mercredi 31 octobre 2012
mardi 30 octobre 2012
1er novembre 82 av. J.-C. Sylla seul maître à Rome
Le 1er novembre de l'an 82 av. J.-C., deux armées romaines s'affrontent sous les murs de Rome, près de la porte Colline.
Le
vainqueur est un général de 56 ans, Lucius Cornelius Sulla, plus connu
sous le nom de Sylla. Sa victoire met un terme à la première guerre
civile qui déchire la république romaine
à son agonie. Lui-même va porter un coup fatal à cette république en
croyant la restaurer. Ses réformes vont ouvrir la voie à Jules César et à
l'empire.
Un dilettante de génie
Sylla
est l'un des personnages les plus méconnus et les plus fascinants de
l'Histoire romaine. Issu d'une famille pauvre de l'aristocratie, il
dissipe sa jeunesse dans l'étude et la fréquentation des prostituées et
des gens de mauvaise vie.
À 31 ans, en 107 av. J.-C., il est néanmoins élu questeur et rejoint l'armée du consul Marius
en Afrique. Son habileté lui permet de mettre la main sur Jugurtha,
l'ennemi juré de Rome. Il participe ensuite aux côtés de Marius à la
guerre contre les Cimbres et les Teutons, des Germains qui ont envahi la
Gaule et menacent Rome.
Indifférent
à sa popularité naissante, il retourne à sa vie de débauche et ne
revient qu'en 93 avant JC à la vie publique avec les fonctions de
préteur puis propréteur en Cilicie.
Il
conclut un premier traité avec les Parthes et s'enrichit au passage. À
son retour à Rome, il divorce de sa troisième femme et se remarie avec
Caecilia Metella, fille du chef du Sénat. Cette union lui vaut d'être
désormais regardé par les sénateurs et l'aristocratie comme une possible
alternative face au parti populaire qu'anime... Marius..
La guerre sociale
amène Sylla à reprendre du service dans l'armée... toujours sous les
ordres de Marius. Son talent tactique et son habileté font une nouvelle
fois leurs preuves. Sylla s'empare de Stabies et réduit les derniers
îlots de résistance du Samnium en 89 av. J.C..
Ce
nouveau succès lui vaut d'être nommé consul l'année suivante et de
recevoir du Sénat le soin de mener la guerre contre le roi du Pont,
Mithridate VI, coupable d'avoir repris les hostilités et massacré des
milliers de Romains et d'Italiens en Orient. Cette décision contrarie
Marius (69 ans), représentant du parti populaire, qui comptait sur cette
guerre pour redresser son prestige.
Première guerre civile
Marius
manigance avec un tribun de la plèbe, P. Sulpicius Rufus, un
arrangement qui lui confie le commandement de la campagne du Pont.
Sylla,
qui s'était déjà mis en route pour l'Asie, ne l'entend pas de cette
oreille. Avec son armée, il revient à Rome en violation de toutes les
règles et fait mettre Marius, Rufus et leurs partisans hors la loi. Il
fait exposer la tête du tribun félon sur les rostres (une galerie qui
domine les Forums romains et est décorée avec des figures de proue - les
rostres - de navires ennemis). Marius préfère s'enfuir en Afrique.
Là-dessus,
Sylla s'en va combattre Mithridate qui a profité des troubles pour
occuper la Grèce. Le général romain occupe Athènes après un long siège
avant de poursuivre Mithridate sur ses terres. Mithridate VI est bientôt
battu. Sylla, pressé d'en finir, lui accorde un traité favorable, qui
lui conserve son royaume en échange d'un tribut de 2000 talents... et de
80 navires pour le retour de l'armée romaine en Italie. Avant de s'en
retourner, il tire encore 20.000 talents de la province d'Asie.
Mais
à Rome, pendant ce temps, un consul, Cinna, se révolte contre le Sénat.
Marius en profite et revient prestement d'Afrique où il s'était
réfugié. Il fait mettre à mort de nombreux sénateurs et se fait réélire
consul une septième fois. Il meurt l'année suivante, en 86 avant JC,
mais ses partisans, les marianistes, restent au pouvoir sous l'autorité de Cinna.
Quand
Sylla débarque à Brindes (aujourd'hui Brindisi, à la pointe de la
péninsule italienne), avec une armée aguerrie, c'est pour en finir avec
ses opposants du parti de Marius et Cinna. Pour lui faire face, les
marianistes lèvent pas moins de six armées, essentiellement composées
d'alliés italiens. Sylla les bat l'une après l'autre. La dernière armée,
composée de Samnites, est écrasée à la porte Colline. Impitoyable,
Sylla ordonne le massacre des prisonniers (7.000, y compris treize
généraux marianistes).
Il se fait élire par les comices «dictateur chargé de faire les lois et d'organiser la république» pour une durée indéfinie ! C'est la lex Valeria de 82 av. J.-C., qui consacre de fait la ruine de la république sénatoriale.
Comme ses soldats commencent à tuer sans discrimination tous ceux qu'ils suspectent d'être des opposants, Sylla fait publier (autrement dit proscrire
en latin) la liste de ceux qui peuvent être tués par quiconque. Les
délateurs et les tueurs s'en donnent à coeur joie car une prime
récompense leur geste. On évalue à 5.000 le nombre de leurs victimes.
Beaucoup de partisans de Sylla - comme le futur triumvir Marcus Licianus Crassus - s'enrichissent inconsidérément en s'appropriant la fortune des proscrits. Le jeune Caius Julius Caesar, né en 100 et neveu par alliance de Marius, figure parmi les proscrits et doit s'enfuir de Rome.
Une dictature de caractère monarchique
Assuré
de son pouvoir, Sylla, qui se soucie peu d'ambition personnelle, tente
aussitôt de restaurer le Sénat dans son ancienne puissance.
– Il porte de 300 à 600 le nombre de sénateurs et leur restitue le droit exclusif de siéger dans les jurys criminels.
–
Il enlève aux tribuns de la plèbe le droit de proposer une loi aux
comices et de briguer un deuxième mandat, réservant aux sénateurs
l'initiative des lois.
–
Il abolit la censure et confère aux magistrats sortant de charge la
dignité de sénateur, limite les droits des consuls et des préteurs à des
fonctions civiles en Italie et leur permet en sortie de charge de
devenir proconsul ou propréteur en province sur désignation du Sénat...
–
Il distribue des terres à 100.000 vétérans et supprime les
distributions gratuites de blé aux citoyens pauvres dans l'espoir de
mettre fin à l'exode rural !
Honoré du surnom de «Felix» (heureux)
et jugeant son travail accompli, Sylla démissionne de toutes ses
fonctions en 79 av. J.-C.. Il se retire dans sa maison de Cumes où il
file le parfait amour avec une jeune femme de 25 ans, Valeria, dont il
fait sa cinquième épouse. Sa félicité sera de courte durée... Il meurt
l'année suivante ! Les Romains confèrent à sa dépouille le privilège
d'une inhumation sur le Champ de Mars, lieu de sépulture des anciens
rois.
Cependant,
contrairement à ce que Sylla a pu croire, ses réformes n'ont en rien
réglé les tensions au sein de Rome... elles ont seulement inspiré à
nombre d'ambitieux le désir d'exercer à leur tour la dictature.
Bibliographie
Sur
la République romaine et plus précisément Sylla, nous recommandons la
lecture des historiens romains eux-mêmes, tels Tite-Live et Salluste,
réunis dans un beau livre de La Pléiade (Gallimard).
Jean-François Zilberman http://www.herodote.net
lundi 29 octobre 2012
L’Histoire de France de Jacques Bainville
L’Action
française avait son maître à penser, Charles Maurras, son orateur, Léon
Daudet, mais également son historien, Jacques Bainville. Ce dernier,
élu à l’Académie française le 25 mars 1935, était le défenseur d’une
France pré-révolutionnaire, autoritaire et spirituelle.
Le
moins que l’on puisse dire, c’est que Bainville n’est pas un apologète
de la République. Dans son Histoire de France, il montre en quoi
l’avènement de la République correspond au déclin de la nation française
mais aussi à la mort de la spiritualité. En bon historien
réactionnaire, Bainville décrit la grandeur d’une France monarchiste et
catholique, d’une France unit par l’autorité et la foi. Pour le penseur
contre-révolutionnaire, l’histoire de France ne commence pas en 1789.
L’esprit français prend sa source dans les premières monarchies :
mérovingienne, carolingienne et capétienne. Aux yeux de Bainville, ce
qui a fait la France, ce sont ses rois, les guerres européennes et le
christianisme. La France est issue d’un processus historique long et
complexe et non de la pensée révolutionnaire.
Chez
Bainville, la critique de la Révolution française est décisive. Il est
important pour lui de montrer que 1789 ne procède pas du succès d’un
mouvement populaire mais bien plutôt d’une faiblesse ponctuelle de
l’autorité monarchique. A ses yeux, la Révolution française est synonyme
d’anarchie, de décadence et d’illusion. C’est un accident historique et
non une aspiration universellement partagée. L’objectif de Bainville
est de souligner les difficultés rencontrées pendant près d’un siècle
par le modèle républicain. Loin de s’être imposée naturellement, loin
d’avoir gagné en 1789, la République s’est définitivement constituée à
la suite d’un grand nombre de bouleversements : le Consulat et l’Empire,
la Restauration, la Monarchie de juillet, la deuxième République et le
second Empire. Pour Bainville, l’avènement de la République, et de la
démocratie qui l’accompagne, coïncide avec le déclin de l’esprit
français et explique également la défaite de 1870 contre Bismarck. La
conviction de l’historien est la suivante : le peuple français aime la
monarchie car il a besoin d’autorité. Cette autorité, la République
n’est pas en mesure de lui apporter.
Ce
qui fait l’originalité de cette Histoire de France, c’est le talent de
narrateur de Bainville. L’ouvrage se parcourt comme un roman. Les
portraits psychologiques des différents dirigeants invitent le lecteur à
s’attacher à eux comme à des héros romanesques. De plus, au lieu de
simplement présenter l’Histoire comme une succession d’événements,
Bainville s’applique à rendre compte des causes et des conséquences.
Géopolitologue avant la lettre, il décrit brillamment les différents
systèmes d’alliance en Europe. L’Histoire de France est un ouvrage
englobant duquel se dégage une cohérence implacable. Face à l’histoire
de son pays, Bainville est animé d’un double sentiment, un mélange
d’admiration et d’amertume : « Les Rois ont fait la France. Elle se
défait sans Roi. »
Philitt via http://www.actionfrancaise.netTannenberg-Grunwald, aux sources de l'identité polonaise
En
1410, à Tannenberg, Grunwald pour les Polonais, l'armée du roi de
Pologne Ladislas II Jagellon écrasa les chevaliers teutoniques. Sylvain
Gougenheim consacre un livre à cette bataille, devenue un symbole de la
nation polonaise.
Premier septembre 1914, Tannenberg. La 8e armée du général Hindenburg vient d'écraser la 2e armée russe du général Samsonov. L'histoire est connue : la bataille offrait la Prusse orientale aux Allemands... La guerre commençait bien pour eux. Le lendemain, Hindenburg reçoit la Eisernen Kreuzes, la Croix du Mérite. Puis, après la bataille des Lacs Mazures, le voilà commandant des armées du front oriental...
La réalité était belle, il fallait l'entourer d'une part de mythe. Le colonel Hoffmann, aide de camp du futur général en chef, Luddendorf, suggéra à ce dernier d'appeler le premier des grands combats de l'armée allemande « Tannenberg » L'intention d'Hoffman était claire : il s'agissait d'effacer une autre bataille de Tannenberg, celle du 15 juillet 1410 qui opposa dans la région les troupes lituano-polonaises et l'Ordre teutonique. Luddendorf, qui s'attribua la paternité du nom, lança à l'occasion : « Sur ma proposition, la bataille fut appelée "la bataille de Tannenberg ", en souvenir de ce combat devant l'alliance des armées lituanienne et polonaise. L’Allemand permettra-t-il encore à nouveau que le Lituanien, et surtout le Polonais, profitent de notre impuissance pour nous bafouer ? La séculaire culture allemande doit-elle disparaître ? » Cela s'appelle au moins une vengeance, sinon un parti pris idéologique visant à effacer une humiliation inscrite dans les mémoires.
