lundi 31 janvier 2011

Bernard Lugan : Les conséquences de la colonisation

Conférence de Bernard Lugan pour France Idée d’Avenir, le 20 janvier 2011 à Lyon.

« La France est devenue la colonie de ses colonies. Notre Peuple est en danger de mort. Nous devons évacuer tout ce qui nous alourdit. Le bateau est en train de sombrer dans la tempête, larguons par dessus bord tout ce qui est inutile et nous alourdit. »

« Nous n’avons pas été capables de pratiquer l’assimilation alors que nous étions les maîtres là-bas et l’on voudrait nous faire croire que nous allons être capables de la pratiquer ici, alors que nous sommes colonisés chez nous. »


Bernard Lugan - La France "colonie de ses colonies" ?
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La tradition sacrée des cathédrales françaises

L’homme sait, depuis des millénaires, que la terre est parcourue par des flux d’énergie.
Dans le monde entier, des milliers de légendes puisent leur origine dans cette connaissance (dragons, serpents, chemins magiques, sources miraculeuses, lieux ensorcelés, etc.).
En Occident, de la Toscane à l’Ecosse, de l’Ombrie au Pays de Galles, de la Thuringe à l’Aragon, des centaines de lieux-dits évoquent cette sapience.
Tarascon, par exemple, rappelle la tarasque, monstre fabuleux appelé à Abbeville “Lézard”, à Angles “Troussepoil”, à Rouen “Gargouille”, à Poitiers “Grand Goule”, à Metz “Graoulli”, à Reims “Kraoulla”, à Troyes “Chair-Salé”, à Louvain et un peu partout en France “Dragon”, “Wouivre” ou “Drac”.
En Occident comme en Orient (où l’on attribue les tremblements de terre aux convulsions d’un gigantesque monstre enfoui), le dragon symbolise, depuis la plus haute antiquité, les courants telluriques.
C’est la connaissance ancienne de ces phénomènes, aujourd’hui méprisée, qui explique que les cathédrales furent bâties sur les lieux mêmes où, avant l’ère chrétienne, se déroulaient les cultes païens.
Les esprits forts ont attribué ce maintien dans les lieux à un calcul de l’Église désireuse de se substituer aux anciennes religions et de les “récupérer”, en quelque sorte, en s’arrangeant pour que les fidèles passent d’une religion à l’autre comme sans s’en rendre compte. Cette explication, qui revient à prendre nos ancêtres pour des demeurés incapables de faire la différence entre un druide dans un chêne et un prêtre en chaire, n’est évidemment pas recevable.
La vraie raison, c’est qu’il existe dans le monde des “lieux où souffle l’esprit” ; des lieux privilégiés et qui sont comme des points d’acupuncture de la terre.
Henri Vincenot a écrit là-dessus des pages définitives dans “Le Pape des escargots” et, surtout, dans “Les Etoiles de Compostelle“. Quant à Jean Phaure, son oeuvre entière est imprégnée de cette évidence.
Entre ces forces chthoniennes et l’Esprit d’en haut, les hommes ont trouvé un chemin : la cathédrale.
La cathédrale est un lieu où la sainte Vierge terrasse le serpent…
Ce n’est pas un simple bâtiment. C’est un appareil d’une extraordinaire précision, d’une infinie sensibilité, qui assure l’échange entre forces telluriques et Puissances célestes.
La cathédrale est le lieu de leur rencontre, l’enceinte de leur affrontement, de leur étreinte.
Elle est l’ ”athanor” où la fusion se fera.
Elle permet aux forces d’En Haut d’imposer leur harmonie au chaos des forces d’en bas. Elle met l’homme en prière au coeur de cet échange, recevant à la fois le souffle céleste et la sève terrestre.
Ce combat fécond est présent dans les légendes et les mythologies les plus anciennes (Anubis transperçant un serpent géant, Apollon faisant subir le même sort au monstrueux Python, Thésée assommant le Minotaure, Jason l’emportant sur le dragon gardien de la Toison d’or, jusqu’au toréador d’aujourd’hui réduisant le taureau).
Mythe païen, il est resté intimement lié aux plus hautes traditions chrétiennes. C’était, par exemple, le thème central de fêtes aujourd’hui malheureusement délaissées : les “Rogations” qui, depuis le Ve siècle, évoquaient le combat de l’Ange contre le Dragon, réglant en quelque sorte les noces du ciel fécondateur et de la terre fécondée.
En France, la tradition légendaire le voit à Artins, dans le Loir-et-Cher, où saint Julien maitrisa le serpent caché sous une statue de Jupiter, à Avignon où sainte Marthe combattit la tarasque, à Aytre, en Charente-maritime, où sept héros abîmèrent la “Bête Ro” dans le gouffre de Chevarache, à Bagnoles-sur-Cèze où le Coulobre à sept têtes et sept queues fut enseveli dans un puits, près de Cambrai où saint Géry extermina une nichée de dragons, non loin de Moulins où saint Menoux éloigna la “Couleuvre” et en cent autres lieux.
Quant à la tradition religieuse, elle le reconnaît, admirablement symbolisé dans l’icône inspirée de l’Apocalypse : “Saint Michel terrassant le dragon” et, bien plus encore, dans la tradition de la Vierge écrasant le serpent.
La tradition voue d’ailleurs à Notre Dame les cathédrales de France. AÀEvry, elle est dédiée à Saint Corbinien ermite et appelée “cathédrale de la Résurrection”, ce qui confirme implicitement que ce bâtiment n’est pas vraiment la cathédrale du lieu.
La ville a déjà sa cathédrale : Saint-Spire, admirable monument gothique, siège épiscopal canoniquement désigné depuis des siècles mais que l’évêque Herbulot a volontairement oublié.
… terrasser ce n’est pas tuer ; c’est littéralement jeter à terre, donc dominer ; c’est vaincre, soumettre, dompter.
La cathédrale est donc le Lieu où la Sainte Vierge terrasse le serpent. Le mot n’est pas indifférent : terrasser, ce n’est pas tuer ; c’est, littéralement, jeter à terre, donc dominer ; c’est vaincre, soumettre, dompter.
Un autre rôle de la cathédrale est de capter, de concentrer, d’amplifier les courants telluriques. Comme l’”allée couverte”, la “voie voûtée” des dolmens préhistoriques, elle joue un rôle d’amplificateur. Elle permet à l’homme de baigner dans les forces telluriques et cosmiques associées.
Cette allée voûtée “envoûte”.
C’est pourquoi la cathédrale doit être précisément orientée selon la Croix : autel vers le Levant, pour mettre l’homme face au flux, portail vers le Couchant, c’est-à-dire vers le séjour des morts.
C’est aussi pourquoi la cathédrale ne peut pas être placée n’importe où.
Pas plus qu’un moulin à vent.
Elle ne peut s’élever qu’en ces “lieux où souffle l’esprit”, c’est-à-dire, comme l’expliquait Vincenot, ces lieux où les courants énergétiques affleurent la surface de la terre et que les hommes connaissent depuis la préhistoire, ainsi qu’en témoigne, par exemple, l’édification de la cathédrale de Chartres - à l’emplacement d’un temple païen abritant un puits réputé guérisseur et à proximité duquel on vénérait une déesse que la Tradition identifia à la Vierge parturiente (Virgo paritura) - ou l’érection de la basilique de Saint-Denis - à l’emplacement d’un sanctuaire druidique, haut lieu spirituel de toute la Gaule déjà “récupéré” par les Romains qui en avalent fait le Monte Jovis (Mont de Jupiter), devenu Montjoie.
Enfin, la cathédrale. véritable “fusée spirituelle”, témoigne, par les lignes mêmes de son architecture, de la volonté de l’homme de surpasser sa nature terrestre pour se rapprocher du Créateur “qui l’a fait à sa ressemblance”.
En quoi la cathédrale d’Evry répond-elle à ces exigences ?
Son emplacement correspond-il à un lieu marqué traditionnellement ?
À quels motifs ont obéi ses promoteurs ?
Son architecture est-elle conforme à la fonction technico-spirituelle d’une cathédrale ?
C’est à quoi nous tenterons de répondre la décade prochaine. (à suivre)
par Serge de Beketch Le Libre Journal de la France Courtoisen° 70 du 9 juin 1995

dimanche 30 janvier 2011

La CIA finance la construction européenne (archive 2003)

De 1949 à 1959, en pleine guerre froide, les Américains, par l'intermédiaire de leurs services secrets et du Comité pour l'Europe unie, versent l'équivalent de 50 millions de dollars actuels à tous les mouvements pro-européens, parmi lesquels ceux du Britannique Winston Churchill ou du Français Henri Frenay. Leur but, contenir la poussée soviétique…

À 82 ans, Henri Frenay, le pionnier de la Résistance intérieure, fondateur du mouvement Combat, arbore une forme intellectuelle éblouissante malgré sa surdité de l'oreille droite et sa récente opération de l'estomac. Pourtant, il n'a plus que trois mois à vivre. En ces jours de mai 1988, il me parle de l'Europe dans son appartement de Boulogne-sur-Seine. De cette Europe fédérale dont il a rêvé en vain entre 1948-1954. De la dette aussi que, en cas de succès, le Vieux Continent aurait contracté envers les Américains, ceux notamment du ” Comité “. Et d'insister une fois, deux fois, dix fois, tandis que moi, je m'interroge : pourquoi diable ce mystérieux ” Comité ” revient-il à une telle fréquence dans nos conversations ? Pourquoi ? Mais parce que Frenay me confie, avec il est vrai d'infinies précautions de langage, son ultime secret : l'aide financière occulte de la CIA via l'American Committee for United Europe - le Comité - à l'Union européenne des fédéralistes dont il a été le président. Pour reconstituer cette filière inédite, il me faudra une quinzaine d'années. Un jeu qui en valait la chandelle puisqu'il me permet d'ouvrir, pour les lecteurs d' Historia, la porte d'un des compartiments les plus secrets de la guerre froide…

Tout commence à l'automne 1948. Déjà coupée en deux, l'Europe vit sous la menace d'une invasion totale par l'armée rouge. Au ” coup de Prague ” en février, vient de succéder en juin le blocus de Berlin. Un petit cénacle de personnalités de l'ombre jette alors les bases de l'American Committee for United Europe, l'ACUE - son existence sera officialisée le 5 janvier 1949 à la maison de la Fondation Woodrow-Wilson de New York. Politiques, juristes, banquiers, syndicalistes vont se mêler au sein de son conseil de direction. De hautes figures gouvernementales aussi comme Robert Paterson, le secrétaire à la Guerre ; James Webb, le directeur du budget ; Paul Hoffman, le chef de l'administration du plan Marshall ; ou Lucius Clay, le ” proconsul ” de la zone d'occupation américaine en Allemagne.

Bien tranquilles, ces Américains-là ? Non, car la véritable ossature de l'ACUE est constituée d'hommes des services secrets. Prenez son président, William Donovan. Né en 1883 à Buffalo, cet avocat irlando-américain au physique de bouledogue, surnommé ” Wild Bill ” par ses amis, connaît bien l'Europe. En 1915, il y remplissait déjà une mission humanitaire pour le compte de la Fondation Rockefeller. Deux ans plus tard, Donovan retrouvait le Vieux Continent pour y faire, cette fois, une Grande Guerre magnifique. Redevenu civil, ” Wild Bill ” va se muer en missus dominicus du gouvernement américain. Ses pas d'émissaire officieux le portent vers l'Europe pour des rencontres parfois imprévues. En janvier 1923, alors qu'ils goûtent un repos bien mérité, sa femme Ruth et lui devront ainsi subir une soirée entière les vociférations d'un autre habitué de la pension Moritz de Berchtesgaden. Dix-sept ans plus tard, l'agité, un certain Adolf Hitler, s'est rendu maître de la partie continentale de l'Europe, et c'est ” Wild Bill ” que Franklin Roosevelt, inquiet, dépêche à Londres s'enquérir auprès de Winston Churchill du potentiel britannique face à l'avancée nazie.

