I - LIBERTÉ
Il y a quelques mois, nous avons cité et commenté une page du Mythe de la Liberté où Sisley Huddleston montrait que cette mystique menait à l’oppression et à la terreur : « Le vrai symbole de la Liberté, écrivait-il, c’est la guillotine, et je voudrais qu’à l’entrée du port de New-York, à la place de la déesse à la torche, on mît l’échafaud où ont fini toutes les revendications humaines au nom de la Liberté. »
Dans la préface de Romantisme et Révolution, Charles Maurras consacre quelques pages aux trois termes de la devise républicaine. Il le fait dans une autre perspective en allant à l’essence même des principes. Ces pages capitales seront reprises dans Sans la muraille des cyprès… (J. Gilbert, Arles, 1941).
« Des trois idées révolutionnaires que nous avons inscrites sur nos murs, la première, le principe de la liberté politique, constitutif du système républicain, a tué le respect du citoyen, je ne dis pas seulement pour les lois de l’État qu’il considère comme de banales émanations d’une volonté provisoire (comme l’est toute volonté), mais aussi et surtout pour ces lois profondes et augustes, leges natae, nées de la nature et de la raison, où les volontés du citoyen et de l’homme ne sont pour rien : oublieux, négligent, dédaigneux de ces règles naturelles et spirituelles, l’État français perdit prudence, exposé ainsi à fléchir. »
La liberté politique posée comme principe absolu rend les lois de l’État révocables par le suffrage des élus ou le suffrage de tous les citoyens. Elles ne sont plus que des règlements provisoires qu’on observe sans les respecter ; si on ne les approuve pas, on prend son mal en patience en militant pour un changement de majorité au prochain scrutin.
Les républiques antérieures à la Révolution avaient leurs tares, mais elles avaient également leurs freins : la loi naturelle (leges natae), « les lois divines et humaines », comme dit Cicéron, devant lesquelles le Conseil ou le Sénat, les assemblées populaires de l’Agora ou du Forum ne pouvaient que s’incliner avec respect. Au-dessus de la Cité régnait la Loi qui la gardait et la protégeait.
Frénésie destructrice
Avisant un jour dans une galerie de son palais une personne qu’il ne connaissait pas, Henri IV, voulant savoir de quel grand seigneur dépendait ce simple gentilhomme, lui demanda à qui il appartenait. « À moi-même » répondit l’homme avec une certaine impertinence. « Vous avez là un bien sot maître », répliqua le Béarnais. Le citoyen de la République française dépend lui aussi d’un bien sot maître, sa volonté, capricieuse, fluctuante, influençable et malléable.
Pendant longtemps, le poids du passé préserva la République de l’exercice complet de la Liberté, les lois naturelles furent respectées malgré de sérieuses entorses sociales et morales, parce qu’on ne pensait pas à les violer par principe. Mais depuis plusieurs dizaines d’années la démocratie est entrée au plus intime des moeurs ; elle atteint et dépasse le niveau de la démocratie politique. Une frénésie de bafouer, de détruire a saisi notre société. Les lois les plus élémentaires de la famille, les lois fondamentales de la Vie et de la Mort sont remises en cause. Après avoir désacralisé le mariage, par exemple, la liberté politique absolue veut le faire descendre au-dessous de l’accouplement des animaux. Ne sollicitons pas un texte de Maurras au-delà du raisonnable ; il n’a pas pensé au PACS ou au mariage entre personnes du même sexe, mais il a bien discerné que la Liberté, dans son essence, menait à la ruine et à la mort : « Il ne faut pas dissimuler que l’on court le risque de voir ainsi s’éteindre l’homme même, l’homme politique et l’homme raisonnable, l’homme artiste et l’homme chanteur. Qui prolonge la double courbe romantique et révolutionnaire ouvre à l’Esprit une ample liberté de mourir. »
Gérard Baudin L’Action Française 2000 n° 2742 – du 21 février au 5 mars 2008
Il y a quelques mois, nous avons cité et commenté une page du Mythe de la Liberté où Sisley Huddleston montrait que cette mystique menait à l’oppression et à la terreur : « Le vrai symbole de la Liberté, écrivait-il, c’est la guillotine, et je voudrais qu’à l’entrée du port de New-York, à la place de la déesse à la torche, on mît l’échafaud où ont fini toutes les revendications humaines au nom de la Liberté. »
Dans la préface de Romantisme et Révolution, Charles Maurras consacre quelques pages aux trois termes de la devise républicaine. Il le fait dans une autre perspective en allant à l’essence même des principes. Ces pages capitales seront reprises dans Sans la muraille des cyprès… (J. Gilbert, Arles, 1941).