Une bataille inscrite dans l'art et la mémoire
Pourtant, il est assez difficile d'établir un lien entre les chevaliers teutoniques, ordre militaire au service de la papauté, et l'armée prussienne des débuts du XXe siècle... « L'idéologie, écrit Sylvain Gougenheim, n'est pas l'histoire : la bataille de 1410 ne fut pas une avant première de celle de 1914 ; elle vaut, par son importance, d'être connue pour elle-même. » De fait, les passionnés d'histoire militaire et d'histoire médiévale prendront un plaisir certain à lire ce nouvel opus de l'excellente collection L'Histoire en bataille, publiée aux éditions Tallandier.
Comme souvent dans l'histoire militaire, les noms des défaites ou des victoires changent d'un camp à l'autre. Pour les Polonais, Tannenberg s'appelle la bataille de Grunwald. Celle-ci présida à la fondation de la nation polonaise avec, à sa tête, le fameux roi Ladislas II Jagellon, dont le nom fut donné à une des plus vieilles universités d'Europe. Grunwald est à l'histoire de la Pologne, ce que Poitiers est à la nôtre. Elle renvoie à la résistance du pays aux invasions extérieures et fait figure de référence dans l'histoire romantique du XIXe siècle, alors que la Pologne était écartelée entre la Prusse, l'Autriche et la Russie.
Spécialiste de l'histoire militaire, auteur notamment d'une monographie consacrée aux chevaliers teutoniques, Gougenheim a aussi été la victime du politiquement correct en remettant en cause les canons de l'influence de l'Islam dans l'Occident médiévale. S'ensuivit une cabale universitaire absolument ignoble et totalement inédite contre son œuvre. Or, comme le prouve encore l'ouvrage qu'il vient de consacrer à Tannenberg, son travail est toujours documenté, très bien écrit et concis. L'auteur offre une vision complète des rapports de forces à la veille du conflit, des tentatives de pacification entre les parties et de l'affrontement final. Il décrit le champ de bataille, mais aussi la guerre secrète que se livrent les espions des deux camps, l'armement des combattants, les techniques et les stratégies de combat...
L'affirmation de son identité
Ce livre nous plonge littéralement dans la réalité médiévale guerrière.
Mais comme tous les grands faits militaires, la bataille s'est ensuite inscrite dans la littérature, l'art et les mémoires. Et ce n'est pas la moindre des qualités de cet ouvrage que de nous décrire cette évolution jusqu'au XXe siècle. Le lecteur se trouve ainsi mêlé à cette nation souffrante mais courageuse qui, au fil des âges, n'a cherché qu'une chose : l'affirmation de son identité.
Christophe Mahieu monde & vie 20 octobre 2012
Sylvain Gougenheim.Tonnenberg, 15 juillet 1410, Tallandier, coll. L'histoire en batailles, 263 pages, 18,90 €.
Premier septembre 1914, Tannenberg. La 8e armée du général Hindenburg vient d'écraser la 2e armée russe du général Samsonov. L'histoire est connue : la bataille offrait la Prusse orientale aux Allemands... La guerre commençait bien pour eux. Le lendemain, Hindenburg reçoit la Eisernen Kreuzes, la Croix du Mérite. Puis, après la bataille des Lacs Mazures, le voilà commandant des armées du front oriental...
La réalité était belle, il fallait l'entourer d'une part de mythe. Le colonel Hoffmann, aide de camp du futur général en chef, Luddendorf, suggéra à ce dernier d'appeler le premier des grands combats de l'armée allemande « Tannenberg » L'intention d'Hoffman était claire : il s'agissait d'effacer une autre bataille de Tannenberg, celle du 15 juillet 1410 qui opposa dans la région les troupes lituano-polonaises et l'Ordre teutonique. Luddendorf, qui s'attribua la paternité du nom, lança à l'occasion : « Sur ma proposition, la bataille fut appelée "la bataille de Tannenberg ", en souvenir de ce combat devant l'alliance des armées lituanienne et polonaise. L’Allemand permettra-t-il encore à nouveau que le Lituanien, et surtout le Polonais, profitent de notre impuissance pour nous bafouer ? La séculaire culture allemande doit-elle disparaître ? » Cela s'appelle au moins une vengeance, sinon un parti pris idéologique visant à effacer une humiliation inscrite dans les mémoires.
Une bataille inscrite dans l'art et la mémoire
Pourtant, il est assez difficile d'établir un lien entre les chevaliers teutoniques, ordre militaire au service de la papauté, et l'armée prussienne des débuts du XXe siècle... « L'idéologie, écrit Sylvain Gougenheim, n'est pas l'histoire : la bataille de 1410 ne fut pas une avant première de celle de 1914 ; elle vaut, par son importance, d'être connue pour elle-même. » De fait, les passionnés d'histoire militaire et d'histoire médiévale prendront un plaisir certain à lire ce nouvel opus de l'excellente collection L'Histoire en bataille, publiée aux éditions Tallandier.
Comme souvent dans l'histoire militaire, les noms des défaites ou des victoires changent d'un camp à l'autre. Pour les Polonais, Tannenberg s'appelle la bataille de Grunwald. Celle-ci présida à la fondation de la nation polonaise avec, à sa tête, le fameux roi Ladislas II Jagellon, dont le nom fut donné à une des plus vieilles universités d'Europe. Grunwald est à l'histoire de la Pologne, ce que Poitiers est à la nôtre. Elle renvoie à la résistance du pays aux invasions extérieures et fait figure de référence dans l'histoire romantique du XIXe siècle, alors que la Pologne était écartelée entre la Prusse, l'Autriche et la Russie.
Spécialiste de l'histoire militaire, auteur notamment d'une monographie consacrée aux chevaliers teutoniques, Gougenheim a aussi été la victime du politiquement correct en remettant en cause les canons de l'influence de l'Islam dans l'Occident médiévale. S'ensuivit une cabale universitaire absolument ignoble et totalement inédite contre son œuvre. Or, comme le prouve encore l'ouvrage qu'il vient de consacrer à Tannenberg, son travail est toujours documenté, très bien écrit et concis. L'auteur offre une vision complète des rapports de forces à la veille du conflit, des tentatives de pacification entre les parties et de l'affrontement final. Il décrit le champ de bataille, mais aussi la guerre secrète que se livrent les espions des deux camps, l'armement des combattants, les techniques et les stratégies de combat...
L'affirmation de son identité
Ce livre nous plonge littéralement dans la réalité médiévale guerrière.
Mais comme tous les grands faits militaires, la bataille s'est ensuite inscrite dans la littérature, l'art et les mémoires. Et ce n'est pas la moindre des qualités de cet ouvrage que de nous décrire cette évolution jusqu'au XXe siècle. Le lecteur se trouve ainsi mêlé à cette nation souffrante mais courageuse qui, au fil des âges, n'a cherché qu'une chose : l'affirmation de son identité.
Christophe Mahieu monde & vie 20 octobre 2012
Sylvain Gougenheim.Tonnenberg, 15 juillet 1410, Tallandier, coll. L'histoire en batailles, 263 pages, 18,90 €.
dimanche 28 octobre 2012
La France des origines jusqu’à l’An Mil
La France d'avant la France a été appelée Gaule ou plutôt Gaules par les Romains, qui l'ont soumise pendant un demi-millénaire. Ensuite, elle a été connue comme le royaume des Francs, du nom de ses plus prestigieux envahisseurs.
À l'approche de l'An Mil, on l'appelait pour simplifier Francie, ou plutôt Francie occidentale pour la distinguer de la Francie orientale (l'actuelle Allemagne).
«La France est une personne»
«La France est une personne»,
a dit Jules Michelet, mais une personne qui cache bien sa date de
naissance. La présence d'êtres humains sur le sol métropolitain est
attestée depuis 1,8 million d'années.
De l'Âge de pierre, ou Paléolithique, nous conservons les très belles fresques rupestres de Lascaux (16000 ans avant JC) et de rares et remarquables statuettes en ivoire comme la Vénus de Brassempouy (ci-contre).
Vers 6000 avant JC, les habitants de notre pays commencent à se regrouper dans des villages permanents. Ils pratiquent l'agriculture
autour de leurs habitations en complément de la cueillette et de la
chasse. En matière d'outillage, la pierre polie se substitue à la pierre
taillée. C'est le Néolithique.
Les pratiques religieuses se développent comme l'attestent les
alignements mégalithiques de Carnac, vers 4500 avant JC : il s'agit de
pierres dressées («menhirs» en breton) dont la signification nous échappe encore aujourd'hui.
Quelques
siècles plus tard se développent de nouvelles formes de civilisation
dont le souvenir se conserve jusqu'à nous sous la forme de tumulus
funéraires : il s'agit de galeries de pierres plates destinées à
l'inhumation des défunts et recouvertes de terre. Beaucoup de ces
tumulus apparaissent aujourd'hui dépourvus de terre, sous la forme de
tables de pierre géantes («dolmens» en breton).
Nos ancêtres les Celtes
Vers 750 avant JC, des intrus en provenance du bassin danubien et d'Asie mineure s'installent dans les clairières : les Celtes. Bien plus tard, Jules César les baptisera Gaulois. C'est sous ce nom que nous les connaissons aujourd'hui.
Ces
Celtes pratiquent les sacrifices humains et aiment la guerre, qu'ils
pratiquent souvent nus ! Mais ils développent aussi une civilisation
relativement avancée pour l'époque. Ils amènent avec eux la métallurgie
du fer (civilisation de Hallstatt). Ils défrichent à grande
échelle le pays, cultivent le blé et la vigne, exploitent des gisements
d'or et d'argent... Par la vallée du Rhône et de la Saône, ils
commercent aussi avec les Grecs comme le montrent les beaux objets
découverts dans la tombe de Vix, en Côte d'Or.
Les
Grecs sont eux-mêmes très présents sur le littoral méditerranéen, où
ils implantent des colonies comme Marseille (vers 600 avant JC) et Nice.
À la faveur des guerres puniques qui voient s'affronter deux
orgueilleuses cités, Rome et Carthage, la première de celles-ci occupe le littoral méditerranéen de la Gaule qui devient une province romaine (d'où le nom actuel de Provence). Sa capitale Narbonne (Narbo Martius) est fondée en 118 avant JC.
Baptisée Narbonnaise, la province s'organise autour d'une importante route qui court des Alpes aux Pyrénées, la via Domitia (ou Domitienne). À Narbonne comme à Aquae Sextiae (Aix-en-Provence) et Tolosa
(Toulouse), des garnisons maintiennent la paix, laquelle est gravement
compromise par une brutale irruption de guerriers germaniques, les Cimbres et les Teutons. Ces derniers sont battus par Marius en 101 avant JC à Verceil, au pied des Alpes.
La conquête romaine
De 58 à 52 avant JC, Jules César,
un général romain ambitieux, neveu par alliance de Marius, mène
plusieurs campagnes en vue de soumettre l'ensemble du territoire entre
le Rhin et les Pyrénées (la «Gaule chevelue»). À peine croit-il
y avoir réussi qu'une révolte générale éclate, à l'instigation d'un
jeune noble Gaulois : Vercingétorix. Ce dernier vainc les Romains à
Gergovie, en Auvergne, mais il est peu après défait à Alésia, en
Bourgogne.
La Gaule se soumet à Rome
au prix d'un effroyable tribut : un million de Gaulois auraient été
réduits en esclavage par les légions de César sans parler des
destructions massives (villes et récoltes incendiées).
