes les dettes qu'il n'a pas émises lui-même. Et le Congrès des États-Unis a refusé d'approuver l'expansion des ressources du FMI - qui faisait partie d'un accord international négocié au sommet du G-20 de 2010.
Bien que le scandale qui a suivi la nomination d'un autre européen en tant que directeur général du FMI en 2011 soit de nature à assurer que le prochain chef du Fonds ne sera pas originaire d'Europe, la diminution rapide de l'importance du rôle du FMI signifie que cela ne changera pas grand-chose. Comme le montre l'histoire secrète de 2008, ce qui importe est de savoir qui a accès à la Fed.
Source
http://www.oragesdacier.info/2014/03/lhistoire-secrete-de-la-crise.html

Ukraine : la fin de la guerre froide n’a jamais eu lieu

A l’heure où la bataille des sanctions enveniment les relations entre l’Europe et la Russie, Alain de Benoist livre sept clés pour comprendre les origines de la crise ukrainienne.
L’affaire ukrainienne est une affaire complexe et aussi une affaire grave (à une autre époque et en d’autres circonstances, elle aurait très bien pu donner lieu à une guerre régionale, voire mondiale). Sa complexité résulte du fait que les données dont on dispose peuvent amener à porter sur elle des jugements contradictoires. En pareille circonstance, il faut donc déterminer ce qui est essentiel et ce qui est secondaire. Ce qui est essentiel pour moi est le rapport de forces existant à l’échelle mondiale entre les partisans d’un monde multipolaire, dont je fais partie, et ceux qui souhaitent ou acceptent un monde unipolaire soumis à l’idéologie dominante que représente le capitalisme libéral. Dans une telle perspective, tout ce qui contribue à diminuer l’emprise américano-occidentale sur le monde est une bonne chose, tout ce qui tend à l’augmenter en est une mauvaise.
1 - L’Europe ayant aujourd’hui abandonné toute volonté de puissance et d’indépendance, c’est de toute évidence la Russie qui constitue désormais la principale puissance alternative à l’hégémonisme américain, sinon à l’idéologie dominante dont l’Occident libéral est le principal vecteur. L’« ennemi principal » est donc à l’Ouest.
Je n’éprouve pour autant aucune sympathie pour le président ukrainien déchu. Yanoukovitch était de toute évidence un personnage détestable, en même temps qu’un autocrate profondément corrompu. Poutine lui-même a fini par s’en rendre compte – un peu tard, il est vrai. Je ne suis pas non plus un inconditionnel de Vladimir Poutine, qui est de toute évidence un grand homme d’Etat, très supérieur à ses homologues européens et américains, et aussi un praticien averti des arts martiaux acquis aux principes du réalisme politique, mais qui est aussi beaucoup plus un pragmatique qu’un « idéologue ». Cela ne change rien au fait que, pour autant qu’on puisse en juger aujourd’hui, la « révolution de Kiev » a servi avant tout les intérêts américains.
J’ignore si les Américains ont inspiré, voire financé cette « révolution » comme ils avaient déjà inspiré et financé les précédentes « révolution colorées » (Ukraine, Géorgie, Kirghizistan, etc.), en cherchant à canaliser des mécontentements populaires souvent justifiés pour intégrer les peuples dans l’orbite économique et militaire occidentale. Le fait est, en tout cas, qu’ils l’ont soutenue dès le départ sans aucune ambiguïté. Le nouveau Premier ministre ukrainien, l’économiste et avocat milliardaire Arseni Yatseniouk, qui n’avait obtenu que 6,9 % des voix à l’élection présidentielle de 2010, s’est d’ailleurs tout de suite précipité à Washington où Barack Obama l’a reçu dans le Bureau Ovale, honneur généralement réservé aux chefs d’Etat. Sauf retournement imprévisible, les événements qui ont abouti à l’éviction brutale du chef de l’Etat ukrainien à la suite des manifestations de la place Maïdan, ne peuvent donc pas être considérés comme une bonne chose par tous ceux qui luttent contre l’hégémonie mondiale des Etats-Unis.
2 - On parle partout d’un « retour à la guerre froide ». Il faudrait plutôt se demander si elle a jamais pris fin. A l’époque de l’Union soviétique, les Américains développaient déjà une politique qui, sous couvert d’anticommunisme, était fondamentalement antirusse. La fin du système soviétique n’a rien changé aux données fondamentales de la géopolitique. Elles les a au contraire rendu plus évidentes. Depuis 1945, les Etats-Unis ont toujours cherché à empêcher l’émergence d’une puissance concurrente dans le monde. L’Union européenne étant réduite à l’impuissance et à la paralysie, ils n’ont jamais cessé de voir dans la Russie une menace potentielle pour leurs intérêts. Au moment de la réunification allemande, ils s’étaient solennellement engagés à ne pas chercher à étendre l’OTAN dans les pays de l’Est. Ils mentaient. L’OTAN, qui aurait dû disparaître en même temps que le Pacte du Varsovie, a non seulement été maintenu, mais il s’est étendu à la Pologne, à la Slovaquie, à la Hongrie, à la Roumanie, à la Bulgarie, à la Lituanie, à la Lettonie et à l’Estonie, c’est-à-dire jusqu’aux frontières de la Russie. L’objectif est toujours le même : affaiblir et encercler la Russie en déstabilisant ou en prenant le contrôle de ses voisins.
Toute l’action des Etats-Unis vise ainsi à empêcher la formation d’un grand « bloc continental » en persuadant les Européens que leurs intérêts sont contraires à ceux de la Russie, alors qu’ils sont en réalité parfaitement complémentaires. Telle est la raison pour laquelle l’« intégrité territoriale » de l’Ukraine leur importe plus que l’intégrité historique de la Russie. « Revenir à la guerre froide », pour les Américains, c’est revenir aux conditions les plus propices à la mise en sujétion de l’Europe par Washington. Le projet de « grand marché transatlantique » actuellement en cours de négociation entre l’Union européenne et les Etats-Unis va également dans ce sens.
