samedi 30 juillet 2011

987 : Tout commence à Senlis

Prélude au mariage princier du 2 mai… Perdue par d'incessantes querelles autour de la Lorraine, la dynastie carolingienne s'éteint. À la mort de Louis V, l'archevêque de Reims, Adalbéron, oeuvre en faveur de l'élection d'Hugues Capet, loin d'imaginer qu'il engageait la France pour huit cents ans !
Cette année-là, Hugues Capet, duc des Francs, quarante-sept ans, attendait, avec patience et vigilance, que la dynastie carolingienne finît de s'effilocher. Ces descendants de Charlemagne avaient laissé la souveraineté s'émietter, se faisant les obligés de toute une “clientèle” vassalique et anarchique, tandis qu'ils s'essoufflaient à disputer à l'empereur romain germanique la Lorraine que les différents partages consécutifs au traité de Verdun leur avaient enlevée.
Les Robertiens
Tôt ou tard, si la France ne devait pas mourir, viendrait l'heure de ceux que l'on nommait alors les Robertiens, ces descendants de Robert le Fort, héroïques défenseurs de la cité contre tout envahisseur, et dont le représentant depuis 956 était ce valeureux Hugues surnommé Capet en tant qu'abbé laïc de l'église de Tours où était gardée la chape de saint Martin. Il savait que, déjà, comblant les défaillances des Carolingiens, son oncle Eudes (de 888 à 898), puis son grand-père Robert (de 922 à 923) avaient ceint la couronne des Francs (1). Son père, toutefois, Hugues dit le Grand, duc des Francs, avait su ne pas bousculer l'Histoire. À vouloir se précipiter vers le pouvoir il risquait de s'attirer la méfiance des autres féodaux…
Alors Hugues le Grand avait “fait” roi Louis IV d'Outre-mer, fils du minable Charles III le Simple ; puis Hugues et Louis IV ayant épousé tous les deux une soeur de l'empereur Othon 1er, s'étaient retrouvés beaux-frères et Hugues, à la mort de Louis avait fait élire et couronner le fils de celui-ci, Lothaire, avant de mourir lui-même. Ainsi donc Lothaire, roi des Francs, et Hugues Capet, fils du Grand, bientôt à son tour duc des Francs et second personnage du royaume, étaient cousins germains, avec l'inconvénient d'avoir tous les deux pour oncle l'empereur Othon 1er, lequel, voulant les embrigader dans son système d'empire universel, avait placé sur le trône épiscopal de Reims, ville du sacre, un homme à lui, Adalbéron. À la mort d'Othon 1er en 973, Lothaire fonçant sur la Lorraine comme sur une proie avait attiré la colère d'Othon II et une invasion germanique sur la France, dont Hugues Capet, sauvant Paris, avait profité pour apparaître comme le vrai défenseur du bien public.
Depuis lors, Hugues, déjà comte de Paris, d'Orléans, Dreux et Senlis, époux d'Adélaïde d'Aquitaine (petite-fille par sa mère de Rollon, l'ancien chef des Normands, converti au christianisme) s'occupait de ses domaines et surveillait discrètement son royal cousin, mais dès 985 Gerbert, secrétaire d'Adalbéron, écrivait à la cour impériale : « Le roi Lothaire est roi par le titre ; Hugues l'est par les faits et gestes. » Aux yeux d'Adalbéron, la race carolingienne était perdue parce que ses incessantes querelles pour la Lorraine allaient à l'encontre de la paix de la chrétienté et de l'ordre du monde.
2 mars 986 : mort de Lothaire. Les choses allaient alors se précipiter : son grand débauché de fils, Louis V, dix-neuf ans, s'était avisé de mettre Adalbéron en accusation pour agacer Othon II. Tandis que les Grands se réunissaient à Compiègne pour juger l'évêque, la nouvelle leur parvint soudain le 22 mai 987 de la mort à la chasse du jeune roi (sans avoir eu d'enfant d'une épouse de vingt ans plus âgée que lui)… Donc, retournement de situation : Adalbéron, d'accusé, passait maître du jeu et convoquait les Grands en juin à Senlis, sur les terres d'Hugues, pour une élection dont nul n'aurait pu dire qu'elle allait engager la France pour huit cents ans….
« Vous aurez en lui un père »
Ce n'était sûrement pas le sentiment d'Adalbéron qui ne voyait là qu'une élection ordinaire selon la coutume carolingienne. Excellent agent électoral, le prélat trouva les mots pour écarter le dernier des Carolingiens par le sang, Charles, duc de Basse-Lorraine, oncle du défunt Louis V : avec lui les guerres avec l'Empire seraient incessantes, de plus il avait mauvais esprit (il avait odieusement calomnié sa belle-soeur Emma, femme de Lothaire), mais surtout il tenait son duché de l'empereur et donc avait des intérêts hors du royaume. Sans le savoir Adalbéron ébauchait ce qui allait être une tradition capétienne fondamentale : le roi doit sortir « des entrailles du royaume », comme disaient alors les chroniqueurs…
Puis Adalbéron continua son discours dont il ne pouvait mesurer toute la portée : « Donnez-vous pour chef le duc Hugues, désigné par ses actions, par sa noblesse et par ses forces, celui en qui vous trouverez un défenseur non seulement de la chose publique mais de vos intérêts privés. » C'était définir pour huit siècles l'essence de la royauté, gardienne du bien public et protectrice des droits de chacun contre les féodaux. Puis selon Richer, Adalbéron ajouta, comme s'il entrevoyait toute l'histoire de France : « Élisez le duc Hugues vous aurez en lui un père. »
Une importante majorité se dégagea dès le 3 juin en faveur d'Hugues Capet lequel fut sacré à Noyon le 3 juillet, prononçant alors le serment de « faire justice, selon ses droits, au peuple qui nous a été confié ».
Hugues Capet était roi, mais non le roi d'Adalbéron, ni celui des Grands qui l'avaient élu. En quelques mois, il allait faire sentir sa volonté d'oeuvrer dans la durée. C'est pourquoi nous resterons en 987 avec notre prochaine chronique.
MICHEL FROMENTOUX L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 2 au 15 avril 2009
1 - Ce que semble ignorer Philippe Goulliaud écrivant dans Le Figaro des 21-22 mars qu'Hugues Capet fut « élu premier roi des Francs en 987 » et oubliant, du même coup, tous les Mérovingiens et tous les Carolingiens…

vendredi 29 juillet 2011

Alger, massacre du 26 mars 1962 : un demi-siècle de veulerie politico-médiatique

Je me suis interrogé avec une belle naïveté : pour le 49e anniversaire du 26 mars 1962 au cours duquel, à Alger, les troupes françaises firent plusieurs centaines de victimes en tirant dans une foule de Pied-Noirs désarmés, une seule voix, autre que la nôtre, allait-elle soutenir notre mémoire ? Naïveté, vous dis-je… Pour la 48e fois la canaille intello-médiatique française fait silence. Derrière la Ligue des Droits de l'Homme, le Parti Communiste et son appendice la FNACA, avec le soutien des “historiens” militants Blanchard, Noiriel, Stora ou l'autre, qui nous a quittés, Liauzu, etc., près d'un demi-siècle plus tard, toutes les tentatives des « nostalgiques de l'Algérie Française » de rendre hommage à leurs disparus, dénoncées comme une volonté de « réhabilitation de l'OAS », continuent à alimenter des campagnes de haine racistes et hystériques.
Il est vrai que depuis la fin de la Guerre d'Algérie des milliers de films, de débats, de reportages, de recensions de livres ont exposé la vision officielle de ces événements - qui est celle du Parti Communiste et du FLN -. À une ou deux exceptions près (1), combien ont librement laissé s'exprimer le point de vue des Pieds-Noirs ? Les massacres du 26 mars et d'Oran, le 6 juillet 1962, étant justement l'illustration de ce révoltant déni d'expression. Comme l'est d'ailleurs l'occultation minutieuse des écrivains Jean Brune, Marie Elbe et Anne Loesch qui commirent le crime de trop bien représenter l'identité pied-noire et dont 99,99 % des Français ignorent jusqu'à l'existence.
Le 23 février 1963, au procès du colonel Bastien-Thiry, fut soulevé un pan du secret (2) d'État sur ce qui rappelle de façon lancinante de quels crimes la République française est capable. Les quelques personnes qui eurent accès à ces minutes découvrirent l'autre vérité. Celle qui a échappé par bribes dérisoires à la chape de silence qu'est la pensée totalitaire. Quelques acteurs vinrent témoigner dans le cadre bien cadenassé d'un procès d'exception conduit par des magistrats désignés par l'Élysée pour obtenir une peine de mort. Il s'agissait donc d'asséner la vérité officielle selon laquelle le massacre de la rue d'isly avait été provoqué par l'OAS. Maîtres Le Coroller et Tixier-Vignancour parvinrent cependant à mettre en évidence qu'il y avait bien eu provocation mais qu'on devait celle-ci au gouvernement de Michel Debré. Le ministre des Armées et paléo-gaulliste Pierre Messmer fut désigné comme un des responsables directs ainsi que le ministre de l'Intérieur d'alors, Roger Frey, lui aussi dinosaure du gaullisme, natif de Nelle Calédonie dont la famille était originaire d'Algérie. Mais surtout la défense mit en évidence le rôle fondamental joué dans le déclenchement de la tuerie par des “barbouzes” vietnamiens appartenant au Mouvement pour la Coopération dirigé par des gaullistes de sac et de corde, les Ponchardier, Le Tac, Bitterlin, Coulay. Lesquels, agissant en liaison étroite avec Si Azzedine, le chef de la zone autonome d'Alger du FLN, avaient pour spécialité la torture, les enlèvements, le plasticage, l'assassinat de Pieds-Noirs.
Après le livre blanc édité par l'Esprit Public - cf. note n°2 - l'écrivain et historienne Francine Dessaigne - auteur en 1962 du Journal d'Une Mère de famille pied-noire, bouleversante chronique au jour le jour d'une descente aux enfers - publiera en 1996 « Un crime sans assassin ». Un ouvrage de 600 pages et 600 témoignages sur les 12 minutes que dura la fusillade sanglante et dont José Arnau, acteur et témoin, écrira : « Ce livre démontre d'une façon évidente que les Algérois ont subit le 26 mars 1962 comme un véritable acte de guerre. Les témoignages qu'il contient m'ont permis de réaliser une carte des 38 points de tirs, véritables feux de barrages qui ont tous tiré pendant 12 minutes, sur une surface de plus de 15 km² et non pas seulement rue d'isly ». Dans son livre « Massacres organisés », Arnau montre que des officiers, comprenant qu'un massacre était en train d'être organisé et ayant refusé d'obéir aux ordres, furent sur le champ expédiés en forteresse en France.
Jean Monneret est l'un des plus minutieux historiens de l'Algérie Française, ce qui explique qu'il soit exclu de tout débat ou émission de grande écoute. Auteur en 2009 de Une ténébreuse Affaire : le 26 mars 1962, il approfondira les thèmes mis au jour par Francine Dessaigne et fit de nombreuses recherches originales dans le fonds d'archives que celle-ci nous a laissé.
Guy Forzy, ancien délégué interministériel aux rapatriés et ami personnel de Jacques Chirac, complétera le travail commencé par Francine Dessaigne. Lui aussi donnera la liste des unités mises en place par le commandement militaire afin de transformer le carrefour Michelet-Isly-Grande Poste en souricière et multipliera les croquis montrant que la fusillade éclata de toutes parts, empêchant la foule de s'échapper. Son livre publié en 2009, 26 mars 1962, l'Ordre règne sur Alger, est un réquisitoire cinglant contre le gaullisme qu'il accuse clairement d'avoir monté toute cette machination pour se débarrasser définitivement des Pieds-Noirs. Il montre surtout que diverses unités de l'armée et de la gendarmerie “rouge” participèrent à l'opération et pas seulement les deux sections de tirailleurs qui concentrèrent sur elles toute l'attention. Comme les autres auteurs cités ici, ses états de services ne valurent pas à Guy Forzy dix secondes d'éclairage médiatique et il eut droit lui aussi au traitement par le silence.
En revanche, on peut, sans risque de se tromper, prévoir que l'Histoire officielle et ses laquais, qui continuent à occulter ces crimes de guerre dont ils sont les complices, s'apprêtent à commémorer dans un grand tintamarre le 50e anniversaire des “ratonnades” parisiennes d'octobre 1961.
René BLANC. Rivarol 2011
(1)    Dont la série de Gilles Perez « Les Pied-Noirs, histoire d'une blessure », diffusée en trois épisodes sur FR3.
(2)    Dans les semaines qui suivirent le massacre, L'Esprit Public, le mensuel de combat qui rassemblait l'étincelante extrême droite littéraire d'alors, Nimier, Laurent, Blondin, Laudenbach, Perret etc., sous la houlette de Philippe Heduy, publia un « Livre Blanc du 26 mars » qui aurait dû soulever l'indignation des tartuffes. Celle, par exemple, de Amnesty International créée en juillet 1961. Mais le silence des veaux fut sans faille.