Le 9 octobre de l'an 43 avant JC, un légat romain fonde la ville de Lugdunum, aujourd'hui Lyon, au confluent du Rhône et de la Saône. En 27 avant JC, elle devient sur décision d'Auguste la capitale commune aux trois provinces de la Gaule chevelue : l'Aquitaine (au sud de la Garonne), la Celtique ou Lyonnaise (entre la Garonne et la Seine) et la Belgique (entre la Seine et le Rhin). Tibère aménage en 17 de notre ère deux provinces complémentaires sur le Rhin : la Germanie supérieure (autour de Cologne) et la Germanie inférieure (autour de Mayence).
La paix romaine
Les
débuts de l'occupation romaine ne sont pas de tout repos. Aux tourments
de la conquête s'ajoutent au 1er siècle de notre ère des révoltes
locales, réprimées avec brutalité. Mais les notables gaulois finissent
par se rallier massivement, grâce à l'empereur Claude qui leur ouvre en
grand les portes du Sénat.
L'agriculture
progresse grâce au génie inventif de la population (exploitation
intensive des céréales, viticulture...), faisant des Gaules l'un des
greniers de l'empire. Les villes se multiplient dans le pays,
construites sur le modèle de Rome, avec temples, amphithéâtre, forum...
Au IIe siècle, le Siècle d'or
des Antonins, une religion nouvelle se diffuse dans les villes : le
christianisme. Certains empereurs y voient un obstacle à l'unité de
l'empire. Sous le règne de Marc-Aurèle, à Lyon, plusieurs chrétiens sont livrés aux bêtes fauves. Parmi eux l'évêque Pothin et Blandine.
La Gaule face aux Barbares
Au
IIIe siècle, les légions ont de plus en plus de mal à contenir la
poussée des Germains (les Barbares). En 260, Postumus, un général
gaulois, se proclame empereur et établit son autorité sur la Gaule. La
sécession va perdurer une quinzaine d'années cependant que de violentes
révoltes paysannes, les Bagaudes, secouent la Gaule.
Au
siècle suivant, les incursions de Barbares se multiplient. À
l'instigation de Saint Martin, soldat romain originaire du Danube devenu
évêque de Tours, de plus en plus de Gallo-Romains cherchent un
réconfort dans le christianisme... De nombreuses villes perpétuent
aujourd'hui le nom du saint patron de la Gaule, inhumé en grande pompe à
Tours le 11 novembre 397.
Le 31 décembre 406, un grand nombre de Germains
profitent de ce que le Rhin est gelé pour le traverser. Les Vandales
s'installent en Espagne, les Wisigoths en Aquitaine puis au-delà des
Pyrénées, les Francs au nord de la Seine, les Burgondes le long du Rhône
et de la Saône... Au même moment, des Celtes chassés de Grande-Bretagne
par les invasions germaniques se replient à la pointe de l'Armorique
qui prendra leur nom : Bretagne.
Dans
les années qui suivent, en Gaule comme dans le reste de l'empire romain
d'Occident, les rois barbares s'approprient ce qui reste de l'autorité
étatique. Les seules personnes en mesure de leur résister sont les
évêques catholiques qui détiennent l'autorité spirituelle.
La première dynastie : les Mérovingiens
Le 25 décembre 498 (ou 496), le roi des Francs, Clovis, renonce au paganisme et se fait baptiser à Reims avec 3000 guerriers dans la religion catholique.
Le
royaume des Francs s'étend bientôt des Pyrénées à l'Allemagne
occidentale. Mais, après la mort de Clovis, il est partagé entre ses
quatre fils. Leurs descendants vont régner cahin-caha pendant trois
siècles sous l'appellation de Mérovingiens (d'après Mérovée, un aïeul légendaire).
Au
fil des partages successoraux et des guerres, le royaume des Francs se
subdivise en plusieurs entités dont les principales sont la Neustrie (à l'ouest), l'Austrasie (à l'est) et l'Aquitaine (au sud-ouest). Il refait brièvement son unité sous le règne de Dagobert 1er, roi d'Austrasie en 622, assisté du «bon saint Éloi».
Dagobert
est le premier roi inhumé à Saint-Denis, nécropole des rois de France.
Ses successeurs, moins actifs, laissent leur majordome, ou «maire du palais», gouverner à leur place. Cela leur vaudra plus tard la réputation de «rois fainéants».
En 732, le maire du palais d'Austrasie, un certain Charles Martel (ainsi surnommé parce qu'il «frappe comme un marteau»),
arrête une incursion arabe entre Poitiers et Tours. Les musulmans, qui
avaient débarqué en Espagne vingt-et-un ans plus tôt, se replient au sud
des Pyrénées.
La deuxième dynastie : les Carolingiens
Pépin
le Bref, fils et successeur de Charles Martel, se voit reconnaître par
les grands seigneurs la qualité de roi en lieu et place de l'héritier
légitime des Mérovingiens. Il est confirmé dans son titre par le pape
Étienne II. Celui-ci traverse les Alpes et sacre le roi et sa famille à
Saint-Denis, en 754. C'est une première. Le rituel du sacre, autrement
dit l'onction du front par de l'huile sainte, sera repris plus tard par
les rois capétiens.
En
771, Pépin le Bref lègue son royaume à ses fils Carloman et Charles
1er, futur Charlemagne. Trois ans plus tard, Charles devient seul roi
des Francs et va dès lors porter le royaume à sa plus grande extension.
Jusqu'à sa mort, quarante ans plus tard, il ne se passera pas une année
qu'il n'aille à la guerre, tantôt contre les musulmans d'Espagne, qu'il
repousse au-delà de l'Ebre, tantôt contre les Saxons qu'il christianise
par la contrainte...
Naissance d'une épopée
Le
15 août 778, au retour d'une campagne contre les musulmans,
l'arrière-garde de Charlemagne est défaite au col de Roncevaux, dans les
Pyrénées, par des montagnards basques... Bien plus tard, des
troubadours tireront de cet événement la Chanson de Roland, l'un des plus grands poèmes épiques du Moyen Âge.
En
800, le roi Charles accompagne à Rome le pape Léon III. Ne pouvant plus
compter sur la protection de l'empereur romain d'Orient, qui, à
Byzance, est victime de séditions, le pape décide de s'en remettre aux
Francs. Dans la basilique Saint-Pierre, il dépose un diadème sur la tête
de Charles, le fait acclamer par la foule puis se prosterne à ses
pieds. Le roi des Francs devient ainsi «Empereur des Romains». Il a l'illusion de relever l'empire romain d'Occident, disparu quatre siècles plus tôt.
En marge de la guerre, Charles, ou Charlemagne (du latin Carolus Magnus, Charles le Grand),
mène de grandes réformes. Avec le moine anglais Alcuin, il réhabilite
le latin comme langue de culture. Il restaure un semblant
d'administration en s'appuyant sur les seigneurs locaux, embryon de la
future noblesse féodale. Certains historiens voient dans son règne une
première Renaissance après les ténèbres de l'époque mérovingienne.
L'empire carolingien après Charlemagne
Cliquez pour agrandirCette carte montre l'empire carolingien à la mort de Charlemagne et les grands ensembles territoriaux qui vont naître de son partage entre les trois petits-fils du grand empereur : France, Allemagne...
Le
fils de Charlemagne, Louis 1er le Pieux, hérite de l'empire mais ne
peut empêcher ses propres fils de se disputer son héritage dès avant sa
mort.
Le
14 février 842, Charles le Chauve et Louis le Germanique échangent à
Strasbourg un serment d'assistance mutuelle en vue du partage de
l'empire au détriment de leur frère Lothaire.
Louis
le Germanique prononce son serment en langue romane (l'ancêtre du
français), pour être compris des soldats de son associé. Charles le
Chauve fait de même en langue tudesque (l'ancêtre de l'allemand). Les serments de Strasbourg sont ainsi les plus anciens témoignages que nous possédions du français et de l'allemand.
L'année
suivante, en août 843, les trois frères concluent un compromis à Verdun
par lequel ils se partagent enfin l'empire. Lothaire hérite du titre
d'empereur et de la partie centrale, de l'Escaut à la plaine du Pô, la Lotharingie (l'actuelle Lorraine rappelle son nom). Charles le Chauve reçoit la Francie occidentale (la future France) et Louis le Germanique la Francie orientale (future Allemagne).
En
moins d'un siècle, l'héritage de Charlemagne va se désintégrer sous les
coups extérieurs. Des pirates venus en bateau de Scandinavie, les Normands ou Vikings, remontent les fleuves, semant partout la désolation. Installés dans des nids d'aigle sur la côte méditerranéenne, des Sarrasins musulmans lancent de leur côté des razzias jusque dans les Vosges. Enfin, à l'est, surgissent de redoutables nomades, les Hongrois ou Magyars. Ils effectuent des chevauchées jusqu'à Nîmes.
Naissance de la féodalité
Les souverains carolingiens délèguent la défense de l'empire à leurs compagnons de combat (en latin comites, dont nous avons fait comtes). Ils leur octroient des terres à titre héréditaire, à charge pour eux de les défendre.
Retranchés
dans leurs châteaux (les premiers sont en bois), les seigneurs se font
la guerre sans trêve et ne consentent à obéir qu'à celui dont ils
tiennent leur terre (leur fief) : leur suzerain, dont ils se
considèrent le vassal. Ainsi se met en place une noblesse terrienne
héréditaire simplement fondée sur des liens d'allégeance d'homme à
homme. C'est la «société féodale».
Les
successeurs de Charles le Chauve ont le plus grand mal à contenir les
Normands. Aussi, le 29 février 888, les barons de Francie occidentale
élisent-ils roi l'un des leurs : Eudes, comte de Paris, qui s'est bien battu face aux Normands.
Mais
lorsqu'il meurt, dix ans plus tard, un Carolingien, Charles III le
Simple, fils de Louis le Bègue, reprend le titre royal. En 911, il donne
à un chef normand, Rollon, l'embouchure de la Seine, la future
Normandie. En échange, le pirate reçoit le baptême et jure fidélité au
roi.
Timide renouveau
Dans
cette atmosphère de fin du monde émergent les premiers signes d'un
renouveau. Il va sans dire que les contemporains n'en ont aucune
conscience. Le 11 septembre 910, en Bourgogne, en un lieu inculte appelé
Cluny, une poignée de moines obtiennent du duc d'Aquitaine le droit
d'installer une abbaye qui, chose nouvelle, n'aura de comptes à rendre
qu'au pape. Très vite, l'ordre clunisien essaime dans tout l'Occident.
Ses abbés acquièrent une autorité morale très forte et en usent pour
adoucir les moeurs des guerriers et des rois.
Les
derniers Carolingiens doivent s'accommoder de la tutelle des énergiques
comtes de Paris, Robert 1er et Hugues le Grand, frère et neveu du roi
Eudes. Finalement, le 1er juillet 987, les barons de Francie occidentale
élisent à la dignité de roi des Francs le comte de Paris Hugues, qui
n'est autre que le petit-neveu du roi Eudes. Il se fera connaître sous
le nom d'Hugues 1er, dit Capet... Les héritiers directs de Charlemagne passent à la trappe. Une page se tourne.
André Larané. http://www.herodote.net
samedi 27 octobre 2012
Diên Biên Phu : 57 jours d'héroïsme
Le Figaro Magazine - 09/04/2004
Il y a cinquante ans, dans une cuvette du Tonkin, 15 000 hommes du corps expéditionnaire français d'Indochine résistaient à l'assaut du Vietminh. Menée contre un adversaire courageux, cette bataille s'est soldée par une défaite, mais une défaite glorieuse.
Infirmière à l'époque, elle était convoyeuse de l'air. Après que son Dakota eut été détruit par l'ennemi, elle s'était retrouvée prisonnière de la bataille. Vingt ans et seule Européenne au milieu de 10 000 hommes : un ange en enfer. Son livre, Une femme à Diên Biên Phu, a été un succès de l'automne 2003. Quand Geneviève de Galard prononce une conférence, les jeunes se pressent pour l'écouter. Cinquante ans après Diên Biên Phu, certes, nous avons changé de monde et de société : « l'Indo » , c'est loin. Le récit de ce désastre, cependant, ne cesse de déchirer le coeur et l'âme.
