Je me suis interrogé avec une belle naïveté : pour le 49e anniversaire du 26 mars 1962 au cours duquel, à Alger, les troupes françaises firent plusieurs centaines de victimes en tirant dans une foule de Pied-Noirs désarmés, une seule voix, autre que la nôtre, allait-elle soutenir notre mémoire ? Naïveté, vous dis-je… Pour la 48e fois la canaille intello-médiatique française fait silence. Derrière la Ligue des Droits de l'Homme, le Parti Communiste et son appendice la FNACA, avec le soutien des “historiens” militants Blanchard, Noiriel, Stora ou l'autre, qui nous a quittés, Liauzu, etc., près d'un demi-siècle plus tard, toutes les tentatives des « nostalgiques de l'Algérie Française » de rendre hommage à leurs disparus, dénoncées comme une volonté de « réhabilitation de l'OAS », continuent à alimenter des campagnes de haine racistes et hystériques.
Il est vrai que depuis la fin de la Guerre d'Algérie des milliers de films, de débats, de reportages, de recensions de livres ont exposé la vision officielle de ces événements - qui est celle du Parti Communiste et du FLN -. À une ou deux exceptions près (1), combien ont librement laissé s'exprimer le point de vue des Pieds-Noirs ? Les massacres du 26 mars et d'Oran, le 6 juillet 1962, étant justement l'illustration de ce révoltant déni d'expression. Comme l'est d'ailleurs l'occultation minutieuse des écrivains Jean Brune, Marie Elbe et Anne Loesch qui commirent le crime de trop bien représenter l'identité pied-noire et dont 99,99 % des Français ignorent jusqu'à l'existence.
Le 23 février 1963, au procès du colonel Bastien-Thiry, fut soulevé un pan du secret (2) d'État sur ce qui rappelle de façon lancinante de quels crimes la République française est capable. Les quelques personnes qui eurent accès à ces minutes découvrirent l'autre vérité. Celle qui a échappé par bribes dérisoires à la chape de silence qu'est la pensée totalitaire. Quelques acteurs vinrent témoigner dans le cadre bien cadenassé d'un procès d'exception conduit par des magistrats désignés par l'Élysée pour obtenir une peine de mort. Il s'agissait donc d'asséner la vérité officielle selon laquelle le massacre de la rue d'isly avait été provoqué par l'OAS. Maîtres Le Coroller et Tixier-Vignancour parvinrent cependant à mettre en évidence qu'il y avait bien eu provocation mais qu'on devait celle-ci au gouvernement de Michel Debré. Le ministre des Armées et paléo-gaulliste Pierre Messmer fut désigné comme un des responsables directs ainsi que le ministre de l'Intérieur d'alors, Roger Frey, lui aussi dinosaure du gaullisme, natif de Nelle Calédonie dont la famille était originaire d'Algérie. Mais surtout la défense mit en évidence le rôle fondamental joué dans le déclenchement de la tuerie par des “barbouzes” vietnamiens appartenant au Mouvement pour la Coopération dirigé par des gaullistes de sac et de corde, les Ponchardier, Le Tac, Bitterlin, Coulay. Lesquels, agissant en liaison étroite avec Si Azzedine, le chef de la zone autonome d'Alger du FLN, avaient pour spécialité la torture, les enlèvements, le plasticage, l'assassinat de Pieds-Noirs.
Après le livre blanc édité par l'Esprit Public - cf. note n°2 - l'écrivain et historienne Francine Dessaigne - auteur en 1962 du Journal d'Une Mère de famille pied-noire, bouleversante chronique au jour le jour d'une descente aux enfers - publiera en 1996 « Un crime sans assassin ». Un ouvrage de 600 pages et 600 témoignages sur les 12 minutes que dura la fusillade sanglante et dont José Arnau, acteur et témoin, écrira : « Ce livre démontre d'une façon évidente que les Algérois ont subit le 26 mars 1962 comme un véritable acte de guerre. Les témoignages qu'il contient m'ont permis de réaliser une carte des 38 points de tirs, véritables feux de barrages qui ont tous tiré pendant 12 minutes, sur une surface de plus de 15 km² et non pas seulement rue d'isly ». Dans son livre « Massacres organisés », Arnau montre que des officiers, comprenant qu'un massacre était en train d'être organisé et ayant refusé d'obéir aux ordres, furent sur le champ expédiés en forteresse en France.
Jean Monneret est l'un des plus minutieux historiens de l'Algérie Française, ce qui explique qu'il soit exclu de tout débat ou émission de grande écoute. Auteur en 2009 de Une ténébreuse Affaire : le 26 mars 1962, il approfondira les thèmes mis au jour par Francine Dessaigne et fit de nombreuses recherches originales dans le fonds d'archives que celle-ci nous a laissé.
Guy Forzy, ancien délégué interministériel aux rapatriés et ami personnel de Jacques Chirac, complétera le travail commencé par Francine Dessaigne. Lui aussi donnera la liste des unités mises en place par le commandement militaire afin de transformer le carrefour Michelet-Isly-Grande Poste en souricière et multipliera les croquis montrant que la fusillade éclata de toutes parts, empêchant la foule de s'échapper. Son livre publié en 2009, 26 mars 1962, l'Ordre règne sur Alger, est un réquisitoire cinglant contre le gaullisme qu'il accuse clairement d'avoir monté toute cette machination pour se débarrasser définitivement des Pieds-Noirs. Il montre surtout que diverses unités de l'armée et de la gendarmerie “rouge” participèrent à l'opération et pas seulement les deux sections de tirailleurs qui concentrèrent sur elles toute l'attention. Comme les autres auteurs cités ici, ses états de services ne valurent pas à Guy Forzy dix secondes d'éclairage médiatique et il eut droit lui aussi au traitement par le silence.
En revanche, on peut, sans risque de se tromper, prévoir que l'Histoire officielle et ses laquais, qui continuent à occulter ces crimes de guerre dont ils sont les complices, s'apprêtent à commémorer dans un grand tintamarre le 50e anniversaire des “ratonnades” parisiennes d'octobre 1961.
René BLANC. Rivarol 2011
(1) Dont la série de Gilles Perez « Les Pied-Noirs, histoire d'une blessure », diffusée en trois épisodes sur FR3.
(2) Dans les semaines qui suivirent le massacre, L'Esprit Public, le mensuel de combat qui rassemblait l'étincelante extrême droite littéraire d'alors, Nimier, Laurent, Blondin, Laudenbach, Perret etc., sous la houlette de Philippe Heduy, publia un « Livre Blanc du 26 mars » qui aurait dû soulever l'indignation des tartuffes. Celle, par exemple, de Amnesty International créée en juillet 1961. Mais le silence des veaux fut sans faille.
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