jeudi 31 mai 2012
Ce chapeau de pierre qui ridiculise les évolutionnistes
Il
faut des millions d’années pour faire d’une roche sédimentaire meuble,
comme le sable, l’argile ou le calcium, une roche dure comme le grès,
l’ardoise ou le calcaire. C’est un des points fondamentaux de la vulgate
évolutionniste, qui suppose donc la validité des fameuses "longues
durées" fixant l’âge de la Terre à quatre milliards d’années, voire
cinq... ou plus si affinités.
Or, des chercheurs australiens(1)
ont développé un nouveau procédé par lequel des roches sédimentaires
meubles peuvent, en quelques jours, être transformées en roche dure(2).
Cette
découverte ne fait pas appel à des matériaux synthétiques. Elle
reproduit seulement des procédés naturels, et démontre que la formation
des roches dures n’est pas affaire de durée mais de circonstances.
Les
roches dures se composent de grains de sédiments. Ces grains
sédimentaires peuvent être des minéraux (argile, quartz, calcite, etc.)(3) collés par un ciment minéral (calcite, quartz, fer) assurant la solidité et les couleurs de la roche.
Ces
grains peuvent être microscopiques comme pour l’argile, ce qui explique
son étanchéité quand elle est humide, ou plus gros comme le sable, les
grains peuvent être de même taille "well sorted" ou de différentes grosseurs "poorly sorted".
Les
roches sédimentaires sont généralement poreuses. Des cavités minuscules
ou pores observées entre les grains captent les fluides comme l’eau, le
pétrole ou le gaz.
Parfois
les roches sédimentaires sont si bien cimentées, compactées qu’elles
forment une roche uniforme, prisée pour le bâtiment, comme le grès de
Gobertange dans le Waals-Brabant ou à Hakesbury Sandstone près de
Sydney. Quand le sédiment n’est pas régulièrement réparti, la couche est
friable. Dans ce cas le sédiment peut être confiné dans de petites
poches. Il forme alors des concrétions, des petites sphères très dures
composant des formes particulières.
La
roche mal cimentée ne peut pas être utilisée pour les fondations des
grandes constructions. On y infiltre alors des solutions chimiques non
toxiques pour l’environnement qui pénètrent rapidement le matériau et
forment à la surface de chaque grain sédimentaire des cristaux de
calcite qui cimentent les grains entre eux et donnent à la roche une
nature compacte et dure. Le procédé prend de 1 à 7 jours pour que la
solution pénètre parfaitement le matériau.
Cette
méthode est utilisée dans la fortification de fondations et des
tunnels, la stabilisation des digues. Une des premières applications fut
la restauration d’un vieux tunnel connu dans l’ouest de l’Australie et
qui, constituant un danger, avait été fermé au public. Trois
applications seulement de la solution à base de calcite suffirent à la
restauration.
Le
métro de Londres a appliqué cette méthode avec succès pour stabiliser
une de ses digues. Ce procédé est également utilisé dans la restauration
des monuments historiques.
Ces
pratiques contredisent la théorie évolutionniste affirmant que la
formation de la roche dure nécessite des millions d’années.
Quand l’association AiG-Australia (Answers in Genesis)(4),
organisation créationniste australienne, entendit parler de cette
découverte, elle écrivit au Dr. Ed Kucharski pour obtenir plus de
détails sur ses expériences. Il n’y eut aucune réponse mais les membres
de l’AiG furent tout surpris de lire dans la revue scientifique Construction News(5) ces lignes ahurissantes du Dr. Ed Kucharski : « Nous
avons reçu des questions qui nous semblent bien étranges. En les
étudiants de plus près, je me suis rendu compte quelles provenaient d’un
groupe créationniste qui s’oppose à la théorie de Darwin sur
l’évolution. Je n’ai pris aucun contact avec ce groupe ».
Le
malheureux docteur était visiblement terrifié de découvrir que ce qu’il
croyait une simple amélioration technique débouchait sur une remise en
question du credo évolutionniste et mettait en danger son statut dans la
mafia scientifique.
Mais
même si cela doit lui déplaire, les travaux du prudent docteur
Kucharski prouvent que les roches peuvent se former très rapidement. Ce
qui coïncide parfaitement, encore une fois, avec la lecture de la
Genèse, établissant que l’âge de la Terre a entre 6 000 et 10 000 ans au
lieu de plusieurs milliards d’années.
La
clé qui permet d’expliquer la relative rapidité de la formation des
roches est l’existence d’une catastrophe que tous les scientifiques
connaissent mais dont bien peu osent parler en public parce que cela
reviendrait à accréditer l’historicité du récit biblique : le Déluge
sans lequel, bien des observations de la nature, des interprétations
scientifiques demeurent sans voie(6).
C’est le Déluge qui a transporté de nombreux minéraux et déposé d’énormes quantités de sédiments dans les fonds.
L’absurde
hypothèse évolutionniste des périodicités très longues (en milliards
d’années), qui est appliquée à la création des roches dures, est
également développée pour expliquer la formation des stalactites et des
stalagmites.
Nous
avons tous appris à l’école que les stalactites naissent de gouttes
d’eau souterraine fortement minéralisées et qui apparaissant par
infiltration au plafond de la cavité, y déposent une partie de ces
minéraux transportés avant de tomber et de laisser le reste de leur
charge sur le sol. Elles font ainsi apparaître des stalactites (avec un T
comme "tomber" disait l’instituteur) et des stalagmites (avec un M
comme "monter").
Ce processus supposant des millénaires d’attente, bien entendu.
Or,
il existe en Grande Bretagne, dans le Yorkshire, à Knaresborough, une
attraction touristique connue depuis 1630 sous le nom de "la caverne de
la mère Simpson" où l’on trouve un puits pétrifiant. Ce Petryfing Well(7)
permet d’observer la pétrification très rapide de divers objets. Un
parapluie, un ours en peluche, un chapeau deviennent de pierre après une
immersion de trois à cinq mois seulement. C’est l’eau extrêmement riche
en minéraux qui dépose sur les objets que l’on y plonge du carbonate de
calcium mélangé d’une grande quantité d’autres minéraux. La durée de
pétrification dépend de la taille et de la porosité de l’objet. Les
objets les plus connus, entièrement transformés par ce processus dans le
Petryfing Well sont un chapeau d’époque victorienne et un bonnet. Ils furent immergés dans la cascade en 1853.
Un
autre lieu connu lui aussi est le sous-sol du mémorial Lincoln à
Washington. Là des stalactites ont "poussé de 1,50 mètre en moins de
cinq ans(8).
En
maints autres lieux des Etats-Unis et en Australie depuis l’époque de
la Ruée vers l’or, on montre des stalactites et des stalagmites qui ont
atteint une taille importante en moins de 150 ans. Sur son site Internet(9),
Pierre Danis montre ainsi une stalagmite qui a emprisonné une
chauve-souris avant même que celle-ci ait le temps de se décomposer.
Encore
une fois la Bible apporte les premiers éléments d’une réflexion
sérieuse. Selon le livre des origines (la Genèse), la terre a été
entièrement recouverte d’eau il y a environ 4 500 ans pour punir
l’humanité rebelle contre le Créateur.
A
la fin du déluge, la boue en suspension dans l’eau s’est déposée au
fond, puis l’eau s’est engouffrée dans les fosses océaniques qui
venaient de s’affaisser. Après le déluge, les sédiments ont séché et
durci et des cavités se sont formées dans le calcaire, par endroits.
Ensuite l’eau de pluie, qui est légèrement acide, a traversé le calcaire
en dissolvant celui-ci, et les gouttes l’ont déposé au plafond des
grottes, en formant les stalactites. Puis des stalagmites se sont
formées sur le sol des grottes, et ont parfois rencontré des
stalactites, formant ainsi des colonnes.
Il n’a pas fallu pour cela des milliards d’années mais des milliards de gouttes d’eau !
Mais
pourquoi les évolutionnistes s’entêtent-ils à nier cette évidence et à
soutenir que seules la loi des "longues durées apporte une explication
satisfaisante ?
Pourquoi
persistent-ils, au risque du ridicule, à dater de centaines de millions
d’années l’apparition de la vie sur Terre ou à soutenir qu’il a fallu
des millions d’années pour creuser le Grand Canyon ou faire naître les
chutes du Niagara ?
La
réponse est de caractère préternaturel. Le but visé est l’éloignement
de l’homme de son Créateur. Satan veut régner. Il y parviendra comme le
prophétise la Bible parce que les hommes ne veulent pas se convertir et
préfèrent essayer toutes les mauvaises solutions. Les "savants" donnent
d’ailleurs eux-mêmes une assez bonne image de leur propre comportement
en expliquant que statistiquement si l’on fait taper des milliers de
singes sur des milliers de machines à écrire pendant une très longue
durée, l’un d’entre eux finira par écrire la Bible.
Cette
prétendue science ressemble au numéro d’un prestidigitateur maladroit
qui crierait très fort pour impressionner son public. On a eu un
témoignage récent dans le courrier du Libre Journal avec
l’excommunication fulminée par un athée totalitaire et plus récemment
encore le professeur Routier, du conseil scientifique du Front national,
s’est désabonné « pour ne pas financer la publication d’articles » non conformes à sa conception de la vérité scientifique.
Ainsi,
à coups de mythes historiques, d’escroqueries médicales, de trucages
expérimentaux, de délires astronomiques, d’idéologies aveugles et de
menaces qui terrorisent des "docteurs Kucharski" au point de leur
interdire tout débat de crainte d’être "faurisonnisés" les menteurs
conduisent les peuples à leur perte.
Jamais
l’intelligence et le discernement n’ont été en tel péril de mort. Le
créationnisme est un révisionnisme essentiel pour une libération de
l’intelligence, c’est-à-dire une approche et une connaissance profonde
de Dieu Créateur à travers une observation admirative et réfléchie de la
Nature et de ses Lois.
Laurent Blancy http://www.france-courtoise.info
(1) Kucharski,
E., Price et Joer dans "Proceedings of the 7 th Australia New Zealand
Conference on Geomechanics", pp. 102-107, 1996.