Le drame se noue en 1953. Hô Chi Minh a beau être communiste, il a compris la force du nationalisme. Depuis 1945, il mène contre la puissance coloniale française une guerre qui est aussi une guerre des Vietnamiens du Nord (le Tonkin et l'Annam) contre ceux du Sud (la Cochinchine). Côté français, les chefs militaires successifs - Leclerc, de Lattre ou Salan - n'ont pu venir à bout de la rébellion. En 1949, le Vietnam a accédé à l'indépendance, mais le pays, membre de l'Union française, comme le Laos et le Cambodge, est précipité dans le vaste affrontement Est-Ouest. La Chine de Mao et l'URSS soutiennent le Vietminh, tandis que les Etats-Unis, engagés en Corée, aident financièrement la France en Indochine.
En métropole, le conflit est impopulaire. Les communistes, bien sûr, se montrent les plus virulents dans la stigmatisation de la « sale guerre » . Mais l'opinion, dans son ensemble, ne voit pas l'intérêt d'expédier à grands frais tous ces régiments professionnels à l'autre bout de la planète. A Paris, le gouvernement cherche une porte de sortie.
En mai 1953, le général Navarre est nommé commandant en chef en Indochine. Sa mission ? Créer les conditions militaires qui favoriseront un règlement politique. En gros, avant de donner l'assaut pour forcer Hô Chi Minh à négocier, il prévoit de reconstituer ses forces. D'où, au nord, une stratégie défensive. Le Vietminh, toutefois, lance une offensive vers le Laos qui vient de signer un accord de défense avec la France. A l'automne 1953, afin de barrer la route du Laos, le commandement décide donc d'établir un camp retranché dans les zones montagneuses du nord du Tonkin. Lieu choisi : le village de Diên Biên Phu.
Le 20 novembre 1953, six bataillons parachutistes sont largués au-dessus de cette vallée reculée. Afin d'acheminer hommes et matériels, un aérodrome est construit dans la cuvette. Le camp est organisé comme une couronne de points d'appui ; baptisés de prénoms féminins (Gabrielle, Isabelle ou Dominique) ils ont pour fonction de protéger l'aérodrome, centre et poumon du camp. Selon le 2e Bureau, le Vietminh ne peut pas engager plus de deux divisions dans la région, et les communications sont si difficiles que les Viets seront incapables d'y amener des canons de plus de 75 mm. Fatale erreur.
Hô Chi Minh, lui, est bien informé. Ce Lénine asiatique mesure l'effet qu'exercerait une défaite française sur l'opinion occidentale. Autour de Diên Biên Phu, il masse quatre divisions d'infanterie et sa division d'artillerie lourde : 24 pièces de 105 mm. Une noria de 700 camions Molotova (cadeau des Soviétiques) et 75 000 coolies transportent des tonnes de munitions. Ces mouvements n'échappent pas à l'état-major français, mais Navarre reste persuadé que Diên Biên Phu ne sera pas le théâtre d'un affrontement majeur. A Noël 1953, 60000 Viets cernent 12 000 Français, Marocains, Algériens et Thaïs, qui ne se doutent pas de ce qui les attend.
Au sommet de Berlin, le 18 février 1954, le gouvernement de Joseph Laniel (président du Conseil depuis juin 1953) accepte le principe d'une conférence qui s'ouvrira à Genève, au mois d'avril, afin d'examiner le problème du rétablissement de la paix en Indochine. Le général Navarre n'a pas été tenu au courant. Hô Chi Minh, en revanche, voit le parti qu'il peut en tirer : il faut qu'il gagne avant la fin de cette conférence.
Le 13 mars 1954, le général Giap déclenche sur Diên Biên Phu un terrifiant pilonnage d'artillerie, auquel les défenseurs du camp ne s'attendaient pas et auquel ils ne possèdent pas les moyens de répondre. Les tirs alternent avec les assauts d'infanterie, à dix contre un. En cinq jours, les points d'appui Béatrice, Gabrielle et Anne-Marie tombent aux mains de l'ennemi.
Le colonel de Castries (il sera nommé général le 14 avril) commande le camp. « Sa réaction est faible » , considère le général Gras, un historien militaire. Le chef d'état-major, le colonel Keller, est dépressif (on l'évacue par avion) et le colonel Piroth, commandant l'artillerie, se suicide. Heureusement, la position centrale est dirigée par le lieutenant-colonel Langlais, un parachutiste, tandis que la position sud est tenue par le lieutenant-colonel Lalande, un officier de la Légion. Et le 16 mars, le commandant Bigeard (il recevra ses galons de lieutenant-colonel pendant la bataille) est largué sur la cuvette à la tête de son 6e BPC (bataillon de parachutistes coloniaux). « A partir du jour où il est arrivé à Diên Biên Phu, note son biographe, Erwan Bergot, c'est l'esprit même du camp retranché qui a changé. » Avec son autorité naturelle, mais sans bousculer la hiérarchie, Bigeard impose son style : ne pas subir. Ses contre-attaques, qui décimeront les rangs du Vietminh, lui vaudront l'admiration de Giap.
En tout cas, trois jours après le début de l'offensive, l'assaillant a atteint son premier objectif : le 17 mars, le pont aérien est interrompu. Bombardé, l'aérodrome sera bientôt impraticable. Dès lors, la base ne pourra être ravitaillée que par parachutage. Giap suspend le feu de son artillerie, tandis que ses hommes effectuent un travail de termites : autour du camp, ils creusent un lacis de boyaux et de tranchées, se rapprochant chaque jour un peu plus des lignes françaises.
Le 30 mars au soir, la deuxième phase de l'offensive est lancée : l'artillerie et l'infanterie du Vietminh reprennent leurs assauts meurtriers. Les verrous Eliane et Dominique doivent être abandonnés, puis Huguette tombe à son tour. Légionnaires et parachutistes manifestent une énergie surhumaine : Giap, dont les pertes sont considérables, doit mobiliser 25 000 bo doi supplémentaires. A Hanoi, le commandement français réclame des volontaires pour sauter sur le camp : pour 750 soldats, ce sera leur baptême de parachutisme.
Fin avril, dans le camp retranché, il reste 3 000 combattants valides, plus 1 200 qui sont isolés au sud, dans la position Isabelle. Sous un déluge de feu ininterrompu, dans la boue, manquant d'eau, de vivres et de munitions, képis blancs et bérets rouges repoussent les limites de l'héroïsme. Diên Biên Phu, dira Castries, c'est Verdun, mais Verdun sans la Voie sacrée. Hô Chi Minh a refusé l'intervention de la Croix-Rouge qui demandait l'évacuation des blessés. Ceux qui tiennent sur leurs jambes se servent de leur fusil. Dans l'hôpital souterrain où passe le sourire de Geneviève de Galard, l'équipe médicale opère jour et nuit dans des conditions sanitaires effroyables.
La disproportion des forces est écrasante. Peu à peu, les Viets s'emparent des derniers points d'appui. Le 7 mai, à 16 heures, après cinquante-sept jours de combat, c'est la fin. Quand la nouvelle parvient à Paris, l'Assemblée nationale est en séance : les seuls qui refusent de se lever pour rendre hommage aux hommes de Diên Biên Phu sont les députés communistes.
Officiers et soldats, 16 000 hommes ont fait partie de la garnison : on comptera 1 600 morts, 1 600 disparus, 4 800 blessés et 8 000 prisonniers, dont à peine 3 900 reviendront vivants. Côté Vietminh, le bilan sera d'environ 10 000 tués et 20 000 blessés.
Pierre Mendès France, devenu président du Conseil le 18 juin, hâte les négociations de Genève. Le 21 juillet, l'armistice est signé. Les dernières troupes françaises quitteront en 1956 un pays coupé en deux. Pour les Vietnamiens du Sud, la guerre continuera aux côtés des Américains et se terminera, en 1975, par la chute de Saigon.
Depuis, officiellement, le Vietnam est communiste. Dans la pratique, les années de plomb ont passé. Il y a maintenant plus de dix ans que Pierre Schoendoerffer a tourné sur place son Diên Biên Phu avec le concours de l'Armée populaire... Belle leçon : les peuples de vieille mémoire, quand ils ont vécu ensemble, finissent par se retrouver. Tenaillés par le « mal jaune », les anciens du corps expéditionnaire français voyagent au Vietnam. Il se murmure que certains d'entre eux, lorsqu'ils disparaîtront, veulent être incinérés afin que leurs cendres soient dispersées là-bas, sur ces lieux où ils ont tant aimé et tant souffert. Ce sera aussi une façon de rejoindre leurs camarades restés sur le terrain. Mort, où est ta victoire ?
http://www.jeansevillia.com
Il y a cinquante ans, dans une cuvette du Tonkin, 15 000 hommes du corps expéditionnaire français d'Indochine résistaient à l'assaut du Vietminh. Menée contre un adversaire courageux, cette bataille s'est soldée par une défaite, mais une défaite glorieuse.
Infirmière à l'époque, elle était convoyeuse de l'air. Après que son Dakota eut été détruit par l'ennemi, elle s'était retrouvée prisonnière de la bataille. Vingt ans et seule Européenne au milieu de 10 000 hommes : un ange en enfer. Son livre, Une femme à Diên Biên Phu, a été un succès de l'automne 2003. Quand Geneviève de Galard prononce une conférence, les jeunes se pressent pour l'écouter. Cinquante ans après Diên Biên Phu, certes, nous avons changé de monde et de société : « l'Indo » , c'est loin. Le récit de ce désastre, cependant, ne cesse de déchirer le coeur et l'âme.
Le drame se noue en 1953. Hô Chi Minh a beau être communiste, il a compris la force du nationalisme. Depuis 1945, il mène contre la puissance coloniale française une guerre qui est aussi une guerre des Vietnamiens du Nord (le Tonkin et l'Annam) contre ceux du Sud (la Cochinchine). Côté français, les chefs militaires successifs - Leclerc, de Lattre ou Salan - n'ont pu venir à bout de la rébellion. En 1949, le Vietnam a accédé à l'indépendance, mais le pays, membre de l'Union française, comme le Laos et le Cambodge, est précipité dans le vaste affrontement Est-Ouest. La Chine de Mao et l'URSS soutiennent le Vietminh, tandis que les Etats-Unis, engagés en Corée, aident financièrement la France en Indochine.
En métropole, le conflit est impopulaire. Les communistes, bien sûr, se montrent les plus virulents dans la stigmatisation de la « sale guerre » . Mais l'opinion, dans son ensemble, ne voit pas l'intérêt d'expédier à grands frais tous ces régiments professionnels à l'autre bout de la planète. A Paris, le gouvernement cherche une porte de sortie.
En mai 1953, le général Navarre est nommé commandant en chef en Indochine. Sa mission ? Créer les conditions militaires qui favoriseront un règlement politique. En gros, avant de donner l'assaut pour forcer Hô Chi Minh à négocier, il prévoit de reconstituer ses forces. D'où, au nord, une stratégie défensive. Le Vietminh, toutefois, lance une offensive vers le Laos qui vient de signer un accord de défense avec la France. A l'automne 1953, afin de barrer la route du Laos, le commandement décide donc d'établir un camp retranché dans les zones montagneuses du nord du Tonkin. Lieu choisi : le village de Diên Biên Phu.
Le 20 novembre 1953, six bataillons parachutistes sont largués au-dessus de cette vallée reculée. Afin d'acheminer hommes et matériels, un aérodrome est construit dans la cuvette. Le camp est organisé comme une couronne de points d'appui ; baptisés de prénoms féminins (Gabrielle, Isabelle ou Dominique) ils ont pour fonction de protéger l'aérodrome, centre et poumon du camp. Selon le 2e Bureau, le Vietminh ne peut pas engager plus de deux divisions dans la région, et les communications sont si difficiles que les Viets seront incapables d'y amener des canons de plus de 75 mm. Fatale erreur.
