samedi 29 août 2009

La légende noire de Pie XII

Depuis des siècles, l'histoire de l'Église fait, elle aussi, l'objet de manipulations. L'une des illustrations les plus récentes en est donnée par la légende noire d'un Pie XII complice, par son silence, de la déportation des Juifs.

Voilà tout juste cinquante ans, s'éteignait Pie XII. Golda Meir, ministre des Affaires Étrangères d'Israël, saluait alors la mémoire d'Eugenio Pacelli, « grand serviteur de la paix » : « Pendant la décennie de terreur nazie, quand notre peuple a subi un martyre terrible, la voix du pape s'est élevée pour condamner les persécuteurs », affirmait-elle. Le lendemain, Elio Toaff, Grand Rabbin de Rome, déclarait lui aussi : « Les juifs se souviendront toujours de ce que l'Église catholique a fait pour eux sur l'ordre du Pape au moment des persécutions raciales ». Treize ans auparavant, Israële Zolli, à l'époque Grand Rabbin de Rome, s'était converti au catholicisme en choisissant le prénom d'Eugène, en hommage à Pie XII. Et les gestes de reconnaissance à l'égard du pape, de la part du monde juif, étaient alors légion.

Tout bascule en 1963, lorsque le dramaturge allemand Rolf Hochhuth publie sa pièce, Le Vicaire. La légende noire du pape nazi est lancée. Elle prendra de l'ampleur avec la publication, en 1999, du Pape d'Hitler, du journaliste anglais John Cornwell (accessoirement frère du maître du roman d'espionnage, John Le Carrée), puis avec Amen, l'adaptation cinématographique de l'œuvre de Hochhuth par Costa Gavras en 2002. Dans une société a-culturée, où le scandale fait office de marketing, Amen endosse l'habit de l'œuvre historique, au service d'un devoir de mémoire de masse. Le Pape y apparaît attentiste, voire complaisant à l'égard du régime national-socialiste. Silence complet sur l'encyclique Mit brennender Sorge (Avec une vive inquiétude) de 1936, condamnant l'idéologie hitlérienne et dont Pacelli fut le principal artisan. Le discours de Noël 1942 est réduit à sa plus simple expression. Pourtant, alors qu'aujourd'hui les détracteurs de l'Église n'y voient qu'une allusion ambiguë aux souffrances du peuple juif, le Bureau central de la Sécurité du Reich à Berlin saisit parfaitement le poids du discours délivré à l'époque par le Vatican :
« D'une manière qui n'a pas de précédent, le pape a désavoué le national-socialisme et le nouvel ordre européen, écrit-il alors à ses représentants à travers l'Europe occupée. Il y accuse virtuellement le peuple allemand d'injustice envers les Juifs et se fait le porte-parole des criminels de guerre juifs. » Quant à l'action personnelle du pape en faveur des juifs traqués dans Rome occupée par les troupes allemandes, le film de Gavras demeure tout aussi évasif.

Effet médiatique contre science historique

Peu importe, dès lors, que les remarquables travaux du père Blet, un jésuite qui a dépouillé les archives vaticanes, aient montré l'inanité des accusations portées contre Pie XII ; peu importe aussi qu'il ait été le seul chef d'État au monde à lancer un cri d'alarme dans ce fameux discours de Noël. Peu importe enfin que le souci de ne pas ajouter encore aux persécutions subies par les Juifs, mais aussi par les catholiques polonais, lui ait imposé une certaine prudence - le pape tirant la leçon des dénonciations énergiques - du traitement réservé aux juifs par les clergés catholique et protestants aux Pays-Bas, qui provoqua la déportation des Juifs convertis au catholicisme ... L'effet médiatique l'emporte sur la science historique. Nous savons depuis 2007, par les confessions d'un ancien général du KGB, le Roumain Ion Pacepa, que l'Union soviétique est à l'origine de la légende noire qui pèse aujourd'hui sur la personne d'un Pape qui combattit avec une même ardeur nazisme et communisme. « Calomniez, il en restera toujours une trace » : les efforts de Benoît XVI, qui tente courageusement de faire aboutir le procès en béatification de son prédécesseur, ou le remarquable travail historique du grand rabbin de New York, David Dalin, qui réclame en vain la distinction de « juste parmi les Nations » pour Pie XII, n'y font rien. Aujourd'hui comme sous Khrouchtchev, il faut un bouc émissaire qui permette de faire taire cette Église catholique qui gêne un Occident avachi dans le matérialisme, coupable de nombreuses complaisances à l'égard du Communisme et qui, pour se refaire une vertu, n'en finit pas de pourfendre une idéologie nazie morte voilà plus de soixante ans, et qui ne renaît que dans son imaginaire. Chaque époque a les combats qu'elle mérite.

Camille Séchan, Monde & Vie du 22 novembre 2008.

jeudi 27 août 2009

Le régime politique carolingien (partie 1)

Le régime carolingien, comme tout régime suffisamment évolué, comprend trois ordres d'institutions : gouvernement central, gouvernement local, organes intermédiaires.
Le gouvernement central s'appelle couramment le Palais. Cette appellation était en usage aux temps mérovingiens et remontait à l'époque impériale romaine. Une filiation directe relie ces moments successifs à travers lesquels, en dépit des variations contingentes, se développe une même façon de concevoir l'art de conduire les peuples. Dérivé du Palais mérovingien, le Palais carolingien en diffère tout de même sur un point essentiel : par l'absence d'un personnage qui tenait, sous la « première race », une place prépondérante. Le majordome ou maire du Palais n'a pas survécu au changement de dynastie. Comment en eût-il été autrement ? Pépin, en gravissant les marches du trône, s'est bien gardé de confier à un subalterne, qui eût pu aisément devenir un rival, les fonctions qui avaient si bien servi à l'escalade du pouvoir suprême. Mais alors le Palais n'a plus de chef. Plus de chef en dehors du prince. Et c'est précisément le trait caractéristique du Palais sous la « seconde race ». Point de ministre dirigeant. Une série de services dont chacun a son chef, tous subordonnés au seul souverain.
Le Palais ainsi organisé nous est décrit dans un traité intitulé justement l'Organisation du Palais (De ordine Palatii). Ce traité a pour auteur Hincmar, archevêque de Reims sous le petit-fils de Charlemagne, Charles le Chauve ; mais Hincmar déclare s'inspirer étroitement d'un écrit dû à la plume d'un des conseillers de Charlemagne lui-même, l'abbé de Corbie, Adalard. Bien que certaines préoccupations propres à Hincmar obligent à n'user qu'avec précaution des données qu'il consigne, le De Ordine est une source infiniment précieuse, grâce à laquelle nous pénétrons, pour ainsi dire à l'intérieur des bureaux où s'élabore la politique, de l'État franc.
Qu'y voyons-nous ? Les services, que le Palais juxtapose sont à la fois des services publics et des services privés. L'État est incarné dans la personne du prince. Nulle distinction, dès lors, entre la maison du prince et la gestion des affaires. Notre notion moderne de la vie privée du souverain disjointe de l'État est inconnue des Carolingiens. Pareille distinction leur eût paru incompréhensible. Charlemagne, dans le Capitulaire De Villis, légifère sur l'exploitation de ses domaines ruraux comme il le ferait sur la justice ou la police. Un chef d'État actuel n'aurait jamais l'idée d'administrer sa fortune personnelle au moyen de décrets rendus sous forme officielle.
Les services du palais
Les services palatins sont tous, par quelque côté, des services domestiques, et par d'autres côtés, des services de l'État. Chaque chef de service mène ses bureaux. Il y a six grands offices : l'archichapelain, le comte du Palais, le chambrier (ou camérier), le sénéchal, le bouteiller, le connétable. En somme, les auxiliaires de la maison du prince lui servent en même temps de ministres. L'ordre dans lequel nous venons d'énumérer ceux-ci correspond au rang des préséances, au témoignage formel d'Hincmar.
Celui qui ouvre la liste, l'archichapelain, est toujours un clerc. Il est à la fois chef de la chapelle, chef de l'école palatine, chef de la chancellerie. A ce dernier service se rattachent, comme annexe, les Archives.
Malgré le grand intérêt que présente la chapelle, qui comprend la direction des Affaires ecclésiastiques, malgré l'importance de l'école palatine qui, nous le verrons, est une école de l'élite et une école modèle, l'archichapelain doit surtout son rang dans l'EÉat à sa qualité de grand chancelier. Il est l'héritier du référendaire mérovingien. Sous ses ordres sont des chanceliers et des notaires, et quand, après l'époque carolingienne, l'archichapelain aura rejoint le référendaire au pays des souvenirs, le chef de service qui prendra la tête sera un simple chancelier, cancellarius.
Le comte du Palais (comes palatii) vient au second rang, d'après Hincmar, qui parle assez vaguement de ses attributions « presque innombrables » (poene innumerabilia). C'est un administrateur du Palais en tant que demeure royale et c'est un justicier de tout le personnel qui y vit.
Le chambrier s'occupe des appartements royaux, y compris la chambre du trésor, ce qui entraîne des fonctions assez voisines de celles d'un ministre des Finances. Et comme, d'autre part, aux appartements royaux se rattachent également les réceptions d'ambassadeurs, ce ministre des finances paraît être aussi, par bien des côtés, un ministre des Affaires étrangères. Le Trésor, que le chambrier administre, joue un rôle capital. On n'y conserve pas seulement des espèces monnayées, mais aussi des métaux précieux, des lingots, des objets d'or et d'argent, de la vaisselle, et tout cela constitue l'équivalent d'un stock métallique, couverture de la monnaie courante. Il en sera ainsi tout le long du moyen âge. Les couronnes du souverain ne sont pas seulement des insignes, ce sont des valeurs.
Le sénéchal, le bouteiller et le connétable sont des intendants. Le connétable, en particulier, comme son nom l'indique (comes stabuli), a l'administration des écuries et des chevaux, ce qui entraîne la haute direction de la cavalerie, d'où il suit que le connétable remplit souvent les fonctions de chef d'armée, l'arme à cheval devenant de plus en plus, à mesure qu'on avance dans le temps, l'arme par excellence et la reine des batailles. Aussi les maréchaux, qui secondent le connétable et lui sont subordonnés, sont-ils appelés, comme leur chef, à une haute fortune.
Les six grands officiers qui viennent de défiler sous nos yeux s'entourent de subalternes nombreux, tout un personnel d'action ou de plume qui pullule au Palais et dont Hincmar nous communique la vie intense, Aix s'anime. Les grands officiers sont en même temps les principaux conseillers du maître. Ils sont les palatins par excellence (palatini). Le souverain, suivant les besoins, puise dans ce personnel d'élite et de confiance. Chaque palatin peut être chargé par le prince de missions quelconques. Un comte du Palais, un sénéchal peut, aussi bien qu'un connétable, se voir investi d'un commandement militaire ou d'une ambassade. Le connétable n'est pas encore spécialisé, confiné à des missions militaires. Ses collègues sont donc habilités à recevoir eux aussi de telles missions. Ils ne s'en font pas faute. Dans la pratique, sauf l'archichapelain, qui étant clerc ne peut verser le sang, tous les titulaires de grands offices ont commandé devant l'ennemi.
Pat - (principale source, Charlemagne de Joseph Calmette)

