samedi 30 novembre 2013

CONCEPTION DE L’HOMME ET RÉVOLUTION CONSERVATRICE : HEIDEGGER ET SON TEMPS

(article paru dans "Nouvelle école", n°37, 1982; je n'aborderai plus Heidegger exactement de la même façon aujourd'hui, sans pour autant renier les idées forces qui structurent le présent article)
Dans l’œuvre de Heidegger, 2 types de vocabulaires se juxtaposent. D’une part, il y a celui, très concret, qui exalte la glèbe, le sol, la forêt, le travail du bûcheron, et, d’autre part, le plus apparemment rébarbatif des jargons philosophiques. Heidegger réalise donc ce tour de force d’être à la fois un doux poète bucolique et un philosophe universitaire excessivement rigoureux, auquel aucun concept n’échappe. Comment ces 2 attitudes ont-elles pu cohabiter dans un seul individu ? Y aurait-il 2 Heidegger ? L’article qui suit entend répondre à ces questions.
Il peut paraître banal de dire que Martin Heidegger est né le 26 septembre 1889 à Messkirch. C’est qu'une appréciable part de son œuvre sera déterminée par ce "quelque part". Heidegger reste, en effet, très attaché à son enracinement alémanique. L'enracinement, pour lui, est une des conditions essentielles de l'être-homme. « L'homme véridique ne sera pas enraciné par accident et provisoirement (en attendant mieux) ; il l’est essentiellement. L'homme qui perd ses racines se perd en même temps » [1].
Il ne serait pas arbitraire de résumer la pensée anthropologique de Heidegger en quelques mots : être homme, c'est bâtir (fonder) et habiter un monde (s'y enraciner). De fait, toute l’œuvre de Heidegger porte l’empreinte du terroir natal, de cette Souabe qui vit naître Schiller, Schelling, Hegel et Hölderlin. Le murmure, les palpitations de ce pays de forêts, silencieusement présents dans la philosophie heideggérienne, différencieront Heidegger de Sartre, le disciple parisien qui s'est efforcé d'utiliser à son profit le même outillage conceptuel. Sartre, a remarqué Jean-Paul Resweber, subira toujours l’influence anonyme ou frénétique des cités bourdonnantes, où il est impossible de saisir la densité et l’unité originelles des choses et de la nature [2].
Le jeu de l’enracinement et de la désinstallation
La terre, lieu de notre séjour, est aussi le miroir de notre finitude, le signe d’un impossible dépassement. Elle rappelle à l'homme qu'il est irrémédiablement situé dans le monde de l’existant. Elle est le sol même sur lequel prend pied (Bodennehmen) notre liberté. L’acte libre, poursuit Resweber, n’est pas un pur jaillissement créateur ; le dépassement qu'il inaugure est, en fait, une reprise de notre être enraciné dans le monde, à la manière de possibilités nouvellement découvertes. Toute œuvre d’art est un resurgissement, une transfiguration de la terre ; celle-ci est l’élément primordial à partir duquel toute création (Schaffen) devient un "puiser" (Schöpfen). Dans L’origine de l’œuvre d’art (texte repris dans le recueil intitulé Holzwege) [3], Heidegger écrit que l’art fait jaillir la vérité. Si l’œuvre sauvegarde une vérité, c’est celle de l’étant : l’art est la "conclusion" de l’étant. Mais l’art ne se manifeste aussi que par la médiation de l’artiste, c'est-à-dire de l'homme.
« L'existence humaine, ce lieu de ressourcement poétique, est essentiellement tragique, parce qu’elle est tendue entre un donné irréductible (la terre) et une exigence de dépassement jamais satisfaite, déchirée entre l'appel de la terre et celui du monde… L'homme humanise la terre avant de la dominer, et l'horizon qu'il déploie pour la pénétrer, c’est le monde. La réflexion philosophique est précisément la mise en dialogue de ces 2 pôles complémentaires de l’existence qui, dans une expérience unique, se découvre à la fois enracinée dans la terre et dépassée vers le monde » (Resweber, op. cit.).
C’est ce double jeu de l’enracinement et de la désinstallation que Heidegger nomme la transcendance. Le rôle de l’homme sera d’amener sa terre à l’éclosion d’un monde. Ce geste, cette tâche sont éminemment poétiques parce que le mystère profond de la terre reste toujours inépuisable et présent, parce qu'il s’exprime en mythes et en images, mais surtout parce que c’est l’homme, par son intelligence et son action, qui fait surgir (poïeïn) le monde. Avec un vocabulaire différent, on dira que l’homme est un être qui inaugure la dimension culturelle tout en restant lié à la nature. La tension qu’implique cette tâche de construire un monde est tragique, car jamais il n’y aura totale adéquation entre l’origine tellurique et le monde instauré par la geste humaine. La finitude que nous assigne la terre nous condamne à rester "inachevé". À nous d’accepter joyeusement cette destinée !
Si, pour Heidegger, l’enracinement dans le pays de la Forêt noire constitue la dimension spatiale primordiale, nous devons aussi nous intéresser au contexte historique de son œuvre de philosophe, réponse aux interrogations de ses contemporains. Heidegger — nous l’avons vu — est indubitablement l’homme d’un espace ; il est également l’homme d’une époque. Un grand nombre des questions que se posent les philosophes trouvent leur origine dans l’œuvre d’Aristote. Heidegger lui-même reconnaît cette dette [4].
Au Gymnasium de Constance et à celui de Fribourg, où il étudia de 1903 à 1909, le futur archevêque de Fribourg, le Dr Conrad Gröber, l’incita à lire la dissertation de Franz Brentano, Von der mannigfachen Bedeutung des Seienden nach Aristoteles, publiée en 1862 et consacrée aux multiples significations du mot "étant" chez Aristote. Cette première initiation à la philosophie produisit, dans l’esprit du jeune étudiant, une interrogation encore imprécise : si l’étant a tant de significations, qu’est-ce qui en fait l’unité ? À partir de cette interrogation, Heidegger apprit à manier les concepts du langage philosophique et put percevoir toutes les potentialités de la méthode scolastique.
La période qui va de 1916 à 1927 constitue, dans la biographie de Heidegger, un silence de maturation. Rien, pendant ces 11 années, n’est très clair. On tâchera néanmoins de repérer quels furent les contacts personnels et intellectuels qui influeront sur l’élaboration de Sein und Zeit (Être et temps, 1927) d’abord, des cours, des essais et des conférences ensuite. C’est à cette époque, notamment, que Heidegger a travaillé avec Edmund Husserl (1859-1938), ce qui lui a permis d’acquérir complètement la discipline mentale et le vocabulaire de la phénoménologie.