3 - La complication vient du caractère hétérogène de l’opposition à Yanoukovitch. La presse occidentale a généralement présenté cette opposition comme « pro-européenne », ce qui est un mensonge évident. Parmi les opposants à l’ancien président ukrainien, on trouve en réalité deux tendances totalement opposées : d’un côté ceux qui veulent effectivement se lier étroitement à l’Occident et rêvent d’intégrer l’OTAN sous parapluie américain, de l’autre ceux qui aspirent à une « Ukraine ukrainienne » indépendante de Moscou comme de Washington ou de Bruxelles. Le seul point commun de ces deux tendances est leur allergie totale à la Russie. Les manifestations de la place Maïdan ont donc d’abord été des manifestations antirusses, et c’est en tant que « président pro-russe » que Yanoukovitch a été destitué.
Les nationalistes ukrainiens, regroupés dans des mouvements comme « Svoboda » ou « Secteur droite » (Pravy Sektory), sont régulièrement présentés dans la presse comme des extrémistes et des nostalgiques du nazisme. Comme je ne les connais pas, j’ignore si c’est vrai. Certains d’entre eux semblent bien être les tenants d’un ultra-nationalisme convulsif et haineux que j’exècre. Mais il n’est pas évident que tous les Ukrainiens désireux d’indépendance vis-à-vis de la Russie comme des Etats-Unis partagent les mêmes sentiments. Beaucoup d’entre eux ont lutté sur la place Maïdan, sans avoir le sentiment d’être manipulés,  avec un courage qui mérite le respect. Toute la question est de savoir s’ils ne seront pas dépossédés de leur victoire par une « révolution » dont l’effet principal aura été de remplacer le « grand frère russe » par le Big Brother américain.
4 - En ce qui concerne la Crimée, les choses sont à la fois plus claires et plus simples. Depuis au moins quatre siècles, la Crimée est un territoire russe peuplé essentiellement de populations russes. Elle abrite aussi la flotte russe, Sébastopol constituant le point d’accès de la Russie aux « mers chaudes ». S’imaginer que Poutine pourrait tolérer que l’OTAN prenne le contrôle de cette région est évidemment impensable. Mais il n’a pas eu besoin d’agir en ce sens, puisque lors du référendum du 16 mars, près des 97 % des habitants de la Crimée ont exprimé sans équivoque leur désir d’être rattachés à la Russie, ou plus exactement d’y revenir, puisqu’ils en avaient été coupés arbitrairement en 1954 par une décision de l’Ukrainien Nikita Khrouchtchev. Cette décision d’attribuer administrativement la Crimée à l’Ukraine s’était faite à l’époque dans le cadre de l’Union soviétique – elle était donc sans grandes conséquences – et sans aucune consultation de la population concernée. L’ampleur du vote du 16 mars, doublée d’un taux de participation de 80 %, ne laisse aucun doute sur la volonté du peuple de Crimée.
Parler dans ces conditions d’un « Anschluss » de la Crimée, faire la comparaison avec les interventions de l’URSS en Hongrie (1956) ou en Tchécoslovaquie (1968), est donc tout simplement ridicule. Dénoncer ce référendum comme « illégal » l’est plus encore. La « révolution » du 21 février a en effet mis un terme à l’ordre constitutionnel ukrainien, puisqu’elle a substitué un pouvoir de fait à un président régulièrement élu, ce qui a entraîné la dissolution de la Cour constitutionnelle ukrainienne. C’est d’ailleurs pour cette raison que les dirigeants de la Crimée, estimant que les droits de cette région autonome n’étaient plus garantis, ont décidé d’organiser un référendum sur son avenir. On ne peut à la fois reconnaître un pouvoir né d’une rupture de l’ordre constitutionnel, qui libère tous les acteurs de la société de leurs contraintes constitutionnelles, et en même temps se référer à ce même ordre constitutionnel pour déclarer « illégal » le référendum en question. Vieil adage latin : Nemo auditur propriam turpitudinem allegans (« Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude »).
En apportant dès le 21 février dernier leur appui à un nouveau gouvernement ukrainien directement issu d’un coup d’Etat, les Américains ont par ailleurs démontré que leur souci de « légalité » est tout relatif. En agressant la Serbie, en bombardant Belgrade, en soutenant en 2008 la sécession et l’indépendance du Kosovo, en déclarant la guerre à l’Irak, à l’Afghanistan ou à la Libye, ils ont aussi montré le peu de cas qu’ils font du droit international, comme d’un principe d’« intangibilité des frontières » qu’ils n’invoquent que lorsque cela les arrange. Au demeurant, les Etats-Unis semblent avoir oublié que leur propre pays est né d’une sécession vis-à-vis de l’Angleterre… et que le rattachement de Hawaï aux Etats-Unis, en 1959, ne fut autorisé par aucun traité.
Les dirigeants européens et américains, qui s’arrogent la qualité de seuls représentants de la « communauté internationale », n’ont pas contesté le référendum qui, voici quelques années, a séparé l’île de Mayotte des Comores pour la rattacher à la France. Ils admettent qu’en septembre prochain les Ecossais pourront se prononcer par référendum sur une éventuelle indépendance de l’Ecosse. Pourquoi les habitants de la Crimée n’auraient-ils les mêmes droits que les Ecossais ? Les commentaires des dirigeants européens et américains sur le caractère « illégal et illégitime » du référendum de Crimée montrent seulement qu’ils n’ont rien compris à la nature de ce vote, et qu’ils refusent de reconnaître à la fois le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et la souveraineté du peuple qui est le fondement de la démocratie.
5 - Quant aux menaces de « sanctions » économiques et financières brandies par les Occidentaux contre la Russie, elles prêtent à sourire, et Poutine n’a pas eu tort de dire ouvertement combien elles l’indiffèrent. Poutine sait que l’Union européenne n’a aucun pouvoir, aucune unité, aucune volonté. A juste raison, il n’accorde aucun crédit à des pays qui prétendent « défendre les droits de l’homme », mais ne peuvent se passer de l’argent des oligarques. Comme disait Bismarck : « La diplomatie sans les armes, c’est la musique sans les instruments ». Poutine sait que l’Europe est déliquescente, qu’elle n’est plus capable que de gesticulations et de provocations verbales, et que les Etats-Unis eux-mêmes la regardent comme quantité négligeable (« Fuck the European Union ! », comme disait Victoria Nuland). Il sait surtout que, s’ils voulaient vraiment « sanctionner » la Russie, les Occidentaux se sanctionneraient eux-mêmes, car ils s’exposeraient à des représailles de grande ampleur dont ils ne sont visiblement pas prêts à payer le prix. C’est la vieille histoire de l’arroseur arrosé.