jeudi 28 juillet 2011

Polémistes et pamphlétaires français : Jules Vallès

Né en 1832 d'un père professeur et d'une mère, religieuse défroquée, à moitié folle, Jules Valiez (c'est son vrai nom) eut une enfance difficile qu'il évoqua dans sa trilogie romanesque L'Enfant, Le Bachelier et L'Insurgé. Son père alla jusqu'à le faire interner, à l'âge de 18 ans pour « aliénation mentale ». Il y a certes des façons plus équilibrantes de faire son entrée dans la vie. Très jeune, il s'engagea par ses écrits mais aussi par l'action. Républicain, sans doute, et socialiste, mais avant tout de ces gens qui s'insurgent. Il y a, comme le relève Pierre Dominique (Les polémistes français depuis 1789), de l'anarchiste en lui. Il se dresse contre l'État, contre l'uniforme aussi. Debout, derrière une barricade, symbolique ou non, avec un fusil ou une plume. Il participe aux événements révolutionnaires de 1848, crée un club qui a pour programme la suppression du baccalauréat, des examens, et la « liberté absolue de l'enfance ». C'est Mai-68, avant la lettre… Il s'oppose évidemment au coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte le 2 décembre 1851, et cherche à mobiliser les étudiants parisiens. Il tâta à plusieurs reprises de la prison sous l'empereur Napoléon III qui n'appréciait que modérément ses propos virulents. Il se présente en 1869 aux élections législatives, mais est battu. Son programme : « J'ai toujours été l'avocat des pauvres, je deviens le candidat du travail, je serai le député de la misère ! La misère ! Tant qu'il y aura un soldat, un bourreau, un prêtre, un gabelou, un rat-de-cave, un sergent de ville cru sur serment, un fonctionnaire irresponsable, un magistrat inamovible : tant qu 'il y aura tout cela à payer, peuple, tu seras misérable ! » En 1870, la guerre contre la Prusse est déclarée. Vallès se déclare “pacifiste” et est arrêté. Il appelle de ses vœux la Commune et réclame « la réquisition générale, le rationnement gratuit, l'attaque en masse ». Durant celle-ci, il en dénonce l'arbitraire. Partisan de la liberté de la presse “illimitée”, il proteste, comme Rochefort, contre la suppression par la Commune des journaux conservateurs. Il fait tout son possible pour empêcher l'exécution de l'archevêque de Paris et de ses compagnons. Vallès se bat cependant jusqu'au bout. Les Versaillais veulent sa peau. On fusille deux inconnus qu'on prend pour lui. Il s'enfuit à Bruxelles, où il rencontrera Séverine, militante d'extrême gauche et féministe, qui fut paradoxalement une grande amie de Drumont qui lui dédia un de ses livres. Séverine devint le disciple et la collaboratrice de Vallès.


Vallès avait la plume acerbe. Plus pamphlétaire que polémiste. Et parfois parfaitement injuste. Voilà ce qu'il écrit de Baudelaire : « Baudelaire sentait uniquement son orgueil fermenter et s'aigrir, mais il avait les entrailles pauvres et se tordait sans accoucher. […] Il n'était pas le poète d'un enfer terrible, mais le damné d'un enfer burlesque. Instruit de son infécondité par les douleurs secrètes de ses nuits solitaires, il essaya défaire croire, à force d'esprit, à son génie, et se dit qu'il pouvait paraître exceptionnel en semblant singulier ». Dans son journal, Le Cri du Peuple, dont le mot d'ordre est « La Sociale arrive, entendez-vous ! Elle arrive à pas de géant, apportant non la mort, mais le salut », Vallès mène de furieuses campagnes socialistes et anticolonialistes. À noter que Jacques Doriot créa, en 1940, un quotidien du Parti Populaire Français, destiné à s'adresser à la classe ouvrière, dont le titre était… Le Cri du Peuple. Vallès, ce réfractaire, ce révolté entendait se battre seul, « et sans numéro sur le képi ». Il vomissait Marx, déclarant : « Ne me parlez pas… des conceptions nuageuses et humanitaires de Marx... ». Il vomissait aussi et plus encore Gambetta qu'il appelle « le borgne sonore » : « Car la vulgarité même de Gambetta sert à sa vogue, la banalité de son fonds d'idées est l'engrais de son talent. […] il fait le soiffeur, le riboteur, le Gargantua et le Roquelaure. Il se crée autour de ses tapages et de ses orgies une légende. Ce mélange de libertinage soulard et de faconde tribunitienne emplit d'admiration […] les ratés du café de Madrid qui s'en vont en criant à la foule : “Hein ! est-ce un mâle !” » Et Vallès de conclure sa diatribe par « Cabotin, cabotin ! »
Vallès, épuisé par la maladie, meurt le 14 février 1885 en murmurant : « j'ai beaucoup souffert ». Il est accompagné au cimetière du Père-Lachaise par des dizaines de milliers de Parisiens et des survivants de la Commune.
R. S. RIVAROL 1er AVRIL 2011

mercredi 27 juillet 2011

22 avril 1961 : dernière révolte des centurions avant qu’ils ne deviennent gendarmes

