En
1410, à Tannenberg, Grunwald pour les Polonais, l'armée du roi de
Pologne Ladislas II Jagellon écrasa les chevaliers teutoniques. Sylvain
Gougenheim consacre un livre à cette bataille, devenue un symbole de la
nation polonaise.
Premier septembre 1914, Tannenberg. La 8e armée du général Hindenburg vient d'écraser la 2e armée russe du général Samsonov. L'histoire est connue : la bataille offrait la Prusse orientale aux Allemands... La guerre commençait bien pour eux. Le lendemain, Hindenburg reçoit la Eisernen Kreuzes, la Croix du Mérite. Puis, après la bataille des Lacs Mazures, le voilà commandant des armées du front oriental...
La réalité était belle, il fallait l'entourer d'une part de mythe. Le colonel Hoffmann, aide de camp du futur général en chef, Luddendorf, suggéra à ce dernier d'appeler le premier des grands combats de l'armée allemande « Tannenberg » L'intention d'Hoffman était claire : il s'agissait d'effacer une autre bataille de Tannenberg, celle du 15 juillet 1410 qui opposa dans la région les troupes lituano-polonaises et l'Ordre teutonique. Luddendorf, qui s'attribua la paternité du nom, lança à l'occasion : « Sur ma proposition, la bataille fut appelée "la bataille de Tannenberg ", en souvenir de ce combat devant l'alliance des armées lituanienne et polonaise. L’Allemand permettra-t-il encore à nouveau que le Lituanien, et surtout le Polonais, profitent de notre impuissance pour nous bafouer ? La séculaire culture allemande doit-elle disparaître ? » Cela s'appelle au moins une vengeance, sinon un parti pris idéologique visant à effacer une humiliation inscrite dans les mémoires.
Une bataille inscrite dans l'art et la mémoire
Pourtant, il est assez difficile d'établir un lien entre les chevaliers teutoniques, ordre militaire au service de la papauté, et l'armée prussienne des débuts du XXe siècle... « L'idéologie, écrit Sylvain Gougenheim, n'est pas l'histoire : la bataille de 1410 ne fut pas une avant première de celle de 1914 ; elle vaut, par son importance, d'être connue pour elle-même. » De fait, les passionnés d'histoire militaire et d'histoire médiévale prendront un plaisir certain à lire ce nouvel opus de l'excellente collection L'Histoire en bataille, publiée aux éditions Tallandier.
Comme souvent dans l'histoire militaire, les noms des défaites ou des victoires changent d'un camp à l'autre. Pour les Polonais, Tannenberg s'appelle la bataille de Grunwald. Celle-ci présida à la fondation de la nation polonaise avec, à sa tête, le fameux roi Ladislas II Jagellon, dont le nom fut donné à une des plus vieilles universités d'Europe. Grunwald est à l'histoire de la Pologne, ce que Poitiers est à la nôtre. Elle renvoie à la résistance du pays aux invasions extérieures et fait figure de référence dans l'histoire romantique du XIXe siècle, alors que la Pologne était écartelée entre la Prusse, l'Autriche et la Russie.
Spécialiste de l'histoire militaire, auteur notamment d'une monographie consacrée aux chevaliers teutoniques, Gougenheim a aussi été la victime du politiquement correct en remettant en cause les canons de l'influence de l'Islam dans l'Occident médiévale. S'ensuivit une cabale universitaire absolument ignoble et totalement inédite contre son œuvre. Or, comme le prouve encore l'ouvrage qu'il vient de consacrer à Tannenberg, son travail est toujours documenté, très bien écrit et concis. L'auteur offre une vision complète des rapports de forces à la veille du conflit, des tentatives de pacification entre les parties et de l'affrontement final. Il décrit le champ de bataille, mais aussi la guerre secrète que se livrent les espions des deux camps, l'armement des combattants, les techniques et les stratégies de combat...
L'affirmation de son identité
Ce livre nous plonge littéralement dans la réalité médiévale guerrière.
Mais comme tous les grands faits militaires, la bataille s'est ensuite inscrite dans la littérature, l'art et les mémoires. Et ce n'est pas la moindre des qualités de cet ouvrage que de nous décrire cette évolution jusqu'au XXe siècle. Le lecteur se trouve ainsi mêlé à cette nation souffrante mais courageuse qui, au fil des âges, n'a cherché qu'une chose : l'affirmation de son identité.