(2) Kucharski,
E., Price, G., Li, H. et Joer, H., "Engineering properties of sands
cemented using the calcite in situ precipitation system (CIPS),
Exploration and Mining Research News" 7:12-14, Janvier 1997.
(3) Les
cristaux de calcite (CaCO3) ont une forme prismatique. Ils peuvent être
rayés avec un couteau. Le quartz (SiO2) est plus dur qu’un couteau. Le
corail et les coquillages se composent de calcite comme le sont la
plupart des stalactites et stalagmites dans les grottes. Habituellement
le calcite est incolore ou blanc Mais plus rarement, Il peut être jaune,
rose, brun ou vert.
mercredi 30 mai 2012
mardi 29 mai 2012
29 mai 1453 : chute de Constantinople, tueries, viols et sacrilèges. La fin d’un monde
Le
29 mai 1453, l’Empire romain d’Orient (« empire byzantin »)
s’effondrait avec la chute de Constantinople, accompagnée de massacres
des civils, tueries, viols et sacrilèges commis par les sectateurs de
Mahomet.
« Durant toute cette journée, les Turcs firent, par toute la cité, un grand carnage de chrétiens.
Le sang coulait sur la terre comme s’il en pleuvait et formait de vrais
ruisseaux. … Georges Phrantzes dit aussi que, ‘en certains endroits, le
sol disparaissait sous les cadavres et que l’on ne pouvait passer par
les rues’.
‘…
Ils volent, dérobent, tuent,… font captifs femmes, enfants, vieillards,
jeunes gens, moines, hommes de tous âges, de toutes conditions’.
…
Ils prenaient les trésors et les vases sacrés, dépeçaient les reliques
et les jetaient au vent; ils exhibaient dans les rues puis dans leurs
camps, le soir, des crucifix montrant le Christ coiffé de l’un de leurs
bonnets rouges. De Sainte-Sophie, ils firent d’abord une écurie. Un
nombre incalculable de manuscrits précieux, ouvrages des auteurs grecs
ou latins de l’Antiquité, furent brûlés ou déchirés.
Les
religieuses, violées par les équipages des galères, étaient vendues aux
enchères. … ‘Cette cohue de toutes les nations, ces brutes effrénées,
se ruaient dans les maisons, arrachaient les femmes, les traînaient, les
déchiraient ou les forçaient, les déshonoraient, les violentaient de
cent façons aux yeux de tous dans les carrefours’.
Pendant trois jours, ce fut aussi une terrible chasse et un immense marché aux esclaves.
… Aucune bataille, aucune conquête n’avait jamais donné en si peu de
temps autant de captifs. Ils furent vendus et revendus par la
soldatesque puis par les mercantis de toutes sortes, séparés les uns des
autres, promis aux travaux misérables jusqu’aux plus lointaines
provinces du monde musulman.
… Mehmet
avait ordonné que les familles des dignitaires grecs soient réduites à
la plus dure et à la plus humiliante des servitudes. Il s’était fait
réserver les filles les plus belles et les plus jeunes adolescents et il
fit don de quarante très jeunes gens et de quarante vierges au pacha de
Babylone. D’autres enfants grecs furent envoyés jusqu’à Tunis et à
Grenade.
…
Les habitants de Constantinople échappés aux massacres et à l’esclavage
avaient fui. Ce n’était plus qu’une ville en grande partie dévastée et
vide d’hommes.
… La chute de l’Empire byzantin marquait la fin d’un monde et jetait à bas l’héritage de l’antique Rome ».
Rappelons que Mehmet II
(Mohamed II) ne rêva « que d’entrer en maître dans cette Constantinople
chrétienne, qu’il voulait capitale de l’Islam. Ce jeune homme cultivé,…
ami des arts et des lettres, avait fait massacrer ses frères en bas âge
et faisait, à chaque campagne, scier en deux ou empaler les chefs ennemis prisonniers« .
Source : Jacques Heers, Chute et mort de Constantinople, Perrin, Collection Tempus, Paris 2007, p. 239, 252-259.
Un livre que l’on peut acquérir en ligne sur la Librairie française, ici.
Il y a aussi, Constantinople, la perle du Bosphore, de Jean Castrillo
Un livre que l’on peut acquérir en ligne sur la Librairie française, ici.
Il y a aussi, Constantinople, la perle du Bosphore, de Jean Castrillo
lundi 28 mai 2012
Albert de MUN (1841-1914 )
C’est
devenu un lieu commun que de présenter la tribune du Parlement, sous la
III République, comme dominée par deux hommes, se faisant face et
s’opposant dans l’hémicycle du Palais-Bourbon, Albert de Mun et Jean
Jaurès. N’ayant entendu ni l’un ni l’autre, nous ne pouvons comparer
l’emprise de leur éloquence à celle de tel ou tel de leurs successeurs
dont nous avons eu occasion d’admirer le talent. Force nous est donc de
nous en remettre à l’appréciation de ceux qui furent leurs auditeurs en
même temps que leurs collègues. Or, en ce qui concerne Albert de Mun,
l’éloge est unanime.
A
Charles Maurras, qui lui faisait observer un jour que de Mun lui
semblait manquer d’originalité dans la pensée et lui paraissait n’être
qu’une voix, Maurice Barrès répondait avec l’accent d’une profonde
admiration : « Oui ! mais quelle voix ! » Et,
au même Barrès, le socialiste anticlérical Viviani confiait qu’il tenait
de Mun pour « le plus grand orateur du Parlement, égal dans la
préparation et dans l’improvisation ».
Anatole
de Monzie, qui brilla si souvent dans les débats parlementaires et qui
avait le droit d’être difficile, nous le présente ainsi dans ses
Mémoires de la tribune :
«
Albert de Mun avait en effet « la flamme, l’image, le mouvement,
l’ampleur, la majesté et pourtant une certaine simplicité, le
pathétique, l’ironie, la pureté de la forme, la rigueur de la
composition qui dispose des arguments avec une logique pressante » (Cardinal Baudrillart, discours à l’Académie).
Il
possédait surtout la seigneurie de la parole, une nonchalance
souveraine dans la réplique, un bienveillant dédain que soulignait le
pli de sa lèvre.
« Durant que vivait Albert de Mun, point n’était besoin de chercher une définition du gentilhomme. « Voyez de Mun », disait-on. La
mince silhouette d’un officier de cavalerie, une démarche souple et
ferme, un geste rare, toujours dépourvu d’emphase, conféraient à sa
personne un prestige immédiat auquel les rudes démagogues ne se
montraient point insensibles. A un haut degré de perfection, la
politesse touche et charme les natures les plus renfrognées. Albert de
Mun provoquait une contagion de courtoisie : nulle interruption ne
s’élevait dans la Chambre de 1910-1914 quand il prononçait une de ces
harangues où l’émotion contenue ennoblissait une pure argumentation. »
Mais
Anatole de Monzie n’avait entendu Albert de Mun qu’à la fin de sa
carrière, alors que ses interventions, raréfiées par la maladie, étaient
écoutées avec la déférence que les auditoires les plus hostiles ne
refusent pas à celui qui apparaît condamné à un irrémédiable déclin.
Trente ans plus tôt, à ses débuts à la Chambre des Députés, Albert de
Mun, pour éloquent et distingué qu’il fût, n’abordait pas la tribune
dans ce silence respectueux ! A travers sa correspondance avec Maurice
Maignen, il est aisé de constater que sa parole soulevait, à l’occasion,
autant de réserve désapprobatrice chez ses voisins de travée que
d’hostilité véhémente chez ses collègues de gauche. Il n’en reste pas
moins qu’Albert de Mun présente un cas exceptionnel d’orateur-né.
Sa
carrière n’avait pu lui faire soupçonner à quel point Dieu l’avait doué
du don précieux d’exprimer ses sentiments et ses convictions avec une
chaleur communicative. La révélation en vint, à lui comme à son
entourage, de son premier discours, celui qu’il fit aux ouvriers du
Cercle Montparnasse, à la demande de Maurice Maignen. Tandis que ses
amis s’entreregardaient, émerveillés, sa femme, étonnée et comme
inquiète, répétait à La Tour du Pin : « Mais, qu’est-ce qu’il a ? Qu’est-ce qu’il a ? ».
Il avait simplement ce magnétisme qui émane des grands cœurs et des
âmes généreuses, et qui transporte les auditoires lorsqu’il devient le
Verbe.
Tous
ceux, si nombreux encore, qui ont entendu l’abbé Bergey, se rappellent à
quel point ils étaient pris aux entrailles et au cœur par la parole
fascinante du populaire curé de Saint-Emilion. Qui a vu une foule
paysanne, suspendue à ses lèvres, passer, en quelques instants et à son
gré, du sourire aux larmes, a su comment, à la Voix d’un Saint Bernard
ou d’un Pierre l’Ermite, jadis, des hommes par milliers se faisaient
coudre une croix rouge sur l’épaule droite et partaient à la délivrance
du Saint Sépulcre.
Albert
de Mun était de la race des prêcheurs de croisades, et si son éloquence
parut si parfaite à ses contemporains, c’est qu’elle unissait la clarté
élégante de la forme à la noblesse de la pensée et à la force de la
foi. Rien n’est plus payant dans l’action civique que le
désintéressement dans le zèle.
Nul
ne pouvait prêter de bas calculs et des vues égoïstes à cet officier
brillant, titré, bien noté, ayant devant lui la promesse de tous les
succès d’une carrière militaire et mondaine, et qui prenait sur ses
loisirs pour aller haranguer, dans d’obscures salles, de modestes
auditoires, à qui il rappelait qu’un chrétien a plus de devoirs à
remplir que de droits à revendiquer !