Le régime politique carolingien (partie 2)

Le comté
Si le Palais représente le pouvoir central, le comté représente le gouvernement local.
La division normale du territoire est celle du comté (comitatus, pagus) (1), et l'on a calculé qu'il y avait environ cent dix comtés carolingiens dans le cadre de la France actuelle. Le comté est donc, en moyenne, sensiblement plus restreint que le département moderne. Toutefois, il y a lieu de tenir compte d'un correctif : l'étendue des comtés était beaucoup plus inégale que celle des départements ; la répartition des pagi ou comtés a d'ailleurs subi des modifications assez sensibles au cours des temps.
Toute l'administration du comté est aux mains d'un fonctionnaire unique, le comte. C'est, comme son titre l'indique (comes, compagnon), à l'origine un compagnon du roi. En somme, un homme du Palais détaché pour résider en province. Ce lien du comte à l'égard du roi tend à se concrétiser sous forme de vassalité. En tout cas, qui dit comte, au IXe siècle, entend par là comte de comté. Un grand historien, qui a beaucoup fait pour la connaissance des institutions, mais qui a parfois été dupe de certaines apparences, Fustel de Coulanges, prétendait que le comte était resté tout au long de l'époque carolingienne un compagnon du roi. Ce qui l'induisait en erreur, c'était de voir qu'en effet certains comtes étaient chargés par le prince de commandement, militaires ou de missions diverses. Or, ces comtes auxquels on confie de telles missions, s'ils agissent en dehors du comté, n'en ont pas moins leur comté. Ils sont momentanément détachés, certes ; détachés toutefois non de l'entourage royal mais du comté dont ils restent titulaires. Seul le comte du Palais n'a pas de comté ; mais peut-être serait-il plus juste de dire que l'administration et la justice palatines qui lui incombent sont assimilées à un comté.
Posons donc en principe que comte signifie chef d'un comté. Il en résulte que le comte est, pour ainsi parler, le préfet du régime carolingien. Il est préfet dans la mesure où le comté répond au département. Chef du comté, le comte a dans ses mains la totalité des services : armée, police, justice, impôt, tout est de son ressort. Qu'est-ce à dire ? Ce préfet est en même temps général et président de tribunal. Tous ses subordonnés sont nommés par lui : vicomtes, viguiers et agents inférieurs.
Seul est indépendant du comte l'évêque. Et comme le chef-lieu comtal coïncide le plus souvent avec la civitas, la cité, au sens de diocèse, il y a dans toute ville importante, deux pouvoirs qui se balancent. Rivalité ? Parfois, peut-être, en fait. Les missi, au besoin, y mettraient bon ordre. La collaboration du pouvoir civil et du pouvoir religieux se postule. Elle est la clef de voûte du régime. La compénétration du Spirituel et du Temporel, rendue déjà sensible par la notion de fidèle, se retrouve à propos du comte et de l'évêque, comme, tout à fait en haut, elle s'exprime par le dualisme de l'empereur et du pape.
Le réseau des comtés recouvre tout l'Empire. Il y a cependant des personnages qui portent des titres réputés plus reluisants. Il y a des ducs, des marquis. Quelle place tiennent ces dignitaires ? Notons d'abord que duc et marquis (dux, markio) sont termes synonymes. Ce sont deux équivalents, l'un latin, l'autre germanique. Les textes emploient l'un ou l'autre pour le même personnage remplissant les mêmes fonctions. Le duc ou marquis est un général en chef ayant la haute main sur les troupes d'une circonscription militaire englobant plusieurs comtés. ( Saint Guilhem, généralissime des troupes du front sarrasin, est comte à Toulouse, mais, en outre, par-dessus les comtes, ses collègues, qui commandent respectivement les contingents de leurs comtés, Guilhem est duc, et l'ensemble des forces de la vaste «marche» qui fait face à l'Islam est placé sous son commandement supérieur. )
De tels commandements n'existent pas partout. Il n'y a donc pas de réseau ducal superposé au réseau comtal. Simplement, le groupement de certains comtés en une marche oblige à donner à l'un des comtes du groupe la dignité ducale ; mais celle-ci n'a de portée qu'en campagne, et c'est bien la raison pour laquelle le duc ne cesse de s'intituler comte, par référence à ses fonctions civiles à l'intérieur de son propre comté (2).
Organes intermédiaires
Il reste à considérer ce que nous avons appelé les organes intermédiaires. Ce sont ceux en qui s'opère la liaison entre le comté et le Palais. Or cette liaison met en jeu deux institutions de primordiale importance : 1) les missi et 2) les plaids.
1) - Les missi
Eux-mêmes, que l'on donne souvent comme une idée de Charles, avaient été imaginés antérieurement à lui. Seulement, au lieu de se contenter des commissaires enquêteurs envoyés à titre exceptionnel du Palais pour instruire une affaire, il a conçu, sous la même rubrique, une inspection générale permanente et annuelle de tous les services publics.
Les missi dominici ainsi compris sont demeurés célèbres et on ne les sépare pour ainsi dire jamais du nom même de Charlemagne, Les missi dominici sont, comme l'indique l'expression, les « envoyés du maître ». Ce sont des fondés de pouvoirs délégués par le souverain. Il leur appartient de contrôler sur place les comtes et les subordonnés du comte. En sens inverse, ils rapportent au Palais les besoins et les aspirations de la province. Le missus est un trait d'union.
Un tel rôle est chose délicate. Il faut que celui qui l'assume soit investi de la confiance du chef de l'État. Il faut aussi qu'il soit muni des instructions du Palais et agisse en tout dans l'esprit du Palais. Les Capitularia missorum réalisent ces dernières conditions. Quant à la confiance du chef de l'État, elle explique pourquoi ces inspecteurs sont recrutés dans le haut personnel laïque et ecclésiastique. Marchant à deux ou à quatre, les missi, moitié laïques et moitié ecclésiastiques, agissent solidairement, et cette collégialité assure à la fois leur intégrité et leur prestige.
Toute l'originalité de Charlemagne a été de rendre régulières, périodiques, les tournées et d'en fortifier l'autorité en tenant compte des rapports reçus. Chaque année un tableau de service est dressé. Les noms de ceux qui auront qualité de missi l'année suivante s'y inscrivent, les équipes sont formées, les zones d'inspection sont délimitées. Ce sont des ressorts chaque fois remaniés, et qu'on appelle les missatica.
Pat - (principale source, Charlemagne de Joseph Calmette)
NOTES
(1) Ces deux mots sont souvent employés indifféremment à l'époque carolingienne. Le mot comitatus, qui, à l'origine, désignait la dignité comtale, a fini par équivaloir à pagus, pays, c'est-à-dire circonscription. Néanmoins, on fait parfois cette différence entre les deux termes, que le premier s'applique à l'ensemble des territoires administrés par un comte, le second à un ressort particulier. Le sens est plutôt administratif pour comitatus, plutôt géographique pour pagus. Il semble que paganus a donné à la fois païen et paysan.
(2) L'allemand dira « comte de la marche », c'est-à-dire margrave. Les écrivains carolingiens qui se piquent de bon latin disent « custos limitis », garde de la frontière, ou encore « prœfectus limitis », expression employée par Eginhard à propos de Roland, ce collègue de Saint Guilhem.

Le régime politique carolingien (partie 3)