Hô Chi Minh, lui, est bien informé. Ce Lénine asiatique mesure l'effet qu'exercerait une défaite française sur l'opinion occidentale. Autour de Diên Biên Phu, il masse quatre divisions d'infanterie et sa division d'artillerie lourde : 24 pièces de 105 mm. Une noria de 700 camions Molotova (cadeau des Soviétiques) et 75 000 coolies transportent des tonnes de munitions. Ces mouvements n'échappent pas à l'état-major français, mais Navarre reste persuadé que Diên Biên Phu ne sera pas le théâtre d'un affrontement majeur. A Noël 1953, 60000 Viets cernent 12 000 Français, Marocains, Algériens et Thaïs, qui ne se doutent pas de ce qui les attend.
Au sommet de Berlin, le 18 février 1954, le gouvernement de Joseph Laniel (président du Conseil depuis juin 1953) accepte le principe d'une conférence qui s'ouvrira à Genève, au mois d'avril, afin d'examiner le problème du rétablissement de la paix en Indochine. Le général Navarre n'a pas été tenu au courant. Hô Chi Minh, en revanche, voit le parti qu'il peut en tirer : il faut qu'il gagne avant la fin de cette conférence.
Le 13 mars 1954, le général Giap déclenche sur Diên Biên Phu un terrifiant pilonnage d'artillerie, auquel les défenseurs du camp ne s'attendaient pas et auquel ils ne possèdent pas les moyens de répondre. Les tirs alternent avec les assauts d'infanterie, à dix contre un. En cinq jours, les points d'appui Béatrice, Gabrielle et Anne-Marie tombent aux mains de l'ennemi.
Le colonel de Castries (il sera nommé général le 14 avril) commande le camp. « Sa réaction est faible » , considère le général Gras, un historien militaire. Le chef d'état-major, le colonel Keller, est dépressif (on l'évacue par avion) et le colonel Piroth, commandant l'artillerie, se suicide. Heureusement, la position centrale est dirigée par le lieutenant-colonel Langlais, un parachutiste, tandis que la position sud est tenue par le lieutenant-colonel Lalande, un officier de la Légion. Et le 16 mars, le commandant Bigeard (il recevra ses galons de lieutenant-colonel pendant la bataille) est largué sur la cuvette à la tête de son 6e BPC (bataillon de parachutistes coloniaux). « A partir du jour où il est arrivé à Diên Biên Phu, note son biographe, Erwan Bergot, c'est l'esprit même du camp retranché qui a changé. » Avec son autorité naturelle, mais sans bousculer la hiérarchie, Bigeard impose son style : ne pas subir. Ses contre-attaques, qui décimeront les rangs du Vietminh, lui vaudront l'admiration de Giap.
En tout cas, trois jours après le début de l'offensive, l'assaillant a atteint son premier objectif : le 17 mars, le pont aérien est interrompu. Bombardé, l'aérodrome sera bientôt impraticable. Dès lors, la base ne pourra être ravitaillée que par parachutage. Giap suspend le feu de son artillerie, tandis que ses hommes effectuent un travail de termites : autour du camp, ils creusent un lacis de boyaux et de tranchées, se rapprochant chaque jour un peu plus des lignes françaises.
Le 30 mars au soir, la deuxième phase de l'offensive est lancée : l'artillerie et l'infanterie du Vietminh reprennent leurs assauts meurtriers. Les verrous Eliane et Dominique doivent être abandonnés, puis Huguette tombe à son tour. Légionnaires et parachutistes manifestent une énergie surhumaine : Giap, dont les pertes sont considérables, doit mobiliser 25 000 bo doi supplémentaires. A Hanoi, le commandement français réclame des volontaires pour sauter sur le camp : pour 750 soldats, ce sera leur baptême de parachutisme.
Fin avril, dans le camp retranché, il reste 3 000 combattants valides, plus 1 200 qui sont isolés au sud, dans la position Isabelle. Sous un déluge de feu ininterrompu, dans la boue, manquant d'eau, de vivres et de munitions, képis blancs et bérets rouges repoussent les limites de l'héroïsme. Diên Biên Phu, dira Castries, c'est Verdun, mais Verdun sans la Voie sacrée. Hô Chi Minh a refusé l'intervention de la Croix-Rouge qui demandait l'évacuation des blessés. Ceux qui tiennent sur leurs jambes se servent de leur fusil. Dans l'hôpital souterrain où passe le sourire de Geneviève de Galard, l'équipe médicale opère jour et nuit dans des conditions sanitaires effroyables.
La disproportion des forces est écrasante. Peu à peu, les Viets s'emparent des derniers points d'appui. Le 7 mai, à 16 heures, après cinquante-sept jours de combat, c'est la fin. Quand la nouvelle parvient à Paris, l'Assemblée nationale est en séance : les seuls qui refusent de se lever pour rendre hommage aux hommes de Diên Biên Phu sont les députés communistes.
Officiers et soldats, 16 000 hommes ont fait partie de la garnison : on comptera 1 600 morts, 1 600 disparus, 4 800 blessés et 8 000 prisonniers, dont à peine 3 900 reviendront vivants. Côté Vietminh, le bilan sera d'environ 10 000 tués et 20 000 blessés.
Pierre Mendès France, devenu président du Conseil le 18 juin, hâte les négociations de Genève. Le 21 juillet, l'armistice est signé. Les dernières troupes françaises quitteront en 1956 un pays coupé en deux. Pour les Vietnamiens du Sud, la guerre continuera aux côtés des Américains et se terminera, en 1975, par la chute de Saigon.
Depuis, officiellement, le Vietnam est communiste. Dans la pratique, les années de plomb ont passé. Il y a maintenant plus de dix ans que Pierre Schoendoerffer a tourné sur place son Diên Biên Phu avec le concours de l'Armée populaire... Belle leçon : les peuples de vieille mémoire, quand ils ont vécu ensemble, finissent par se retrouver. Tenaillés par le « mal jaune », les anciens du corps expéditionnaire français voyagent au Vietnam. Il se murmure que certains d'entre eux, lorsqu'ils disparaîtront, veulent être incinérés afin que leurs cendres soient dispersées là-bas, sur ces lieux où ils ont tant aimé et tant souffert. Ce sera aussi une façon de rejoindre leurs camarades restés sur le terrain. Mort, où est ta victoire ?
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vendredi 26 octobre 2012
jeudi 25 octobre 2012
mercredi 24 octobre 2012
OTTO DE HABSBOURG Un grand prince d'Occident
Un
figure historique vient de s'éteindre. Retour sur la vie de l'archiduc
Otto de Habsbourg-Lorraine, de l'exil au Parlement européen, où ses
positions, quoique controversées, semblaient inspirées par la doctrine
sociale de l'Église.
L'archiduc Otto de Habsbourg-Lorraine est décédé à l'âge de quatre-vingt-dix-huit ans ce lundi 4 juillet à son domicile de Pöcking en Bavière. Nous n'évoquerons pas ici son ancêtre l'empereur Charles-Quint, auquel il a consacré un ouvrage très éclairant (éd. Hachette, 1967) et qui fut au XVIe siècle l'adversaire impitoyable du roi de France, François 1er, dont il voulait enserrer le royaume dans la tenaille austro-espagnole. Les temps ont, depuis lors, bien changé. Nous ne nous permettrons pas non plus de reprocher à ce prince d'avoir, au moment de la mort de sa mère l'impératrice Zita en 1989, laissé échapper l'occasion de recueillir la couronne de Hongrie, souhaitant, comme certains l'ont dit, un destin plus largement européen...
Un immense héritage
N'allons pas chercher post mortem de mauvaises querelles à ce grand prince d'Occident, dont le père, Charles 1er, le dernier empereur d'Autriche, roi apostolique de Hongrie et roi de Bohème, a été solennellement béatifié en 2004 par le pape Jean-Paul II. Otto, né le 20 novembre 1912, avait connu les derniers fastes de Vienne au temps de l'empereur François-Joseph, il était ainsi le lien entre l'Europe d'hier et celle d'aujourd'hui, et l'un de ces hommes dont l'expérience était la plus extraordinairement bénéfique pour le continent. Il unissait en lui le sang des Habsbourg, donc celui de notre reine martyre Marie-Antoinette, et celui des Bourbons car sa mère née Zita de Bourbon Parme, décédée en 1989, dix-septième enfant de Robert, duc de Parme destitué par l'unité italienne, descendait du roi de France Charles X et, par sa grand-mère Louise de France, était la nièce d'Henri V comte de Chambord.
Charles et Zita constituaient un couple heureux et effacé, jusqu'à ce que l'assassinat de l'oncle de Charles, l'archiduc François-Ferdinand, à Sarajevo, le 28 juin 1914, mît le feu à toute l'Europe et fît d'eux les héritiers directs de François-Joseph. Puis la mort de François-Joseph lui-même, en novembre 1916, les porta sur le trône impérial en pleine guerre, et l'on se souvint longtemps du petit Otto marchant entre ses parents le jour des obsèques impériales (30 novembre 1916). L'avenir de cet enfant ne promettait pas d'être facile...
On sait combien le nouvel empereur, tout pénétré de foi, de charité et de paix chrétienne, s'activa avec ses beaux-frères Sixte et Xavier de Bourbon Parme, pour trouver dès 1916 les conditions d'une paix séparée entre l'Autriche et la France, qui eût épargné deux années de sauvage hécatombe, mais dont la classe politique française, maçonnique et qui avait juré la mort de l'empire chrétien, ne voulut pas.
Une famille errante
La fin de la guerre devait voir l'éclatement de cet empire. Malgré des tentatives de reprendre le pouvoir au moins en Hongrie, Charles et Zita furent déchus de leurs prérogatives et durent avec leurs sept enfants, dont Otto âgé de neuf ans, s'exiler dans l'île de Madère. Mais l'empereur, alors âgé de trente-quatre ans et épuisé par toutes ces tensions, mourut entouré des siens le 1er avril 1922. Sa veuve âgée de vingt-neuf ans et enceinte de son huitième enfant fit face à l'adversité avec un courage admirable. Puis la famille s'installa en Espagne et en Belgique où Otto, jeune prince parlant toutes les langues européennes, put suivre des cours de sciences sociales et politiques et obtenir un diplôme à l'université catholique de Louvain. La Deuxième Guerre mondiale et son opposition farouche au nazisme le contraignirent à s'exiler de nouveau, aux États-Unis cette fois. Puis il revint vivre tantôt en France, tantôt en Bavière, jusqu'à son mariage le 10 mai 1951 avec la princesse Regina de Saxe-Meiningen, dans la belle ville de Nancy, capitale des ducs de Lorraine dont il portait le titre, descendant de François de Lorraine, époux de l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche. De son mariage avec la princesse Regina, Otto devait avoir sept enfants.
Politique sociale
Ayant renoncé en 1961 au trône impérial d'Autriche il prit la nationalité allemande et fut élu au Parlement européen en tant que député allemand (Bavière) du parti de la CDU-CSU démocrate chrétienne ; en tant que doyen d'âge, il eut à présider entre 1979 et 1999 plusieurs séances du parlement de Strasbourg. Ses activités européennes l'accaparèrent un certain temps et l'on peut ne pas le suivre en tout ce qu'il dit ou entreprit alors en faveur de la construction européenne à laquelle, en tant que membre de la Ligue anticommuniste mondiale et président de l'Union paneuropéenne Internationale, il croyait ferme, sans toutefois en dresser un plan idéologique et tout prêt. Son information à caractère universel et son réalisme lui permettaient de dresser une image juste et précise de l'Europe et de ses besoins et de replacer les problèmes du continent dans la perspective de l'évolution du monde entier. Il se dressait contre l'idée que l'Europe serait définitivement condamnée, qu'elle n'aurait rien à apporter aux temps nouveaux. Il ne croyait pas (et il avait raison) que l'Europe subsisterait dans sa forme injuste, héritée de Yalta, et divisée en deux par l'idéologie ; il voulait des réformes sociales audacieuses qui permissent d'arracher au communisme le masque d'une révolution bienfaisante.