Ce
n’est pas lui qui eut l’ambition d’une tribune officielle plus
retentissante. Lorsque, le 26 novembre 1875, il donna sa démission de
l’armée, il ne songeait qu’à éviter des observations justifiées de la
part de ses chefs et à pouvoir consacrer désormais tout son temps à
l’Œuvre des Cercles Catholiques d’Ouvriers. Ce sont ses amis qui
songèrent à utiliser au Parlement un talent oratoire capable de
contrebattre les dogmes funestes semés par la Révolution et de rendre la
France à sa vocation royale et chrétienne. Ainsi que nous l’avons déjà
indiqué, c’est sur la suggestion de René de La Tour du Pin que le comte
de Chambord demanda aux Comités royalistes de l’Ouest de réserver à de
Mun une circonscription sûre en Bretagne.
Si,
en février 1876, Albert de Mun fut candidat catholique à Pontivy, il y
fut aussi candidat légitimiste. Non seulement, il ne fit pas mystère de
ses opinions royalistes, mais, nous dit Jacques Piou dans la biographie
qu’il consacra plus tard à son collègue et ami, « il avoua hautement
ses relations avec le comte de Chambord, dont il avait reçu de précieux
témoignages de sympathie, un surtout, encore récent, qui lui avait été
au cœur. Son dernier enfant était le filleul du couple royal ; cet
honneur était rehaussé par une lettre qui l’avait rempli de gratitude».
Non
seulement, il ne taira pas ses convictions politiques, mais il en
donnera les raisons avec éclat, notamment dans sa campagne électorale de
1881, à Vannes.
Royaliste, de Mun l’est d’abord parce que la monarchie a fondé la France et qu’elle est conforme au génie français : «
la forme sociale et politique dans laquelle un peuple doit entrer et
rester n’est pas livrée à son arbitraire, mais déterminée par son
caractère et son passé »
Royaliste,
il l’est encore parce que la monarchie, c’est l’accord harmonieux et
constant de la nation et du pouvoir central. En soumettant le peuple à
la loi barbare du nombre « ce souverain terrible, tour à tour esclave et
tyran, sans nom, sans corps, sans responsabilité », on a tué l’autorité
au profit de l’arbitraire.
Royaliste,
il l’est enfin parce qu’en France, la monarchie est chrétienne. Cela ne
veut pas dire qu’elle est « un gouvernement de curés », loin de là ;
mais le roi, qui l’est par la grâce de Dieu, exerce « un pouvoir
soumis à la loi divine, qui fait respecter Dieu, et qui laisse l’Eglise
libre dans son culte, dans sa parole, dans ses institutions et dans son
gouvernement ».
En
1881, le comte de Chambord est encore en vie, et c’est vers lui que
monte l’ardent hommage des acclamations qui accueillent le cri final de
l’orateur : «Dieu et le Roi ! »
Plus
tard, de Mun fera la confidence qu’à la mort du comte de Chambord, s’il
y eut encore place dans son esprit pour l’opinion monarchique, il n’y
en eut plus, dans son cœur, pour la croyance à la monarchie. Il nous
faut bien le croire puisqu’il nous le dit, mais cela ne s’induit pas de
sa conduite apparente.
A
Gôritz, nous devons le répéter, il rédigera avec La Tour du Pin la
dépêche que le duc de La Rochefoucauld-Bisaccia, au nom de tous les
royalistes assemblés autour du cercueil d’Henri V, adressera à Mgr. Le
comte de Paris, pour saluer en sa personne le représentant incontesté du
droit monarchique français.
Bien
plus tard, et non pas dans un discours électoral, mais à l’occasion du
15ème anniversaire de la fondation de l’Œuvre des Cercles Catholiques,
le 22 mai 1887, il tiendra à réaffirmer avec force son attachement au
Prétendant et au principe qu’il représente : « Messieurs, j’ai
besoin d’ajouter un mot : je vous ai promis une explication loyale et
franche ; il faut la compléter. Je crois que j’exprimerai du reste
l’opinion de beaucoup d’entre vous. Chercher ainsi dans principes de
l’Eglise le salut de la France, est-ce, du même coup, se désintéresser
de la forme de son gouvernement et de sa constitution politique ? Je ne
l’ai jamais pensé, je ne l’ai jamais conseillé, et je ne le pense pas
encore aujourd’hui. Je vous ai pris pour confidents, j’irai jusqu’au
bout. J’ai été profondément attaché au Prince qui a si longtemps
représenté devant notre pays la splendide image de la monarchie
chrétienne. (Bravos et vifs applaudissements.) Je l’ai servi avec
fidélité et je suis resté depuis sa mort, je resterai toujours le
serviteur du droit et de l’hérédité monarchique ».
(Nouveaux applaudissements.)
A
Saint-Mandé, en mai 1887, il renouvellera sa profession de foi
catholique et monarchique. Et, non seulement il reste fidèle au droit,
mais il a reporté sur le comte de Paris, sinon la vénération, du moins
le dévouement qu’il témoignait au comte de Chambord. Il pourrait même se
flatter d’avoir la confiance du prétendant et d’exercer sur lui quelque
influence. C’est Albert de Mun qui – assez légèrement d’ailleurs –
poussera Mgr. Le comte de Paris à engager les royalistes dans l’aventure
boulangiste : ils s’y compromirent bien inutilement derrière l’amoureux
transi de Mme de Bonnemain, et leur déception les laissa mal prêts à
recevoir le choc de l’encyclique qui conseillait aux catholiques
français de se rallier à la République.
A
l’heure présente, et avec les meilleures intentions du monde, quelques
jeunes publicistes chrétiens se donnent beaucoup de mal pour essayer de
démontrer que S.S. Léon XIII n’a jamais demandé aux royalistes français
le sacrifice de leurs convictions monarchiques. Il n’aurait exprimé
qu’un souhait et donné qu’un conseil : que les catholiques cessent de
combattre le régime républicain et unissent tous leurs efforts pour la
seule défense des libertés religieuses ; ainsi, la République, assurée
de ne plus être attaquée par les catholiques, cesserait-elle, à son
tour, de leur être hostile. C’est jouer sur les mots. Pour suivre le
conseil du Saint-Père, il fallait bien, sur le terrain électoral,
abandonner la profession de foi et l’étiquette royalistes pour prendre
figure et nom de républicain ! C’est ainsi d’ailleurs que tout le monde
le comprit, et le cas d’Albert de Mun est particulièrement significatif à
cet égard.
Albert
de Mun, il faut le rappeler, avait en 1885 tenté de fonder en France un
parti catholique à l’instar de ce qui existait en Belgique et en
Allemagne. Le parti catholique belge, après une longue lutte, venait
enfin d’accéder au pouvoir ; dans le Reich, le Centrum, sous la conduite
de Windthorst, avait triomphé de Bismarck et de son Kulturkampf
anti-romain. Pourquoi les mêmes succès n’attendraient-ils pas les
catholiques français coalisés ?
C’était
oublier qu’à cette époque, si tous les royalistes n’étaient pas
catholiques, presque tous les catholiques étaient monarchistes. Un parti
catholique français était inévitablement un parti d’opposition
constitutionnelle. Les dirigeants républicains ne manquèrent pas
d’attirer l’attention du Vatican sur la réaction anti-cléricale que le
nouveau parti susciterait certainement. L’affaire fut vite réglée. C’est
le 8 septembre 1885 qu’Albert de Mun avait fait part de la naissance du
parti catholique français ; le 9 novembre suivant, après un entretien
avec le nonce, le député breton annonçait qu’il renonçait à son projet …
Or, voici qu’en 1892, Rome, qui s’était opposée sept ans plus tôt à un
parti catholique nécessairement formé de royalistes, faisait l’effort
le plus pressant en faveur d’un parti catholique qu’elle souhaitait
républicain !
Et,
Albert de Mun, qui, par obéissance, avait sabordé son propre dessein,
allait être sommé, au nom de la même vertu, d’accepter celui du Vatican !
Cela n’ira pas sans une lutte intérieure dramatique. De Mun a souvent
rapporté aux siens que le Pape alla jusqu’à le prendre dans ses bras en
le suppliant de se ranger à une tactique qu’il jugeait nécessaire pour
le bien de l’Eglise de France.
On
comprend l’insistance de Léon XIII. Etant donné le prestige dont
jouissait Albert de Mun dans les milieux catholiques, l’Encyclique aux
Français n’eût entraîné que peu d’adhésions si le Président de l’Œuvre
des Cercles eût suivi la même ligne de conduite que son ami La Tour du
Pin. Et c’est ce qu’il eût dû normalement faire. N’était-ce pas Albert
de Mun qui, dans son discours de Vannes, avait proclame la liberté
politique des catholiques de la façon la plus expresse : «Messieurs,
je n’ai jamais compris l’indifférence politique. Je sais très bien, et
tous les catholiques le savent avec moi, que, si la soumission à la loi
divine est la condition essentielle qui s’impose à tous les
gouvernements humains, Jésus-Christ n’a pas cependant dicté aux nations
chrétiennes la forme de leur constitution politique, et que c’est là une
question libre au-dessus de laquelle l’Eglise demeure immuable dans sa
constitution divine … » ?
Or,
le Souverain Pontife ne lui demandait pas simplement de devenir
indifférent en politique, - ce qui eût été déjà inconciliable avec son
point de vue -, il lui demandait de penser que le magistère de l’Eglise
s’imposait jusque dans cette question libre que demeurait la forme du
gouvernement et d’accepter la constitution républicaine. On peut mesurer
ainsi le sacrifice que le cœur d’Albert de Mun dut consentir, en cédant
aux instances du Pape.