vendredi 29 novembre 2013

Le libéralisme vu par le cardinal Billot

[On lit au livre des Juges (12,5-6) que les gens de Galaad, ayant vaincu ceux d’’Ephraïm, convinrent entre eux que pas un de ces derniers ne s’échapperait vivant. Ils avaient occupé tous les gués du Jourdain, et lorsque quelqu’’un se présentait pour passer, ils lui demandaient de prononcer le mot schibboleth (épi). Les hommes d’’Ephraïm prononçaient siboleth et ils étaient égorgés sur le champ.]
« C’est bien aussi ce qui se passe à l’’entrée du camp du libéralisme, écrit le cardinal Billot dans son De Ecclesia Christi paru en 1910. À ceux qui veulent entrer, on dit : Dis donc schibboleth, qui se traduit sécularisation de la société. Mais il importe de savoir s’ils le prononcent bien ou mal. Or les catholiques libéraux ont en cela un défaut de prononciation et ne sont pas capables d’’émettre la parole sacramentelle comme il faut ».
Le cardinal cite Louis Veuillot à qui il a emprunté la référence biblique :
« Ils jurent volontiers par les principes de 89 ; ils disent même les immortels principes. C’’est le schibboleth qui donne entrée au camp du grand libéralisme. Mais il y a manière de le prononcer, et nos catholiques n’’y sont pas tout à fait… C’’est pourquoi ils prononcent mal le schibboleth, et pourquoi la Révolution ne leur ouvre pas. La Révolution est plus juste envers eux qu’’ils ne le sont eux-mêmes. Elle les flaire catholiques, elle leur fait l’’honneur de ne les pas croire, lorsqu’’ils veulent convaincre qu’’ils le sont si peu que personne, hors de l’’Église, n’’en verra rien, et qu’’ils joueraient très bien leur personnage d’’athée dans cette forme idéale de gouvernement sans culte et sans Dieu ».
Louis Veuillot, L’’Illusion libérale § 32-34
Après le Ralliement, les catholiques, les divers conservateurs, tous ceux qui acceptaient la République ou se résignaient à vivre avec, mais en souhaitant la rendre présentable, habillée chez un bon tailleur après avoir renoncé aux oripeaux des tricoteuses, voulurent entrer dans le système électoral, mais perdirent au jeu. Ils ne savaient pas prononcer schibboleth. La République des républicains les accepta à sa table, en bout de table, et en fit des dupes parce qu’’ils portaient en eux un dualisme : le libéralisme politique, certes, mais non le libéralisme métaphysique. Ils acceptaient un système sans adhérer aux principes essentiels de ce système. Ainsi la Droite, qui refusait le jacobinisme, qui refusait le laïcisme, fut écartée du pouvoir.
Est-ce la constance dans l’’entraînement au fil des ans ? Est-ce la fréquentation des socialistes et des communistes à partir de 1944 ? Une certaine “droite” sait depuis cinquante ans prononcer correctement le mot fatidique. L’’électorat conservateur ne voit pas bien ce qui lui arrive et suit, parfois en traînant les pieds.
C’’est ce que n’ont pas compris MM. de Villiers et Le Pen après tous les honnêtes gens qui ont cru qu’’on pouvait mettre du bon vin dans les outres républicaines et gagner un jour de bonnes élections”. Ils peuvent faire au système en place telle ou telle concession, ils peuvent chanter la République et la Démocratie : pour les vrais républicains, ils chantent faux car ils ne savent pas prononcer schibbolet. On les laisse en marge, ils ne sont même pas admis à la table démocratique car le régime s’’est radicalisé, on leur porte quelques restes pour faire croire qu’’ils participent à la fête.
Le futur cardinal Billot était professeur à l’’université grégorienne de Rome lorsqu’’il publia son livre. Le chapitre sur l’’erreur du libéralisme, dont nous avons cité un passage, est un grand texte de philosophie politique. On peut le trouver traduit en français car le livre, dans l’’atmosphère intellectuelle de la Rome du temps, a été écrit en latin. Le livre du Père Billot pousse jusqu’’à l’’essence de la Révolution française en citant Clemenceau : « Depuis la Révolution nous sommes en révolte contre l’’autorité divine et humaine, avec qui nous avons d’’un seul coup réglé un terrible compte le 21 janvier 1793. »
Si saint Thomas et Louis Veuillot sont abondamment cités, La Tour du Pin et Le Play le sont également. On relèvera dans le livre une grande page de Charles Maurras sur la logique qui mène le libéralisme à détruire les libertés. Oui, Maurras cité dans un livre intitulé De Ecclesia Christi, l’’Église du Christ, composé en 1910 par un père jésuite, professeur de théologie dogmatique et futur cardinal !
Gérard Baudin L’’Action Française 2000 du 1er au 14 mars 2007

Esclavagistes et totalitaires d'aujourd'hui

Le souvenir m'est resté du titre d'un brûlot, remontant à 1959 : "de Hanoï à Leipzig un milliard d'esclaves". Ceci décrivait alors, le lecteur l'a compris, la situation des pays occupés par l'armée rouge en 1945, puis par les armées de Mao Tsé-toung en 1949 et celles du Vietminh en 1954, aux applaudissements hélas de notre si chère intellocratie parisienne.
Cette situation-là s'est largement améliorée depuis. On doit s'en féliciter, ou plutôt on doit prendre conscience de ce que nous devons aux gens qui ont combattu et largement vaincu le communisme. On devrait d'ailleurs cesser de ramener à la "chute du mur", ce que l'on doit à Lech Walesa, au pape Jean-Paul II et à Ronald Reagan. On ne saurait non plus considérer comme anecdotique à cet égard que Barack Husseïn Obama ait pris la décision de supprimer l'ambassade américaine au Vatican, créée en 1984 sous la présidence Reagan.
Or l'une des découvertes qu'ont pu faire les lecteurs de "l'Archipel du Goulag" d'Alexandre Soljenitsyne, ou des bouleversants "Récits de la Kolyma" de Varlam Chalamov  (1)⇓ c'est précisément l'horrible condition résultant de l'univers concentrationnaire mis en place par Lénine et dont très longtemps les belles et grandes consciences de notre Hexagone ont tout simplement, et pendant si longtemps, nié l'existence.
Si on la compare à la "case de l'Oncle Tom" on découvre que le XXe siècle avait, en matière de servitude, réalisé de considérables "progrès", grâce à la mainmise de l'État sur la vie des individus.
Aujourd'hui, au XXIe siècle les défenseurs de la liberté doivent se préparer à combattre de nouvelles formes de contrainte, d'oppression, et même à de nouvelles inventions dans le registre du totalitarisme.
Jules Monnerot l'avait remarqué dans la première partie de sa "Sociologie du communisme" : l'entreprise de Lénine était structurée comme l'avait été au VIIIe siècle la vague déferlante des successeurs de Mahomet.  (2)⇓
La tentative en cours d'une renaissance politique de ce qui devrait n'être considéré que comme une religion aboutit notamment à la revendication du Califat mondial, c'est-à-dire à un pouvoir politique absolu.
Ce que nous appelons, dès lors, "l'islamisme" donne dans ce contexte naissance à divers monstres. Dès 1986, nous avons connus à Paris les attentats aveugles, sanglants, contre Tati puis ceux de Khalid Kelkal en liaison avec le GIA algérien. Avec le World Trade center à New York en 2001, Madrid en 2004, Londres en 2005 cette forme extrême caractérise un véritable "islamo-terrorisme".
Mais, au-delà de ces manifestations insupportables, on gagnerait sans doute à s'interroger sur le mépris élémentaires des droits humains qu'elles supposent.
Tels que nous les pensons désormais en occident, les admirateurs, ou plus exactement les obligés du Qatar devraient en prendre conscience et reconnaître l'incompatibilité des pratiques de l'émirat avec les valeurs de l'occident.
Dans un article consacré aux "esclaves du football" Laurent Glauzy décrit ainsi la situation abominable des malheureux mercenaires du sport spectacle. Il évoque notamment le sort de Zahir Bellounis ressortissant Français, attiré par un contrat mirifique, aujourd'hui retenu contre son gré, privé de rémunération. Confronté à ce pauvre concitoyen ruiné M. Hollande lui aurait conseillé de "rester fort.  (3)⇓
Hélas la situation va bien au-delà des cas de ces sportifs trompés par ce miroir aux alouettes. On doit mesurer que dans cette principauté cohabitent 300 000 sujets de l'émir, plus ou moins bénéficiaires de la rente du pétrole, en face de 1 700 000 immigrés, privés de droits, qui travaillent à leur service.
Or,le Qatar prévoit d’investir dans la coupe du monde quelque 200 milliards de dollars. Les travaux sont effectués dans des conditions abominables. En quelques mois on compte soixante-dix ouvriers népalais morts d’épuisement.
On se rapproche encore plus des conditions de l'esclavage dans l'affaire à peine croyable des trois femmes séquestrées durant trente ans par un couple, près de Londres. Les suspects, un couple d'ex-militants maoïstes avaient manifestement recrutés ces malheureuses dans le contexte de leur secte révolutionnaire, celui d'un squat communiste, le Mao Tse-toung Memorial Centre dans le quartier de Brixton.  (4)⇓
Mais au fait qui donc organise le transfert de ces victimes ? L'arrestation en Italie d'un chef de bande somalien jette un jour que les lecteurs de "Coke en Stock" connaissent bien.
Le nommé Elmi Mouhamud Muhidin, 24 ans, dirigeait en effet un réseau spécialisé dans un commerce bien particulier. Sous ses ordres : une cinquantaine d'hommes, Somaliens et Soudanais. Arrêté en Italie, il est poursuivi pour viol et séquestration. Sa bande avait enlevé 130 érythréens candidats au paradis européen. Le groupe marchait dans le Sahara entre le Soudan et la Libye. Dans ce pays ils se sont retrouvés entassés dans une pièce pendant deux semaines. Ils y ont été torturés, la plante des pieds frappée au marteau. Ils ont également été soumis à des décharges électriques. Les 20 femmes du groupe ont été violées à plusieurs reprises et offertes "comme une tasse de thé" à des "visiteurs". Ces malheureux ont ensuite été forcés de payer une véritable rançon : plus de 3 000 dollars par personne pour être transportés à Tripoli, où ils ont été remis à d'autres trafiquants qui géraient un camp de 600 personnes etc. (5)⇓ Tout cela ressemble de plus en plus à la condition des esclaves d'autrefois. Mais pourquoi diantre les ligues de vertu ne protestent-elles pas ?
Pourquoi les belles âmes, de Harlem Désir à Taubira, n'en font-elles pas des rassemblements à la Mutualité ?
Apostilles
  1. cf. "Récits de la Kolyma".
  2. cf. "L'islam du XXe siècle".
  3. cf. sur le site Contre Info .
  4. cf. Le Monde.fr avec AFP | 25.11.2013 à 18h15 .
  5. cf. sur le site de L'Expansion .

