Mais n’anticipons pas.
Yakov
Blumkin naît en 1898 dans une famille juive d’Ukraine et comme la
valeur n’attend pas le nombre des années, s’engage dès ses 16 printemps
dans les rangs du parti révolutionnaire-socialiste (ou vice-versa, mais
ça revient au même). Après la révolution d’octobre – il n’a guère que 19
ans - il devient le chef du service contre-espionnage de la tchéka, travaillant sous les ordres de Félix Dzerzhinsky. Durant la terreur rouge, il sera connu pour sa brutalité.
Wikipédia
nous rapporte également une information qui en dit long sur les
méthodes alors employées pour envoyer à la mort à peu près n’importe qui
pour n’importe quoi. Ce n’est pas une histoire juive, bien que
strictement tous les protagonistes le soient. L’écrivain Isaiah Berlin
raconte cette histoire survenue au poète Osip Mandelstam :
« Un
soir, peu après la révolution, il était assis dans un café où se
trouvait le terroriste révolutionnaire bien connu Blumkin…qui était à
l’époque un officiel de la tchéka…en train d’écrire d’un air aviné les
noms des hommes et des femmes à exécuter sur des formulaires vierges
déjà signés par le chef de la police secrète. Mandelstam surgit
brusquement devant lui, saisit les listes, les déchira en morceaux
devant les spectateurs stupéfaits, puis disparut en courant. A cette
occasion, il fut sauvé par la sœur de Trotsky » (qui était, comme nous le savons, l’épouse de Lev Rosenfeld, dit Kamenev).
Blumkin,
qui était resté membre du parti révolutionnaire-socialiste (opposé au
traité de Brest-Litovsk), fut chargé par le comité exécutif d’assassiner
Wilhelm Mirbach, l’ambassadeur allemand en Russie,
afin d’inciter à une guerre contre l’Allemagne. Il exécuta son contrat
le 6 juillet 1918, ce qui provoqua une insurrection armée à Moscou, vite
calmée par les bolcheviques. Qui en profitèrent pour se débarrasser de
ce parti encombrant. Son coup fait et devant la tournure des événements,
Blumkin disparut dans la nature.
Dzerzhinsky,
le chef de la tchéka, va cependant pardonner à cette tête brûlée, mais
efficace. Au printemps de 1920, Blumkin est envoyé dans la province de
Gilan en Iran, près de la mer Caspienne, où Mirza Koochak Khan
avait établi une « république soviétique socialiste perse » à
l’existence plutôt brève. Attention, ça devient très compliqué, mais je
vais simplifier. A peine arrivé, le 30 mai, Blumkin fomente un coup
d’état et met en place une équipe locale dominée par les communistes.
Il
était donc inutile qu’il s’attarde. En août 1920, le revoilà à
Petrograd pour une nouvelle mission. Cette fois, il doit veiller à la
sécurité du train blindé qui emmène Zinoviev, Radek, Béla Kun et le
journaliste communiste John Silas Reed au Congrès des nationalités opprimées
(si, si ...) qui a lieu à Bakou, en Azerbaïdjan. Pour cela, ils doivent
traverser des zones où la guerre civile fait rage, d’où le blindage du
train. A Bakou sera plébiscitée la proposition de Zinoviev, alors chef
du Komintern, d’appuyer, et d’inciter si nécessaire, les révoltes des
populations du Moyen-Orient contre les Anglais.
De
retour à Moscou, il se lie avec Trotsky et, durant deux ans, lui
servira de documentaliste et de secrétaire pour son livre qui paraîtra
en 1923, Ecrits militaires. Il rejoint ensuite la Guépéou nouvellement créée à la suite de la tchéka, toujours au rayon espionnage.
On
glose souvent sur les manies « ésotériques » de Hitler et les
expéditions lointaines qu’il aurait commanditées. Eh bien, il n’était en
tout cas pas le seul car dès les années 20, les bolcheviques
financèrent plusieurs expéditions au Tibet dans l’idée de découvrir la mythique cité de Shambala
dont les habitants étaient réputés communiquer par télépathie. En 1926
et en 1928, deux expéditions menées par le théosophe russe Nicholas
Roerich visitèrent bel et bien Lhassa. Blumkin accompagna les deux
voyages en tant qu’ « agent spécial », déguisé à l’occasion en lama ou
en mongol.
En
1929, il est en Turquie où il met en vente des incunables hébreux
provenant de la Bibliothèque Lénine de Moscou afin de financer un réseau
d’espionnage sur le Moyen-Orient. Il y rencontre Trotsky qui s’y
trouvait après sa récente expulsion d’URSS et ça va être le début de ses
malheurs, que je vais également abréger, car c’est une très sombre
histoire.
Trotsky
lui communique un message secret à transmettre à Radek. Cela va hélas
se savoir (comment ? nul ne le sait) et entraîner l’ire de Staline.
Entre en scène à ce moment-là une connaissance, Trilisser, chef des
services secrets, qui pour faire tomber Blumkin, choisit la méthode la
plus simple (et la plus agréable) : une belle espionne soviétique
chargée de le faire parler. Elle s’appelait Lisa Gorskaya, alias Elizabeth Zubilin et sa carrière n’est pas triste non plus. Nous y reviendrons.
En
attendant, Blumkin se fait avoir comme un bleu. Dans le courant de
l'année, il est arrêté pour trahison et traduit devant un tribunal de la
Guépéou présidé par Iagoda. C’est finalement Staline qui décidera de la
peine de mort. Il paraît que devant le peloton d’exécution, il cria ces
derniers mots : Longue vie à Trotsky !
D’une certaine manière, il a été exaucé. http://france-licratisee.hautetfort.com
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