Bien
plus tard, quand il écrira Ma Vocation Sociale, et qu’il effleurera
cette question, il laissera discrètement entendre que son adhésion ne
fut que formelle et n’engagea pas son for interne :
«
Je ne puis entrer, au sujet du Ralliement, dans des détails
nécessairement réservés à mes souvenirs politiques. Je veux rappeler les
faits et y joindre une observation. L’Encyclique aux Français parut le
20 février 1892. Le 23 mai de la même année, à Grenoble, devant le
Congrès de l’Association Catholique de la Jeunesse Française, puis le 16
juin, à Lille devant les Associations Catholique des jeunes gens de la
région du Nord, je déclarai ma résolution de « placer désormais mon
action politique sur le terrain constitutionnel, pour conformer mon
attitude à la direction du Souverain Pontife». Ce fut ma formule de
ralliement : je n’y ai jamais ajouté un seul mot. »
Obéir
au Pape en la circonstance, ce n’était pas seulement brûler ce que l’on
avait adoré ; c’était encourir à coup sûr le blâme de ses meilleurs
amis et scandaliser la majeure partie de ses troupes. Albert de Mun ne
fut pas suivi. Evoquant, dans ses Souvenirs, cette période, M. de Meaux,
qui n’était pourtant pas un ultra, note : « Un seul le tenta (le ralliement), M.
de Mun. Elu d’abord en Bretagne en qualité de royaliste intransigeant,
il se déclara républicain pour obéir au Pape, et l’accueil que reçut son
ralliement ne fut pas propre à multiplier les ralliés. En réalité, Léon
XIII avait en France licencié la vieille armée catholique sans en avoir
une nouvelle à lui substituer. »
De
surcroît, Albert de Mun, en perdant ses amis, ne garda pas son siège.
Aux élections de 1893, il fut battu comme presque tous les candidats
ralliés. La division des catholiques ayant fait le jeu de la gauche. Il
lui faudra attendre cinq ans pour retrouver sa place à la Chambre.
Mais on sait tout cela.
Ce
qui, par contre, est moins connu, ce qui a même été passé sous silence
par tous ses biographes, c’est que ce modèle de l’éloquence
parlementaire avait non pas l’horreur, mais la peur de la tribune.
Le
cas est beaucoup plus fréquent que l’on croit des orateurs célèbres,
pour qui prendre la parole en public demeure une appréhension qui ne se
surmonte chaque fois, qu’avec peine. Il ne semble pas qu’Albert de Mun
ait connu pour son compte ce que l’on appelle « le trac ». Mais il
était frappé d’un autre genre d’inhibition, encore plus désagréable, la
crainte de ne pas être à la hauteur du sujet qu’il abordait ou de la
cause qu’il allait défendre.
A
travers sa correspondance avec Maurice Maignen, nous découvrons ce que
M. Charles Maignen, neveu de ce dernier, appelle « le drame intérieur
d’un velléitaire », et qui n’est en réalité que l’hésitation scrupuleuse
d’un homme qui redoute d’être inférieur à ce que l’on attend de lui.
Cette hésitation ne le quittera jamais.
Il
n’est pas surprenant de la constater au cours de sa première
législature. Bien des conscrits de l’urne auraient pu écrire ce qu’il
écrivait à Maurice Maignen le 15 juin 1878 : «Pour moi qui ai besoin
de me façonner à ces questions, afin d’être à la hauteur de ma tâche,
je vous promets de n’épargner ni peine ni travail … Je suis un ouvrier
de bonne volonté, mais j’ai tant à apprendre ! ».
Ou lui demander aide, comme il fait huit jours après : «
…puis, vous allez, n’est-ce pas ? Puisque vous le voulez bien, vous
mettre au travail et me servir successivement de petites tranches
appropriées à mon estomac …, mâcher les mots comme à un ignorant que je
suis …
Pour tout cela, souvenez-vous que vous avez affaire :
a) à un homme qui ne sait pas ;
b)
à un homme qui a très peu de temps et à qui cependant la volonté de
Dieu a fait une obligation de paraître savoir et avoir étudié.
Mâchez-moi donc la besogne ; réduisez-moi la nourriture en pilules
substantielles, d’une absorption rapide. Si vous m’indiquez des sources,
faites qu’elles soient peu nombreuses et concises. Je vous promets tout
mon bon vouloir … et Dieu fera le reste. »
Ou encore passer l’aveu émouvant que contient cette lettre du 18 septembre de la même année :
«
Voyez-vous, tout bas et de vous à moi, dans l’intimité de notre vieille
affection, je puis bien vous dire que je me sens épouvanté de mon rôle
et du poids qui pèse sur mes épaules, Vous savez tout ce qui me manque,
combien peu me sont familières ces redoutables questions, combien l’en
ignore le langage et que je ne m’y aventure qu’en tremblant… »
Mais les années passeront, sans qu’Albert de Mun s’aguerrisse et cesse de s’interroger anxieusement sur son insuffisance.
Le voici écoeuré de lui et du monde :
«
… Mais où sont les hommes ? Où suis-je, moi, qui devrais me donner tout
entier comme autrefois à l’Œuvre, dévoré par mille choses, envahi par
la politique, condamné à la Chambre à un travail multiple sur des choses
qui me sont étrangères ? …
Et puis, où est le feu sacré, où est l’enthousiasme, la flamme, et pour tout dire, la foi et la piété des premiers jours ? »
Ce
n'est point dès la première élection qu'Albert de Mun se lèvera à son
banc de député pour y défendre, sous la forme de propositions de loi,
la doctrine sociale que viendra consacrer, le 15 mai 1811, l'enryclique Rerum Novarrun.
Le
Palais-Bourbon était loin, en effet, d'avoir accueilli de bon gré une
recrue qui se posait en contre-révolutionnaire déterminé et ne cachait
point son antiparlementarisme.
Elu
en 1876, de Mun fut aussitôt invalidé, sous pré¬texte d'avoir bénéficié
de menées électorales qui auraient faussé la libre expression de la
volonté populaire ! Les électeurs de Pontivy le renvoyèrent au Parlement
en 1878, mais ses adversaires ne désarmèrent pas pour autant. Ils
décidèrent une enquête, sur les résultats de laquelle il fut à nouveau
invalidé en novembre de la même année. Battu de justesse à l'élection
partielle qui s'en suivit, il ne rentrera à la Chambre qu'en 1881.
Mais
il répugnera encore quelque temps à aborder la tribune pour y exposer
les vues de ses amis sur la question sociale. Tant qu'il s'agit de
proclamer ouvertement, dans une langue magnifique, l'alliance de son
patriotisme et de sa foi chrétienne, ou bien de poser les principes
généraux qui dictent à un croyant sincère ses devoirs de charité et de
justice envers les plus déshérités des hommes, les rares dons que lui a
dispensés la Providence s'exercent sans effort apparent. Mais nous avons
vu plus haut quelle peur l'habite de se trouver insuffisamment préparé à
défendre des textes précis relatifs à l'application de cette noble
doctrine. Dès 1880, Keller avait soumis à la Commission industrielle de
l'Oeuvre des Cercles un projet visant d'une part le travail de nuit des
femmes et créant d'autre part la semaine anglaise. Ce projet ne fut pas
déposé sur le bureau de la Chambre parce que les industriels, membres de
la Commission, s'ils se montrèrent favorables à l'interdiction du
travail nocturne féminin, reculèrent devant la semaine anglaise comme
devant une innovation trop hardie.
En
1882, les études conjuguées d'un groupe d'industriels et de quelques
parlementaires de droite aboutirent à un projet d'organisation
corporative qui fut présenté comme un contre-projet à la loi sur les
syndicats que Waldeck-Rousseau venait de déposer. Ce ne fut pas de Mun
qui le signa en premier et le déposa, mais Keller, qui en était le
principal rédacteur. De Mun se contenta de présenter, le 12 juin 1883,
un amendement qui prévoyait que les syndicats pouvaient être mixtes et
comprendre tous les éléments de la production. Mais, là encore, il
s'effaça devant M. de la Bassetière, pour défendre, le 19 juin, ce texte
âprement combattu à l'extrême gauche par Floquet et Georges Clémenceau.
C'est
lors du scrutin final, le 20 octobre 1883, que de Mun se jeta enfin à
l'eau et fit sa première intervention sociale en expliquant au nom de
ses amis qu'il ne pouvait souscrire à un texte qui, en excluant les
syndicats mixtes, allait faire du syndicalisme un instrument de lutte de
classes.
Mais
ce n'était là qu'une escarmouche. Albert de Mun, novateur social,
allait se révéler le 25 janvier 1884, lors des interpellations sur la
crise économique. L'occasion lui parut bonne pour reprendre, au nom de
l’Oeuvre, une idée émise pour la première fois en 1841 par un industriel
alsacien, M. Legrand, l'idée d'une législation internationale du
travail.
Un
ordre du jour, signé par de Mun, Mgr Freppel, Lorois, de la Bassetière,
Martin (d'Auray), de Saint-Aignan, de Bélizal, de Lanjuinais, de la
Rochefoucauld, duc de Bisaccia, du prince de Léon, de la Rochejaquelein,
de Bodan, de Kermenguy, Le Gonidec de Tressan, invitait le gouvernement
« à préparer l'adoption d'une législation international qui
permette à chaque Etat de protéger l'ouvrier, sa femme et son enfant,
contre les excès du travail, sans danger pour l'industrie nationale ».
Pour
défendre cet ordre du jour, Albert de Mun trouva des accents qui
fondèrent sa réputation d'orateur social, mais n'emportèrent pas pour
autant l'adhésion de ses collègues à sa thèse.
Cependant,
le retentissement de cette harangue fut tel qu'il fit mettre la
législation internationale ouvrière à l'ordre du jour des travaux de
l'Union de Fribourg, fondée peu après. Le Suisse Decurtins, membre de
cette Union, demanda à son pays, le 22 décembre 1887, de prendre en ce
domaine l'initiative d'une Conférence internationale à Berne. Pendant
que le Conseil Fédéral Helvétique en délibérait, Guillaume II, prenant
les devants, convoquait la conférence de Berlin qui se borna d'ailleurs à
voter des recommandations toutes platoniques. Le beau discours d'Albert
de Alun ne devait avoir sa conclusion pratique que trente-cinq ans plus
tard, dans la section II de la XIII• partie du Traité de Versailles!
Quelques
mois après, la discussion de la loi sur les syndicats va permettre
d'exposer l'idée du patrimoine corporatif. Albert de Mun dépose et
défend l'amendement suivant : «ajouter entre les articles 6 et 7 du
projet un article ainsi conçu : «Outre les cas prévus au précédent
article, les syndicats professionnels mixtes réunissant les patrons et
les ouvriers d'un même métier ou de métiers similaires, pourront
recevoir des dons et des legs immobiliers, et acquérir tels immeubles
qu'il leur conviendra pour la création de logements d'ouvriers, d'asiles
pour l'enfance et la vieillesse et de maisons pour les blessés et les
malades».