C'était il y a cinquante ans. Un anniversaire que chacun s'empresse, l'ayant essentiellement dénaturé, de repousser dans le trou de l'Histoire. Les gaullistes au premier chef parce qu'il s'inscrit dans le XXe siècle comme l'un des plus honteux de leur Histoire qu'on dira palinodique tant elle est fertile en volte-faces, revirements, apostasies. Disons-le, en trahisons. Ne s'agissait-il pas plutôt d'une rébellion de centurions trahis par un État qui depuis des années les traitait sans égards ni respect, comme il l'eut fait de ses gendarmes ? Or si la vocation du gendarme n'a jamais été de sacrifier sa vie, c'est souvent cela le destin du centurion. Les gnomes d'État ne manquant jamais une occasion de se couvrir de leur gloire.
Pourtant reste à savoir, après un demi-siècle de recul, si les événements de ces quatre jours certes dérisoires mais aux conséquences incalculables sur notre destin, n'ont pas une fois de plus précipité ce peuple et cette armée dans une épouvantable duperie.
« L'Armée a pris le contrôle de l'Algérie et du Sahara... ». Un bref communiqué répété ce samedi 22 avril 1961 sur la radio d'Alger à partir de 7 heures, résume les graves événements de la nuit. Se lève sur la capitale une belle journée, fraîche et légère, comme elles le sont souvent en début de printemps. Une atmosphère de fête frémit sur la ville, parcourue en tous sens par des hommes léopards. Alger a pris l'habitude depuis des années d'accompagner le retour des parachutistes d'espoirs fous. Pendant quelques heures, l'illusion, rapidement dissipée, redonnera corps au fantasme d'un autre 13-Mai venu gommer lâchetés et trahisons.
Une illusion qui ne dura que quelques heures. Des milliers de jeunes pied-noirs regroupés sur tout le territoire, se convainquirent que serait immédiatement appliqué le « plan Salan », dont on connaissait les grandes lignes. Mobilisation des bataillons territoriaux dissous après les Barricades, 13 mois plus tôt, et levée de huit classes sur place afin de remplacer le contingent renvoyé sans perdre de temps en métropole. Les unités « opérationnelles » demeurant pour achever leur travail d'éradication de l'ALN.
C'était oublier que les représentants de la faction civile, installée en Espagne, Lagaillarde, Ortiz, Susini, le général Salan et quelques colonels très “politiques” comme Lacheroy et Gardes, n'étaient pas de la fête si les derniers s'y invitèrent par leurs propres moyens. Le 3 décembre 1960 à Madrid, était née l'Organisation Armée Secrète dont le sigle, OAS, ne deviendra célèbre qu'après la reddition de l'organisateur du Putsch, le général Challe.
Sans doute les généraux Salan et Jouhaud tentèrent-ils de transformer la rébellion militaire en révolution tout court. Ils se heurtèrent à la mauvaise volonté de Challe strictement intéressé par l'achèvement du plan de paix portant son nom : conclure la pacification, détruire le FLN, montrer à De Gaulle que la Guerre d'Algérie pouvait être gagnée dans le djebel. Sauf qu'en Algérie seul le Sahara l'intéressait. Désengagement algérien, retour sur l'Hexagone, tels étaient ses projets. Et surtout la désintégration de cette armée trop politique qu'il s'agissait de remplacer par l'outil professionnel technique qu'elle est devenue aujourd'hui, bras fliqué et docile du Nouvel Ordre Mondial.
UNE ARMÉE DE “QUILLARDS”
Il faudra 24 heures à Challe pour comprendre que la majorité des cadres de l'armée d'Algérie, gardait un œil sur l'échéance de la solde, l'autre sur les tableaux d'avancement. Une vingtaine d'unités d'élite, seulement, pour la plupart appartenant aux 10e et 25e Divisions Parachutistes échappaient à ce désolant schéma.
Deux heures suffirent à Salan pour saisir à quel point le contingent de bidasses hilares, brandissant leurs quilles et leurs slogans communistes, rendait leur tentative suicidaire : toute révolution devrait se faire contre cette troupe et pas avec elle. Parce que l'image lui convint ainsi qu'aux média, De Gaulle s'empressa de l'imputer à son discours du 23 avril. Glorifiant les « 500 000 gaillards et leurs transistors ». Mais, intervention ou pas du général, les comités de soldats contre le fascisme se fussent constitués. Les “putschistes” eux-mêmes étaient divisés en deux camps. Militaires et révolutionnaires. Les premiers, majoritaires, se regroupaient derrière Challe : « Rétablir l'ordre républicain ». Au quatrième jour ils se rendirent, l'honneur était sauf, l'unité de l'armée préservée. Hélie Denoix de Saint Marc, qui commandait par intérim le 1er REP, s'il condamna sa carrière militaire, était de ceux-là. Il n'était pas un soldat politique comme la plupart de ses jeunes officiers et légionnaires. Il expliqua cependant au tribunal qui le jugeait pourquoi il se trouvait devant lui. « On peut demander beaucoup à un soldat, en particulier de mourir. C'est son métier. On ne peut lui demander de tricher, de se dédire, de se contredire, de mentir, de se renier, de se parjurer... ». Les seconds, souvent « Français par le sang versé », allèrent beaucoup plus loin que St Marc et furent dans les mois qui suivirent, l'un des bras armés de l'OAS. Dans l'épilogue tragique de la Guerre d'Algérie que fut le « maquis de l'Ouarsenis » où l'armée française pourchassa au coude à coude avec le FLN les derniers combattants de l'OAS que mitraillait l'aviation, un nombre considérable d'entre eux, officiers et soldats, étaient issus du 1er REP.
Derrière Salan, Jouhaud, Vanuxem, Faure (ces deux derniers arrêtés à Paris dès le 22 avril) très impatients de réaliser la symbiose entre population civile et armée révolutionnaire issue des troupes parachutistes et légionnaires, l'organigramme de l'OAS, constitué après le putsch, est un véritable répertoire des techniciens de la guerre subversive qui ont en trois ans détruit le FLN. Lacheroy, Argoud, Godard, Trinquier, Guillaume, Château-Jobert, Dufour, Vaudrey, de Sèze, Roy. Guidés par la haute autorité morale de Jean Gardes et de Joseph Broizat, ce dernier, souvent défini comme un « moine/soldat », docteur en théologie, en sciences et en histoire, jusqu'à ses derniers instants tourmenté par les plus profondes interrogations de l'exégèse humaniste. S'ajoutèrent à eux par dizaines les capitaines et lieutenants les plus brillants. Roger Degueldre, Loustau, Sergent, Souêtre, Bernard, Ponsolle, Labriffe, de la Bigne, Curutchet, Léger, Branca, Montagnon, Godot, Delhomme, Picot d'Assignée, de la Tocnaye, De Condé, Collin, Pouilloux, Kayannakis, le Pivain, Holeindre, de Saint Rémy etc. L'élite des jeunes officiers français d'alors. Pendant près d'une dizaine d'années ne fut-il pas de tradition que les premiers de St-Cyr intègrent les régiments parachutistes et légionnaires ?
Très tôt est apparue une fracture irrévocable entre cette armée citoyenne, utilisée dans une guerre d'horreur taillée au mensonge et à la trahison par le « pouvoir de fait » et celui-ci acharné à la destruction de cette armée-là. Personne plus clairement que Jean Marie Bastien-Thiry tenant tête à ses juges/bourreaux, n'en démontra les sophismes dont il se nourrissait : « Malgré l'extraordinaire mauvaise foi des hommes au pouvoir, malgré leur extraordinaire cynisme, c'est une vérité qu'il y a eu, qu'il y a en France et en Algérie, des milliers de morts et de martyrs, qu'il y a des milliers de disparus et des centaines de milliers d'exilés, qu'il y a des camps de détention et de tortures, qu'il y a eu de nombreux viols et de nombreux massacres, qu'il y a des femmes françaises obligées de se prostituer dans les camps du FLN. C'est une vérité que le pouvoir défait aurait pu épargner ou limiter toutes ces horreurs s'il l'avait voulu; mais c'est une vérité qu'il ne l'a pas voulu ».
DE GAULLE : EN FINIR AVEC LES PIEDS-NOIRS ET LES PARAS
Il ne l'a pas voulu ! Et c'est là toute la fracture. Comme ne l'a pas voulu l'immense horde de lâches, de gauche, de droite, d'extrême gauche et du centre, qui s'agglutina derrière ce pouvoir. Les uns et les autres ayant pour priorité l'annihilation des “colons” et celle des soldats révolutionnaires qui depuis un siècle - La Guerre des Boers - font trembler le pouvoir intello-médiatique régnant exclusivement sur le droit de penser en Occident.
Cette armée désira ardemment se débarrasser de Charles de Gaulle. La France “moderne” dont il rêvait, et dont ceux qui le commanditaient voulaient, exigeait nécessairement l'éradication de toutes les forces profondes enracinées dans ce pays. À commencer par les soldats révolutionnaires d'Algérie.
À partir du 24 avril, sur décision du président de la République actionnant l'Article 16, 150 officiers seront traduits devant des tribunaux spéciaux. Puis 534 autres feront l'objet de sanctions disciplinaires ou “statutaires”. On casse tout ce qui pue « l'Algérie Française » dans la nouvelle armée. Les trois régiments parachutistes, fer de lance du putsch, 1er REP, 18e et 14e RCP, l'élite des troupes de choc, sont dissous, leur encadrement - les meilleurs sous-officiers et officiers parachutistes - est purgé. La voie est libre. L'armée des bidasses et la gendarmerie réorganisées peuvent combattre l'OAS. Puis la population européenne - bombardements d'Oran et de Bab el Oued, massacre de la rue d'Isly. Pour en arriver, à partir du 19 mars 1962, à une collaboration directe entre les forces françaises - “barbouzes”, Mouvement Pour la Communauté, Sécurité Militaire, Gendarmerie Mobile, CRS, Mission C. - et le FLN dans les massacres et les enlèvements de centaines d'Européens. Le bouquet final étant la destruction des maquis de Saint Ferdinand et de l'Ouarsenis.
Cette armée-là, qui depuis 1945, fait la guerre qu'on lui a dit de faire, contre l'ennemi sans conscience qu'on lui a désigné, avec les armes qu'on lui a données, mitrailleuses et hélicoptères, face à des armes autrement redoutables, la terreur, le découpage en lanières, sur les places publiques, des civils réfractaires, l'immense collaboration planétaire des lâches intello-médiatiques qui accaparent « l'espace de cerveau humain disponible » pour y enfoncer leur marxisme, cette armée-là une fois achevée sa tâche a été catapultée devant des cours spéciales dont les procureurs et les juges étaient ceux qui leur avaient enjoint de se salir les mains. À Nuremberg aussi étaient couverts d'hermine les assassins de Dresde et d'Hiroshima, des filles enceintes clouées vivantes à l'Est sur les portes des granges, des milliers de Waffen-SS de 20 ans sommairement abattus, des dizaines de milliers de réfugiés de la Baltique coulés par des sous-mariniers héros de l'Union Soviétique et des bouchers/pilotes décorés de la RAF, ou encore des petites berlinoises violées par des files de GI nègres ou de Kalmouks à étoile rouge.
Pierre Abramovici, grand reporter de la télévision, dans un livre d'une grande pertinence, « Le Putsch des Généraux » (mars 2011), offre une théorie rendue séduisante par le recul. De Gaulle avait besoin de casser et l'obstination des Pieds-Noirs et cette minorité révolutionnaire représentée par les troupes de choc. Certes il lui devait la victoire militaire mais elle s'opposait à son projet de négocier avec le GPRA le troc de l'indépendance contre la libre disposition du Sahara. Le putsch - agencé par ses officines - lui permettra de dissoudre les corps d'élite, d'exploser cette aristocratie intellectuelle et tactique représentée par les officiers de paras et de Légion. Puis, les remplaçant par une armée sans âme, par des gendarmes et des “barbouzes”, il écraserait l'OAS avec l'aide de ses nouveaux amis du FLN. Ce tour de force il l'aura réalisé en quatorze mois. Depuis 50 ans, la France n'a pas fini d'en payer le prix.
René BLANC. RIVAROL 22 AVRIL 2011

mardi 26 juillet 2011

LES PROMOTEURS DU COMMUNISME – 10

Poursuivons notre voyage en Chine, avec un contemporain d’Israël Epstein :