Esprit chrétien
Dans un beau livre consacré en 1959 au prince Otto, Marie-Madeleine Martin citait des propos de lui qui ne sont en rien démodés : « Ce qu'il nous faut c'est une réforme de la mentalité sociale, c'est une attitude nouvelle de toute la population. Et celle-ci ne peut être obtenue que par un renouveau de l'esprit chrétien, par une compréhension véritable des droits et des devoirs de chacun. Le droit au travail, le droit à un domicile, le droit de fonder une famille, le droit d'éduquer librement et adéquatement les enfants sont des droits imprescriptibles qui doivent être le fondement de l'ordre social et du programme économique de l'Europe. » On devine dans ces propos des résonances de la doctrine sociale chrétienne dont son père était imprégné et qui inspira au prince des tournées de conférences, notamment en France.
Cousin des Capétiens
Otto s'est gardé de tout désir de nivellement des nations. Au contraire, il connaissait trop l'histoire européenne pour faire table rase des identités nationales qui, toutes, doivent avoir leur place. Il n'oubliait jamais qu'il était lui aussi un fils de saint Louis et se montrait fier de ses multiples parentés capétiennes. C'est sans doute ce qui le poussa à fonder un groupe au sein du Parlement européen pour la promotion du français comme langue de référence de l'Europe. Quant au rôle de la France, il lui paraissait primordial comme il ressort d'un appel qu'il lança le 11 janvier 1952 à Paris, que cite Marie-Madeleine Martin : « Votre pays, votre France est une terre à la tradition glorieuse, pays essentiellement occidental, essentiellement chrétien, patrie d'hommes vraiment libres, qui aujourd'hui croient aux vertus et aux forces de l'homme et ne se soumettent jamais à l'arbitraire... Visez plus haut : regardez au-delà de vos petites difficultés de l'heure, au delà de vos querelles. Voyez : il y a tout un continent qui attend de vous des paroles, des initiatives dignes de votre sens de la grandeur. » Et d'évoquer sainte Jeanne d'Arc et son admirable épopée... « Amis Français, entendrez- vous aujourd'hui l'appel de l'Histoire ? L'Europe vous attend et Dieu le veut ! »
L'Europe en berne
Un deuil de treize jours a été observé à partir du 5 juillet dans plusieurs pays de l'ancien empire d'Autriche-Hongrie. Le cercueil de l'archiduc Otto a été recouvert du drapeau des Habsbourg décoré avec les manteaux impériaux et royaux de l'Autriche et de la Hongrie. Cinq messes de requiem se sont succédé en Bavière jusqu'au 16 juillet et en Autriche. Dans la cathédrale Saint-Étienne de Vienne, ont eu lieu les obsèques solennelles en présence de multiples personnalités européennes et des représentants des familles royales. La princesse Philoména, duchesse de Vendôme, accompagnée du prince Gaston, représentait la maison de France. Puis un cortège funèbre se déroula à travers la vieille ville de Vienne avant la mise au tombeau de l'archiduc et de son épouse Regina décédée le 3 février 2010, dans la crypte de Capucins. Le lendemain une messe a été célébrée à la basilique Saint-Étienne de Budapest suivie de l'inhumation du coeur de l'archiduc, à l'abbaye bénédictine de Pannonhalma, en Hongrie.
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 Du 21 juillet au 3 août 2011
L'archiduc Otto de Habsbourg-Lorraine est décédé à l'âge de quatre-vingt-dix-huit ans ce lundi 4 juillet à son domicile de Pöcking en Bavière. Nous n'évoquerons pas ici son ancêtre l'empereur Charles-Quint, auquel il a consacré un ouvrage très éclairant (éd. Hachette, 1967) et qui fut au XVIe siècle l'adversaire impitoyable du roi de France, François 1er, dont il voulait enserrer le royaume dans la tenaille austro-espagnole. Les temps ont, depuis lors, bien changé. Nous ne nous permettrons pas non plus de reprocher à ce prince d'avoir, au moment de la mort de sa mère l'impératrice Zita en 1989, laissé échapper l'occasion de recueillir la couronne de Hongrie, souhaitant, comme certains l'ont dit, un destin plus largement européen...
Un immense héritage
N'allons pas chercher post mortem de mauvaises querelles à ce grand prince d'Occident, dont le père, Charles 1er, le dernier empereur d'Autriche, roi apostolique de Hongrie et roi de Bohème, a été solennellement béatifié en 2004 par le pape Jean-Paul II. Otto, né le 20 novembre 1912, avait connu les derniers fastes de Vienne au temps de l'empereur François-Joseph, il était ainsi le lien entre l'Europe d'hier et celle d'aujourd'hui, et l'un de ces hommes dont l'expérience était la plus extraordinairement bénéfique pour le continent. Il unissait en lui le sang des Habsbourg, donc celui de notre reine martyre Marie-Antoinette, et celui des Bourbons car sa mère née Zita de Bourbon Parme, décédée en 1989, dix-septième enfant de Robert, duc de Parme destitué par l'unité italienne, descendait du roi de France Charles X et, par sa grand-mère Louise de France, était la nièce d'Henri V comte de Chambord.
Charles et Zita constituaient un couple heureux et effacé, jusqu'à ce que l'assassinat de l'oncle de Charles, l'archiduc François-Ferdinand, à Sarajevo, le 28 juin 1914, mît le feu à toute l'Europe et fît d'eux les héritiers directs de François-Joseph. Puis la mort de François-Joseph lui-même, en novembre 1916, les porta sur le trône impérial en pleine guerre, et l'on se souvint longtemps du petit Otto marchant entre ses parents le jour des obsèques impériales (30 novembre 1916). L'avenir de cet enfant ne promettait pas d'être facile...
On sait combien le nouvel empereur, tout pénétré de foi, de charité et de paix chrétienne, s'activa avec ses beaux-frères Sixte et Xavier de Bourbon Parme, pour trouver dès 1916 les conditions d'une paix séparée entre l'Autriche et la France, qui eût épargné deux années de sauvage hécatombe, mais dont la classe politique française, maçonnique et qui avait juré la mort de l'empire chrétien, ne voulut pas.
Une famille errante
La fin de la guerre devait voir l'éclatement de cet empire. Malgré des tentatives de reprendre le pouvoir au moins en Hongrie, Charles et Zita furent déchus de leurs prérogatives et durent avec leurs sept enfants, dont Otto âgé de neuf ans, s'exiler dans l'île de Madère. Mais l'empereur, alors âgé de trente-quatre ans et épuisé par toutes ces tensions, mourut entouré des siens le 1er avril 1922. Sa veuve âgée de vingt-neuf ans et enceinte de son huitième enfant fit face à l'adversité avec un courage admirable. Puis la famille s'installa en Espagne et en Belgique où Otto, jeune prince parlant toutes les langues européennes, put suivre des cours de sciences sociales et politiques et obtenir un diplôme à l'université catholique de Louvain. La Deuxième Guerre mondiale et son opposition farouche au nazisme le contraignirent à s'exiler de nouveau, aux États-Unis cette fois. Puis il revint vivre tantôt en France, tantôt en Bavière, jusqu'à son mariage le 10 mai 1951 avec la princesse Regina de Saxe-Meiningen, dans la belle ville de Nancy, capitale des ducs de Lorraine dont il portait le titre, descendant de François de Lorraine, époux de l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche. De son mariage avec la princesse Regina, Otto devait avoir sept enfants.
Politique sociale
Ayant renoncé en 1961 au trône impérial d'Autriche il prit la nationalité allemande et fut élu au Parlement européen en tant que député allemand (Bavière) du parti de la CDU-CSU démocrate chrétienne ; en tant que doyen d'âge, il eut à présider entre 1979 et 1999 plusieurs séances du parlement de Strasbourg. Ses activités européennes l'accaparèrent un certain temps et l'on peut ne pas le suivre en tout ce qu'il dit ou entreprit alors en faveur de la construction européenne à laquelle, en tant que membre de la Ligue anticommuniste mondiale et président de l'Union paneuropéenne Internationale, il croyait ferme, sans toutefois en dresser un plan idéologique et tout prêt. Son information à caractère universel et son réalisme lui permettaient de dresser une image juste et précise de l'Europe et de ses besoins et de replacer les problèmes du continent dans la perspective de l'évolution du monde entier. Il se dressait contre l'idée que l'Europe serait définitivement condamnée, qu'elle n'aurait rien à apporter aux temps nouveaux. Il ne croyait pas (et il avait raison) que l'Europe subsisterait dans sa forme injuste, héritée de Yalta, et divisée en deux par l'idéologie ; il voulait des réformes sociales audacieuses qui permissent d'arracher au communisme le masque d'une révolution bienfaisante.
Esprit chrétien
Dans un beau livre consacré en 1959 au prince Otto, Marie-Madeleine Martin citait des propos de lui qui ne sont en rien démodés : « Ce qu'il nous faut c'est une réforme de la mentalité sociale, c'est une attitude nouvelle de toute la population. Et celle-ci ne peut être obtenue que par un renouveau de l'esprit chrétien, par une compréhension véritable des droits et des devoirs de chacun. Le droit au travail, le droit à un domicile, le droit de fonder une famille, le droit d'éduquer librement et adéquatement les enfants sont des droits imprescriptibles qui doivent être le fondement de l'ordre social et du programme économique de l'Europe. » On devine dans ces propos des résonances de la doctrine sociale chrétienne dont son père était imprégné et qui inspira au prince des tournées de conférences, notamment en France.
Cousin des Capétiens
Otto s'est gardé de tout désir de nivellement des nations. Au contraire, il connaissait trop l'histoire européenne pour faire table rase des identités nationales qui, toutes, doivent avoir leur place. Il n'oubliait jamais qu'il était lui aussi un fils de saint Louis et se montrait fier de ses multiples parentés capétiennes. C'est sans doute ce qui le poussa à fonder un groupe au sein du Parlement européen pour la promotion du français comme langue de référence de l'Europe. Quant au rôle de la France, il lui paraissait primordial comme il ressort d'un appel qu'il lança le 11 janvier 1952 à Paris, que cite Marie-Madeleine Martin : « Votre pays, votre France est une terre à la tradition glorieuse, pays essentiellement occidental, essentiellement chrétien, patrie d'hommes vraiment libres, qui aujourd'hui croient aux vertus et aux forces de l'homme et ne se soumettent jamais à l'arbitraire... Visez plus haut : regardez au-delà de vos petites difficultés de l'heure, au delà de vos querelles. Voyez : il y a tout un continent qui attend de vous des paroles, des initiatives dignes de votre sens de la grandeur. » Et d'évoquer sainte Jeanne d'Arc et son admirable épopée... « Amis Français, entendrez- vous aujourd'hui l'appel de l'Histoire ? L'Europe vous attend et Dieu le veut ! »
L'Europe en berne
Un deuil de treize jours a été observé à partir du 5 juillet dans plusieurs pays de l'ancien empire d'Autriche-Hongrie. Le cercueil de l'archiduc Otto a été recouvert du drapeau des Habsbourg décoré avec les manteaux impériaux et royaux de l'Autriche et de la Hongrie. Cinq messes de requiem se sont succédé en Bavière jusqu'au 16 juillet et en Autriche. Dans la cathédrale Saint-Étienne de Vienne, ont eu lieu les obsèques solennelles en présence de multiples personnalités européennes et des représentants des familles royales. La princesse Philoména, duchesse de Vendôme, accompagnée du prince Gaston, représentait la maison de France. Puis un cortège funèbre se déroula à travers la vieille ville de Vienne avant la mise au tombeau de l'archiduc et de son épouse Regina décédée le 3 février 2010, dans la crypte de Capucins. Le lendemain une messe a été célébrée à la basilique Saint-Étienne de Budapest suivie de l'inhumation du coeur de l'archiduc, à l'abbaye bénédictine de Pannonhalma, en Hongrie.