En juin 1942, Donovan, homme de confiance du président démocrate pour les affaires spéciales, crée l'Office of Strategic Services (OSS), le service secret américain du temps de la Seconde Guerre mondiale dont il devient le chef et qu'il quittera à sa dissolution, en septembre 1945, sans perdre le contact avec l'univers du renseignement : ” Wild Bill ” tisse des liens privilégiés avec la Central Intelligence Agency, la CIA, créée officiellement le 15 septembre 1947 par une loi sur la sécurité nationale signée par le successeur de Roosevelt, Harry Truman.

Prenez le vice-président de l'ACUE Walter Bedell Smith, ancien chef d'état-major d'Eisenhower pendant la Seconde Guerre mondiale puis ambassadeur des États-Unis à Moscou. A partir d'octobre 1950, celui que ses amis surnomment le ” Scarabée ” ( beetle en anglais) va prendre les commandes de la CIA. 1950, c'est justement l'année où des universitaires comme Frederick Burkhardt et surtout William Langer, historien à Harvard, lancent la section culturelle de l'ACUE. Ces deux proches de Donovan ont servi autrefois dans les rangs de l'OSS. Langer en a dirigé le service Recherche et Analyse et, excellent connaisseur de la politique française, a même commis après-guerre un ouvrage savant qui s'efforçait de dédouaner Le Jeu américain à Vichy (Plon, 1948).

Prenez surtout Allen Dulles. A l'été 1948, c'est lui qui a ” inventé ” le Comité avec Duncan Sandys, le gendre de Churchill, et George Franklin, un diplomate américain. Principal associé du cabinet de juristes Sullivan & Cromwell, Dulles n'impressionne guère de prime abord avec ses fines lunettes, ses éternelles pipes de bruyère et ses vestes en tweed. Sauf qu'avec ce quinquagénaire, un maître espion entre dans la danse.

Retour à la case Seconde Guerre mondiale. Chef de l'OSS à Berne, Dulles noue en février 1943 des contacts avec la délégation de Combat en Suisse. Un temps, il assurera même le financement du mouvement clandestin. ” Coup de poignard dans le dos du général de Gaulle “, s'insurge Jean Moulin au nom de la France libre. ” Survie de la Résistance intérieure menacée d'étranglement financier “, rétorque Frenay. Pensant d'abord à ses camarades dénués de moyens, aux maquisards en danger, il ne voit pas pourquoi Combat devrait se priver d'un argent allié versé, c'est convenu, sans contrepartie politique. Cette ” affaire suisse ” va empoisonner un peu plus encore ses rapports avec Moulin.

En 1946, Dulles démissionne des services secrets… pour en devenir aussitôt l'éminence grise, prenant une part prépondérante à la rédaction du texte de loi présidentiel sur la sécurité nationale. Cofondateur à ce titre de la CIA (pour les initiés : l'Agence ou mieux, la Compagnie), Dulles pense qu'en matière d'action clandestine, privé et public doivent conjuguer leurs forces. C'est lui qui a déjà inspiré, par l'intermédiaire de ses amis du Brook Club de New York, le versement des subsides de grosses sociétés américaines à la démocratie chrétienne italienne menacée par un parti communiste surpuissant. En 1950, il va reprendre officiellement du service comme bras droit du Scarabée d'abord, comme son successeur à la tête de la CIA ensuite - de février 1953 à septembre 1961. Record de longévité d'autant plus impressionnant que son frère aîné John Forster Dulles, restera, lui, ministre des Affaires étrangères de 1953 à sa mort de maladie en mai 1959.

Étonnant creuset que l'ACUE, où des personnalités de la haute société et/ou de la CIA côtoient les dirigeants de la puissante centrale syndicale American Federation of Labor, l'AFL, dont ils partagent l'aversion du communisme. Exemples : David Dubinsky, né en 1892 à Brest-Litovsk, en Russie, dirige le Syndicat international de la confection pour dames (ILGWU) : 45 000 adhérents à son arrivée en 1932, 200 000 à la fin des années 1940 ! Ennemi acharné des nazis hier (les syndicalistes proches de l'ACUE sont presque tous juifs), c'est aux commies , les ” cocos “, qu'il en veut dorénavant. Jay Lovestone aussi. Conseiller politique de l'AFL, ce Lituanien d'origine sait de quoi il parle : avant sa brutale exclusion puis sa lente rupture avec le marxisme, il fut, entre 1925 et 1929, le secrétaire général du PC américain ! Autre recrue de choix du Comité, Arthur Goldberg, le meilleur juriste de l'AFL. Futur secrétaire au Travail du président Kennedy puis juge à la Cour supréme, Goldberg, né en 1908, a dirigé l'aile syndicale de l'OSS. A ce titre, il fut en son temps le supérieur hiérarchique d'Irving Brown, son cadet de deux ans. Brown, représentant de l'AFL pour l'Europe et grand dispensateur de dollars aux syndicalistes modérés du Vieux Continent. Puisant dans les fonds secrets de la toute jeune CIA, laquelle finance depuis 1946 toutes les opérations anticommunistes de l'AFL, ce dur à cuire ne ménage pas, par exemple, son soutien à Force ouvrière, la centrale syndicale née fin 1947 de la scission de la CGT (lire ” Derrière Force ouvrière, Brown, l'ami américain ” dans Historia n° 621 de décembre 1997). Pure et dure, la ligne Brown contraste d'ailleurs avec celle, plus nuancée, de la CIA. A la Compagnie, on aurait préféré que les non-communistes restent dans le giron de la CGT, méme contrôlée par le PCF…

C'est qu'au-delà des hommes, il y a la stratégie d'ensemble. Face à l'Union soviétique, Washington développe deux concepts clés : le containment (l'endiguement) et plan Marshall. L'idée du containment , revient à un diplomate russophone, George Kennan, qui la développe dès juillet 1947 dans un article de la revue Foreign Affairs : ” L'élément majeur de la politique des États-Unis en direction de l'Union soviétique doit être celui d'un endiguement à long terme, patient mais ferme, des tendances expansionnistes russes. ”

Le plan Marshall, lui, porte la marque de son inventeur le général George Marshall, chef d'état-major de l'US Army pendant la guerre, et désormais ministre des Affaires étrangères du président Truman. En apportant une aide massive aux pays d'Europe ruinés, les Etats-Unis doivent, selon lui, faire coup double : un, couper l'herbe sous le pied des partis communistes par une hausse rapide du niveau de vie dans les pays concernés ; deux, empécher leur propre industrie de sombrer dans la dépression en lui ouvrant de nouveaux marchés.

Pour le tandem Marshall-Kennan, pas de meilleur outil que la CIA. Et c'est naturellement un autre ancien de l'OSS, Franck Wisner Jr, qu'on charge de mettre sur pied un département autonome spécialisé dans la guerre psychologique, intellectuelle et idéologique, l'Office of Policy Coordination ! Si ce bon vieux ” Wiz ” ne fait pas partie du Comité, ses hommes vont lui fournir toute la logistique nécessaire. Mais chut ! c'est top secret…

L'ACUE allie sans complexe une certaine forme de messianisme américain avec le souci de la défense bien comprise des intérêts des États-Unis. Messianique, cette volonté bien ancrée de mettre le Vieux Continent à l'école du Nouveau Monde. Phare de la liberté menacée, l'Amérique a trouvé, la première, la voie d'une fédération d'États, succès si resplendissant que l'Europe n'a plus qu'à l'imiter… Cet européanisme made in Washington comporte sa part de sincérité : ” Ils m'appellent le père du renseignement centralisé, mais je préférerais qu'on se souvienne de moi à cause de ma contribution à l'unification de l'Europe “, soupire ainsi Donovan en octobre 1952.

De sa part de calcul aussi. Car en décembre 1956, trois mois avant sa mort, le même Donovan présentera l'Europe unie comme ” un rempart contre les menées agressives du monde communiste “. En d'autres termes, un atout supplémentaire de la stratégie américaine conçue par Marshall, Kennan et leurs successeurs : construire l'Europe, c'est remplir un vide continental qui ne profite qu'à Staline, donc, en dernier ressort, protéger les États-Unis.

Ajoutons une troisième dimension. Dans l'esprit des hommes de la Compagnie, rien de plus noble qu'une action clandestine au service de la liberté. Tout officier de la CIA le sait : les États-Unis sont nés pour une bonne part du soutien des agents de Louis XVI, Beaumarchais en tête, aux insurgés nord-américains. Ainsi l'opération American Committee, la plus importante, et de loin menée, par l'Agence en Europe pendant la guerre froide, se trouve-t-elle justifiée par l'Histoire.

Pour chaleureuse qu'elle soit, l'amitié franco-américaine ne saurait toutefois distendre le ” lien spécial ” entre Grande-Bretagne et États-Unis. En foi de quoi, Comité et Compagnie tournent d'abord leur regard vers Londres. Hélas ! Churchill, battu aux législatives de 1945, ronge ses griffes dans l'opposition. Le nouveau secrétaire d'État britannique aux Affaires étrangères, Ernest Bevin, a bien proclamé le 2 janvier 1948 aux Communes : ” Les nations libres d'Europe doivent maintenant se réunir. ” N'empêche que ses collègues du cabinet travailliste et lui repoussent avec horreur la perspective d'une véritable intégration continentale. Non pas que Bevin craigne de s'affronter aux communistes : deux jours après son discours de janvier, il créait un organisme clandestin de guerre idéologique, l'Information Research Department. Ce même IRD qui, jugeant La Ferme des animaux et 1984 plus efficaces que mille brochures de propagande, va contribuer à diffuser partout dans le monde les oeuvres de George Orwell. Mais la carte Europe unie, alors là , non !

Cette carte, Churchill la joue-t-il de son côté par conviction profonde ou par aversion pour ses rivaux politiques de gauche ? Le fait est que le 19 septembre 1946 à Zurich, le Vieux Lion appelle à un axe anglo-franco-allemand, élément majeur selon lui d'une ” espèce d'Etats unis d'Europe “. Qu'en mai 1948, Duncan Sandys, taille aux mesures de son homme d'Etat de beau-père le Congrès européaniste de La Haye. Qu'en octobre 1948, Churchill crée l'United European Movement - le Mouvement européen. Qu'il en devient président d'honneur aux côtés de deux démocrates-chrétiens, l'Italien Alcide De Gasperi et l'Allemand Konrad Adenauer, et de deux socialistes, le Français Léon Blum et le Belge Paul-Henri Spaak. Malheureusement pour les ” amis américains “, cette tendance ” unioniste ” ne propose, à l'exception notable de Spaak, que des objectifs européens limités. Reconstruction économique et politique sur une base démocratique, d'accord, mais sans transfert, même partiel, de souveraineté.

Le Comité et la tendance ” fédéraliste “, dont Henri Frenay émerge comme la figure emblématique, veulent, eux, aller beaucoup plus loin. Aux heures les plus noires de la Seconde Guerre mondiale, Frenay, patriote mondialiste, a conçu l'idée d'un Vieux Continent unifié sur une base supranationale. En novembre 1942, révélera quarante ans plus tard Robert Belot dans le remarquable travail sur Frenay qui vient de lui valoir l'habilitation à diriger des recherches à l'Université, le chef de Combat écrivait au général de Gaulle qu'il faudrait dépasser l'idée d'État-Nation, se réconcilier avec l'Allemagne après-guerre et construire une Europe fédérale. Logique avec lui-même, Frenay se jette dès 1946 dans cette croisade européaniste aux côtés d'Alexandre Marc. Né Lipiansky à Odessa en 1904, ce théoricien du fédéralisme a croisé la trajectoire de Frenay à Lyon en 1941, puis après-guerre. A rebours de l'européanisme de droite inspiré des thèses monarchistes maurrassiennes ou du catholicisme social, les deux amis s'efforcent de gauchir le fédéralisme français alors fort de ” plusieurs dizaines de milliers d'adhérents “, ainsi que me l'assurera l'ancien chef de Combat en 1988.