SIDNEY SHAPIRO - 10

Il est en effet né la même année que lui, en 1915, mais à New York, et pareillement dans une famille juive. Il aura bien d’autres points communs avec lui et surtout, celui d’avoir également consacré sa vie au soutien du régime communiste chinois et à sa propagande à l’étranger.
Ses premiers contacts avec la Chine datent de la seconde guerre mondiale, à laquelle il participe dans les rangs de l’armée américaine. Il débute alors son apprentissage du chinois dans l’éventualité d’un atterrissage dans la Chine alors occupée par les Japonais. Cet atterrissage ne se produira jamais, mais il continuera d’apprendre la langue, tout en poursuivant des études de droit. Après la guerre, en 1947, on le retrouve à Shanghaï, ville où vit une importante colonie juive. C’est là qu’il rencontre sa future femme, une actrice chinoise aux sympathies communistes prononcées, nommée Fengzi. Ce qui ne l’empêcha pas plus tard (Fengzi) d’écoper de 10 années de « rééducation » durant la révolution culturelle, car l’épouse de Mao avait quelques comptes à régler. En attendant ces années noires, le duo va essayer de rejoindre l’armée rebelle de Mao, n’y parviendra pas et assistera finalement à son arrivée triomphale à Pékin.
Officiellement, Shapiro travailla durant cinquante années au Foreign Languages Press (FLP), organisme dépendant de l’Etat. Il y était traducteur d’ouvrages chinois. Mais il était surtout – comment aurait-il pu travailler dans un organisme d’Etat, sinon ? – un ardent propagandiste du régime à l’étranger. Ceci apparaît nettement dans son autobiographie intitulée An American in China, parue en 1979, où il relate, à côté de son histoire personnelle, la longue marche vers le pouvoir du régime communiste chinois, en suivant scrupuleusement la vulgate du parti. Il a écrit plusieurs autres ouvrages, dont Jews in Old China et  I Chose China.
ddshp.jpgIl fut l’un des rares étrangers, comme Epstein, à recevoir la citoyenneté chinoise, en 1963, avant la révolution culturelle. Et l’un des rares également, toujours comme Epstein, à devenir membre de la Conférence consultative politique du peuple chinois.
Sa longévité est étonnante. Agé de quasi 96 ans, il est toujours de ce monde, vivant à Pékin. Il serait même le plus âgé des juifs vivant en Chine à l’heure actuelle.
Et il a reçu les mêmes honneurs qu’Epstein pour ses 90 ans, qu’ils ont d’ailleurs fêté ensemble. Le communisme, ça conserve. A certaines conditions.

LES PROMOTEURS DU COMMUNISME – 9

Revenons à notre série sur les promoteurs du communisme. Changeons de continent et rendons-nous dans la vaste Chine. Les personnages que nous allons évoquer ne sont pas à proprement parler des promoteurs, mais plutôt des propagandistes zélés du régime communiste chinois. En réalité, ils en firent quand même la promotion dans les milieux occidentaux, c’était même leur tâche principale. Ils sont abondamment dépeints un peu partout comme des « idéalistes », ce qui permet de passer rapidement sur les horreurs sans nom perpétrées par les maoïstes. Horreurs excusables puisque commises en vue d’un intérêt supérieur inaccessible à l’entendement des incultes. Jamais ces personnages ne firent repentance pour leur allégeance aveugle à un régime sanglant et totalitaire. Et d’ailleurs, nul n’eut jamais l’idée saugrenue de la leur demander.

En fait, il y eut bien au moins deux promoteurs juifs du communisme en Chine, qui exercèrent leurs talents avant ceux qui seront présentés ici. J’en parle dans Révolutionnaires juifs et je ne vais pas détailler à nouveau leurs actions. Il s’agit de Mikhail Borodine, qui « travailla » en Chine dès 1923. Les bolcheviks, alors assez isolés diplomatiquement, lorgnaient sur l’énorme potentiel que représentait une Chine en pleine déliquescence. Borodine réorganisa le parti Kuomintang (KMT) dont un certain Mao Tsé Toung dirigeait le secteur propagande. L’autre promoteur s’appelle Manfred Stern. Il arriva en Chine en 1932, comme conseiller militaire du Komintern auprès de Mao qui venait d’établir sa république soviétique chinoise du Jiangxi. Il s’agissait d’éliminer les opposants, accusés d’ « opportunisme » (!!!) ou de « koulakisme ». 20% de la population de la république, soit 700 000 personnes, furent supprimées durant les trois années de la république, qui correspondent au séjour de Stern, qui repartit ensuite exercer ses nombreux talents … en Espagne, en 1935.

Revenons à nos propagandistes, dont voici le premier :

ISRAËL EPSTEIN - 9


Il naît en 1915 en Pologne dans une famille juive d’activistes socialistes. Il dira du reste bien plus tard, en 2003 : « The earliest influence on me came from my socialist parents ». Son père avait connu la prison tsariste pour avoir mené des grèves et sa mère avait été exilée en Sibérie. Au début de la première guerre mondiale, son père est envoyé au Japon pour y travailler. Sa famille l’y rejoint, mais ils n’y resteront finalement pas. Tous gagnent la Chine en 1917 et s’installent à Tientsin, grande ville du nord, en 1920.

A l’âge de 15 ans, il débute dans le journalisme politique pour un journal chinois de langue anglaise, couvrant notamment l’invasion japonaise de la Chine. Il sera correspondant de divers médias occidentaux avant de partir s’installer temporairement aux USA en 1945. Dès avant cette date, il avait pris des contacts avec les milieux communistes qui avaient toute sa sympathie. Il avait notamment rencontré Mao, Chou En Lai et autres révolutionnaires, en 1944. Il dira plus tard que ces conversations avec Mao avaient « changé sa vie ». Il sera dès lors un admirateur inconditionnel du dictateur rouge dont il conservait un portrait dans sa chambre à coucher.


En 1951, à la demande des officiels communistes, il rentre en Chine pour participer à la création et pour diriger un magazine à la gloire du régime, China Reconstructs, rebaptisé par la suite China Today. L’objectif est d’assurer la promotion du régime et de présenter au reste du monde une vitrine acceptable.

Il occupera cette fonction jusqu’à l’âge de sa retraite, en 1985. C’est durant cette période qu’il devient citoyen chinois en 1957 et officiellement membre du parti communiste du pays en 1964. Un honneur rarement accordé à un étranger d’origine.

C’est également durant cette période qu’il va effectuer ses fameux voyages au Tibet, en 1955, 1965 et 1976. À la suite desquels il publiera en 1983 un livre fortement controversé, Tibet Transformed.

Entretemps, de 1968 à 1973, un épisode très fâcheux était intervenu. En pleine révolution dite culturelle, il avait été accusé de complot contre Chou En Lai et emprisonné. Mais les choses s’étaient tassées, il avait été relâché – cinq ans après, quand même - avec les excuses de Chou et ses privilèges lui avaient été restitués. Nul doute que son utilité pour le régime, en raison de ses contacts avec l’occident, n’aient donné à réfléchir en haut lieu.

Revenons au Tibet. Il s’y rend donc à nouveau en 1976, après son élargissement. Le Tibet se trouvait depuis les années 1950 sous la poigne de fer de Pékin et il fallait adoucir l’image pour l’étranger. D’où le bouquin d’Epstein. Pour être « transformé », il l’était, le Tibet. De fond en comble, même. L’objectif du livre était de montrer que si Pékin avait envoyé ses troupes, c’était pour le bien du peuple tibétain, un bien que les dirigeants communistes connaissaient bien mieux que ces semi-sauvages inexplicablement attachés à leurs lamas. Le livre fut dénoncé par les opposants aux communistes comme un grossier tissu de mensonges.

Le livre parut en 1983, et il reçut sa récompense la même année : il fut admis comme membre de la Conférence consultative politique du peuple chinois, un corps consultatif.

Peu rancunier, malgré son emprisonnement de cinq années, il demeura indéfectiblement attaché aux « idéaux » communistes jusqu’à sa mort, survenue en 2005 à Pékin. Ce qui nous fait quand même 90 ans de soutien indéfectible.

Il avait reçu de nombreux honneurs durant sa longue vie, de la part des dirigeants successifs, le président Hu Jintao se déplaçant même pour l’aider à souffler ses 90 bougies. Il en reçut encore dans la mort puisque ses funérailles eurent lieu au cimetière Babaoshan des Révolutionnaires à Pékin, le 3 juin 2005, en présence du président chinois, du premier ministre et de tout le gratin chinois reconnaissant.


Juste avant son décès, il avait publié, en 2005, My China Eye : Memoirs of a Jew and a Journalist.