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 Du 21 juillet au 3 août 2011
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mardi 23 octobre 2012
Des origines à nos jours Le paysan et ses outils
Au
commencement, les hommes vivaient dans des abris sous roche et tiraient
leur subsistance de la chasse, de la pêche et de la cueillette... Peu
nombreux, ils se déplaçaient en petits groupes et jouissaient sans trop
de mal des fruits de la Terre.
Tout
change vers 12.500 ans av. J.-C.. Avec la fin des grandes glaciations,
le Moyen-Orient se couvre de graminées (céréales). Les hommes de cette
région n’ont plus besoin de se déplacer pour quérir leur nourriture. Ils
se regroupent dans des villages pour des raisons sociales, culturelles,
rituelles... et aussi parce qu'ils y trouvent plus de confort. C’est le
cas en particulier des femmes enceintes ou en charge de nourrissons,
des handicapés et des personnes âgées.
Mais
avec le confort, les villages voient leur population s’accroître. Les
habitants doivent chercher la nourriture de plus en plus loin. Pour
s’épargner cette peine, les plus astucieux ensemencent eux-mêmes les
abords de leur village.
C’est ainsi que naît l’agriculture, fille de la sédentarisation. Nous sommes les ultimes héritiers de cette «révolution néolithique».
Nous allons vous raconter ici comment, grâce à l’ingéniosité humaine,
elle a permis de multiplier par mille la population de la planète.
Isabelle Grégor
Que sont nos paysans devenus ?
À
l’occasion des Rendez-vous de l’Histoire (Blois, 2012), Jean-Marc
Moriceau, historien de la ruralité, s’est entretenu avec notre confrère
le magazine Pèlerin sur la famille paysanne et son évolution en France au cours des siècles.Il nous met en garde contre les clichés et rappelle par exemple qu’il était assez rare de voir plusieurs générations sous un même toit, y compris et surtout au Moyen Âge. Il montre aussi l’évolution du statut de la femme et du rôle de l’enfant…
La «révolution néolithique»
Avec
la naissance de l'agriculture, notre ancêtre va doucement bouleverser
son rapport avec la nature, ne se contentant plus de collecter les
richesses du monde environnant, par la chasse, la pêche et la
cueillette, mais choisissant de le domestiquer. Il se met ainsi à
sélectionner plantes et animaux autrefois sauvages pour mieux maîtriser
son approvisionnement. Après le chien, animal de compagnie et compagnon
de chasse, le premier animal domestique est la chèvre.
Le
paysan met son adresse au service de l'élaboration d'outils lui
permettant de travailler la terre et ses productions : bâtons à fouir ou
à battre les épis mais aussi haches, dont la lame polie est moins
cassante, et faucilles en silex dentelé fixées avec du bitume sur des
manches en bois démontables. Il broie les grains dans des mortiers ou
dans des meules qui lui font découvrir les vertus du polissage de la
pierre. Il développe la vannerie, la céramique et la poterie en vue de
trier et stocker les céréales.
Les
hommes tirent-t-ils profit de cette révolution ? Certes, ils se
multiplient grâce à une alimentation plus régulière et de meilleures
conditions de vie induites par la sédentarité. Mais leur état physique
se dégrade (taille, ossature, dentition…) du fait de travaux agricoles
pénibles et répétitifs.
L'arrivée des métaux
C'est
en Anatolie (Turquie actuelle) que le cuivre est d'abord utilisé pour
la fabrication de petits objets ou bijoux. Mais rapidement, au Ve
millénaire en Mésopotamie (Irak actuel),
le travail du métal permet à l'humanité de faire un bond en avant : en
perfectionnant les fours, les artisans parviennent à élaborer des
instruments plus grands et solides. L'innovation conforte en particulier
la menuiserie qui voit ses outils gagner en précision.
Vers cette époque (4.000 av. J.-C.) naît l'araire,
qui permet de creuser des sillons dans la terre pour y jeter les
semences. On ne tarde pas à la compléter par un semoir : les semences
sont versées non plus à la volée mais à travers un tube en roseau fixé
au manche de l'araire. Cet outil-verseur va augmenter de moitié les
rendements céréaliers par rapport au semis à la volée.
En
Égypte, sur les sols rendus meubles par les inondations du Nil, les
paysans utilisent bientôt une araire améliorée, avec un versoir qui
rejette la terre sur le côté. C'est une ébauche de la charrue.
La
découverte de la technique de l'alliage, il y a 5.000 ans, permet aux
habitants de Mésopotamie de produire des outils en bronze, mélange de
cuivre et d’étain, plus résistants et faciles à travailler. Avec
l'arrivée du fer, mis au point par les Hittites vers 1.500 av. J.-C.,
les moyens de traction et de défrichement gagnent encore en solidité.
Relativement répandu, le fer devient un composant essentiel du monde
agricole auquel il fournit des outils robustes et finalement assez bon
marché : houe, bêche, pioche... Le Croissant fertile, de la Mésopotamie à l'Égypte, en profitent largement.
La roue fait tourner le monde
Quand,
vers 3.400 av. J.-C., un scribe mésopotamien a reproduit sur sa
tablette un simple rond, il ne savait pas que cette première
représentation de la roue, sous forme de pictographe, allait marquer une
étape majeure dans le progrès technique. Cette création, issue
probablement de l'utilisation de rondins de bois, va susciter
l’apparition du tour du potier, de la charrette et du char de combat.D'abord composée d'un seul bloc puis de trois éléments, la roue est progressivement allégée jusqu'à se constituer de rayons, avec un essieu indépendant, au XVIIIe siècle av. J.-C. en Mésopotamie.
Les Gaulois auront l'idée de renforcer la roue avec un cerclage en fer pour en éviter l'usure. Beaucoup plus tard, au XIXe s. nos aïeux ajouteront un revêtement de caoutchouc afin de minimiser les chocs et améliorer ainsi le confort des voyageurs.
Inconvénient d’une main-d’œuvre servile
Au
Ier millénaire av. J.-C., la montée en puissance des cités grecques
puis de Rome ne débouche sur aucune avancée dans la vie des paysans. Les
ingénieurs, tel Archimède,
emploient leur talent dans les applications militaires ou les
infrastructures urbaines. Pour les durs travaux de la terre, Grecs et
Romains se satisfont de la main-d’œuvre servile procurée par les
campagnes militaires. En matière de progrès agricoles, c'est du nord que
vient l'innovation : les Celtes, autrement dit «nos ancêtres les Gaulois»,
conçoivent le tonneau en bois, plus pratique que les amphores en terre
cuite, pour la conservation et le transport du vin. Ce peuple, très en
avance en matière de charronnerie, met sa maîtrise des métaux au service
du travail de la terre en inventant le soc de «l'araire gauloise» qui permet d'approfondir le sillon tracé et cultiver des sols plus difficiles.
Au 1er s. de notre ère, le vallus, une machine à moissonner, voit même le jour. Elle est décrite ici par Pline : «
Dans les grands domaines des Gaules, de puissantes moissonneuses,
pourvues de dents, sont poussées sur deux roues à travers la moisson par
une bête de trait attelée en sens contraire : elles arrachent les épis
qui tombent dans la moissonneuse » (Histoire naturelle, Ier s.)
La campagne dans l’Antiquité tardive
«
Voici les objets dont on doit se pourvoir à la campagne : des charrues
simples, ou, si le pays est plat, des charrues à oreilles qui, en
élevant davantage les raies du labour, préservent les semences du séjour
de l'eau pendant l'hiver ; des pioches, des houes, des serpes pour
tailler les arbres et la vigne ; des faucilles pour la moisson, des faux
pour la fenaison; des hoyaux, des loups, c'est-à-dire de petites scies à
manche, dont les plus grandes n'aient qu'une coudée, qu'on peut
facilement introduire au milieu des arbres ou des vignes pour les
couper, ce qui est impraticable avec une scie commune; des plantoirs
pour fixer les sarments dans les terres façonnées ; des faux en forme de
croissant affilées par le dos ; des serpettes courbes pour détacher
plus aisément des jeunes arbres les frousses sèches ou trop saillantes ;
des faucilles dentelées pour couper la fougère ; de petites scies, des
sarcloirs et des outils pour se débarrasser des ronces ; des haches
simples ou à pic ; des pioches simples ou fourchues ; des haches dont le
dos ressemble à une herse ; des cautères, des instruments pour la
castration et pour la tonte, ou pour le pansement des animaux ; des
tuniques de peau avec des capuchons, des guêtres et des gants de peau
qui puissent servir dans les forêts ou dans les buissons, tant aux
ouvrages rustiques qu'à l'exercice de la chasse». (Palladius, L'économie
rurale, Ve s.)
À la chute de l'empire romain d’Occident, Byzance préserve vaille que vaille l’héritage scientifique de la Grèce hellénistique et va le transmettre aux puissances en devenir, l'Islam et l'Occident chrétien.
Dans
les terres conquises par les cavaliers musulmans, tout comme le
sous-continent indien, les paysans bénéficient de progrès sensibles dans
la gestion de l'eau comme dans l'utilisation des engrais et la
diversification des espèces.
Passé
maître dans de nouvelles cultures (la pistache en Syrie, le café au
Yémen ou l'orange en Andalousie...), le monde arabo-persan ne s'arrête
pas là et crée de nouvelles variétés de fleurs, comme la tulipe.
Il s'intéresse également à leur classification pour pouvoir mieux en
utiliser les vertus médicinales. L'Orient chinois n'est pas en reste en
matière agricole avec l’invention au début de l'ère chrétienne de
l'indispensable brouette puis, au VIe siècle, de la charrue à versoir
avec soc métallique qui permet aux animaux de trait de moins se
fatiguer.
Maîtriser les eaux
Née
en Mésopotamie, dans le pays des grands fleuves, le Tigre et
l’Euphrate, l'agriculture a su très vite apprivoiser l’eau dont elle ne
peut se passer.Dès 5.000 av. J.-C., les habitants de la région créent canaux, vannes et rigoles pour irriguer leurs terres semi-arides en. Dans les régions isolées, ils s'aident d'engins élévatoires appelés chadoufs composés d'un levier, d'un contre-poids et d'un seau pour extraire de leurs puits le précieux liquide. Ces engins rustiques mais efficaces sont encore utilisés sur les bords du Nil.
En Perse, 1.000 ans av. J.-C., des équipes de puisatiers creusent des qanats (tunnels souterrains) à la recherche des nappes phréatiques. Les ingénieurs arabes, quant à eux, exploitent les techniques de l'Antiquité, de la Grèce à l'Égypte, pour mettre au point d'impressionnantes norias. N'y en avait-il pas, nous dit-on, près de 5.000 sur le Guadalquivir (Espagne) au XIIIe siècle ?
De la même façon, les Chinois tirent profit de la souplesse du bambou pour construire des roues à eau et alimenter leurs immenses rizières. Dans certaines régions, des systèmes d'engrenages (saqiya dans les pays arabes) améliorent encore les pompes en diminuant la force de traction nécessaire à leur fonctionnement.
En Amérique au contraire, ce sont les techniques de terrassement et de drainage qui s'avèrent à la pointe du progrès : les Aztèques asséchaient ainsi des zones entières de marais qu'ils protégeaient ensuite par des digues.
Un Moyen Âge inventif
Le
Moyen Âge européen entraîne un foisonnement d’innovations dans le
domaine agricole dont l’une des plus importantes est la charrue.
Grâce à un long couteau en fer, le coutre,
qui ouvre la terre avant le passage du soc et de son versoir, elle
permet dès le VIIIe siècle la mise en culture des sols lourds et
argileux de l’Europe du nord.
Pesante
pour mieux éventrer les lourdes terres, souvent montée sur roues, elle
nécessite des attelages d'au moins huit bœufs avant que prennent la
relève des chevaux de races résistantes, introduits par les Barbares au
VIIIe siècle.