Il suffit de rappeler ici que le gaz et le pétrole russes représentent environ le tiers de l’approvisionnement énergétique des 28 pays de l’Union européenne, pour ne rien dire de l’ampleur des investissements européens, notamment allemands et britanniques, en Russie. On ne compte aujourd’hui pas moins de 6000 sociétés allemandes actives sur le marché russe. En France, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius a menacé la Russie de ne pas lui livrer deux navires porte-hélicoptères de type « Mistral » actuellement en construction aux chantiers de Saint-Nazaire. Dans un pays où l’on compte déjà plus de cinq millions de chômeurs, la conséquence serait la perte de plusieurs milliers d’emplois… Quant aux Etats-Unis, s’ils cherchent à geler les actifs russes à l’étranger, ils s’exposent à voir en retour gelés le remboursement des crédits que les banques américaines ont accordés à des structures russes.
L’Ukraine est aujourd’hui un pays ruiné. Elle aura le plus grand mal à se passer du soutien économique de la Russie et à remédier à la fermeture du marché de la CEI (la Russie représentait jusqu’à présent 20 % de ses exportations et 30 % de ses importations). On voit mal par ailleurs les Européens trouver les moyens de lui apporter une aide financière qu’ils ne veulent même plus accorder à la Grèce : compte tenu de la crise qu’elle traverse depuis 2008, l’Union européenne n’est tout simplement plus en mesure de débloquer des sommes de plusieurs milliards d’euros. En proie à leurs propres problèmes, à commencer par des déficits colossaux, les Etats-Unis voudront-ils soutenir l’Ukraine à bout de bras ? On peut en douter. Les chèques de Washington et du Fonds monétaire international (FMI) ne règleront pas les problèmes de l’Ukraine.
6 - L’avenir reste pour l’heure aussi incertain qu’inquiétant. L’affaire ukrainienne n’est pas finie, ne serait-ce que parce qu’on ne sait pas encore qui représente exactement le nouveau pouvoir ukrainien. Si l’Ukraine choisit de s’ancrer résolument à l’Ouest, la grande question est de savoir comment réagira la partie orientale de l’Ukraine, qui est à la fois la plus pro-russe et la plus industrialisée (la partie ouest ne représente que le tiers de la production du PIB). Comment la Russie pourrait-elle, de son côté, accepter qu’un gouvernement radicalement antirusse dirige un pays dont la moitié de la population est russe ? Toute tentative d’imposer une solution par la force risque d’aboutir à la guerre civile et en fin de compte à la partition d’un pays où les grandes lignes de partage politiques, linguistiques et religieuses, recoupent largement les lignes de partage territoriales. On verrait alors se reproduire le scénario qui a conduit à l’éclatement de l’ex-Yougoslavie.
Dans l’immédiat, le risque le plus grand est celui d’un pourrissement de la situation à Kiev, accompagné d’une série d’initiatives irresponsables (création de milices, etc.) et d’incidents isolés qui dégénéreraient en montée aux extrêmes. Ni l’Europe ni la Russie (qui va maintenant renforcer son alliance militaire avec la Chine) n’y ont intérêt. De l’autre côté de l’Atlantique, en revanche, les partisans de la guerre ne manquent pas.
7 - Le déchaînement des médias occidentaux est révélateur de leur degré de soumission à Washington. Poutine est régulièrement décrit comme un « nouveau tsar », un « kagébiste », un « néo-soviétique », mais aussi un « fasciste » et un « rouge-brun », alors que ce n’est pas lui qui a déclenché la crise ukrainienne, et qu’il a plutôt fait preuve dans cette affaire d’une extraordinaire patience. La Russie est présentée, sinon comme une « dictature », alors qu’elle n’a jamais connu un tel degré de démocratie dans son histoire, du moins comme un régime « insuffisamment libéral », c’est-à-dire pas assez conforme aux exigences de la « société ouverte ». Mais, comme l’a très bien vu Henry Kissinger, « diaboliser Poutine n’est pas une politique, mais une manière de masquer une absence de politique ».
Certes, comme je l’ai dit plus haut, il n’y a pas lieu de considérer Poutine comme un « sauveur » qui épargnerait aux Européens de prendre eux-mêmes en mains leur destin. L’Europe n’a pas pour vocation de constituer la branche occidentale d’un grand empire russe (l’idée d’empire n’est pas réductible à l’impérialisme). Elle a en revanche le devoir d’admettre la nécessité d’une alliance avec la Russie dans le grand projet collectif d’une logique continentale eurasiatique, ce qui est tout différent.
La Russie, de son côté, aurait tout intérêt à admettre le pluralisme d’identités de ses voisins de l’« étranger proche ». La colère ukrainienne s’est nourrie d’une tendance russe à nier l’identité ukrainienne qui n’est pas imaginaire, même si elle a parfois été exagérée. On n’en serait sans doute pas arrivés là si la Russie avait traité l’Ukraine sur un pied d’égalité et de réciprocité. Dans une logique fédérale, les identités locales doivent être respectées tout autant que les droits des minorités. Les notions de décentralisation, d’autonomie et de régionalisme doivent entrer dans la culture politique russe, tout comme elles doivent entrer dans la culture politique ukrainienne, qui n’y est visiblement pas plus disposée (comme le montre l’incroyable décision du nouveau gouvernement ukrainien de dénier à la langue russe le statut de seconde langue officielle). La notion de zone d’influence a un sens, et ce sens doit être reconnu, mais les pays « satellites » doivent désormais céder la place à des pays partenaires et alliés. Comme l’a écrit le Croate Jure Vujic, le « projet géopolitique grand-européen eurasiste doit être avant tout un projet fédérateur, de coopération géopolitique, fondé sur le respect de tous les peuples européens et sur le principe de subsidiarité ».
Alain de Benoist, BlogÉléments
http://fortune.fdesouche.com/334131-ukraine-la-fin-de-la-guerre-froide-na-jamais-eu-lieu#more-334131