L'amendement,
refusé par la Commission, ne fut pas adopté. Il faudra attendre la
Chambre de 1919 pour accorder aux syndicats la personnalité civile, et
le droit de posséder.
Le
20 octobre 1884, Albert de Mun défend, - sans plus de succès -, le
principe de la responsabilité collective de la profession en cas
d'accidents du travail. Ce principe postulait, s'il eût été reconnu, la
création de caisses professionnelles d'assurances-accidents. Le député
de Morlaix ne fut point suivi. Le 2 février 1886, il revenait à la
charge en déposant, avec Mgr Freppel, une proposition de loi sur la
protection des ouvriers victimes d'accidents dans leur travail. La
discussion n'en vint qu'en 1883. Toute l'éloquence de l'orateur ne put
convaincre la Chambre que l'accident du travail découle d'un risque
professionnel qui doit être supporté par des caisses corporatives
alimentées à la fois par les ouvriers et les patrons. Le risque
professionnel ne sera reconnu que dix ans plus tard, par la loi du 9
avril 1898... Qui le mettra d'ailleurs à la charge exclusive du patron!
L'année
1885, année électorale qui fut chaude pour les républicains, laissa peu
de place aux débats sociaux. Elle est marquée cependant par le dépôt
d'une loi sur le bien de famille, préparée, au sein de l'Œuvre, par
Louis Milcent, ancien zouave pontifical, que nous retrouverons à
l'origine des Syndicats Agricoles.
Le
24 février 1886, c'est le dépôt dune proposition de loi visant
l'interdiction du travail avant treize ans pour les garçons et quatorze
ans pour les filles, ainsi que l'interdiction des travaux de force avant
seize ans pour les adolescents et sans limite d'âge pour les femmes. Ce
texte réclamait en outre la journée maxima de onze heures pour tout
travailleur, au lieu de douze heures fixées par la loi de 1848, et le
repos dominical.
En
octobre 1886, proposition de loi sur la protection des ouvriers contre
les conséquences de la maladie ou de la vieillesse. C'était poser le
principe des retraites ouvrières et paysannes, mais avec l'énorme
différence d'un financement assuré par des Caisses Mutuelles
corporatives, au lieu de l'inscription au budget de l'Etat.
Toute
l'année se passe à étudier en Commission un texte sur la réglementation
du travail. On notera, pour le piquant de la chose, que la limitation
de la journée de travail à onze heures fut repoussée en Commission par
huit voix contre quatre et que deux députés prolétaires furent parmi les
opposants! La discussion publique de cet important projet vint
seulement en juin 1888. De Mun y fut constamment sur la brèche. Si sa
voix généreuse trouvait quelque écho à l'extrême gauche, cet appui
compromettant ne faisait que cristalliser plus étroitement la majorité
centre-gauche et gauche autour des défenseurs attitrés du libéralisme
économique, les Yves Guyot, les Frédéric Passy, les Albert Ferry.
Cependant, le porte-parole des Cercles Catholiques marqua un point. Par
462 voix contre 31, le 11 juin, il fera rejeter un amendement d'Yves
Guyot qui voulait exclure les femmes du bénéfice de la loi. Par contre,
la Chambre refusera de reconnaître le risque professionnel, et, le 22
juin, elle repoussera le principe du repos dominical, bien que de Mun,
en la circonstance, eut vu venir en renfort la barbe révolutionnaire du
communard Camélinat.
Pas
davantage, la Chambre ne voulut retenir la proposition faite par de
Mun, d'interdire pendant quatre semaines le travail aux femmes
accouchées. Cette question du chômage légal et rémunéré des femmes
enceintes et accouchées ne sera réglé que par la loi du 17 juin 1913.
Plus
heureux, de Mun, le 29 janvier 1889, fera repousser un amendement de
Frédéric Passy et d'Albert Ferry qui réclamaient le maintien de la
journée de 12 heures pour les femmes en invoquant la vénérable mémoire
des républicains quarante-huitards qui l'avaient instituée.
Allant
plus loin, dans la proposition de loi qu'il dépose le 7 décembre 1889,
il réclame la journée maxima de dix heures. Au scandale de presque tous
ses collègues, il n'hésite même pas à souhaiter que, dans un proche
avenir, soit réalisée la journée de huit heures, comme étant la plus
favorable au développement normal du foyer du travailleur. S'il n'en
demande pas l'adoption dès à présent, c'est uniquement pour ne pas
mettre la production française en fâcheuse posture devant ses
concurrents étrangers.
Le
23 novembre précédent, il avait donné son accord à la fixation d'un
salaire minimum par la loi ajoutant qu'aux yeux des catholiques sociaux
l'intervention de l'Etat, dans ce domaine, n'était ni abusive ni
arbitraire.
Une
autre proposition de loi, déposée également le 7 décembre 1889, demande
qu'il soit recouru à l'arbitrage pour le règlement de tout conflit
social et que soient créés des Conseils de conciliation et d'arbitrage
comme il en existait déjà en Angleterre et en Belgique. Cette
proposition ne sera discutée qu'en 1892, et d'ailleurs repoussée par la
majorité opportuniste et radicale. Il faudra le décret Millerand du 17
septembre 1910 pour instituer, avec les Comités du Travail, une timide
ébauche de ce que de Mun et ses amis avaient demandé.
La
même lenteur et la même timidité républicaines se manifesteront à
propos des initiatives sociales de la droite royaliste en 1890. De Mun
défendit un amendement portant fixation au dimanche du jour de repos
hebdomadaire et réduisant à huit, au lieu de dix heures, la durée du
travail le samedi et les veilles de fêtes chômées. C'était légaliser le
repos dominical et ébaucher la semaine anglaise. Sur le premier point,
de Mun, accusé par le rap¬porteur de vouloir sournoisement donner rang
de religion d’Etat au catholicisme, fut battu par 304 voix contre 210.
Vainement, il reviendra à la charge en 1891. Mgr Freppel partagera sa
disgrâce avec un amendement qui demandait que « le repos hebdomadaire, pour les personnes protégées par la loi fut fixé au dimanche ». Ce n'est que le 13 juillet 1906 que la loi consacrera le principe du repos dominical.
Pour
ce qui est du principe de la semaine anglaise, repoussé à nouveau, il
ne sera adopté, - et encore à titre provisoire! - par la III° République
que le 11 juin 1917, et ne sera rendu définitivement obligatoire que
par la loi du 23 avril 1919.
Lors
de la deuxième délibération de la loi sur le travail des femmes et des
enfants en 1891, de Mun se déclara partisan de la limitation de la
journée de travail à dix heures. Il demanda aussi la suppression du
travail de nuit pour les femmes et les enfants et réclama la suppression
de la veillée, au nom de la santé physique et morale des ouvrières. Il
ne verra ses voeux exaucés qu'en 1900 par la loi du 30 mars.
La
même année, il joindra ses efforts à ceux de M. Justin Godart pour
obtenir la suppression du travail de nuit dans la boulangerie.
L'interdiction n'en sera prononcée que par la loi du 28 mars 1919. Le 1°
juin 1891, Millerand, qui est alors l'un des chefs du parti socialiste,
interpelle le gouvernement sur les raisons pour lesquelles il a dissous
le syndicat des ouvriers métallurgistes d'Hautmont. Albert de Mun se
rallie à son ordre du jour qui invite le gouvernement à faire observer
par ses magistrats du parquet l'interprétation la plus large de la loi
sur les syndicats.
Dans
le même esprit, le 22 mars 1892, à l'occasion de la discussion de la
proposition Bovier-Lapierre, il demande que la loi sanctionne le renvoi
d'un ouvrier ou le refus de l'embaucher lorsque le motif déclaré est sa
qualité de syndiqué, en même temps qu'il réclame des pénalités pour ceux
qui auront usé de contrainte pour obliger un ouvrier à adhérer à un
syndicat ou à le quitter.
La
même année, il reprend son dessein de rendre pleine et entière la
liberté syndicale, et dépose, sous forme d'amendement à la loi sur les
syndicats, le contre-projet suivant:
«
L'article 2 de la loi de 1884 sera rédigé ainsi qu'il suit : les
syndicats ou associations professionnelles de plus de vingt personnes
appartenant à (au lieu de exerçant) la même profession ou des métiers
similaires, ou des professions connexes concourant à l'établissement de
produits déterminés, pourront se constituer libre¬ment sous
l'autorisation du gouvernement. »
L'amendement
fut repoussé. Il ne sera repris que vingt-huit ans plus tard par la
Chambre « bleu-horizon » qui en fera le paragraphe final de l'article 4
de la loi de 1920.
Si
Albert de Mun n'admet pas le droit syndical pour les fonctionnaires qui
sont liés à l'Etat par un contrat spécial comportant des avantages
particuliers, il estime par contre que les ouvriers et employés des
exploitations nationalisées doivent pouvoir se syndiquer, et, le 22 mai
1894, il votera l'ordre du jour Jourde, rédigé dans cet esprit, et dont
l'adoption amènera la chute du cabinet Casimir-Périer. Pareillement, il
votera, le 7 novembre 1895, en faveur du projet de résolution Puech
invitant le gouvernement à respecter ce droit.
Nous
arrivons à la triste période où l'exploitation de l'affaire Dreyfus par
les internationalistes et les succès électoraux du parti radical,
instrument politique de la Franc-Maçonnerie, vont orienter la III°
République vers une politique passionnément anticléricale et
antimilitariste. Les préoccupations sociales cèdent le pas à des luttes
partisanes violentes. Chez de Mun, l'ancien officier et le chrétien sont
également révoltés par le sectarisme de ce régime auquel l'obéissance
aux directives pontificales l'a obligé à se rallier. Du moins, sera-t-il
au premier rang des défenseurs de l'Eglise et de l'Armée, dans les
combats désespérés qu'il va falloir livrer contre les démolisseurs de
ces deux piliers de l'ordre français.
