[On lit au livre des Juges
(12,5-6) que les gens de Galaad, ayant vaincu ceux d’Ephraïm,
convinrent entre eux que pas un de ces derniers ne séchapperait vivant.
Ils avaient occupé tous les gués du Jourdain, et lorsque quelqu’un se
présentait pour passer, ils lui demandaient de prononcer le mot
schibboleth (épi). Les hommes d’Ephraïm prononçaient siboleth et ils
étaient égorgés sur le champ.]
« Cest bien aussi ce qui se passe à l’entrée du camp du libéralisme, écrit le cardinal Billot dans son De Ecclesia Christi paru en 1910. À ceux qui veulent entrer, on dit : Dis donc schibboleth, qui se traduit sécularisation de la société. Mais il importe de savoir sils le prononcent bien ou mal. Or les catholiques libéraux ont en cela un défaut de prononciation et ne sont pas capables d’émettre la parole sacramentelle comme il faut ».
Le cardinal cite Louis Veuillot à qui il a emprunté la référence biblique :
« Ils jurent volontiers par les principes de 89 ; ils disent même les immortels principes. C’est le schibboleth qui donne entrée au camp du grand libéralisme. Mais il y a manière de le prononcer, et nos catholiques n’y sont pas tout à fait… C’est pourquoi ils prononcent mal le schibboleth, et pourquoi la Révolution ne leur ouvre pas. La Révolution est plus juste envers eux qu’ils ne le sont eux-mêmes. Elle les flaire catholiques, elle leur fait l’honneur de ne les pas croire, lorsqu’ils veulent convaincre qu’ils le sont si peu que personne, hors de l’Église, n’en verra rien, et qu’ils joueraient très bien leur personnage d’athée dans cette forme idéale de gouvernement sans culte et sans Dieu ».
Louis Veuillot, L’Illusion libérale § 32-34
Après le Ralliement, les catholiques, les divers conservateurs, tous ceux qui acceptaient la République ou se résignaient à vivre avec, mais en souhaitant la rendre présentable, habillée chez un bon tailleur après avoir renoncé aux oripeaux des tricoteuses, voulurent entrer dans le système électoral, mais perdirent au jeu. Ils ne savaient pas prononcer schibboleth. La République des républicains les accepta à sa table, en bout de table, et en fit des dupes parce qu’ils portaient en eux un dualisme : le libéralisme politique, certes, mais non le libéralisme métaphysique. Ils acceptaient un système sans adhérer aux principes essentiels de ce système. Ainsi la Droite, qui refusait le jacobinisme, qui refusait le laïcisme, fut écartée du pouvoir.
Est-ce la constance dans l’entraînement au fil des ans ? Est-ce la fréquentation des socialistes et des communistes à partir de 1944 ? Une certaine droite sait depuis cinquante ans prononcer correctement le mot fatidique. L’électorat conservateur ne voit pas bien ce qui lui arrive et suit, parfois en traînant les pieds.
C’est ce que nont pas compris MM. de Villiers et Le Pen après tous les honnêtes gens qui ont cru qu’on pouvait mettre du bon vin dans les outres républicaines et gagner un jour de bonnes élections. Ils peuvent faire au système en place telle ou telle concession, ils peuvent chanter la République et la Démocratie : pour les vrais républicains, ils chantent faux car ils ne savent pas prononcer schibbolet. On les laisse en marge, ils ne sont même pas admis à la table démocratique car le régime s’est radicalisé, on leur porte quelques restes pour faire croire qu’ils participent à la fête.
Le futur cardinal Billot était professeur à l’université grégorienne de Rome lorsqu’il publia son livre. Le chapitre sur l’erreur du libéralisme, dont nous avons cité un passage, est un grand texte de philosophie politique. On peut le trouver traduit en français car le livre, dans l’atmosphère intellectuelle de la Rome du temps, a été écrit en latin. Le livre du Père Billot pousse jusqu’à l’essence de la Révolution française en citant Clemenceau : « Depuis la Révolution nous sommes en révolte contre l’autorité divine et humaine, avec qui nous avons d’un seul coup réglé un terrible compte le 21 janvier 1793. »
Si saint Thomas et Louis Veuillot sont abondamment cités, La Tour du Pin et Le Play le sont également. On relèvera dans le livre une grande page de Charles Maurras sur la logique qui mène le libéralisme à détruire les libertés. Oui, Maurras cité dans un livre intitulé De Ecclesia Christi, l’Église du Christ, composé en 1910 par un père jésuite, professeur de théologie dogmatique et futur cardinal !