Orientée à gauche, l'Union européenne des fédéralistes, l'UEF, est créée fin 1946. Elle va tenir son propre congrès à Rome en septembre 1948. Frenay en devient le président du bureau exécutif, flanqué de l'ex-communiste italien Altiero Spinelli, prisonnier de Mussolini entre 1927 et 1937 puis assigné à résidence, et de l'Autrichien Eugen Kogon, victime, lui, du système concentrationnaire nazi qu'il décortiquera dans L'Etat SS (Le Seuil, rééd. 1993). A ces trois dirigeants d'atténuer le profond malaise né de la participation de nombreux membres de l'UEF au congrès de La Haye, où Churchill et son gendre Sandys les ont littéralement roulés dans leur farine ” unioniste “.

Faut-il choisir entre le Vieux Lion et le pionnier de la Résistance intérieure française à l'internationalisme si radical ? Perplexité au Comité, donc à la CIA. Pour Churchill, sa stature d'homme d'État, d'allié de la guerre, sa préférence affichée pour le ” grand large “, les États-Unis ; contre, son refus acharné du modèle fédéraliste si cher aux européanistes américains et bientôt, ses violentes querelles avec le très atlantiste Spaak. En mars 1949, Churchill rencontre Donovan à Washington. En juin, il lui écrit pour solliciter le versement de fonds d'urgence (très riche à titre personnel, l'ancien Premier ministre britannique n'entend pas puiser dans sa propre bourse). Quelques jours plus tard, Sandys appuie par courrier la demande de son beau-père : de l'argent, vite, sinon le Mouvement européen de Churchill s'effondre. Comité et CIA, la principale bailleuse de fonds, débloquent alors une première tranche équivalant à un peu moins de 2 millions de nos euros. Elle permettra de ” préparer ” les premières réunions du Conseil de l'Europe de Strasbourg, qui associe une assemblée consultative sans pouvoir réel à un comité des ministres statuant, lui, à l'unanimité.

Pour soutenir leurs partenaires du Vieux Continent, ACUE et CIA montent dès lors des circuits financiers complexes. Les dollars de l'oncle Sam - l'équivalent de 5 millions d'euros entre 1949 et 1951, le méme montant annuel par la suite - proviennent pour l'essentiel de fonds alloués spécialement à la CIA par le Département d'État. Ils seront d'abord répartis sous le manteau par les chefs du Mouvement européen : Churchill, son gendre, le secrétaire général Joseph Retinger, et le trésorier Edward Beddington-Behrens. En octobre 1951, le retour de Churchill à Downing Street, résidence des premiers ministres anglais, ne tarira pas ce flot : entre 1949 et 1953, la CIA va en effet verser aux unionistes l'équivalent de plus de 15 millions d'euros, à charge pour eux d'en redistribuer une partie à leurs rivaux de la Fédération, la tendance de droite du fédéralisme français, laquelle reverse ensuite sa quote-part à l'UEF. Sommes substantielles mais sans commune mesure avec la manne que l'appareil stalinien international, le Kominform, investit au méme moment dans le financement souterrain des PC nationaux et des innombrables ” fronts de masse ” : Fédération syndicale mondiale de Prague, Mouvement de la paix, mouvements de jeunes, d'étudiants, de femmes…

Pour Frenay, c'est clair : l'Europe fédérale constitue désormais le seul bouclier efficace contre l'expansionnisme communiste. Mais comment aller de l'avant quand le nerf de la guerre manque si cruellement ? L'UEF n'est pas riche. Son président encore moins, dont la probité est reconnue de tous - après son passage au ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés, Frenay, ancien officier de carrière sans fortune personnelle, a quitté l'armée au titre de la loi Diethelm de dégagement des cadres. Comme au temps de ” l'affaire suisse “, le salut financier viendra-t-il de l'allié américain ? Oui, assurent dès l'été 1950 les hommes de l'ACUE à un représentant français de l'UEF en visite à New York. Conforme à la position officielle du gouvernement américain en faveur de l'intégration européenne, leur aide ne sera soumise à aucune contrepartie politique ou autre, condition sine qua non aux yeux d'Henri Frenay. Et de fait, à partir de novembre 1950, l'ACUE va financer secrètement à hauteur de 600 000 euros l'une des initiatives majeures de Frenay et des fédéralistes de gauche : la création à Strasbourg, en parallèle du très officiel Conseil de l'Europe, d'un Congrès des peuples européens, aussi appelé Comité européen de vigilance.

S'associeront à ce projet des socialistes (Edouard Depreux), des religieux (le père Chaillet, fondateur de Témoignage chrétien ), des syndicalistes, des militants du secteur coopératif, des représentants du patronat et méme… des gaullistes tels Michel Debré ou Jacques Chaban-Delmas. Mal conçue médiatiquement, l'affaire échoue de peu. Raison de plus pour accentuer le soutien financier, oeuvre du secrétaire général de l'ACUE, Thomas Braden. Connu pour ses opinions libérales, cet ami du peintre Jackson Pollock, n'a pas hésité quand Donovan, son ancien patron à l'OSS, lui a demandé de quitter la direction du musée d'Art moderne de New York.

En juillet 1951, Frenay effectue à son tour le voyage des États-Unis sous les auspices du Congrès pour la liberté de la culture - une organisation que nous retrouverons bientôt. L'occasion de rencontrer les dirigeants du Comité et ceux de la Fondation Ford (mais pas ceux de la CIA avec lesquels il n'entretiendra jamais de rapports directs) pour leur faire part des besoins matériels des fédéralistes. Message reçu ” 5 sur 5 ” par les Américains…

À cette date, Braden ne figure plus parmi les dirigeants officiels de l'ACUE. En vertu du principe des vases communicants, l'agent secret esthète vient en effet de rejoindre Dulles à la CIA. Les deux hommes partagent cette idée de bon sens : face aux communistes, ce ne sont pas les milieux conservateurs qu'il faut convaincre, mais la gauche antistalinienne européenne, dont Frenay constitue un des meilleurs représentants. Braden va plus loin : ” Comme l'adversaire rassemblé au sein du Kominform, structurons-nous au plan mondial par grands secteurs d'activité : intellectuels, jeunes, syndicalistes réformistes, gauche modérée… “, plaide-t-il. D'accord, répond Dulles. Naît ainsi la Division des organisations internationales de la CIA. Dirigée par Braden, cette direction centralise, entre autres, l'aide de la Compagnie via l'ACUE aux fédéralistes européens. En 1952, l'American Committee for United Europe finance ainsi l'éphémère Comité d'initiative pour l'assemblée constituante européenne, dont Spaak sera président et Frenay, le secrétaire général.

Brouillés avec la ” Fédération “, leur rivale de droite qui servait jusque-là d'intermédiaire pour le versement des fonds CIA-ACUE par le truchement du mouvement churchillien, les amis de Frenay sont très vite au bord de l'asphyxie. Pour parer à l'urgence, Braden, virtuose du financement souterrain au travers de fondations privées plus ou moins bidon, va, cette fois, mettre en place une procédure de versements directs aux fédéralistes de gauche par des antennes para-gouvernementales américaines. A Paris, plaque tournante des opérations de la CIA en Europe avec Francfort, on opérera par le biais de l'Office of Special Representative, conçu à l'origine pour servir d'interface avec la toute jeune Communauté européenne du charbon et de l'acier (Ceca), ou de l'US Information Service (USIS). Par la suite, un bureau ACUE proprement dit sera ouvert.

Comme Jean Monnet, président de la Ceca, Frenay caresse, en cette année 1952, l'idée d'une armée européenne, pas décisif vers l'Europe politique selon lui. L'ACUE approuve chaudement. Prévue par le traité de Londres de mars 1952, cette Communauté européenne de défense comprendrait - c'est le point le plus épineux -, des contingents allemands. Reste à faire ratifier le traité par les parlements nationaux. Frenay s'engage avec enthousiasme dans ce nouveau combat. Pour se heurter, une fois encore, à de Gaulle, qui refuse la CED au nom de la souveraineté nationale et, déjà , du projet ultra secret de force atomique française, ainsi qu'aux communistes, hostiles par principe à tout ce qui contrarie Moscou. D'après les éléments recueillis par Robert Belot - dont la biographie du chef de Combat devrait sortir ce printemps au Seuil -, Frenay demandera même à l'ACUE de financer l'édition d'une brochure réfutant… les thèses gaullistes sur la CED.

Staline meurt en mars 1953. L'année suivante, Cord Meyer Jr, un proche de la famille Kennedy, remplace Braden à la tête de la Division des organisations internationales de la CIA. Mais 1954 verra surtout cet échec cuisant des européanistes : l'enterrement définitif de la CED. Découragé, Frenay abandonne alors la présidence de l'Union européenne des fédéralistes. A partir d'octobre 1955, les ” amis américains ” reportent donc leurs espoirs sur un nouveau venu, le Comité d'action pour les États-Unis d'Europe de Jean Monnet. Lié à Donovan et surtout à l'ambassadeur américain à Paris, David Bruce, un proche de Franck Wisner, Monnet est trop fin connaisseur du monde anglo-saxon pour accepter directement les dollars de la CIA. Compte tenu de sa prudence de Sioux, l'aide américaine à son courant européaniste devra emprunter d'autres voies. En 1956, Monnet se voit ainsi proposer l'équivalent de 150 000 euros par la Fondation Ford. Une offre qu'il décline, préférant que cet argent soit versé au professeur Henri Rieben, un économiste et universitaire suisse pro-européen qui vient d'être nommé chargé de mission aux Hautes Études commerciales de Lausanne. Rieben utilisera ces fonds en toute transparence financière pour créer un Centre de recherches européen.

En 1958, le retour du général de Gaulle, radicalement hostile aux thèses fédéralistes, annihile les derniers espoirs de l'UEF et de ses amis américains. Dissolution de l'ACUE dès mai 1960 puis cessation des financements occultes par la CIA s'ensuivent. En douze ans, la Compagnie aura quand même versé aux européanistes de toutes tendances l'équivalent de 50 millions d'euros sans être jamais prise la main dans le sac ! Mais pourra-t-on préserver longtemps le grand secret ?

La première alerte éclate dès 1962. Trop précise sur les financements américains, une thèse universitaire sur les mouvements européanistes doit être ” enterrée ” d'urgence en Angleterre. Ce remarquable travail est l'oeuvre du fils d'un camarade de résistance de Frenay, Georges Rebattet, créateur en avril 1943 du Service national maquis. Georges Rebattet, le successeur en 1952 de Joseph Retinger comme secrétaire général d'un Mouvement européen dont il a d'ailleurs assaini pour une bonne part le financement.

Deuxième secousse au milieu des années 1960. L'étau de la presse américaine (le New York Times et la revue gauchiste Ramparts ) se resserre sur une des filiales du ” trust ” Braden-Meyer, le Congrès pour la liberté de la culture où se côtoyaient des intellectuels antitotalitaires européens de haute volée - Denis de Rougemont, Manhès Sperber, Franz Borkenau, Ignazio Silone, Arthur Koestler ou, par éclipses, Malraux et Raymond Aron. Financé par la CIA au travers de la Fondation Fairfield, le Congrès édite en français l'une de ses revues les plus prestigieuses, Preuves . Jouant la transparence, Braden jette alors son pavé dans la mare. ” Je suis fier que la CIA soit immorale “, déclare-t-il en 1967 au journal britannique Saturday Evening Post , auquel il confie des révélations sensationnelles sur le financement occulte par la CIA du Congrès pour la liberté et sur le rôle d'Irving Brown dans les milieux syndicaux. Silence radio, en revanche, sur le soutien aux mouvements européanistes, le secret des secrets…

Ultime rebondissement à partir de juin 1970, quand le conservateur anglais pro-européen Edward Heath arrive à Downing Street. À sa demande, l'Information Research Department lance une vaste campagne pour populariser sous le manteau l'européanisme dans les médias et les milieux politiques britanniques. En 1973, l'Angleterre fait son entrée dans le Marché commun ; le 5 juin 1975, 67,2 % des électeurs britanniques ratifient la décision par référendum. Dans ce renversement de tendance en faveur de l'Europe, un homme s'est jeté à corps perdu : nul autre que le chef de la station de la CIA de Londres, Cord Meyer Jr. Ce bon vieux Cord qui remplaçait vingt ans plus tôt son copain Braden à la tête de la Division des organisations internationales de la Compagnie.