jeudi 28 novembre 2013

Une passion pour la Gaule

La-gaule-dans-l-empire-romainLe rabougrissement actuel de la France incite à s'interroger, de façon légitime, sur le mystère de son Histoire. Un tel questionnement ne semble guère troubler les membres de son gouvernement décadentiel. Pour nos ministres, comme pour la majeure partie de la classe politique, la soupe reste bonne. Et comme nos dirigeants se trouvent de la sorte en décalage avec le pays réel, ils accusent le peuple. Ils collent donc des étiquettes. Éventuellement même ils fabriquent les fantômes et les caricatures d'imaginaires menaces. Contre ces succubes ils en appellent aux grandes consciences. Ils en trouvent encore, de moins en moins nombreuses. Au besoin ils en inventent, prêtes à se mobiliser.
Ne pas vouloir être envahi devient du racisme. Air connu. Refrain éculé.
Constater, déplorer le recul économique du pays sous le poids du fiscalisme et du gaspillage démagogique relève d'une tare un peu plus subtile. On nous enjoint de condamner, dès lors, ce que l'on prétend stigmatiser sous l'appellation de "déclinisme". Comment ne pas s'irriter de l'erreur d'un tel suffixe. Il ne pourrait correspondre à une véritable signification que si l'on entendait désigner les partisans de la chose, ici le déclin, alors qu'il s'agit des gens qui la combattent. Appelait-on les résistants des "occupationnistes" ?
Si l'on souhaite esquiver les pestilences de ce désarroi lexical et mental, reste alors le recours à la grande histoire. En son refuge on peut préserver la réflexion des furies médiatiques, sinon des censures de la pensée unique. En un tel abri on pourra penser un avenir libéré des erreurs d'hier et d'avant-hier.
Ajoutons qu'en notre époque, certains progrès de la connaissance permettent d'enrichir le champ de vision. Au-delà des récits de batailles et des intrigues de cour, on pourra tenir compte des données économiques, techniques, culturelles, sociales, intellectuelles, etc.
Très en avance sur son temps, très supérieur aussi à bien des celtisants ultérieurs acharnés à la défense de diverses thèses à base de pétition de principes, Camille Jullian (1859-1933) tend à répondre à l'ensemble de ces questions relativement à spécialité, et à sa passion : l'Histoire de la Gaule.
Vercingetorix-couv-v2Grâce à cet historien et philologue, élève de Vidal de la Blache et de Fustel de Coulanges puis de Theodor Mommsen (1)⇓ à Berlin, les Français découvrent dès 1901 la réalité historique de Vercingétorix. Au Collège de France à partir de 1905, il crée la première la chaire des Antiquités Nationales. Et publie, entre 1907 et 1928, une œuvre immense première approche scientifique de la Gaule.
De façon précise il rassemble les connaissances disponibles dans les divers domaines qui alimentent la science du passé.
Le volume qui vient de paraître couvre la période où selon la formule élégante de Jacques Bainville, "pendant 500 ans, la Gaule partage la vie de Rome". (2)⇓
Gaule-avant-cesar-couvMais au contraire de l'auteur précité, Jullian ne fait pas commencer l'histoire ancestrale de la Gaule à la fin de son indépendance. Ainsi y avait-il déjà consacré les chapitres publiés sous le titre de "la Gaule avant César". Sans direction politique centralisée à l'origine, le territoire assez constamment délimité, au cours des siècles entre le Rhin, les Alpes et les Pyrénées, est pratiquement devenu ce que nous appelons l'Hexagone.
Le tracé de la frontière linguistique ne s'est trouvé modifié que par les migrations de peuples contemporaines précédant l'époque mérovingienne. Ce que nous appelons, à tort, "grandes invasions" ont dessiné, en gros du VIe siècle au IXe siècle la personnalité culturelle des Flandres, de l'Alsace et des régions franciques, ainsi que de l'Armorique occidentale.
Mais globalement pour le reste, très peu de modifications depuis la Gaule. On se trouve en présence d'un peuple assez peu variant jusqu'au XXe siècle : 1 500 ans après Clovis, mais aussi 1 000 ans avant lui. Tel est alors l'objet de ce recours aux racines.
Car ce millénaire gaulois puis "gallo-romain" ayant précédé le nom de France, a bel et bien forgé l'essentiel de son identité à partir des apports ligures, ibères, germano-celtiques, grecs et latins.
Au cours de cette très longue période les dieux eux-mêmes auront à peine changé jusqu'à l'arrivée du christianisme, elle-même très antérieure à la conversion d'un prince rallié à la religion de son peuple et à ce qu'il appelle lui-même le "Dieu de Clotilde".
Ceci autorise sans doute à diviser en trois cette Histoire unique.
Avant César notre connaissance de nombreux personnages permet d'échapper à la notion de préhistoire : Nanus roi des Ségobriges, Simos et Protis navigateurs phocéens en 597 avant Jésus-Christ, Brennus en 390, Pythéas au IVe siècle
C'est à Camille Jullian que l'on doit d'avoir établi l'existence nationale de la Gaule, avant même la conquête au gré d'un territoire commun nettement défini, par Jules César lui-même : jusqu’au Rhin, aux Alpes et aux Pyrénées, d'une communauté de langage, de croyances religieuses ou morales, mais aussi d'une civilisation matérielle et spirituelle épanouie en soixante cités dotées de leurs monnaies et de leurs magistrats.
Mais plus encore il souligne dans ce troisième volume qui vient de paraître (3)⇓ la vigueur et même le renforcement dans le cadre de l'empire romain.
JG Malliarakis  http://www.insolent.fr/     
Apostilles
  1. cf sa notice sur le site du Prix Nobel.
  2. Chapitre Ier, pages 9 à 18 de son Histoire de France.
  3. à commander sur le site des éditions du Trident.

Un livre qui fait la lumière sur une partie obscure de l'histoire.

Un livre qui fait la lumière sur une partie obscure de l'histoire. « Chaïm Arlosoroff, directeur du département politique de l’Agence juive et proche collaborateur de Ben Gourion, a effectué un voyage en Allemagne au mois de juin 1933.
Ami d’enfance de la femme de Goebbels, Chaïm Arlosoroff a probablement joué de ses relations
pour préparer le terrain de la négociation. À peine rentré en Palestine, plusieurs semaines avant que l’accord ne soit signé, il fut accusé par un journal de s’être “roulé aux pieds d’Hitler” et assassiné, le même jour, sur une plage de Tel-Aviv »
(Tom Segev, historien israélien, in Le septième million. Les israéliens et le Génocide)