mardi 25 mars 2014

Une historienne juive en renfort de l’Eglise

Alors que le bienheureux cardinal Stepinac est toujours victime des calomnies communistes de sa prétendue collaboration avec les nazis, une historienne juive spécialiste de la Shoah en Yougoslavie, Esther Gitman, après avoir étudié pendant dix ans la vie du grand archevêque de Zagreb béatifié par Jean-Paul II en 1998, établit qu’il a risqué personnellement sa vie pour sauver des centaines de juifs, et donné des consignes précises aux prêtres. C’est ce qu’elle a découvert après avoir dépouillé 30.000 documents. « A ma grande surprise, dit-elle, tellement dans mon esprit tous les prêtres catholiques étaient antisémites »...
http://yvesdaoudal.hautetfort.com/archive/2014/03/25/une-historienne-juive-en-renfort-de-l-eglise-5331666.html

L’hommage de Léon Daudet à Frédéric Mistral


La mort de Frédéric MISTRAL le 25 mars 1914 eut un grand écho en Provence et dans toute la France. Le peuple provençal se retrouvait orphelin.
Voici la reproduction de la première page du quotidien "Le Petit Marseillais" du 26 mars. Nous y joignons des photos du même journal montrant les obsèques du grand écrivain.


Bien évidemment, "L’Action Française" y accorda une grande place. Charles MAURRAS écrivit un article le 26 mars. Le lendemain 27, Léon DAUDET publia un article dont des extraits sont reproduits ci-dessous.
"Son œuvre poétique est un monument. Son dictionnaire franco-provençal en est un autre. Son musée en est un troisième. Nous ne pouvons mesurer actuellement la taille ni l’influence de ce pasteur d’hommes, qui lisait sa route dans les étoiles. A une époque d’aveuglement quasi universel, il s’est porté à tous les points où la tradition était menacée et il a fait ce qu’il fallait pour sauver ce qui pourrait être sauvé, en préparant les voies de l’avenir. (…)
Il a préparé et rendu possible, sur les sommets de la poésie, ce que nous cherchons aujourd’hui à réaliser dans la plaine. Il est et demeurera le maître de toute restauration, en politique, en morale, en linguistique, en littérature. Il s’est prêté à tous les chants, à toutes les plendeurs, à toutes les ardeurs, et il n’a jamais dévié de sa ligne.

lundi 24 mars 2014

Liberté, égalité, fraternité (2)