Par Rémi Kauffer * 01/03/2003 http://www.historia.fr

Desouche Histoire : la bataille d’Arsuf (7 septembre 1191)

Bonjour à tous ! La rubrique Desouche Histoire redémarre. C’est moi-même qui vais essentiellement la tenir en essayant de vous proposer des articles sur des sujets variés, de l’Histoire militaire à l’Histoire culturelle, de l’antiquité au XXe siècle (même si la grande majorité des sujets se répartiront sur le Moyen-Âge et l’époque moderne). Je commence cette semaine avec la bataille d’Arsuf (ou Arsouf) qui vit s’affronter en 1191 un des grands noms de la Chrétienté, Richard Coeur de Lion, et le fameux Saladin dans le cadre de la troisième croisade… Bonne lecture !
À partir des années 1170, le monde musulman reprend le dessus sur les États croisés du Levant avec pour nouveau champion Saladin. La déroute des Croisés à Hattin (1187) permet au chef musulman de reprendre en quelques années presque toutes les forteresses de la région. Le 2 octobre 1187, Jérusalem tombe après 88 ans aux mains des Croisés, entraînant une intense émotion en Occident et le lancement d’une troisième croisade. Les trois plus puissants souverains d’Europe y participent : le roi de France Philippe Auguste, le roi d’Angleterre Richard Coeur de Lion et l’empereur Frédéric Barberousse (qui ne parviendra pas à destination, se noyant dans le Selef – fleuve d’Anatolie – en le traversant). Richard et Philippe mettent le siège devant Saint Jean d’Acre qui tombe rapidement (3 juillet 1191). Philippe, alors gravement malade et s’entendant mal avec le roi d’Angleterre, décide de rentrer en France… Richard quant à lui poursuit la route vers Jérusalem.
I. La marche de Richard Coeur de Lion
Après la prise d’Acre par les deux souverains chrétiens, l’armée croisée se dirige en direction de Jaffa pour conquérir la côte puis reprendre Jérusalem des mains des Sarrasins. Richard Coeur de Lion fait preuve d’un sens stratégique indéniable en suivant un chemin proche de la mer dont la flotte chrétienne a la maîtrise. Le flanc droit est ainsi à l’abri ; quant au flanc gauche, il est protégé par des fantassins qui doivent affronter les flèches des cavaliers arabes. Si lors de la première croisade, les Européens avaient été surpris par cette tactique, ils connaissent cette fois la façon de s’en prémunir : il s’agit de ne pas tomber dans le piège tendu par l’ennemi, de résister à la provocation en supportant les tirs, sans quoi l’armée croisée serait désorganisée.
Les chroniqueurs musulmans admirent cette discipline militaire et voient les flèches atteindre les cavaliers stoïques de Richard, sans les tuer du fait de la qualité de leurs hauberts. La marche est néanmoins difficile, Saladin pratiquant la tactique de la terre brûlée, rasant les villages et détruisant les récoltes avant l’arrivée des Croisés. Heureusement, la flotte accompagnatrice possède de quoi ravitailler l’armée.
- Les forces en présence
Les estimations diffèrent : Richard aurait disposé de 10 000 à 20 000 hommes, dont 4000 chevaliers et 2000 turcopoles (Turcs combattant en tant que cavaliers légers dans l’armée croisée suite à leur conversion au Christianisme). Saladin quant à lui aurait eu sous ses ordres 50 000 à 80 000 hommes, avec une cavalerie de 40 000 hommes comprenant au moins 25 000 archers montés.
II. La bataille d’Arsuf
Saladin, pendant que Richard se dirige vers le Sud, rassemble toutes ses troupes et décide de tendre une grande embuscade dans la plaine d’Arsuf, à la sortie d’une forêt. Le choc a lieu le 7 septembre. L’armée de Richard est déjà en ordre de bataille : aux deux extrémités les plus opposées sont disposés les soldats les plus expérimentés, ceux des ordres religieux militaires ; à l’avant-garde les Templiers ; ensuite le gros de l’armée, composé de Bretons, d’Angevins, de Poitevins, de Normands et d’Anglais ; l’arrière-garde est tenue par les Hospitaliers. L’armée est divisée en deux colonnes, très proches l’une de l’autre, rangs serrés, l’une commandée par Richard, l’autre par Hugues de Bourgogne.
Vers le milieu de la journée, les troupes turques se décident à charger aux sons de tambours, de cris guerriers et de trompettes, tandis qu’une pluie de flèches s’abat sur les deux colonnes de Richard, tuant nombre d’hommes et surtout de chevaux. L’arrière-garde des Hospitaliers est particulièrement touchée, et le maître de l’ordre, Garnier de Naplouse, demande à de multiples reprises l’autorisation à Richard de charger. Richard refuse, souhaitant attendre le meilleur moment pour organiser une attaque générale. Mais le maître de l’ordre et un chevalier anglais, Baudoin Carew, ne supportent plus de rester dans une position qu’ils jugent humiliantes, voyant l’armée fondre autour d’eux. Ils se décident à charger les Turcs au cri de « saint Georges » emportant avec eux une partie de l’armée de Richard. Cet assaut improvisé par des chevaliers indisciplinés aurait pu, comme ce fut le cas dans un certain nombre de batailles, entraîner la déroute des Chrétiens ; or, il n’en est rien, c’est un succès.
Richard abandonne son plan initial et part immédiatement secourir cette charge inattendue. Il parvient à convaincre ses soldats de ne pas poursuivre l’ennemi afin de ne pas tomber dans son piège (fuite simulée puis volte-face lorsque l’armée est désorganisée) et ramène la cohésion dans les rangs. Saladin regroupe ses troupes et lance un assaut qui se brise contre les défenses reconstituées par Richard. Une attaque de Richard finit de chasser la cavalerie musulmane du champ de bataille. Le roi d’Angleterre n’a perdu que 700 hommes, Saladin dix fois plus.
III. La suite des événements
Arsuf paraît pour les acteurs de l’époque être la revanche d’Hattin (1187), défaite humiliante où les forces croisées avaient perdu la relique de la sainte Croix. Quatre ans plus tard, dans des circonstances relativement similaires, Saladin est incontestablement vaincu. Richard Coeur de Lion ressort de la bataille auréolé de gloire, ayant su transformer une situation imprévue (la charge des Hospitaliers) en une grande victoire. Saladin, au contraire, perd la confiance de certains de ses alliés : il ne paraît plus invincible. Saladin et ses alliés recourent alors davantage à la tactique de la terre brûlée et se refusent à affronter les Francs en bataille rangée. Il détruit ainsi la forteresse d’Ascalon qu’il juge non défendable pour se replier sur Jérusalem, objectif de Richard. Pourtant le roi d’Angleterre décide de se détourner de la ville sainte, on sait pas pour quelle raison : refus des contingents francs de continuer ? Conscience d’une faiblesse numérique face à l’ennemi ? Refus des seigneurs du Levant d’attaquer ? En janvier 1192, le roi d’Angleterre et son armée sont de retour à Jaffa. En juin 1192, Richard se ravise et tente une dernière fois de prendre Jérusalem, mais il doit se heurter au refus du duc de Bourgogne de coopérer. Le projet est abandonné et Richard signe une trêve de trois ans avec Saladin le 2 septembre 1192. Richard embarque pour l’Angleterre le 9 octobre tandis que Saladin meurt l’année suivante.
Sources :
Jean Flori. Richard Coeur de Lion. Le roi-chevalier. Payot, 1999.
Angus Konstam. Atlas historique des Croisades. Saint-André, 2002.
http://www.fdesouche.com/

samedi 29 janvier 2011

1248 : En route pour la Croisade

Tandis que les princes et les seigneurs avaient de plus en plus recours à son arbitrage, Louis IX préparait la croisade qu'il avait juré d'entreprendre quatre ans plus tôt.
On venait juste d'apprendre que les Turcs avaient pris Jérusalem…
Cette année-là, la vingt-deuxième de son règne, Louis IX, trente-quatre ans, s'embarquait pour la croisade. Le temps était venu, dit Jacques Bainville, de « pousser les qualités de la race capétienne jusqu'à la sainteté ».
Pieux et juste
Depuis son accession au trône, il s'était nettement affranchi de la tutelle très autoritaire de sa mère Blanche de Castille et avait déjà révélé son âme de chef volontaire, toujours pieux et juste. Tandis qu'il apaisait avec beaucoup d'humanité le drame du Midi languedocien, le roi anglais Henri III, pourtant son beau-frère, n'avait pas hésité à encourager les féodaux français à la rébellion. Ce Plantagenêt, arrière-petit-fils de la trop légère Aliénor d'Aquitaine, admettait mal qu'Alphonse, frère de Louis, fût investi du comté de Poitiers. Une guerre s'en était suivie, mais Louis avait bien vite, au pont de Taillebourg sur la Charente en 1242, puis à Saintes la même année, infligé une bonne leçon à Henri III ainsi qu'à ses turbulents comparses, le Poitevin Hugues X de Lusignan et le Languedocien Raymond VII, comte de Toulouse, encore mal consolé d'avoir dû céder devant l'ordre capétien…
Puis s'était réchauffée la querelle du sacerdoce et de l'Empire, autrement dit entre le pape Grégoire IX, puis son successeur Innocent IV, et le terrible empereur germanique Frédéric II de Hohenstaufen. Prudent, pieux mais non clérical, Louis XI n'avait pas engagé la France aux côtés du pape, plaidant même pour la levée de l'excommunication de Frédéric. Il n'en avait pas moins fait reculer ce dernier qui avait osé tenter un coup de force contre le pape.
Tandis que les princes et les seigneurs avaient de plus en plus recours à son arbitrage, le souci essentiel de Louis était alors de préparer la croisade qu'il avait juré d'entreprendre en 1244 au sortir d'une très grave maladie. On venait juste d'apprendre que les Turcs avaient pris Jérusalem et massacré les chrétiens réfugiés dans l'église du Saint-Sépulcre.
Un joyau de pierre et de verre
L'entreprise était périlleuse d'autant que la querelle de plus en plus violente entre l'empereur et le pape retenait en Europe bon nombre de chevaliers. Le roi d'Angleterre, quant à lui, n'était pas mécontent de voir son rival aller seul au-devant de grandes difficultés. L'armée serait donc composée de Français, avec seulement quelques chevaliers anglais, germaniques et norvégiens. Louis avait toutefois su renforcer ses forces spirituelles. Rythmant sa journée d'actes de dévotion, il avait aussi acheté à l'empereur de Constantinople, Baudouin de Courtenay, la Couronne d'épines, puis un morceau de la vraie Croix, et avait fait bâtir pour abriter ces saintes reliques ce joyau de pierre et de verre qu'est la Sainte Chapelle au coeur de Paris, tout juste achevée au début de 1248. C'est là que, nu-pieds, le 12 juin, le roi porta ces témoignages de la Crucifixion, avant d'aller lever l'oriflamme à Saint-Denis et entendre la messe à Notre-Dame.
En route !
Il quittait la capitale avec son épouse Marguerite de Provence dont il ne pouvait se passer et deux de ses frères, Robert comte d'Artois et Charles comte d'Anjou, laissant à sa mère Blanche de Castille, soixante ans et toute en larmes, une nouvelle fois la régence d'un royaume alors en paix et la garde des quatre enfants royaux. L'autre frère du roi, Alphonse comte de Poitiers, devant aider sa mère, rejoindrait le voyage dans quelques mois.
Le but de l'expédition était, dans un premier temps, d'atteindre l'Égypte, pour y intimider le sultan qui soutenait les Turcs. Pour cela on ferait escale à Chypre pour rassembler les forces : une flotte de 1 800 bateaux en partie achetés à Gènes et à Venise, 3 000 chevaliers, 6 000 écuyers, 5 000 arbalétriers, 10 000 piétons et 8 ou 9 000 chevaux.
Aigues-Mortes
L'armée faisait donc route en cet été 1248, par la Bourgogne, puis la vallée du Rhône s'arrêtant dans les abbayes pour y célébrer la messe et entonner le Domine salvum fac regem ! On se dirigeait au plus vite vers Aigues-Mortes, port que le roi avait fait créer, avec ses impressionnantes murailles fortifiées au milieu des étangs, surmontées du phare de la Tour de Constance. Les vents étant favorables, on prit la mer le 28 août en chantant le Veni Creator. Le sire de Joinville allait commencer de rédiger son historiographie.
Le 17 septembre on arrivait à Chypre où le roi Henri de Lusignan accueillit le roi et la reine à Nicosie. À la grande colère de Louis on y perdit du temps : cohabitation difficile entre seigneurs de toutes origines, entre princes d'Orient et d'Occident, voire entre les ordres religieux, notamment Templiers et Hospitaliers… On était encore dans l'île à la fin de l'année, tandis que Louis peaufinait son plan de débarquement en Égypte, dans un lieu évidemment tenu secret. Le moment approchait du grand héroïsme. Saint Louis allait percer sous Louis IX…
MICHEL FROMENTOUX L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 5 au 18 novembre 2009