Dans l’avant propos de son livre Le Pacte germano-sioniste, Jean-Claude Valla écrit : « Dans aucun manuel d’histoire vous ne trouverez mention d’un pacte germano-sioniste. Seuls quelques livres spécialisés, pour la plupart anglo-saxons ou israéliens, évoquent la réunion du 7 août 1933 au ministère allemand de l’Économie, au cours de laquelle des représentants de l’Agence juive et de l’Organisation sioniste mondiale ont signé avec de hauts fonctionnaires du Reich ce que l’on a appelé pudiquement l’accord de la haavara (du mot hébreu haavara qui signifie : transfert). »
De quoi s’agissait-il ?
« (…) d’organiser le transfert vers la Palestine de capitaux que les Juifs allemands, candidats à l’émigration, souhaitaient emporter avec eux. Cet accord technique, nous le verrons, ne fut que le premier acte d’une étroite collaboration et joua un rôle décisif dans le développement économique de cette région sous-développée qu’était la Palestine. »
Cette collaboration inimaginable pour beaucoup de nos contemporains est pourtant confirmée par l’historien israélien Eliahu Ben Elissar : « Personne ne connaît et sans doute ne pourra jamais déterminer avec précision ni la date où fut prise la décision fatale d’exterminer physiquement les Juifs ni les circonstances réelles dans lesquelles elle intervint. Tout cependant tend à prouver que bien après son accession au pouvoir, le Führer poursuivait encore une politique qui ne devait pas obligatoirement déboucher sur une issue de cette nature. »
Et Jean-Claude Valla d’indiquer : « La gêne des historiens à évoquer librement cette affaire tient au fait que la Shoah occupe aujourd’hui une place considérable dans les esprits et que cette hypertrophie de la Mémoire déforme complètement la vision que l’on peut avoir des événements qui ont précédé la IIe Guerre mondiale. Si la Shoah est “indicible” comme certains le prétendent, il devient presque impensable de dire que des sionistes ont collaboré avec le IIIe Reich. »
C’est ce que l’auteur démontre pourtant dans son livre Le Pacte germanosioniste (7 août 1933) (éditions Dualpha, Collection « Les Cahiers Libres d’Histoire ») dont le titre est un clin d’œil au pacte germano-soviétique du 23 août 1939 : « Dans un cas comme dans l’autre, nous avons affaire à des ennemis jurés qui jugent plus profitable de s’entendre, peut-être parce que, au-delà d’une convergence momentanée d’intérêts, ils présentent plus de caractéristiques communes qu’on ne le croit. Entre le national-socialisme et le sionisme, les similitudes abondent également, d’autant plus frappantes qu’elles prennent souvent la forme d’une convergence idéologique. Mais la comparaison entre les deux pactes s’arrête là. Ils n’ont pas eu les mêmes conséquences pour la bonne raison que les sionistes de Palestine, peu nombreux et encore sous tutelle britannique, n’avaient pas dans le monde le même poids ni la même influence que les communistes russes. En signant un pacte de non-agression avec Staline, Hitler a réussi à neutraliser momentanément l’Internationale communiste, voire même à la faire travailler à son profit, notamment en France par le sabotage de l’effort de guerre, tandis que son accord de collaboration avec les sionistes, qui ne représentaient alors qu’eux-mêmes, n’a en rien désarmé l’hostilité de la communauté juive internationale à l’égard du IIIe Reich. »
Jean-Claude Valla, (1944-2010) a été le premier directeur de la rédaction du Figaro Magazine et l’auteur de nombreux livres d’histoire. De même, il fut le directeur de Magazine Hebdo (1983-1985) avant de diriger La Lettre de Magazine Hebdo. Ancien collaborateur d’Historia, d’Historama, du Miroir de l’histoire et d’Enquête sur l’histoire, il collaborait depuis 2002 à la Nouvelle Revue d’Histoire de Dominique Venner. Il fut président d’honneur du Comité français des fils et filles de victimes des bombardements de la IIe Guerre mondiale (2001-2005).
Ses « Cahiers Libres d’Histoire ont, dès leur parution, rencontrés un énorme succès qui ne se dément pas et sont sans cesse réédités.

La pensée de Descartes

La pensée d'Aristote s'étant imposée pendant près de deux millénaires, il a fallu Descartes pour remettre en question l'autorité, la tradition aristotéliciennes. En doutant de tout, le philosophe français se situe dans le courant du scepticisme de Pyrrhon.
« Le scepticisme, c'est la faculté d'opposer les apparences (ou phénomènes) et les concepts de toutes les manières possibles ; de là nous en arriverons à cause de la force égale des choses et des raisons opposées d'abord à la retenue du jugement, puis à l'ataraxie ». Descartes suspend donc son jugement (épochè) mais à la différence du scepticisme pour rechercher la certitude.
Husserl aura une démarche semblable.
De son doute méthodique, hyperbolique, il met entre parenthèses le monde sensible, notre entendement et tout ce qu'ont légué nos prédécesseurs. De façon toute platonicienne, il existe pour lui un monde intelligible dont la langue est celle des mathématiques comme l'avait postulé Galilée. Il donnera aussi une méthode pour accéder à la Vérité en faisant l'apologie de la Raison dont les deux vecteurs principaux seront l'intuition et la déduction. Cette raison mathématico-scientifique qui ramène la nature à une étendue géométrique inerte sera pour Heidegger un appauvrissement de l’Être.
« La métaphysique moderne entière, Nietzsche y compris, se maintiendra dorénavant à l'interprétation de l'étant et de la vérité initiée par Descartes. » (Heidegger, Chemins qui ne mènent nulle part)
Le discours de la méthode
Ce livre est le plus connu de toute l'œuvre de Descartes. Il a été écrit en français, alors que le latin était le langage des clercs. Le philosophe a fait ce choix pour qu'il soit accessible au plus grand nombre (même les femmes). Il commence par cette phrase devenue célébrissime : « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée : car chacun pense en être si bien pourvu que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n'ont point coutume d'en désirer plus qu'ils n'en ont. »
Si chacun possède le bon sens, tous les hommes doivent donc penser par eux-mêmes.
Descartes se soumet à l'évidence. Le philosophe prônera l'unité de sciences.
« Il faut bien se convaincre que toutes les sciences sont tellement liées ensemble qu'il est plus facile de les apprendre toutes à la fois que d'en isoler une des autres. Si quelqu'un veut chercher sérieusement la vérité, il ne doit donc pas choisir l'étude de quelque science particulière ... »
On a là une attaque contre la scolastique inspirée d'Aristote. Descartes énonce les préceptes pour connaître la Vérité :
« Le premier était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle ; ... »
« Le second de diviser chacune des difficultés que j'examinerais en autant de parcelles qu'il se pourrait et qu 'il serait requis pour les mieux résoudre. »
« Le troisième de conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu comme par degrés, jusqu 'à la connaissance des plus composés ; .... »
« Et le dernier, de faire partout des dénombrements si entiers, et des revues si générales, que je fusse assuré de ne rien omettre. »
Si Descartes a écrit « larvatus prodeo » (j'avance masqué), phrase liée à un contexte de pensée réprimée par le pouvoir, son projet pratique sera de développer des « connaissances utiles à la vie » et nous rendre « comme maitres et possesseurs de la nature ».
Les méditations
Le titre du livre est quasiment religieux. Husserl reprendra ce terme pour écrire : « Méditations cartésiennes ».
Dans les méditations, le doute cartésien est porté au paroxysme. Descartes doute de tout pour arriver à la certitude. Le philosophe suppose qu'un être tout puissant chercherait à le tromper (le malin génie). « Il est de la prudence de ne se fier jamais entièrement à ceux qui nous ont une fois trompés. ».
Du doute, Descartes en déduit le cogito. « Je doute, je pense donc je suis » (Ego cogito, ergo sum).
« Mais il y a un je ne sais quel trompeur très puissant et très rusé qui emploie toute son industrie à me tromper toujours. Il n'y a donc point de doute que je suis, s'il me trompe ; et qu'il me trompe tant qu'il voudra, il ne saurait faire que je ne sois rien, tant que je penserai être quelque chose. De sorte qu'après y avoir bien pensé, et avoir soigneusement examiné toutes choses, enfin il faut conclure et tenir pour constant cette proposition : je suis, j'existe, est nécessairement vraie, toutes les fois que je le prononce, ou que je la conçois en mon esprit. » (Méditations)
Le morceau de cire
Ce passage très célèbre de Descartes dans les méditations a donné cours à de nombreux commentaires parfois très critiques. L'étendue constitue l'essence de tout corps.
« Prenons pour exemple ce morceau de cire qui vient d'être tiré de la ruche : il n'a pas encore perdu la douceur du miel qu'il contenait ; il retient encore quelque chose de l'odeur des fleurs dont il a été recueilli ; sa couleur, sa figure, sa grandeur sont apparentes ; .... Mais voici que, cependant que je parle, on l'approche du feu : ce qui y restait de saveur s'exhale, l'odeur s'évanouit, sa couleur se change, sa figure se perd... La même cire demeure-t-elle après ce changement ? Il faut avouer qu'elle demeure, et personne ne peut le nier. »
Les qualités sensibles ont disparu pour ne laisser place qu'à l'étendue (idée intellectuelle).
Cette séparation entre nature spatiale et qualités sensibles sera différemment interprétée. L'entendement dépasserait l'imagination et les sensations. La phénoménologie critiquera fortement cette vision cartésienne.
Le langage
Pour Descartes, le langage est le propre de l'homme. L'homme possède le langage car il pense et raisonne. Cela le distingue donc des autres animaux.
« Ainsi toutes les choses qu'on fait faire aux chiens, aux chevaux et aux singes, ne sont que des mouvements de leur crainte, de leur espérance, ou de leur joie, en sorte qu'ils les peuvent faire sans aucune pensée. Or il est, ce me semble fort remarquable que la parole étant ainsi définie, ne convient qu'à l’homme seul. » (Descartes)
De plus, les mots ne ressemblent pas aux choses.
« Vous savez bien que les paroles, n'ayant aucune ressemblance avec les choses qu'elles signifient, ne laissent pas de nous les faire concevoir, et souvent même sans que nous prenions garde au son des mots, ni à leurs syllabes, en sorte qu'il peut arriver qu'après avoir oui un discours, dont nous aurons fort bien compris le sens, nous ne pourrions pas dire en quelle langue il aura été prononcé. »
La morale
Si Descartes remet tout en question sur la connaissance de la nature, il sera très prudent sur la morale à la différence d'un Spinoza ou encore plus d'un Nietzsche qui n'hésitera pas à écrire « Je suis une dynamite ». Le philosophe français ne cherchait pas à réformer la société. S'attaquer à la morale, donc à la religion, n'était pas sans risque. Il s'en tiendra donc à une morale « par provision » semblable à celle de Montaigne.
« Je me formai une morale par provision qui ne consistait qu'en trois ou quatre maximes dont je veux bien vous faire part.
La première était d'obéir aux lois et aux coutumes de mon pays, retenant constamment la religion en laquelle Dieu m'a fait la grâce d'être instruit dès mon enfance...
Ma seconde maxime était d'être le plus ferme et le plus résolu en mes actions que je pouvais...
Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs que l'ordre du monde... »
Il y a presque un fatalisme social chez Descartes. Sur le plan politique et social, Descartes accepte l'ordre établi.
Au delà du cartésianisme
« Descartes inutile et incertain » a écrit Pascal. Contre la raison à laquelle on associe le qualitatif desséchante, Pascal a réintroduit le cœur.
« Le cartésianisme a été dans l'histoire moderne le péché français. » (J. Maritain)
Il est vrai que la philosophie moderne a versé dans l'anti cartésianisme. La croyance en l'objectivité semble de nos jours bien naïve. Tout jugement est lié à un contexte, des attentes, des intérêts plus ou moins masqués. La psychologie, l'historicité sont indissociables à toute compréhension du monde. D'une Vérité Unique on est passé à des vérités multiples jusqu'à même une méfiance envers l'idée de Vérité, surtout lorsqu'elle se veut politique ou religieuse. L'adéquation entre clarté et vérité s'appelle de nos jours simplisme. La domination de la nature par l'homme sera critiquée par des philosophes aussi différents que Heidegger ou Feyerabend et par toute une pensée écologiste.
Patrice GROS-SUAUDEAU