Il en résulte que l'on n'était pas missus de la même façon qu'on était comte. Le comte est un fonctionnaire permanent. Le missus est un délégué temporaire du prince. Un comte peut devenir missus sans cesser d'être comte. Il se fera alors suppléer pendant l'absence à laquelle l'oblige sa tournée, mais il reprendra sa place au retour.
De même les missatica ne sont pas des circonscriptions fixes comme les comtés. Ce ne sont pas des unités administratives. Ce sont des ressorts variables. Deux comtés voisins peuvent être dans le même missaticum une année donnée et l'année suivante se trouver dans deux missatica différents. Les groupements de comtés dans un même missaticum dépendent de l'itinéraire fixé par le Palais à une équipe de missi.
En tournée d'inspection, les missi sont défrayés par les habitants. La réquisition leur permet d'exiger logement et nourriture en vertu du ban.
Inutile de demander quelles sont les attributions du missus : à franchement parler, il les a toutes. Ce qu'il a le droit de faire ou ce qu'il convient qu'il fasse, tout est prévu dans les instructions qu'il a reçues du Palais, si un doute surgit dans son esprit, il n'a qu'à demander des instructions complémentaires : il les aura aussi vite que le permettront les distances. Parmi les préoccupations qui doivent guider cette action, il va de soi que le bon fonctionnement du ban royal tient une place de choix. Intermédiaire entre le souverain et les fidèles, le missus ne manquera pas de faire connaître aux fidèles les actes récents auxquels ils doivent obéissance, lois et décrets, leges, capitularia. Le missus devra aussi s'assurer que les actes antérieurs de cette législation sont scrupuleusement observés.
Non seulement les missi renseignent le Palais, mais encore ils ont de lui mandat exprès d'agir en son nom. Cette faculté d'agir est très importante. Inspecteur général, le missus est aussi, un fondé de pouvoirs. Un pouvoir discrétionnaire s'ajoute en bien des cas a son pouvoir de contrôle.
De ce pouvoir discrétionnaire dérive pour le missus un droit que nous exprimons aujourd'hui lorsque nous disons, par exemple, qu'un président d'assises peut requérir la force publique. De même, tout missus peut prononcer la révocation de tout fonctionnaire inférieur au comte. Vis-à-vis du comte lui-même, il a un droit de suspension. Cette suspension s'accompagne normalement d'une proposition de révocation adressée au Palais, un comte suspendu a donc peu de chances d'échapper a une mise a pied. Tout acte d'un comte ou d'un subordonné du comte peut, sans attendre, être annulé par les missi, et, dans un tel cas, ceux-ci peuvent ordonner aux lieu et place de l'autorité dont l'ordre a été annulé.
En matière judiciaire, les missi ont des pouvoirs très larges, Rien de moins que de tenir de véritables assises d'appel. Les sentences de toutes les juridictions civiles, celles des tribunaux comtaux notamment, tombent sous ce contrôle. Il n'est pas nécessaire que les parties aient pris l'initiative d'un pourvoi, les missi eux-mêmes peuvent se saisir d'emblée des procès qu'ils estiment mal jugés et procéder d'office à leur révision (3).
2) Les plaids
Matière particulièrement délicate. Aussi les historiens ont-ils souvent offert à ce sujet le spectacle peu édifiant de leurs divergences. Dans ces assemblées que l'on appelle plaids (placita), les uns ont voulu voir une institution de liberté, une sorte d'organe populaire, propre à limiter l'autorité, et l'on a représenté le régime comme une sorte de monarchie constitutionnelle, dont le plaid aurait été en quelque manière le Parlement. Une telle conception est un bel exemple d'anachronisme. D'autres sont allés à l'excès contraire. Ils n'ont vu au plaid que des figurants passifs et l'institution leur a paru dès lors dépourvue totalement de signification.
Les documents, impartialement interrogés, ne s'accommodent d'aucune de ces théories extrêmes. Le plaid n'est pas une institution parlementaire si rudimentaire qu'on se plaise à le supposer; il n'est pas non plus une parade vaine, sans intérêt pour la vie politique.
Le De Ordine Palatii d'Hincmar s'exprime ainsi : « Au printemps, on prenait les décisions gouvernementales pour l'année d'après et leurs dispositions arrêtées n'étaient changées par la suite sous aucun prétexte, à moins d'une nécessité absolue intéressant l'ensemble du royaume. A ce plaid général venait la masse des grands, tant clercs que laïques : les seigneurs, pour délibérer au conseil ; les moindres, pour en recevoir notification et parfois pour participer aux séances, non sous la pression d'autrui, mais en vertu de leurs propres lumières. De plus, on remettait au plaid les dons annuels (4). »
Admettons, pour faire la part aux critiques accumulées par L. Halphen (5) au sujet de ce texte, qu'il idéalise la réalité. En tout cas, il nous découvre l'essence de l'institution et c'est là un service inappréciable rendu à l'histoire par l'auteur. Son exposé prouve nettement que, dans le plaid, le peuple n'a aucune part, puisqu'il s'agit seulement des grands (majores), et si ces grands sont accompagnés de leurs hommes, ceux-ci ne sont évidemment que des figurants. Mais, d'autre part, ces grands eux-mêmes se divisent en deux catégories : les seigneurs, les moindres (seniores, minores). Les premiers concourent aux décisions, les autres n'ont qu'à en prendre connaissance, à moins qu'exceptionnellement (interdum) leur intervention soit requise pour traiter les affaires (tractandum), auquel cas ils doivent s'y prêter d'après leur conscience et leur honneur, non en se laissant guider par des influences (ex potestate). Enfin c'est au plaid que sont apportés les dons annuels.
Faisons abstraction des dons annuels, dont nous savons la nature, ce point ayant été précisé à propos de l'impôt. Les délibérations du plaid font ressortir l'existence de deux sortes de membres : les membres actifs, peut-on dire, et les autres. Les premiers, l'élite sociale, celle de ceux qui déjà prennent figure de seigneurs, ont voix au conseil. Les autres, sauf le cas où par exception on recourt à leurs compétences, et où par conséquent ils ont voix consultative, se contentent de prendre acte de ce qui a été arrêté (6). D'autres textes expriment cette dernière idée, - prendre : acte - par le verbe consentir (consentire). Il suit de là que le consensus carolingien que l'on trahit en traduisant le mot par «consentement», ne comporte en aucune façon la faculté de refuser ou d'accepter.
Pat - (principale source, Charlemagne de Joseph Calmette)
NOTES
(3) L'évêque d'Orléans, Theodulfe, qui a été missus, a raconté une tournée judiciaire dans son ouvrage Parœnesis ad judices, et Gabriel Monod a tiré parti de ce texte dans un de ses meilleurs travaux, Les Mœurs judiciaires au VIIIe siècle, Revue Historique, t, XXXV, 1873,
(4) Les dons annuels sont apportés au souverain par les fidèles à leur venue aux plaids. Ces réunions ont lieu ordinairement au printemps. Le mot don qui désigne cette contribution ne doit pas faire illusion. Il est possible, il est probable même qu'à l'origine il s'agissait de cadeaux bénévoles, mais, à l'âge où nous la prenons, l'institution n'a nullement le caractère d'un sacrifice volontaire. Il s'agit bel et bien d'une obligation impérative, et c'est pourquoi dans sa correspondance, au temps de Charles le Chauve, l'abbé de Ferrières, Loup, dira formellement : « Les dons qui sont dus » (debita dona). Aucune équivoque n'est donc permise.
(5) Revue Historique, 1938
(6) Consilium suscipere équivaut à consentire ; il y a aussi le mot placuit qui exprime la même nuance de sens. Ce dernier mot prête à l'équivoque. Il ne comporte ici aucune idée de choix, aucune idée de vouloir ou ne pas vouloir.

Le régime politique carolingien (partie 4)

C'est là une certitude, et dont la méconnaissance a faussé, pour beaucoup d'historiens, l'histoire carolingienne tout entière, au point de la rendre à peu près inintelligible. En donnant son consensus (et, présent, il ne peut pas ne pas le donner), le fidèle déclare qu'il connaît l'acte et s'oblige à s'y conformer. Le consensus est source d'obligation. Quiconque « a consenti » a reconnu du même coup qu'il devra obéir sous peine d'infidélité. On comprend, dès lors, l'extrême importance du consensus. On comprend aussi qu'on l'exige immédiatement de tous ceux qui sont au plaid : c'est le consensus omnium, - la prise d'acte par tous, - soigneusement enregistré par nos textes. De ceux qui ne sont pas allés au plaid, les comtes et les missi recevront le consensus sur place (7). En somme, il s'agit, tout simplement, d'un mode de promulgation.

Tout s'éclaire, pour peu que l'on y réfléchisse, et le processus normal des actes de gouvernement devient parfaitement net. Le souverain a préparé avec les palatins, ses conseillers permanents, la décision à prendre. Ces décisions sont l'objet de délibérations au plaid. A ces délibérations participent les plus considérables des grands personnages venus à l'assemblée, ce sont les seigneurs. Quelquefois on consulte d'autres grands pour s'informer davantage. Puis, une fois la décision prise, on la notifie à toute l'assemblée. Celle-ci, par son acclamation, consent et par conséquent s'oblige. L'acclamation est la dernière formalité de ce cycle. L'acte est publié et promulgué, aucune opposition n'est jamais mentionnée. On constate toujours le consensus omnium. A peine est-il besoin de faire observer que, s'il y avait liberté d'appréciation, il n'y aurait pas toujours unanimité.
Dira-t-on, alors, qu'à part le rôle réservé aux «seigneurs», le plaid n'est qu'une formalité ? Il s'en faut, et de beaucoup. D'abord, la venue périodique des grands de la province met en contact régulier les palatins avec l'élite des fidèles, le personnel gouvernemental avec la classe supérieure de la population. Contact en tout temps très précieux. La consultation éventuelle des «moindres» (parmi les grands) élargit l'enquête préalable en tant que besoin est et permet de tenir compte du sentiment d'un nombre certainement assez considérable d'intéressés. Ceux qu'on appelle aujourd'hui « les usagers » n'ont donc pas toujours la bouche close. De la sorte, le plaid, comme la tournée des missi, permet au chef de l'Etat de connaître les besoins et les idées des sujets. Il perçoit les vibrations de l'opinion.
Sa souveraineté n'est point atteinte, certes, car la décision dépend de lui seul. Il consulte qui il veut et sur les points qu'il veut. Mais son autorité, qui demeure constante, est informée, éclairée, secondée. Excellentes conditions pour la réalisation d'un bon gouvernement.

En 813, lorsqu'il s'agira d'associer Louis le Pieux à l'Empire, Charlemagne profitera d'un plaid tenu à Aix-la-Chapelle. Thégan, l'un des biographes de Louis, nous rapporte qu'à ce plaid l'empereur interrogea, un à un, tous les assistants pour leur demander s'ils trouvaient bon que Louis fût fait empereur. Nous trouvons ici l'application exacte et lumineuse de la méthode décrite par le De Ordine. Charles pouvait n'interroger personne au sujet d'une décision prise par lui après avis de son conseil. Il préfère que tout le monde se prononce. Après quoi, le consensus est donné.
Il est probable que ces modalités étaient celles du plaid judiciaire, judicium Francorum. Nous n'avons d'exemple positif sous Charlemagne que celui du plaid d'Ingelheim de 788, appelé à juger Tassillon pour haute trahison. Nous constatons que Charles, pour donner plus d'éclat à la condamnation, a voulu avoir l'avis conforme des assistants. C'était peut-être la procédure normale du plaid judiciaire, seule cour compétente en matière de crime intéressant la sûreté de l'Etat.