Ce
ne sera qu'en 1909 qu'il pourra reprendre son action sociale. Toujours
en avance sur son temps, il prendra l'initiative de proposer
l'établissement de comités professionnels chargés d'établir des salaires
minima pour les travailleurs à domicile. Il prononcera à cette
occasion, un discours bouleversant sur les conditions inhumaines et
immorales du travail des ouvrières en chambre et sur la barbarie du
sweating system. Son vœu des minima de salaires pour les ouvrières à
domicile dans l'industrie du vêtement ne sera exaucé qu'en 1915 par la
loi du 1er juillet.
Enfin,
en janvier 1911, de Mun présentera une proposition de loi règlementant
le travail dans les établissements commerciaux. Son texte demandait pour
leurs employés la journée de dix heures, la réduction de la journée de
travail à huit heures le samedi et les veilles de jours fériés, un repos
d'une heure et demie au milieu de la journée, la fermeture obligatoire
et générale des magasins le dimanche. Une fois de plus, il ne sera pas
suivi. Ce n'est qu'au lendemain de la guerre que toutes ces
améliorations sociales deviendront légales, grâce à la loi du 23 avril
1919.
Depuis
cinq ans, Albert de Mun n'était plus. Depuis cinq ans, sa voix, déjà
affaiblie par le mal depuis de longues années, s'était définitivement
tue. Ce cœur généreux et sensible, qui s'était usé à palpiter au rythme
de tant de peines, de détresses et de misères, avait cessé de battre.
Mais tout observateur de l'évolution sociale, de la France
contemporaine, sera obligé de souscrire à la constatation faite par le
cardinal Baudrillart, dans son discours de réception à l'Académie :
«
Le Parlement français avait adopté ou était à la veille d'adopter
lorsque mourut Monsieur de Mun, tout ce qu'il avait, véritable
précurseur, proposé dès les premières années de sa carrière : repos
hebdomadaire, limitation des heures de travail, semaine anglaise,
protection du travail des femmes à domicile, des femmes et des enfants a
à l'usine, assurances obligatoires contre les accidents professionnels,
les maladies et la vieillesse, retraites a ouvrières et paysannes. »
A
ce jugement général sur le beau combat mené par Albert de Mun contre la
routine, l'égoïsme et l'injustice sociale, il convient, pour être
complet, d'ajouter quelques observations particulières tirées d'une
étude plus approfondie de son action.
Il
faut d'abord noter que, sauf rarissime exception, les initiatives
généreuses d'Albert de Mun se heurtèrent régulièrement à l'hostilité
vigilante de la majorité républicaine, bien que ses membres, dans leurs
programmes électoraux, se présentassent comme les défenseurs patentés et
exclusifs du monde du travail. C'est pour souligner le conservatisme
étroit qui se cachait sous l'hypocrisie des déclarations de campagne
électorale que nous avons tenu à préciser les longs délais qui
s'écoulèrent entre les propositions du chef des catholiques sociaux et
leur admission dans notre Code du Travail.
Il
faut ensuite reconnaître honnêtement qu'Albert de Mun mena ce combat
social, non pas au nom de la démocratie, mais au nom de la
Contre-Révolution. Ce député était antiparlementaire, nettement, et par
doctrine.
« Le parlementarisme, voilà l'ennemi! »
s'écriera-t-il aux Etats de Romans. Un esprit systématique pourrait
même aller jusqu'à dire que l'Albert de Mun le plus ardemment social, -
et les dates se prêteraient à son affirmation -, fut l'Albert de Mun
ouvertement royaliste. Constatons seulement qu'avant son ralliement,
Albert de Mun avait déjà proposé et soutenu toutes les réformes
heureuses auxquelles son nom reste attaché.
Il
faut aussi constater qu'il ne fut pas l'inventeur d'une doctrine
sociale personnelle, mais le présentateur suprêmement éloquent des
textes élaborés par une équipe qui mettait à sa disposition le fruit de
leurs études communes.
Il
faut enfin ne pas oublier que, même dans son action au Palais-Bourbon,
s'il fut appelé par son talent éclatant à porter à peu près tout le
poids des débats parlementaires, il y fut constamment aidé par un groupe
de collègues, animés de la même foi généreuse et partageant toutes ses
convictions.
Le
nom d'Albert de Mun rayonne avec trop d'éclat justifié pour ne pas
avoir éclipsé, pour le grand public, celui de camarades de combat plus
obscurs.
Ce
ne sera pas porter atteinte à sa juste réputation que de tirer d'une
ombre imméritée ceux qui l'entouraient, le soutenaient, se portaient à
sa rescousse et lui donnaient la certitude de traduire l'élan réfléchi
des meilleurs disciples du Christ et des plus intelligents défenseurs de
la monarchie traditionnelle.
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(PRESQUE) UNE CHASSE GARDEE : LES SERVICES SECRETS BOLCHEVIQUES / YAKOV BLUMKIN
Wikipédia
(anglais) nous informe derechef qu’il était : révolutionnaire,
assassin, bolchevique, agent de la tchéka, espion de la Guépéou,
trotskiste et aventurier. Reconnaissez qu’il s’agit là d’une carte de
visite peu banale, surtout si l’on songe qu’il est mort à 31 ans. Et
même s’il est vrai que le personnage n’était pas des plus sympathiques,
force est de reconnaître qu’il n’avait pas froid aux yeux.
Mais n’anticipons pas.
Yakov
Blumkin naît en 1898 dans une famille juive d’Ukraine et comme la
valeur n’attend pas le nombre des années, s’engage dès ses 16 printemps
dans les rangs du parti révolutionnaire-socialiste (ou vice-versa, mais
ça revient au même). Après la révolution d’octobre – il n’a guère que 19
ans - il devient le chef du service contre-espionnage de la tchéka, travaillant sous les ordres de Félix Dzerzhinsky. Durant la terreur rouge, il sera connu pour sa brutalité.
Wikipédia
nous rapporte également une information qui en dit long sur les
méthodes alors employées pour envoyer à la mort à peu près n’importe qui
pour n’importe quoi. Ce n’est pas une histoire juive, bien que
strictement tous les protagonistes le soient. L’écrivain Isaiah Berlin
raconte cette histoire survenue au poète Osip Mandelstam :
« Un
soir, peu après la révolution, il était assis dans un café où se
trouvait le terroriste révolutionnaire bien connu Blumkin…qui était à
l’époque un officiel de la tchéka…en train d’écrire d’un air aviné les
noms des hommes et des femmes à exécuter sur des formulaires vierges
déjà signés par le chef de la police secrète. Mandelstam surgit
brusquement devant lui, saisit les listes, les déchira en morceaux
devant les spectateurs stupéfaits, puis disparut en courant. A cette
occasion, il fut sauvé par la sœur de Trotsky » (qui était, comme nous le savons, l’épouse de Lev Rosenfeld, dit Kamenev).
Blumkin,
qui était resté membre du parti révolutionnaire-socialiste (opposé au
traité de Brest-Litovsk), fut chargé par le comité exécutif d’assassiner
Wilhelm Mirbach, l’ambassadeur allemand en Russie,
afin d’inciter à une guerre contre l’Allemagne. Il exécuta son contrat
le 6 juillet 1918, ce qui provoqua une insurrection armée à Moscou, vite
calmée par les bolcheviques. Qui en profitèrent pour se débarrasser de
ce parti encombrant. Son coup fait et devant la tournure des événements,
Blumkin disparut dans la nature.
Dzerzhinsky,
le chef de la tchéka, va cependant pardonner à cette tête brûlée, mais
efficace. Au printemps de 1920, Blumkin est envoyé dans la province de
Gilan en Iran, près de la mer Caspienne, où Mirza Koochak Khan
avait établi une « république soviétique socialiste perse » à
l’existence plutôt brève. Attention, ça devient très compliqué, mais je
vais simplifier. A peine arrivé, le 30 mai, Blumkin fomente un coup
d’état et met en place une équipe locale dominée par les communistes.
Il
était donc inutile qu’il s’attarde. En août 1920, le revoilà à
Petrograd pour une nouvelle mission. Cette fois, il doit veiller à la
sécurité du train blindé qui emmène Zinoviev, Radek, Béla Kun et le
journaliste communiste John Silas Reed au Congrès des nationalités opprimées
(si, si ...) qui a lieu à Bakou, en Azerbaïdjan. Pour cela, ils doivent
traverser des zones où la guerre civile fait rage, d’où le blindage du
train. A Bakou sera plébiscitée la proposition de Zinoviev, alors chef
du Komintern, d’appuyer, et d’inciter si nécessaire, les révoltes des
populations du Moyen-Orient contre les Anglais.
De
retour à Moscou, il se lie avec Trotsky et, durant deux ans, lui
servira de documentaliste et de secrétaire pour son livre qui paraîtra
en 1923, Ecrits militaires. Il rejoint ensuite la Guépéou nouvellement créée à la suite de la tchéka, toujours au rayon espionnage.
On
glose souvent sur les manies « ésotériques » de Hitler et les
expéditions lointaines qu’il aurait commanditées. Eh bien, il n’était en
tout cas pas le seul car dès les années 20, les bolcheviques
financèrent plusieurs expéditions au Tibet dans l’idée de découvrir la mythique cité de Shambala
dont les habitants étaient réputés communiquer par télépathie. En 1926
et en 1928, deux expéditions menées par le théosophe russe Nicholas
Roerich visitèrent bel et bien Lhassa. Blumkin accompagna les deux
voyages en tant qu’ « agent spécial », déguisé à l’occasion en lama ou
en mongol.
En
1929, il est en Turquie où il met en vente des incunables hébreux
provenant de la Bibliothèque Lénine de Moscou afin de financer un réseau
d’espionnage sur le Moyen-Orient. Il y rencontre Trotsky qui s’y
trouvait après sa récente expulsion d’URSS et ça va être le début de ses
malheurs, que je vais également abréger, car c’est une très sombre
histoire.
Trotsky
lui communique un message secret à transmettre à Radek. Cela va hélas
se savoir (comment ? nul ne le sait) et entraîner l’ire de Staline.