mercredi 27 novembre 2013

La Franc-Maçonnerie et la suppression des corps intermédiaires (Journal Militant)

Journal Militant
http://florianrouanet.wordpress.com/2013/10/29/la-franc-m...

La disparition en catimini de la chronologie à l’école élémentaire

Tribune libre d’Aetius
ignorance = servitude
La quasi-disparition de Louis XIV, Napoléon Ier et autres grands personnages de l’Histoire de France, ainsi que l’abandon de la chronologie dans les programmes du secondaire ont fait beaucoup parler dans les médias, en revanche le silence fut assourdissant sur la disparition programmée en 2012 de la chronologie dès l’école élémentaire.
Depuis la rentrée 2013, au cycle 3 (CE2, CM1, CM2), chaque année est centrée autour d’une ou plusieurs thématiques larges. Au CE2 l’Histoire sociale et économique ; au CM1 le religieux, le culturel et l’histoire politique jusqu’en 1789 ; au CM2 l’histoire politique après 1789. Certains thèmes sont ainsi traités sur plusieurs années : la Révolution française est ainsi abordée au CM1 (pour les valeurs de 1789 : liberté et égalité) et au CM2 (pour l’aspect politique : chute de la monarchie, République, Terreur, etc.).
Auparavant étaient traités au CE2 la Préhistoire et l’Histoire de France jusqu’au début du Moyen Âge ; au CM1 l’Histoire de France du Moyen Âge au XVIIIe siècle ; au CM2 l’Histoire de France de la Révolution française à nos jours.
A 8-9 ans, l’élève rencontre pour la première fois l’Histoire au cours de sa scolarité, comment se repérera-t-il dans le temps ? Que comprendra-t-il quand, au CE2, le maître passera directement de la romanisation de la Gaule aux relations entre les seigneurs et les paysans au Moyen Âge ?
Du coq à l'âne en CE2Passage du coq à l’âne dans le programme de CE2.
Ci-dessous, les programmes d’Histoire simplifiés aux CE2, CM1 et CM2. Le lien vers le bulletin officiel est en bas d’article.
A noter que les programmes du primaire doivent être entièrement réécrits pour 2014. Il est malheureusement peu probable de voir le retour de la chronologie …
■ CE2
  • La Préhistoire : premières traces de vie humaine, maîtrise du fer, début de l’agriculture, apparition de l’art.
  • Les Gaulois.
  • La romanisation de la Gaule.
  • Les relations entre seigneurs et paysans.
  • Les Grandes Découvertes.
  • La Renaissance : quelques découvertes scientifiques.
  • La France industrielle et urbaine (XIXe siècle), le travail à l’usine.
  • Les Révolutions techniques et scientifiques au XXe siècle, la société de consommation.
■ CM1
  • La christianisation du monde gallo-romain.
  • La naissance et le développement du royaume de France.
  • Le rôle de l’Eglise au Moyen Âge.
  • Conflits et échanges en Méditerranée : l’Islam, les Croisades.
  • La Guerre de Cent Ans.
  • Les premiers empires coloniaux, traite des noirs et esclavage.
  • La Renaissance artistique, la Réforme et les guerres de religion.
  • Louis XIV, un monarque absolu.
  • La Révolution française : l’aspiration à la liberté et à l’égalité.
  • La colonisation (XIXe-XXe siècles).
■ CM2
  • Les Lumières.
  • La Révolution française, la République et la Terreur.
  • Le Premier Empire : les grandes réformes de Napoléon Bonaparte.
  • L’installation de la République et de la démocratie au XIXe siècle.
  • La violence du XXe siècle : les deux conflits mondiaux.
  • L’extermination des juifs et des tziganes : un crime contre l’humanité.
  • La Ve République.
  • La construction européenne.