1702-1713 : Guerre de la Succession d’Espagne

Le 13 mai 1702, une Grande Alliance européenne déclare la guerre à la France et à l'Espagne. C'est le début de la guerre de la Succession d'Espagne. Cette guerre de dix ans est la plus pénible de toutes celles qu'a soutenues le roi Louis XIV. On peut y voir une préfiguration des guerres générales qui ensanglanteront le continent un et deux siècles plus tard.
Camille Vignolle.
La guerre de trop
La guerre de la Succession d'Espagne trouve son origine deux ans plus tôt, dans la désignation du duc d'Anjou, petit-fils du roi de France, comme nouveau roi d'Espagne sous le nom de Philippe V. Cette entrée de la puissante dynastie des Bourbons en Espagne est d'abord acceptée par les autres puissances européennes.
Mais Louis XIV prend plaisir à multiplier les provocations. Malgré une clause du testament de l'ancien roi d'Espagne, il conserve au duc d'Anjou ses droits au trône de France au cas où la branche aînée viendrait à s'éteindre. Il soutient aussi les prétentions de l'ancien roi d'Angleterre Jacques II Stuart. Enfin, il fait occuper les Pays-Bas espagnols (l'actuelle Belgique) par ses troupes.
L'irruption de la flotte française dans le domaine colonial espagnol achève de convaincre l'Angleterre et les Provinces-Unies de la nécessité de contrecarrer les ambitions françaises. Le roi d'Angleterre, Guillaume III de Nassau-Orange, également stathouder (gouverneur) des Provinces-Unies (les Pays-Bas actuels), suscite à La Haye une Grande Alliance contre Louis XIV.
La coalition réunit l'Angleterre, les Provinces-Unies, la Prusse et l'Autriche. Plus tard s'y associeront le Danemark puis le Portugal et la Savoie. Au total plus de 250.000 hommes et 300 vaisseaux. Pour lui faire face, la France, qui reste de loin le plus puissant pays d'Europe, conserve le soutien de l'Espagne, bien sûr, ainsi que des souverains de Bavière et de Cologne. Au total 200.000 hommes et seulement une centaine de vaisseaux.
Revers militaires
À peine la coalition est-elle constituée que l'énergique Guillaume III meurt d'une chute de cheval le 8 mars 1702 (19 mars selon le calendrier grégorien). Lui succède Anne Stuart (37 ans), sa belle-soeur, seconde fille du roi Jacques II. Cette protestante austère a mis au monde 17 enfants, tous morts en bas âge ! Elle poursuit la politique anti-française de son prédécesseur avec le concours de Heinsius, Grand pensionnaire des Provinces-Unies.
Dès les premières opérations militaires, en Italie, dans les Flandres et en Allemagne, les armées françaises, conduites par Catinat et Villeroi, sont débordées.
Pour ne rien arranger, les protestants des Cévennes, au centre de la France, se soulèvent sous la conduite d'un valet de bergerie du nom de Jean Cavalier. C'est la révolte des Camisards (1702-1704). Le maréchal Claude de Villars mène la répression.
Les armées françaises sont défaites à Blenheim, en Bavière, le 13 août 1704 par le Prince Eugène, un Français à la tête des troupes autrichiennes, et le duc de Marlborough (le Malbrough s'en va-t-en guerre de nos chansons, ancêtre de Winston Churchill). Les Anglais, la même année, mettent la main sur Gibraltar et conserveront le rocher jusqu'à nos jours.
À Madrid, le roi Philippe V est chassé de son trône. Son concurrent l'archiduc Charles est proclamé roi le 1er septembre 1706. Lille, bien que puissamment fortifiée par Vauban, tombe en 1708.
Les frontières sont menacées en tous points. La France est épuisée. Les éléments se mettent de la partie avec, le 5 janvier 1709, une chute exceptionnelle des températures. Ce Grand Hiver entraîne gel des semis et famines. Louis XIV s'humilie et sollicite la paix mais sa demande est repoussée avec hauteur.
Le roi en appelle alors à la nation et lance une souscription : « J'aime mieux faire la guerre à mes ennemis qu'à mes enfants ». Lui-même donne l'exemple en vendant sa vaisselle d'or. Il forme une nouvelle armée et la confie au maréchal Claude de Villars.
Vers le sursaut
Le vieux maréchal (56 ans) mène campagne dans le Piémont italien. Puis il livre bataille au prince Eugène et au duc Marlborough à Malplaquet, dans les Flandres, le 11 septembre 1709. L'issue de la bataille reste indécise mais les coalisés austro-anglais ont subi de si lourdes pertes qu'il n'est plus question pour eux d'envahir la France. Blessé, Villars se retire à Versailles. Pendant ce temps, le duc de Vendôme se porte au-delà des Pyrénées et par la victoire de Villaviciosa, en décembre 1710, restaure le roi Philippe V sur le trône d'Espagne. La chance commence à sourire à Louis XIV.
À Londres, Sarah Jennings, duchesse de Marlborough, tombe en disgrâce et entraîne son mari dans celle-ci. La reine Anne retire sa confiance au duc et à ses alliés whigs. Elle appelle les tories au pouvoir. Coup de tonnerre. Voilà que l'empereur d'Allemagne Joseph 1er meurt le 17 avril 1711 à 33 ans d'une variole et c'est son frère l'archiduc Charles qui lui succède sous le nom de Charles VI. Pour les tories anglais, il n'est pas question que le nouvel empereur conserve la couronne d'Espagne et reconstitue ainsi l'empire de Charles Quint. Ils proposent la paix au roi Louis XIV.

C'est ainsi que des préliminaires de paix sont conclus à Londres le 8 octobre 1711 entre la France et l'Angleterre. Les Hollandais, craignant d'être écartés de la paix, acceptent l'ouverture de négociations le 29 janvier 1712 à Utrecht. Mais celles-ci sont interrompues dès le mois de mars et les opérations militaires reprennent aussitôt. La situation de la France apparaît alors des plus précaires…
Camille Vignolle.  http://www.herodote.net/  

Avril 711 : les Arabes envahissent l’Espagne

L'histoire de l'Espagne médiévale n'est pas seulement celle d'une guerre entre les chrétiens et les musulmans. En fait, ce ne sont pas deux communautés qui sont en présence, mais bien trois : il y a les chrétiens, les musulmans (Berbères et Arabes), et aussi les juifs, qui ont alors joué un rôle très important.
Après la chute de l'Empire romain et les grandes invasions, la péninsule ibérique était gouvernée par les Wisigoths, une tribu germanique dont les princes étaient convertis à la doctrine d'Arius. Les catholiques, considérés comme des hérétiques, subissaient leur joug, tandis que les juifs, admis aux fonctions publiques, exerçaient les plus hautes fonctions, pouvaient se livrer librement à tous les commerces, s'enrichir et faire circoncire leurs esclaves, païens et chrétiens confondus.
LA PUISSANCE DES JUIFS
La situation s'inversa en 587, lorsque le roi Reccared (Récarède) abjura sa foi arienne, suivi par les membres de la noblesse et du clergé. Le troisième concile de Tolède, en 589, consacrait la victoire de l'Église catholique sur l'arianisme. Quant aux juifs, il leur fut dorénavant défendu d'occuper des emplois publics et de posséder des esclaves, mesure qui les contraria très fortement. Les juifs tentèrent alors de corrompre le prince. L'historien juif Heinrich Graetz écrit ici, dans sa monumentale Histoire des Juifs : Ils cherchèrent « à faire lever cette interdiction en offrant à Reccared une forte somme d'argent ; Reccared refusa le présent et maintint la prohibition. »
Toutefois, les juifs purent facilement tourner les lois édictées contre eux, car le roi n'avait alors qu'une puissance fort limitée. Le fait est que les seigneurs wisigoths, qui élisaient leur souverain, étaient maîtres absolus sur leurs terres et continuaient à leur permettre de posséder des esclaves et à les nommer à des fonctions publiques, tant et si bien qu'au bout de vingt ans, les lois de Reccared étaient tombées en désuétude.
UNE LUTTE INCESSANTE
L'histoire de l'Espagne est ensuite une lutte de pouvoir incessante entre, d'un côté, les juifs puissants et influents, et, de l'autre, les chrétiens conscients du danger. En 612, le roi Sisebut renouvela les édits de Reccared. Il alla même plus loin, en défendant aux juifs non seulement d'acquérir de nouveaux esclaves, mais encore de garder ceux qu'ils possédaient déjà. Malgré ces mesures, les seigneurs du pays accordaient souvent leur protection aux juifs qui leur avançaient de l'argent. Sisebut prit alors une mesure plus sévère, obligeant tous les juifs du pays à accepter le baptême dans un délai donné ou à quitter le territoire wisigoth. Les récalcitrants seraient punis du fouet et de la confiscation de leurs biens. Les uns, au nombre d'environ 90 000, se laissèrent fléchir par la crainte de perdre leurs biens et acceptèrent le baptême ; les autres émigrèrent en France et en Afrique.
Sisebut mourut en 620. Le nouveau roi, Swintila, un homme faible et corrompu, se laissa acheter et abrogea les lois de Sisebut, si bien que les juifs revinrent dans le pays les convertis retournèrent au judaïsme et ensemble, ils recouvrèrent toute leur puissance auprès du pouvoir. Swintila fut détrôné et remplacé par Sisenand, et le judaïsme connut alors une nouvelle période de reflux ; le clergé reconquit son influence, et, de nouveau, les assemblées ecclésiastiques durent abaisser la puissance juive pour protéger les chrétiens. En 636, le nouveau roi Chintila (638-642) décréta une nouvelle expulsion : les juifs d'Espagne devaient émigrer ou se convertir au catholicisme. L'historien juif Heinrich Graetz nous dit ici : « Ces juifs convertis n'en restaient pas moins attaches de toute leur âme à la foi de leurs pères ». Après la mort de Chintila, sous le règne de son successeur Chindaswind (642-652), ils s'empressèrent de revenir publiquement au judaïsme.