« Des trois idées révolutionnaires que nous avons inscrites sur nos murs, la première, le principe de la liberté politique, constitutif du système républicain, a tué le respect du citoyen, je ne dis pas seulement pour les lois de l’État qu’il considère comme de banales émanations d’une volonté provisoire (comme l’est toute volonté), mais aussi et surtout pour ces lois profondes et augustes, leges natae, nées de la nature et de la raison, où les volontés du citoyen et de l’homme ne sont pour rien : oublieux, négligent, dédaigneux de ces règles naturelles et spirituelles, l’État français perdit prudence, exposé ainsi à fléchir. »
La liberté politique posée comme principe absolu rend les lois de l’État révocables par le suffrage des élus ou le suffrage de tous les citoyens. Elles ne sont plus que des règlements provisoires qu’on observe sans les respecter ; si on ne les approuve pas, on prend son mal en patience en militant pour un changement de majorité au prochain scrutin.
Les républiques antérieures à la Révolution avaient leurs tares, mais elles avaient également leurs freins : la loi naturelle (leges natae), « les lois divines et humaines », comme dit Cicéron, devant lesquelles le Conseil ou le Sénat, les assemblées populaires de l’Agora ou du Forum ne pouvaient que s’incliner avec respect. Au-dessus de la Cité régnait la Loi qui la gardait et la protégeait.
Frénésie destructrice
Avisant un jour dans une galerie de son palais une personne qu’il ne connaissait pas, Henri IV, voulant savoir de quel grand seigneur dépendait ce simple gentilhomme, lui demanda à qui il appartenait. « À moi-même » répondit l’homme avec une certaine impertinence. « Vous avez là un bien sot maître », répliqua le Béarnais. Le citoyen de la République française dépend lui aussi d’un bien sot maître, sa volonté, capricieuse, fluctuante, influençable et malléable.
Pendant longtemps, le poids du passé préserva la République de l’exercice complet de la Liberté, les lois naturelles furent respectées malgré de sérieuses entorses sociales et morales, parce qu’on ne pensait pas à les violer par principe. Mais depuis plusieurs dizaines d’années la démocratie est entrée au plus intime des moeurs ; elle atteint et dépasse le niveau de la démocratie politique. Une frénésie de bafouer, de détruire a saisi notre société. Les lois les plus élémentaires de la famille, les lois fondamentales de la Vie et de la Mort sont remises en cause. Après avoir désacralisé le mariage, par exemple, la liberté politique absolue veut le faire descendre au-dessous de l’accouplement des animaux. Ne sollicitons pas un texte de Maurras au-delà du raisonnable ; il n’a pas pensé au PACS ou au mariage entre personnes du même sexe, mais il a bien discerné que la Liberté, dans son essence, menait à la ruine et à la mort : « Il ne faut pas dissimuler que l’on court le risque de voir ainsi s’éteindre l’homme même, l’homme politique et l’homme raisonnable, l’homme artiste et l’homme chanteur. Qui prolonge la double courbe romantique et révolutionnaire ouvre à l’Esprit une ample liberté de mourir. »
Gérard Baudin L’Action Française 2000 n° 2742 – du 21 février au 5 mars 2008
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