mardi 26 novembre 2013

Le preneur de villes

Les fastes officiels du tricentenaire de la mort de Vauban ne sont pas dénués d’’arrière-pensées. Si la République accorde tant d’’attention à un maréchal de Louis XIV, il doit bien y avoir quelques raisons à cela. Sans doute faut-il les chercher dans un courant biographique qui, au XIXe siècle, voulut voir en Sébastien Le Prestre une figure prérévolutionnaire et une « “victime du despotisme »” royal. Double erreur...
On a voulu faire de Vauban un homme “du peuple”. C’’est faux. Lorsqu’’il vient au monde, le 15 mai 1633, à Saint-Léger-de-Foucherets dans le Morvan, Sébastien Le Prestre, dont le père est sire de Bazoches et Vauban, est gentilhomme ; « le plus pauvre du royaume », aimera-t-il à dire plus tard. Sans doute le duc de Saint-Simon a-t-il beau jeu de ricaner de l’’obscurité de sa race : « Rien de si court, de si nouveau, de si plat, de si mince... », force lui est tout de même d’’ajouter, « petit gentilhomme de Bourgogne », car la famille a été agrégée à la noblesse, « maintenue de noblesse », affirmeront les descendants à l’’encontre des d’’Hozier, en 1554. Quelques alliances honorables, quoique de la main gauche, parmi les grandes familles nivernaises, le service assidu des armes, l’’impôt du sang généreusement payé, et la haute protection des princes de Condé, gouverneurs de Bourgogne, ont fait le reste.
Chanceux
C’’est ainsi que Sébastien débute lui-même, en s’’engageant en 1651 dans les Cadets de Condé. Seul inconvénient : le vainqueur de Rocroi est alors à la tête de la Fronde des Princes ; c’’est dans une armée rebelle que Vauban fait ses premières armes, révélant, outre du courage, des talents plus rares pour la poliorcétique, autrement dit l’’art de fortifier ou de prendre des villes, dont il a étudié les bases au collège de Semur-en-Auxois.
Il n’’existe pas alors d’’écoles d’’ingénieurs destinées à former les futurs officiers du Génie. C’’est sur le tas, auprès des anciens, que les plus doués se forment. Vauban fait son apprentissage devant Clermont-en-Argonne qu’’assiège Monsieur le Prince, et, en traversant l’’Aisne à la nage pour ouvrir la voie à ses sapeurs, décroche ses galons de maistre dans Condé Cavalerie. Mais c’’est à une apparente méveine, celle d’’être fait prisonnier par l’’armée de Turenne, en 1653, que le jeune homme doit sa première chance véritable. Conduit devant le cardinal de Mazarin, il attire assez son attention pour se voir proposer, s’’il tourne sa veste, une lieutenance au régiment de Bourgogne Infanterie. Pragmatique, trop intelligent pour ne pas comprendre qu’’il se fourvoie dans le camp des frondeurs, Vauban accepte. Il a raison.
’L’’année suivante, deux blessures reçues devant Stenay lui valent le grade de capitaine, et, le 3 mai 1655, son efficacité à remparer Clermont reprise par les Royaux, le titre d’’ingénieur ordinaire. Sa carrière est faite, ou en passe de l’’être. Est-il chanceux ? Certainement. Habitué à prendre des risques, il s’’en sort indemne, au pire avec des blessures qui ne sont jamais assez graves pour l’’éloigner du front, comme en 1657 où il est le seul ingénieur à survivre au siège de Montmédy. Pénible expérience, car il est aussi le plus jeune et sent peser sur lui les responsabilités. Cela lui vaut, sinon des galons supplémentaires, de servir dans des régiments toujours plus prestigieux, où il est plus aisé de se faire remarquer.
Des missions de confiance
Bien noté, apprécié de ses supérieurs, Vauban est assez assuré de l’’avenir pour épouser, en 1660, sa cousine Jeanne d’’Osnay. Ils auront trois enfants, deux filles et un garçon qui mourra en bas âge, dont les naissances bizarrement espacées témoignent seulement des très rares permissions de leur père. Lui-même renoncera à compter les bâtards qu’’il aura entretemps semés dans ses villes de garnison……Capitaine au régiment de Picardie, ingénieur de place en Lorraine, puis en Alsace, Vauban s’’affirme l’’un des plus compétents, ce qui ne suffirait peut-être pas à l’’imposer, en dépit des Colbert qui l’’accusent d’’avoir touché des pots de vin des entrepreneurs alsaciens, si le clan adverse, celui des Le Tellier, ne le prenait sous sa protection. De la même génération que Louvois, il le convainc de l’’opportunité de ses vues, jugées trop novatrices par d’’autres et se voit charger de missions de confiance, qui, menées à bien, prouveront la justesse de ses opinions, et son immense talent. Il s’’agit de fortifier les nouvelles frontières du nord et de l’’est, entre autres Lille, Courtrai et Besançon. Tâche énorme, écrasante, qui n’’effraie pas l’’ingénieur.
Avec Louis XIV et Louvois
Quand il livre ses commandes, il annonce, sans fausse modestie, à Louvois qu’’il lui donne « une place qui sera l’’admiration des siècles à venir », qu’’elle est « belle au point de n’’avoir de pareille en Europe ». C’’est vrai. s’ajoute celui de Louis XIV. En prévision de la guerre qu’’il entend déclarer à la Hollande, le roi souhaite un Mémoire pour servir d’’instruction dans la conduite des sièges.
Surchargé de travail, en proie à des rhumes répétés qui le minent, Vauban tarde à le rédiger mais remet finalement un ouvrage magistral : « Vous n’’y verrez rien de connu, ni presque rien qui ait été pratiqué et cependant, rien qui ne soit aisé de l’’être ». La leçon qu’’il dispense se résume en ces termes : « Le gain d’’une bataille rend bien le vainqueur maître de la campagne pour un temps, mais non pas du pays s’’il n’en prend les places ».
Louis XIV ne l’’oubliera pas qui, en 1672 et 1673, prend, grâce à Vauban, vingt-deux places hollandaises fortifiées, dont Maëstricht, tombée, en juin 1673, au terme d’’un siège éclair de cinq jours au cours duquel l’’ingénieur a déployé tout son art ; il y est désormais « le premier homme du monde ». Aussi bon dans la défense que dans l’’attaque, il forge sa légende : « Place attaquée par Vauban, place prise ! Place défendue par Vauban, place imprenable ! »
La défense du royaume
L’’on comprend Louis XIV, apprenant que son irremplaçable ingénieur s’’est exposé follement devant Besançon, de se fâcher : « Le Roi défend, sous peine de son indignation, de ne vous plus exposer à de pareils risques. » C’’est qu’’il a besoin de Vauban pour parfaire cette œœuvre de défense du royaume qui les obsède tous deux et que l’’ingénieur résume à sa manière de hobereau campagnard soucieux d’agrandir son bien : « Le Roi devrait un peu songer à faire son pré carré. »
Faire son pré carré, au prix de remembrement et d’’annexions intelligentes implique de ne pas agir n’’importe comment, en se lançant dans des acquisitions indéfendables de par leur situation.
Vauban, devenu maréchal de camp en 1676, commissaire général des fortifications en 1678 au moment de la paix de Nimègue, revient sans cesse sur le sujet, rédige le Mémoire des places frontières qu’’il faudrait fortifier pour la sûreté du pays dans l’’obéissance du Roi. Il y préconise « une nouvelle frontière et de la si bien fortifier qu’’elle ferme les entrées de notre pays à l’’ennemi et nous les facilite dans les siens ». Louis XIV suit le conseil, tant par sa politique des réunions que par une très vaste entreprise de fortification de l’’Alsace, de la Lorraine, de la Franche-Comté, des frontières du Nord et du Roussillon, des Alpes mais aussi des côtes, dans le triple but de protéger les ports, d’’interdire les débarquements et d’’intégrer les îles dans notre dispositif de défense. Seule la question de Paris, dont les remparts ont été démantelés et dont le Roi se méfie, est laissée de côté, en dépit d’’un autre mémoire, De l’’importance dont Paris est à la France.
Les protestants
Contraint par ses fonctions d’’inspecteur de parcourir la France en tous sens, soucieux également de travaux de génie civil, en particulier l’’aménagement fluvial et la création de canaux, Vauban, lors de ses déplacements dans le Midi en 1686, au lendemain de la révocation de l’’édit de Nantes, y constate que la question protestante n’’y est point réglée et prend des proportions inquiétantes. « Cévennes et Vivarais, pays de nouveaux convertis qui sont catholiques comme je suis mahométan ! » Au-delà de la charité et de la tolérance qui l‘’incitent à dénoncer les conversions forcées, l’’ingénieur voit le danger de s’’aliéner une minorité agissante, de la voir passer à l’’ennemi, devenir un péril intérieur. C’’est cela, et le désir d’’avertir le Roi d’’une réalité qu’’il pressent occultée et méconnue, qui lui inspire son Mémoire Pour le rappel des Huguenots.
Louis XIV en a-t-il même connaissance ? Ce n’’est point assuré car Louvois le trouve « outré » et, prudent pour son ami plus que pour lui-même, ne le fait peut-être pas lire au roi… La longue maladie qui écarte Vauban de toute activité pendant plus d’’un an, entre 1689 et 1690, le détourne d’’en reparler, d’’autant que Louvois meurt en 1691, le privant d’’un appui dont, vieillissant, il a plus besoin qu’’il y paraît.
Ce n’’est pas que le travail lui manque, au contraire ! Les responsabilités l’’écrasent, on le respecte, mais on ne l’’écoute pas toujours et les honneurs, qu’’il espère avec une vanité parfois presque enfantine, tardent. Ce n’’est qu’’en 1703 qu’’il reçoit un bâton de maréchal trop longtemps attendu. Lui en veut-on, en hauts lieux, de donner des avis qu’’on ne souhaite pas écouter, ou de ses critiques de 1697 sur la paix de Ryswick, qu’’il tient « pour plus infâme que celle du Cateau-Cambrésis qui déshonora Henri Second » ? Le fait est qu’’on le pousse gentiment vers une retraite qu’’il ne voudrait pas prendre.
L’’impôt
À la mort de sa femme, en 1705, il choisit de s’’installer à Paris, plus près du roi et des occasions de le servir, consacre ses loisirs, qui le déconcertent, lui qui n’’en a jamais eus, à écrire. Sa plume prolixe rédige les abondantes Oisivetés de Monsieur de Vauban, où il traite de tout et de n’’importe quoi, et corrige un vieux rapport qui traîne dans ses tiroirs, Mémoire sur la dîme royale, étudiant une meilleure répartition de l’’impôt.
On verra dans ce texte un pamphlet annonciateur de la Révolution, ce qu’’il n’’est certes point. Louvois serait-il encore de ce monde, il le trouverait cependant « outré » et conseillerait à son ami de le garder pour l’’heure par devant lui. Mais Louvois est mort, et Vauban a l’’innocence de publier, sans doute en Flandre, à l’’heure où la censure royale se renforce. Fin 1706, le livre est saisi.
Ce n’’est pas de cette déception, qui ne l’’atteint guère, que le vieux maréchal tombe malade en janvier 1707, mais d’’un de ces rhumes qui ont empoisonné sa vie entière. Cette fois, il n’’en guérira pas. Il s’’éteint le 30 mars, emporté par une congestion pulmonaire. « Je perds un homme affectionné à ma personne et à l’’État » dira Louis XIV sobrement.
Dans son apparente sécheresse, cette oraison funèbre résume la vie et l’œ’œuvre du hobereau morvandiau dont seule une postérité aveuglée put faire un opposant à son souverain.
Anne Bernet L’’Action Française 2000– du 1er au 14 mars 2007