 Le fils et successeur de Chindaswind, Receswinth (652-672), fit confirmer les dispositions prises par le quatrième concile de Tolède. Les juifs pouvaient rester dans le pays, mais n'avaient le droit ni de posséder des esclaves, ni d'occuper une fonction publique, ni de « témoigner contre un chrétien ». On se méfiait, en effet, de cette solidarité qui amenait les juifs à se livrer systématiquement à de faux témoignages lorsqu'un juif était en procès contre un chrétien.
Sous le règne du roi Wamba (672-680), les juifs étaient encore établis en grand nombre dans le pays. Cette fois, le décret d'expulsion fut exécuté sans pitié et les juifs qui ne voulurent pas accepter le baptême passèrent les Pyrénées. Parmi les autres, nombreux étaient les faux convertis. Les plus riches essayaient d'infiltrer l'Église catholique en achetant les hautes charges ecclésiastiques. Le problème fut soulevé lors d'un nouveau concile, à Tolède. Le canon 9 insiste sur la répression de la simonie, contre ceux qui « tentent d'acheter la dignité d'évêque ».
LE ROI ERWIG
Wamba fut détrôné par un seigneur d'origine byzantine, Erwig. Devant le concile qui devait le couronner, en 681, Erwig prononça contre  les juifs un discours, dont voici le début :      « Révérendissimes Pères et honorables Prêtres des Ministères célestes… faites voir la discipline de votre ferveur contre les perfides et éteignez l'aigreur des superbes, allégez la charge des opprimés, et plus que tout déracinez la peste judaïque qui de jour en jour va croissant en fureur. » (et quod plus hic omnibus est, judaeorum pestem quae in novam semper recrudescit insaniam radicitus extirpate).
Des vingt-sept paragraphes que le roi Erwig soumit à l'approbation du concile, un seul se rapportait aux juifs. Tous les autres concernaient ceux qui s'étaient fait baptiser par intérêt et qui, malgré leurs déclarations écrites, continuaient à judaïser en secret et à œuvrer pour le triomphe d'Israël. Pour amener les juifs au christianisme, Erwig proposa tout simplement de les obliger à se présenter au baptême dans le délai d'un an, eux, leurs enfants et tous leurs parents, et, dans le cas où ils ne se conformeraient pas à cet ordre, de confisquer leurs biens, de les frapper de cent coups de verges, de leur arracher la peau du front et de la tête et de les chasser du pays.
Le concile approuva aussi une mesure visant à détruire la cinquième colonne juive dans l'Église. Le canon 18 établissait un véritable espionnage au domicile même des chrétiens descendants de juifs, et obligeait leurs serviteurs chrétiens à dénoncer leurs pratiques judaïques, en leur offrant comme prime de dénonciation la libération de leur servage. Cette loi à l'adresse de ces serfs ordonne : « qu'en tout temps, celui qui proclamerait, dirait et jurerait qu'il est chrétien, et qui découvrirait l'incrédulité de ses maîtres et renierait leur erreur, qu'il obtienne alors immédiatement sa liberté. »
EGICA LE GRAND
La puissance des juifs d'Espagne fut complètement anéantie avec le roi Egica, qui avait épousé la fille d'Erwig et qui régna de 687 à 702. En l'année 694, une vaste conspiration fut découverte. Des faux chrétiens, en rapport avec leurs frères d'Afrique, complotaient pour fomenter une révolution. Félix, l'archevêque de Tolède, réagit alors promptement et convoqua un nouveau concile qui prit connaissance des preuves de la conspiration crypto-juive. Le huitième canon du XVIIe concile de Tolède, De la Condamnation des juifs, ordonnait textuellement, au sujet de la secte :
« Ses méchancetés sont sans nombre : à cause de cela, il est nécessaire que pleurent d'avoir encouru un si grave péché de haine ceux qui, par leurs méchancetés, non seulement ont cherché à perturber l'état de l'Église, mais avec une tyrannique hardiesse sont allés jusqu'à tenter de détruire la patrie et la nation, d'autant qu'en se réjouissant de croire que leur temps était arrivé, ils ont causé aux catholiques divers ravages. Pour ce motif, leur présomption stupéfiante et cruelle doit s'extirper par un châtiment plus cruel encore. De manière que le juge doit être contre eux d'autant plus sévère que, sous tous rapports, on châtie ce que l'on sait avoir été conçu avec une plus grande perversité. » (Notons que l'exposition « Piss Christ » d'avril 2011 en Avignon a été une nouvelle manifestation, heureusement combattue, de cette haine talmudique).
Le roi Egica les expropria totalement, leur défendit de posséder des maisons et des terres, leur interdit la navigation et le commerce avec l'Afrique et, en général, toute relation d'affaires avec les chrétiens. Les juifs étaient obligés de céder tous leurs immeubles au fisc, qui leur donnait un semblant de dédommagement. En outre, ils étaient expulsés de leurs lieux de résidence. Tous les juifs d'Espagne furent réduits en servage et répartis entre les grands seigneurs du pays, sans pouvoir jamais être affranchis. Nombreux furent ceux qui émigrèrent alors en Gaule Narbonnaise (Septimanie). Par la suite, cette région allait devenir le quartier général des hérésies révolutionnaires les plus destructrices.
LE JUDAÏSME : CHEVAL DE TROIE DE L'INVASION MUSULMANE
L'empire wisigoth touchait à sa fin. En avril 711, Tarik, un conquérant musulman, traversait le détroit de Gibraltar et envahissait l'Andalousie avec des forces considérables. Les armées musulmanes étaient grossies de tous les juifs qui avaient été bannis d'Espagne, ainsi que de ceux restés dans la péninsule. Au mois de juillet, les armées de Roderic, le dernier roi des Wisigoths, furent défaites, et les musulmans s'avancèrent rapidement dans l'intérieur du pays. Grâce à l'appui des juifs, auxquels ils confiaient la garde des villes dont ils s'étaient emparés, les généraux musulmans disposaient toujours de presque toute leur armée pour continuer la conquête du pays.
À Tolède, le jour du dimanche des Rameaux de l'an 712, les juifs firent entrer les Maures dans la cité. Les grands et le clergé s'étaient enfuis, et, pendant que les chrétiens invoquaient la protection divine dans les églises, les juifs ouvrirent les portes de l'enceinte et s'unirent avec les musulmans pour massacrer les chrétiens. (Chronique de l'évêque de Tuy).
Le témoignage des historiens chrétiens est d'ailleurs concordant avec celui d'Heinrich Graetz, qui assure lui aussi que les juifs « ouvrirent les portes de la ville au général arabe, qu'ils acclamèrent comme un libérateur. » Jacques Attali le confirme : « Avec leur aide, les troupes musulmanes battent le roi Roderic en juillet 711 et ont tôt fait de conquérir toute la péninsule. » Dans ces conditions, les juifs s'exposaient naturellement à des représailles : « L'archevêque de Tolède accuse les Juifs de trahison en faveur des Sarrasins, provoquant un soulèvement et organisant le pillage des synagogues. » (Les Juifs, le monde et l'argent, Fayard, 2002, p. 238).
L'Espagne tout entière devint une province musulmane. Pour récompenser les juifs de l'appui qu'ils leur avaient prêté, les Maures les traitèrent avec bienveillance, leur permirent de pratiquer ouvertement leur religion, d'avoir leurs tribunaux particuliers. Ils recouvrèrent ainsi toute leur puissance et agirent à leur gré auprès des califes.
Les premiers califes omeyyades étaient des souverains « tolérants et éclairés, écrit Heinrich Graetz, qui ne s'inspiraient pas, dans leur conduite, des doctrines étroites du Coran ».
L'Espagne sous domination musulmane reste donc, pour les juifs, un âge d'or qu'ils regrettent infiniment. L'historien juif Léon Poliakov écrit à ce sujet : « En 711, l'invasion arabe les propulsa en haut de l'échelle sociale, en qualité de conseillers et d'alliés des conquérants. » (Histoire des crises d'identité juives, 1994). Et Jacques Attali confirmait : « Jamais les Juifs n'ont connu plus beau lieu de séjour que cet Islam européen du VIIIe siècle ». Les financiers juifs triomphaient.
Il fallut huit siècles de lutte pour que les chrétiens reprissent possession de toute la péninsule. Le 2 janvier 1492, les rois catholiques, Ferdinand d'Aragon et Isabelle de Castille, entourés de leurs troupes, firent une entrée solennelle dans Grenade. Trois mois plus tard, le 31 mars, ils ordonnaient l'expulsion des juifs. Cette fois-ci, le pays était complètement libéré ; l'Espagne allait connaître son Siècle d'Or.
Hervé RYSSEN. RIVAROL 22 AVRIL 2011
Histoire de l'antisémitisme, 2010,432 pages, 26 € + 2 € de port. Hervé Lalin, 14 rue P. Brossolette, 92300 Levallois.

lundi 25 juillet 2011

LES PROMOTEURS DU COMMUNISME – EUGEN FRIED ET MICHEL FEINTUCH (8)

Aujourd’hui, pour le week-end, je n’ai pas vraiment envie de me fatiguer, alors je vous offre deux portraits qui trouvent parfaitement leur place dans cette série, et qui sont issus de mon livre Révolutionnaires juifs. Cette fois, nous restons en France :

1) EUGEN FRIED, dit CLEMENT, l’agent du Komintern qui fut le vrai chef du PCF
tt.jpgCelui qui est systématiquement qualifié d’ « homme de l’ombre » du parti communiste français naît en 1900 dans une famille juive de Slovaquie, alors partie de l’empire austro-hongrois. Il passe son baccalauréat en 1917, année fatidique. Dès lors il ne pensera plus qu’à se joindre aux mouvements révolutionnaires qui embrasent l’Europe centrale.

Il participe à la création du parti communiste tchécoslovaque en 1921 et en devient rapidement l’un des responsables. Il intègre par ailleurs le Komintern. 1921 est également l’année où s’organise en France la SFIC – Section française de l’Internationale communiste – vocable très révélateur pour désigner ce qui deviendra quelques années plus tard le PCF.
Fried, agent du Komintern, est envoyé en France en 1931 pour « encadrer » le parti dont il deviendra l’un des hommes-clés pendant une bonne dizaine d’années, sous le pseudonyme de Clément.