II – Égalité
La seconde des idées révolutionnaires, le principe d’Égalité, constitutif du régime démocratique, livra le pouvoir au plus grand nombre, aux éléments inférieurs de la nation, producteurs moins énergiques et plus voraces consommateurs, qui font le moins et mangent le plus. Découragé, s’il est entreprenant, par les tracasseries de l’Administration, représentante légale du plus grand nombre, mais, s’il est faible ou routinier, encouragé par les faveurs dont la même administration fait bénéficier sa paresse, notre Français se résigna à devenir un parasite des bureaux, de sorte que se ralentit et faillit s’éteindre une activité nationale où les individus ne sont pas aidés à devenir des personnes et les personnes étant plutôt rétrogradées jusqu’à la condition des individus en troupeaux.
Charles Maurras, Romantisme et Révolution, préface
Contradiction apparente
Nous abordons le deuxième volet du désordre social, en contradiction apparente avec le premier. En effet, à première vue, liberté absolue et égalité sont des termes antinomiques. La liberté sans bornes offre aux membres de la société la loi de la jungle où le fort écrase le faible. Sous la Révolution, la loi Le Chapelier, mère du problème ouvrier, en fut un exemple illustre. La destruction des corporations au nom de la Liberté livra l’ouvrier à l’arbitraire patronal.
Mais, contraires selon les règles de la logique classique, les deux éléments de la doctrine républicaine, le libéralisme et l’égalitarisme sont complémentaires dans la mystique démocratique puisqu’ils relèvent du même principe faux, l’autonomie de l’individu.
Les conséquences de l’Égalité
Il existe certes une égalité spécifique entre tous les hommes, mais cette égalité par essence n’empêche pas l’inégalité individuelle des conditions, l’inégalité accidentelle qui fonde les droits relatifs des membres d’une société saine et raisonnable.
Le pouvoir, en république, va donc être en apparence livré à la masse, et, reprenant les analyses que saint Thomas a tirées d’Aristote et de Cicéron, Maurras évoque la foule de ceux qui coûtent au corps social plus qu’ils ne lui rapportent, le grand nombre de ceux qui, poussés par les démagogues, voteront les dépenses que le petit nombre réglera. La foule gaspillera, les créateurs de richesses s’épuiseront, et la société sombrera dans l’appauvrissement.
La liberté sans frein ayant engendré l’administration, car il faut bien que l’élu tienne son électeur, cette dernière va se mettre naturellement au service de l’égalité socialisante. Le Français actif et indépendant connaîtra d’abord les freins et les brimades des bureaux mis au service de l’envie égalitaire, et bientôt le citoyen qui pouvait contribuer à la prospérité générale, qui était une personne, c’est-à-dire un être conscient et responsable, conscient de ses droits, de ses devoirs et de ses possibilités, se dégradera en simple individu, consommateur assisté de l’État-providence.
En voulant concilier des principes frères, dangereux séparément, mortels quand ils sont associés, la démocratie désagrège la société et ravale les personnes au rang d’individus soumis.
« Les libertés, cette énonciation est un non sens. La Liberté est. Elle a cela de commun avec Dieu, qu’elle exclut le pluriel. Elle aussi dit : sum qui sum. » (1) Le lecteur aura reconnu les accents inimitables de Victor Hugo quand il se prend pour un penseur. Leconte de Lisle a dit qu’il était bête comme l’Himalaya (2). C’est pourtant à l’ombre de l’inégalité reconnue, protectrice, que peuvent fleurir les libertés qui assurent l’épanouissement de la personne, sa réalisation pour le bien commun.
Gérard Baudin L’Action Française 2000 n° 2743 – du 5 au 19 mars 2008
(1) Je suis celui qui suis. Actes et Paroles, tome II.
(2) Léon Daudet, Fantômes et Vivants.