Gérard Baudin L’Action Française 2000 du 1er au 14 mars 2007
« Cest bien aussi ce qui se passe à l’entrée du camp du libéralisme, écrit le cardinal Billot dans son De Ecclesia Christi paru en 1910. À ceux qui veulent entrer, on dit : Dis donc schibboleth, qui se traduit sécularisation de la société. Mais il importe de savoir sils le prononcent bien ou mal. Or les catholiques libéraux ont en cela un défaut de prononciation et ne sont pas capables d’émettre la parole sacramentelle comme il faut ».
Le cardinal cite Louis Veuillot à qui il a emprunté la référence biblique :
« Ils jurent volontiers par les principes de 89 ; ils disent même les immortels principes. C’est le schibboleth qui donne entrée au camp du grand libéralisme. Mais il y a manière de le prononcer, et nos catholiques n’y sont pas tout à fait… C’est pourquoi ils prononcent mal le schibboleth, et pourquoi la Révolution ne leur ouvre pas. La Révolution est plus juste envers eux qu’ils ne le sont eux-mêmes. Elle les flaire catholiques, elle leur fait l’honneur de ne les pas croire, lorsqu’ils veulent convaincre qu’ils le sont si peu que personne, hors de l’Église, n’en verra rien, et qu’ils joueraient très bien leur personnage d’athée dans cette forme idéale de gouvernement sans culte et sans Dieu ».
Louis Veuillot, L’Illusion libérale § 32-34
Après le Ralliement, les catholiques, les divers conservateurs, tous ceux qui acceptaient la République ou se résignaient à vivre avec, mais en souhaitant la rendre présentable, habillée chez un bon tailleur après avoir renoncé aux oripeaux des tricoteuses, voulurent entrer dans le système électoral, mais perdirent au jeu. Ils ne savaient pas prononcer schibboleth. La République des républicains les accepta à sa table, en bout de table, et en fit des dupes parce qu’ils portaient en eux un dualisme : le libéralisme politique, certes, mais non le libéralisme métaphysique. Ils acceptaient un système sans adhérer aux principes essentiels de ce système. Ainsi la Droite, qui refusait le jacobinisme, qui refusait le laïcisme, fut écartée du pouvoir.
Est-ce la constance dans l’entraînement au fil des ans ? Est-ce la fréquentation des socialistes et des communistes à partir de 1944 ? Une certaine droite sait depuis cinquante ans prononcer correctement le mot fatidique. L’électorat conservateur ne voit pas bien ce qui lui arrive et suit, parfois en traînant les pieds.
C’est ce que nont pas compris MM. de Villiers et Le Pen après tous les honnêtes gens qui ont cru qu’on pouvait mettre du bon vin dans les outres républicaines et gagner un jour de bonnes élections. Ils peuvent faire au système en place telle ou telle concession, ils peuvent chanter la République et la Démocratie : pour les vrais républicains, ils chantent faux car ils ne savent pas prononcer schibbolet. On les laisse en marge, ils ne sont même pas admis à la table démocratique car le régime s’est radicalisé, on leur porte quelques restes pour faire croire qu’ils participent à la fête.
Le futur cardinal Billot était professeur à l’université grégorienne de Rome lorsqu’il publia son livre. Le chapitre sur l’erreur du libéralisme, dont nous avons cité un passage, est un grand texte de philosophie politique. On peut le trouver traduit en français car le livre, dans l’atmosphère intellectuelle de la Rome du temps, a été écrit en latin. Le livre du Père Billot pousse jusqu’à l’essence de la Révolution française en citant Clemenceau : « Depuis la Révolution nous sommes en révolte contre l’autorité divine et humaine, avec qui nous avons d’un seul coup réglé un terrible compte le 21 janvier 1793. »
Si saint Thomas et Louis Veuillot sont abondamment cités, La Tour du Pin et Le Play le sont également. On relèvera dans le livre une grande page de Charles Maurras sur la logique qui mène le libéralisme à détruire les libertés. Oui, Maurras cité dans un livre intitulé De Ecclesia Christi, l’Église du Christ, composé en 1910 par un père jésuite, professeur de théologie dogmatique et futur cardinal !
Gérard Baudin L’Action Française 2000 du 1er au 14 mars 2007
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