jeudi 27 janvier 2011

Ces 112 jours qui changèrent le monde...

Comment l'ayatollah Khomeyni a-t-il été “fabriqué” par les Occidentaux ? Houchang Nahavandi rend compte d'un drame ayant causé l'essor de l'islamisme radical, dont l'acte principal se joua aux portes de Paris. Mise à jour de l'une des plus grandes supercheries des temps modernes.
« Il faut mentir comme un diable, non pas timidement, non pas pour un temps, mais hardiment et toujours. » Voltaire appliquait cette satanique méthode à torturer la vérité. Les médias d'aujourd'hui sont passés maîtres dans l'art de fabriquer de toutes pièces de fausses réputations. Le cas le plus monstrueux est assurément celui du sanguinaire ayatollah Khomeyni. Pourquoi reparler de ce personnage après tant d'années ? N'allons pas croire que notre ami iranien Houchang Nahavandi, ancien recteur des universités de Shiraz et de Téhéran, membre correspondant de l'Institut, lauréat de l'Académie française, ancien ministre du shah, soit obnubilé par le fanatique terroriste qui a fait régresser la civilisation dans son pays. Il aime beaucoup mieux parler, comme dans plusieurs de ses précédents ouvrages, des gloires millénaires de sa patrie, ou du shah Abbas empereur de Perse, ou même du shah Mohammad Reza Palhavi qu'il a servi avec lucidité et loyauté, avant de se retrouver sur la même liste que lui de personnes condamnées à mort… par Khomeiny.
Le montage
Ce nouveau livre a surtout le mérite de montrer, faits intangibles à l'appui, pourquoi et comment la “fabrication” de cet homme par les clans politiques et par les médias fut la première cause de « l'essor de l'islamisme radical », pour reprendre une expression de Maurice Druon. Donc la première cause de la dangereuse instabilité du monde dans lequel nous vivons.
Le drame, pour nous Français, est de savoir que l'image du personnage a été confectionnée sur le sol français, à Neauphle-le-Château, non loin de Paris. Le 6 octobre 1978 ce religieux iranien exilé depuis quinze ans en Irak, à peine connu dans son pays, arrivait en France, où pratiquement personne n'avait entendu parler de lui. Le 1er février 1979, soit cent douze jours plus tard, écrit l'auteur, « le même personnage doté d'une stature de dimension internationale, baptisé “imam”, arrivait à Téhéran et prenait le pouvoir instaurant un régime totalitaire d'apparence théocratique qui perdure encore ». Il n'y eut toutefois pas de baguette magique. Tout avait été fort habilement préparé par des agents qui dans l'ombre tiraient les ficelles travaillant pour ceux qui avaient intérêt à ce montage pour renverser la monarchie iranienne.
L'individu n'avait par lui-même rien d'intéressant. M. Nahavandi nous présente la jeunesse de Rouhollah Khomeyni comme celle d'un mollah très ordinaire, né vers 1900, petit-fils et fils d'Indiens musulmans sans grand relief, très jeune orphelin de père. À cinquante ans encore, il n'avait rien accompli de remarquable, et tentait sans grand succès de sortir de l'ombre en s'opposant au régime qui voulait l'égalité des hommes et des femmes, tant et si bien qu'il se retrouva exilé à Nadjaf en Irak ; mais déjà, semble-t-il, certains services spéciaux étrangers s'intéressaient à lui. Les soviétiques, puis les occidentaux supportaient mal dans les années soixante-dix un Iran impérial brillant encore de tous ses feux et s'affranchissant de toute tutelle en matière d'énergie. Or les Américains voulaient déstabiliser ce pays pétrolier qui refusait de rester économiquement et politiquement faible ; les Russes, de leur côté, avaient tout intérêt à l'affaiblir pour y étendre leur influence. D'où l'utilité de Khomeyni. On jouerait sur le levier confessionnel pour entraver le shah dans son désir de réformes profondes et de modernisation de son pays.
Fanatique
Se mirent alors en place toutes les pièces de la tragédie. Tandis que la santé du shah s'altérait, tout fut entrepris pour démoraliser le pays, intimider le pouvoir, paralyser les ministres réformateurs, agiter le peuple. Les cassettes de l'exilé de Nadjaf commençaient leur effet, le terrorisme allait bientôt frapper : l'entourage de Khomeyni porte la responsabilité du premier attentat islamiste, celui contre le cinéma Rex d'Abadan, où 477 personnes, en majorité des femmes et des enfants périrent brûlées vives. Dès lors l'ayatollah avait révélé son visage de fanatique ambitieux ne faisant aucun cas de la vie des hommes pour parvenir à ses fins. Pendant ce temps la grande politique internationale se teintait de toujours plus de fourberie à l'égard du shah. Le président américain Jimmy Carter et le président français Valéry Giscard (que le shah n'appelait pas d'Estaing) mêlaient questions d'intérêt et questions d'inimitiés personnelles…
Le détournement du spirituel
Ainsi donc quand l'ayatollah arriva en France, la maison de Neauphle-le-Château était fin prête avec une installation informatique du dernier cri lui donnant les moyens de diffuser sa parole dans le monde entier. Ce qui n'est guère le lot d'un simple réfugié politique… La manière dont l'image du personnage fut transformée s'élève aux sommets du ridicule. On lui réécrivit sa biographie, car le « guide de la révolution » devait être d'illustre famille. On lui donna le titre d'imam, on le présenta comme un « philosophe », un « grand théologien » (lui qui n'avait commis que des écrits sur la façon d'uriner ou de déféquer), on exalta sa « pensée politique », on en fit même un « saint social-démocrate » !
Le pire est de voir comment les “bien-pensants” parisiens se dépêchèrent de l'ériger en idole. Le Monde et Le Nouvel Observateur multipliaient les articles dithyrambiques. Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Michel Foucault exaltaient le « souffle épique », la « dimension spirituelle » que le personnage apportait dans la politique mondiale. André Fontaine, dans Le Monde le compara au pape Jean-Paul II dans un article intitulé Le retour du divin, qui fut diffusé à Téhéran. Comme quoi le mysticisme, quand il est débridé, confine au délire et nourrit la révolution… Disons même au crime, car ces écrits exaltés, dans l'atmosphère tendue de l'époque, eurent des répercussions meurtrières peu après.
Nous laissons nos lecteurs assister au dénouement, le voyage triomphal de retour à Téhéran, peu après que le shah eut quitté son pays. Comme avant lui Louis XVI et Nicolas II, Mohammad Reza Pahlavi, croyant que son peuple ne l'aimait plus, n'avait pas défendu son trône…
Cet ouvrage, rédigé avec rigueur, élégance, et l'émotion que l'on devine chez l'auteur déchiré dans son patriotisme, met à jour une des plus grandes supercheries des temps modernes. Il fera date pour les historiens futurs.
MICHEL FROMENTOUX L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 3 au 16 décembre 2009

mercredi 26 janvier 2011

Louis-Philippe ou le réalisme politique

Souvent décrié, fils d'un régicide et lui-même usurpateur du trône couronné par une révolution, Louis-Philippe vaut pourtant mieux que l'image qu'en a laissée la postérité.
Louis-Philippe fait partie des personnages maudits de notre histoire. À tel point que son nom est entré dans le langage courant pour désigner un physique ou un objet de mauvais goût… Il faut dire que son hérédité ne plaide pas pour lui : fils de Philippe Egalité qui vota la mort du roi, Louis-Philippe a souffert toute sa vie de cette ombre paternelle admirablement décrite par la maîtresse du duc d'Orléans, Mme Elliot. Frondeur et comploteur, libéral et membre fondateur du Grand Orient, le révolutionnaire et cousin du roi laisse à la postérité l'image d'un traître qui perdra lui-même la tête à une époque où, selon l'adage, le pur trouve toujours un plus pur qui l'épure. Or, tous ces traits de caractères sont inexistants chez son ftls, qui montre à l'égard de ce mouvement révolutionnaire un recul étonnant. Il faut savoir gré à Arnaud Teyssier, son biographe, de nous apporter de cet homme un éclairage nouveau et tout en nuance.
Certes, Louis-Philippe fut, comme beaucoup d'aristocrates et comme Louis XVI lui-même, un enfant des lumières par son éducation et son entourage ; mais la grande révolution est une meilleure école pour l'observateur des choses de ce monde. Pendant que son éducatrice, Mme de Genlis, voyait ses convictions rousseauistes sur la bonté de l'homme s'évanouir dans la furie révolutionnaire, son élève Louis-Philippe laisse apparaître une admirable perspicacité dans ce pays où ne se trouvaient que « déshonneur et malheur sur malheur ». Il tire deux leçons de cette désolation. Il comprend d'abord qu'en temps de crise, il faut savoir faire preuve d'autorité, « prendre un parti et s'y tenir ». Et aussi, que la crise française résulte d'une impréparation des élites : « Une des principales sources des malheurs de la Révolution, a été l'ignorance complète et générale de la conduite que chacun devait tenir dans une semblable crise ; et cette ignorance était commune aux hommes de tous les partis et de toutes les opinions. Il n'y avait plus de devoirs clairement définis. »
l'ultime incarnation d'un pouvoir plein
Le sens du devoir est précisément ce qui constitue, d'après Teyssier, le fondement de l'œuvre et de l'action politiques de Louis-Philippe. Mais le traumatisme révolutionnaire, le sens du tragique qui domine notre personnage, engendrent en lui une prudence excessive et une forme de résignation qui lui seront fatales. Malgré tout, ils ne l'empêchent pas de tout faire pour « réparer » la France plutôt que de la restaurer, tant l'idée de retour en arrière lui apparaît anachronique. Même s'il prend la mesure du nouveau rôle de l'opinion publique, les journées de 1848 lui rappellent néanmoins la fragilité d'une œuvre face au rouleau compresseur des passions révolutionnaires.
Pour Teyssier, le roi a été perdu par « une humanité excessive, une défiance inconsciente à l'égard de sa propre légitimité ». Il s'est attribué un péché originel qu'il aurait pu effacer s'il n'y avait pas eu chez lui le respect d'une forme de légalisme incongru : « Je n'ai jamais violé la Loi » s'exclame-t-il le jour de sa chute. Et plus loin : « Je ne croyais pas que je fusse la clef de voûte. » Le sens du devoir ne s'arrête pas dans l'intention, mais s'épanouit dans l'accomplissement. Il n'empêche, Maurras fait de Louis-Philippe « l'ultime incarnation d'un pouvoir plein et assumé dans la meilleure tradition des Capétiens, bien loin du pantin des caricaturistes ou de l'usurpateur cynique et prisonnier du destin dépeint par Chateaubriand. » Nous sommes bien ici au cœur de la pensée monarchiste du XX, siècle, qui jauge le régime non pas à l'aune du romantisme, mais à celle du réalisme politique. L'image de Napoléon III s'oppose à celle de Louis-Philippe. En matière de romantisme, Louis-Philippe n'est rien quand Napoléon III est tout. À contrario, sur le plan politique, le roi des Français est bien plus que le neveu de Napoléon 1er. Cela n'a d'ailleurs pas échappé à l'historien monarchiste Jacques Bainville, qui, dans son œuvre, a toujours privilégié l'éloge de la mesure et de la conservation contre celle des aventures extérieures, déstabilisatrices de l'équilibre européen. Ce n'est pas le moindre mérite du roi des Français que d'avoir voulu mettre fin à l'alliance sanguinaire de l'idéalisme révolutionnaire et de l'esprit de conquête napoléonien.
Christophe Mahieu Le Choc du mois janvier 2011
Arnaud Teyssier, Louis-Philippe, le dernier roi des Français, Perrin, 451 pages, 23€

mardi 25 janvier 2011

Sida : un spécialiste rompt enfin la loi du silence (archive)