Au plaid normal, le programme des douze mois qui suivent est arrêté, nous dit Hincmar. Ainsi, les assistants, en retournant chez eux, sont fixés sur ce qui se fera jusqu'au plaid général du printemps prochain. L'assiduité au plaid est décidément d'une grande utilité pratique.
Dans un autre passage, Hincmar parle d'un plaid qui n'est pas le plaid général : « Un autre plaid où ne paraissent que les seigneurs avec les principaux conseillers. » Il existe donc, en dehors du plaid général, un plaid restreint, qui met côte à côte les seigneurs et les principaux conseillers. La mention de ceux-ci suppose un conseil encore plus étroit, celui où ils siègent seuls. D'où l'on voit que le texte d'Hincmar implique nécessairement un système à trois paliers, pour ainsi dire, et qui se dessine ainsi :
1° le conseil du palais ; 2° le petit plaid ; 3° le plaid général. Nous savons que le plaid général se place au printemps. Il coïncide, en cas de guerre, avec l'entrée en campagne. Le petit plaid se place à l'automne. Par conséquent, le conseil du palais prépare les affaires, le plaid d'automne en délibère, et le plaid de mai où les seigneurs se retrouvent avec les conseillers, procède à la mise au point, à une consultation élargie, s'il y a lieu, enfin à la promulgation sous la forme traditionnelle du consensus. Les Annales, objecte-t-on, ne parlent pas des assemblées d'automne. Argument négatif dépourvu de valeur. Ces assemblées sont, en fait, peu nombreuses. On admettra volontiers que, dans la pratique, les choses doivent avoir été moins régulières, moins stéréotypées que ne les a peintes Hincmar. Cependant on ne peut s'empêcher de noter que la plupart des Capitulaires dont on connaît la date certaine correspondent soit à l'hiver, soit au printemps.
Quant au conseil proprement dit, il se compose évidemment des palatins. Toutefois, ce conseil n'est pas à proprement parler une institution. Le souverain y appelle qui il veut. Pratiquement, les chefs de service y ont naturellement place, mais non place exclusive. En fait le plaid d'automne n'est qu'un conseil un peu plus étoffé, et le plaid général lui-même n'est qu'un plaid d'automne élargi. Dans une lettre de Léon III, le conseil est appelé « Conseil secret » (Secretum Consilium). Acceptons cette dénomination, qui n'a probablement rien d'officiel mais qui répond à la réalité. La disgrâce suffit pour écarter du Conseil secret. En 808, Léon III écrit à Charlemagne pour tenter de faire exclure l'abbé de Saint-Denis, Fulrad, qui lui fait l'effet d'être un esprit pernicieux.
Pat - (principale source, Charlemagne de Joseph Calmette)

Notes
(7) Que l'on ne soit pas libre de donner ou de ne pas donner le consensus, on peut le démontrer sans réplique à propos du Capitulaire saxon de Charlemagne. Tous les Saxons, nous dit-on, ont donné le consensus à cette législation effroyable. Cela s'entend évidemment en ce sens qu'ils en ont été instruits et de ce fait se sont obligés à la subir. Même idée se fait jour dans un Capitulaire (Boretius-Krause, I, 212) où Charlemagne dit à son fils Pépin d'Italie que certains Italiens, pour s'excuser de n'avoir pas satisfait à certaines prescriptions, prétendent n'en avoir pas eu connaissance : « et ideo nolunt ea obedire nec consentire nec pro lege tenere. » Termes on ne peut plus clairs. Les guerres civiles du temps de Louis le Pieux en apporteront confirmation. Aux plaids tenus par les partis, les opposants, loin de venir soutenir leurs opinions, ont soin d'être absents : c'est qu'ils ne veulent pas avoir à «consentir» à ce qui les choque. Ils se réservent pour un autre plaid où ils seront les maîtres à leur tour et où des décisions différentes seront prises.

Des Barbaresques à l’Algérie française

Voici un extrait du mémoire universitaire d’un lecteur (Cortez) sur les raisons et l’évolution de la présence française en Algérie.
En effet depuis le XVIème siècle et malgré diverses tentatives plus ou moins florissantes pour établir de timides liaisons commerciales maritimes, la marine barbaresque s’emploie à semer le trouble en Occident en piratant en Méditerranée. Ce ne sont pas des actes de guerres à proprement parler qui sont perpétrés par les hommes de la marine barbaresque, on assiste plutôt à une sorte de «guérilla» maritime au cours de laquelle les marins attaquent presque au gré des vents les navires de commerce européens qui croisent leur route.

Les bénéfices sont intéressants pour ces pirates qui récupèrent le navire, sa cargaison, ses hommes d’équipages qui deviennent «de facto» esclaves ainsi que tout le matériel du bord. Ces navires sont ensuite soit récupérés et réarmés aux couleurs barbaresques, soit dépouillés de leurs mâts, voiles et vergues que l’on s’empresse de réutiliser sur un navire en construction, en mettant à profit le travail des esclaves enlevés au cours de ces expéditions.

C’est ainsi que la régence d’Alger entretient tant bien que mal une marine, et c’est par cette menace qu’elle obtient des grandes puissances européennes de confortables entrées d’espèces. Il est clair que les actes de pirateries des marins du Maghreb nuisent considérablement à la sécurité du trafic et les puissances européennes doivent payer un lourd tribut pour conserver une paix illusoire. Depuis deux cents ans les navires algériens sillonnent la Méditerranée de Gibraltar à Messine dans le but de s’emparer des biens, des hommes et du navire, certains témoignages font même état de la présence de navires ayant piraté en Atlantique aux alentours de Brest et pour certains jusqu’en Islande et à Terre-neuve !

Un rapport du gouvernement général d’Algérie nous en fourni le témoignage : « {…} dans les archives du consulat, des renseignements qui établissent authentiquement les excursions faites dans l’océan par les corsaires algériens, à la fin du 17ème siècle :
- »L’Islande même, malgré ses glaces et sa pauvreté ne fut point à l’abri de leurs ravages, en 1616 le fameux Mourad Rais promena son pavillon dans ces parages lointains »
- » 2 janvier 1690 PV constatant que la tartane Française Ste Anne patron Louis Cauvignac, a été coulée par un vaisseau algérien, aux iles Canaries »
- »4 janvier 1695, déclaration que le navire Hollandais Santa-Clara de 63 hommes d’équipages, 24 pièces de canons et 12 pierriers, a été pris le 7 Janvier par un vaisseau d’Alger nommé La Rose à 40 milles du Cap Saint-Vincent »

- »12 mars 1699, le consul certifie que le navire Portugais St Gaetan allant de Lisbonne à Hambourg a été pris par un corsaire algérien en mars 1698″

- »17 mars 1719, Martin Prins capitaine Hollandais déclare, qu’allant d’Amsterdam à Bordeaux avec son navire le Jean, il a été pris par une caravelle d’Alger à 9 lieues de la terre d’Ouessant, près de Brest le 13 Juin 1718″ ».

Bien sûr pour faire cesser ces exactions on tenta des rapprochements, sorte d’entente se voulant cordiale et garantissant une paix entre les marines des deux pays. La France cherchant par là à soustraire du traitement violent que subissaient la plupart des navires et équipages des autres nations européennes sa propre flotte. Ces relations «privilégiées» que la France désirait entretenir avec la Régence d’Alger n’étaient bien sur pas gratuites.

Au XVIIIème siècle, tout corsaire algérien qui allait appareiller, se rendait au consulat pour obtenir deux documents bien particuliers : d’une part un papier destiné à assurer tant à son navire qu’à ses prises éventuelles la protection des bâtiments de guerres français rencontrés en mer. D’autre part le chancelier remettait au Rais, un exemplaire imprimé en blanc des passeports délivrés dans les ports de France à nos navires marchands, ceci dans le but de donner aux corsaires les moyens de constater l’identité des bâtiments qu’ils arrêtaient et qui se disaient français. Force est de constater que malgré ces «accords» et en dépit de tout respect de quelconques traités, la marine barbaresque va continuer à harceler, piller et voler les navires de commerce de toutes les nationalités qui croisent dans les eaux de la méditerranée. Les prises sont nombreuses et variées on en recense chaque année, de nombreux navires Génois, Portugais, Hollandais, Anglais et bien sur Français sont victimes des corsaires barbaresques.
Parfois sont organisées des «razzias» sur les cotes accessibles et peu défendues, les têtes de maures des drapeaux corses et sardes en sont le lointain témoignage quant à l’époque on plantait au bout de lances et de piques les têtes des envahisseurs que l’on avait tué.

La monarchie de Juillet va précipiter l’intervention de la France au Maghreb, mais en 1800 ce n’est pas un désir de conquête qui motive les Français, mais surtout un désir de maitrise du commerce maritime et de sécurité en méditerranée.
La sécurité des mers va permettre aux navires Français et occidentaux de naviguer plus librement, ce qui va favoriser la naissance de nouvelles voies maritimes ainsi que la création de nombreuses compagnies maritimes ; bref un essor commercial général et gloire au port qui en sera le fer de lance. Il est important d’avoir en tête le fait que la volonté Française de s’installer au Maghreb est à l’origine motivée par un désir de paix, pour faire cesser les activités malveillantes des pirates maghrébins et stopper la pratique de l’esclavage. D’ailleurs il n’est question au départ que de prendre possession du littoral algérien afin de faire stopper toute activité maritime, sans chercher à s’installer durablement ni à étendre la domination à l’intérieur des terres. Cette idée de la colonisation va naitre quelques années plus tard lorsque les Français vont prendre conscience des possibilités économiques qu’offrirait une maitrise totale du pays soutenue par l’élan de la 3ème République.

Les réflexions d’Alexis de Tocqueville dans son rapport illustrent bien la nouvelle orientation que va prendre progressivement la politique Française sur le sol maghrébin : « À mesure que nous connaissons mieux le pays et les indigènes, l’utilité et même la nécessité d’établir une population européenne sur le sol de l’Afrique nous apparaissent plus évidentes. ».

Après la guerre lorsque la domination Française sur les cotes fut établie et reconnue, après que le but premier de faire cesser la course et sécuriser le commerce maritime fut atteint, l’idée d’aller plus loin dans l’occupation va donc apparaitre de plus en plus comme une évidence, tant les retombées économiques d’une colonisation de cette région du monde apparaissent intéressantes.

Alexis de Tocqueville : « En conquérant l’Algérie, nous n’avons pas prétendu, comme les Barbares qui ont envahi l’empire romain, nous mettre en possession de la terre des vaincus. Nous n’avons eu pour but que de nous emparer du gouvernement. La capitulation d’Alger en 1830 a été rédigée d’après ce principe. On nous livrait la ville, et, en retour, nous assurions à tous ses habitants le maintien de la religion et de la propriété. C’est sur le même pied que nous avons traité depuis avec toutes les tribus qui se sont soumises. S’ensuit-il que nous ne puissions nous emparer des terres qui sont nécessaires à la colonisation européenne ? »

Le bombardement d’Alger en 1830

1. Causes politiques
On peut aussi voir dans l’action de l’empire français en Algérie, une façon pour le gouvernement de l’époque de retrouver un peu de grâce auprès de son peuple en ravivant des passions quelques peu oubliées, de croisades et de sainte foi.
On évoque souvent un fait qui peut apparaitre comme anecdotique, mais qui, à en croire certains historiens, a pu fortuitement devenir le catalyseur du déclenchement de l’action Française en Algérie. En 1827, lors d’une entrevue, le dey d’Alger donne un coup d’éventail au consul de France car celui-ci refuse de s’engager sur le remboursement d’un prêt. Cet évènement qui fut au début ignoré par Paris va en quelques mois prendre une importance de plus en plus grande et servir de prétexte à l’intervention Française en Algérie.