Hittites : Les guerriers aux mille dieux

Sophistiqué et profondément spirituel, leur royaume fut aussi puissant que celui du Nil. Jusqu'à menacer le grand Ramsès II en 1275 avant JC.
[Une cité-forteresse : la capitale hittite, Hattussa, prospère entre 1650 et 1200 avant notre ère, était organisée en quartiers fortifiés et entourée d'une muraille aux portes bien gardées. Certaines étaient ornées de sculptures, telle la porte des Lions. La ville bénéficiait d'un système complexe d'approvisionnement en eau et en grains, dénotant un haut niveau d'organisation]
« Nu NINDA-an e-iz-za-at-te-ni wa-tar-ma e-ku-ut-te-ni ». C'est par cette phrase, la première déchiffrée de la langue hittite, qu'un beau jour de 1915, une civilisation pluri­millénaire d'Asie mineure s'est enfin offerte aux chercheurs. Elle signifie tout simplement : « Et vous mangerez du pain et ensuite vous boirez de l’eau ». Jusqu'alors, les Hittites, peuple émigré en Asie mineure au IIIe millénaire avant notre ère et installé en Ana­tolie, restaient tout à fait énigmatiques.
L’homme qui lève le mystère est un Tchèque, Bedrich Hrozny. Il s'inté­resse aux quelque 5.000 tablettes cunéiformes trouvées dans les pre­mière décennies du XXe siècle au cœur du plateau anatolien, sur le site de Hattussa, l'ancienne capitale hittite. Parmi les inscriptions cunéi­formes, datées du XVIe au début du XIIe siècle av. JC, certaines sont en akkadien (babylonien), langue sémitique déjà déchiffrée, d'autres, rédigées en une langue jamais rencontrée, gardent jalousement leurs secrets. L'équipe allemande chargée des fouilles de Hattussa, menée par Hugo Winckler, assyriologue de renom, avait supposé une parenté entre les 2 langues. Une structure sémitique devait ordonner les mystérieuses tablettes, comme elle ordonnait les inscriptions akkadiennes.
Hypothèse erronée. Bedrich Hrozny part d'un point de vue différent, supposant qu'il s'agit là d'une lan­gue indo-européenne : il rapproche wātar de water en anglais [comparaison génétique], et croit reconnaître les racines “ed” et “ek” pour “manger” et “boire”. La première phrase hittite, la plus ancienne langue de la famille indo-­européenne, vient de se dévoiler. Dès lors, des générations d'archéologues pour­suivront ce travail de décryptage et reconstitueront peu à peu l'histoire d'un peuple fascinant
Un bruit de chars et de chevaux
La première référence aux Hittites revient à la Bible, dans le Livre des Rois (II, 7, 6) : « Yahvé avait fait entendre dans le camp des Araméens un bruit de chars et de chevaux,  le le bruit d'une  grande armée, et ils s'étaient dit entre eux : “Le roi d'Israël a pris à sa solde contre nous les rois des Hittites et les rois de l'Égypte, pour qu'ils marchent contre nous.” Ils se levèrent et s'enfuirent au crépuscule, abandon­nant leurs tentes, leurs chevaux et leurs ânes ». Les Hittites [c’est à dire fils de Heth] apparaissent ainsi au même titre que les Égyptiens. Mais aucun indice ne permet de situer leur berceau [les Hittites sont dits habiter les hauteurs de Canaan au temps d’Abraham et au moment de la conquête israélite].
Un premier pas est franchi en 1834, lorsque le ministère de l'Instruction publique français envoie un archi­tecte, Charles Texier, en Anatolie, pour trouver les vestiges d'une cité romaine mentionnée par Hérodote. À 150 km à l'est d'Ankara, près du village de Bogazkale, c'est la surprise : il découvre sur un massif rocheux des bas-reliefs dont l'as­pect ne lui rappelle tien de connu. « Sans le savoir, il était tombé sur les fortifications de Hattussa, capitale de l'empire hittite, une cité prospère habitée entre 1650 et 1200 avant notre ère », raconte Michel Mazoyer, spécialiste des Hittites à l'université Paris-I. Non loin de là seront retrouvées les fameuses tablettes.
À la grande époque de Hattussa, le royaume des Hittites — baptisé Kheta [pays du Hatti] par les Égyptiens — est aussi important que celui du Nil. Il s'étend de la côte égéenne de l'Anatolie à l'est de l'Euphrate et à la Méditerranée. Les 2 empires maintien­nent d'étroites relations : échanges commerciaux par temps de paix, mais aussi guerres ou accords de coopération, dont quelques épi­sodes sont restés célèbres. Ainsi la fameuse bataille de Qadesh, en 1275, où le roi Muwattali II l'emporte contre le grand Ramsès II. Une décennie plus tard, devant la menace assyrienne, Hattusili, frère de Muwattali, conclut une alliance avec le pharaon. Le traité de 1259/1258 confirme que les Hittites conservent le contrôle du nord de la Syrie, les Égyptiens restant maîtres de Canaan et de la Syrie méridio­nale. Au terme de cette collabora­tion, Hattusili marie même sa fille à Ramsès II.
À quoi ressemblait la capitale des Hittites ? Les vestiges dessinent l'image d'une cité fortifiée. Le site s'étend sur plus de 160 hectares, divisés en une ville haute et une ville basse. L’ensemble était entouré d'une muraille de six km de long, ouverte çà et là par des portes ornées de bas­-reliefs sculptés en forme de lion, de sphinx ou de roi. Et dominé par la citadelle royale, dressée sur un piton rocheux. « Un agencement à but défensif que l'on retrouve dans de nombreuses cités de la région, notamment à Çatal Huyuk, qui date de 6000 avant notre ère », précise Vincent Dargery [« L'architecture militaire à Hattuša au Nouvel Empire »], historien de l'Association des amis de la civilisation hittite [Hatti].
À Hattussa, ville de montagne, la moindre éminence de pierre est mise à profit pour bâtir et les ravins deviennent des barrages infran­chissables pour l'ennemi. Tandis que des passages souterrains, à l’is­sue dissimulée, creusés sous les portes des fortifications, permett­ent la fuite à tout moment. Ce sys­tème de poternes semble une inno­vation des Hittites. La sécurité de Hattussa repose sur une organisa­tion administrative complexe : le soir venu, un oeazannu — l'équiva­lent d'un bourgmestre — veille à la fermeture des portes de la cité et pose un scellé arborant sa marque personnelle. À l'aube, le cachet doit être intact, preuve qu'aucun intrus n'a porté atteinte à l'intégrité de la ville... La sécurité alimentaire n'est pas en reste : des aqueducs cana­lisent, depuis des sources exté­rieures, l'eau stockée dans des bas­sins aux parois recouvertes d'argile, et l'on a trouvé des silos à grains dans la partie basse de la ville. D'après leur contenance, on peut estimer la population de Hattussa entre 10.000 et 20.000 personnes.
Des dieux grognons et tendres