Les plus grands scientifiques défendent le Loch Ness, par Laurent Glauzy

Sous le nom de Béhémoth, le Livre de Job (40, 15-18) contient la description d’un monstre laissant penser à un dinosaure observé par le patriarche Job : « Vois Béhémoth, que j’ai créé comme toi : il se nourrit d’herbe, comme le bœuf. Vois donc, sa force est dans ses reins, et sa vigueur dans les muscles de ses flancs. Il dresse sa queue comme un cèdre ; les nerfs de ses cuisses forment un solide faisceau. Ses os sont des tubes d’airain, ses côtes sont des barres de fer. » Cette queue aussi robuste qu’un cèdre ne peut être celle d’un hippopotame.
Des dragons apparaissent sur certaines œuvres d’art, telles que des mosaïques romaines, ou bien un sceau minoen datant de 1 600 ans av. J.-C. Le folklore sioux fait état d’un oiseau géant abattu par la foudre. Des dessins découverts dans les grottes du Grand Canyon, situé dans le Nord-Ouest de l’Arizona, ainsi que les drakkars des Vikings, reproduisent ces drôles d’animaux. Toutes les cultures anciennes les mentionnent. S’agit-il de simples légendes ? Les dinosaures ont-ils disparu il y a 70 millions d’années ?
Dans After the flood (Après le Déluge), publié en 1995,l’historien Bill Cooper consacre deux chapitres répertoriant quatre-vingt-un lieux de Grande-Bretagne où l’homme et les dinosaures se seraient « côtoyés ». Il relate entre autres le cas d’un énorme reptile aperçu dans le Suffolk, en 1405 :
« À
côté de la ville de Bures, à Sudbury, un dragon provoqua une grande panique parmi les villageois. C’était une énorme bête ayant une crête sur le dessus de la tête, des dents pointues et une puissante queue. »Un autre paragraphe mentionne un témoignage concernant des empreintes de reptiles volants trouvées au Pays de Galles, à la fin du XIXe siècle, dans les bois du château de Penlin. Ces récits rappellent étrangement ceux de l’aigle de Haast, fort connu, qui s’est éteint au XVe siècle en Nouvelle-Zélande.
Publié en 1563, Historia Animalium, le livre d’histoires naturelles le plus lu à la Renaissance,enseigne que des créatures préhistoriques sont encore vivantes mais extrêmement rares. Toujours au XVIe siècle, le naturaliste Ulysses Aldrovandus évoque l’histoire d’un berger appelé Battista, qui aurait tué, en 1572, près de Bologne, un grand lézard ressemblant à un Tanystropheus.
Un plésiosaure dans les filets d’un bateau de pêche
En 1977, au Japon, un bateau de pêche prend dans ses filets l’énorme carcasse d’un plésiosaure semblable aux descriptions de Nessie pour le Loch Ness. Dans les années 1980, assisté par une équipe de géologues, le Dr Clifford Wilson témoigne avoir trouvé au Mexique et au Texas, à Glen Rose, des empreintes de dinosaures et d’hommes datant d’une époque « récente »sur des plaques de craie.
Pour cette raison, à la lecture de Livre de Job, il est logique de soutenir la plausibilité du monstre du Loch Ness. Son existence trouve moult arguments, surtout depuis que des apparitions semblables auraient été constatées dans les lacs d’Italie du Nord, au lac Champlain, situé entre le Québec et les États-Unis, au lac Titicaca ou encore en Norvège.
La revue créationniste flamande Leviathan étudie ce dernier cas : « Une équipe de scientifiques, qui étaient sur les traces du Loch Ness, ont récemment accosté sur les rives du Fjord de Roemsjoen. Des témoins affirment y avoir aperçu un monstre semblable à celui du Loch Ness. Ces récits, courants dans ce coin de Norvège, remontent pour les premiers au XVIIIsiècle. La nouvelle a même été diffusée par la BBC et The Sunday Heralddu 12 juillet 2002. Des témoignages semblables avaient conduit plusieurs expéditions scientifiques au Congo, dans la forêt équatoriale de Mokele Mbembe1. »
Concernant Nessie, B. Cooper développe que l’Écosse compte plusieurs lochs où d’autres monstres auraient été aperçus, à l’instar du Loch Morar où, depuis la Seconde Guerre mondiale, plus de quarante témoignages ont été enregistrés.
En 1948, neuf passagers d’un bateau prétendent avoir vu une créature ressemblant à un serpent d’environ six mètres, à l’endroit de sa prétendue première apparition, en 18872. La rencontre la plus célèbre est celle réalisée en 1969 par deux pêcheurs. Duncan McDonnel et William Simpson, qui se trouvaient à bord d’une vedette, affirment avoir heurté le dos d’une créature, appelée Morag. Simpson ouvrit le feu, mais l’animal parvint à s’enfoncer lentement dans les eaux sombres du Loch. Ils décrivent un animal mesurant entre sept et neuf mètres, ayant la peau dure, trois bosses de quarante-six centimètres dépassant de la surface du Loch et une tête de la même taille. Cette description ressemble bien à celle d’un plésiosaure.
La science au péril du Loch Ness
Les défenseurs du Loch Ness affirment que certaines photographies ont déjà été reconnues comme exactes par le corps scientifique, avant d’être déclarées fausses. Publiés dans le plus grand hebdomadaire allemand, le Der Spiegel,du 30 juillet 1979, les clichés de Frank Searle sont à présent controversés.
Cependant, et malgré l’intérêt que peut susciter la théorie de l’existence d’un plésiosaure habitant les eaux du Loch Ness,des scientifiques ont perdu leur profession. Dans les années 1950, Gordon Atwater démissionne du Hayden Planetarium et le zoologiste Denys Tucker est contraint de quitter le British Museum. Autant d’intransigeance est bien contestable de la part du musée de l’histoire et de la culture humaine qui, de 1912 à 1949, avait conservé dans ses vitrines le crâne de l’homme de Piltdown, refusant toute expertise. Il s’avéra que cette pièce était le vulgaire montage d’une mâchoire d’orang-outang dans laquelle avaient été fixées des dents limées et teintées pour faire accroire à une mâchoire d’homme préhistorique. Le tout fut ensuite adapté sur un crâne d’homme. Les empreintes digitales des faussaires furent même trouvées sur des ajouts de plâtre disposés à l’intérieur du crâne.
En 1991, dans The Enigma of Loch Ness (L’énigme du Loch Ness), le Pr Henry Hermann Bauer, professeur émérite de Chimie et de Sciences à l’Institut polytechnique et Université d’État de Virginie, note l’importance et le sérieux du monstre du Loch Ness : il considère l’existence du plésiosaure comme une réalité, appuyant à cet effet l’authenticité du film tourné le 23 avril 1960 par Tim Dinsdale, ingénieur aéronautique dans la Royal Air Force.