Le ministère Polignac, gouvernement ultra constitué par Charles X le 8 août 1829, était en butte à une telle impopularité dans le pays, l’opposition libérale y acquérait une telle audience, que l’affaire d’Alger, traitée quelque peu négligemment jusque-là, s’offrit à lui pour redorer son blason et préparer des élections favorables : le gouvernement « arrêta ses idées sur une expédition militaire qui offrît à la fois de la gloire à l’année, de grands avantages au pays, et qui vint frapper les imaginations par la grandeur et l’étrangeté de son but : la conquête d’Alger remplissait toutes ces conditions. On y trouvait tout le merveilleux des croisades, la nationalité de l’expédition d’Égypte, et l’éclat des victoires de Fernand Cortez.
« Elle délivrait l’Europe de la plus humiliante servitude ; elle servait la cause de la morale et de l’humanité ; elle devait offrir à l’agriculture, au commerce, à l’industrie et à la civilisation, d’immenses moyens de succès, et, à l’ambition, un des plus beaux pays du globe et les richesses d’une ville qui, depuis trois cents ans, enfouissait les trésors de la chrétienté et le fruit des rapines et des brigandages de ses habitants. »

Le 2 mars 1830, lors de la séance d’ouverture de la Chambre, Charles X annonça officiellement sa décision : « Au milieu des graves événements dont l’Europe était occupée, j’ai dû suspendre l’effet de mon juste ressentiment contre une puissance barbaresque ; mais je ne puis laisser plus longtemps impunie l’insulte faite à mon pavillon ; la réparation éclatante que je veux obtenir, en satisfaisant à l’honneur de la France, tournera, avec l’aide du Tout-Puissant, au profit de la chrétienté. »
L’opposition libérale se mobilisa contre une expédition qui permettait au régime de sortir « des voies de la légalité » et de s’engager « sur la route incertaine de l’arbitraire et des ordonnances » à des fins de politique intérieure. Mais rien ne put aller contre la décision qui était prise, un engrenage venait de se lancer qui allait mettre plus d’un siècle à s’arrêter et dont on était bien loin à l’époque d’imaginer les conséquences.
Louis-Auguste-Victor de Bourmont, ministre de la Guerre, obtint donc le commandement de l’expédition, dont il organisa les préparatifs. La flotte, une fois prête, compta 675 bâtiments (103 navires de guerre et 572 bâtiments de commerce). Finalement, 37 000 hommes embarquèrent, du 11 au 18 mai, avec Bourmont pour chef. Le vice-amiral Duperré était responsable de la flotte. L’état-major était dirigé par le général Desprez.

Le 24 mai, les vents favorables permettaient le départ de l’expédition dans un concours d’allégresse : « A midi, la brise se fit belle et bonne [...]. Le départ, si longtemps retardé, devint un grand événement dont tout le monde voulait être témoin : quatre cents voiles sortant à la fois de la belle rade de Toulon, étaient un spectacle qu’on n’avait jamais vu, et que très probablement on ne devait jamais revoir. [...] « A cinq heures, La Provence se mit sous voile, et, à la chute jour, il ne restait plus un seul vaisseau dans ce port, qui, quelques auparavant, contenait toute la marine française. » Alger ! Alger ! » criait-on de toutes parts, comme les Romains criaient » Carthage ! » »
Alger va capituler trois semaines après l’invasion Française en Algérie, le Dey Hussein abdique avec la garantie de conserver sa liberté et ses richesses personnelles.
Sous couvert d’une expédition punitive, l’opération se transforme en guerre de colonisation, les troupes Françaises débarquent sur la plage de Sidi Ferruch à quelques kilomètres d’Alger. Le Sultan d’Istanbul exerce alors sa souveraineté sur l’Algérie, mais dans les faits, l’intérieur du pays est laissé à l’abandon. L’expédition d’Alger avait un enjeu économique, la maitrise du commerce en méditerranée et une justification de politique intérieure : redorer le blason d’un gouvernement impopulaire. On dénonça cette expédition «liberticide», on s’en prit aux hommes qui devaient en assumer le commandement et notamment à Bourmont, ministre de la guerre à qui échut la responsabilité des opérations. C’est dans une large mesure pour parer aux critiques de l’opposition que les services du ministère de la Guerre firent rédiger et imprimer un Aperçu historique, statistique et topographique sur l’État d’Alger, à l’usage de l’armée expéditionnaire d’Afrique, dont il fallait soigner le moral, prévenir les imprudences et satisfaire la curiosité. Un ouvrage de propagande, mais aussi une remarquable source historique qui nous livre un excellent résumé de ce qu’on savait, ou croyait savoir, de l’Algérie, en 1830.
Le guide distinguait nettement les différentes composantes du peuple d’Algérie , notamment les Turcs, « maîtres souverains du pays », qu’on aurait surtout à combattre, des autres éléments musulmans (Arabes, «Maures», Berbères), dont on pourrait gagner la sympathie. Mais ajoutait-il : « En général, les habitants des États d’Alger ont des mœurs fort corrompues ; ils témoignent aux étrangers beaucoup de brutalité et de hauteur, ce qu’il faut attribuer au manque d’éducation et à l’habitude de commander dans leur intérieur à des esclaves de toutes les nations. »
A l’exception de l’Angleterre qui voyait d’un mauvais œil le danger d’expansion française en Méditerranée, les puissances européennes dans leur ensemble donnèrent leur aval à une expédition qui leur promettait de les débarrasser des corsaires barbaresques tout en reprenant le drapeau de la croisade. Car c’est effectivement l’empire français qui prit la décision d’envahir l’Algérie pour faire cesser la piraterie mais l’ensemble des états qui possédaient une flotte et faisaient du commerce en méditerranée étaient victimes de ces actes illégaux. Ainsi le rais Hamidou s’empare en 1802 d’une frégate portugaise de 44 canons avec 282 hommes à bord ! Les tunisiens ne sont pas en reste, en 1798 ils ramènent toute la population de l’ile Saint-Pierre soit un millier d’esclaves. En 1815 ils capturent encore 125 chrétiens à saint-Antioche. Aucun n’avait pris la décision de faire cesser militairement cette situation mais tous se félicitaient des conséquences positives pour leur commerce et leur flotte de l’action de l’empire français. Obtenir la maitrise du commerce en méditerranée serait la récompense des français, avec pour Charles X l’assurance d’une bonne presse et d’une remontée dans l’estime du peuple français.
Mais la prise d’Alger n’eut pas les effets escomptés et ne put éviter le drame qui se jouait à Paris, car déjà la Restauration vacillait. Le nouveau régime de Louis-Philippe, établi en juillet 1830, remplaça Bourmont par Clauzel. Restait à savoir ce qu’on allait faire de la conquête. Bugeaud, son successeur, devait écrire, quelque temps plus tard, à un ami : « La Restauration se targue de nous avoir donné l’Algérie, elle ne nous a donné qu’Alger et elle nous a fait un funeste présent. Je crains qu’il ne soit pour la monarchie de Juillet ce que l’Espagne a été pour l’Empire. Avec une nation qui se paye de grands mots et qui a la velléité des grandes choses avec les petites passions et la parcimonie des épiciers, on ne saura prendre aucun grand parti sur l’Afrique » Terminons par cet extrait des « cahiers du centenaires de l’Algérie » datant de 1930 :
« D’après les estimations de la Chambre de commerce de Marseille, en 1832, l’Alger turc importait pour 6.500.000 Fr. de marchandises européennes. Il les payait apparemment avec les bénéfices de la piraterie, puisqu’on estimait les exportations à 14 ou 15.000 francs. Dans l’Algérie française, en 1924, le total des exportations et importations était de 5 milliards 394 millions; ce total en 1929 atteindra probablement 8 milliards, en francs papier il est vrai. Il faut songer que ces huit milliards de richesse sont une création pure. Ils sont sortis intégralement du coup d’éventail du dey ».

2. Le « bond » colonial.

La France arrive donc en Algérie en 1830 mais les «effets» de la colonisation ne vont pas être instantanés, tant la colonisation-au sens premier du terme, c’est-à-dire avec l’arrivée de colons et l’installation de la France sur le sol Algérien-elle-même ne va pas être immédiate. Les avis sont tout d’abord partagés quant à l’utilité réelle de la présence Française en Algérie, et même en cas d’accord sur le bien-fondé de cette expédition, surviennent des débats houleux concernant la façon d’aborder et de gérer sur le long terme cette situation. Revenons un instant sur la chronologie des évènements de l’époque afin de mieux comprendre ce qui va amener la France à finalement opter pour une conquête «totale». En 1830, alors même qu’il vient de faire envahir l’Algérie, Charles X est déchu et c’est alors Louis-Philippe qui est proclamé Roi de France. Celui-ci n’a d’autre solution que de finir ce qui vient d’être commencé mais ne mets pas en place de « système colonial » particulier visant à faire de l’Algérie une véritable colonie de colons.

En 1848 Louis-Philippe abdique, la seconde République est proclamée qui voit Louis-Napoléon Bonaparte être élu président, ce dernier a son idée au sujet de l’Algérie mais il va attendre son sacre et la proclamation du second empire pour les mettre en application. Nous sommes en 1852 et Napoléon III avance alors sa conception de « royaume arabe » pour l’Algérie. L’idée est simple, il s’agit de faire venir un certain nombre de colons afin de garder la mainmise sur un pays - et surtout son littoral - qui agissait il y a peu de temps en ennemis vis-à-vis de la France et de créer une véritable «barrière» entre colons et populations locales. Voici un extrait des « cahiers du centenaire de l’Algérie » nous expliquant cette politique : « Les colons étaient parqués dans des réserves autour de quelques grandes villes. Tout le reste était le royaume arabe. Les indigènes, gouvernés par les officiers des bureaux arabes, y étaient efficacement séparés de la colonisation, tenus sous cloche, abandonnés à leur propre puissance évolutive. C’était une idée intéressante. Une certaine analogie est évidente avec ce que nous appelons aujourd’hui le protectorat ».