« En dépit de son allure défensive, la capitale des Hittites portait la marque d'une forte spiritualité », explique M. Mazoyer. Son emplacement même avait été choisi selon des principes religieux : le piton rocheux représentait la mon­tagne inébranlable, de sexe masculin [cf. « Quelques réflexions sur la montagne comme lieu de culte des Hittites », A. Birchler in Res Antiquae III/2006]. « La Bible s’en est-elle inspirée bien plus tard ? — s'interroge M. Mazoyer. L'évangile selon saint Matthieu précise : “Sur cette pierre je bâtirai mon Église”. Il est très possible qu'il s'agisse de la résurgence de légendes anciennes. » Autre élément important : la source, ou la rivière, appartenant à la sphère féminine. « Finalement — conclut le chercheur —, la spiritua­lité des Hittites était à l'image des paysages de leur région : rivière et montagne, deux divinités qu'il fallait associer à chaque ville. »
Source, éminence, orage, soleil... La religion était présente à tout instant de la vie, et les divinités nombreuses. Chaque activité quo­tidienne avait la sienne. Et l'on a parfois désigné les Hittites comme « le peuple aux mille dieux ». Mal­gré cette foultitude, chacun entre­tenait une relation privilégiée avec l'une ou l'autre de ces déités. À cela s'ajoutaient des rituels sacrés, fêtes, initiations. Une grande partie des textes gravés sur les tablettes d'ar­gile témoigne de ces cérémonies. « Cette dualité : d'une part mille dieux régissant la vie jusqu'en ses détails anodins, d’autre part, une relation privilégiée entre un homme et une divinité, est une étape vers les religions monothéistes [hypothèse d'Itamar Singer concernant une réforme religieuse entreprise sous le règne de Muwatalli II] », insiste M. Mazoyer.
Les prêtres veillent à la satisfaction matérielle des dieux hittites. Car ces derniers sont exigeants. Leur mécontentement déclenche un tor­rent de châtiments : fièvres, épidé­mies, famines, sauterelles... « Mais ils semblent plus boudeurs que vengeurs : tel le dieu Télipinu qui, chagriné par la baisse de fréquentation des lieux de culte, quitte son temple et se réfugie dans la campagne. Un peu comme s'il abandonnait les hommes à leur sort, considérant que son contrat avait été rompu. Il suspend son acti­vité. Cette désertion est à l'ori­gine de fléaux. Mais il est possible de le faire revenir. Pour cela, les hommes peuvent unir leurs efforts multiplier offrandes et rituels. »
La bienveillance divine prend par­fois l'allure d'un véritable amour parental. Dans le mythe de Téli­pinu, elle est comparée aux soins nourriciers du monde animal : « La vache s'occupa de son veau, Télipinu s'occupa du roi et de la reine et les pourvut de vie et de force pour l'avenir… ». D'autres fois, la relation devient profonde amitié, plaçant divinité et homme sur un pied d'égalité, l'une se comportant alors en confidente privilégiée de l'autre. Finalement, les dieux hit­tites semblent empreints de caractères très humains : grognons, tendres, avec un penchant pour les confidences. Et laissant parfois éclater leur colère.
Un code sexuel rigoureux
Au rayon des actes qui fâchent, la transgression des interdits... sexuels. Lorsque Huqqana, roi du pays de Hayasa, peuple établi en Petite Arménie, signe un traité avec le grand roi hittite Suppiluliuma Ier, celui-ci le met en garde contre les pratiques sexuelles de son pays : l'inceste, autorisé chez les Hayasas, est inter­dit au royaume des Hittites. Le texte en dit long sur le jugement moral que ceux-ci portent sur les pra­tiques de leurs voisins.
    « Chez les Hittites — est-il écrit —, c'est une coutume importante qu'un frère ne prenne pas sexuellement sa sœur ou sa cousine. Ce n'est pas permis.  Dans le pays du Hatti, quiconque commet un tel acte ne reste pas en vie mais est mis à mort. Comme votre pays est barbare, il est en conflit. Là-bas, on prend régulièrement sa sœur ou sa cousine, mais dans le pays hatti, ce n'est pas permis [...] et si par hasard une sœur de votre femme, ou la femme de votre frère, ou une cou­sine vient vers vous, donnez-lui quelque chose à ma manger et à boire. Chacun de vous, mangez, buvez et amusez-vous, mais vous ne devez pas désirer la prendre. »
Le terme de “barbare” (dampupi en langue hittite), parfois tra­duit par “sauvage”, illustre bien la pensée des Hittites. « La pratique de l'inceste est la ligne de démarcation entre les peuples civilisées et les barbares », rappelle M. Mazoyer [« Sexualité et barbarie chez les Hittites », in Cahiers Kubaba n°7, L'Harmattan, 2005]. Si le roi insiste autant sur le respect de ces pratiques, c'est parce qu'une telle trans­gression serait cause de fléaux pour le pays. « L'in­terdit qui pèse sur l'inceste est ainsi de nature reli­gieuse, puisqu'il déclenche la colère des dieux », pour­suit le chercheur.
Le terme de “hurkel” employé dans le texte hittite désigne les crimes sexuels : si l'inceste en fait partie, le viol et l'adultère n'ont pas ce statut. La transgres­sion entraînerait la ruine du pays. « On pourrait  voir dans ce traité un texte qui rejette et condamne les pratiques des étrangers en les traitant de barbares — explique M. Mazoyer. En fait, il en est tout autrement. Car c'est par leur ignorance des us et coutumes des Hittites que les étrangers pour­raient déclencher la colère des dieux. Ils sont en réalité présentés comme  des ignorants commettant une erreur fatale à la population entière, mais qui peuvent être éduqués : la mise en garde du roi fait partie de cette éducation. »
Autre interdit mentionné par le texte : celui de regarder une femme du palais, qu'elle soit libre ou ser­vante. Il est suivi d'une anecdote concernant un certain Mariya qui regarda une servante du palais. Surpris par le père de Sa Majesté, « l’homme est mort juste pour l'avoir regardée de loin... Prenez garde », avertit Suppiluliuma.
La complexité du code sexuel des Hittites montre le degré de réflexion et d'analyse mené au sein de cette société, où chaque cas fait l'objet d'un rituel particulier que racontent les tablettes : pour gué­rir de l'impuissance, l'homme doit ainsi s'allonger sur un autel et s'unir en rêve à une femme...
Reste qu'après nous avoir livré d'innombrables tablettes d'ar­gile expliquant les rouages de leur société, les Hittites ne nous révè­lent rien sur l'énigme de leur dis­parition : est-elle liée à une famine sans précédent, une épidémie ? On perd leurs traces brutalement vers 1200 avant notre ère. « Certains chercheurs soutiennent que le royaume aurait été attaqué par les Peuples de la Mer — poursuit M. Mazoyer. D'autres que les Gasgas, populations nomades du nord de l'Anatolie, l'ont anéanti. » Les premiers sont très mal connus : des barbares indo-européens venus de la mer Égée... Quant aux seconds, seules les tablettes hittites et quelques textes assyriens les mentionnent : ils avaient déjà tenté des attaques à plusieurs reprises.
Mais le mot de la fin se trouve peut-être encore dans les ruines de la cité de Hattussa. « D'après les textes et nos reconstitutions historiques, seules 15 % des tablettes ont été découvertes », précise M. Mazoyer. Et toutes n'ont pas encore été décryptées. Certaines recèlent peut-être la chronique des derniers jours de la civilisation hittite...
Azar Khalatbari, Sciences & Avenir HS n°163, été 2010.
http://www.archiveseroe.eu/hittites-a48178921