Christophe Mahieu monde & vie 20 octobre 2012
Sylvain Gougenheim.Tonnenberg, 15 juillet 1410, Tallandier, coll. L'histoire en batailles, 263 pages, 18,90 €.
Premier septembre 1914, Tannenberg. La 8e armée du général Hindenburg vient d'écraser la 2e armée russe du général Samsonov. L'histoire est connue : la bataille offrait la Prusse orientale aux Allemands... La guerre commençait bien pour eux. Le lendemain, Hindenburg reçoit la Eisernen Kreuzes, la Croix du Mérite. Puis, après la bataille des Lacs Mazures, le voilà commandant des armées du front oriental...
La réalité était belle, il fallait l'entourer d'une part de mythe. Le colonel Hoffmann, aide de camp du futur général en chef, Luddendorf, suggéra à ce dernier d'appeler le premier des grands combats de l'armée allemande « Tannenberg » L'intention d'Hoffman était claire : il s'agissait d'effacer une autre bataille de Tannenberg, celle du 15 juillet 1410 qui opposa dans la région les troupes lituano-polonaises et l'Ordre teutonique. Luddendorf, qui s'attribua la paternité du nom, lança à l'occasion : « Sur ma proposition, la bataille fut appelée "la bataille de Tannenberg ", en souvenir de ce combat devant l'alliance des armées lituanienne et polonaise. L’Allemand permettra-t-il encore à nouveau que le Lituanien, et surtout le Polonais, profitent de notre impuissance pour nous bafouer ? La séculaire culture allemande doit-elle disparaître ? » Cela s'appelle au moins une vengeance, sinon un parti pris idéologique visant à effacer une humiliation inscrite dans les mémoires.
Une bataille inscrite dans l'art et la mémoire
Pourtant, il est assez difficile d'établir un lien entre les chevaliers teutoniques, ordre militaire au service de la papauté, et l'armée prussienne des débuts du XXe siècle... « L'idéologie, écrit Sylvain Gougenheim, n'est pas l'histoire : la bataille de 1410 ne fut pas une avant première de celle de 1914 ; elle vaut, par son importance, d'être connue pour elle-même. » De fait, les passionnés d'histoire militaire et d'histoire médiévale prendront un plaisir certain à lire ce nouvel opus de l'excellente collection L'Histoire en bataille, publiée aux éditions Tallandier.
Comme souvent dans l'histoire militaire, les noms des défaites ou des victoires changent d'un camp à l'autre. Pour les Polonais, Tannenberg s'appelle la bataille de Grunwald. Celle-ci présida à la fondation de la nation polonaise avec, à sa tête, le fameux roi Ladislas II Jagellon, dont le nom fut donné à une des plus vieilles universités d'Europe. Grunwald est à l'histoire de la Pologne, ce que Poitiers est à la nôtre. Elle renvoie à la résistance du pays aux invasions extérieures et fait figure de référence dans l'histoire romantique du XIXe siècle, alors que la Pologne était écartelée entre la Prusse, l'Autriche et la Russie.
Spécialiste de l'histoire militaire, auteur notamment d'une monographie consacrée aux chevaliers teutoniques, Gougenheim a aussi été la victime du politiquement correct en remettant en cause les canons de l'influence de l'Islam dans l'Occident médiévale. S'ensuivit une cabale universitaire absolument ignoble et totalement inédite contre son œuvre. Or, comme le prouve encore l'ouvrage qu'il vient de consacrer à Tannenberg, son travail est toujours documenté, très bien écrit et concis. L'auteur offre une vision complète des rapports de forces à la veille du conflit, des tentatives de pacification entre les parties et de l'affrontement final. Il décrit le champ de bataille, mais aussi la guerre secrète que se livrent les espions des deux camps, l'armement des combattants, les techniques et les stratégies de combat...
L'affirmation de son identité
Ce livre nous plonge littéralement dans la réalité médiévale guerrière.
Mais comme tous les grands faits militaires, la bataille s'est ensuite inscrite dans la littérature, l'art et les mémoires. Et ce n'est pas la moindre des qualités de cet ouvrage que de nous décrire cette évolution jusqu'au XXe siècle. Le lecteur se trouve ainsi mêlé à cette nation souffrante mais courageuse qui, au fil des âges, n'a cherché qu'une chose : l'affirmation de son identité.
Christophe Mahieu monde & vie 20 octobre 2012
Sylvain Gougenheim.Tonnenberg, 15 juillet 1410, Tallandier, coll. L'histoire en batailles, 263 pages, 18,90 €.
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