Il apparait clairement la volonté de ne pas aller plus avant dans un processus de colonisation global, Napoléon III cherchant a priori à agir pour les intérêts nationaux en assurant une présence de colons sur le littoral mais sans prendre à son compte la gestion et l’exploitation d’un pays et de ses ressources. En 1870 est proclamée la 3ème République et c’est bien à cette époque que va naitre le véritable empire colonial Français. La colonisation algérienne est déjà bien commencée et il ne reste plus qu’à conquérir tout entier un pays dont la présence Française depuis quarante ans n’a eu que peu d’influence.
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mardi 25 août 2009

L'histoire prise en otage

« Du passé, faisons table rase ! », exhortait Eugène Pottier, le parolier de L'Internationale. Oui, mais voilà : le passé est bien utile lorsqu'on l'instrumentalise à des fins politiques ou idéologiques. C'est même un outil de propagande dont on aurait bien du mal à se passer.

La vie politique française est construite sur un mensonge historique flagrant, mais conforté depuis 60 ans par tous les vecteurs de ce que l'on appelait hier encore la propagande officielle, avant que l «'historiquement correct», selon l'expression de Jean Sévilla n'en prenne encore plus insidieusement le relais. Selon ce bobard forgé en 1945, scellant la complicité des gaullistes et des communistes, eux seuls se seraient opposés à l'envahisseur, tandis que la droite aurait honteusement collaboré avec l'occupant nazi. Ce dogme résistancialiste, qui légitima dans l'immédiate après-guerre la confiscation des principaux journaux de droite par le Parti communiste, sert depuis plus d'un demi-siècle à disqualifier toute réflexion suspecte d'être contaminée par une quelconque forme de «nationalisme», notion fourre-tout, extensible et pratique. Il importe peu que les principaux dirigeants des partis collaborationnistes - Doriot, Déat - soient venus de la gauche internationaliste et pacifiste, que le dirigeant communiste Maurice Thorez ait donné en 1939 l'exemple de la désertion et que le Parti communiste - « le-parti-aux-75 000-fusillés » - ne se soit pris de vapeurs patriotiques qu'à partir de l'entrée des troupes allemandes en Union soviétique. Pour établir sa légitimité, De Gaulle avait besoin de la culpabilité des pétainistes et de l'innocence des communistes.
En 2008 encore, c'est la dernière lettre du communiste Guy Môquet, et non pas celle du royaliste Honoré d'Estienne d'Orves, qui est lue dans les écoles à la demande de Nicolas Sarkozy, héritier du mouvement gaulliste.
L'histoire est une science politique, et cela ne date pas d'hier. Le mensonge historique acquiert peu à peu la force d'un mythe et c'est sur de tels mythes que se fondent les nations et que s'appuient les régimes. Ce que fut vraiment Vercingétorix importe peu, seul compte ce qu'il apporte à l'imaginaire collectif, à l'imagerie populaire naïve qui le montre à cheval, les cheveux au vent et le glaive au poing, déjà dressé contre l'éternel envahisseur. Jacques Heers observe que les concepteurs des programmes d'histoire de la IIIe République n'étaient pas des historiens. C'est qu'ils n'ambitionnaient pas de faire de l'histoire, mais de construire le mythe républicain.
Rien de neuf, alors ? Si, cependant. Ce qui est neuf, c'est justement la perte des références historiques communes, dès l'école. Vercingétorix, connaît pas ! Ce qui est neuf, c'est le refus d'une partie de la population de s'approprier ces références : nos ancêtres ne sont plus les Gaulois... C'est aussi l'utilisation du mythe, non plus pour conforter la République, mais pour dénigrer la France, la couvrir d'opprobre au fil des repentances, et déchirer les images d'Epinal : on ne retient plus du règne de Louis XIV que la traite triangulaire et le code Noir, on n'honore plus les morts de la Grande Guerre sans évoquer longuement les mutins de l'année 17...
⇐Charles Martel : à exclure d'urgence de l'histoire républicaine.
L «'historiquement correct», complément naturel du «politiquement correct», s'impose aux consciences jusqu'à la déraison. Le professeur d'histoire de l'un de mes enfants refuse de leur enseigner le règne de Napoléon 1er sous prétexte que ce personnage est infréquentable. Folie ? Sans doute, mais l'exemple vient de haut puisque, pour des raisons similaires, les plus hautes autorités de la République ont refusé de commémorer le deux centième anniversaire d'Austerlitz...
Les racines du désamour sont profondes. Utilisée hier par les promoteurs de la république jacobine pour unifier une France qu'ils jugeaient par trop disparate, l'histoire mythique s'effondre aujourd'hui avec le jacobinisme, sous les coups de boutoirs d'une critique historique qui en souligne tous les mensonges, les approximations et les oublis trop souvent volontaires. On l'a bien vu lors du bicentenaire de la Révolution française, qui produisit l'effet inverse de celui qu'on avait escompté: il ne fut question que de l'holocauste vendéen.

Le terrorisme historique
Mais sur les ruines de l'histoire de Jules Ferry se construisent d'autres mythes, plus mensongers encore, que les médias rabâchent comme un nouveau catéchisme laïc, Alors que les anciens mythes voulaient cimenter la France républicaine, les nouveaux sapent l'identité nationale au nom de l'égalité, reine des vertus démocratiques, et de ses dérivés : mixité sociale, droit des minorités, discrimination positive... Le mythe entre désormais au service du communautarisme, comme en a récemment témoigné l'affaire Gouguenheim. Dans son livre Aristote au Mont-Saint-Michel, cet historien démonte la thèse qui fait des traducteurs musulmans les relais entre la sagesse grecque et l'Occident chrétien, ce qui signifierait que nous devons aux Arabes les bases mêmes de notre culture. La réponse de ses confrères, historiens et intellectuels de gauche, a pris la forme étrange d'une pétition dans Libération, dans laquelle Sylvain Gouguenheim était accusé d'islamophobie !
L'histoire est livrée, de la sorte, au terrorisme intellectuel qui étouffe l'ensemble du débat politique. Ce climat délétère conduit aujourd'hui les lobbies et les «communautarismes» de toutes obédiences, s'engouffrant dans la brèche dangereuse ouverte par la loi Gayssot contre le révisionnisme, à faire pression sur le législateur pour «légaliser» leur propre conception de tel ou tel point d'histoire, rendant par là toute contestation de leur point de vue illégale. L'histoire cesse dès lors d'être une science pour devenir officiellement un instrument de propagande politique et de justification des menées communautaristes. C'est à quoi les Français doivent s'opposer résolument, sous peine de perdre leur identité.
Hervé Bizien monde & vie du 22 novembre 2008

dimanche 23 août 2009

Le traité de non-agression entre l'URSS et l'Allemagne (pacte Molotov-Ribbentrop). Fiche technique

Le traité de non-agression entre l'URSS et l'Allemagne a été conclu le 23 août 1939 à Moscou. Ce document a contribué pour beaucoup au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale et décidé du sort des Lettons, des Estoniens, des Lituaniens, ainsi que des Ukrainiens de l'Ouest, des Biélorusses de l'Ouest et des Moldaves. A la suite de ce pacte, ces peuples, dont plusieurs étaient réunis pour la première fois de leur histoire au sein d'un seul Etat, faisaient partie presque intégralement de l'Union Soviétique. Malgré les correctifs apportés à leurs destinées par la désintégration de l'URSS en 1991, le pacte Molotov-Ribbentrop détermine encore jusqu'à présent de nombreuses réalités géopolitiques dans l'Europe contemporaine.

Conformément au traité de non-agression, l'Union Soviétique et l'Allemagne s'engageaient à "s'abstenir de toute violence, de toute action agressive et de toute attaque l'une contre l'autre, aussi bien seules qu'avec d'autres puissances". Bien plus, les deux parties avaient promis de ne pas soutenir les coalitions d'autres pays, dont les actions pouvaient être dirigées contre les signataires du traité. Par conséquent, l'idée d'une "sécurité collective" en Europe fut enterrée. Il devint impossible de d'empêcher l'agression (l'Allemagne nazie se préparait à lancer une attaque) grâce aux efforts communs des pays épris de paix.
Le pacte avait été signé par les ministres des Affaires étrangères de l'Union Soviétique et de l'Allemagne, Viatcheslav Molotov et Joachim von Ribbentrop. Un protocole secret additionnel au traité délimitait les sphères d'influence soviétique et allemande en Europe de l'Est en cas de "remaniement territorial". Ce remaniement ne tarda pas. Le traité fut ratifié par le Soviet suprême de l'URSS une semaine après sa signature, les députés ignorant l'existence d'un "protocole secret additionnel " qui n'a jamais été ratifié. Dès le lendemain de la ratification du traité, le 1er septembre 1939, l'Allemagne attaqua la Pologne.
http://www.istorik.ru.library/documents/molotov_ribbentrop/
En 1939, en conformité totale avec le protocole secret, dont l'original n'a été découvert dans les archives du Bureau politique (Politbureau) du CC du PCUS qu'au milieu des années 1990, les troupes allemandes n'entrèrent pas dans les régions orientales de la Pologne peuplées principalement de Biélorusses et d'Ukrainiens, ainsi que sur le territoire de la Lettonie, de la Lettonie et de l'Estonie. Ensuite, les troupes soviétiques pénétrèrent sur tous ces territoires. Le 17 septembre 1939, les troupes soviétiques entraient sur le territoire des régions orientales de la Pologne. En 1939-1940, en s'appuyant sur les forces politiques de gauche de ces pays, la direction stalinienne plaça sous son contrôle la Lettonie, la Lituanie et l'Estonie et, à la suite du conflit armé avec la Finlande, également rattachée par le protocole secret à la sphère d'intérêts de l'URSS, arracha à ce pays une partie de la Carélie et les territoires attenants à Leningrad (aujourd'hui, Saint-Pétersbourg).