Après dix ans de mensonge sur le Sida, la vérité force les barrages médiatiques, contraignant les spécialistes à renverser les tabous et à reconnaitre ce que, jusqu’ici, ils avaient toujours nié contre les plus aveuglantes évidences.
C’est Laurent de Villepin, rédacteur en chef du Journal du Sida, mensuel de l’association Arcat Sida, qui rompt la loi du silence.
D’abord, ce spécialiste semble reprendre les vieilles rengaines : c’est chez les hétérosexuels, affirme-t-il, que la progression a été la plus forte en 94 (plus 18 % contre 11 % chez les homos). Mais les chiffres qu’il donne remettent les choses en place : en 1994, on a dénombré 2 600 nouveaux cas de sida chez les invertis, contre moins de la moitié chez les gens normaux (1 200). Ce qui, au regard de l’importance relative des deux groupes sociaux, revient à confirmer que les homosexuels sont beaucoup plus gravement touchés.
Villepin va plus loin encore. Il souligne les effets de la campagne médiatique visant à “découpler” homosexualité et Sida : « Les mentalités ont évolué “grâce” au Sida, explique-t-il. Les homosexuels bénéficient d’une meilleure reconnaissance de la société » mais, du même coup, « la “déshomosexualisation” de la maladie a fait plus de mal que de bien puisque l’épidémie progresse chez ce groupe de façon inquiétante alors qu’on la croyait stabilisée ».
Les motifs de cette situation sont ahurissants. Selon Villepin, « il semble qu’il existe dans cette communauté (homo) une aspiration plus ou moins inconsciente vers la séropositivité … (qui) représente désormais une identité forte, par certains côtés valorisante … Certains souhaiteraient faire partie de cette culture, faire leurs ses priorités, son rythme échevelé, sa vision perçante du monde ».
En clair, le Sida s’étend parce qu’il est “chébran”. C’est le syndrome de Cyrille Collard.
Autre tabou, celui de la race : « On explique rarement, assène le rédacteur en chef du Journal du Sida, que près des deux tiers des nouvelles contaminations hétérosexuelles concernent les personnes d’Afrique australe ou des Caraïbes ». Et de convenir que, si l’on cache cette réalité raciale, c’est « pour ne pas stigmatiser ces groupes ».
Enfin, Villepin signale que, « grâce à la vente libre des seringues », le taux de contamination a baissé chez les toxicomanes mais, avoue-t-il par ailleurs, « cela ne sert à rien d’exiger le préservatif en toutes circonstances ».
C’est reconnaître, par défaut, l’imposture criminelle du vaccin-latex dont les effets sur la pandémie sont au mieux nuls, au pire négatifs.
En somme, ce spécialiste incontestable vient confirmer ce que nous répétons depuis dix ans sous les lazzi et les injures : c’est pour ne pas déplaire aux lobbies homosexuels et immigrationnistes et pour ne pas sembler adhérer à l’”ordre moral” que l’on censure la vérité sur le Sida.
Des milliers d’ignorants sont morts de ce mensonge.
Serge de Beketch Le Libre Journal de la France Courtoise n° 65 du 14 avril 1995

