Tandis que les princes et les seigneurs avaient de plus en plus recours à son arbitrage, Louis IX préparait la croisade qu'il avait juré d'entreprendre quatre ans plus tôt.
On venait juste d'apprendre que les Turcs avaient pris Jérusalem…
Cette année-là, la vingt-deuxième de son règne, Louis IX, trente-quatre ans, s'embarquait pour la croisade. Le temps était venu, dit Jacques Bainville, de « pousser les qualités de la race capétienne jusqu'à la sainteté ».
Pieux et juste
Depuis son accession au trône, il s'était nettement affranchi de la tutelle très autoritaire de sa mère Blanche de Castille et avait déjà révélé son âme de chef volontaire, toujours pieux et juste. Tandis qu'il apaisait avec beaucoup d'humanité le drame du Midi languedocien, le roi anglais Henri III, pourtant son beau-frère, n'avait pas hésité à encourager les féodaux français à la rébellion. Ce Plantagenêt, arrière-petit-fils de la trop légère Aliénor d'Aquitaine, admettait mal qu'Alphonse, frère de Louis, fût investi du comté de Poitiers. Une guerre s'en était suivie, mais Louis avait bien vite, au pont de Taillebourg sur la Charente en 1242, puis à Saintes la même année, infligé une bonne leçon à Henri III ainsi qu'à ses turbulents comparses, le Poitevin Hugues X de Lusignan et le Languedocien Raymond VII, comte de Toulouse, encore mal consolé d'avoir dû céder devant l'ordre capétien…
Puis s'était réchauffée la querelle du sacerdoce et de l'Empire, autrement dit entre le pape Grégoire IX, puis son successeur Innocent IV, et le terrible empereur germanique Frédéric II de Hohenstaufen. Prudent, pieux mais non clérical, Louis XI n'avait pas engagé la France aux côtés du pape, plaidant même pour la levée de l'excommunication de Frédéric. Il n'en avait pas moins fait reculer ce dernier qui avait osé tenter un coup de force contre le pape.
Tandis que les princes et les seigneurs avaient de plus en plus recours à son arbitrage, le souci essentiel de Louis était alors de préparer la croisade qu'il avait juré d'entreprendre en 1244 au sortir d'une très grave maladie. On venait juste d'apprendre que les Turcs avaient pris Jérusalem et massacré les chrétiens réfugiés dans l'église du Saint-Sépulcre.
Un joyau de pierre et de verre
L'entreprise était périlleuse d'autant que la querelle de plus en plus violente entre l'empereur et le pape retenait en Europe bon nombre de chevaliers. Le roi d'Angleterre, quant à lui, n'était pas mécontent de voir son rival aller seul au-devant de grandes difficultés. L'armée serait donc composée de Français, avec seulement quelques chevaliers anglais, germaniques et norvégiens. Louis avait toutefois su renforcer ses forces spirituelles. Rythmant sa journée d'actes de dévotion, il avait aussi acheté à l'empereur de Constantinople, Baudouin de Courtenay, la Couronne d'épines, puis un morceau de la vraie Croix, et avait fait bâtir pour abriter ces saintes reliques ce joyau de pierre et de verre qu'est la Sainte Chapelle au coeur de Paris, tout juste achevée au début de 1248. C'est là que, nu-pieds, le 12 juin, le roi porta ces témoignages de la Crucifixion, avant d'aller lever l'oriflamme à Saint-Denis et entendre la messe à Notre-Dame.
En route !
Il quittait la capitale avec son épouse Marguerite de Provence dont il ne pouvait se passer et deux de ses frères, Robert comte d'Artois et Charles comte d'Anjou, laissant à sa mère Blanche de Castille, soixante ans et toute en larmes, une nouvelle fois la régence d'un royaume alors en paix et la garde des quatre enfants royaux. L'autre frère du roi, Alphonse comte de Poitiers, devant aider sa mère, rejoindrait le voyage dans quelques mois.
Le but de l'expédition était, dans un premier temps, d'atteindre l'Égypte, pour y intimider le sultan qui soutenait les Turcs. Pour cela on ferait escale à Chypre pour rassembler les forces : une flotte de 1 800 bateaux en partie achetés à Gènes et à Venise, 3 000 chevaliers, 6 000 écuyers, 5 000 arbalétriers, 10 000 piétons et 8 ou 9 000 chevaux.
Aigues-Mortes
L'armée faisait donc route en cet été 1248, par la Bourgogne, puis la vallée du Rhône s'arrêtant dans les abbayes pour y célébrer la messe et entonner le Domine salvum fac regem ! On se dirigeait au plus vite vers Aigues-Mortes, port que le roi avait fait créer, avec ses impressionnantes murailles fortifiées au milieu des étangs, surmontées du phare de la Tour de Constance. Les vents étant favorables, on prit la mer le 28 août en chantant le Veni Creator. Le sire de Joinville allait commencer de rédiger son historiographie.
Le 17 septembre on arrivait à Chypre où le roi Henri de Lusignan accueillit le roi et la reine à Nicosie. À la grande colère de Louis on y perdit du temps : cohabitation difficile entre seigneurs de toutes origines, entre princes d'Orient et d'Occident, voire entre les ordres religieux, notamment Templiers et Hospitaliers… On était encore dans l'île à la fin de l'année, tandis que Louis peaufinait son plan de débarquement en Égypte, dans un lieu évidemment tenu secret. Le moment approchait du grand héroïsme. Saint Louis allait percer sous Louis IX…
MICHEL FROMENTOUX L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 5 au 18 novembre 2009
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