Ces
attelages sont permis grâce à des systèmes d’attelage innovants qui
allègent la peine des animaux ; le harnais de trait et le collier
d’épaule, venus de Chine et introduits en Europe dès avant l’An Mil. À
la même époque se diffuse aussi le fer à cheval (ou à bœuf).
Correctement
attelés grâce au nouveau collier d'épaule et disposés en file indienne
pour additionner les efforts, les chevaux se révèlent efficaces dans des
champs gras où ils dérapent moins que les bœufs. Ils allègent
considérablement le travail du paysan et participent au bond en avant de
l'agriculture médiévale.
Ils
révolutionnent aussi le transport des charges lourdes. Avec le harnais,
une paire de chevaux arrive à tirer jusqu'à six tonnes alors que, sous
l'Antiquité, ils ne pouvaient tirer plus de 500 kilos sous peine
d'étranglement et un édit de l'empereur Théodose avait même fait de
cette limite une obligation légale.
Nantis
d'animaux, les paysans recueillent avec soin le fumier pour amender les
champs. Les moutons sont particulièrement appréciés : leurs troupeaux
sont conduits sur les jachères afin de les enrichir de leurs excréments
et d'aérer le sol de leurs sabots qu'en bons connaisseurs, les paysans
qualifient de «sabots d'or».
Un
outil, la herse, qui ne servait jusqu'alors qu'à désherber, gagne de
l'importance en permettant de recouvrir les semis. Grandes faux et
faucilles - moins chères - demeurent les traditionnels outils de la
moisson. Les épis, une fois coupés, sont battus au fléau de façon à en
extraire les grains.
Les
rendements sont honorables compte tenu des techniques disponibles. Dans
les céréales, on arrive sur les bonnes terres à sept ou huit grains
récoltés par grain semé (contre vingt pour un en moyenne aujourd'hui).
Il
s'ensuit une amélioration des conditions de vie avec une alimentation
relativement riche et variée qui inclut le pain de froment et la viande
dans les régions les plus avancées comme le Bassin Parisien. «Ces
campagnes médiévales d'Occident nourrissent mieux leurs hommes que ne
l'ont fait ou ne le font encore tant d'autres pays où la faim est un mal
de chaque année», souligne l'historien Jacques Heers.
Le moulin remplace le travailleur
Dès
l’Antiquité, pour en finir avec la corvée de la meule qui écrase les
grains, on a cherché à remplacer le travail humain par la force animale
ou la force mécanique. Doté d'une roue verticale ou horizontale, le
moulin utilise selon les régions la force du vent (VIIe siècle, en
Afghanistan), des rivières (IIIe siècle, en Turquie), voire de la marée,
dès le Xe à Bassora (Irak) et le XIIe siècle dans la région nantaise.Gros demandeur en argent et savoir-faire, ce bâtiment en bois ou pierre est vite devenu symbole du pouvoir.
Son développement, freiné pendant l'Antiquité par la disponibilité de nombreux esclaves, a été relancé au XIIe siècle du fait de l'explosion démographique et des ordres religieux, en particulier les Cisterciens et le Chartreux, qui eurent plus que quiconque le souci d’économiser la peine des hommes et comprirent l'intérêt de cette machine pour d'autres secteurs que l’agriculture (textile, métallurgie puis papier).
De la mécanisation à la fin des paysans
Riche
en exploits scientifiques, la Renaissance a peu profité aux paysans.
L'époque ne manque pourtant pas de visionnaires, comme Olivier de
Serres, devenu le père de l'agronomie moderne avec la publication du Théâtre d'Agriculture et Mesnage des Champs
(1599). Dans cet essai inspiré par ses propres expérimentations et les
agronomes romains tel Columelle, il préconise en particulier la
suppression de la jachère (on laisse reposer le sol pendant une année
après avoir récolté les céréales) et son remplacement par un semis de
légumineuses comme la luzerne, des plantes riches en azote qui vont
restaurer le sol et servir à l'alimentation du bétail.
Mais le progrès n'est pas linéaire : «La situation alimentaire était, pour les paysans, bien meilleure au temps de Charles VII et de Louis XI que deux siècles plus tard»,
note cruellement Jacques Heers. Jusqu'à l’aube du XVIIIe siècle, les
innovations techniques sont maigres comme s'en plaignent les Encyclopédistes : «Que
l'on compare une charrue à une chaise de poste ! On verra que l'une est
une machine grossière ; l'autre, au contraire, est un chef-d’œuvre
auquel tous les arts ont concouru. Notre charrue n'est pas meilleure que
celle des Grecs et des Romains. […] L'art de la culture des terres a
été négligé, parce qu'il n'a été exercé que par les gens de la campagne.
Les objets de luxe ont prévalu, même en agriculture. […] Nous
connaissons l'architecture des jardins, tandis que la mécanique du
laboureur n'a presque fait aucun progrès» (article «Botanique» de L'Encyclopédie, 1751).
Il faut attendre le Siècle des Lumières pour que le souci de faciliter les travaux des champs et développer les rendements s'impose aux ingénieurs.
La mécanisation s’accélère avec la révolution industrielle au siècle suivant et l’arrivée de la machine à vapeur.
«L'introduction
d'un matériel perfectionné dans une ferme […] est véritablement une
œuvre de progrès et d'humanité et c'est ce but que le Gouvernement de la
République s'attache à poursuivre». Cette circulaire adressée aux
préfets par le ministère de l'Agriculture en 1876 résume bien l'esprit
de ce siècle : il est temps de faire profiter la paysannerie des
avancées techniques considérables qui marquent l'époque.
Paradoxalement,
cela ne va pas sans réticences : n'est-ce pas enlever sa subsistance au
paysan qui, à l'image du laboureur (du latin laborare :
travail), se définit par sa capacité à effectuer une activité manuelle ?
Adam n'a-t-il pas été condamné à vivre à la sueur de son front ?
Par
ailleurs le monde agricole, replié sur lui-même, voit encore d'un
mauvais œil ces techniques nouvelles qui s'adaptent mal aux parcelles
morcelées. Et pourquoi s'endetter lourdement si la main-d'oeuvre
abonde ? Enfin, nombre de paysans ne sont toujours pas propriétaires de
leurs terres : métayers ou salariés, il restent au service de grands
propriétaires qui leur confient des surfaces réduites. La marche du
progrès entraînée par la révolution industrielle ne s'arrête pas à ces
considérations.
Superstitions paysannes
Outil
de travail dont dépend le sort de la famille, le matériel agricole est
l'objet de toutes les attentions de la part de son propriétaire qui
n'hésite pas à faire intervenir l'irrationnel pour le protéger.C'est ainsi que le laboureur, avant de tracer les premiers sillons avec une nouvelle charrue, va tracer une croix de cire sur ses manchons. Il se place ainsi dans la tradition antique : Romulus n'a-t-il pas tracé les contours de Rome à l'aide du charrue comme, avant lui, avait symboliquement fondé la ville d'Éryx (Sicile) en délimitant un espace sacré ?
De leur côté, les moissonneurs appellent la protection de saint Jean sur leurs faux et faucilles en les brandissant au-dessus des traditionnels feux de joie de la Saint Jean-Baptiste (24 juin). Fixer un de ces instruments sur le pignon nord de sa cheminée permet par ailleurs de protéger du mauvais sort, tandis que verser sur la lame l'eau de sa toilette repousse les maladies. Mais attention à ne pas brûler un timon de votre charrue, vous risqueriez une agonie longue et douloureuse !
La
fin du XIXe siècle voit le triomphe de la motorisation dans les
campagnes, encouragée par les sociétés d'agriculteurs, très actives et
enthousiastes, et par les grandes exploitations confrontées au départ de
la main-d’œuvre pour les villes.
Des
fabricants de machines inondent les campagnes de leurs catalogues.
C'est le cas de l'Américain Mc Cormick qui introduit sa moissonneuse en
France en 1851 : de conception assez simple, tirée par un unique cheval,
elle met fin à la corvée du fauchage manuel des champs et se répand
très rapidement dans les fermes.
En
1875, apparaissent aux États-Unis les premiers tracteurs à moteur à
explosion. Mais, chers, complexes et peu pratiques, ces monstres d'acier
peinent à prendre la place des premières locomobiles. Les faucheuses
(1822), batteuses (1818) et faneuses (1816) rencontrent plus de succès.
Elles permettent aux campagnes d'accéder à l'autosuffisance alimentaire
tout en les affranchissant de la pénurie de main-d'oeuvre, attirée en
ville par la révolution industrielle.
Après
la création en 1881 du ministère de l'Agriculture, les travailleurs de
la terre trouve une nouvelle aide précieuse dans l'apparition des
syndicats agricoles, en 1884, qui les soutiennent pour les achats en
commun. L'État reprendra l'initiative après 1918 pour relever le monde
agricole, saigné par la Grande Guerre, en facilitant le remembrement
tout en multipliant la production de tracteurs.
En
1939, la moissonneuse-batteuse fait son apparition mais, comme
l'ensemble du matériel agricole moderne, il lui faudra attendre les «Trente Glorieuses» de la seconde moitié du XXe siècle pour s'imposer.
Après la Seconde guerre mondiale, en effet, «L'agriculture française sera moderne ou ne sera pas», pour reprendre l'expression de l'agronome René Dumont.
La
mécanisation devient une des priorités du plan Monnet qui ambitionne de
doter les campagnes de 200 000 tracteurs et d'y répandre l'utilisation
des engrais. Les forgerons et inventeurs d'antan laissent alors la place
aux groupes internationaux qui approvisionnent les nouvelles
coopératives, soutenues par les banques.
Les
tracteurs se font alors plus petits pour permettre à un homme seul de
les utiliser tandis que des engins géants mettent en valeur les plus
grandes propriétés. La mécanisation s'impose aujourd'hui dans la plupart
des activités agricoles, en Europe et dans les pays émergents.
Pour répondre au principe de «toujours plus, plus vite»,
l'informatique et les hautes technologies sont entrées dans les
fermes transformées en petites entreprises : services de météorologie,
logiciels de déclarations et cadastres sont désormais accessibles en un
clic.
Les
rendements à l'hectare explosent mais c'est trop souvent au prix d'une
dégradation des sols et de la biodiversité ainsi que d'une consommation
massive de ressources fossiles (hydrocarbures). Les conditions de vie
des derniers paysans s'améliorent et se rapprochent de celles des
citadins mais parfois au prix de leur asservissement au secteur
agro-industriel et à la grande distribution.
Sources bibliographiques
- «L'Homme et la machine» (Les Cahiers Science et vie, n°132, octobre 2012).
- Jacques Heers, Le travail au Moyen Âge, (Que sais-je? PUF, 1965).
- Marie-Claire Amouretti et Georges Comet, Hommes et techniques de l'Antiquité à la Renaissance, éd. Armand Colin, 1993.
- Georges Duby, L'Économie rurale et la vie des campagnes dans l'Occident médiéval, Flammarion, 1962.
- Jacquetta Hawkes, Atlas culturel de la préhistoire et de l'antiquité, Elsevier, 1978.
- Rosine Lagier, Il y a un siècle... la France paysanne, Ouest-France, 2003.
- Christophe Lefébure et Alain Baraton, Les Outils et travaux de la ferme, Flammarion («La Maison rustique»), 2006.
- Jacques Heers, Le travail au Moyen Âge, (Que sais-je? PUF, 1965).
- Marie-Claire Amouretti et Georges Comet, Hommes et techniques de l'Antiquité à la Renaissance, éd. Armand Colin, 1993.
- Georges Duby, L'Économie rurale et la vie des campagnes dans l'Occident médiéval, Flammarion, 1962.
- Jacquetta Hawkes, Atlas culturel de la préhistoire et de l'antiquité, Elsevier, 1978.
- Rosine Lagier, Il y a un siècle... la France paysanne, Ouest-France, 2003.
- Christophe Lefébure et Alain Baraton, Les Outils et travaux de la ferme, Flammarion («La Maison rustique»), 2006.
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