Nos ancêtres les Gaulois par Pierre Gaxotte de l’Académie française

L'immense succès du huitième volume des aventures d'Astérix - la première édition de 600 000 exemplaires s'est enlevée en quelques jours - prouverait-il que les Français s'intéressent à leurs ancêtres les Gaulois ? En tout cas, le guerrier malin et rouspéteur Astérix, aidé par Obélix, livreur de menhirs, par Abraracourcix, le valeureux chef de tribu, par Assurancetourix, le barde, a trouvé des amis. Demandons à Pierre Gaxotte, à qui l'on doit l'Histoire des Français, l'Histoire d'Allemagne (Flammarion), le Siècle de Louis XIV, etc., de nous dire ce qu'étaient les Gaulois.
Le mot Gallia, Gaule, supposant le mot Gallus, Gaulois (pluriel : Galli), se montre pour la première fois dans les Origines de Caton, vers 168 avant J.-C. Pour les écrivains latins, les Galli sont des Celtes septentrionaux.
Ils distinguaient entre la Gaule cisalpine et la Gaule transalpine, la première sur le versant oriental des Alpes (de ce côté-ci, par rapport à Rome), la seconde sur le versant occidental (de l'autre côté, pour les Romains).
Puis, quand l'Italie politique et administrative se fut étendue jusqu'au bassin du Pô inclusivement, il n'y eut plus d'autre Gaule que celle qui s'étendait des Pyrénées aux Alpes et au Rhin. César la définit ainsi à la première ligne de ses Commentaires.
Ce qui frappait tout d'abord, c'était l'immensité des forêts. Elles occupaient la majeure partie du sol, les deux tiers au moins. Ce qui en subsiste n'en peut même donner l'idée. Elles s'étalaient alors dans toutes les directions, mais c'est surtout au nord de la Loire qu'elles présentaient une masse profonde et quasi continue.
un pays de forêts
Presque étouffées par elles, les terres cultivées apparaissaient comme d'étroites clairières prenant jour le long des fleuves, autour des ruisseaux, sur les terrasses et dans les vallons de collines étagées. Les plus considérables se trouvaient en Beauce, en Limagne, dans la plaine toulousaine et le Soissonnais.
Sous le dôme de feuillage vivaient, avec les sangliers et les loups, les animaux monstrueux qui épouvantaient les Méditerranéens : rennes, élans, aurochs, difformes héritiers du chaos primitif. Les troupeaux de chevaux, le gros et le petit bétail trouvaient pâture dans les clairières.
Les porcs vaguaient par milliers dans les chênaies. Ils étaient de taille énorme, à moitié sauvages. Leur viande, fraîche ou salée, faisait, avec le laitage, le fond de l'alimentation.
Mais les forêts n'étaient pas abandonnées aux tanières des bêtes ou aux courses rapides des chasseurs. Des populations nombreuses de «boisilleurs» y ont toujours élu domicile : bûcherons, charbonniers, sabotiers, fagoteurs, charrons, potiers, résiniers, tourneurs, briquetiers, chercheurs de miel sauvage, arracheurs d'écorces, faiseurs de cendres… Comme le minerai de fer se trouvait un peu partout, en petits gisements épars, les fondeurs et les forgerons s'établissaient, eux aussi, à proximité du combustible.
Que de Gaulois se sont appelés SiIvanus ou Silvinius ! Que de Français, Dubois ou Dubosc !
10 à 15 millions d'habitants
Au second siècle avant notre ère, la Gaule passait pour une des régions les plus peuplées du monde. Cette opinion ne venait pas de l'exacte connaissance du pays ; elle traduisait la façon dont les Celtes et les Galates s'étaient présentés au monde gréco-romain. À l'époque des invasions, la surprise et la crainte troublèrent les calculs des Méditerranéens ; leur imagination fit le reste.
À ces vagues hyperboles, les érudits modernes ont substitué des tableaux et des statistiques. S'aidant des chiffres d'effectifs militaires, ils ont évalué la masse totale des Gaulois, Belges et Rhénans compris, tantôt à cinq millions d'âmes - ce qui est sans doute trop peu - tantôt à trente millions - ce qui est excessif, eu égard à l'étendue des friches, des forêts et des marécages. Mais un chiffre compris entre 10 et 15 n'est pas invraisemblable.
Tous ces hommes étaient répartis en tribus, sociétés permanentes que les Latins appelèrent pagi. Leurs territoires étaient parfaitement délimités à la fois par les règlements entre voisins et par les conditions du sol.
Dans les montagnes, c'était un vallon ; dans les pays de forêts, une vaste clairière fertile. Quelquefois un étang ou un bassin maritime donnait à la tribu son caractère propre.
Certaines tribus s'adonnaient surtout à la pêche, d'autres à la culture ou à l'élevage. « Ce lien entre le sol et les hommes était si naturel et si puissant qu'après deux mille ans de vie nationale, la plupart des pays de France observent encore une manière à eux de parler, de penser et de travailler. » (Jullian.)
Mais précisément ces pays d'une seule tenue, ces petites unités si nettes et si monotones, ne pouvaient servir de base à de véritables États, c'est-à-dire à des unités économiques et militaires, capables de se suffire à peu près en tout. Le vrai groupe politique de la Gaule, César l'appelle Civitas, la Cité. Ce n'est pas une ville, c'est un être moral, un peuple organisé, une concorde, une société de protection et de solidarité, disposant de territoires complémentaires, plaines et montagnes, guérets et bois, bons et mauvais pays, unis les uns aux autres pour échanger à la fois leurs produits et leurs moyens de défense. Au-dessus des trois ou quatre cents tribus, apparaissent cinquante à soixante cités. Les plus considérables s'étendent sur trois ou quatre de nos départements, les plus petites arrivent au tiers ou au quart.
Sous le nom d'Arvernes se groupent les hommes de la Limagne, du plateau granitique, des monts d'Auvergne et du Livradois. Aux Lingons appartiennent le plateau de Langres et le Dijonnais. Les Séquanes descendent des monts du Jura jusqu'au Doubs et à la Saône.
Les Carnutes réunissent la plaine de la Beauce et les collines du Perche ; les Eduens le noir et glacial Morvan, les coteaux élevés du Beaujolais et du Charolais, la plaine de Bourgogne, les pâturages du Nivernais, les landes de la Sologne bourbonnaise. L'unité et la force de leur État viennent de ce qu'il est à cheval sur la Loire, l'Allier et la Saône.
L'usage des voies d'eau et la perception de péages sont pour les Eduens une source incomparable de puissance et de fortune. Leurs voisins s'en rendent compte et s'efforcent de leur arracher ces avantages.
les noms gaulois ont subsisté
Il importe, au début de notre histoire, de prêter une attention particulière à cette répartition du sol. Les limites des nations gauloises ont survécu à l'indépendance. Elles se retrouvent, non sans vicissitudes, dans le tracé des circonscriptions romaines, des évêchés, des bailliages.
Leurs noms ont traversé les âges pour parvenir jusqu'à nous. Arras est la ville des Atrebates, Amiens celle des Ambiani, Trêves celle des Trevires, Reims celle des Rèmes, Soissons celle des Suessiones, Metz celle des Mediomatrici, Senlis celle des Silvanectes, Paris celle des Parisii, Troyes celle des Tricasses, Langres celle des Lingons, Chartres celle des Carnutes, Bourges celle des Bituriges.
Les terres exploitées sont si bien cadastrées que les arpenteurs du fisc romain n'auront qu'à embrigader les arpenteurs gaulois, auxquels ils prendront même quelques termes de leur vocabulaire, en tout cas leurs mesures : l'arpent, la lieue, sont celtiques.
Cet attachement au sol a un revers. Les Gaulois que rencontra César n'étaient plus les terribles Gaulois de la bataille de l'Allia, les Celtes qui se conduisaient quelques siècles plus tôt comme les maîtres méprisants de l'Europe. Tel chef éduen s'appelle bien encore Dumnorix, roi du monde, tel peuple arbore fièrement le nom de Bituriges, rois de l'univers : ce ne sont que des souvenirs.
Tout a changé. Les Gaulois n'ont pas seulement renoncé au char de guerre qui avait jadis disloqué les légions, ils ont perdu le moral qui soutenait leurs ambitions. La guerre civile s'est installée dans toutes les cités.
La monarchie a peu à peu disparu. Une grande partie de la population est opprimée. Le gouvernement est aristocratique.
Les nobles, les puissants dominent les assemblées et accaparent les magistratures. Ils commandent personnellement à de grandes masses d'hommes. D'abord, à leurs esclaves : l'Helvète Orgetorix, le plus riche propriétaire de son pays, en a dix mille. Puis aux ambacts que les Romains appelèrent des clients : ce sont des hommes libres qui se sont donnés à un maître par serment. Ils vivent de ses dons, ont droit à sa protection, l'assistent dans ses querelles et le suivent à la guerre comme écuyers et gardes du corps.
L'État perçoit des impôts : un impôt direct qui pèse surtout sur les pauvres, des péages, des douanes et des loyers. Chez les Eduens, Dumnorix s'offrit un jour à prendre à ferme les péages. Personne n'osa surenchérir ; il fut déclaré fermier à un prix dérisoire.
les villes
À en juger par les textes de César qui sont la principale source de nos connaissances, toutes les régions de la Gaule auraient possédé à peu près également des villages et des fermes isolées où vivaient les nobles, entourés de leurs hommes d'armes et de leurs serviteurs.
Or, ce sont là des formes très distinctes de l'habitat rural et nous constatons, à l'époque moderne, qu'elles se trouvent très rarement associées. Il y a des provinces de groupement comme l'Alsace, la Lorraine et la Franche-Comté, et des provinces de dispersion, comme le Bocage normand et la Bretagne.
Cette répartition différente de la population rurale s'explique non seulement par la nature du sol, la distribution des points d'eau, les conditions du travail, mais aussi par la façon dont la terre est possédée et par les traditions propres à chaque région. On est donc amené à croire qu'au temps des Gaulois les contrastes étaient moins poussés, moins établis qu'aujourd'hui.
Nous sommes mieux renseignés sur les places fortes. À vingt-cinq kilomètres d'Autun, à l'extrémité méridionale du Morvan, se détache une sorte de promontoire qui domine tout le pays environnant. C'est le mont Beuvray, dans l'antiquité Bibracte.
Sur le plateau qui le couronne s'élevait, à huit cents mètres d'altitude, la capitale des Eduens, retrouvée et exhumée à partir de 1865. Cet enclos de 5 kilomètres de tour et de 135 hectares de superficie n'était pas habité dans toute son étendue : c'était un refuge pour le temps de guerre.
Gergovie, capitale des Arvernes, de moindre superficie, put recueillir quatre vingt mille soldats. En temps ordinaire, Bibracte devait ressembler aux grandes cités du Turkestan, où, derrière les levées et les palissades de l'enceinte, on trouve, alternant, des amas de cabanes, des terrains vagues, des cimetières, des champs de foire, des dépôts d'armes, des granges et des greniers. La population permanente était composée d'artisans qui, à l'abri du rempart, étaient venus chercher la sécurité nécessaire à qui emploie le capital.
Lyon n'existe pas encore
À droite et à gauche du chemin central qui traverse l'oppidum du nord au sud s'étagent en gradins des lignes irrégulières de masures à demi souterraines, baraques de vente, habitations et ateliers, les uns minuscules, les autres assez vastes et bien organisés.
Une sorte de gradation semble régler la succession de ces ateliers à mesure que l'on s'avance vers le centre : d'abord les fonderies, puis les forges, puis la quincaillerie, enfin l'orfèvrerie et l'émaillage.
Ailleurs, en Normandie, en Anjou, dans le Berry, en Lorraine, les archéologues ont souvent constaté les rapports étroits qui paraissent unir la métallurgie du fer et certains ensembles de fortifications très anciennes ; Les murs contenaient des scories en abondance ; le sol, par endroits, en était parsemé.
En somme, l'oppidum gaulois est un atelier et, par occasions, une foire ou un marché. À la différence de bien des villes de l'Italie, primitive et antique, il n'est en aucune façon un centre agricole.
Assurément, toutes les villes fortes de la Gaule n'étaient pas situées sur des hauteurs aussi farouches, de climat aussi rude et aussi venteux. Lutèce, la ville des Parisii, était dans une île ; À varicum, la ville des Bituriges, dans la plaine, protégée par des marais. Aussi les habitants en étaient-ils plus nombreux, les demeures moins incommodes, l'aspect plus riant.
Un trait imprévu de la géographie gauloise mérite encore d'être signalé : Lyon n'existe pas. Combien de fois cependant a-t-on décrit les avantages impérieux du site où s'est fixée la ville, au confluent de deux grandes rivières, à la jonction de plusieurs routes importantes ! Or, les Eduens trafiquent à Mâcon et à Chalon, les Allobroges à Genève et à Vienne. Ni les uns, ni les autres ne paraissent avoir songé à Lyon.
De tous les lieux souverains de la France future, c'est donc vers le mieux doué que les hommes ne convergent pas encore. Est-ce parce que Lyon est trop proche d'une frontière âprement disputée ? Peut-être. Mais cet épisode démontre qu'il n'est pas, en géographie humaine, de nécessité absolue. La nature offre des possibilités, et même des tentations. En dernière analyse, l'homme choisit.
sur les routes
Commercialement, la Gaule n'était point isolée. Elle faisait partie d'un milieu économique plus vaste. Les métaux, or, argent, cuivre, fer, dont elle tenait marché et qu'elle trouvait épars sur son sol ou dans les sables de ses rivières, lui avaient donné une réputation de richesse, d'ailleurs surfaite, car beaucoup de ces petits gisements s'épuisèrent vite.
Elle expédiait à Rome des lainages, des salaisons et des esclaves. Toujours en guerre entre eux, ou contre leurs voisins, les Gaulois regorgeaient de cette denrée, dont ils se servaient volontiers comme d'un instrument d'échange. On donnait un esclave pour une amphore de vin, prix courant.
De Grèce et d'Italie, ils faisaient venir des objets de luxe, dont les archéologues ont trouvé de nombreux exemplaires dans les tombes, couronnes, miroirs, coupes de céramique peinte. Au surplus, depuis le second siècle (avant .J.-C.) au moins, les Gaulois se servaient de l'alphabet grec.
Les voies de communication étaient nombreuses et variées. La vitesse avec laquelle se sont déplacées les légions romaines fait penser que les pistes étaient suffisamment entretenues, que les ponts et les bacs ne manquaient pas. Nous savons du moins qu'il existait trois grands ponts sur la Loire, près de Saumur, à Orléans et à Nevers, un sur l'Allier à Moulins, un sur la Seine à Paris, deux sur le Rhône, à Genève et à Pont-Saint-Esprit.
Les voies d'eau étaient plus fréquentées encore. Il y avait un grand rassemblement de barques, de pirogues et de radeaux, en amont de Paris, vers Melun et Meaux, un autre sur le Rhône vers Avignon. La liaison entre la Loire et le Rhône se faisait par la montagne de Tarare qui appartenait aux Eduens et, plus au sud, par le col du Pal qui appartenait aux Arvernes.
La marine était nombreuse et exercée. Les rivages de l'Armorique et de la Normandie formaient une même route océanique, longue et sinueuse, qui allait sans lacune d'île en île et de port en port, depuis les sables de Vendée jusqu'aux falaises du pays de Caux : et le long de cette route se sont confédérées toutes les cités qui en étaient riveraines.