Le premier ministre de Grande-Bretagne Winston Churchill nota dans ses mémoires que la possibilité d'un tel accord entre Berlin et Moscou témoignait d'un échec de la diplomatie britannique et française qui n'avait réussi ni à diriger l'agression nazie contre l'URSS, ni à faire de l'Union Soviétique une alliée avant le début de la Seconde Guerre mondiale. Mais on ne peut pas non plus estimer que l'URSS a profité du pacte, bien qu'elle ait bénéficié de deux années supplémentaires de paix et reçu de nouveaux territoires importants à ses frontières occidentales. Grâce au pacte, l'Allemagne évita en 1939-1944 une guerre sur deux fronts en écrasant, à tour de rôle, la Pologne, la France et de petits pays d'Europe, disposant, pour son agression contre l'URSS, d'une armée ayant une expérience de combat de deux ans.
Par conséquent, de l'avis de nombreux historiens, l'Allemagne nazie fut le grand gagnant de ce pacte. ("Historiographie soviétique", Université humanitaire russe d'Etat, 1992).

Evaluation politique du pacte
Quant au texte principal du pacte de non-agression, bien qu'il ait marqué un revirement dans l'idéologie de l'URSS qui avait auparavant vivement condamné le nazisme, il ne dépassait pas le cadre de la pratique admise dans les relations internationales avant la Seconde Guerre mondiale. Un pacte analogue fut conclu, par exemple, entre la Pologne et l'Allemagne nazie en 1934, et d'autres pays qui avaient conclu ou tenté de conclure de tels traités. Cependant, le protocole secret additionnel au pacte était certainement contraire au droit international.
Une explication du "protocole secret additionnel" qui délimitait les sphères d'influence "en cas de remaniements territorial et politique des régions faisant partie de l'Etat polonais" fut signée le 28 août 1939. La zone d'influence de l'URSS comportait le territoire de la Pologne situé à l'Est de la ligne des fleuves Pisa, Narew, Boug, Vistule et San. Cette ligne était à peu près conformé à ce qu'on appelle la "ligne Curzon" par laquelle devait passer la frontière orientale de la Pologne à la suite de la Première Guerre mondiale. En plus de l'Ukraine de l'Ouest et de la Biélorussie de l'Ouest, les négociateurs soviétiques avaient déclaré qu'ils étaient également intéressés par la Bessarabie perdue en 1919 et reçu une réponse satisfaisante de l'Allemagne qui déclara que ces régions "ne l'intéressaient pas du point de vue politique". Ce territoire devint ensuite partie intégrante de la RSS de Moldavie au sein de l'URSS. (Voir les détails dans le livre "1939 : les leçons de l'histoire", Institut d'histoire universelle de l'Académie des sciences de l'URSS, 1990, p. 452).

Puisque les clauses du protocole secret élaborées par la direction stalinienne et l'entourage d'Hitler étaient certainement illégales, Staline et Hitler avaient préféré dissimuler ce document tant à l'opinion internationale qu'à leurs propres peuples et organes de pouvoir, excepté une poignée de personnes. L'existence de ce protocole fut gardée secrète en Union Soviétique jusqu'en 1989, année où une Commission spécialement formée par le Congrès des députés du peuple de l'URSS en vue d'évaluer politiquement et juridiquement le pacte fournit au Congrès les preuves de l'existence de ce document. Ayant reçu ces preuves, le Congrès des députés du peuple de l'URSS condamna le protocole secret dans sa résolution du 24 décembre 1989, soulignant que ce protocole et les autres ententes germano-soviétiques étaient devenus caducs au moment de l'agression de l'Allemagne contre l'URSS, c'est-à-dire le 22 juin 1941".
Tout en reconnaissant le caractère immoral de l'accord secret entre Staline et Hitler, il est impossible de considérer le pacte et ses protocoles en dehors de la situation sociale et politique qui s'était créée alors en Europe. D'après les plans de Staline, le pacte germano-soviétique devait constituer une riposte à la politique visant à "pacifier" Hitler appliquée depuis plusieurs années par la Grande-Bretagne et la France et dont l'objectif était de provoquer une querelle entre les deux régimes totalitaires et à diriger l'agression hitlérienne avant tout contre l'URSS.

Avant 1939, l'Allemagne avait réoccupé et remilitarisé la Rhénanie (1936), s'était entièrement réarmée en violation du traité de Versailles, avait annexé l'Autriche (Anschluss - 1938) et placé sous son contrôle la Tchécoslovaquie. A l'instar d'Hitler, la Hongrie et la Pologne revendiquèrent également des territoires tchécoslovaques et reçurent également des parcelles de ce pays. Ce triste résultat fut également dû, pour beaucoup, à la politique des puissances occidentales : le 29 septembre 1938, les chefs de gouvernement de la Grande-Bretagne, de la France, de l'Allemagne et de l'Italie signèrent à Munich un accord sur le démembrement de la Tchécoslovaquie entré dans l'histoire comme "Accords de Munich". Le 22 mars 1939, les troupes de la Wehrmacht occupèrent le port lituanien de Klaïpeda (en allemand, Memel) et, peu après, Hitler entérina le plan d'occupation de la Pologne. C'est pourquoi les affirmations fréquentes, selon lesquelles seul le pacte Molotov-Ribbentrop a agi comme le déclencheur de la Seconde Guerre mondiale, ne correspondent pas à la réalité. Tôt ou tard, Hitler aurait livré la guerre à la Pologne, et la plupart des pays d'Europe avaient tenté, à telle ou telle étape de la période 1933-1941, de s'entendre avec l'Allemagne nazie en encourageant ainsi Hitler à faire de nouvelles conquêtes. Jusqu'au 23 août 1939, toutes les grandes puissances européennes - la Grande-Bretagne, la France et l'URSS - avaient mené des pourparlers avec Hitler et entre elles. (Voir les détails sur les négociations de l'été 1939 à Moscou dans le livre "1939 : les leçons de l'histoire", pp. 298-308).
Vers la mi-août, les négociations multilatérales entrèrent dans leur phase finale. Chacune des parties poursuivait ses propres buts. Vers le 19 août, les pourparlers anglo-franco-soviétiques se retrouvèrent dans l'impasse. Le gouvernement soviétique donna son consentement à la visite du ministre allemand des Affaires étrangères Joachim von Ribbentrop les 26-27 août à Moscou. Dans son message adressé personnellement à Staline, Hitler avait demandé d'accepter que Ribbentrop se rende à Moscou le 22 août, au plus tard, le 23 août. Moscou accepta et le traité de non-agression entre l'Allemagne et l'Union Soviétique fut signé 14 heures après l'arrivée de Ribbentrop.
http://www.rian.ru/society/20080505/106556830.html

L'évaluation morale du pacte
Aussitôt après sa signature, le pacte suscita des critiques de la part de nombreux membres du mouvement communiste international et des représentants d'autres forces de gauche. Même sans être au courant de l'existence des protocoles secrets, ces personnes avaient vu dans le pacte une collusion inconcevable pour les partisans de l'idéologie de gauche avec les forces les plus sinistres de l'impérialisme : le nazisme. De nombreux chercheurs considèrent même que le pacte a marqué le début de la crise du mouvement communiste international, car il a approfondi la méfiance de Staline à l'égard des partis communistes étrangers et contribué à la dissolution de l'Internationale communiste par Staline en 1943.

Après la guerre, conscient que le pacte compromettait sa réputation de "leader" des antifascistes de la planète, Staline déploya tous les efforts en vue de justifier le pacte dans l'historiographie soviétique et mondiale. Sa tâche fut compliquée par le fait que les Américains qui occupèrent la partie occidentale de l'Allemagne découvrirent des documents allemands laissant supposer l'existence de protocoles secrets additionnels au pacte. C'est pourquoi un "renseignement historique" intitulé "Les falsificateurs de l'histoire" fut rédigé en 1948 avec la participation de Staline (de l'avis de nombreux chercheurs, par lui-même). Les dispositions de cet ouvrage furent mises à la base de l'interprétation soviétique officielle des événements de 1939-1941 qui resta inchangée jusqu'à la fin des années 80 du siècle dernier. Le sens de ce "renseignement" de réduisait à ceci : le pacte fut une tactique "géniale" de la direction soviétique lui permettant de mettre à profit les "contradictions impérialistes" entre les démocraties bourgeoises occidentales et l'Allemagne nazie. Si le pacte n'avait pas été conclu, l'URSS aurait été victime de la "croisade" des pays capitalistes contre le premier Etat socialiste. En Union Soviétique, les dispositions du "renseignement historique" ne devaient pas être contestées, même après la mort de Staline. Tout simplement, sous Khrouchtchev et Brejnev, son nom a été souvent remplacé dans les manuels des écoles secondaires et supérieures par des mots comme "direction du pays" ou "diplomatie soviétique". ("Historiographie soviétique", 1992). Il en a été ainsi jusqu'aux réformes engagées par Mikhaïl Gorbatchev à la fin des années 80 du siècle dernier, jusqu'à ce que les participants au premier Congrès des députés du peuple de l'URSS exigent d'éclaircir les circonstances de la conclusion du pacte qui avait contribué, pour beaucoup, à l'annexion par l'Union Soviétique de certains de ses territoires.

Le 24 décembre 1989, le Congrès des députés du peuple de l'URSS, alors organe supérieur du pouvoir en Union Soviétique, a adopté la résolution sur l'évaluation politique et juridique du traité soviéto-allemand de non-agression de 1939, résolution condamnant officiellement les protocoles secrets en tant qu'acte de "pouvoir totalitaire" qui ne traduisait nullement "la volonté du peuple soviétique qui n'assume aucune responsabilité pour cette collusion". La résolution soulignait : "Les pourparlers au sujet des protocoles secrets ont été menés par Staline et Molotov à l'insu du peuple soviétique, du CC du PC(b) de l'URSS et de tout le parti, du Soviet suprême et du gouvernement de l'URSS".
http://www.lawmix.ru/docs_cccpphp?id=1241
http://www.rian.ru/society/20080505/106556830.html
Les conséquences de cette "collusion" sont ressenties jusqu'à ce jour, envenimant les rapports entre la Russie et les peuples touchés par les protocoles staliniens et hitlériens. Dans les Etats baltes, ces protocoles sont qualifiés de prélude à l'"annexion" de la Lettonie, de la Lituanie et de l'Estonie. L'interprétation de ces protocoles permet de tirer des conclusions sur la nature des rapports avec la Russie actuelle et le statut des Russes dans ces pays, où ils sont considérés comme des "occupants" ou des "colons". En Pologne, les souvenirs des protocoles secrets additionnels au pacte justifient l'identification de l'Allemagne nazie et de l'URSS stalinienne sur le plan moral, de la profanation, qui en découle, de la mémoire des soldats soviétiques, même du regret postérieur de l'absence de coalition entre la Pologne et l'Allemagne nazie en vue d'une attaque commune contre l'URSS. Le caractère moralement inadmissible de cette interprétation des événements de cette époque découle largement du fait que personne parmi les quelque 600000 soldats soviétiques morts pour la libération de la Pologne du joug nazi n'était au courant du protocole secret additionnel au pacte Molotov-Ribbentrop.
http://fr.rian.ru
http://www.alterinfo.net

mercredi 19 août 2009

Santiago Carrillo, tueur de communistes

L'immonde petit Staline espagnol, Santiago Carrillo, qui pontifie à la télévision gouvernementale, sur les ondes de la SER et dans les colonnes de El Pais (le quotidien préféré de Diane Cambon selon Carlos Semprún Maura) en donnant des leçons d'éthique politique, vient de révéler un autre de ses visages : celui de tueur de ses propres camarades.