Le 3 août 2012, George Edwards, qui a chassé le monstre aquatique pendant vingt-six ans, à raison de soixante heures par semaine, aurait filmé le monstre du Loch, le 2 novembre 2011, à neuf heures. Selon ses propos, les images recueillies seraient « les plus claires jamais prises ». Ces recherches requirent le sérieux d’une équipe de l’armée américaine qui analyse les clichés. Aucun démenti n’infirma les propos de George Edwards. Le skipper certifia qu’il ne s’agissait pas d’un esturgeon, mais d’un Léviathan, le plésiosaure mentionné dans la Bible : Livre de Job (40, 15 et 41, 2), Psaumes (74, 14 et 104, 26) et Isaïe (27, 1). Dans les pages du célèbre journal américain The Huffington Post, il argumente que « la première apparition du monstre remonte à 565 ap. J.-C. Des milliers de témoins rapportent l’avoir vu, et ils ne peuvent tout de même pas tous mentir3. » Selon la légende, saint Columba, moine irlandais et évangélisateur de l’Écosse, sauva l’un de ses disciples d’une mort certaine. Il avait tenté de traverser le lac à la nage pour ramener une barque échouée : un épouvantable monstre fit brusquement surface et se précipita sur lui. Saint Colomba fit un signe de croix et invoqua la puissance de Dieu, en criant au monstre d’épargner le malheureux, ce que fit an Niseag (nom celte de Nessie).
Robert Rines, un savant hors-norme
Cependant, le chantre du monstre, celui qui représente le mieux sa traque, est l’Américain Robert Harvey Rines, décédé le 1er novembre 2009, à l’âge de 87 ans. Il avait pris sa retraite en mai 2008, après quarante-cinq années de service à l’Institut de technologie du Massachusetts, université américaine spécialisée dans les domaines de la science et de la technologie. Il possédait un doctorat de Physique et de Droit. Ces recherches le rendirent surtout célèbre en Grande-Bretagne en tant que passionné de cryptozoologie. Pour ce faire, il adapta ses inventions, qui avaient été exploitées au plus haut niveau dans l’armée américaine.
Robert Rines avait mis au point un prototype technologique qui avait permis de perfectionner des appareils à ultrasons servant, en premier lieu, à la visualisation interne des organes. En 1985, des chercheurs utilisèrent des vaisseaux sous-marins munis d’un sonar inventé par Robert Rines pour localiser l’épave du Titanic, qui avait sombré dans les eaux de l’Atlantique nord, en 1912. Son savoir-faire exceptionnel et inégalé fut également exploité en 1989 pour retrouver l’épave du cuirassé allemand Bismarck, le bâtiment le plus puissant du régime national-socialiste, qui sombra en 1941.
Les compétences de ce savant hors du commun furent donc mises à contribution tant dans le domaine médical qu’aéronautique.
R. Rines qui surpassait grand nombre de scientifiques dans leur propre domaine, affirmait que, grâce à ses inventions technologiques, il put prouver « l’existence d’une bête gigantesque, probablement un plésiosaure, reptile aquatique soi-disant éteint depuis 70 millions d’années ». En 2000, R. Rines admettait : « C’est une idée ridicule ! Si je ne faisais pas confiance aux personnes avec lesquelles j’ai conversé et à nos propres preuves scientifiques, je dirais que je suis fou. Je ne suis pas capable de le prouver, mais je sais qu’il y a un monstre dans le Loch Ness, parce que je l’ai vu. »
Il avait acquis cette certitude le 23 juin 1972. Alors qu’il prenait le thé sur les bords du Loch Ness, à proximité d’Inverness, avec sa femme Carol et deux amis, le monstre fit surface. Découvrant alors une étrange forme, il se saisit d’un télescope et le pointa vers « une grande bosse sombre recouverte d’une peau épaisse comme celle du dos d’un éléphant. » Cette rencontre enflamma son intérêt pour le Loch Ness : son enthousiasme devint une passion et l’Écosse une seconde patrie.
Cette même année, ses appareils photographiques prirent une nouvelle fois un plésiosaure ou, du moins, une grande nageoire. Il estimait la taille de l’animal à 13,5 mètres de long, avec un cou de 1,20 à 1,50 mètre.
Une autre photographie, de juin 1974, avait capturé un animal avec un long cou, une petite tête et un grand corps : autant de caractéristiques ressemblant encore à celles des plésiosaures. Les images furent même diffusées dans la célèbre revue scientifique Nature de décembre 1975. Des experts, à l’instar du célèbre naturaliste de la télévision britannique Sir Peter Scott, soutinrent que les photographies indiquaient l’existence d’une masse animée. Sir Peter Scott était aussi convaincu par le récit de R. Rines. Il octroya au monstre le nom latin de Nessiteras rhombopteryx.
Parallèlement à ses investigations sur le monstre, R. Rines continua de travailler pour l’armée américaine. Le radar, mis au point à l’époque où il était officier et affecté dans un laboratoire de radiations, fut perfectionné pour guider les missiles patriotes pendant la guerre du Golfe, en 1991.
En 1997, R. Rines et des scientifiques, y compris son fils de 24 ans prénommé Justice, retournèrent au Loch Ness avec une équipe de télévision américaine. Grâce à leurs sonars ultra-performants, ils réalisèrent deux contacts avec des objets animés de la taille d’une petite baleine. Quatre ans plus tard, R. Rines filma la vidéo d’un sillage de 12 mètres de long à la surface de l’eau.
En tant que compositeur, ce scientifique écrivit de la musique pour les spectacles de Broadway et d’off-Broadway, notamment Blast and Bravos, comédie musicale portant sur la vie de H. L. Mencken. Par ailleurs, il composa des morceaux pour O’Casey’s Drums Under the Windows, O’Neill’s Long Voyage Home et Strindberg’s Creditors. Il partagea un Emmy Award avec le dramaturge Paul Shyre, en 1987, pour la télévision et, par la suite, pour la pièce de Broadway, Hizzoner the Mayor. Quoi de plus normal pour ce musicien talentueux qui, à onze ans, joua du violon avec Albert Einstein dans un camp du Maine ?
Tel était Robert Harvey Rines, né le 20 août 1922, à Boston, fils d’un professeur d’Harvard, scientifique persuadé de l’existence d’un plésiosaure dans les eaux du Loch Ness.
Reconnaître la présence d’un tel monstre réfuterait la disparition des dinosaures il y 70 millions d’années, ainsi que la création de la Terre il y a 4,5 millions d’années. Toute l’histoire de l’humanité contemporaine sur la prétendue préhistoire serait ainsi battue en brèche et donnerait raison aux périodicités de la Bible. Il en va de même de l’île de l’Atlantide qui, malgré le dialogue du Critias écrit par Platon et les révélations des hiéroglyphes, ne sera jamais reconnue, car cette île contredit l’histoire de l’humanité et de civilisations passées maîtrisant une technologie avancée.
Laurent Glauzy

1  <Leviathan, n° 26 de janvier 2003 dans l’article Op zoek naar Nessie in Noorwegen (À la recherche de Nessie en Norvège).
2  Daily Mirror du 30/8/1948, Sunday’s the Day for Monsters (Dimanche, jour des monstres)
3  The Huffington Post du 3/8/2012, Loch Ness Monster ? Skipper George Edwards has best ever shot of elusive Nessie (Le monstre du Loch Ness? Le skipper George Edwards a le meilleur cliché de l’élusif monstre Nessie).