Entre en scène à ce moment-là une connaissance, Trilisser, chef des
services secrets, qui pour faire tomber Blumkin, choisit la méthode la
plus simple (et la plus agréable) : une belle espionne soviétique
chargée de le faire parler. Elle s’appelait Lisa Gorskaya, alias Elizabeth Zubilin et sa carrière n’est pas triste non plus. Nous y reviendrons.
En
attendant, Blumkin se fait avoir comme un bleu. Dans le courant de
l'année, il est arrêté pour trahison et traduit devant un tribunal de la
Guépéou présidé par Iagoda. C’est finalement Staline qui décidera de la
peine de mort. Il paraît que devant le peloton d’exécution, il cria ces
derniers mots : Longue vie à Trotsky !
D’une certaine manière, il a été exaucé. http://france-licratisee.hautetfort.com
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dimanche 27 mai 2012
Ernest Renan
Ernest
Renan est né le 28 février 1823 à Tréguier, en Bretagne, dans une
famille modeste. Son père meurt alors qu'il n'est âgé que de cinq ans.
Il fait de brillantes études. À l'âge de quinze ans, il "monte" à Paris,
une bourse lui ayant été offerte pour poursuivre ses études au petit
séminaire de Saint-Nicolas-du Chardonnet. Isolé parmi des jeunes de la
haute société, il y perdra une partie de l'ardeur de sa foi et renoncera
en 1845 à poursuivre une carrière ecclésiastique. Il obtient
l'agrégation en septembre 1848 et l'Académie des Inscriptions le désigna
pour la chaire de langue hébraïque, chaldaïque et syriaque au Collège
de France. Sa leçon inaugurale fit scandale, provoquant des bagarres. Il
présente Jésus comme « un homme incomparable », ce qui le rend digne d'être « appelé Dieu ». Un arrêté du ministre de l'Instruction publique ne tarde pas à suspendre son cours. Sa Vie de Jésus
paraît en mai 1863, et rencontre un énorme succès. Plus de 60 000
exemplaires se vendront. Ses idées ne tarderont pas à évoluer. Il se
réfère à l'ordre qu'enseignent les dieux grecs. La société est « une hiérarchie
». L'humanité progresse, selon lui, lorsque les ferments d'aristocratie
trouvent une atmosphère propice à leur développement. Renan souhaitait
une monarchie orléaniste ou un conseil présidé par Jérôme Napoléon, qui
connaissait bien la Prusse. La proclamation de la République fut une
catastrophe. Elle aggrava lourdement les conséquences de la guerre.
L'Allemagne réclamait au départ Strasbourg et un milliard de dommages.
Au final, il faudra céder l'Alsace et la Moselle et verser 5 milliards.
La République coûta fort cher à la France, car il est probable que les
souverains européens auraient fait pression sur l'empereur d'Allemagne
pour améliorer les conditions de la paix. Le nouveau régime comble
cependant Renan d'honneurs. En 1878, il est élu à l'Académie française.
Alors commence sa carrière de « défroqué en chef », pour reprendre la formule de Charles Péguy.
Ernest Renan avait exposé ses idées politiques dans un ouvrage, composé en 1871, intitulé La réforme intellectuelle et morale. Il y tire les conséquences de la défaite de 1870 : « Enervée par la démocratie, démoralisée par la prospérité même, la France a expié de la manière la plus cruelle ses années d'égarement. » Il considère que le mal est profond et que les faiblesses de la France trouvent leur origine dans une démocratie mal comprise. Selon lui, un pays ne peut respecter des gouvernants qu'il a lui-même élus, et qui ont dû s'abaisser à son niveau pour recueillir ses suffrages. Il considère que la moyenne intellectuelle du corps électoral est à peine celle d'un homme ignorant et borné, et qu'il serait surprenant que de cette masse puisse sortir un gouvernement brillant, fort, éclairé. Renan s'en prend à la démocratie bavarde et superficielle, qui ne satisfait que la sottise et la vanité, et il insiste sur la nécessaire dimension aristocratique : « La conscience d'une nation réside dans la partie éclairée de la nation, laquelle entraîne et commande le reste. La civilisation, à l'origine, a été l'œuvre d'un tout petit nombre (nobles et prêtres) au sein d'une foule qui, abandonnée à elle-même, les laisse tomber »... Pour Renan, le plus grave danger est que le monde moderne peut se désolidariser du passé, qu'il veut tout réinventer. Mais lorsqu'il n'y a plus de chaîne entre les morts et les vivants, l'avenir est compromis. Et puis, il y a une fatalité dans la République : elle provoque l'anarchie, l'immoralité et est tentée de détruire son histoire. Renan va proposer deux remèdes : à côté d'une assemblée élue par tous les citoyens devrait exister une seconde chambre, élue au suffrage universel indirect, où siégeraient à vie « les autorités sociales, qui seraient les gardiens des mœurs, les surveillants des deniers publics. » Une sorte de chambre des Corporations... Renan était aussi fasciné par la science, et adhéra immédiatement aux théories de Darwin sur l'évolution des espèces. Il établit un rapport étroit entre les religions et leurs racines ethnico-géographiques.
Dans son ouvrage paru en 1882, Qu'est-ce qu'une nation ?, il formula l'idée qu'une nation repose sur un réel passé commun et sur une volonté d'association : « Ce qui constitue une nation, ce n'est pas déparier la même langue, ou d'appartenir à un groupe ethnographique commun, c'est d'avoir fait ensemble de grandes choses dans le passé et de vouloir encore en faire dans l'avenir... » On croit lire Barrès…
Ernest Renan meurt le 2 octobre 1892 en murmurant : « Mon Dieu, ayez pitié de moi, comme j'ai pitié de moi-même. »
R.S. Rivarol du 16 mars 2012
Ernest Renan avait exposé ses idées politiques dans un ouvrage, composé en 1871, intitulé La réforme intellectuelle et morale. Il y tire les conséquences de la défaite de 1870 : « Enervée par la démocratie, démoralisée par la prospérité même, la France a expié de la manière la plus cruelle ses années d'égarement. » Il considère que le mal est profond et que les faiblesses de la France trouvent leur origine dans une démocratie mal comprise. Selon lui, un pays ne peut respecter des gouvernants qu'il a lui-même élus, et qui ont dû s'abaisser à son niveau pour recueillir ses suffrages. Il considère que la moyenne intellectuelle du corps électoral est à peine celle d'un homme ignorant et borné, et qu'il serait surprenant que de cette masse puisse sortir un gouvernement brillant, fort, éclairé. Renan s'en prend à la démocratie bavarde et superficielle, qui ne satisfait que la sottise et la vanité, et il insiste sur la nécessaire dimension aristocratique : « La conscience d'une nation réside dans la partie éclairée de la nation, laquelle entraîne et commande le reste. La civilisation, à l'origine, a été l'œuvre d'un tout petit nombre (nobles et prêtres) au sein d'une foule qui, abandonnée à elle-même, les laisse tomber »... Pour Renan, le plus grave danger est que le monde moderne peut se désolidariser du passé, qu'il veut tout réinventer. Mais lorsqu'il n'y a plus de chaîne entre les morts et les vivants, l'avenir est compromis. Et puis, il y a une fatalité dans la République : elle provoque l'anarchie, l'immoralité et est tentée de détruire son histoire. Renan va proposer deux remèdes : à côté d'une assemblée élue par tous les citoyens devrait exister une seconde chambre, élue au suffrage universel indirect, où siégeraient à vie « les autorités sociales, qui seraient les gardiens des mœurs, les surveillants des deniers publics. » Une sorte de chambre des Corporations... Renan était aussi fasciné par la science, et adhéra immédiatement aux théories de Darwin sur l'évolution des espèces. Il établit un rapport étroit entre les religions et leurs racines ethnico-géographiques.
Dans son ouvrage paru en 1882, Qu'est-ce qu'une nation ?, il formula l'idée qu'une nation repose sur un réel passé commun et sur une volonté d'association : « Ce qui constitue une nation, ce n'est pas déparier la même langue, ou d'appartenir à un groupe ethnographique commun, c'est d'avoir fait ensemble de grandes choses dans le passé et de vouloir encore en faire dans l'avenir... » On croit lire Barrès…
Ernest Renan meurt le 2 octobre 1892 en murmurant : « Mon Dieu, ayez pitié de moi, comme j'ai pitié de moi-même. »
R.S. Rivarol du 16 mars 2012
samedi 26 mai 2012
Préhistoire et haute Antiquité
Triomphe de la cité
En
l'espace de quelques millénaires, nos ancêtres ont successivement
découvert l'art (Lascaux), l'agriculture puis l'écriture,...
L'anthropologie récente montre qu’ils ont très tôt goûté l'avantage de
vivre en société, dans des villages, plutôt qu'isolés. L'agriculture est
venue plus tard, comme une conséquence naturelle de la première
urbanisation.Il y a 5000 ans, après les premiers villages et l'agriculture, apparaissaient à Sumer les premières cités-États, en corrélation avec l'invention de l'écriture. L'Histoire témoigne ainsi d'une progression constante des cités et des villes, jusqu'à nos métropoles géantes.
L'être humain est apparu il y a un peu plus de 3 millions d'années mais les premiers hommes
ressemblaient davantage à de grands singes qu'à nous-mêmes. Pendant
longtemps, nos ancêtres parcouraient la terre en chassant et en
cueillant ce qu'ils trouvaient. Ils utilisaient de grossiers outils en
pierre taillée, d’où le nom de Paléolithique (Ancien Âge de la Pierre)
que nous donnons à leur époque. Ils n'étaient alors pas très nombreux
(100.000 tout au plus).
Notre espèce, l’homo sapiens, a moins de 100.000 ans. On en a découvert les premiers squelettes dans la grotte de Cro-Magnon, sur les bords de la Dordogne.
Ces
hommes de Cro-Magnon nous ont laissé de remarquables témoignages de
leur art rupestre dans les grottes de Lascaux (Dordogne) ou Altamira qui
remontent au début des grandes glaciations, il y a 18.000 ans.