Des Racines et Des Ailes : Château de Versailles - Le Nôtre, un génie fr...

Liberté, égalité, fraternité

I - LIBERTÉ
Il y a quelques mois, nous avons cité et commenté une page du Mythe de la Liberté où Sisley Huddleston montrait que cette mystique menait à l’oppression et à la terreur : « Le vrai symbole de la Liberté, écrivait-il, c’est la guillotine, et je voudrais qu’à l’entrée du port de New-York, à la place de la déesse à la torche, on mît l’échafaud où ont fini toutes les revendications humaines au nom de la Liberté. »
Dans la préface de Romantisme et Révolution, Charles Maurras consacre quelques pages aux trois termes de la devise républicaine. Il le fait dans une autre perspective en allant à l’essence même des principes. Ces pages capitales seront reprises dans Sans la muraille des cyprès… (J. Gilbert, Arles, 1941).
« Des trois idées révolutionnaires que nous avons inscrites sur nos murs, la première, le principe de la liberté politique, constitutif du système républicain, a tué le respect du citoyen, je ne dis pas seulement pour les lois de l’État qu’il considère comme de banales émanations d’une volonté provisoire (comme l’est toute volonté), mais aussi et surtout pour ces lois profondes et augustes, leges natae, nées de la nature et de la raison, où les volontés du citoyen et de l’homme ne sont pour rien : oublieux, négligent, dédaigneux de ces règles naturelles et spirituelles, l’État français perdit prudence, exposé ainsi à fléchir. »
La liberté politique posée comme principe absolu rend les lois de l’État révocables par le suffrage des élus ou le suffrage de tous les citoyens. Elles ne sont plus que des règlements provisoires qu’on observe sans les respecter ; si on ne les approuve pas, on prend son mal en patience en militant pour un changement de majorité au prochain scrutin.
Les républiques antérieures à la Révolution avaient leurs tares, mais elles avaient également leurs freins : la loi naturelle (leges natae), « les lois divines et humaines », comme dit Cicéron, devant lesquelles le Conseil ou le Sénat, les assemblées populaires de l’Agora ou du Forum ne pouvaient que s’incliner avec respect. Au-dessus de la Cité régnait la Loi qui la gardait et la protégeait.
Frénésie destructrice
Avisant un jour dans une galerie de son palais une personne qu’il ne connaissait pas, Henri IV, voulant savoir de quel grand seigneur dépendait ce simple gentilhomme, lui demanda à qui il appartenait. « À moi-même » répondit l’homme avec une certaine impertinence. « Vous avez là un bien sot maître », répliqua le Béarnais. Le citoyen de la République française dépend lui aussi d’un bien sot maître, sa volonté, capricieuse, fluctuante, influençable et malléable.
Pendant longtemps, le poids du passé préserva la République de l’exercice complet de la Liberté, les lois naturelles furent respectées malgré de sérieuses entorses sociales et morales, parce qu’on ne pensait pas à les violer par principe. Mais depuis plusieurs dizaines d’années la démocratie est entrée au plus intime des moeurs ; elle atteint et dépasse le niveau de la démocratie politique. Une frénésie de bafouer, de détruire a saisi notre société. Les lois les plus élémentaires de la famille, les lois fondamentales de la Vie et de la Mort sont remises en cause. Après avoir désacralisé le mariage, par exemple, la liberté politique absolue veut le faire descendre au-dessous de l’accouplement des animaux. Ne sollicitons pas un texte de Maurras au-delà du raisonnable ; il n’a pas pensé au PACS ou au mariage entre personnes du même sexe, mais il a bien discerné que la Liberté, dans son essence, menait à la ruine et à la mort : « Il ne faut pas dissimuler que l’on court le risque de voir ainsi s’éteindre l’homme même, l’homme politique et l’homme raisonnable, l’homme artiste et l’homme chanteur. Qui prolonge la double courbe romantique et révolutionnaire ouvre à l’Esprit une ample liberté de mourir. »
Gérard Baudin L’Action Française 2000 n° 2742 – du 21 février au 5 mars 2008