Sa tâche sera essentiellement de veiller à ce que les ordres de Moscou soient scrupuleusement exécutés. En fait, il contrôle tout l’appareil en sous-main. Si Maurice Thorez, l’ancien ouvrier méritant qui a grimpé tous les échelons du parti, prend la direction de son secrétariat général en mai 1931, ce n’est qu’avec l’assentiment du Komintern et de Fried.
Le PCF suivra dès lors fidèlement les injonctions et les fluctuations de Moscou: d’abord politique internationaliste, puis constitution du Front populaire en 1936, puis approbation du pacte germano-soviétique fin 1939, puis virage à 180° en 1941 et résistance aux Allemands.
Fried est toujours au centre de l’action, relayant fidèlement les ordres de Staline. En 1939, il quitte la France, où le parti a été interdit,  pour Bruxelles où il est chargé par le Komintern  de diriger une antenne pour toute l’Europe de l’ouest. Il y vivra avec la première femme de Maurice Thorez, Aurore.

Sa carrière d’influent agent de l’ombre va se terminer brutalement par son assassinat en 1943, à Bruxelles. Par qui ? Annie Kriegel avait débuté une biographie de Fried qui sera interrompue par son décès en 1996. Stéphane Courtois la terminera et la publiera en 1997 sous le titre Eugen Fried – Le Grand Secret du PCF. Les deux auteurs semblent attribuer le décès brutal de l’agent aux services spéciaux soviétiques. Ils ont en tout cas déclenché la controverse car la version habituellement admise – et tellement plus politiquement correcte – est d’attribuer la mort de Fried à la police allemande. Qui aurait tendu une souricière, dans cette maison bruxelloise qui servait de relais, sans savoir exactement qui viendrait s’y fourrer. 

2) MICHEL FEINTUCH, dit JEAN-JEROME, agent du Komintern et grand argentier du PCF
C’est lui qui succéda après la seconde guerre mondiale et jusque dans les années 1970 à Eugen Fried en tant qu’œil de Moscou rivé sur le parti communiste français.
Le futur Jean-Jérôme naît en 1906 dans une famille juive de Galicie, alors région de l’empire austro-hongrois. Il reçoit une éducation religieuse poussée dans une yeshiva où il apprend le yiddish et l’hébreu.
À la fin de la première guerre, la Galicie redevient polonaise. L’onde de choc de la révolution bolchevique se propage à toutes ces régions où s’organisent des partis communistes. La Pologne ne fait pas exception. Son parti révolutionnaire se crée dès 1918 par la fusion du SDKPiL - fondé par Rosa Luxemburg et Leo Jogiches - et de l’aile gauche du parti socialiste. Feintuch ne tardera pas à le rejoindre.
Il se fait arrêter à diverses reprises en raison de ses activités politiques et syndicales.  Comme de toute façon, il veut échapper au service militaire, il quitte la Pologne en 1927.
Il va vivre dans un premier temps en Belgique, travaillant comme ouvrier, mais il se fait expulser l’année suivante en raison de son activisme. Il passe alors clandestinement en France et va vite se trouver des points de chute grâce au Comité central du PCF. On le retrouve à la Confédération Générale du Travail (CGT) et à la mission polonaise de la Main d’œuvre étrangère (MOE)
Il se fait expulser une nouvelle fois, de France cette fois, en 1931. Mais il ne tardera pas à revenir. C’est qu’entre-temps il est devenu un efficace agent de liaison du Komintern et du Profintern, l’internationale rouge des syndicats, qui avait été créée en 1921 sur proposition de Zinoviev.
Il va travailler de concert avec l’agent du Komintern, Eugen Fried, qui débarque justement en France cette année-là. Tous deux sont au cœur de l’activité du PCF durant ces années d’avant guerre. En 1936 éclate la guerre civile en Espagne. Staline crée les Brigades internationales pour renforcer les républicains et aide ces derniers de multiples façons. Feintuch sera chargé de la logistique de cette aide depuis la France : armes et fournitures en tous genres traverseront la frontière. Mais la République d’Espagne s’effondre en 1939. Feintuch se reconvertit alors dans le passage en sens inverse : il fera traverser clandestinement vers la France des dizaines de milliers d’anciens combattants et de réfugiés.
En juin 1940, le numéro deux officiel du parti, Jacques Duclos, - le numéro un officiel, Thorez, ayant déserté à Moscou - rentre de Bruxelles où il s’était replié avec d’autres dirigeants du PCF, autour de Fried qui, lui, va rester en Belgique, et fait immédiatement appel à Feintuch. C’est à partir de ce moment-là que ce dernier se fera appeler Jean-Jérôme. Il sera d’une très grande utilité au parti alors clandestin : c’est lui qui fournit imprimeries clandestines, argent et organise les caches, notamment dans la banlieue parisienne.  C’est lui aussi qui sera chargé des contacts avec la résistance et les gaullistes.
Il est arrêté par les Allemands en avril 1943, mais assez curieusement, il ne sera pas déporté. Il est libéré en août 1944, en même temps que Paris.
À l’issue de la guerre, Jean-Jérôme aura droit à toute la batterie : Médaille de la Résistance, Croix de Guerre, Légion d’Honneur.
Il continuera après-guerre, et jusqu’au milieu des années 1970, à rendre d’éminents services au PCF, quoique occultes puisqu’il n’avait pas de titre officiel. Brassant de juteuses affaires d’import-export entre la Pologne, la Tchécoslovaquie et l’URSS, il passe pour avoir été l’un des grands argentiers du parti.

Il mourra en 1990, après avoir écrit deux livres de mémoires : La Part des Hommes et Les Clandestins (1940-44).
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LES PROMOTEURS DU COMMUNISME – VOLODIA TEITELBOIM (7)

Après Cuba, poursuivons notre périple au Chili. Volodia Teitelboim naît en 1916 à Chillàn dans une famille d’immigrants ukrainiens juifs. A 16 ans, il s’inscrit aux jeunesses communistes chiliennes. Nous sommes donc en 1932 (année de l’Holodomor en Ukraine). Il  poursuit ses études de droit en même temps que son militantisme. Wikipédia nous dit que « Pendant les années 40, Teitelboim est frappé comme tous les militants du Parti communiste chilien de persécution et contraint à l’exil ». Présenté de cette façon, on a vraiment l’impression que c’est dégueulasse de frapper de persécution des gens qui ne songent pourtant qu’au bonheur de l’humanité, vous ne trouvez pas ? Surtout que dans les années 40, ça faisait déjà vingt cinq ans qu’ils s’efforçaient de les rendre vachement heureux.
Mais après la pluie, le beau temps, et de retour d’exil les choses vont s’arranger pour lui puisqu’il est élu sénateur de Santiago en 1965. Fonction qu’il gardera jusqu’au coup d’Etat de septembre 1973 qui voit l’abominable Pinochet arriver au pouvoir. Car là, on nous précise bien que c’est un affreux dictateur, ce qui est normal puisqu’il n’était pas communiste. Certes, il y a eu des exactions durant le règne de Pinochet, mais pourtant elles n’arrivaient pas à la cheville de celles qui s’étaient passées bien plus à l’est, sur le vieux continent. Et sur lesquelles on observe une retenue de rosière.
Pendant ces sombres années d’obscurantisme, Teitelboim justement, s’installe à Moscou, où les droits de l’homme étaient tellement mieux respectés, nous le savons tous, et il en profite pour préparer son programme. Il a bien raison car, de retour au Chili, il est élu en 1989 président du parti communiste chilien. Il le restera jusqu'en 1994.
Il écrivait, également, et a reçu le prix national de littérature du Chili en 2002. Teitelboim mourra le 31 janvier 2008 – il avait 92 ans – et aura droit à un vibrant hommage en France, de la part du PCF. Qui en ces temps de morosité, n’a plus tellement d’occasions de commémorer grand-chose.                                   

Rien à voir avec ce qui précède, mais une correspondante très avisée me rappelle à propos de l’article d’hier Encore un d’attrapé, ceci :

Salomon Morel et autres :
Il vaut la peine de rappeler à ce sujet votre propre article publié en 2007 sur John Sacks et son livre “Oeil pour Oeil” :
http://france-licratisee.hautetfort.com/tag/eye

livre le plus complet écrit par un juif sur ces criminels juifs nommés par Staline à tous les postes importants de l'administration de la Pologne et surtout dans ses “Services de Sécurité”(police stalinienne UB )et à la tête des camps de concentration post deuxième guerre mondiale .http://france-licratisee.hautetfort.com

dimanche 24 juillet 2011

Polémistes et pamphlétaires français : Charles Pierre Péguy

Charles Pierre Péguy est né le 7 janvier 1873 à Orléans. Il est issu d'une famille modeste. Sa mère est rempailleuse de chaises, son père est menuisier. Péguy est d'abord, comme l'écrira Pierre Dominique, un paysan, un petit gars de la campagne instruit, cultivé, et qui écrira comme on laboure… Il démontre, dès son plus jeune âge, un caractère affirmé. Son proviseur écrit dans son bulletin : « Toujours très bon écolier, mais gardons-nous du scepticisme, et restons simple. J'ajouterais qu'un élève comme Péguy ne doit jamais s'oublier ni donner l'exemple de l'irrévérence envers ses maîtres ».