Selon Periodista Digital, le journaliste Antonio Rubio a mis la main sur le rapport de cent pages écrit en 1955 par le dirigeant communiste espagnol Francisco Abad dans lequel les crimes de Carrillo sont dénoncés aux autorités soviétiques. Il lui a été remis par la fille de l'auteur, une militante communiste de longue date.

Le sanguinaire Carrillo, déjà connu pour avoir fait assassiner des civils (dont des femmes et des enfants) à Paracuellos del Jarama, a non seulement dénoncé à la police franquiste les camarades qui franchissaient la frontière pour rejoindre les fronts de la résistance intérieure, mais il a envoyé des équipes de tueurs (Antonio [José Gros], Sebastián [Félix Pérez] et Partebocas [Ricardo Navacerrada]), pour faire disparaître les chefs locaux que la Guardia civil n'arrivait pas à capturer, comme Pepito (aussi connu comme El Gafas).

Interrogé par téléphone sur ce rapport, dont l'original est dans les archives du PCUS à Moscou, Santiago Carrillo a affirmé qu'il s'agissait d'un montage destiné à le détruire et a refusé de l'examiner.
http://aventuresdelhistoire.blogspot.com

lundi 17 août 2009

Glozel va-t-il faire plier l’archéologie officielle ?

Il est assez étonnant que l’archéologie continue à garder des zones d’ombre suspectes alors qu’il serait assez aisé de faire avancer le débat. Je pense à l’affaire Glozel ; pendant 50 ans, on a traité Emile Fradin de faussaire, jusqu’en 1972 où les techniques de thermoluminescence ont démontré qu’il n’était pas un escroc, ni un faussaire. Et le champ où les découvertes à polémiques ont été faites avait été laissé à moitié fouillé dans les années 20-40 pour que les archéologues puissent revenir.... Ce qui a été fait dans les années 95, et « l’innocence » de Fradin a été reconnue. Pour mémoire, l’abbé Breuil qui considérait cette découverte comme importante avait demandé à signer l’article sur Glozel, mais quand le docteur Morlet, auteur, a refusé, l’abbé Breuil est devenu un adversaire acharné. Drôle d’attitude !
Ce commentaire a été fait par Norbert Gabriel à la suite de mon article du 11 août. Conformément à la politique voulue par Agoravox, j’en profite pour relancer le débat.
Pour bien montrer que l’affaire ne date pas d’hier, voici quelques extraits d’un de mes ouvrages écrit dans les années 80, publié en 93.
Le 1er mars 1924, en labourant un champ, non loin de Châtel-Montagne, près du carrefour de voies antiques de Ferrières-sur-Sichon, à 55km du Crest à vol d’oiseau par la vallée de l’Allier, un jeune homme de 17 ans, Emile Fradin, habitant du village de Glozel, mit à jour un fossé d’inhumation de forme ovale. Bien qu’on lui ait refusé la modeste subvention de 50 francs qu’il avait sollicitée, il s’intéressa à sa découverte et poursuivit ses fouilles avec l’aide du docteur Morlet. Et les deux hommes découvrirent des choses étonnantes. C’étaient d’abord des os sculptés (hameçons, harpons, navettes, têtes de femme et d’homme) sur lesquels des dessins avaient été parfois tracés (loup, félin, bovidé, renne). Mais c’étaient aussi des tablettes d’argile d’écriture alphabétiforme. A ce jour, personne n’est arrivé à comprendre l’écriture glozélienne...
Au départ, il s’agissait pourtant là d’une découverte importante, beaucoup plus riche de significations que les huit cavaliers gaulois de Gondole enterrés avec leurs chevaux... importante parce qu’elle témoigne d’une culture d’inhumation bien établie (ce qui devrait intriguer Antenor qui a beaucoup réfléchi sur le sujet) et plus précisément d’une culture où l’ovale est un symbole religieux ( ce qui m’a intrigué dès le début puisque j’y vois un symbole du judaïsme ancien, voire phénicien/cananéen, comme je l’ai expliqué dans mes ouvrages et articles divers). A noter que ce n’est pas le seul exemple de sépultures où l’ovale est représenté avec, parfois, en plus, le défunt enterré en position foetale... comme dans l’oeuf de la renaissance druidique - ma thèse).
Mais aujourd’hui, grâce à l’internet, l’affaire Glozel redevient d’actualité. Il aura fallu 85 ans mais aussi le courage et l’opiniâtreté d’Emile Fradin.
Philologue allemand spécialiste du Proche-Orient ancien, Herbert Sauren, qui a par ailleurs entrepris de démontrer que la plupart des textes en écriture ibérique pouvaient s’interpréter par des langues sémitiques de l’antiquité, a repris sous cet angle l’ensemble du corpus épigraphique de Glozel établi par le docteur Morlet, ainsi que les parallèles donnés par le même dans ses "Origines de l’écriture", et en a proposé une étude épigraphique, une translittération, une traduction complète ainsi qu’une liste du vocabulaire sémitique (cf Wikipedia)
Enfin, pour lever toute équivoque et réfuter toutes accusations de falsification, citons seulement la traduction que donne le philologue et linguiste suisse Hans-Rudolf Hitz de la tablette GLO-71 qui pourrait se rapporter à un évènement de l’an 107 avant J.C. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Glozel).
Comment ne pas voir dans ces nouvelles interprétations la confirmation de ce que j’ai écrit dans les années 80 ?
1° Une forte influence phénicienne puis judaïque que la Gaule a reçue du Proche-Orient. Dans le cours de cette histoire, l’exil des Juifs à Babylone marque une rupture, un tournant ou une accélération ; car beaucoup avaient fui et s’étaient expatriés. Il faut donc réfléchir sur le rayonnement que les exilés ont pu avoir sur leur diaspora à leur retour en Palestine. En cela, les manuscrits de la mer Morte nous sont d’une aide précieuse. L’origine du christianisme en Gaule ne peut s’expliquer, dans sa logique, qu’en passant par ce chemin.
2° Le lien que j’ai fait entre cette écriture glozelienne et les lettres/repères portées sur le vase de Vix pour lequel j’ai proposé une réalisation à Gergovie/Le Crest dans ses forges
de Saint-Amand-Tallende.


Par exemple, l’explication que j’ai proposée pour la lettre A que l’on retrouve à Glozel sous ses deux formes pourtant différentes mais aussi un tableau de correspondances que je ne présente aujourd’hui que comme un sujet de réflexion, n’étant pas spécialiste dans la langue grecque récente ou ancienne.



3° Mon interprétation d’un texte gravé sur un galet de forme ovale dans lequel j’ai proposé d’y voir une représentation des constellations célestes,




et enfin un essai d’interprétation épigraphique du ciel qui me semble beaucoup plus proche de l’Antiquité que du Moyen-âge.


Je ne dis pas que mon interprétation épigraphique du ciel remonte à une très haute antiquité. La présence de l’oméga majuscule qui, dans mon croquis, "coiffe" le petit charriot de l’étoile polaire est, parait-il, relativement récent dans l’écriture grecque. Il est, en revanche, à rapprocher, me semble-t-il, du diadème/torque de la dame de Vix,
donc au VIème siècle. Voici l’interprétation que j’en ai donnée dans mon "Histoire de
Gergovie".


Qu’en est-il aujourd’hui de la situation ? Après les fouilles officielles de 1983 suite à la demande d’élus locaux, un rapport résumé de 13 pages fut rendu public en 1995. Les auteurs de ce rapport ont estimé que le site de Glozel était médiéval, qu’il contenait des objets de l’âge du fer, mais qu’il avait probablement été enrichi par des contrefaçons. De même, quand j’ai proposé de situer Gergovie sur l’éperon du Crest, la Direction Régionale des Affaires culturelles d’Auvergne, après avoir envoyé des archéologues sur place, en avait conclu que le site n’était pas antérieur au Moyen-âge... comme si l’on pouvait dater l’âge d’une pierre !
Voilà bien ce qu’est l’actuelle archéologie dite scientifique ! Parce qu’il existe, à Glozel, de nombreuses tablettes dénuées de sens, on pense tout de suite à des faussaires. On ne s’interroge même pas sur ce que pouvait être un lieu mystique antique où les scribes attitrés se faisaient rétribuer pour écrire les dédicaces et supplications demandées par des pèlerins illettrés. Le rendement étant de tout temps, il devait bien arriver un moment où les scribes débordés, ou pressés ou incultes, faisaient semblant... jusqu’au Moyen-Âge, pourquoi pas ? Et dans la passion du siècle dernier, pourquoi n’y aurait-il pas eu des contrefaçons pour dénigrer le site ?
Voilà bien ce qu’est l’actuelle archéologie dite scientifique ! Elle est incapable de concevoir la permanence dans le temps d’un site mystique ou d’une position militaire hors du commun. Au XIX ème siècle, les érudits notamment bourguignons recherchaient des éperons barrés comme on va à la pêche et aujourd’hui, on se refuse toujours jusqu’à l’absurde à voir le remarquable éperon du Crest.
Manifestement, il y a quelque chose qui, aujourd’hui, ne tourne pas rond dans l’archéologie officielle.
Emile Mourey http://www.agoravox.fr