Au premier siècle avant J.-C., la prépondérance appartenait aux Vénètes (Morbihan) qui avaient presque monopolisé le trafic avec la Grande-Bretagne, productrice d'étain. Ce commerce déterminait des relations continues, des services à peu près réguliers. Le port de débarquement était Corbilon (peut-être Saint-Nazaire), au débouché du chemin de la Loire ; un autre se formait déjà à Boulogne, à quelques heures seulement de la rive opposée. De la Manche à Marseille, par bateaux et par chariots, le transport du métal demandait un mois.
les Gaulois chez eux
Bien que le sol français recèle toutes sortes de roches, les Gaulois n'ont pas bâti de murailles maçonnées. Les remparts de leurs citadelles étaient composés d'une charpente en bois et d'un appareillage en pierres. S'ils pouvaient résister aux attaques, ils cédaient assez vite à l'action du temps : le bois pourrissait et les blocs, privés de soutien, s'effondraient.
Les maisons sont faites de bois, de claies de roseau, de chaume et de torchis. Elles ont la forme ronde des habitations primitives en tous pays. Une toiture en pente leur tient lieu de couronne. Au milieu, un trou pour laisser passer la fumée.
Les pauvres n'ont que cette simple cabane ; les riches un vrai bâtiment avec un vestibule, des chambres de repos (ils donnent sur des tapis ou des fourrures), une salle d'apparat qui est à la fois salon et cuisine. Au mur sont clouées les têtes des vaincus illustres ; d'autres, soigneusement embaumées à l'huile de cèdre, sont conservées dans des coffres, principaux meubles de la maison.
Voici un banquet. Le chef ou l'invitant est assis au milieu, à égale distance de tous les égaux, car les Gaulois sont gens à protocole, à hiérarchie et à formalités. S'il s'agit de nobles, les hôtes sont accompagnés de serviteurs et d'écuyers qui se tiennent derrière eux portant les boucliers et les épées. Les femmes sont à part, mais elles paraissent à leur heure.
L'assistance est propre et bien vêtue, car les Celtes ont grand soin de leur personne et ils n'ont pas peur de se baigner. Ils portent les cheveux demi-longs, relevés sur le front, quelquefois teints ou décolorés à l'eau de chaux.
L'imagerie populaire leur prête de gigantesques moustaches tombantes à la façon des gendarmes de vaudeville. Le Gaulois mourant du Capitole n'a qu'une moustache très courte et les monnaies portent l'effigie d'un Vercingétorix glabre.
Les hommes sont vêtus d'une chemise de lin, d'un pantalon long en laine (les braies), non pas flottant comme chez les Scythes, mais très ajusté, d'une blouse serrée à la taille par une ceinture et d'un manteau agrafé (la saie ou le sayon). Les chaussures, en très bon cuir, sont des chausses et non des sandales. Tout le costume est de couleurs vives et variées, car on sait cultiver un grand nombre de plantes tinctoriales, entre autres le pastel qui donne le bleu et la jacinthe qui donne le rouge.
Le bijou le plus caractéristique est une sorte de collier serré que les Latins ont appelé torques parce que le modèle le plus simple est fait d'une tige de métal tordue. Les plus beaux sont en or, chargés d'ornements en relief.
Les convives s'assoient sur des bottes de roseaux autour d'une table basse. Les viandes rôties à la broche, bouillies ou cuites à l'étuvée, sont apportées sur de grands plats en métal. Les convives saisissent les morceaux à pleines mains et y mordent à belles dents. De temps en temps, ils se servent d'un petit couteau pour couper un tendon ou trancher une articulation. Au menu figurent aussi des poissons, du pain avec des oignons et de l'ail, un brouet d'avoine et d'orge, des pommes et des noisettes.
Le vin est, rare car il vient d'Italie ou de Grèce. On boit surtout du miel délayé dans l'eau, de la bière d'orge ou de blé, dans laquelle on a fait macérer des herbes aromatiques, notamment du cumin. C'est dans ces festins, semble-t-il, que survivaient avec leurs excès traditionnels le souci, le culte, la culture maladive de l'honneur. Les Romains s'étonnaient que presque toutes les beuveries gauloises s'achevassent en rixe. Mais c'est pour cela qu'on se réunissait.
le père, maître absolu de sa famille
On voudrait savoir comment les Gaulois vivaient en famille. Chacun d'eux se présente simplement comme le fils de son père Vercingétorix, fils de Celtic. Il n'existe pas de vocable familial et héréditaire.
Selon César, le père est maître absolu de sa maison, de sa femme et de ses enfants mineurs, avec droit de vie et de mort. Pourtant, il n'achète pas sa femme. C'est elle, au contraire, qui lui apporte une dot, le mari la double d'un bien égal et ce patrimoine inaliénable, grossi chaque année du revenu, reste la propriété du survivant.
Le mariage est une institution aussi régulière et rituelle que dans l'ancienne Rome. On peut supposer que la dignité de l'épouse, le respect de la mère, ont été sinon des faits constants, du moins des formules de vertus et de devoirs.
Les Gaulois n'ont pas eu d'art plastique, mais un art industriel très estimable. Leurs armes sont belles. Leurs boucles de ceintures, agrafes, broches (ou fibules), vases de métal et vases de terre, témoignent d'un goût réfléchi pour l'ornementation géométrique. Surtout, ils ont inventé beaucoup, d'objets de première importance, qui sont restés en usage dans la vie domestique.
Pour conserver le vin, ils remplacèrent les amphores de terre cuite, seules en usage chez les Grecs et chez les Romains, par les futailles en bois, douvées et cerclées. Gardé quelques mois en fût, le vin vieillit mieux, en prenant tout son bouquet. En outre, les tonneaux sont faciles à équilibrer et se prêtent à la manipulation.
L'outillage agricole et artisanal doit encore aux Gaulois le char à bancs, la herse pour briser les mottes, le tamis en crin ne cheval ; la tarière à mèche en spirale, la grande faux pour les foins, enfin la véritable charrue.
Le labour se faisait encore chez les Méditerranéens à l'aide de l'araire primitif, la charrue sans roue des peuples arriérés. Les hommes du nord imaginèrent autre chose : ils attachaient le timon à un avant-train muni de roues et par-devant le soc, ils suspendaient un coutre ou couteau, dont la partie acérée était dirigée vers le bas, pour trancher la terre compacte et amorcer le sillon.
les dieux
Les Gaulois avaient un grand nombre de dieux qui se mêlaient à tous les phénomènes de la nature. Certains étaient attachés à un lieu, à une fontaine, à une source, à un fleuve, à une forêt. D'autres se manifestaient partout. C'est ainsi qu'un dieu des eaux, Borvo, a donné son nom à la fois à La Bourboule, à Bourbonne-les-Bains, à Bourbon-Lancy et à Bourbon l'Archambault. On lui jetait des offrandes dans les étangs.
Les petites gens avaient un culte particulier pour des déesses familières que les Gallo-Romains ont appelé les déesses mères. Elles dispensent et entretiennent la vie. Vêtues de longues robes, dans une attitude paisible et grave, elles tiennent sur leurs genoux ou dans leurs mains des corbeilles de fleurs, des cornes d'abondance ou des enfants nouveau-nés.
Bien entendu, ces représentations sont postérieures el la conquête. Auparavant, les dieux avaient sûrement des aventures, un type, une physionomie, mais ils ne vivaient que dans les imaginations. Si les plus grands avaient déjà des statues, ce n'étaient que d'informes piliers de bois ou de pierre qui rappelaient le dieu, mais qui ne prétendaient pas le montrer.
Les Anciens nous citent avec des signalements incertains quelques noms, mais nous ne savons même pas s'il s'agit des divinités d'un canton ou de divinités généralement reconnues. Teutatès signifie certainement le dieu du peuple. Esus signifie peut-être le seigneur. Taranis est le nom commun du tonnerre. On nous dit qu'ils formaient une triade. Comment s'articulait-elle ? Mystère.
C'est à peine si, grâce à des figurations des temps gallo-romains nous entrevoyons quelques mythes. Esus, par exemple, est-ce le dieu bûcheron qui, sur l'autel trouvé dans la Cité et conservé au musée de Cluny, abat un arbre près d'un monstre, un taureau surmonté de trois grues, larvos trigaranos, vieille figure assurément puisqu'un comique athénien du IIIe siècle avant notre ère, au lendemain de l'invasion celtique qui avait failli submerger l'Orient, parle du trygéranon comme d'un animal redoutable qui ne se trouve pas en Grèce…
Les dieux participaient à tous les moments de l'existence terrestre. La naissance, les fiançailles, le mariage, les procès, la maladie, un voyage, la réception d'un hôte, la chasse, la guerre, le travail, exigeaient que l'un d'eux fût pris à témoin. Le calendrier trouve à Coligny nous montre que les mois et les jours avaient une valeur religieuse propre. L'espace lui-même était imprégné de divinité.
les druides
Aussi n'est-il pas surprenant que les prêtres, les druides, aient une telle place dans la société. Leur intervention dans le culte est souveraine et continue. Point d'acte important dans la famille ou dans la cité qui se passe de leur concours.
II ne leur manque même pas l'arme terrible de l'excommunication, qui retranche le coupable de la vie régulière pour le vouer à l'exil et aux frayeurs. Aucune loi ne protège plus l'excommunié, aucune justice ne lui est due. Nul ne peut s'approcher de lui. Il est maudit à jamais chez tous les peuples.
Les dieux gaulois sont avides d'or et de sang. D'énormes holocaustes d'êtres humains, prisonniers innocents, condamnés à mort, leur sont présentés à dates fixes et en cas de péril public. Esus demande que ses victimes soient pendues aux arbres, Taran aime les bûchers, Teutatès les noyades, d'autres les crucifixions.
Et toujours les druides servent d'intermédiaires dans ce trafic sanglant. Ils sont en relation immédiate avec les puissances invisibles ; ils parlent en leur nom ; ils connaissent les paroles magiques, les incantations et les interdictions rituelles qui servent à les désarmer et à les séduire.
En outre, les druides sont les éducateurs de la jeunesse ; ils n'instruisent pas seulement ceux qui se destinent à leur succession, mais tous les jeunes nobles qui viennent à eux. C'est une des singularités les plus remarquables de la société gauloise ; les fils des principaux de chaque nation sont soumis à un noviciat intellectuel qui est dirigé par des prêtres et qui a le caractère solennel d'une initiation. L'usage de l'écriture est interdit. Il faut écouter, retenir, apprendre par cœur, ne rien perdre des vérités révélées.
Quel était le contenu de cet enseignement ? Il englobait sans doute le droit, les traditions épiques, la liturgie, l'histoire des dieux, l'art d'interpréter les présages. Mais les connaissances scientifiques des druides étaient fort courtes, tout juste suffisantes pour dresser un calendrier lunaire.
Ce qui nous est parvenu directement d'eux est une sentence à trois membres, une triade comme les Celtes les affectionnaient : « Aimer les dieux, ne rien faire de bas, exercer son courage. » On peut en déduire que les préceptes moraux sur le sens de la vie tenaient une grande place dans les directions.
pas de temple chez les Gaulois (1)
Cependant, les druides possédaient une doctrine métaphysique. Ils croyaient à l'immortalité de l'âme et pensaient qu'au-delà de la tombe la vie continue sur des terres fabuleuses, vaguement entrevues dans les mers du couchant, d'où l'âme revient un jour pour être incarnée à nouveau. En somme, un capital constant et roulant d'âmes est distribué entre les deux mondes géminés et les échanges entre les deux se font vie par vie et âme par âme (H. Hubert).
Pour le guerrier, la mort n'est qu'une introduction à d'autres exploits héroïques. Aussi emporte-t-il avec lui ses plus belles armes et ses plus riches parures. Bien entendu, les mystères sont le privilège du patriciat ; les leçons s'adaptent à la vie même de l'aristocratie, dont elles contribuent à conserver les vertus militaires et les privilèges sociaux.
Cette religion sans livres et sans idoles fut aussi une religion sans temple bâti. Les lieux de réunion étaient des enceintes à ciel ouvert situées au sommet des montagnes dans les clairières des forêts.
Une fois par an, les druides de toutes les cités s'assemblaient au pays des Carnutes, autour du grand prêtre et, après les sacrifices, ils se constituaient en tribunal d'arbitrage. C'est à eux qu'étaient portées les affaires de meurtre et d'héritage. Ils fixaient les sommes dont les meurtriers pouvaient racheter leur crime. Leur prestige et la crainte des dieux garantissaient l'exécution des sentences.
Les druides ne forment pas une caste héréditaire. Ils sont un ordre de la société, mais aussi une confrérie, un collège que l'on a rapproché des confréries analogues qui ont existé chez d'autres peuples indo-européens, flamines et pontifes de Rome, mages iraniens, brahmanes de l'Inde.
Enfin, ils représentent une institution internationale, commune aux Celtes de l'Occident, ceux de Gaule, et ceux de Grande-Bretagne sinon ceux d'Irlande que des savants disent avoir mené une vie indépendante. Par eux se maintiennent dans le monde celtique, continental et insulaire, les mêmes idées morales, les mêmes traditions mythologiques, les mêmes pratiques rituelles, les mêmes solutions juridiques, c'est-à-dire tout ce qui assure le fonctionnement de la société.
La psychologie collective est un genre assez arbitraire. Cependant, on peut dire qu'avec tous ses défauts : crédulité, turbulence, bavardage, instabilité d'humeur, et de résolution, le Gaulois portait en lui le stimulant le plus énergique du progrès, le sentiment et l'orgueil de sa personnalité.
pourquoi la Gaule a perdu son indépendance
La grande faiblesse de la Gaule a été de ne pas former un corps de nation. Nous voyons, à la vérité, dans quelques circonstances les députés de plusieurs peuples se réunir en une sorte de congrès et se concerter pour préparer une entreprise commune, mais nous ne voyons jamais une assemblée régulière qui se tînt à époques fixes, qui eût les attributions déterminées et constantes, qui fût réputée supérieure aux différents peuples et qui exerçât sur eux quelque autorité.
Les nations gauloises se faisaient la guerre ou concluaient des alliances, entre elles et avec l'étranger, comme font les États souverains. Il existait assurément un patriotisme supérieur fait d'éléments dissemblables, communauté de nom, de langue et de mœurs, relations commerciales et religieuses, mêmes façons de penser et de sentir, même code de l'honneur et de l'hospitalité. Mais ces liens assez lâches ne remplaçaient pas une entente politique.
Dans l'intérieur même de chaque peuple, les esprits étaient divisés. « Les Gaulois, a écrit César, changent aisément de volonté ; ils sont légers et mobiles, ils aiment les révolutions. »
Les désordres tenaient une grande place dans toutes les existences ; le pouvoir se déplaçait incessamment ; les intérêts, les convoitises, les dévouements, s'attachaient au parti plus qu'à la patrie ; l'amitié ou la haine d'une cité dépendait de celui que la dernière crise intérieure avait porté au pouvoir. Il n'est pas douteux que chaque homme n'envisageât l'intervention de l'étranger selon le bien ou le mal qu'elle devait faire à sa faction.
Les divisions des Gaulois rendirent très facile la conquête romaine.
Pierre Gaxotte de l'Académie française Historia janvier 1967
(1) - Au contraire de ce que nous dit l'auteur, les Celtes et donc les gaulois, avaient des temples.