Les
grandes glaciations ont permis à des Asiatiques de franchir à pied le
détroit de Béring recouvert par la banquise et d’occuper le continent
américain, achevant ainsi le peuplement de toutes les terres émergées.
Premiers villages
Il
y a 10000 ans, au Moyen-Orient, tout change brusquement. Cette vaste
région (aujourd'hui l'Égypte, Israël, la Palestine et la Jordanie, le
Liban, la Syrie, la Turquie et l'Irak) se couvre à perte de vue de
graminées et de céréales. Ses habitants n'ont plus besoin de beaucoup se
déplacer pour trouver leur nourriture. Aussi choisissent-ils de se
grouper dans de petits villages.
Au fil du temps, ils prennent l'habitude de semer des graines près de leurs maisons. C'est ainsi que naît l'agriculture.
Les villageois conviennent que dans chaque champ, la récolte appartient
à celui qui a semé les graines. Dans chaque village, ils désignent un
chef et un conseil pour arbitrer les querelles de propriété.
Petit
à petit se mettent en place des institutions et des lois semblables aux
nôtres. Grâce aux ressources nouvelles et au supplément de confort
apportés par l’agriculture, la population de la planète croît rapidement
jusqu’à atteindre dix millions d’habitants.
Artisanat et premières villes
Au
bout de quelques milliers d'années, les pluies se faisant plus rares,
les agriculteurs du Moyen-Orient se concentrent sur un territoire en
forme de croissant que nous appelons pour cette raison Croissant
fertile. Dans ce Croissant fertile, de grands fleuves favorisent
l'irrigation des champs et compensent la raréfaction des pluies.
Ces fleuves sont:
- le Nil, qui traverse l'Égypte,
- le Jourdain, qui baigne la Palestine,
- le Tigre et l'Euphrate dont le bassin forme la Mésopotamie (aujourd'hui l'Irak).
- le Nil, qui traverse l'Égypte,
- le Jourdain, qui baigne la Palestine,
- le Tigre et l'Euphrate dont le bassin forme la Mésopotamie (aujourd'hui l'Irak).
Dans
leurs vallées vont naître les premières grandes civilisations humaines.
Les paysans font appel à des artisans pour leur fournir les outils, les
poteries et les vêtements dont ils ont besoin. Ces artisans emploient
des outils en pierre polie, d’où le nom de Néolithique (Nouvel Âge de la
Pierre) donné à leur époque.
Avec
la multiplication des artisans, les villages grandissent et deviennent
de vraies villes de plusieurs dizaines de milliers d'habitants. Les
premières villes apparaissent dans une région appelée Sumer, au sud de
la Mésopotamie, autour de la ville actuelle de Bassora. L’une de ces
anciennes villes, Our, est connue pour donner naissance à Abraham,
l’ancêtre du peuple hébreu ou juif, si l’on en croit la Bible.
Naissance de l'écriture
Pour
dénombrer leurs troupeaux, leurs récoltes et leurs biens, les habitants
de Sumer dessinent avec une tige de roseau des nombres et des dessins
(vaches, maisons, pots,...) sur des tablettes en argile humide.
Les
plus habiles simplifient les dessins pour écrire plus vite. Ils ne
représentent pas seulement les objets mais aussi les sons par un signe.
C'est ainsi que naît la première écriture à Sumer, il y a 5.000 ans (soit 3.000 ans avant Jésus-Christ).
À
peu près à la même époque apparaît la métallurgie. L’humanité entre
timidement dans l’Âge des Métaux. Elle n’en est pas encore sortie.
Grâce à l'écriture, les rois qui gouvernent les premières villes transmettent plus facilement leurs ordres à leurs administrés.
Leur
autorité s'accroît et l’on assiste à la naissance de véritables
cités-États avec une administration efficace et des sujets obéissants.
C'est la fin de la Préhistoire et le début de l'Histoire ! « L’Histoire commence à Sumer », dit l’historien Samuel Kramer.
La haute Antiquité
Vers
6.500 avant JC, le Sahara, vaste savane parcourue par de nombreux
troupeaux, se transforme en désert. Son assèchement isole l’Afrique
centrale du reste du monde. Aussi les sociétés africaines ne vont-elles
de longtemps dépasser le stade du Néolithique, ignorant l’écriture et ne
connaissant d’autre source de richesse que la possession d’esclaves… et
de femmes.
Les
habitants du Sahara cherchent leur survie en se regroupant sur les
bords du Nil. Né dans les montagnes d'Éthiopie, le fleuve coule vers la
Méditerranée, au nord, en traversant le désert sur plus de mille
kilomètres. Tous les ans, en septembre, gonflé par la fonte des neiges
d'Éthiopie, le Nil sort de son lit et inonde sa vallée. En se retirant,
au mois de décembre, il laisse dans la vallée un limon très fertile.
Les
paysans arrivent très vite à tirer le meilleur parti des crues du
fleuve. Ils obtiennent en un temps record d'abondantes récoltes de
céréales grâce à des règles strictes pour le partage des terres et
l'entretien des canaux d'irrigation et de drainage. Le roi devient le
garant de l'ordre social indispensable à la gestion des crues. Il est
assisté par de nombreux fonctionnaires et des scribes sélectionnés pour
leur maîtrise de l'écriture. Comme les hommes de cette lointaine époque
ignorent la monnaie, c'est en nature (blé, bétail,...) que les
fonctionnaires collectent les impôts auprès des paysans pour développer
les infrastructures.
Pendant
la crue du fleuve, quand il est impossible de travailler dans la
vallée, les paysans se mettent au service de l'administration royale.
Ils construisent des temples comme celui de Karnak, des palais et des
tombeaux… dont les fameuses pyramides de Gizeh, plus grands monuments
construits de main d’homme.
Ainsi naît l’Égypte,
le premier État de l'Histoire. Le voyageur grec Hérodote, découvrant le
royaume des pharaons sur son déclin, a pu écrire avec justesse : « L'Égypte est un don du Nil ».
Une exceptionnelle stabilité
La
vallée du Nil est unifiée sous l'autorité d'un roi unique, le pharaon,
vers l'an 3.100 avant JC. On estime qu'elle est alors peuplée de 1,5 à 5
millions d'habitants, ce qui est beaucoup au regard des techniques
disponibles (aujourd'hui, le pays compte environ 70 millions
d'habitants).
Le ciment de l'Égypte ancienne est la religion.
À
l'origine, chaque cité avait ses propres divinités. Avec l'émergence
d'un État centralisé, ces divinités sont réunies dans une cosmogonie
commune.
Tous
les habitants partagent la même vision de la création du monde, avec
une place privilégiée pour Rê (plus tard appelé Amon), le dieu-soleil
qui dispense la vie sur la Terre. Sa domination sur les autres dieux du
panthéon égyptien fait dire à certains historiens que la religion des
pharaons était plus proche du monothéisme que du polythéisme.
Une très longue Histoire
Protégée
par son isolement, entre le désert et la mer, l'Égypte des pharaons a
perduré comme État indépendant pendant 25 siècles en conservant les
mêmes coutumes, les mêmes croyances et la même langue. Aucun autre État,
même la Chine, n'a encore réussi semblable performance ! Trente
dynasties de pharaons se sont succédé de l’an 2635 avant JC à l’an 30
avant JC (suicide de Cléopâtre, dernière reine d’Égypte), troublées de
temps à autre par des invasions.
Les pyramides de Gizeh remontent aux premières dynasties.
Beaucoup
plus tard apparaissent d’illustres souverains, comme la reine
Hatchepsout (1503 à 1482 avant JC), qui cultiva la paix et la
prospérité, et le pharaon Ramsès II (1292 à 1213 avant JC), dont nous
pouvons encore contempler la momie.
On doit à Ramsès II le temple d’Abou-Simbel, qui célèbre l’une de ses victoires.
Babylone et Ninive
L’Égypte
ne reste pas longtemps seule ! Les cités-États de la Mésopotamie se
regroupent sous l’égide de l’une d’elles, Babylone (près de l’actuelle
Bagdad). Babylone atteint son apogée sous le long règne d'Hammourabi
(1792 à 1750 avant JC). Ce conquérant est aussi le premier législateur
de l’Histoire. Pour homogénéiser les lois dans son vaste empire, il
conçoit un code de 282 articles dont une copie, sur une stèle de
basalte, est conservée au musée du Louvre.
Le Moyen-Orient passe ensuite sous la coupe des Assyriens, dont la capitale, Ninive, se situe au Kurdistan actuel.
L’Assyrie
atteint son apogée sous le règne d’Assourbanipal, mille ans après
Hammourabi. Assourbanipal étend son empire jusqu’au Nil. Mais 20 ans
après sa mort, l’Assyrie s’effondre et à sa place renaît… Babylone, plus
prospère que jamais.
Nabuchodonosor, roi de Babylone, s’empare de Jérusalem, ville sainte des Hébreux (16 mars 597 avant JC). Une partie de ces derniers sont contraints de s’exiler sur les bords du Tigre.
Le
roi embellit aussi sa capitale. Il construit des jardins suspendus pour
son épouse et rénove la ziggourat, une tour qui a inspiré le mythe
biblique de la « tour de Babel ».
20 ans après sa mort, la Babylonie s’effondre à son tour sous les coups portés par un nouveau venu, Cyrus, « Roi des Rois », empereur des Mèdes et des Perses.
Cyrus réduit Babylone au rang de capitale provinciale et permet aux Hébreux de regagner leur pays.
La Perse est le premier empire à vocation universelle. Son fondateur Cyrus le Grand
soumet presque tous les peuples du Moyen-Orient à son autorité en
respectant leurs dieux et leurs coutumes. Cela lui vaut d’être souvent
accueilli en libérateur. Darius 1er poursuit sa politique. Il fonde une
nouvelle capitale, Persépolis, dont les ruines témoignent encore de la
splendeur et de l’ancienneté de la civilisation perse (ou iranienne).
Mais
il éprouve des déboires inattendus avec un petit groupe de cités des
bords de la mer Égée. De celles-ci l’Histoire se souviendra bien plus
que de la grande Perse...
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