L’homme sait, depuis des millénaires, que la terre est parcourue par des flux d’énergie.
Dans le monde entier, des milliers de légendes puisent leur origine dans cette connaissance (dragons, serpents, chemins magiques, sources miraculeuses, lieux ensorcelés, etc.).
En Occident, de la Toscane à l’Ecosse, de l’Ombrie au Pays de Galles, de la Thuringe à l’Aragon, des centaines de lieux-dits évoquent cette sapience.
Tarascon, par exemple, rappelle la tarasque, monstre fabuleux appelé à Abbeville “Lézard”, à Angles “Troussepoil”, à Rouen “Gargouille”, à Poitiers “Grand Goule”, à Metz “Graoulli”, à Reims “Kraoulla”, à Troyes “Chair-Salé”, à Louvain et un peu partout en France “Dragon”, “Wouivre” ou “Drac”.
En Occident comme en Orient (où l’on attribue les tremblements de terre aux convulsions d’un gigantesque monstre enfoui), le dragon symbolise, depuis la plus haute antiquité, les courants telluriques.
C’est la connaissance ancienne de ces phénomènes, aujourd’hui méprisée, qui explique que les cathédrales furent bâties sur les lieux mêmes où, avant l’ère chrétienne, se déroulaient les cultes païens.
Les esprits forts ont attribué ce maintien dans les lieux à un calcul de l’Église désireuse de se substituer aux anciennes religions et de les “récupérer”, en quelque sorte, en s’arrangeant pour que les fidèles passent d’une religion à l’autre comme sans s’en rendre compte. Cette explication, qui revient à prendre nos ancêtres pour des demeurés incapables de faire la différence entre un druide dans un chêne et un prêtre en chaire, n’est évidemment pas recevable.
La vraie raison, c’est qu’il existe dans le monde des “lieux où souffle l’esprit” ; des lieux privilégiés et qui sont comme des points d’acupuncture de la terre.
Henri Vincenot a écrit là-dessus des pages définitives dans “Le Pape des escargots” et, surtout, dans “Les Etoiles de Compostelle“. Quant à Jean Phaure, son oeuvre entière est imprégnée de cette évidence.
Entre ces forces chthoniennes et l’Esprit d’en haut, les hommes ont trouvé un chemin : la cathédrale.
La cathédrale est un lieu où la sainte Vierge terrasse le serpent…
Ce n’est pas un simple bâtiment. C’est un appareil d’une extraordinaire précision, d’une infinie sensibilité, qui assure l’échange entre forces telluriques et Puissances célestes.
La cathédrale est le lieu de leur rencontre, l’enceinte de leur affrontement, de leur étreinte.
Elle est l’ ”athanor” où la fusion se fera.
Elle permet aux forces d’En Haut d’imposer leur harmonie au chaos des forces d’en bas. Elle met l’homme en prière au coeur de cet échange, recevant à la fois le souffle céleste et la sève terrestre.
Ce combat fécond est présent dans les légendes et les mythologies les plus anciennes (Anubis transperçant un serpent géant, Apollon faisant subir le même sort au monstrueux Python, Thésée assommant le Minotaure, Jason l’emportant sur le dragon gardien de la Toison d’or, jusqu’au toréador d’aujourd’hui réduisant le taureau).
Mythe païen, il est resté intimement lié aux plus hautes traditions chrétiennes. C’était, par exemple, le thème central de fêtes aujourd’hui malheureusement délaissées : les “Rogations” qui, depuis le Ve siècle, évoquaient le combat de l’Ange contre le Dragon, réglant en quelque sorte les noces du ciel fécondateur et de la terre fécondée.
En France, la tradition légendaire le voit à Artins, dans le Loir-et-Cher, où saint Julien maitrisa le serpent caché sous une statue de Jupiter, à Avignon où sainte Marthe combattit la tarasque, à Aytre, en Charente-maritime, où sept héros abîmèrent la “Bête Ro” dans le gouffre de Chevarache, à Bagnoles-sur-Cèze où le Coulobre à sept têtes et sept queues fut enseveli dans un puits, près de Cambrai où saint Géry extermina une nichée de dragons, non loin de Moulins où saint Menoux éloigna la “Couleuvre” et en cent autres lieux.
Quant à la tradition religieuse, elle le reconnaît, admirablement symbolisé dans l’icône inspirée de l’Apocalypse : “Saint Michel terrassant le dragon” et, bien plus encore, dans la tradition de la Vierge écrasant le serpent.
La tradition voue d’ailleurs à Notre Dame les cathédrales de France. AÀEvry, elle est dédiée à Saint Corbinien ermite et appelée “cathédrale de la Résurrection”, ce qui confirme implicitement que ce bâtiment n’est pas vraiment la cathédrale du lieu.
La ville a déjà sa cathédrale : Saint-Spire, admirable monument gothique, siège épiscopal canoniquement désigné depuis des siècles mais que l’évêque Herbulot a volontairement oublié.
… terrasser ce n’est pas tuer ; c’est littéralement jeter à terre, donc dominer ; c’est vaincre, soumettre, dompter.
La cathédrale est donc le Lieu où la Sainte Vierge terrasse le serpent. Le mot n’est pas indifférent : terrasser, ce n’est pas tuer ; c’est, littéralement, jeter à terre, donc dominer ; c’est vaincre, soumettre, dompter.
Un autre rôle de la cathédrale est de capter, de concentrer, d’amplifier les courants telluriques. Comme l’”allée couverte”, la “voie voûtée” des dolmens préhistoriques, elle joue un rôle d’amplificateur. Elle permet à l’homme de baigner dans les forces telluriques et cosmiques associées.
Cette allée voûtée “envoûte”.
C’est pourquoi la cathédrale doit être précisément orientée selon la Croix : autel vers le Levant, pour mettre l’homme face au flux, portail vers le Couchant, c’est-à-dire vers le séjour des morts.
C’est aussi pourquoi la cathédrale ne peut pas être placée n’importe où.
Pas plus qu’un moulin à vent.
Elle ne peut s’élever qu’en ces “lieux où souffle l’esprit”, c’est-à-dire, comme l’expliquait Vincenot, ces lieux où les courants énergétiques affleurent la surface de la terre et que les hommes connaissent depuis la préhistoire, ainsi qu’en témoigne, par exemple, l’édification de la cathédrale de Chartres - à l’emplacement d’un temple païen abritant un puits réputé guérisseur et à proximité duquel on vénérait une déesse que la Tradition identifia à la Vierge parturiente (Virgo paritura) - ou l’érection de la basilique de Saint-Denis - à l’emplacement d’un sanctuaire druidique, haut lieu spirituel de toute la Gaule déjà “récupéré” par les Romains qui en avalent fait le Monte Jovis (Mont de Jupiter), devenu Montjoie.
Enfin, la cathédrale. véritable “fusée spirituelle”, témoigne, par les lignes mêmes de son architecture, de la volonté de l’homme de surpasser sa nature terrestre pour se rapprocher du Créateur “qui l’a fait à sa ressemblance”.
En quoi la cathédrale d’Evry répond-elle à ces exigences ?
Son emplacement correspond-il à un lieu marqué traditionnellement ?
À quels motifs ont obéi ses promoteurs ?
Son architecture est-elle conforme à la fonction technico-spirituelle d’une cathédrale ?
C’est à quoi nous tenterons de répondre la décade prochaine. (à suivre)
par Serge de Beketch Le Libre Journal de la France Courtoisen° 70 du 9 juin 1995
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