Rebelle, dès son plus jeune âge… Il prépare le concours de l'École normale supérieure. C'est à la fin de cette période qu'il devient, selon un de ses condisciples, « un anticlérical convaincu et pratiquant ». Il affine ses convictions socialistes. Une vision personnelle faite de rêves de fraternité et de convictions issues de la culture chrétienne. À l'École normale supérieure, il est l'élève de Romain Rolland et de Bergson, qui ont une influence considérable sur lui. Romain Rolland le décrit ainsi : « Il était fils de pauvres gens, mais point, comme Vallès, de petits bourgeois, non, il venait du peuple, paysan et artisan, du peuple en sabots, il avait de la terre orléanaise à ses sabots ». Il ignorait les compromis. Il s'en prit à tout le monde : les républicains, les socialistes, les libres-penseurs, les syndicalistes, les gens de droite, les financiers, la Droite de l'Académie, sa Gauche, et toutes les revues, dont l'Action Française. Péguy s'en prend à Barrès : « Barrès ! En voilà un ! Il a tout, l'Académie, l'État, la Gloire, et il tremble devant n'importe quel morveux de journaliste. Il écrit des quatre pages à de petits imbéciles qui, d'ailleurs, se foutent de lui et qui ont bien raison. » L'inventeur de l'expression « les hussards noirs de la République » ? C'est Péguy. Un polémiste.

Après avoir été Dreyfusard, il, se convertit au nationalisme. Et il s'en prend au « parti intellectuel » : « Ils tiennent tout, tout le pouvoir temporel. » C'est une « Église laïque, radicale… ». Et il dénonce « le caprice, le délire, la démence, la brutalité de quelques despotes. Et même  quelquefois  leur bestialité. » Pour Péguy, « la race française » est le fruit millénaire d'une correspondance entre un peuple et une terre irriguée par des siècles de christianisme. Un christianisme païen, au sens de paganus (paysan). Il s'oppose fermement à « cet universalisme facile » qui commence, à ses yeux, à envahir le monde. « Je ne veux pas que l'autre soit le même. Je veux que l'autre soit autre », affirme-t-il. Péguy est un combattant. Écoutons-le quand il parle de la foi : « Vae lepidis, malheur aux tièdes. Honte aux honteux. Malheur et honte à celui qui a honte. […] Nulle source n'est aussi honteuse que la honte. Et la peur. Et de toutes les peurs, la plus honteuse est certainement la peur du ridicule, d'être ridicule, de paraître ridicule, de passer pour un imbécile. » Péguy exècre la modernité. Il critique dans la modernité la vanité de l'homme qui prétend remplacer Dieu, et un avilissement moral dû à la part donnée à l'argent et à l'âpreté mise à sa recherche  et  à  son   accumulation. Il dénonce ce monde qui tourne le dos aux humbles vertus du travail patient du paysan ou de l'artisan.
Nationaliste, il le fut. Et catholique. Bien qu'il n'eut jamais communié adulte il partit en juin 1912, touché par la maladie de l'un de ses enfants, en pèlerinage à Chartres. Il écrira : « J'ai tant souffert et tant prié… Mais j'ai des trésors de grâce une surabondance de grâce inconcevable ».
Lieutenant de réserve, il part en campagne dès la mobilisation, en août 1914. Il meurt au combat le 5 septembre 1914 Un de ses amis a raconté, qu'avec fierté il avait dit, avant son départ pour le front : « Tu les vois, mes gars ? Avec ça, on va refaire 93 ».
Écoutons ce grand patriote :
« Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle,
Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre,
Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles,
Couchés dessus le sol à la face de Dieu Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés ».
R.S. RIVAROL 22 AVRIL 2011

samedi 23 juillet 2011

LES PROMOTEURS DU COMMUNISME – FABIO GROBART (6)

Fabio Grobart, de son véritable nom Abraham Simjovitch, naît à Bialystock, Pologne, en 1905 dans une famille juive. Dès 1922, il rejoint les jeunesses communistes polonaises. Son activisme lui vaudra de sérieux ennuis qui le conduiront à souhaiter changer d’air. Direction … Cuba*.Il n’y perdra pas son temps puisque dès 1925 – il a 20 ans – il fonde avec trois autres juifs ashkenazes : Goldberg, Vasserman et Garbich, sur ordre du Komintern, le parti communiste cubain.
Le spécialiste de l’histoire juive Moisés Asis nous le dit en ces termes : « By 1925, there were 8,000 Jews in Cuba (some 2,700 sephardic, 5,200 ashkenazic, and 100 Americans). Four ashkenazic Jews were in the small group that founded the first Communist Party of Cuba in 1925: Grimberg, Vasserman, Simjovich aka Grobart, and Gurbich. They opposed the religious and community life of the other Jews.”
A partir de ce moment-là, il sera l’ incontestable « idéologue » du parti et le mentor de Fidel Castro qu’il est censé avoir lui-même recruté en 1948. On lui attribue généreusement – car on ne prête qu’aux riches – un rôle majeur, quoique plutôt occulte, dans la révolution cubaine de 1959 et les événements qui la précédèrent. Les quelques décennies entre 1925 et 1959 furent officiellement occupées par lui à des activités syndicales et à des voyages en Europe de l’est, sous diverses identités et à des fins tout aussi diverses.
Bref, il fut l’éminence grise du pouvoir communiste cubain jusqu’à sa mort à Cuba, en 1994. À l’âge respectable de 89 ans, soit notablement plus que celui auquel parvinrent généralement les innombrables victimes de la terreur castriste. Le New York Times rapportera en ces termes des plus softs son décès, le 24 octobre 1994 :
« Fabio Grobart, a founder of Cuba's Communist Party, has died, state news organizations reported. He was 89 years old. The report from the state news agency A.I.N. did not say when he died or the cause of death, but it said he was buried on Saturday. Mr.Grobart, who emigrated from Poland to Cuba when he was 19, was a founding member of the Cuban Communist Party in 1925. At one time he owned a tailor shop in Havana. In the years after the 1959 revolution that brought Fidel Castro to power, Mr. Grobart served on the party's Central Committee and as a member of Parliament.”
Pour compléter ce portrait sommaire, voyons cette présentation, parue dans Libération, du livre de Serge Raffy, Castro, l'infidèle, paru en 2003 (Fayard) :
« Le scanner est sans pitié. Ainsi en est-il de celui que Serge Raffy fait subir à Fidel Castro. Le résultat de l'examen est accablant. Il surprendra même ceux qui n'ont jamais participé au culte du caudillo des Caraïbes et qui se sont toujours méfiés des images d'Epinal «made in La Havane». Il en est une, en particulier, que pulvérise l'enquête du journaliste Raffy : celle du révolutionnaire romantique, poussé presque malgré lui vers le communisme, après sa prise du pouvoir en 1959, par l'intransigeance absolue des États-Unis. Une vraie imposture. Non seulement parce que Castro a très vite accordé fort peu d'importance à la vie des autres mais surtout parce que, depuis 1952, sinon 1948, l'agitateur étudiant Castro, peu regardant sur ses alliances conjoncturelles mais qui ne manque jamais une occasion de proclamer son anticommunisme, émarge au réseau «Caraïbes» mis en place par les services secrets soviétiques.
Il a été recruté par la «tête» du réseau, Abraham Semjovitch, un juif polonais connu à Cuba sous le nom de Fabio Grobart. Sa mission : brûler les étapes classiques de la prise du pouvoir en suscitant des mouvements révolutionnaires en marge des partis communistes traditionnels (trop surveillés et pas assez audacieux), capables de s'imposer par la force et par la ruse. Ce sera le rôle du M26, le Mouvement du 26 juillet, ainsi nommé en souvenir de la calamiteuse attaque de la Moncada, en 1953, devenue par la grâce de la propagande castriste un haut fait militaire.
La chronologie de l'année 1959, qui débute par la fuite de Batista et l'entrée des «barbudos» de la Sierra Maestra dans La Havane, ne dément pas, loin de là, ce qui précède : après avoir nommé un gouvernement «démocratique» où sont représentées toutes les sensibilités de l'opposition à Batista, Fidel Castro dissout dès le mois de février l'Assemblée nationale, se proclame Premier ministre ; et trois mois plus tard, il impose la collectivisation des terres sous le contrôle de l'armée. De quoi satisfaire Fabio Grobart et un certain Nikolaï Leonov, un autre agent du KGB, très lié au frère omniprésent de Fidel, Raoul, dépêché à Prague dès 1953 aux fins de formation à la clandestinité. Cette accélération de la révolution en direction d'un soviétisme tropical, le rôle accru des communistes cubains dans des instances paragouvernementales quasi clandestines et l'autoritarisme croissant dont fait preuve Castro lui-même, ne sont pas du goût de certains de ses compagnons de la première heure.
Le plus prestigieux d'entre eux, affirme Serge Raffy, détails et témoignages à la clé, sera éliminé sur ordre de Fidel et de Raoul, ce dernier définitivement spécialisé dans les basses besognes. Il s'agit de Camilo Cienfuegos, chef de l'Armée rebelle ; cette figure légendaire de la révolution, presque aussi populaire que Castro mais tellement plus «cubain» donc spontané, va périr le 28 octobre 1959 dans le mitraillage de son avion par un pilote qui croyait «descendre» un appareil ennemi. Un autre héros emblématique de la «longue marche» castriste, Huber Matos, sera, lui, condamné à vingt ans de prison en décembre 1959 à la suite d'un procès dont Staline n'aurait pas désavoué la mise en scène. La même scène se rejouera trente ans plus tard lorsqu'il s'agira de faire fusiller un autre «héros de la révolution» qui s'était ensuite illustré dans les combats d'Angola, où Castro avait engagé son peuple en tant que supplétif de l'Union soviétique, le général Ochoa. »
* Les premiers juifs y arrivèrent à l’époque de Christophe Colomb, fuyant l’inquisition. D’autres arrivèrent au 19e siècle en provenance d’Europe de l’est. Puis d’autres encore à partir de 1910, de Turquie cette fois. A la seconde guerre mondiale arrivèrent d’autres juifs, qui furent bien accueillis, dont des diamantaires d’Anvers (c’est vrai qu’ils sont toujours bien accueillis, ceux-là). Hélas, ils repartiront en 1946.
En 1945, il y avait 15 000 juifs à La Havane, essentiellement des commerçants. Au début des années 60, soit à la révolution – ils voulaient bien la faire mais pas la subir – 90% d’entre eux repartiront aux USA et en Israël. Sans rancune …

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